Victimes cherchent assassins pour meurtre et plus si entente…

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Jacques veut vendre un château qui n’existe pas. Pour cela, il va séduire la patronne de l’auberge afin que celle-ci l’aide car comme par hasard, tous ceux qui ont des raisons de lui en vouloir sont justement à l’auberge : son épouse, ses deux ex-maîtresses, les personnes qu’il a escroquées et mêmes le commissaire qui est à sa recherche. Bref, il y a tous les ingrédients d’une hilarante comédie policière en 2 actes et 5 coups de feu (comptez-les bien : c’est important).

 

ACTE I

 

Nous sommes à Bourg-le-Château, un petit village médiéval, dans le café de l'Auberge de l'Autruche Bleue. Par un bel après-midi d'été, écrasé par la chaleur, les quelques touristes qui se sont hasardés dans cette petite cité, profitent de cette belle journée pour aller la visiter. C'est pourquoi, à cette heure (au lever du rideau), il n'y a qu'un seul client : Jean qui vient justement de s'absenter, probablement aux toilettes. En scène, il n'y a que Ginette, la patronne de l'auberge.

 

Jacques (qui entre dans l'auberge)  - Ah ! Madame Mitard !

Ginette  - Monsieur Simon ! Vous êtes déjà de retour ? Je croyais que vous en aviez pour la journée.

Jacques  - Il faut que je vous parle. Vous êtes seule, madame Mitard ?

Ginette  - Non, il y a Solange qui est en train de faire les chambres, en haut.

Jacques  - Et elle en a encore pour combien de temps ?

Ginette  - Je ne sais pas, moi... Normalement, elle devrait en avoir encore pour cinq minutes. Mais elle, elle peut en avoir encore pour bien... quatre heures. Je me demande comment elle a pu avoir ces références : je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi incapable qu'elle !

Jacques  - Bon ! Ça me laisse un peu de marge : il faut que je vous parle seul à seule, madame Mitard, c'est très important.

Ginette (intimidée)  - Me parler à moi, monsieur Simon ?

Jacques (charmeur)  - Il n'y a qu'en vous que j'ai confiance, madame Mitard.

Ginette (charmée)  - Oh, monsieur Simon...

Jacques (sûr de son charme irrésistible, il passe de l'autre côté du comptoir et vient se mettre tout près de Ginette qui devient de plus en plus émue)  - Ginette... Vous permettez que je vous appelle Ginette ?

Ginette (gloussant)  - Oh, monsieur Simon...

Jacques (l'interrompant)  - Jacques !

Ginette (vaincue)  - Oh, Jacques.

Jacques (rompant le charme)  - Mais ! Là ! Vous n'avez pas un client, là ?

Ginette (plongeant dans ses yeux)  - Un client, où ça ? Je ne vois que vous, Jacques...

Jacques (lui tournant la tête en direction de la table où un client a dû s'absenter mais qui devrait probablement revenir d'une minute à l'autre)  - Non, là ! À cette table !

Ginette  - Ah, là ? (Elle se tourne vers lui comme pour recevoir un baiser) Oh, rassurez-vous, Jacques, nous entendrons la chasse d'eau avant qu'il n'arrive...

Jacques (très ironique)  - Mon Dieu ! Nous nageons en plein romantisme...

Ginette  - C'est vous qui êtes romantique, Jacques... (Elle tend sa bouche pour recevoir un baiser.) Embrassez-moi...

Jacques (qui savait que son charme pouvait agir assez facilement sur Ginette, mais pas à ce point-là)  - Oui, oui... Bien sûr... Vous savez, je ne pense qu'à ça depuis des mois, mais... Voilà...

Ginette  - Allez-y ! Plus rien ne vous retient, maintenant : prenez-moi sauvagement ! (Tendant encore sa bouche pour recevoir un baiser qu'elle espère visiblement de plus en plus fougueux.)

Jacques  - Oui, oui, tout à l'heure... Écoutez, Ginette, je vous en supplie... je n'ai pas beaucoup de temps. Et vous êtes la seule personne qui peut m'aider.

Ginette  - Mais vous savez bien que pour vous, je ferais n'importe quoi, Jacques...

Jacques (au public, dans un soupir ironique)  - Justement !
(À Ginette.) C'est bien pour ça que je m'adresse à vous. (Soudain solennel.) C'est une question de vie ou de mort. Vous voulez - bien m'aider, Ginette ?

Ginette (émerveillée)  - Une question de vie ou de mort ?

Jacques (solennel)  - De vie ou de mort.

Ginette (dans un soupir)  - Comme c'est romantique...

Jacques (pressé)  - Alors ?

Ginette  - Mais bien sûr. Que voulez-vous que je fasse ?

Jacques  - Écoutez-moi. (Il insiste.) Nous sommes bien à Bourg-le-Château, ici ?

Ginette  - Oui, à l'Auberge de l'Autruche Bleue de Bourg-le-Château, exactement.

Jacques  - Voilà ! (Après un temps.) Eh bien... (Il hésite, puis se lance.) J'ai vendu le château.

Ginette  - Vous avez vendu le château ? Ah bon ? (Puis s'interroge.) Mais quel château ?

Jacques  - Ben, le château de Bourg-le-Château !

Ginette (satisfaite de la réponse de Jacques)  - Ah ! Celui-là ! (Puis réalisant.) Mais il n'y a pas de château à Bourg-le-Château.

Jacques  - Si !

Ginette  - Ah bon ? Il y a un château, ici ? (Émerveillée) Ben dites donc, vous ! Vous êtes merveilleux, vous. Moi, ça fait trente ans que j'habite ici et je n'ai jamais vu de château...

Jacques  - Non ! Il n'y a pas de château à Bourg-le-Château, mais il y en avait un.

Ginette  - Ah bon ?

Jacques  - Oui, c'était la dernière citadelle que Jean sans Terre, frère du roi Richard Cœur de Lion, avait sur sol français.

Ginette (qui a visiblement de la peine à suivre)  - Ah bon ?

Jacques  - Exactement. Et c'est pour ça que le roi de France, Philippe Auguste, l'a détruite en 1215, peu après la célèbre bataille de Bouvines. Vous me suivez, là ?

Ginette (buvant les paroles de Jacques)  - Oooh... Jacques... J'irai jusqu'au bout du monde avec vous, Jacques.

Jacques (au public, très ironiquement)  - Super ! (À Ginette.) Bon ! Reprenons ! Écoutez-moi attentivement parce que c'est à partir de là que j'assaisonne l'Histoire de France à ma propre sauce.

Ginette  - Ah bon ? Vous faites de la sauce, vous ?

Jacques (commençant à s'énerver)  - Mais non, je ne fais pas de sauce. Voulez-vous bien écouter ce que je vous dis, bon sang ?

Ginette  - Je bois vos paroles...

Jacques (au public)  - Si elle continue à boire mes paroles comme ça, c'est une histoire qui va tourner en eau de boudin, ça, c'est certain ! (Se reprenant, à Ginette) Bon ! Alors voilà : je fais croire que le château a été reconstruit trente ans plus tard par Saint Louis, en 1245.

Ginette  - Ah ? il a été reconstruit ? Mais je ne savais pas, ça.

Jacques (s'énervant de plus en plus)  - Mais non ! Il n'a jamais été reconstruit ! C'est moi qui ai inventé ça !

Ginette  - Quelle belle histoire que vous inventez, là ! C'est un conte de fées ? Et... J'ai deviné ! C'est moi la petite Cendrillon ? C'est ça ?

Jacques (au public)  - C'est pire que je ne l'imaginais. (À Ginette.) Non, ce n'est pas un conte de fées, c'est une superbe escroquerie que j'ai montée. (Au public.) Et qui risque d'être foutue en l'air à cause de cette... cloche. (Puis se reprenant et souriant à Ginette.) J'ai raconté à un pigeon que le château a été merveilleusement restauré en 1995 dans le plus pur style de l'époque. Mais qu'on y a quand même mis l'eau, l'électricité, le chauffage, etc. Enfin tout ce qu'il faut... Résultat c'est un charmant 32 pièces et demie.

Ginette (emerveillée)  - 32 pièces et demie ? Pfiou !

Jacques  - Ben oui : 8 chambres, 8 salles de bains, 5 cuisines, 5 salles à manger, 3 salons, une salle de bal, une salle de concert et un boudoir.

Ginette  - Ah ? (Après un temps.) Et pourquoi 32 pièces et demie ? C'est quoi le demi ?

Jacques  - Le demi ? Eh bien... (Réfléchissant.) C'est... la salle de torture.

Ginette (très surprise)  - La salle de torture ?

Jacques  - Ah oui ! Absolument d'époque ! C'est nécessaire, c'est pour le cachet.

Ginette  - Pour le cachet ?

Jacques  - Oui, ça fait plus vrai.

Ginette (épatée)  - Ah bon ?

Jacques  - Donc, j'ai vendu ce château qui n'existe pas.

Ginette  - À qui ?

Jacques  - Je ne sais pas.

Ginette  - Comment vous ne savez pas ?

Jacques  - C'est-à-dire que je l'ai vendu par Internet. Ce qui fait que je ne sais même pas le nom du pigeon.

Ginette  - Hou ! En tout cas, voilà un pigeon qui ne va pas vous roucouler à l'oreille quand il va voir qu'il n'y a pas de château.

Jacques  - Or, le pigeon en question doit venir aujourd'hui pour me payer.

Ginette  - Payer quoi ?

Jacques (s'énervant)  - Mais le château !

Ginette  - Mais il n'existe pas...

Jacques (s'énervant un peu plus)  - C'est pour ça que c'est une escroquerie ! Je vais gagner le prix du château qui n'existe pas ! Vous avez compris ?

Ginette (réprimandant, mais avec plein admiration)  - Mais c'est malhonnête, ça, Jacques...

Jacques (s'énervant encore un peu plus)  - Oui, je sais : c'est pourquoi c'est une escroquerie. Mais c'en n'est pas encore une, tant que le pigeon ne m'a pas payé. Or, j'ai rendez-vous avec lui, ici-même dans votre auberge, aujourd'hui.

Ginette  - Et pourquoi ici ?

Jacques (toujours autant énervé)  - Mais parce que je ne pouvais pas lui donner rendez-vous au château. Réfléchissez un peu, voyons ! Puisqu'il n'existe pas.

Ginette  - Ah oui, c'est vrai ! (Et elle rit.)

Jacques (au public)  - Je sens qu'avec elle j'ai vraiment tout gagné. (Se forçant à se calmer, à Ginette.) Comme tôt ou tard, il finira par se rendre compte que le château n'existe pas, je préfère, pour ma sécurité, que le pigeon ne me voie jamais. Comme ça, il ne pourra jamais me reconnaître puisqu'il ne m'aura jamais vu.

Ginette  - Comment vous allez faire, pour qu'il vous donne l'argent sans qu'il vous voie ?

Jacques  - Eh bien, c'est là que vous allez entrer en action.

Ginette  - Oh, comme c'est excitant !

Jacques (au public)  - Je crains le pire. (À Ginette) Comme nous ne savons pas qui est notre pigeon et comme il ne faut pas qu'il sache que le château n'existe pas, à chaque client qui va venir ici, vous allez lui parler des splendeurs du château.

Ginette (heureuse d'avoir compris)  - Bref, je fais le guide touristique du château à pigeons pour pigeonner le touriste pigeon. C'est ça ?

Jacques  - C'est ça.

Ginette (émerveillée)  - Comme c'est romantique !

Jacques (au public)  - Mon Dieu !

Ginette  - D'accord, ça, je peux faire. Et après ?

Jacques (au public)  - C'est pas possible : elle aurait compris ? (À Ginette.) Eh bien, le seul qui va être très intéressé par le château...

Ginette (interrompant Jacques car elle a compris)  - ... Est forcément notre pigeon. (Fière.) Vous voyez : j'ai compris !

Jacques (au public, totalement abasourdi)  - Elle a compris ! (À Ginette.) Forcément !

Ginette  - Oui, mais après, qu'est-ce que je fais ?

Jacques  - Eh bien, comme je serai caché euh... Voyons... Où est-ce que je pourrais me cacher, dans cette pièce ?

Ginette  - Là, dans mon super grand baffle. (Elle l'ouvre.) Tenez, regardez : ça s'ouvre. C'est pour pouvoir réparer quand c'est foutu. Il y a juste assez de place pour vous.

Jacques  - À quoi ça sert ce truc ?

Ginette  - C'est pour la musique ! Une fois par mois, il y a le grand bal de l'Autruche Bleue. Et je peux vous dire qu'avec ça, ça déménage, hein.

Jacques (inquiet)  - Ça, je veux bien vous croire. Et quand est-ce qu'il y aura le bal, la prochaine fois ? Pas aujourd'hui tout de même ?

Ginette  - Non, non, pas avant samedi prochain.

Jacques  - Parfait ! Bon, alors je serai donc caché là-dedans. Et vous, vous taperez discrètement un petit coup sur le côté, comme ça. (Il montre en frappant un léger coup sur le baffle, pour indiquer que le pigeon est là.)

Ginette  - Un petit coup comme ça ? (Elle montre.)

Jacques  - Voilà, ce sera notre signal.

Ginette (toute excitée)  - Notre signal !

Jacques (au public)  - Mon Dieu ! (À Ginette.) Dès que vous aurez lancé le signal, je m'occuperai de l'argent. Comme il doit payer cash, il a certainement une mallette pleine de billets que je lui subtiliserai.

Ginette  - Comment allez-vous faire ça ?

Jacques  - Je la remplacerai par une autre. Ce qui fait qu'il ne s'en rendra compte que beaucoup plus tard. Probablement qu'il ne sera déjà plus là.

Ginette  - C'est merveilleux ! Et après ?

Jacques  - Après... (Rêvant.) Je pourrai enfin recommencer une nouvelle vie.

Ginette (pleine d'enthousiasme)  - Avec moi !

Jacques (après un temps, dans lequel il réalise qu'il ne peut pas lui dire le contraire pour le moment. Ce qui fait qu'il est
résigné.)
 - Avec vous...

Ginette  - Mais votre femme ? Elle est ici ! Dans la chambre 19 ?

Jacques (au public)  - Merde ! Je n'avais pas pensé à elle, moi ! (À Ginette avec un aplomb effrayant.) Tant pis pour elle. Ce qui compte, c'est nous deux ! (Au public.) Mais qu'est-ce que je dis là ? (À Ginette.) Mais si elle arrive, vous frappez deux coups, que je sache au moins qu'elle est là, hein !

Ginette  - D'accord ! Mais il y a aussi mon ancienne femme de chambre, Luce, et sa sœur, Caroline, qui sont à l'auberge justement pour vous voir. Vous ne les attendez pas ?

Jacques (au public)  - Et re-merde ! Ça ne m'arrange pas, ça ! (À Ginette.) Non plus ! Si ce sont elles qui arrivent, vous frappez trois coups. Parce que je ne veux pas les voir.

Ginette  - D'accord, mais pourquoi ?

Jacques  - Parce que je n'ai pas encore payé votre ancienne femme de chambre... (Il dit son nom d'une manière qui trahit bien qu'elle doit sacrément bien lui plaire.)... la belle Luce... (Et il se reprend.) Que j'avais engagée pour faire du cinéma, il y a six mois.

Ginette  - Et sa sœur ?

Jacques  - Elle veut que je fasse éditer ses recettes de cuisine.

Ginette  - Qu'est-ce qu'il y a de mal à cela ?

Jacques  - C'est qu'elle est tellement bigote, qu'elle veut les éditer à l'intention exclusive des bonnes de curés : vous imaginez le débouché ? Je n'ai pas le cœur de lui dire non.

Ginette (admirative)  - Oh, Jacques... vous êtes vraiment plein d'attention...

Jacques (au public)  - Oui, c'est mon point faible... (À Ginette.) Ça m'a d'ailleurs joué un vilain tour avec Maria, la femme de chambre sicilienne, celle qui a remplacé... (Il redit son nom de cette même manière qui trahit toujours aussi bien qu'elle doit sacrément bien lui plaire.)... la belle Luce.

Ginette (avec une certaine amertume)  - Oui ! Celle qui est partie pour vous rejoindre : elle voulait, elle aussi, faire du cinéma, qu'elle disait. Elle était complètement folle de vous. (Avec tendresse.) Je peux vous dire maintenant que j'étais affreusement jalouse.

Jacques  - Oh, mon Dieu, il n'y a pas de quoi ! Maria, c'est une furie ! J'ai réussi à m'en débarrasser quand je lui ai écrit que le genre de film que je produisais était du cinéma X. Depuis, je n'en ai plus entendu parler.

Ginette  - C'est vrai ? Vous faites du cinéma X ?

Jacques  - Mais non ! Je lui ai fait croire ça pour qu'elle me lâche les baskets.

Ginette  - Ah bon ? (Puis réalisant que le temps presse.) Bon ! Maintenant, il faut vous cacher. Entrez là-dedans !

Jacques  - Attendez ! Il y a une petite chose qui me fait un tout petit peu de souci, là.

Ginette  - Quoi donc ?

Jacques (montrant le gigantesque baffle dans lequel il est sensé se cacher)  - Ça !

Ginette  - Quoi ça ?

Jacques  - Ça doit avoir une puissance du tonnerre de Dieu, ce truc ?

Ginette  - Ça ? Ça vous décolle la fusée Ariane en direct.

Jacques (pas rassuré du tout : très ironique)  - Alors c'est parfait ! Je suis complètement rassuré.

Ginette  - Je vous l'ai dit : pas de souci avant samedi prochain. Allez, hop ! Là-dedans !

Jacques  - Attendez ! Surtout ne jouez pas avec la sono qui est là, hein !

Ginette  -...

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