Vous êtes ici chez vous

Des enfants qui habitent chez leurs parents, quoi de plus normal ? Sauf que ces enfants-là sont trentenaires et ont décidé de revenir au domicile familial à la suite de déboires professionnels ou sentimentaux. C’est ainsi que Benjamin, après un séjour de quatre ans au Brésil, revient en compagnie de Gloria, une petite amie qui s’avère très rapidement oisive et capricieuse. Très vite, Christian, le père, est irrité de constater que Benjamin et Gloria semblent adorer laisser traîner leur vaisselle sale et leurs habits dans le salon, tout en ne se levant jamais avant quinze heures. Lorsque Stéphanie, la sur aînée, larguée après sept ans de vie commune, décide à son tour de venir abriter sa dépression chez Papa et Maman, la situation, attisée par les quiproquos dont sont témoins les voisines, Mme Moulineau et Mme Dubroc, commence à se dégrader sérieusement. Hélène, la mère, plutôt conciliante au début, commencera à s’inquiéter après avoir constaté les disputes violentes et incessantes entre sa fille et son fils. Il ne manquera plus que les interventions maladroites d’un plombier pour que la coupe soit pleine. C’est alors que Mamoune, la grand-mère, conseillera aux parents de modifier leur comportement.

Dans la lignée d’ « Un réveillon à la montagne » ou de « Grand-mère est amoureuse », cette dynamique comédie familiale fera hurler de rire votre public.

Décor (1)

Décor unique Un salon d’une famille de cadres moyens. Côté cour, une porte d’entrée, côté jardin, la chambre de Benjamin. En fond de scène, une porte donnant sur la salle de bains, cuisine et chambres. En devant de scène, un canapé et une table basse, un lampadaire, quelques plantes vertes, un téléviseur.

Acte I

Un salon en désordre. Une table basse, un lampadaire, un canapé. La table est encombrée de casseroles, assiettes sales et verres de rouge à moitié remplis. Sur le lampadaire du salon est suspendu un soutien-gorge. Sur le canapé et par terre traînent pantalons et chemises. Arrivée de Christian Leroi, costume-cravate et attaché-case. Il vient de finir son travail et arrive à son domicile. Médusé devant le désordre, il reste quelques secondes sur place avant de réagir.

Christian - Mais… Qu’est-ce que c’est que ce souk ! Qui m’a fichu un pareil bazar ? C’est carrément Hiroshima ! Non mais regardez-moi ça ! (Il soulève la casserole, sent le contenu tout en grimaçant.) Ah ! beurk ! Et ça ? Et ça ? Cela ne fait même pas un mois qu’il est arrivé et voilà le travail ! Ce n’est pas possible ! (Il ramasse un par un les habits qui étaient sur le sol. Puis avisant le soutien-gorge.) Tiens… Le Crazy-Horse à présent… Monsieur ne se refuse rien… Non seulement il aménage le salon en porcherie mais en plus il fait venir des poules… Eh bien voilà ! Le constat est fait : ce n’est plus un appartement, c’est une ferme. Dès qu’on rentre, on voit tout de suite que le bonheur est dans le pré… Ah mais il va
m’entendre ce petit saligaud… (Il se met à hurler.) Benjamin ! Benjamin !

Une porte s’ouvre côté jardin, entrée de Benjamin. Il est vêtu d’un caleçon et d’un tee-shirt, les cheveux ébouriffés, manifestement il se réveille.

Benjamin (tout en étouffant un bâillement) - Bonjour Papa ! C’est toi qui appelles ?

Christian - Oui c’est moi qui appelle, mais d’abord on ne dit pas « bonjour », à cette heure-ci on dit « bonsoir ».

Benjamin - Ah bon ? Quelle heure est-il ?

Christian - Il est exactement dix-huit heures trente-cinq.

Benjamin - Ben dis donc ! Tu rentres de bonne heure du boulot.

Christian - Bien sûr ! J’étais en déplacement, je me suis tapé des journées de douze heures et lorsque je rentre enfin chez moi, mon fils trouve que je
rentre de bonne heure… Encore un peu et il va me dire que je suis payé à ne rien faire.

Benjamin - Je n’ai pas dit cela.

Christian - Tu peux m’expliquer ce que c’est que ça ? (Il désigne la casserole.)

Benjamin - Ça ? (Il s’empare de la casserole puis renifle.) C’est du cassoulet.

Christian - Je vois bien que c’est du cassoulet… Mais que fait ce cassoulet, à cette heure-ci, sur la table du salon ?

Benjamin - C’est parce que ce matin en sortant de boîte, on a eu une petite faim. Tu sais, danser, ça creuse.

Christian - Bien sûr, bien sûr… Mais après t’être requinqué, tu n’as pas eu l’idée de débarrasser ?

Benjamin - Ben après… on était un peu crevés.

Christian (en tendant le soutien-gorge à Benjamin) - Ah ça, je m’en doute.

Benjamin - Non, tu sais… Vraiment la boîte, ça crève grave.

Christian - Ah bon ? Tu me surprends, un grand gaillard comme toi… La boîte, ça creuse, la boîte, ça crève… Alors que moi je pensais que tu allais me dire : la boîte, ça permet de rester jeune, la boîte, ça conserve.

Benjamin (tout en tortillant le soutien-gorge) - Très drôle.

Christian - Dis-moi, t’as l’intention d’en faire un lance-pierres ?

Benjamin - Ben non, pourquoi ?

Christian - Alors arrête de tirer dessus. Rassure-moi : ce n’est pas toi qui mets ce genre de lingerie ?

Benjamin - Ben non !

Christian - Ne t’offusque pas ! Je m’informe, c’est tout. De nos jours, tout est possible : la preuve. (Il désigne le désordre.)

Benjamin - Je ne pensais pas que tu serais rentré si tôt mais t’inquiète, je vais ranger. Je vais d’abord commencer par me faire une petite toilette et puis après je débarrasserai.

Christian - Ah non mon petit gars, ça ne marche pas comme ça. Tu vas d’abord me faire le plaisir de nettoyer ton chantier, après tu pourras aller te laver. En attendant, c’est moi qui vais squatter la salle de bains… Une bonne douche me fera du bien… Je vais enfin pouvoir me raser correctement… Figure-toi que j’avais oublié de prendre mon rasoir… J’ai dû me résigner à me raser avec des rasoirs jetables, tu parles d’une invention ! Je me suis arraché la figure toute la semaine… Enfin, bon… Au fait, je n’ai pas vu le comité d’accueil. Sais-tu où sont passées ta mère et ta grand-mère ?

Benjamin - Ben non… Elles ont dû sortir. Rien vu, rien entendu… Tu comprends… Comme je dormais…

Christian - Et tu as dormi toute la journée, bravo ! Bonne hygiène de vie. En pleine forme pour te refaire une nuit blanche.

Benjamin - Ben ouais.

Christian - Tu souhaites occuper un poste de veilleur de nuit ? C’est pour ça que tu t’entraînes ? Au cas où ça ne marcherait pas, je te suggère de t’entraîner aussi pour un poste de plongeur. Exercice pratique numéro un : Comment récurer une casserole de cassoulet.

Benjamin - Arrête Papa ! Franchement là, t’es lourd. On ne s’est pas vus pendant quatre ans, ça fait à peine un mois que je suis chez vous et déjà tu fais la gueule. Tu sais des fois je me demande si je n’aurais pas mieux fait de rester en Amazonie.

Christian - Ce n’est pas parce que tu viens d’Amazonie qu’il faut étaler ton désordre en te disant… (Désignant d’un mouvement circulaire la table et le salon.) … C’est là ma zone. Figure-toi que c’est aussi la nôtre. Ta zone à toi, c’est dans ta chambre, là-bas, tu peux étaler ce que tu veux mais pas ici. C’est compris ? … Ah ! autre chose… C’est un plaisir de te revoir, tu sais que tu es ici chez toi, pas de problème… En revanche, on n’a pas précisé le règlement vis-à-vis des visites extérieures… Par rapport aux propriétaires de lingerie par exemple… Tu vois ce que je veux dire ? On en reparlera…

Benjamin - Justement Papa, je voulais t’en parler…

Christian - Tout à l’heure fiston, tout à l’heure… Là, moi, je file à la douche… Bon ! Je compte sur toi pour rendre l’endroit un peu plus présentable et n’oublie pas le désodorisant parce qu’entre les odeurs de pinard et celle du cassoulet, tu le remarqueras, c’est sublime.

Il s’apprête à sortir.

Benjamin - Papa !

Christian - Quoi encore ?

Benjamin - Un bisou. Tu ne m’as même pas fait un bisou. (Il tend la joue.)

Christian (revenant sur ses pas, embrasse son fils, lui frotte la tête affectueusement) - Grand couillon !

Il sort vers la salle de bains. Entrée de Gloria qui sort de la chambre de Benjamin. Elle est vêtue d’un peignoir trop grand pour elle et n’a pas l’air plus réveillée que Benjamin.

Gloria - C’était qui l’abruti qui braillait ton nom ? Un vrai malade, il m’a déchiré la tête. A-t-on idée de gueuler aussi fort ?

Benjamin - L’abruti, c’était mon père.

Gloria - Ton père ? Et il aboie toujours autant ?

Benjamin - Non, seulement quand il voit du cassoulet.

Gloria - Tu devrais essayer les croquettes, peut-être que ça le calmerait.

Benjamin - Ne te fie pas aux apparences, Papa est un monsieur vraiment charmant, tu verras,
il est adorable, tout autant que le reste de la famille : Mamoune est la
grand-mère que tout le monde aurait rêvé d’avoir tandis que Maman, c’est la gentillesse incarnée, elle se plierait en quatre pour te faire plaisir.

Gloria - Je l’espère parce que je veux bien faire l’effort de venir habiter ici mais je n’ai pas du tout envie qu’on vienne me marcher sur les arpions… Mais dis donc ! Qu’est-ce que tu fais avec mon « soustaing » ? T’es fétichiste ou quoi ?

Benjamin - Non… Non… C’est mon père qui me l’a donné.

Gloria - Ah bon ? Lui aussi ? Ça commence bien : un fils et un père obsédés du soutif, je sens que je vais me plaire ici. Aïe aïe aïe ! Qu’est-ce que j’ai mal à la tête ! Ça va toi ?

Benjamin - Tu parles ! Je suis dans le même état que toi. J’ai l’impression d’avoir dans la tête un DJ qui fait danser un troupeau de bisons et de kangourous réunis. Faut dire que cette nuit, on a bien vécu. On n’aurait pas dû finir au whisky… Je crois que c’est ça qui nous a tués.

Gloria - Ouais, le whisky c’est mortel… Dis-moi… Tu voudrais bien me faire un bon petit café, histoire de me remettre les idées en place ?

Benjamin - Il doit certainement exister d’autres moyens pour se remettre les idées en place, le café peut bien attendre. Hum ? Qu’en penses-tu ? (Il s’approche de Gloria et tente de la caresser.)

Gloria - Non mais ! Tu vas te calmer ! Toi, t’as trop fréquenté les bonobos pendant ton séjour. Il va falloir atterrir, pépère. Ici on ne saute pas comme ça sur les jeunes filles. Espèce de grand singe !

Benjamin - Je ne voudrais pas te contredire mais sache pour ta gouverne que les bonobos
vivent en Afrique et non en Amazonie.

Gloria - Vas-y ! Continue ! Étale ta science.

Benjamin - Je n’étale pas, je t’instruis. Sais-tu qu’en Amazonie j’ai connu une jeune fille beaucoup plus câline que toi ? Tu veux savoir comment elle s’appelait ?

Gloria - Je m’en fiche.

Benjamin - Je vais te le dire quand même. Elle s’appelait Anna, Anna Conda. Elle adorait s’enrouler autour de moi.

Gloria - Une grosse allumeuse ta copine ! Eh ben, calme ta joie parce que moi, je ne suis
pas du tout comme ça.

Benjamin - T’aurais pas envie de m’allumer un peu ce matin ? (Il recommence à devenir pressant.)

Gloria - Arrête ! Tu connais le point commun entre un homme et une allumette ? Dès qu’on les chauffe, ils perdent la tête… Alors je préfère que tu gardes la tienne et que tu ailles me faire un café. Allez ! Au boulot !

Benjamin - Dis donc, toi ! Tu serais pas un peu directive ? J’ai l’impression d’entendre mon père. Je suis sûr que vous allez bien vous entendre.

Gloria - À condition qu’il ne cherche pas à m’aboyer dessus.

Benjamin - C’est sûr que si vous êtes à deux à aboyer, il faudra distribuer les muselières… Ne fais pas cette tête-là ! Je plaisante ! (Avisant la casserole, il se penche puis prend délicatement une saucisse qu’il tient entre deux doigts.) Tu en veux ?

Gloria - Un café ! J’aimerais un café.

Benjamin - Un café ? C’est comme si c’était fait. (Il mange un bout de saucisse.) Même froid, ce n’est pas mauvais… T’es sûre que tu ne veux pas goûter ?

Gloria (énervée) - Un café.

Benjamin - Tu préfères la tremper dans le café ? C’est cela ? Ne bouge pas, je m’occupe de tout. Tu vas te régaler.

Il sort.

Gloria - Celui-là, il est gentil mais il a besoin d’être dressé. (On sonne à la porte.) Quoi encore ? On ne peut pas être tranquille dans cette taule !

La sonnerie retentit à nouveau puis la porte s’ouvre. Entrée de Mme Moulineau et de Mme Dubroc. Mme Moulineau tient une orchidée tandis que Mme Dubroc tient un pulvérisateur.

Mme Moulineau - Y a quelqu’un ? Hou ! hou !

Mme Dubroc - Hou ! hou ! Madame Leroi ?

Mme Moulineau (s’avançant dans la pièce) - Il n’y a personne ? (Apercevant Gloria.) Ah ben si ! Bonjour mademoiselle.

Mme Dubroc - Nous venons voir Mme Leroi… Nous sommes des amies… Vous ne...

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