Brèves de parloirs
Ecrit au départ pour des ateliers adultes de théâtre, des scènes de vie dans le milieu carcéral. Tantôt tristes, tantôt drôles ou touchantes. Inspirées des brèves de comptoirs… Ici , des brèves de parloirs.
🔥 Ajouter aux favorisEcrit au départ pour des ateliers adultes de théâtre, des scènes de vie dans le milieu carcéral. Tantôt tristes, tantôt drôles ou touchantes. Inspirées des brèves de comptoirs… Ici , des brèves de parloirs.
🔥 Ajouter aux favorisBrèves de Parloirs (12)
-BREVE 1-
Trois hommes et d’autres en fond
H1 : Ma vie n’a jamais été facile. En fait, ça a commencé quand j’étais petit. Ma mère était jolie, douce, sympathique…. Mais elle me cognait.
H2 : Qui s’en fout ?
Les autres lèvent la main
H1 : Sympa les gars, j’allais vous raconter ma vie, me livrer à vous en somme, et je suis sûr que vous auriez chialé !
H2 : Nous ? Chialer ? Tu nous as bien vu ? On est des durs, des vrais, des hommes quoi !
Les autres : Ouais !
H2 : Alors tes histoires de gamins qu’on cogne, on s’en cogne !
Les autres : Ouais !
H1 : Ma sœur aussi se faisait cogner…
H2 : Ah ouais ? La pauvre… Elle devait trop la ramener.
Les autres : Ouais !
H3 : Les femmes la ramène trop aujourd’hui.
H2 : C’est pour ça qu’à un moment (il lève le poing)…
H1 : Vous êtes mariés les gars ?
Les autres : Sûrement pas !
H2 : Pour supporter leurs hormones, jamais satisfaites, sûrement pas !
H3 : Des girouettes ! Elles peuvent dire tout et son contraire dans la même phrase ! Sûrement pas !
H2 : En plus, ça t’interdit tout ! La bière, les potes, les matchs.
Les autres : Ouais !
H3 : Alors les femmes, ça se tait, ou tu les cognes.
Les autres : Ouais !
Un temps
H1 : Et vos maman ?
H2 : Ben quoi nos mamans ?
H1 : Ce sont des femmes, non ?
H3 : Touche pas à nos mères, mélange pas tout, t’es cinglé toi !
H2 : Les mères, c’est sacré !
Les autres : Ouais !
H1 : Ben j’ai un scoop les gars.
Les autres : Ha ouais ?
H1 : Les mamans, avant d’être des mamans, c’étaient des personnes qui ouvraient leurs bouches au gré de leurs hormones ! C’étaient des femmes !
Les autres + H2 et H3, commençant à pleurer : Ouais.
-BREVE 2-
Un homme et une femme
F1 : ça va, tu manges bien ?
H1 : Oui, il n’y a pas trop de choix dans les desserts mais ça me rappelle le Flunch.
F1 : Bien… Et tu dors bien aussi ?
H1 : Ecoute, on entend ce qui se passe dans les chambres d’à côté parfois, et le lit, c’est pas un king-size comme à la maison mais bon, je dors correctement.
F1 : Tu me le dis sinon, et j’irai voir le directeur pour me plaindre.
H1 : Attends un peu, mon séjour ici commence à peine !
F1 : Et le sport ? C’est pour ça que tu es là. Les entrainements se passent bien ?
H1 : Oui, j’ai trouvé un coach du tonnerre ! Il est à l’écoute, et prend trois fois rien.
F1 : Ah ! Je suis contente alors, c’est bien ! C’est très bien ! Tu ne manques de rien ?
H1 : Ben mise à part la liberté, de rien.
-BREVE 3-
Deux hommes
H1 : Le matin, réveil à 6h, douche, p’tit dèj’ à 7. Puis, 7h30, début du travail. Midi, repas, 13h, balade et 14h de nouveau au travail jusqu’au souper à 18h30. Puis lecture à 19h30, au lit à 20h et on dort à 20h30. Et le lendemain, rebelotte, encore et encore !
H2 : Et t’as pas de week-end ?
H1 : Non, c’est 7 jours sur 7 !
H2 : Mais tu vis dans un monde de boulot dodo sans métro ! T’es au Canada ?
H1 : Non.
H2 : T’es méga bien payé au moins !
H1 : Non.
H2 : Mais t’es où ?
H1 : Prison de Fleury Mérogis.
-BREVE 4-
Deux hommes
H1 : Pardonnez-moi mon père, parce que j’ai pêché.
H2 : Ho, figue, je suis pas ton père mais ton pote… Alors, t’as péché quoi ? Et où ? Moi j’préfère la pêche en mer…
H1 : Joue le jeu, s’il te plaît, j’ai besoin d’avouer des trucs.
H2 : Des trucs que t’as pas dit au moment où il fallait parler ?
H1 : C’est ça.
H2 : Bon, ok, je t’écoute, vide ton sac !
H1 : J’ai amassé beaucoup de biens depuis dix ans : objets de valeur, pierres précieuses, tableaux de maîtres, etc…
H2 : Je te pardonnes…
H1 : Attends, j’ai pas fini… J’ai tout planqué dans un même lieu.
H2 : Ah… Et ?
H1 : Et je souhaite laver mes pêchés en donnant tout ça à une œuvre de charité.
H2 : Mais les péchés, c’est quand on fait du mal, là t’as rien fait de mal. On a le droit d’amasser des objets chez soi. C’est pas un crime ! C’est le principe de notre société de consommation.
H1 : Oui mais ces biens, ils n’étaient pas à moi.
H2 : Ben je m’en doute ! Le principe d’acquérir des biens, c’est de les acheter à quelqu’un ! Evidemment qu’ils n’étaient pas à toi, sinon t’aurai été bien bête de te les acheter !
H1 : T’es con où tu le fais exprès ?
H2 : Je suis con faut croire… Je comprends rien. Tu veux racheter quoi en faisant tout cadeau ? Parce qu’après, fais gaffe, t’auras plus de tune et là tu pourras plus rien racheter, après !
H1 : Si si, il est bien con… Ecoute moi, tous ces biens…. Je les ai volés !
H2 Mais t’es grave, toi ! T’es un escroc alors ?
H1 : Et tu crois que je suis ton collègue de cellule pour quoi ?
-BREVE 5-
Deux femmes
F1 : Avec mes conneries, je ne verrai pas grandir mon fils.
F2 : Pourquoi tu dis ça, j’y vois que des avantages moi.
F1 : Des avantages, t’es dingue toi ! On voit que t’as pas eu d’enfants, sinon tu saurais combien une maman est liée, viscéralement, à sa progéniture.
F2 : J’en ai eu deux. Un garçon et une fille… en même temps… jumeaux hétérozygotes… j’te raconte pas la déchirure que ça a été…
F1 : Ah tu vois, déchirure de la séparation !
F2 : Ben non, déchirure à la naissance lors du passage !
F1 : Ah…
F2 : Deux teignes en plus… Je prenais le garçon pour taper sur la fille.
F1 : Mais ces moments de l’enfance, tu les as vécu au moins !
F2 : Penses-tu, on me les a retirés à six mois… Pour maltraitance…
F1 : Ah…
F2 : Mais je t’assures que tu vas rien y perdre.
F1 : Et l’émoi de la première dent ?
F2 : Il arrêtera pas de chialer, fièvre, tu vas pas dormir de la nuit et tu devras appelé le médecin de garde tellement ses cris te réveilleront !
F1 : Et l’émoi du premier : maman ?
F2 : Il dira d’abord : papa, tu seras frustrée, dégoutée, tu lui en voudras toute ta vie… Pour un peu que tu sois déjà séparée du père, il va jouer la dessus pour récupérer la garde exclusive !
F1 : Et l’émoi des premiers pas ?
F2 : Le début du stress oui ? Tu vas sursauter à chaque pas de peur qu’il s’étale, et quand il se sera ouvert la tronche, tu achèteras un casque en mousse expansée, comme tout le monde, et tu calfeutreras tes coins de meubles avec des idées à la con trouvées sur Pinterest. Bravo le design de ton appart’ !
F1 : Et le premier Noël, l’émoi de le voir réaliser qu’il a des cadeaux…
F2 : Il en aura tellement qu’il les ouvrira à peine et les jettera sur le côté. Il passera plus de temps à jouer avec les boîtes ! Et puis chez toi, ça ressemblera vite à un magasin Joué Club, alors tu devras t’emmerder, pour vider ta baraque, à te lever à 5h du mat’ les dimanches pour aller revendre tout ça dans un vide-greniers à Dédé la frite !
F1 : … du père-Noël ?
F2 : Quand il apprendra le mensonge du siècle, tu devras lui payer 5 ans de psychothérapie pour plus t’en vouloir de lui avoir menti toutes ses années !
F1 : Et la fierté de ramener des bonnes notes de l’école ?
F2 : Déjà, il n’y a plus de note mais des « Evaluations de compétences » avec des codes couleurs à la noix, et qui te dit qu’il sera pas en situation de handicap ? ça veut dire MDPH, des dossiers d’une tonne à remplir, des réunions d’Equipe de suivi de scolarité à n’en plus finir, et une AESH à se coltiner.
F1 : Bon, je te parle pas de sa première copine ?
F2 : Non, vaut mieux pas, car tu sais pas si ce ne sera pas un copain, ou deux, ou un copain et une copine en même temps, ou un trans, ou un non genré, ou un fluide, bref des scénarios qui te filent le tournis !
F1 : Ok, je te remercie, quel bonheur d’avoir été séparée de mon fils… à cause des 10 ans de prison que je viens de prendre…
F2 : Ah tu vois quand tu veux !
F1 : Il ne me reste plus qu’à t’étrangler pour être préservé 10 ans de plus.
-BREVE 6-
Un homme et une femme
F1 : T’as pensé à changer le filtre du frigo américain ?
H1 : Oui chérie, t’inquiète pas, je l’ai fait.
F1 : Et la litière du chat ? T’as bien pris la même marque au moins ? Sinon, il fait à côté !
H1 : Oui, oui, c’est fait aussi… Selon tes indications chérie.
F1 : Bien… Et tu penses bien à sortir la poubelle jaune le mardi soir pour le mercredi matin et la verte le mercredi soir pour le jeudi matin.
H1 : Oui c’est fait. Je m’en souviens car c’est marqué sur un post-it que tu avais toi-même collé sur le frigo.
F1 : Bien, bien… ET les voisins ? Evite-les et ne raconte pas notre vie, ils n’ont pas besoin de savoir. Pour vivre heureux, vivons cachés tu connais.
H1 : Bien sûr chérie, je ne les vois jamais mais don’t worry, et be happy de ce côté-là aussi !
F1 : C’est quoi cette chemise ? Tu fais la grève du repassage toi maintenant ? ça fait pas sérieux et négligé ! Tous ces plis…
H1 : Mais il me tardait tellement de venir te voir chérie, que j’ai fait vite et …
F1 : Et c’est pour ça que t’es pas rasé, t’as pas mis de gel et tes mocassins ne sont pas cirés ? J’ai vu, merci bien le respect pour moi…
H1 : Tu n’es pas contente de me voir ?
F1 : Si, mais je t’accorde 20 minutes de moins avec moi pour te voir impeccable !
H1 : Compris…
F1 : Et arrête de me faire passer pour une hystérique ou je ne sais quoi, je le vois bien ton regard pernicieux là, c’est trop facile, c’est toi l’hystérique de nous deux en attendant car ….
Une voix : C’est terminé !
H1 : Ah, c’est l’heure, je dois y aller. A la semaine prochaine mon amour !
H1 s’éloigne de F1 et se tourne face public.
H1 : Ah, c’est bon ça, le parloir qu’une fois par semaine. Avant, c’était ça tous les jours et 24 heures sur 24… Yess !
-BREVE 7-
Deux hommes
H1 : Je regrette d’avoir mis fin à mes jours…
H2 : Quoi ? Ben non, t’as mis fin aux jours de ta femme.
H1 : Oui, mais la prison à vie, c’est aussi la fin des miens…
H2 : Quoi ? Ben non, là, t’es en train de me parler, elle… elle peut plus.
H1 : Oui, c’est sûr, mais on peut rien faire d’autre ici. Moi je veux boire.
H2 : Quoi ? Ben non, surtout pas, t’as l’alcool mauvais. Rappelle-toi, tu m’as dit que tu devenais violent et que c’est à cause de l’alcool que tu frappais ta femme.
H1 : Oui mais du coup, c’était pas moi... Je suis innocent.
H2 : Quoi ? Ben non, c’est bien tes mains qui ont serré son cou et c’est bien toi qui diriges tes mains.
H1 : Non, je ne contrôlais plus mes mains, je suis innocent.
H2 le regarde et lui met une grosse claque en pleine tête.
H2 : Désolé, c’est pas moi mais cette conne de main.
-BREVE 8-
Deux femmes
Deux femmes sont debout côte à côte et regardent dans la même direction.
F1 : Tu fais quoi dans la vie ?
F2 : Serveuse dans un restaurant, et toi ?
F1 : Très drôle…
F2 : T’as toujours fait ce boulot ?
F1 : Oui, ça me plaît…
F2 : T’es bizarre quand même. J’imagine pas que petit, on puisse rêver de ce boulot. C’est quoi le délire ? On veut être docteur, policier ou pompier, mais ce travail-là ?
F1 : Et pourtant, moi, ça me plaît. On se sent utile et moi j’aime le faire humainement.
F2 : C’est pas humain ce monde ! Il est artificiel, faux, cloisonné, hiérarchisé.
F1 : Bienvenue sur notre planète au 21ème siècle poulette ! Tu vis dans le monde de oui oui ?
F2 : Non non. Tu comprends bien de quoi je parles…
F1 : Justement non… Regarde, là, par exemple, on discute toutes les deux en regardant ce match.
F2 : Oui mais il n’ya pas la bière et les chips !
F1 : S’il n’y a que ça qui te manque, c’est toi qui est bizarre, là !
F2 : On n’est pas pareille toutes les deux.
F1 : ça c’est sûr, mais en ce moment, je te prouve que je peux exercer mon boulot avec humanité. Tu aurais pris le temps, toi, de parler avec moi en plein service dans ton restaurant ?
F2 : Sûr que non, pas le temps, en plus un soir de match, on est blindé !
F1 : Alors profite, et imagine que tu bois une bière…
F2 : J’bois pas d’alcool.
F1 : Et ben en plus ! Alors il te manque rien. Prends le temps de profiter de ce moment avec moi…
F2 : T’as raison, j’ai presque le bon rôle… Moi je suis là tranquille et toi, ben tu bosses !
F1 : C’est ça… Bon je te laisse numéro d’écrou 57 128. Bonne fin de match j’ai fini mon service.
-BREVE 9-
Cinq hommes
H1 : Vous savez les gars, la vie, c’est comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ! La preuve, on est là…
H2 : Faut reconnaître… C’est du brutal…
H3 : Vous savez, moi, je ne crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres, forgent une destinée… Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face, je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ce n’est pas mon cas, comme je le disais là, puisque moi, au contraire, j’ai pu. Et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie je danse la vie… Je ne suis qu’Amour !
H4 (regardant H3) : Houlà, quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner toi !
H1 : Oui, mais c’est cruellement fatiguant d’être intelligent !
H2 : Les cons, ça ose tout, c’est même comme ça qu’on les reconnaît !
H1 : C’est à moi que tu parles ? You talking to me ? C’est à moi que tu parles ?
H2 : Ecoute mon p’tit, je voudrais pas te paraître vieux jeu, ni encore moins grossier. L’homme de la pampa parfois rude, reste toujours courtois… mais la vérité m’oblige à te le dire : tu commences à me les briser menu !
H3 : La différence entre toi et moi, c’est que moi, j’ai la classe !
H1 : Moi j’ai les mains faites pour l’or, et elles sont dans la merde ici !
H3 : Les choses que l’on possède finissent par nous posséder !
H4 : Houlà, faudrait construire des asiles pour les cons, mais vous imaginez la taille des bâtiments ?
H2 : Mais moi les dingues, j’les soigne, j’m’en vais leur faire une ordonnance et une sévère, j’vais vous montrer qui c’est, l’taulier ici !
H1 (mimant une arme dans sa main) : Wow, tout le monde se calme ! Ceci est un police piton 357 magnum, avec ça mon pote, j’te fais un trou dans l’buffet, tu fais trois fois le tour de ton slip, direction Pékin !
H5 entre sur scène :
H5 : Eh les gars, vous n’êtes pas au cinéma là, vous êtes dans une prison, dans la vraie vie ! Fin de la promenade, tout le monde en cellule !
-BREVE 10-
Monologue d’un homme à genou
H1 : Moi, c’est Bernard. Bernard MARTIN. C’est banal hein ? Comme ma vie…
Je suis en prison... Mes journées sont rythmées, certes, mais je suis en prison. Et en plus, j’ai rien fait ! Je vous le jure. Bon, c’est ce que dit tout le monde ici, mais moi, c’est vrai. Vous ne me croyez pas ? Pfffff
Ma conduite est irréprochable. Je fais exactement ce que l’on me dit de faire. Les portes s’ouvrent, se ferment. Je vais au parloir. Je parle à des assistantes sociales qui viennent pour la réinsertion. Je parle aux infirmiers qui viennent pour administrer des soins. Je parle avec les détenus, pas trop non plus car eux, ils ne sont pas, pour la plupart, fréquentables…
La vie est faite de choix… Moi j’ai choisi la prison. Il y a pire comme endroit, non ?
Moi me lever à 4 heure du matin pour mettre des yahourts en rayon, c’était pas une vie… Alors j’ai choisi de vivre dans ce monde fermé. Ça n’a pas été facile d’y entrer… J’ai dû m’y reprendre à plusieurs reprises pour y rester longtemps… Un CDI quoi…
Mais dans la vie, faut persévérer et quand on se donne les moyens, on y arrive ! La preuve ! Mes parents sont fiers de moi en plus, quelle réussite, ils disent !
Mais je m’aperçois que je n’ai pas de vie en somme, je passe presque tout mon temps en prison… Pourquoi presque ?
Je suis surveillant pénitentiaire dans une maison d’arrêt Haute sécurité !
-BREVE 11-
Une femme et un homme
F1 : Bonjour Monsieur, comment allez-vous depuis notre dernière entrevue ?
H1 : Bien, merci, même si je dors peux depuis quelques jours.
F1 : Et pourquoi donc ?
H1 : J’ai peur…
F1 : Il ne faut pas, je vous assure. Je suis là pour vous aider de toutes façons.
H1 : Les cachets ne font rien, je suis angoissé et du coup, je n’arrive pas à m’endormir.
F1 : Que puis-je faire pour vous alors ?
H1 : M’épouser.
F1 : Quoi ? Ecoutez, monsieur, ce n’est pas un speed dating ici, et j’ai déjà quelqu’un.
H1 : Nous serions un trouple ! Il faut être moderne et ça me rassurerait de savoir qu’on vivrait ensemble.
F1 : C’est gentil à vous, merci pour cette proposition, mais, pouvons-nous avancer s’il vous plaît, j’ai d’autres personnes à voir ce matin.
H1 : Ben, il n’y a plus rien à dire si vous ne voulez pas m’épouser.
F1 : Je vous rappelle que c’est notre dernier entretien, alors c’est le moment de me parler… avant le grand saut.
H1 : J’ai peur, je ne veux pas sauter…
F1 : C’est la suite logique des choses, monsieur, il faudra.
H1 : Je préfère rester là alors.
F1 : Vous n’êtes pas sérieux ? La Vie vous attend dehors.
H1 : Je suis dehors ici. En dehors d’une vie stressante, d’une obligation de trouver un travail pour ne pas voler, en dehors de céder à la tentation, aux tentations, de retrouver mes démons, de répondre aux attentes de la société et de respecter la loi pour y arriver… Vous ne voulez pas m’épouser, je ne veux pas sortir…
F1 (se levant) : Bien, je rédigerai un rapport pour annuler votre sortie anticipée de prison.
-BREVE 12-
Deux hommes assis dos à dos
H1 (mimant l’écriture d’une lettre à haute voix) : Mon cher coloc, je pars, j’étais bien, mais je pars, tu n’auras plus de partenaire, ce soir… (il donne la lettre)
H2 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix) : Cher toi, cette nouvelle m’afflige et me nuit et conspire à me nuire… Nous avions trouvé un équilibre au fil de ces années passées ensemble et la pièce sera bien vide ce soir… Notre complicité me manque déjà. (il donne la lettre)
H1 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix) : Tu sais que ce n’est pas mon choix. Nous subissons des décisions qui viennent d’en haut et nous sommes dans l’obligation de les suivre… Je ne pouvais rester… Mais toi, me rejoindras-tu un jour ? (il donne la lettre)
H2 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix) : Les mêmes qui ont décidé ton départ ont décidé que je reste… Je te souhaite le meilleur, surtout ne sois pas tenté de revenir (lol). Ecris-moi, raconte-moi ce que tu fais, et ainsi, je pourrai vivre en liberté par procuration. (il donne la lettre)
H1 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix) : Je t’ai laissé un peu de moi. Mon gel douche avec cette odeur si caractéristique de noix de coco. Mon peigne aussi, avec quelques cheveux restés dessus et un t-shirt floqué du logo de notre équipe de rugby préféré. (il donne la lettre)
H2 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix): C’est gentil mais le gel douche se videra et disparaîtra avec le temps, tout comme tes cheveux… Le seul lien indéfectible qui nous unit sera nos souvenirs… et tes courriers… Un seul souhait cependant à te soumettre espérant que tu l’exauces… Ne me révèle jamais ta rencontre avec quelqu’un d’autre. (il donne la lettre)
H1 (lit la lettre dans sa tête et mime l’écriture de la réponse à haute voix): Je reconnais bien là ta volonté d’exclusivité de notre amitié mais sache que c’est ma femme qui vient me chercher à ma sortie…. (Il barre) … Oui, vœu exaucé, ne t’inquiète pas, prends bien soin de toi pour le temps de ta peine... de prison. (Il donne la lettre)
H1 et H2 se lèvent, se serrent dans les bras et sortent.