Pour tout décor une plaque de rue :
RUE DU DOCTEUR....
... On ne sait pas qui.
... Et puis devant chaque supposé pavillon (invisible) il y aura à chaque fois une boîte aux lettres sur pied appartenant à l'un des personnages.
Plaque, boîtes, c'est tout.
Scène 1
RUE DU DOCTEUR...
La boîte aux lettres de Jean-Pierre.
Louis - T'es là Jean-Pierre ? (Jean-Pierre apparaît) Ah t'es là, tu vas pouvoir me conseiller.
Jean-Pierre - Tu pars en voyage avec ton sac ?
Louis - Non. En clinique. Trois jours. Dans une heure et quart je suis sur le billard.
Jean-Pierre - Mais qu'est-ce qui cloche ?
Louis - Je sais pas. (un temps) Rien.
Jean-Pierre - N'y va pas.
Louis - Honnêtement, comment tu me trouves sur le plan physique ?
Jean-Pierre - ........
Louis - Je me vexerai pas si tu me trouves un défaut.
Jean-Pierre - Sûr ?
Louis - Au contraire ! Critique-moi sans ménagement, pas de manières entre nous. Tiens ! Oublie qu'on est amis et voisins. Je suis un étranger.
Jean-Pierre - .....
Louis - Une supposition que tu m'observes dans le métro sur la banquette en face. Tu me découvres, tu te fais ton opinion, normalement tu la gardes puisqu'on ne s'est jamais parlé sauf que là, tu brises la glace et la première chose qui sort de ta bouche c'est un défaut. Que j'ai. Lequel ?
Jean-Pierre - On parle pas comme ça à un étranger sans déclencher une bagarre. T'as essayé ?
Louis - Je te demande un effort de franchise.
Jean-Pierre (petit temps) - Franchement, t'es toujours le même depuis que je te connais.
Louis - Cherche un défaut qui t'avait sauté aux yeux quand on s'est connu et que tu ne vois même plus à force de se voir. (temps bref) Comme moi, ton nez.
Jean-Pierre - Quoi mon nez ? Qu'est-ce que tu lui trouves ce matin ?
Louis - Ce matin, rien depuis le temps. Mais au début tu l'avais de travers, c'est petit à petit que ça m'a plus choqué.
Jean-Pierre - Choqué ! Non mais t'as vu le tien ?
Louis - Le mien a un défaut voyant ? Je te supplie de me le dire y a pas une seconde à perdre !
Jean-Pierre - Je t'ai jamais vu comme ça Louis.
Louis - J'ai fait un concours dans une revue médicale. Un concours difficile avec des questions pointues. J'ai jamais fait aucun concours mais là, le premier prix c'était une cure de thalasso d'un mois complet alors j'ai concouru et j'ai remporté le deuxième prix : une opération de chirurgie esthétique.
Jean-Pierre - Laquelle ? De quoi ?
Louis - “Ce que vous voulez”. Le chirurgien est partant, il va me refaire ce que je désire du moment que c'est esthétique. Il sait pas faire autre chose.
Jean-Pierre - Qu'est-ce que vous allez refaire ?
Louis - On ne trouve pas. Mais aujourd'hui, c'est l'opération, faut se lancer.
Jean-Pierre - Enfin, ton chirurgien, c'est à lui de te proposer du neuf.
Louis - Il m'a tout passé en revue avec des photos avant et après. Je ne sais plus. Tout nu devant ma glace, j'ai aucun complexe, rien ne m'obsède comme tous ceux qui vont se faire arranger quelque chose. Je me retrouve au pied du mur et je ne vois rien à refaire.
Jean-Pierre - Tu veux un conseil ?
Louis - Je te demande que ça !
Jean-Pierre - Tu es très bien, tu portes très bien ton âge d'ailleurs à nos âges on a le physique qu'on mérite non ? Alors si rien ne te démange côté esthétique, n'y va pas.
Louis - Il m'attend !
Jean-Pierre - Décommande. Le règlement peut pas t'en empêcher hein ! (temps) D'un autre côté, c'est bête de pas en profiter.
Louis - C'est ce que je me dis.
Jean-Pierre - Sans compter les tarifs des opérations esthétiques et ton séjour gratuit en clinique... Tout cet argent que tu jettes par les fenêtres.
Louis - C'est ce que je me dis. Bon. J'y vais. Reprenons. A ma place, là, hop ! Tu referais quoi ?
Jean-Pierre - Pas mon nez.
Louis - Attends. Le tien ou le mien ?
Jean-Pierre - Le mien. Malgré tes calomnies, je m'en accommode encore mieux que cyrano si, tu vois.
Louis - Il ne s'agit pas de toi. A quoi tu toucherais, si tu étais dans MA peau ?
Jean-Pierre - Tes paupières. Elles s'affaissent.
Louis - Hein ! Tu me l'avais jamais dit ça !
Jean-Pierre - Je l'avais jamais autant remarqué. Elles te cachent le haut des yeux comme un rideau de fer tombant sur une vitrine de Noël.
Louis - Y a du vrai. Seulement, je tiens ça de mon père. Je vais pas aller le renier.
Jean-Pierre - Et si il en faisait un complexe ton père ?
Louis - Les paupières lourdes c'est de famille, lui, les tenait de sa mère que j'ai pas connue mais c'est pas une raison pour aller renier ma grand-mère.
Jean-Pierre - Tes oreilles. Décollées. La gauche légèrement plus décollée que la droite. Attends... Holà, oui ! Nettement plus, ça jure ! Crois-moi fais-les aligner, ton chirurgien en retouchera qu'une, un seul coup de bistouri, couic !
Louis - Si j'y vais, c'est pas pour refaire les choses à moitié. Tiens, mes rides, il peut me les effacer non ? C'est un jeu d'enfant d'après lui. J'en ai pas trop ? Souvent, en photo, ça me gêne.
Jean-Pierre - C'est des rides d'expression Louis, attention, si tu te fais retendre celles du front, ça va te rajeunir le haut mais il faut plus t'arrêter jusqu'au menton, sans ça, ça va t'accuser tout le bas... Une ride c'est comme le fil d'une pelote que tu tires jusqu'au bout et au bout, t'es inexpressif. Même moi, je te reconnaîtrai plus.
Louis - T'as raison, t'es un bon voisin mais qu'est-ce qui reste hein ? Qu'est-ce qui reste ? Parce que le nez, le tour des yeux et celui de la bouche c'est hors de question ! Je les assume, je peux même dire que j'en suis pas mécontent.
Jean-Pierre - Bon... Bon... Ce qui est bête, c'est que t'aies pas une vilaine cicatrice sur une joue.
Louis - Eh non ! Eh non...
Jean-Pierre - Il te l'enlevait et vous étiez quittes, au revoir monsieur !
Louis - Mais oui !
Jean-Pierre - Il est comment ton chirurgien ?
Louis - Oh lui, il est très partant ! Et puis on voit que c'est un esthète.
Jean-Pierre - Et si je t'en faisais une moi de cicatrice ?
Louis - ......
Jean-Pierre - Avec la petite lame de mon couteau suisse, je peux te faire une balafre microchirurgicale, tu me dis exactement ce que tu veux et où, j'opère tout de suite, tu ne sentiras rien parce que j'ai un toucher de lame plus délicat qu'un barbier... Alors, ça va saigner, raisonnablement, mais rassure-toi, tu seras défiguré, promis. Après, tu arrives là-bas, lui, il a plus besoin de se creuser la cervelle, il se penche tout de suite sur ton urgence, il y met un point d'honneur et si c'est un artiste, comme tu le prétends, il ne va pas se contenter de recoudre, non monsieur, il va résorber la plaie et les tissus de manière invisible, d'ailleurs pour ça, je serais pas étonné qu'il te fasse un drainage d'épiderme tout autour et même sur ton autre joue pour rééquilibrer le portrait. Si c'est un maniaque, tu vas retrouver un ovale de visage que t'as un peu perdu en route... Et là, tu ressortiras de ta clinique avec ton deuxième prix : un lifting discret mais nécessaire. Et y a que toi et moi qui le saurons. (un temps) On le fait ?
Louis (un temps) - On le fait.
Jean-Pierre (joyeux) - Je prépare mon couteau, toi, tu choisis ta joue et puis entre, je vais pas te balafrer sur le pas de la porte.
Louis - Et après, tu m'accompagneras ?
Jean-Pierre (il est sorti en chantonnant) - ... Bien sûr ! Je suis curieux, tu penses...
Louis - Oh merci Jean-Pierre merci... Heureusement que t'étais chez toi ! Je t'ai pas dérangé au moins ?
Jean-Pierre (revenant) - Non... Non... J'avais un coup de cafard... je m'ennuyais... (Joyeux, il chantonne)
Noir
Scène 2
RUE DU DOCTEUR...
La boîte aux lettres de Léa.
... Léa et Colette attendent quelqu'un.
Léa (temps) - Je comprends pas elle est toujours à l'heure et c'est moi qui suis jamais prête.
Colette (regarde sa montre) - Il reste encore un petit peu de temps.
Léa - Allez-y sans moi Colette, on va vous mettre en retard. Si elle n'arrive pas, je vous rejoindrai, vous me raconterez le début.
Colette - Là, ce sera difficile.
Léa - Vous m'avez déjà raconté des débuts,...