A vol d’oiseau, ça fait combien ?

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Dans un désert champêtre, une citadine très chic tombe en panne de voiture. En pénétrant dans l’unique maison alentour, afin d’y demande de l’aide, elle provoquer la rencontre la plus improbable de toute sa carrière de négociatrice. Collision, simple accrochage, échauffourée, baston, fantasme ou cauchemar ?

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Le décor est composé d’une table, de deux chaises en bois, de quelques cartons disséminés ici et là, de caisses et de casiers à bouteilles. Sur la table, il y a une bouteille de vin, un verre, des couverts et un poste de radio qui diffuse une chanson d’Alain Bashung (« Mes bras », album « Imprudence »). Un homme entre, une assiette à la main et un torchon sur l’épaule. Il est vêtu d’un vieux jean et d’un large sweat-shirt. Il pose l’assiette sur la table et s’assoit. Il mélange une sorte de bouillie qu’il s’apprête à manger. La musique du transistor grésille et s’arrête brusquement. Il triture le poste sans succès puis le démonte avec une fourchette. Il en sort deux piles qu’il teste avec la langue de façon craintive. Dépité, l’homme commence à manger quand… on entend une voix de femme à l’extérieur.

Elle, off. – Bonjour ! Y a quelqu’un ? Bonjour !… Hou ! hou ! Y a quelqu’un ?…

Son visage se ferme brusquement. Il semble paniqué, totalement affolé. Il se lève précipitamment, vient en avant-scène. Il semble se cacher pour ne pas être vu, comme derrière une fenêtre ou un rideau.

Elle, off. – Ho ! hé ! S’il vous plaît !… Y a quelqu’un ?… Quelqu’un m’entend ?… Y a quelqu’un dans la maison ? Y a personne ? S’il vous plaît !

L’homme, sur la pointe des pieds, retourne s’asseoir. Il se fige.

Une femme entre subrepticement dans la pièce. Elle est vêtue d’un manteau très classe et d’un tailleur, elle a des talons aiguilles, un sac en bandoulière et à la main une sacoche.

Brusquement, elle sursaute en apercevant l’homme.

Elle. – Aaaaaah !… Vous m’avez fait une de ces peurs !… Bonjour, monsieur… La porte était ouverte… J’ai appelé plusieurs fois, mais personne n’a répondu, alors je me suis permis d’entrer… Monsieur ? Excusez-moi de vous déranger, je suis tombée en panne… Monsieur ?… (Plus fort.) Monsieur ?… (L’homme ne répond pas et ne lève même pas la tête vers elle. Il est figé.) Monsieur ! Monsieur, vous m’entendez ?… (Elle s’approche de lui.) Monsieur ?… (Elle lui parle très fort.) Bonjour, monsieur. Excusez-moi de vous déranger mais…

Lui. – Mais hééé ! Pourquoi vous braillez comme ça ?

Elle, légèrement décontenancée. – Ah ! « but you speak french » ! Excusez-moi, mais comme vous ne répondiez pas, j’ai cru que vous étiez sourd ! Ou pire : anglais ! (Elle rit.) Je plaisante… C’est de l’humour !… O. K. ! Vous me recevez bien là ? (L’homme la regarde, perplexe.) Alors, figurez-vous que je suis tombée en panne avec ma voiture pas très loin d’ici. Je roulais tranquillement. Un voyant rouge s’est allumé. Peu de temps après, sous le capot, à l’avant, une fumée blanche est sortie. Et de plus en plus. Si vous aviez vu cette fumée… Hiroshima, vous connaissez ? Eh bien, pareil mais en pire. Impossible de voir la route. Elle a commencé à tousser, à tousser, la voiture bien sûr, pas la fumée, et même à freiner toute seule, par à-coups : paf, clac, clac, clac et pouf ! Et d’un seul coup, elle s’est arrêtée net, plus rien, plus un bruit. Rien que de la fumée et une odeur de caoutchouc brûlé épouvantable. J’essaye de redémarrer, impossible, rien à faire. Alors je panique, je regarde autour de moi et là… l’horreur ! Un authentique désert, la campagne à perte de vue, du vert, rien que du vert avec des arbres, des arbres partout et de l’eau. Je cherche mon iPhone. Et là, vous ne devinerez jamais : vide ! Totalement déchargé, plus de batterie, même pas une petite barrette de rien du tout, inutilisable ! J’ai totalement oublié de le recharger hier soir. C’est fou, on fait des millions de choses, on s’agite dans tous les sens et puis hop ! on oublie l’essentiel. Enfin, vous savez ce que c’est… Non, vous ne savez pas ! Bon !… Bien entendu, pas de chargeur. En plus, vous n’allez pas le croire, j’ai prêté mon cordon d’allume-cigare à ma sœur dimanche dernier et cette idiote a oublié de me le rendre. Je la déteste. C’est une idiote. Ah si ! Y a pas d’autre mot. Vous diriez quoi, vous ? Rien ? Eh bien, moi, je vous le dis : c’est une idiote !… J’ai attendu des heures au bord de la route, personne, pas une voiture, pas le moindre camion. En m’éloignant un peu de ma voiture, j’ai aperçu votre toiture… C’est là que je me suis décidée à venir vous demander de l’aide. Vous êtes la seule maison dans les alentours. Je me suis dit que vous pourriez peut-être me dépanner. Vous vous y connaissez en voitures ?

Lui. – …

Elle. – Tant pis !… Bon, ben vous pourriez peut-être m’indiquer le garage le plus proche ?

Lui. – …

Elle. – Tant pis !… Bien, bien, bien ! Je vais, si vous le permettez, consulter l’annuaire… Un annuaire ? Vous avez un annuaire, s’il vous plaît ? Vous savez, un gros livre jaune avec plein de noms et plein de chiffres : a… nnu… aire.

Lui. – …

Elle, domine son agacement. – Bon ! Je vais appeler les renseignements. (Elle cherche du regard le téléphone.) Je peux utiliser votre téléphone ?… (Il ne répond toujours pas.) Vous pouvez m’indiquer où se trouve votre téléphone, je vous prie ?(Il fait non de la tête. Elle parle beaucoup plus fort.) Votre téléphone, il est où ?

Lui, parle aussi fort qu’elle. – Y en a pas !

Elle, fort. – De quoi ?

Lui. – De téléphone.

Elle, fort. – Eh ben ?

Lui. – Y en a pas !

Elle, violente. – Comment ça, y en a pas ? (Effarée.) Vous n’avez pas le téléphone ?

Lui. – Non.

Elle. – Vous plaisantez ? C’est une blague ! Vous n’avez peut-être pas de fixe, mais vous avez au moins un portable ! (Il fait non de la tête.) Vous n’avez pas de téléphone du tout, du tout, du tout ? (Même réponse.) Ce n’est pas possible… Vous êtes sérieux ? (Il ne répond pas. Elle hausse le ton.) O. K. ! Écoutez-moi bien ! J’ai absolument besoin de téléphoner. Y a bien un téléphone quelque part ! Une cabine téléphonique ou des voisins qui ont le téléphone, peut-être même l’électricité et l’eau courante…

Lui. – Les Parisiens, plus bas. Mais sont pas là, fait trop froid.

Elle. – Et au village le plus proche ?

Lui. – Sainte-Christine, à vol d’oiseau, c’est juste derrière.

Elle. – À vol d’oiseau ?

Lui. – Ben oui. Par la route, y a seize kilomètres.

Elle. – Seize kilomètres ? Et à vol d’oiseau, ça fait combien ?

Lui. – Ça dépend de l’oiseau. Une tourterelle, un quart heure ; deux bonnes heures pour une bécasse.

Elle, rire forcé. – C’est une blague ?

Lui. – Derrière c’est le marais, je ne vous le conseille pas, quand on ne connaît pas… Vaut mieux passer par la route, c’est plus long mais c’est plus sûr.

Elle. – Si j’ai bien compris, c’est seize kilomètres ou rien ?

Lui. – Hé !

Elle. – Seize kilomètres !… C’est énorme seize kilomètres ! Vous vous rendez compte ? Seize kilomètres !

Lui. – Ah oui ! Ça fait au moins… quatre fois quatre et même deux fois huit des fois, trois bonnes heures en marchant d’un bon pas.

Elle, à elle-même. – Je fais quoi ? Je fais comment ?… (Beaucoup plus gracieuse.) Ça m’ennuie de vous demander ça, mais est-ce que vous auriez la gentillesse, l’amabilité, l’extrême bienveillance et tout ça, de me conduire jusqu’à un téléphone ? Vous seriez très aimable. (Il ne répond pas.) S’il vous plaît. Ça ne vous prendra que quelques...

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