CHAT QUI PEUT
comédie férocette d’Alan ROSSETT
PERSONNAGES
4 comédiens qui jouent:
1. La Reine. Passante. La Tante. Claudette. Merlin 1.
2. Valérie. Véronique. Gaston 2.
3. Le Prince. Le Prince-Chat.
4. Gaston. Passant. Gustave. Gilbert. Merlin 2. Valentin.
ou
13 comédiens :
La Reine Clotilde
La Princesse Valérie, sa fille
Véronique, dactylo
La Tante de Véronique
Claudette, clocharde vieillissante
Merlin 1
Prince Charmant
Le Prince-Chat
Gaston, jeune contestataire
Gustave, commis voyageur
Gilbert, SDF
Merlin 2
Valentin, jeune artisan-décorateur
Deux passants.
Temps : le présent.
Un décor amovible
Alan Rossett
91, rue Nollet
75017 Paris
tél : 01 42 63 98 14
rossdoal@aol.com
NOTE DE L’AUTEUR
“Mais comment jouer le chat ?“ La question m’a été posée avant que la pièce ne soit créée. Ma réponse : par L’IMAGINATION... celle des enfants qui, sans costume aucun, sans formation de mime, nous convainquent par leur simple plaisir de jouer qu’ils sont à eux seuls toute un ménagerie... Et c’est comme ça que Gérard Martin est devenu mon chat, uniquement par son imagination… son bras gauche ondule en queue “inquisitrice”... Il se gratte le menton en temps accéléré avec sa main droite, devenue “patte à griffe”... Il renifle ses partenaires tel un chat pour faire leur connaissance. Ses partenaires étaient Anna Gaylor, Véronique Muller et François Lescurat. La comédie a été créée le 6 avril 1988 au Théâtre Essaïon de Paris, . Reprise parrainée par Beaumarchais en 2005 : Théâtre de Paris (Avignon), Cyber-Act et ARTicle (Paris).
CREATION Joie au Théâtre Essaïon que je n’ai jamais vu si bien garni. Un vrai bonheur. (L'Avant-Scène Théâtre) Alan Rossett écrit de charmantes pièces dans un style lunaire bien à lui. Une adorable soirée. (Figaro Magazine) Humour, tendresse, mais aussi critique acerbe de la société moderne (Boum Boum) Un conte de fées délirant et irrésistible. (Femme d'Aujourd'hui) Charmant spectacle, léger et bien léché. Rossett a de l’humour et une innocence joyeuse lorsqu’il s'agit de parler pouvoir ou amour. (Quotidien de Paris) « Chat Qui Peut » devrait séduire les amateurs de chat et ne point laisser indifférent ceux qui n’en font pas leurs délices. (Figaro) Un mélange réussi de naïveté, d’humour noir et de drôlerie. A ne pas manquer. (Tribune Juive) Le charme, la tendresse d’un Supervielle. (Figaroscope) Rossett revient avec une parodie des médiévaleries de bazar mais avec un mélange permanent du monde contemporain et de monde de rêve. (Fluide Glacial) Les amateurs de félins moustachus seront ravi (Elle) Humour Lewis Carrollien, à voir (FR CULTURE )
REPRISE Tant qu’il y aura des poètes assez loufs pour monter ce genre de fantaisie dans les lieux aussi improbables et tant qu’il y aura des gens aussi mordus de théâtre pour aller les y applaudir, tout ne sera pas pourri, ni au royaume de Danemark ni ailleurs. (Nouvel Obs) D’humour noir monty pythonesque. Totalement délirant, à miauler de rire. (20 Minutes) Toujours drôle, plein d’esprit; complètement déjanté : à voir ! (Gazette-Avignon) Une comédie, qui utilise les ressorts d’humour, mais aussi le portrait d’une société féroce, montrant les conséquences d’une dictature. (30 Million d'amis) Un ton et une originalité qui n’ont aucun équivalent dans le théâtre contemporain (Laurent Terzieff)
Une version jeune public de cette pièce ("Le chat à deux têtes) est disponible.
1 - AU PALAIS
La Princesse Valérie entre, tout leu, tout flamme... suivie de la Reine Clotilde.
REINE : Princesse Valérie ! Souviens-toi bien ! Je suis la Reine Mère. Et ta mère tout court. Tu n’épouseras pas le Prince Charmant.
VALERIE : Je l’aime, M’rnan !! Je l’aime !!
REINE : Et alors quoi ! Une Princesse a d’autres options que l’amour voyons ! Surtout toi - Princesse de Crad -Péages - principauté en pleine expansion et au bord de la faillite. Tu ne vas pas t’emmurer avec un goujat pareil dans un domaine aussi minable que Château-Chat !... Je t’en prie, ma chérie ! Ce garçon n’est pas possible !
VALERIE : Et voilà ! avec lui je m’assurerai un impossible... bonheur ! Oui, Il est suffisant. Oui, son ignorance sur tout ce qui se passe en dehors de ses terres n'a pas de bornes. Il traverse la vie, tel un nuage au dessus d’une planète trouble. Ah ce dîner à Château-Chat... toute ma vie, je m’en souviendrai !... Envoyée officielle aux vendanges de nos voisins... j’y al revu le Prince Charmant pour la première fois depuis qu’on avait quinze ans...
(Le Prince apparaît dans l‘ombre... Verre à vin à la main, pas trop imposant - à part son uniforme d’opérette embelli de splendides épaulettes.)
II était plus inexistant que jamais !
PRINCE : (il goûte,) Mmm... Point trop acide, point trop doux... Mieux que 84 sans égaler 69. Mais inégalable encore par ce bouquet qui vient de j’sais pas où. Je le sais : de chez nous. Celui de chez nous ne se trouve nulle part ailleurs... C’est cela sa particularité. Il ne voyage pas. Il ne se vend pas. Le vin de chez nous reste chez nous. Tant mieux ! ... Je dirais même plus... Mmmmm...
VALERIE : Agacée... j’ai froissé ma serviette... Et puis... Les yeux grands ouverts... je me suis endormie... ainsi que les autres convives. Il y avait un fond sonore de ronflements... attendrissants... qui s’accordaient bien avec les bribes lointaines des postes de télévision... Ah... L’odeur de ce quelconque vin me montait au nez... Galamment le Prince ma offert son bras...
PRINCE : (à Valérie) Vous plairait-il de faire le tour du jardin au clair de lune?
(Ils se promènent….)
Il ne fait point trop chaud ce soir ? Point trop froid. J’ai souvent constaté, en voyage officiel, qu’à Château-Chat, Il fait moins chaud qu’a Hawaii. Et pas aussi frisquet qu’en Islande ! Mmmm... (Ils s’arrêtent... Clair de lune...) Vous êtes fort belle, Princesse Valérie : le savez-vous ? Jamais je n’ai vu d’aussi belle princesse dans ce jardin. Tiens, nous n’avons pas de princesse dans notre pays en ce moment. Pourtant, à Château-Chat, nous ne manquons ni de femmes belles ni de femmes fortes. De plus, votre morphologie frappe par son originalité... sans doute, parce que vous venez d’un pays lointain.
VALERIE : ...se trouvant a quatre kilomètres a droite en bas de la montagne ?
PRINCE : Justement : Nous, les hauts-perchés de Château-Chat, avons appris a bricoler en famille. N’empêche que vous êtes belle dans votre genre... Qu’en pensez-vous, Princesse ?
VALERIE : Out… je suis Princesse... d’un petit pays... oh plus grand que le vôtre ! Vingt mille habitants ! Juste assez grand pour être un peu trop en vue ! Chez moi, je ne peux jamais, j’sais pas, descendre an quartier commerçant sans m’attifer comme, comme... une Princesse, par exemple ! ... et toujours suivie de ce garde du corps...
PRINCE : Pas vrai... Ici, je me balade relax... parfois sans avoir fait de shampooing...
VALERIE : Je vous envie ! Moi, j’aurais droit à un timbré qui s’amuse à me tirer dessus ! Vous ne pouvez pas imaginer les injures qui nous régalent chaque jour ma mère et moi ! Et sur lesquelles nous sommes entlèrement d’accord !! Dame ! On est des filles modernes ! Parbleu ! Crad-Péages est une monarchie “démocratique” ! Et nous... ? Des caricatures de la royauté d’antan... avec juste ce qu’il faut de nos vrais tics et désirs pour humaniser la marchandise. Est-ce que les gens comprennent à quel point ça nous vide ? Moi j’en peux plus, je vous jure ! Je rêve... d’une existence banale ! A l’abri ! Sur les hauteurs d’une montagne... Un château minuscule d’où le Prince descend dans la rue mal rasé...
PRINCE ! J’ai dit “sans shampooing” ! Et Château-Chat s’enorgueillit de trois ruelles, délabrées, classées...
VALERIE : Vous voyez ! Ici, c’est le royaume de l’oubli ! Ah si j’y vivais, un peu de temps, j’aurai pondu des enfants, pris du poids, absorbé des tonneaux de votre vin si particulier !
PRINCE : Princesse, j’ai la curieuse impression - corrigez moi si je fais fausse route - que vous êtes en train de me demander en mariage?
VALERIE : ... En fait... Oui... Pourquoi pas...?
PRINCE : En fait. Je suis célibataire...
VALERIE : Tous les deux !...
PRINCE : Nous sommes majeurs ! Et de sang royal ! Donc... c’est convenable !
(II lui baisse la main et commence à partir.)
VALERIE ! Hein ?!... Est-ce que vous m’aimerez, Prince... Vous m’aimez déjà un peu... ?
PRINCE : Il le faut ; Princesse... Puisque nous partagerons le même édredon...
(Chantant) Ah... Valérie ! ... (Il disparaît...)
(Changement de lumière.)
REINE : (à Valérie) C’est bien. T’as eu une petite “aventure” ?... Confidence pour confidence ! ... Un matin, récemment... Moi !
(Son : une foule en colère... Valérie s’éclipse…
Gaston - jeune homme du peuple - saute sur scène.)
GASTON : (séduisant) A Bas Les Salopes!
(Montée du bruit de foule.)
La Reine nous fait chier !
REINE : («mal réveillée » Ah ce boucan ! Tous les matins ! On dirait qu’il le fait exprès !
GASTON : (malin) Pour sûr ! (Appelant) La Reine nous fait chier !
REINE : (appelant) Et ta soeur !!
GASTON : La Reine!
REINE : GARDES !! JE DESCENDS !!
GASTON : Encerclé !
REINE : Pour sûr ! (A Gaston) He ! Vous ! Le plus grand ! Venez par là.
(II l‘approche.)
N’ayez pas peur. Le couteau dans le dos ?... Nôôôôôn, on est trop en vue... Mais personne ne nous entend ! Quel est votre petit nom, Gaston Pflugg?
GASTON : Merde ! Reconnu !
REINE : Mieux : fiché !! Ca sert à quoi - Pflugg - de me casser les oreilles à six heures du matin ?
GASTON : Ben... c’est un avertissement. Dis-donc : vous avez l’air avertie, vous ! Alors... ciâââo... (Il commence à s’esquiver.)
REINE : Adorable loubâââârd! Ecoute - Gaston, on se tutoie, non ?
GASTON: Ouais ouais.
REINE : Crois-moi, personne plus que ta reine ne voudrait voir ce pays remuer
l’arriêre-train et s’envoler. Cessons alors de nous disperser en imprécations futiles... et analysons le fond du problème !
GASTON : Mémère, y a du chômage dans ton pays. Chaque jour on vit moins bien que la veille. Et tu ne te fais pas chier, hein... avec tes robes, tes bijoux ! Moi aussi je peux me saupoudrer de diamants et aller faire la pute à l’Opéra.
REINE : Gaston... mon petit... la Reine “tiarée” est le seul truc qui marche dans ce bled... tant qu’il y aura des touristes assez ploucs pour payer leurs places !... A part ça, qu’est ce qu’on est, au juste... nous ?... Un pays aux ressources quelconques... entourée de montagnes, avec cette aérogare moyenâgeuse que feu mon mari - le roi des pingres - a obstinément refusé de moderniser ! Et si le déficit empire? que les impôts augmentent ! Depuis la mort du roi, le parlement poursuit la même politique ! Et les jeunes crachent dans la soupe ! Moi aussi je crache. Non, on a besoin d’un bouleversement profond, jusqu’aux entrailles. Autrement dit : de nouvelles élections, afin de faire élire un Premier ministre... avec des idées aussi larges que les miennes ! Ensuite... lui... Hein ?! Enchaîne !
GASTON : Beuh?
REINE : Beuh beuh, oui ! Si on te servait “Quatre-Péages” sur un plateau qu’en ferais-tu ?
GASTON : ... Je construirais des piscines...
REINE : Des quoi??
GASTON : Ouais. On aime ça, nous les jeunes ! On est en nage et on est en manque... Y’a que regarder les jolies photos qu’on voit dans les revues étrangères comme
“Le Cottage de Marie-Chantal” : Un tuyau : ma famille est dans le bâtiment.
REINE : Et qui va payer vos ouvriers ? Moi?
GASTON : ... Beuh non. On remettra le service militaire... et hop, les gars, haut les murs ! Sinon la taule ! Tiens, on construirait des nouvelles taules, ça aussi on en manque... “Ploucs Pension Prison. A Crad-Péages on nage dans la Sécurité”. Sur les dépliants touristiques, tu comprends. Et le tout vendu tellement peu cher qu’on ne peut pas ne pas les acheter
REINE : Puh-puh-puh ! C’est malin ! Et la Princesse ?... Elle te plait... ?
GASTON : (flirt) C’est pas mon trip.
REINE : Mais pêêêênse... une fois, toi, marié avec elle...
GASTON : Tu débloques ??
REINE : Je rêve ! ... T’auras la tendresse des factions royalistes ! Moi, j’en sortirai : Idole des jeunes ! Bon, j’ai l’impression que, dans nos propos, Il y a un trou... un gouffre. Ce soir, juste nous deux, on dînera... tu bouchera mes trous… Le projet, on le peaufinera... juste nous deux...
(Ils sont sortis... Entre Valérie, apportant un samovar...
Changement de lumière.)
VALERIE : Ce n’est pas l’astuce qui me traumatise. Non, que j’épouse un frimeur populaire à la place de mon petit benêt aristo... j’en conviens, c’est habile.
(La Reine et Gaston apparaissent de nouveau ; elle l’habille d’une veste et d’un béret ‘folklorique”..)
Monsieur Pflugg, vous avez le vent en poupe. Au lieu de rester dehors à brailler “Au poteau salopes de mon cul” - vous vous faites servir le thé par elles ? Il faut le faire ! Une jolie carrière politique vous attend - mais sans moi ! Je compte pourtant - ne serait ce que pour moi-même. J’aime le Prince Charmant ! Je lui ai donné ma parole ! Savez-vous que la parole d‘une Princesse est irréversible ?! Hélas... !
(Voit sa mère et Gaston en train de s’embrasser.)
Bon, je vous quitte... Je suis en retard... pour ma réunion ! ... Je fais partie d’un comité de lecture... Le Théâtre Fermé de Crad-Péages ! Et on est inondé de textes ! Enchantée d’avoir fait votre connaissance..-
REINE : (a Gaston) De l’audace, mon chou ! Fonce !
GASTON : Salope va ouille. Je te montrerai ce que c’est que l’amour au plumard, putasse, va, ouille.
VALERIE : Maman ! C’est ça que tu as en tête pour ta fille unique ?
REINE : Valérie... Il ne faut pas sous-estimer le désordre de notre situation politique. Tu crois que moi, j’aimals ton père quand on ma obligée a me le taper?
VALERIE : Oui ! Très faiblement ?
REINE : Bof !
VALERIE : Non? (A Gaston) Vous - ne m’approchez pas !! Demain, notre attaché de presse annoncera mes fiançailles avec le Prince où - (A Gaston qui marche dans ses pieds) Mais foutez-moi la paix ! Tous les deux (Elle sort précipitamment...)
REINE : Tu vois comme elle est, Gaston !
GASTON : Branchée sur le Prince Charmant...
REINE : Qui vient.
GASTON : C’est sûr... qu’il vient ?
REINE : Il vient, sûr... pour prendre le thé...
GASTON : Non accompagné?
REINE : J’ai insisté ! Alors... Tout est prêt ?
GASTON : (montrant une seringue dans la poche intérieure de la veste) La piqûre.
(Et une grande bague sur un de ses doigts) Le poison.
REINE : Mais non mais non
Le poison d’abord !
“Ensuite” la piqûre -
En cas de malheur
Et à la rigueur -
GASTON : (montrant un pistolet niché a l’intérieur de son béret,) Le pistolet.
(II met le béret.)
REINE : Mais he! on essaie de l’éviter ! Oh bonheur.
(Le rythme est celui d’une opérette sans aucun orchestre.)
Le… ?
GASTON : Poison
REINE : La...?
GASTON : Piqûre !
REINE : Etat de grâce !
Enlève toute trace
En matière meurtrière
On a fait
Des progrès !
A l’aide d’un souterrain
Inconnu de tous
Ce charmant Prince, on l’expédie
chez lui !
On le croira mort, endormi, dans son propre lit !
GASTON : Génial !
REINE : Bonheur !
GASTON : Mamie... (Hésitant,) Tuer quelqu’un... Cela t’est déjà arrivé ?
REINE : Quelle reine n’est pas obligée de tuer quelqu’un. Naturellement on essaie de le faire pas trop souvent !
GASTON : Pauvre mec...
REINE : Gaston, pêêêêênse a tous ceux qu’on estourbit de par le monde... Et tu verras qu’il ne s’agit que d’un con de moins.
Et puîîîîs
On ne parlera plus de lui !
Notre économie ? répartie !
Grâce au... ?
GASTON : Poison !
LES DEUX : (dansant, de plus et plus endiablés tandis que, sans bruit aucun, entre Prince Charmant, à leur insu)
Le poison
La piqûre
Le pistolet
A la rigueur
Le poison
La piqûre
PRINCE : (‘chantant,) “Le pistolet”. Entraînante chanson ! Fort jolie ! “A la rigueur” ! La musique est de qui? C’est un tube chez vous ?
REINE : Beuh...
PRINCE : Oh ! Je vais descendre chez le disquaire du coin ! Si je le trouve, j’offrirai volontiers “Le Poison et la Piqûre”... à (chantant) Valérie !
REINE : Merci, Ils sont déjà en bonne place dans la collection royale. Prîîîînce...
(Coquette) Je ne suis pas contente ! Vous êtes par trop en avance !
PRINCE : Non : à la minute prés... C’est dans mes habitudes.
REINE : 0ui mais... comme nous, les autres, sommes foncièrement en retard... Votre ponctualité dérâââânge ! De plus, vous entrez sans vous faire annoncer !
PRINCE : Mais, Reine ! Au téléphone vous m’avez supplié que personne ne soit au courant de cet entretien improvisé au sujet de mon amour brûlant... Pour...
(Chantant) Valérie ! ... (Discrètement a la Reine) Voulez vous demander à ce monsieur qui n’enlève pas son chapeau de se retirer ?
REINE : Il est sans importance, c’est Gaston.
PRINCE : Excusez-moi. Ce monsieur est très présent.
REINE : (« énervée ») Je n’ai pas de secrets pour Gaston !! Jamais vous n’épouserez ma fille - sans Gaston !! Même une reine a droit à un confident ! Et merde !!
PRINCE : Calmez-vous ! Fichtre ! J’ai moi aussi un confident !
REINE : Ciel, vous avez confié à... quelqu’un.... A quiconque...?
PRINCE : Ce n’est pas n’importe qui. C’est mon tuteur ! C’est Merlin !!
REINE : Merlin ! Vous ne voulez pas dire cet incroyable tas qu’on évitait aux réceptions officielles chez vous - en se bouchant le nez ?
PRINCE : (bon-enfant) C’est Merlin ! C’est Merlin !
REINE : Mais Il est mort depuis des années !?
PRINCE : 0ui ! Et je le sens toujours très prés de moi !
REINE : Gaston !! Le samovar !!
GASTON : Le quoi?
REINE : La machine à laver le thé, voyons !
PRINCE : D’ailleurs, Merlin ma déconseillé cette visite ! ... sur un certain plan. !En même temps Il croyait que cela me ferait du bien ! ... sur un autre plan. Enfin avec Merlin il y avait toujours tellement de plans que - résultat - on ne fait strictement rien ! ... Il baignait dans l’inutile ! Il passait son temps à communiquer avec les fleurs et avec les légumes ! Il parlait aux betteraves...
REINE : Aux betteraves...?
PRINCE : C’est pour cela que Château Chat lui convenait ! Qu’y a t il de plus inutile qu’un chat ?... Et comme nous sommes envahis par les chats ! Même notre château est en forme de chat... d’un siamois ! Ah ces petits coquins ! Ce sont eux, les siamois, qui ont toute ma tendresse ! C’est normal ! Je suis Prince de la terre ! Ils sont princes des chats ! Donc aussi divins que moi !
GASTON : (grommelant) Divin ! ça !
PRINCE : (a Gaston) Mon-petit-bonhomme !! Tu dois nous prendre pour des sourds ! Fais gaffe ! (A ! a Reine,) .Faut savoir renvoyer la balle aux paysans ! Ce qu’ils adorent ça !
GASTON : (fredonnant) “Le poison”... (S’énervant avec la bague) ... C’est coincé !?
REINE : (fredonnant,) “Persister...”
PRINCE : (chantant,) “Le pistolet”. L’héritage de Merlin, en fait, se résume en une foule de connaissances... dont je n’avais nullement besoin et qui par conséquent ne fonctionnaient pas. Me transformer en chat-siamois, par exemple... Enfant, qu’est-ce que j’ai pu essayer ! En psalmodiant le mot magique... qui est “Miaou”, le savez vous ?
REINE : Tiens, Miaou.
PRINCE : Miaou.
REINE : Et rien ne se passait?
PRINCE : Pendant des heures je miaulais, ensuite je chialais.
REINE : Ooh dommage.
PRINCE : Merlin me disait : “Petite nouille : quand t’auras besoin de te transformer en chat, tu le feras et pas avant.”
REINE : Et pas avant !?
GASTON : Tea is served!
REINE : Aaah ! ... Du sucre, Prince ? Je conseille trois morceaux... quatre !!
PRINCE : Un aveu, puisque nous sommes presque “en famille”. Je déteste le thé. Et je n’en prendrai pas.
REINE et GASTON : (violents) MAIS !!
PRINCE : La chaleur de votre compagnie m’est largement suffisante.
REINE : (sévère) Prince ! Un membre de la noblesse est censé boire ce qui le rend malade ! Pour l’exemple ! Buvez ! J’insiste !
PRINCE : (sévère) Personne ne ma jamais oblige à boire du thé ! Personne !! Même Grand Ma y a renoncé ! Je suis Prince et je n’en veux pas !
REINE : Je suis Reine et je le veux !!
PRINCE : J’chais bien, j’chais bien, mals que faire... ?
GASTON : La piqûre?
REINE : Non Le poison d’abord!
PRINCE : (chantant) “Le pistolet” !!
(A ce mot Gaston braque son pistolet sur la tête du Prince. La Reine s’approprie de la seringue.)
REINE : Buvez votre thé, Prince... et on ne parlera plus de cet incident regrettable.
PRINCE : ... C’est... pas possible... ça ne m’est jamais arrivé... A moi...
REINE : Il y a toujours une première fois.
GASTON : Et celle-ci sera la dernière ! Couillon !
PRINCE : SILENCE! (Suppliant) ... Silence...?
GASTON : Bois.
PRINCE : ... Je crois que je traverse une crise. Y aurait-il un docteur dans le palais ? Une femme de chambre ?... Quelqu’un ?
REINE : Tous en ville, au match de foot : sur l’ordre de la Reine.
PRINCE : ... Quel étrange tableau nous composons quand même... On volt presque les anges qui passent !... Qu’en pensez-vous ?
REINE : Que les livres d’histoire sont illustrés de tels tableaux. Vous allez entrer dans l’histoire comme un vrai Prince.
PRINCE : Oui mais... Je sais pas si je veux me... Me... MMM...
(D’un coup - cassant le rythme - Le Prince se lève.) M I - A 0 U !
(La Reine et Gaston s écartent de lui comme s’ils venaient d’être frappes.)
REINE et GASTON : Tiens ! Un chat ?!
(Sans se soucier d’eux - avec la démarche d’un chat - le Prince sort.)
REINE : ... Un siamois ?!... Pas possible ?!
GASTON : T’crois pas que...
REINE : Mais non. Quand même, attrape ce chat !
(Frénétique - elle sort suivie de Gaston.)
Cherchez le siamois ! Sonnez l’alerte ! Qu’aucun siamois ne quitte le palais sous peine de mort!
2 - UNE RUE
Une lumière d’extérieur.
Entre le Prince, seul...
PRINCE : Non mais quels gens mal élevés (Dédaigneux) Miaou!
(Il lèche une de ses « pattes ».)
Charmant, qu’est ce que vous êtes en train de faire, vieux... Je ne suis quand même pas un chat... pour de vrai !? C’est une blague... Non ?
(II entend un oiseau : immédiatement son corps se raidit. Il saute en l'air !)
Voix d’OISEAU : (qui s’éloigne,) Bye-bye, le Chat.
PRINCE : (il tâte son visage,) Aïe j’ai bien des moustaches... Et... une queue ? Oh là là, je n’aime pas cette queue. Je n’aime pas cette queue. Elle est peu en harmonie avec le reste du postérieur royal.
(II essaie d’attraper sa queue – Il la mord et miaule !)
Ne serais-je alors qu’un chat ?! Que faire...
(II se met à se “lécher’)
…Léchez les poils... Oh, Paysage à l’infini qu’il faut nettoyer, jusqu’à la fin du monde ! Ce n’est pas si désagréable comme tache, remarque. (II se « lèche » de plus en plus bas.) Loin de !!... Mais et je pose la question - est-ce là une occupation digne d’un Prince ? Car je suis encore Prince et miaôôâu !! Attends... Il “a” un truc ! - J’en suis certain - pour redevenir Prince... C’est... C’est... Que la mémoire me chatouille aujourd’hui ! ... Ah... Quelqu’un m’a dit... Ce, ce genre de… “Merlin” ? Oui ! Il m’a assuré que - pour redevenir “Charmant” - Il faudrait simplement trouver quelqu’un d’humain... qui accepterait... de mourir à ma place. Ah oui, oui ! Plus de problème. Tout le monde meurt pour le Prince ! Alors, d’abord, je trouverai... tout le monde... et puis...
(Une femme - ex-comédienne « La Reine » - portant un imperméable à capuche, entre, traverse rapidement la scène, attend comme devant un feu rouge.)
PRINCE : (la poursuivant) Madame ! Une grande joie vous attend ! Vous êtes élue pour mourir à ma place !
FEMME : Va-t-en, sale bête !
(Entre un jeune homme, ex- « Gaston », en imper lui aussi.)
PRINCE : (allant vers lui,) Monsieur-Monsieur ! ...
JEUNE HOMME : Le pied-au-cul !
PRINCE : J’ai une impression de déjà vu ! Les gens de ce pays... Ils se ressemblent, dis !
(Coup de tonnerre: les deux “impers” sortent hâtivement.
Changement de lumière : mauvais temps.)
Très presses, tous ! ... C’est l’orage qui vient ! Monsieur - Madame...
(Il est seul de nouveau.)
Je commence à me demander si ce sera pour demain... que quelqu’un mourra... pour un chat. Fichtre ! Mieux vaut retourner chez mol... Où ça, Charmant ?... Miaôôôu... Ah... Ce trou ?... Ce... réverbère ?... Serais-je assez petit pour m’y creuser une petite place... Juste en attendant... que le soleil revienne ?... Ce n’est pas un réverbère... On dirait une... fenêtre... d’un appartement... au sous sol... Oh là. Que la lumière y est triste, loin des chandeliers en cristal et en or flamboyant !
(Entre, traînant les pieds, “Véronique” (ex-Valérie) dans une quelconque robe de chambre.)
Il y a une jeune fille… Elle n’est pas mal... “Elle” ressemble à quelqu’un... A une... Princesse... à une... “Valérie” ?...
3 - CHEZ VÉRONIQUE
PRINCE : ... Mais... cette Valérie-ci... peut-elle être... ma Valérie-là ?...
(Discrètement Il s’approche de Véronique comme un chat... elle ne le remarque
pas... Il la renfle.)
Cette Valérie ne me dit rien du tout...
VERONIQUE : (parlant a quelqu’un, off) ... J’irai probablement à Torqueville cette année...
(Entre la Tante - ex-comédienne ‘Reine” : petit chapeau, tablier, serviette, journal à la main.)
TANTE : ... C’est gentil...
VERONIQUE : Tu crois ?... Je préférerais aller à la mer...
TANTE : ... La mer est gentille...
VERONIQUE : ... Peut-être... Torqueviile est moins cher...
TANTE : ... T’as raison...
VERONIQUE : Tu sais, je suis un peu, beuh encore, j’sais pas...
TANTE : C’est normal... T’as toujours été “beuh” un peu...
VERONIQUE : Encore un peu de gâteau, ma Tante?
TANTE : ... Il en reste ?...
VERONIQUE : Oui.
TANTE : Merci non...
PRINCE : Les chats ont horreur des gâteaux !! C’est pas bon pour eux !!... Tant pis, J’al une de ces faims !
(Tandis que, d’une manière « féline”, Il arrive a s’emparer du gâteau qu‘il mange par la suite.)
VERONIQUE : C’est pas mauvais... Je dois trouver un autre pâtissier dans le quartier... C’est gentil, ma tante... de faire la vaisselle...
TANTE : C’est normal. T’es malade, ma nièce...
VERONIQUE : Oh plus vraiment... Je profite de toi...
TANTE : Il faut bien Tu as été tout de même... découpée !... C’est terrible... découpée !
VERONIQUE : ... Ouais... C’est presque du passé. Et l’appendicite n’a rien de bien grave. Remarque, Maman aurait pu venir... plus souvent. Et Papa.
TANTE : ... Ils ont des soucis...
VERONIQUE : Ouais... Quand même... J’ai l’impression que depuis que j’ai trouvé “mon” appart, pour me punir d’être adulte, Ils insinuent que je dois plus compter sur eux.
TANTE : Et Gustave...?
(Le Prince lèche les babines.)
VERONIQUE : ... Oh... lui... Il n’est pas là. Les commis-voyageurs sont rarement là... Il doit y avoir une petite Véronique dans chaque bourgade... Alors si une de ses Véros n’est pas en forme, il va s’éclater avec une autre ! ...
TANTE : ... C’est normal...
VERONIQUE : De plus, comme Il est marié...
TANTE : Véronique !! Je ne savais pas qu’il était marié !?
VERONIQUE : Alors maintenant tu le sais.
TANTE : ... Est-ce bien...?
VERONIQUE : ... Oh, Gustave... C’est pas sérieux. Ça ne s’avance pas. Peut-être je dois trouver... chercher... quelqu’un d’autre ?... Ce sera mieux... Serait-ce mieux... ? Ce serait pareil... Comme, la semaine prochaine, je vais retourner au bureau...
TANTE ! Bonne idée. Ça t’occupera. (Indiquant le journal) ... Je peux...?
VERONIQUE : Bien sûr...
(Tandis que la Tante ouvre et lit le journal – Son visage est couvert par une grande photo de la Reine, souriante ! - )
VERONIQUE : (Presque a elle-même) D’ailleurs j’ai ma petite idée : changer de boite... C’est pas que j’y suis malheureuse... Mais peut-être que le temps est venu de changer… ? Si je changeais... bien entendu... ce sera la même chose... Alors dans ce cas à quoi bon changer ? Mais... si c’est différent… très très différent... Ce sera trop différent peut-être ... Et je serai renvoyée... Alors je reste où je suis.
TANTE : C’est intelligent... On ne vit pas sur les cimes...
VERONIQUE : On n’est pas dans la misère...
TANTE : Lis ce journal. Que de misères ! On se sent bouleversé...
VERONIQUE : ... En même temps, indifférent.
TANTE : Ce Prince par exemple qui vient de disparaître...
(Toujours à leur insu, il les écoute attentivement :)
VERONIQUE : De toute façon, ce n’est pas nous qui allons retrouver un Prince ! On ne retrouve rien d’intéressant ici, nous. Ma tante... Est-ce que ça va juste continuer !!? Continuer !!? Les mêmes mots... sans arrêt... les mêmes... Et pour le reste de ma vie !? Enfant, je croyais avoir plus, plus en moi !!?
TANTE : Plus de quoi, chérie?
VERONIQUE : J’sais pas !... Ce que je suis triste...
TANTE : (cherchant) Toi ? Triste ? Petite veinarde ! Combien de jeunes filles peuvent se vanter d’avoir passé cinq jours... dans un hôpital !? D’y avoir été... découpée ! Oh ma pauvre chérie ! C’est terrible !
VERONIQUE : ... Ça change. Et puis ça devient banal... Et puis ça s’en va… Et puis on est guéri.
TANTE : C’est terrible.
PRINCE : Elles sont détraquées.
VERONIQUE : (remarquant le Prince) Tiens un chat.
TANTE : Minou minou ! Elle est mignonne !
VERONIQUE : ... Tu trouves ?...
PRINCE : Je suis un homme !
VERONIQUE :... Elle n’est pas belle comme Gladys.
PRINCE : Qui est-ce?
VERONIQUE : Bonjour, ma chatte?
PRINCE : Mal élevée ! Je ne suis pas a vous.
TANTE : .... C’est peut-être la chatte qu’on recherche dans le journal.
VERONIQUE : Je croyais qu’on recherchait un Prince dans le journal.
TANTE : Ma chérie: on recherche les deux. Et on donne à cette bête perdue, autant de place qu’un Prince Charmant !
VERONIQUE : Alors ce sont les journalistes qui sont bêtes...
TANTE : La récompense à qui la retrouvera est énorme... car c’est une chatte du palais !! Donc - si cette chatte devant nous est celle qu’on recherche... Véronique!! t’es riche !!... Remarque, ça c’est une femelle et on recherche un male.
PRINCE: ...!
VERONIQUE : Oh bof c’est pas le chat... Celle -là est vraiment trop quelconque...
PRINCE : Non mais vous êtes gonflée, dites.
VERONIQUE : Attends...
(Délicatement elle prend le Prince par ses deux jambes - et le met sur le dos.)
PRINCE : Ayez la gentillesse de me relâcher s’il vous plait.
(Elle écarte les deux jambes et en désignant de doigt :)
VERONIQUE : (triomphante) C’est un male !
TANTE : ... Qui l’aurait cru !
VERONIQUE : Je m’y connais en chats, moi.
TANTE : Pourquoi tu n’as pas de chat, Véro?
VERONIQUE : C’est cruel, les enfermer, toute la journée.
TANTE : Mais les chats aiment ça !... qu’on leur foute la paix.
VERONIQUE : ... Bon... Je garde celui la…?
TANTE : ... C’est gentil.
(Véronique caresse le Prince. Il n ‘a pas l’air indifférent)
PRINCE : Ronronronronronron.
TANTE : ... Il est affectueux.
PRINCE : Ah... Valérie ? C’est elle ? (Il la renifle) Ce n’est pas elle...
VERONIQUE : Regarde... la couleur sur ses épaules... (Pointant aux épaulettes du Prince.) Ca me fait penser, mol, aux épaulettes d’un uniforme – royal !
TANTE : Quelle imagination !
VERONIQUE : Tiens, je l’appellerai... Epaulette.
PRINCE : Berck.
TANTE : C’est mignon. Bon, il faut que je m’en aille.
VERONIQUE : Tu ne veux plus de gâteau?
PRINCE : Gât... gât... ? (Malin, Il commence a s’esquiver.)
TANTE : ... Oh non, chérie, pas vraiment...
VERONIQUE : ... Bon, je le jette?
TANTE : ... En ce cas...!
VERONIQUE : ... Mais où est-il, ce gât...
(Elle voit que le gâteau a été mangé.)
Ooooh ça doit être Epaulette ! J’aime pas ça !! Epaulette !! Viens ici...
(Il fait semblant de ne pas la comprendre. Elle l’attrape.)
Tu sais trés bien que les chats ont horreur des sucreries ! (Elle le tape.)
PRINCE : Miaou !
VERONIQUE : C’est pas bon pour eux ! (Elle le tape.)
PRINCE : Miaou !
TANTE : Dommage qu’il ne reste pas un bout de gâteau...
VERONIQUE : T’as faim?
TANTE : Mais non pour lui écraser le nez dedans. Comme ça, Il aurait compris !
PRINCE : Des monstres !!
TANTE : ... faut que je m’en aille.
PRINCE : (formel) Moi aussi !!
(Les deux femmes se dirigent vers la sortie... le Prince essaie de sortir... Les deux
femmes lui barrent la route.)
VERONIQUE : Non non pas toi !
(Il recule.)
TANTE : ... Alors tu gardes ce chat?
PRINCE : J’suis pas un chat !!
TANTE : (pédante,) Alors, il ne faut pas le laisser sortir pendant trois jours ! Sinon il se perdrait de nouveau.
VERONIQUE : Je sais, ma tante !! Je m’y connais en chats !!
TANTE : Bon, je dois m’en aller. Et samedi matin, je reviendrai. Je t’aiderai à emmener ce chat chez le vétérinaire.
PRINCE: ... chez le vét...
TANTE : C’est lui - le vétérinaire - qui arrangera ce chat.
PRINCE : “Arranger”...?
TANTE : Tu es d’accord?
VERONIQUE : Bien sûr. Il faut l’arranger.
TANTE : Sinon... c’est trop sale.
PRINCE : On n’arrange pas le Prince Charmant !!!
TANTE : Et après... il ne ressortira plus jamais. (Elle sort.)
(Changement de lumière.
Le Prince a l’air un peu abruti... les yeux dans le vide.
Véronique, dans son lit, a aussi les yeux dans le vide.)
PRINCE : ... Ah quand j’étais Prince je faisais des trucs... sans m’en rendre compte. Est-ce qu’elle se rend compte que je suis un Prince... quelque part ?... Est-ce que “moi” je m’en rends compte... ? (II renfle.) Vaguement... Parce que je sens toujours l’odeur de la chair royale sur moi !... Pour nous, les chats, la mémoire se niche à l’intérieur de nos narines... ! Je renifle donc je suis...
(II ronfle... Et puis... il s’immobilise,.. les yeux dans le vide.)
VERONIQUE : Epaulette... ? Epaulette... ?... Ce chat ne bouge pas... Viens !! je te ferai des mamours !! Tu aimes ça !!
PRINCE : Si cela te fait plaisir...
(Elle le caresse négligemment.)
VERONIQUE : (a elle-même) ... Et si… je mettais fin à mes jours...?
PRINCE : ... Quoi... Mais non !
VERONIQUE : Bien sûr, ç’attristera ma tante...
PRINCE : Et moi? Qu’est ce que moi je deviendrai ? Hein ?
VERONIQUE : ... Mais... plus qu’attristée ? Non... ça ferait mal à mes parents ?... Très mal... Tant mieux ! Ils se rendront compte qu’ils m’ont négligée !! Scandaleusement !! Bon, puis après ça les soulagera... Gustave... oh, il vient si rarement... Je serai oubliée du monde... On trouvera peut-être quelqu’un pour dire... “Pourquoi cette pauvre fille a fait ça”... Mais personne ne versera une larme pour mol... ce que moi j’appelle une larme... Même moi, je ne verserai pas une larme pour moi... Ensuite, ce sera comme si je n’étais jamais née... Que voulez vous ? Le monde... il est si vaste. Trop vaste pour moi...
(Le Prince se tourne directement vers elle. Energiquement, avec la tête, il lui caresse la nuque, la tête.)
Mais toi, tu me pleureras ! hein ? Bruyamment ! Sans moi, hein, il n’y aura personne pour déterrer ton immonde pâté. Plus ça sent mauvais, plus c’est bon !
PRINCE : (délicatement il met sa « patte” sur son visage et effleure ses traits) T’es jolie. T’es comme un enfant... tu “es” comme Valérie... Qui était-ce, cette Valérie, en fait...
(II lèche tendrement la main de Véronique – et puis il la mord. Il rigole, il s’esquive, il roule sur son dos, pieds et bras en l’air !)
VERONIQUE : Ah les chats ! ils vous surprennent ! Tu vois bien ! tu m’as surprise !
PRINCE : C’est pour cela que je !’ai fait, petite conne ! Non non, c’est juste un constat : elle est conne ! Et jolie !
(Elle commence a s’intéresser plus a lui que son projet de suicide. Elle lui jette des bouts de papier... il essaie de les attraper, etc... iI se pavane.)
J’suis beau ! J’suis beau ! (D’un coup, il fait an numéro de music-hall.)
“I’m singing in the rain ! !’m singing in the rain ! ... mmmmiaaaaaou ! ”
VERONIQUE : (sombre) Il est beaucoup moins marrant que Gladys.
PRINCE : (sombre) Je commence a haïr cette Gladys...
VERONIQUE : Elle ?... la crème de la crème !
PRINCE : (sautant vers elle, plein de rancœur) Parce que c’était ton “premier” animal, espèce de gourde ! Le premier c’est toujours le mieux !! Moi, par exemple,
la Princesse Valérie, mon premier grand amôôôuur Et, en fin de compte, toi, tu es aussi belle ! Plus !
VERONIQUE : Bon, viens alors... sous les couvertures...
(Avec an sourire malicieux, le Prince disparaît sous les couvertures.)
La nuit... Petite fille, je frottais la nuque de Gladys... comme ça ! une lampe d’Aladin ! Et hop ! Les yeux fermés, nous survolions, toutes les deux, un paysage bizarre... brossé de couleurs pures... empruntées de mes beaux livres d’enfant ! Que de châteaux... les forêts enchantées que vous ensorcellent !... grouillant de génies...
(Un " génie” entre dans le noir.)
Et de lapins en chapeaux claques qui vous demandent l’heure ! Caresse-moi encore un peu... Gladys... J’aime les chats ! Par-dessus tout : Je les aime ! Caresse-moi. Ou oui ! Fais-moi ça... c’est hon... Oh... Oh... Mais pourquoi tu t’arrêtes ?...
(Le génie se retrouve dans le lit avec elle: c’est Gustave - ex-Gaston - genre ‘grincheux’)
GUSTAVE : Contente de me revoir. Hein?
VERONIQUE : Enlève ta cravate, Gustave. Veux-tu ? Tu dois avoir chaud.
GUSTAVE : Ca t’excite, hem? Non?
(Il ajuste sa cravate... un troisième bras ressort du lit ! Gustave “compte” les mains. Troublé)
Mais... ! C’est pas moi ? Qu’est-ce que c’est que...
VERONIQUE : ... Mon chat.
(Son du chat qui crache.)
GUSTAVE : T’as un chat maintenant ? Il dort avec toi ? Berck, c’est sale !
VERONIQUE : Sale !? Rien n’est plus propre qu’un chat !
GUSTAVE : ... Sors de là... Sors...
(Son du chat qui crache... Apeuré, Gustave sort du lit.)
Non mais fais-le sortir, Véro !I Bon, je m’en vais.
VERONIQUE : Déjà ??... Epaulette: sors de la...
(Elle met les mains dans la couverture et sort le Prince par ses cheveux. Au Prince.)
Mon petit coeur, ce gentleman et moi avons une transaction a conclure. Alors toi hop !
(Elle le pousse hors du lit.
Pendant la suite, il s’assoit avec dignité et fixe le couple du regard.)
Embrasse-moi donc ! Fort ! Aah ! Encore ! Ca fait tellement longtemps !
GUSTAVE : Ah!
VERONIQUE : Ah!
GUSTAVE : Mais... est-ce que ce machin va continuer a nous lorgner?
PRINCE : Oui !
GUSTAVE : Avec lui là, hein, j’peux pas hein, je peux pas, c’est viscéral !
VERONIQUE : Ce que tu es compliqué !
GUSTAVE : Va-t’en !! Sale bête !! Ou je te casse les couilles, va !!
PRINCE : (imperturbable) C’est déjà fait, Monsieur. (II baille)
VERONIQUE : C’est ça : Dors, Epaulette !... Aah, Gustave...
(Le Prince saute sur le lit près de Véronique.)
Non !... Non !
(Elle le pousse hors du lit, il revient, elle le pousse.)
GUSTAVE : Qu’il s’arrête ! J’ai le mal de mer !
(Le Prince lui crache à la figure.)
VERONIQUE : Qu’est-ce que tu as ce soir, mon bébé?!
PRINCE : Il est mauvais, cet homme ! laisse-le partir Toi tu es vulnérable, comme moi ! Je sais, Véro, c’est le hasard qui ma soufflé a tes pieds, on se connaît peu, mais je t’aime Véro je t’aime ! Aie pitié de mol comme j’ai pitié de toi...
GUSTAVE : Bon, ça marche pas ce soir, je m’en vais.
VERONIQUE : Attends - juste le temps de mettre le chat dehors !
PRINCE : (hystérique, s’accrochant à Gustave) Ne me mets pas dehors !! Ne me mets pas dehors !!
GUSTAVE : AIEEE ! Tu vas le mettre à la rue?
VERONIQUE : Pourquoi pas?
GUSTAVE : Il va se perdre, ton chat
VERONIQUE : Bof, les chats retrouvent toujours leurs chez-eux. Toi tu n’y connais rien en chat !
(La lumière s’estompe...
Les décors changent...
Le chat se trouve brusquement dans un univers inconnu.)
4 - “DEHORS”
PRINCE : ... On vous corrige, on vous arrange, on vous enlève toute initiative ! Et puis mine de rien, on vous met dehors ! Mamzelle Véronique, tu vas voir ! Je ferai d’abord un petit tour... (Il se promène, hautain.) ... Tu m’attendras bien tard ce soir... Peu s’en faudra pour que tu chiales comme un lardon en mon absence ! Et quand je reviendrai... si je reviens... je serais de glace ! Mmmm je sens la friandise... ? Serait-ce des sardines “a la poubelle”... serties de leurs boites... assorties... d’emballages varies... Des immondices quoi...
(Surgit une clocharde vieillissante - ex “la Tante” - “la Reine” si on veut - c’est Claudette. Avec un grand sac en bandoulière elle ramasse tout ce qu’elle trouve.)
CLAUDETTE : A quoi bon vivre, Claudette !!!?
PRINCE : C’est une manie dans ce pays.
CLAUDETTE : (au public,) Et pas un parmi vous qui m’offre la moindre miette de pain ! A Claudette ! Une petite dame qui ne vous a jamais fait de mal !...
Et qui n’a pas mange depuis trois jours ! Où étiez-vous ?... Ah des brutes va... Vous exploitez nos misères ! Je travaille moi, oui ! Toujours a l’affût... Et qu’est ce que je trouve ? (Elle farfouille dans une poubelle) De la corde ! Mangeriez-vous cette corde?! vous ? Alors pourquoi moi... Non: ce sera une corde pour me pendre ! Vous êtes prévenus !! Hein ? Non ?... Bon. Tant pis pour vous! (Elle commence à s’en aller.)
Le prochain arbre de passage va plier sous mon poids...
PRINCE : Madame ! Miaou! Ne vous suicidez point ! Je vous plains. Miaou.
(Au public) Je fais ce que je peux ! pour la bonne forme.
CLAUDETTE : (le suivant, pas à pas) Tiens, un chat : égaré, lui aussi, parmi les détritus de ce monde salopé... Et un beau siamois. Un vrai. Magnifique.
PRINCE : Enfin ! Quelqu’un d’éduqué ! Ah la bonne surprise !
(Claudette lui fait des sons de bisous pour l’attirer... Curieux, le Prince vient tout près d’elle... la renifle.)
PRINCE : OuiiiI, ronron?
CLAUDETTE : Et am-stram...
(Adroitement, elle le saisit pour l’attacher à la corde.)
J’savais que cette corde me servirait
PRINCE : (tirant sur la corde) ...Il y a malentendu ! Affreux ! J’appartiens à “Véronique”!! Elle sera morte d’inquiétude - jolie comme elle est ! Pas comme vous ! Vieille sorcière !!
CLAUDETTE : (tirant sur la corde) ... Je vais te vendre très cher... Un siamois, ça vaut son pesant d’or.
(Un type encore plus sinistre qu‘elle apparaît dans l‘ombre : c’est Gilbert - ex Gustave-Gaston.)
GILBERT : ... Qu’est-ce que t’as là, Granny, donne.
CLAUDETTE : (an Prince) Chut, la canaille, on ne reçoit pas.
GILBERT : Mais une vraie petite dame, dis !... Le fessier délicatement calé sur les ordures du jour... Son “favori” en attente, tout près. Sympââââ.
CLAUDETTE : Pour ceux qui peuvent comprendre... Sachez que Claudette n’élargit pas son cercle a présent !
(Un peu “distraite” elle farfouille dans son sac - Gilbert se précipite vers eux. Soudainement, Claudette ressort un couteau impressionnant - elle vise Gilbert avec adresse.)
Je vous écoute... ?
GILBERT : (assez raffiné) C’est le désenchantement, ma parole! Et vous avez l’air si aimable ! Quand les vicissitudes de l’existence - tourbillonnantes - déposent deux solitudes sur le même tas d’ordures, ne serait-ce pas pour leur suggérer que chacun profite du charme frelaté de l’autre ? Ah, vous auriez sans doute voulu contrôler mon identité ?... avant d’accepter mes hommages ! Voulez-vous voir ma carte, alors : a moi le plaisir ! (Elégamment il ressort une carte.) La voilà. Impeccable. Non mais regardez donc ! Ca ne coûte rien !
(Elle essaie de prendre la carte. Dément :)
GILBERT : “Regardez” j’ai dit !! Pas “touchez” !!
(Violemment il ressort un couteau ; Claudette brandit le sien.)
Personne n’a le droit de toucher cette carte ! Sauf moi !! C’est la seule que j’ale ! La dernière ! Sans cette carte... !!
CLAUDETTE : Mais du calme, Monsieur.
GILBERT : Je serais un mort vivant !!
CLAUDETTE : Mais pas du tout, Monsieur, vous êtes bien foutu, Monsieur !
PRINCE : “Gilbert Dupax, ancien professeur de philosophie à la faculté de..” Wouah !
GILBERT: (mondain) Vous comprenez : inculquer aux jeunes d’aujourd’hui des valeurs qui ne procurent aucun emploi... Mondo doloroso... J’ai préféré m’en aller... pour être solidaire avec mes étudiants... qui manifestaient contre moi... car je n’ai rien compris... de la situation actuelle en liaison avec le passé dans sa globalité... Et puis quoi, il y avait cette stupide histoire de cul. Oh je me suis fait brûler en effigie... avant que le rectorat m’intente ce procès... (Rigolant) entre nous, c’est moi qui ai incendié la fac... Chut !
CLAUDETTE : (ils ont rangé leurs couteaux) Et vous avez bien fait ! Ces derniers temps, des anciens profs, tout confus, émus, déçus, on en rencontre beaucoup sur la décharge publique ! Pour rien vous cacher, j’en suis un moi-même!
GILBERT : Pas vrai !
CLAUDETTE : Si !
PRINCE : Chic. J’suis bien tombé ! Je vais apprendre des tas de choses !
GILBERT : (‘galant”, se rapprochant d’elle) Et c’était quoi, votre sujet de prédilection, chère petite dame
CLAUDETTE : Les langues mortes.
GILBERT : Admirable ! Quelles langues, au juste ?!
CLAUDETTE : Mais toutes ! Il n’y a rien de comparable aux langues mortes ! Hélas je me suis découragée, moi aussi ! J’avais des élèves feignasses incapable de saisir la structure de la beauté hellénique ! A la maison je savais imposer les langues mortes ! Pendant qu’il mangeait, mon mari avait le droit de parler l’araméen ! Un beau jour, il ma quittée pour la femme de ménage ! Oooh la salope ! ils m’ont jetée dehors ! Ils m’ont tout confisqué ! Je veux dire que... j’avais besoin d’air... Alors j’ai vagabondé... au gré de ma fantaisie, soliloquant en perse ou en sanskrit selon les changements de la lune. Et voilà que je fêterai bientôt mes vingt-cinq berges de liberté... provisoire ! Aaah ces années-là, je ne les ai jamais regrettées ! Sauf par moments, bien entendu... quelle femme seule n’a pas de regrets ?... Si tu comprends ce que je veux dire... Je suis femme aussi... hein... Gilbert Dupax !! Aaaah je te donnerai tout ce que tu voudras ! Tout ! Tout ! Tu veux pas quelque chose de moi, dis?
GILBERT : Je mangerai bien un morceau. Tu sais où en trouver un?
CLAUDETTE : Oh là ! Au grand jamais je n’ai vu de poubelles si mal garnies !
GILBERT : Ce sont les chats !
PRINCE : Comment ça?
GILBERT : Ils volent dans “nos” poubelles ! Y mangent “nos” déchets ! Veulent épouser nos filles ! Ah je tirerai bien la queue de celui-là ! (Ce qu’il fait.)
PRINCE : AIE MIAOU !
CLAUDETTE : Hé ne touche pas à mon chat !
GILBERT : Ca soulâââge, tu peux pas imaginer ! Il y a tellement de gens dont on a envie d’arracher la queue... sans y arriver... si on ne peut pas au moins tirer celle d’un chat...
CLAUDETTE : C’est quand même cruel !
GILBERT : Justement ! Si tu veux l’avis d’un ancien prof de philo...
CLAUDETTE : H’ouîîî !! Giloûûû !!
GILBERT : Dès le début du monde, le Chat a donné à l’humanité un si rare exemple de cruauté absolue... que c’est un devoir civique de le torturer en retour. Ce chat là par exemple : il te boufferait et te grifferait, par simple plaisir.
CLAUDETTE : J’sais bien... mais... lui, c’est quand même “mon” chat. Et si quelqu’un essaie de le torturer... fais gaffe... ce sera bien moi... (Soudainement coquette,) Gilou ! Tu verras ! Claudette sait jouer avec les polissons comme toi ! (Caquetant, elle pousse le Prince par terre,)
GILBERT : Donne-lui d’abord des coups de pied...
(Ce qu’ils font tous les deux.)
PRINCE : AAH ! AAH! Des fous furieux ! C’est sérieux ! A L’AIDE !!
(Ils pourchassent le Prince qui les évite, frénétique, en leur crachant à pleine bouche.
D ‘un coup, il redresse le corps comme un lion, effrayant.)
CCCCCCCcch-ch-attention !! Chch-ch-ouîîî je vous grifferai et je vous boufferai ! CCH Une fois redevenu Prince... je vous ferai attacher par les pieds à l’arbre le plus haut de Château Chat, tous les deux ! Et voilà le joli couple, on dirait une pendule, ces deux-là, qui font tic-tac, tic-tac, toute la journée ! ! Tic-tac !! CHCHCHCHCHCHH !!
(Un temps.)
GILBERT : (“objectif”) l fait très mauvaise !impression, ton chat. Les gens risquent de nous associer a lui. Cela nous “dégraderait”.
CLAUDETTE : Est-ce possible ??!
GILBERT : Ne serait-il pas plus prudent, en fait, de le manger ? Une bonne fois pour toute ! Avant qu’il nous mange, tu comprends ! VITE !! A TABLE !! MANGEONS-LE !!
CLAUDETTE : (bête) Attends… attends...?
GILBERT : (« offensé ») J’espère que Madame n’est pas trop snob pour manger un plat populaire?
CLAUDETTE : Mais pas du tout ! Gilou... Quelle femme seule n’a pas mangé du chat ? Selon les parchemins anciens, c’est dans les civilisations on les femmes seules les ont le plus vénérés qu’elles les ont le plus mangés ! En cachette, seules, bien entendu !
GILBERT : (affame) Faisons comme elle ! Juste nous deux ! Et tout de suite !!
CLAUDETTE : Attends, chéri, attends ! Comment le faire cuire; c’est ça le vrai problème ! “La Cuisine au Chat” est d’une telle richesse ! I Mistigri est totalement comestible ! Regarde ses pattes ! Elles ont l’air der rien. Mais farcies de ses propres abats, en voilà une friandise ! ...
GILBERT : Qu’on le mange bleu !
CLAUDETTE : Le gâteau de chair de chat tartare : un régal ! Agrémenté de ses moustaches et couronné de ses yeux, le chat tartare vous regarde pendant tout le repas comme lui est en train de nous regarder en ce moment !
(Le Prince regarde ailleurs.)
GILBERT : Je vais le tuer. Il ne nous regardera plus ! (II ressort son couteau.)
CLAUDETTE : Non non et non ! C’est “mon” chat ! Et “ma” recette ! Je le tuerai moi-même. Et pendant ce temps-là... Toi... Tu te prépares...
GILBERT : Me préparer? Pourquoi?
CLAUDETTE : (« sexy ») Mais pour la corrida ! Macho ! “Toréador, en garde !“
(Elle pirouette « Flamenco », relâchant le bout de la corde pour la première fois.
Le Prince essaie de s’en fuir mais Gilbert l‘attrape et le ramène à Claudette. Comme
s’il agissait d’un taureau, elle tente un coup de couteau vers le Prince.)
CLAUDETTE et GILBERT : Olé !
(D ‘une grâce féline, il l’esquive... Gilbert et Claudette trouvent leurs couteaux respectifs plantés dans les ventres l’un de l’autre.)
PRINCE : Olé !
CLAUDETTE : (spasmodique) Oôôh... Gilbert... je suis désolée !
GILBERT : (spasmodique) Putasse des langues mortes !! Quand je pense... que j’ai supporté ton odeur... et ta hideur...
CLAUDETTE : Ca, c’est pas gentil...
GILBERT : Et dans l’unique espoir de manger ton chat !! (il meurt.)
CLAUDETTE : (agonisant, sanglotant,) Et maintenant je n’ai plus rien ! Ni à manger ni à vendre ! Je n’ai même plus une corde pour me pendre... Qu’est-ce que je vais devenir ... sans une corde...
PRINCE : Lamentable ! Elle m’aurait ébouillanté ! Egoutté ! Mastiqué ! Et j’ai pitié d’elle. Non ! C’est pas possible ! De la pitié pour “elle” ? C’est comme ça. Pour le moment... elle est tout ce que j‘ai.
CLAUDETTE : ... Je n’ai pas de corde...
PRINCE : (revenant vers elle) Tiens, le voilà ta corde... Et mol avec ! J’oublierai assez vite que je te hais !!!... Avec un chat, la brouille ne dure jamais très longtemps ... c’est notre problème, je présume. Je me donne à toi... Pourquoi pas... puisque je ne suis plus Prince. A plus jamais !
(Claudette et Gilbert se lèvent, gaiement, tous les deux ! ... et, tant par leur gestuelle que par leurs inflexions jouent la scène suivante comme s’ils n’étaient qu’une seule et même personne : Merlin en l‘occurrence.)
CLAUDETTE (MERLIN 1) : Plus Prince?
GILBERT (MERLIN 2) : Toi ?
LES DEUX MERLIN : Laisse-moi rire!
(Changement de lumière ; une musique de rires perlés - La corde tombe du Prince.)
CLAUDETTE (MERLIN 1) : Et comment ! Espèce de petite nouille ! T’es toujours un Prince... Charmant de surcroît... si on te gratte un peu...
PRINCE : ... Elle lit dans les pensées des bêtes... ?
LES DEUX MERLIN : Mieux : “elle” papote avec des betteraves ! T’as compris?
PRINCE : C’est pas... Ce ne peut pas être...
LES DEUX MERLIN : Ouais ! C’est ça !! Merlin !! Coucou me revoilà !
PRINCE : Oh ! Mon tuteur !
LES DEUX MERLIN : Et grand savant !... cache dans les jupes d’une petite dame meurtrière ! qui en dissimule un autre, qui en cache un autre, qui en masque un autre ! Faut se méfier des apparences. Charmant, hein !? C’est normal d’avoir un peu la frousse de temps en temps. Mais pas trop ! Comme tout le monde, t’as besoin de tout le monde ! Foutrement ! Là, on touche an paradoxe : “est-ce l’ami on l’ennemi ? Est-ce le visage on le miroir ? Est ce moi-même ?“ Dissertation sur les rapports humains ! A un certain niveau.
PRINCE : Ah oui lequel?
LES DEUX MERLIN : J’sais pas ! Tu me prends pour le bon Dieu ou quoi? Si je l’étais crois-tu que je te laisserais - crétin - t’exposer sous forme de chat ? Non ! Plus de questions, vieux ! Tu es prêt maintenant à trouver quelques réponses... si réponse il y a. Mon rôle est fini. Ayant enfin expié la très mauvaise éducation que je t’ai donnée... on m’a permis de m’en aller... loin très loin ! Là-haut, au pays du repos. Je t’enverrai des oeillades, éparpillées parmi les milliers de brillants de la voie lactée... Et toi...
PRINCE : Moi?
(Les deux Merlin disparaissent.)
Voix d’une JEUNE FILLE : (off) Prince Charmant... Prince Charmant... Où es-tu?
PRINCE : On m’appelle?
VOIX : Charmant... Aa ooo?
PRINCE : Mais... c’est la Princesse ! La vraie ! C’est... (Chantant) Valérie !
(Entre Valérie, radieuse dans le clair de lune.)
VALERIE : Pleine lune ! Des étoiles à revendre ! Reviens, mon beau Charmant ! Je sens que tu es là, tout près ! C’est mol ! Une princesse somnambule ! Les pas guides par l’amour ! Un amour qui ne se trompe point ! Qui m’amène à cet endroit... horriblement louche, ma parole. Où je te retrouverai. Oui ! même si je dois me plonger dans les tréfonds des ordures !
PRINCE : Ce moment - romantique par excellence - je le prolonge un peu, pour mieux le savourer...
VALERIE : Remarque, mes instincts mont dirigée vers pas mal d’autres endroits - avec comme résultat... les ampoules aux pieds... (Elle enlève ses souliers.) une fatigue mortelle et, et : Ras le bol ! Je ne le retrouverai jamais !
PRINCE : Retrouvé !! (Bondissant vers elle) Me voilà, Valérie de mon coeur ! Oui !
Le Prince ! Et on s’aime !
VALERIE : (elle éternue violemment) Beuh un chat ! Et moi qui suis allergique ! Ah ces bestioles ! Va-t’en ! (Elle lui lance un de ses souliers.)
PRINCE : Une épreuve de plus concoctée pour me “fortifier” ? Merci Toi là haut !
VALERIE : (le regardant d’un œil mauvais,) Et lui : comme si de rien n’était ! On remue ciel et terre pour retrouver un Charmant... Et voilà qu’il se gratte l’oreille ! Beuh il est infect ! Même si je trouvais les chats adorables - ce qui n’est pas le cas -, lui je l’appellerais “Déplorable” ! Beuh ce chat...
PRINCE : La ferme !!! Je t’aime bien, Valérie, mais la journée a été rude !
VALERIE : Quand je pense aux rapports merveilleux qu’on pourrait tisser avec des tas de gens... qu’on ne va jamais rencontrer... alors gâcher une seconde en faisant gnangnan avec un chat ? Ma mère ! Ma propre mère ! Grande suzeraine ! rendue folle par un chat stupide !
(Entre la Reine - folle - suivi par Gaston -)
REINE : La police !! Préfets ! Commissaires ! Agents ! Tous mes flics enfin ! Qu’attendez-vous, Monsieur le Premier Ministre ? Assemblez-les et grondez-les ! Qu’ils cherchent le chat !
Et sous tous les toits ! Que le peuple produise la paperasse qui prouve que son gentil matou
a un domicile depuis au moins six mois ! Sinon ! Pas de pitié pour ces bêtes ! On les embarquera, toutes ! On les parquera, toutes... Et puis ensuite... ha ha hé oui hélas !
Charmant ne m’échappera pas... car pour les siamois de race, il n’y aurait pas de grâce ! autrement dit, plus de trace ! Mais écoutez, voyons, activez la police, espèce de connard !
GASTON : Pourquoi moi, je m’en fous des chats, ma mie ! Pourquoi est-ce que c’est toujours à moi de faire tes sales besognes ?
REINE : Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi penses-tu que je t‘ai nommé premier ministre, pour ta jolie petite queue?
GASTON : (confus) Ben oui... (Sort.)
VALERIE : (a sa mère,) Si je peux placer un mot...
REINE : NA !!
VALERIE : Reviens a nous, maman ! Tu déformes tout, néglige tout ! Occupe-toi un peu de moi, enfin !
REINE : (émue) Ma fille !
VALERIE : (émue) Maman !
REINE : (maligne) Supprimez son garde du corps à la Princesse J’aurais trop besoin d’eux pour chercher le chat ! (Voit un chat) Oh minou minou, encore un de ses petits monstres ! (Elle sort un rosbif de dessous de sa cape ; Valérie, en bonne végétarienne, s’évanouit : ) Viens a moi ! que je te regarde de plus près... Es-tu Charmant ? Vite ! Un piège à chat ! Une minouciêre ! Un attrape-chat ! Une tapette à chat ! (Elle part.)
VALERIE : Voilà, je sors du palais à trois heures du mat, non accompagnée et on ne le remarque même pas ! Je suis malheureuse ! Que vais-je devenir !
PRINCE : Tu vas vivre ta vie, Valérie. Oui ! Bois de l’eau fraîche. Respire un peu, dors beaucoup. Lèche tes poils et chasse les rats ! (Il se lèche : ) Améliore ton image, quoi.
VALERIE : Il se lèche... Ce chat... paisible... serait-il le vide ?... Alors peut-être qu’il sert un but ! ... être mon point d’orgue... Moi... qui cherchais tant la tranquillité... en me jetant dans les bras du Prince Charmant ?... Mais est ce que ce Prince-là m’a apporté la paix ? Disparu comme ça... peut-être qu’il est compromis... dans un sordide trafic?
PRINCE : Mais non !
VALERIE : J’ai pas besoin de ça, moi ! ... Sois honnête, Valérie. Est-ce que je l’aime... vraiment ? Ou était-ce le fait d’avoir trop bu lors de cette première nuit lunaire ?... qui ma brouillé l’esprit ! ... au point d’être enchantée par un type qu’avant je trouvais plutôt minable. Qu’est ce que ça donne au lit, “ça” ? Là, j’y suis très exigeante ! Mais tout s’éclaircit ! J’aime pas ce type ! Du tout !
PRINCE : Oh là, voila qui est clair.
VALERIE : Mais je l’épouserai tout de même !
PRINCE : N000N !
VALERIE : Si. Je lui ai donnée ma parole. Et la parole d’une Princesse ne se reprend jamais !... Hélas... J’aurais trop peur !... que ce Prince me fasse un mauvais coup ! ... Avec des pauvres types... on ne sait pas !
PRINCE : …
VALERIE : Alors je l’épouserai ! Et je le comblerai ! A ma façon !! Uniquement parce que j’ai donné ma parole ! ... C’est vrai... il sert un but, ce chat. Il crée un vide.
(Remettant ses souliers.) Tiens, Gaston Pflugg ! Et si je le pique à ma mère... ? Ce ne serait pas la première fois ! (Elle s’en va.)
PRINCE : Au fond... elle est beaucoup moins sympa que je ne croyais !
REINE : (surgit) Une tapette à chat ! Mon royaume pour une tapette ! (Elle sort ; éruption de Valentin - ex Gaston-Gustave-Gilbert:)
VALENTIN : Coucou, on m’appelle ? Tiens, un chat ! J’aîîîme les chats ! ... T’es à moi.
(Lumière d’intérieur.)
5 - CHEZ VALENTIN
Entre le Prince... reniflant, crachant un peu, en chat confronté à un nouvel environnement.... Il est suivi de Valentin.
VALENTIN : Voilà, ton nouveau domicile ! Renifle-le bien... a ta nouvelle vie !... avec mmmôôôa ! Valentin Pouf ! Décorateur ! J’aiîîîîme les chats ! Embrasse-moi !
PRINCE : (tournant la tête,) Euh... cette odeur de citron sucré !
VALENTIN : Ah, si tu ne veux pas partager mon existence... pourquoi m’as-tu dragué dans une rue malfamée... petit coquin !
PRINCE : J’etais à boûûûût !
VALENTIN : De toute façon... Je vais t’appeler : “Sado-Maso” !
PRINCE : “Sado-M-”... MAMAN !
VALENTIN : Juste pour m’égayer chaque fois que je te regarde !... Oh ha ha ha ha t’es drolatique !... Ah ! Qu’est ce que c’est la vie... si on ne peut pas... rire, rire, rire... jusqu’aux larmes !... surtout après que son dernier amant vient de claquer la porte... des lors on se retrouve seul à seul !... Oh bof je m’en moque !! J’ai mon caractère – percutant ! difficile ! exigeant ! Bref personne ne m’a jamais supporté très longtemps ! Quelle chance pour tol ! Seul avec moi... On peut faire ce qu’on veut... hein ?
PRINCE : (crachant) CHCHCHCHCH.
VALENTIN : Il est peu compatissant, ce chat ! Pis : il est dégueulasse ! Tiens, je vais lui faire couler un bain !
PRINCE : (blême, reculant) Un beuh-beuh-beuh ???
VALENTIN : (le traquant) Oui ! Rien que pour toi ! De la mousse de savonnette... citronnée... fouettée jusqu’au plafond ! Ensuite, va pour le désinfectant, cela na jamais fait du mal ! Et pour clore : opération talc !
(Le Prince réussit à quitter la scène en reculant.)
Bravo ! Tout seul, il a trouvé la salle de bains !
(Valentin se précipite après le Prince.
Le Prince saute sur scène, de très mauvaise humeur, un joli ruban dans ses cheveux.
Valentin le suit...)
VALENTIN : Oh! Et si je te fourrais dans mon nouveau slip ! Le fuchsia au petit pois ! Il est si smart !
PRINCE : (s’occupant de ses ongles) Oh ! Et si je refaisais mes griffes sur ta figure ! elle est si tarte !
VALENTIN : Oh ho ho ho ! On s’amuse bien, non... Ahhh... Plus besoin de personne d’autre hein ! Ma foi, passé à la lessive, t’es pas mal ! Bien sûr, demain je vais mettre des annonces dans toutes les boutiques du coin annonçant que je t’ai trouvé ! Crois pas que je me lasse de ta compagnie. Mais ça se pourrait que tu appartiennes à un pauvre petit garçon de six ans... Gentil comme moi !...
PRINCE : (le reniflant) Gentil, ça?!
VALENTIN : Qui pleure-pleure pleure !... comme moi j’aurais chialé à cet âge !
(D‘un coup il saisit le Prince dans ses bras. Réellement angoissé)
Aîîîîme-moi !!
PRINCE : Il ne manquait plus que ça ! Ce qu’il est agaçant, ce mec !
(Serré comme dans un étau.)
Bon, vas-y... Pourquoi pas ! je fermerai les yeux
(Délicatement, Valentin lui gratte le menton.)
Hum... C’est ça, le sadomasochisme ? Tiens, pas mal !! Ronronron !!
VALENTIN : Oh oui ! Tu es châât! Châât! Châât ! Avec toi je redeviens goôôôsse! Sortant de “mon” bain…. à six ans... nu, propre, mon chat tout prés de moi... La vie a été si légère !... A sept ans... Oh mon chat ! T’es fait écraser par un vilain autocar ! Et mon horrible père a frappé ma mère. Et elle l’a laissé faire ! Et ma soeur dont j’aimais tant tripoter les fesses - a tout raconté à mon cousin - qui a mis en accusation ma virilité devant un conseil de famille ! Alors Valentin “Gosse”, il devient Valentin ”Garce” ! Oui !! Garce !! Comme ma mère aurait dû être avec mon abominable père ! Mais... Je suis moi ! Moi ! Gosse ou garce... personne ne m’a jamais aimé...
PRINCE : SOS Docteur Chat ? Je commence a en avoir l’habitude.
(Il « lèche » Valentin.) Mon petit garçon... c’est ton gros matou qui t’aime. J’aime toute l’humanité, quoi. Ronron.
VALENTIN : Oh !... Tu m’aimes... juste un peu!?
PRINCE : Ronronronron oui. Tu es moins horripilant que je ne croyais : là. Ronron.
VALENTIN: Oh (Ingénu) Oh “Sado Mas“… J’aime pas ce nom...
PRINCE : Moi non plus, figure toi !
VALENTIN : Je vais t’appeler... Prince. Toi tu “es” un Prince Charmant. Celui que nous cherchons tous. Car tu nous écoutes Tu nous comprends !
PRINCE : C’est bien. Maintenant gratte-moi un peu le ventre.
(Ce que Valentin essaie de faire. Mécaniquement le Prince lui repousse la main...
plusieurs fois.) Le ventre je te dis !! Bon, on va dormir un coup, veux-tu ? Allez, viens, mon petit, au pays de Dodo, sous la belle étoile de l’enfance... Viens...
(Ils sortent tons les deux.
(On frappe à la porte ! Lumière matinale.
Entre de nouveau Valentin.)
VALENTIN : (au Prince, off) Toi, tu restes la, cache. Tu ne bouges pas! (Au pubIic) Chut !
(Valentin fait entrer une dame, voilée en noir : c’est la Reine.)
REINE: (au public) Chut ! (Sévère) Je suis bien chez Monsieur Pouf?
VALENTIN : Oui... Et vous ?...
REINE : Je suis une veuve… qui a vu l’annonce que vous avez mis... au sujet du chat retrouvé !
(Pendant le suivant, le Prince entre et sort plusieurs fois, insouciant comme un chat et toujours à l’insu de la Reine.)
VALENTIN : Hélas !
REINE : Vous avez bien un chat ? Ou est-ce que je gâche mon temps ?
VALENTIN : C’est à dire que... Vous en voulez un ? Je tiens beaucoup au chat que j’ai !
REINE : Ah !! Euh, enfin, c’est a dire que... vous voyez : mon petit garçon a perdu son chat …
VALENTIN : Ooohh...
REINE : Alors forcément, il perd aussi... sa raison !
VALENTIN : Aaah...
REINE : Il est inconsolable il en souffre ! il faut que je lui redonne ce chat ! Sinon... Aie ale aïe !
VALENTIN : Oh faites-le entrer ! Ce pauvre petit !
REINE : Non !! il, il joue dans la rue !! comme un fou !! il n’entre pas ! Trop timide ! Et et souffrant !... et il joue quoi !
VALENTIN : (soupçonneux) ... Et le chat...?
REINE : Quel chat ?
VALENTIN : Le vôtre... il est comment?
REINE : Comment ça “comment” ? Exactement comme le v6tre... vu que le vôtre est le mien ! En plus, ces bêtes, ils se ressemblent, toutes !
VALENTIN : Alors là, vous touchez à un grave problème. Quand ceux qui en perdent font irruption... chez ceux qui en trouvent... ils repartent, souvent, avec ceux qui ne sont pas les leurs... (Gamin) Et c’est juste parce qu’on aime tellement les chats qu’on veut les garder, tous ! Les chats sont merveilleux, n’est-ce pas ?!
REINE : Ah... ça...
VALENTIN : (tranchant) Et les gens sont de la merde. Alors pour savoir de quoi vous êtes faite, vous : décrivez-moi votre chat ! Je veux des preuves !! La couleur des yeux ? La forme de la queue ?!
REINE : Beuh ! I est... comme... (Voyant le Prince qui, curieux, a fait quelque pas vers elle) Minou!
VALENTIN : Prince!
REINE : Ah ! Prince ? (Elle fredonne.) “Le poison, la piqûre !!“
PRINCE : (la reniflant) La Reine Clotilde !! (Il lui crache à la figure.)
REINE : (appelant) GASTON !! GASTON !!
(Irruption de Gaston ! Ou - si Gaston est joué par Valentine il ne vient pas vu qu’il est déjà sur scène. En ce cas: un moment de malaise puis une comédienne – Valérie par exemple – se précipite sur scène, en enfilant le costume de Gaston pour sauver la situation.)
GASTON 2 : Ouais !
REINE : Le pistolet !!
GASTON 2 : (dégaine) Ouais !
REINE : Bien joué, Charmant. Mais personne n’échappe à son destin ! On arrive à échec et mat. Gaston Pflugg !
GASTON 2 : Ouais !
REINE : Fait ton devoir.
GASTON 2 : Ouais !
VALENTIN : Non ! Non ! Tu peux pas tirer sur un chat !! (D’une pirouette se mettant entre Gaston et le Prince !) Tue-moi plutôt !
GASTON 2 : Ouais !
(II tire sur Valentin qui s’écroule. Comme un chat effrayé du bruit, le Prince saute dans l’autre chambre. En même temps : )
REINE : (à Gaston) imbécile !!
GASTON 2 : Ouais !
REINE : Tu fais tout ce qu’on te dit ?
GASTON 2 : Ouais !
REINE : Tais-toi Gaston Pflugg, tu commences à me taper sur les nerfs !!...
Déguerpissons ! Mais le chat ! Tant pis On est déjà dans la merdasse ! ...
GASTON 2 : Oui-oui oui.
(Ils sortent rapidement... Lumière et musique céleste : Le Prince réapparaît... il regarde Valentin, agonisant.)
PRINCE : Oh...
VALENTIN : Je meurs... pour mon Prince...
PRINCE : Il a offert sa vie… pour moi !... Donc je redeviens homme pour de vrai !
VALENTIN : (déconfit) Mais... qui êtes vous, Monsieur ? Où est mon chat...
PRINCE : (au public) Je suis son chat. Mais c’est le chat à deux têtes ! Une appartenait au Prince Charmant - transformé - jusqu’à ce que quelqu’un s’offre à mourir pour lui - en félin pour des raisons d’état - vraiment trop compliquées pour emmerder un moribond - et que j’ai jamais très bien saisies moi-même...
VALENTIN : Oooh... (II s’immobilise.)
PRINCE : Pax domini repose en paix !... Tiens, une larme ! Une vraie larme d’homme !
(On frappe à la porte.)
Prends tes jambes, Homme, a ton cou d’homme... retrouvé... et tire toi de là !
(Irruption de Véronique !
Collision des deux personnages: le Prince fuit.)
VERONIQUE : (toujours “convalescente’) AAIEE ! Eh ben vous êtes gonflé, vous, bon... (Gaiement) Bonjour bonjour ! je suis venue au sujet de la fiche ! Je m’appelle Véronique !... Je suis Véronique de l’appendicite ! J’ai vu l’annonce ! Chez mon pâtissier ! Au sujet d’un chat ! Aux épaulettes militaires ! Qui est sûrement le mien ! Que j’ai perdu ! Epaulette !
Où es tu ?
(Valentin grogne très faiblement et referme les yeux... Véronique croit rêver !)
Oh !... Un cadavre ?...!!... Désolé de vous déranger mais... je suis venue pour le chat ! Les chats, ils sont importants !! Le mien, où est-il ?
VALENTIN : (faiblement) ... J’aime les chats...
VERONIQUE : Moi aussi, pardi !
VALENTIN : (ouvre les yeux) Elle est belle !! Ooooh !
VERONIQUE : Il est beau !! Aïe!
(La tête de Valentin retombe.)
Etes vous bien dans votre assiette, Monsieur ?
VALENTIN : Ce n’est rien. Un méchant m’a tiré dessus...
VERONIQUE : Ooooooh ! ça sort de l’ordinaire ! Enfin!! Ooooh!!
VALENTIN : Ils ont voulu tuer le chat!
VERONIQUE : Les énergumènes !!... De plus en plus extraordinaire !!...
VALENTIN : Alors je me suis mis à la place du chat...
VERONIQUE : Vous avez bien fait !
VALENTIN : Maintenant je vais mourir ! (Il s’écroule,)
VERONIQUE : Mais pas du tout, voyons ! Allez ! Courage ! Je connais un très très bon hôpital - cinq minutes d’ici a pied ! A cet hôpital - où on m’a récemment découpée avec le résultat que voilà - on va vous recoudre de fil blanc ! Allez appuyez vous sur mo i! Ne vous gênez pas ! Les amateurs de chats doivent s’entraider !
(Ils sortent tous les deux, péniblement... Ils changent même le décor... si le metteur en scène est un grand sadique !)
6 - LA FIN DE LA PIECE
Entre le Prince suivi de la Reine...
REINE : Maintenant vous savez tout ! Prince ! il faut épouser ma fille !! il faut épouser la Princesse Valérie ! Je le veux !
PRINCE : Alors là, vous me perdez ! Toutes ces vilaines magouilles pour empêcher ce mariage ! Et au moment même où je ne le voulais plus...
REINE : Moi je le veux ! Oui ! Je vis au présent, moi ! Quand un truc ne marche pas, je dis : enterre le ! Et inventes-en un autre ! Ce qui compte aujourd’hui ? les méchantes langues vont bon train ! La solution d’une reine: “Mariage royal - en grande pompe entre deux gentils héritiers” - vous et Valérie en l’occurrence - et voilà la paix restaurée !
PRINCE : Mais je ne l’aime pas !!
REINE : Un Prince doit épouser celle qui lui inspire du dégoût. Sinon comment voulez-vous que le peuple accepte sa propre médiocrité ? Tiens, le peuple ! Je vals le combler et pour de vrai ! en épousant moi-même “le” prolo ! Gaston !! GASTON !!
(Entrée de Gaston, penaud.)
T’es a moi ! !
(Entrée de Valérie, ajustant sa jupe.)
PRINCE : (au public) Sachant que le devoir primait tous les sentiments... J’acceptai
“le double mariage du siècle”... censé faire la une de la presse... et en même temps résoudre tout conflit économique, politique et pathologique!
(Bruit d’une foule. Les quatre personnages joignent les mains et vont vers ce vacarme.)
Les jeunes époux descendirent parmi une foule en liesse - selon la tradition d’Entrelac Crad-Péagois... La populace leur montra son enthousiasme en leur jetant à la figure des oeufs pourris et des cocktails molotov...
REINE : (se sauvant) Tiens, ça ne marche pas non plus ?
VALERIE : (se sauvant) LES INGRATS !! MAMAN !!
PRINCE : (an public) Alors, nous, la noblesse de deux pays primes nos jambes à nos cous en direction de la sortie. Nous nous dirigeâmes vers un pays digne de nous ! une vraie démocratie ! Nous fûmes… en France!
(La Reine, Valérie et Gaston reviennent.)
Et Marianne, de par sa générosité légendaire nous accueillit, comme tant d’exilés politiques avant nous... en nous prêtant une piaule de banlieue enrobée d’un mur de béton et un garde armé jusqu’aux dents, qui nous protégea...
VALERIE : Et qui nous terrifie ! J’existe moi ! Dois-je terminer mes jours dans ce patelin de merde merde et merde !!?
REINE : Oh Valérie tais-toi ! T’as oublié d’être Princesse ou quoi !!? Tu veux une baffe ! en voilà une...
GASTON : Et bordel les deux salopes, vos gueules !! Qu’est-ce que j’en ai branler de vous !? N’y a même pas assez de place pour faire du jogging ! On est en France, non !? Si on commandait une piscine portative à la Redoute ?
REINE : Et comment payer, mon amour ? Qui parmi nous a de quoi affranchir l’enveloppe de retour ?
PRINCE : Oh Véronique !! Oh Valentin !!
VALERIE : “Oh Véronique" !!
GASTON : “Oh Valentin” !!
PRINCE : Ah quand j’étais chat …
VALERIE : T’es toujours chat, mon amour... sur un certain plan. Gaston:
si on refaisait notre randonnée habituelle... le tour du béton... au clair de lune...
GASTON : Allez hop, la salope... On s’promène! (Ils s’en vont, en jogging.)
PRINCE : Et toi tu t’en fous !!
REINE : Pas du tout ! Je m’organise ! On va pouvoir sortir de cette bicoque ! On va reprendre nos places dans le gotha ! On va récupérer les bijoux royaux ! On va cultiver les banquiers ! On va refaire des investissements ! Tu vas voir, Charmant ! J’aurais de nouveau ma couronne !
PRINCE : J’sais pas, Belle-maman ! ça me semble tout on programme. Non?
REINE : Entre nous, j’adore les complications !
PRINCE : Moi pas ! Finissons nos vies en paix enfin !
REINE : La paix, oui ! L’inertie: jamais ! Bon, le double manage, une catastrophe ! Je l’admets ! Mon droit a l’erreur ! Donc cette fois-ci je mitonnerai... un double divorce ! Moi et Gaston ! Toi et Valérie !! On reparlera de nous jour dans la presse spécialisée ! Ensuite : double mariage de nouveau – mais au parfum du jour ! Valérie et Gaston - enfin unis - ça, je l’ai toujours voulu !
PRINCE : Et l’autre couple ?
REINE : Mais toi et moi !
PRINCE : (tombe à genoux) Véronique !!
REINE : Toi et moi !
PRINCE : Valentin !!
REINE : Toi et moi !
PRINCE : (Il se transforme en chat) MIAO!!
(Il essaie de se barrer - elle le pourchasse.)
REINE : Ah non ! Pas comme ça! C’est trop facile ! Prends tes responsabilités pour une fois !
(Ils ont disparu tous les deux.
Chez Véronique. Entrent Valentin et Véronique; elle essaie de l’amener an lit.)
VERONIQUE : Ah Valentin mon époux !... Viens...?
VALENTIN : ... Ah Véronique ma tendresse ! T’es extraordinaire !
VERONIQUE : Ooh ! Pourquoi serais-je extraordinaire... pour toi ?!
VALENTIN : Parce que tu m’aimes!
VERONIQUE : Bien sûr que je t’aime... sympa comme tu es !... Mais viens !...
Serais-tu... moins content de ta petite Véro... que tu le prétends...
VALENTIN : Non... C’est que... je pense... comme couple...il nous manque... quelque chose... a notre épanouissement !
VERONIQUE : Oh! Une “toute petite” chose !... Tu y penses déjà...?
VALENTIN : Comment ne pas y penser... avec toi... Véro... Un petit chat a nous !
(Entre le Prince.)
VERONIQUE et VALENTIN : Tiens un chat...
PRINCE : A travers forêts et rivières... le chat fidèle...
VERONIQUE : Mais attends... c’est Epaulette !
VALENTIN : Prince !!
PRINCE : Courageux, combattant mille dangers pour retrouver le bercail de sa douce famill- aïe !
VERONIQUE : (le frappant) Prends ça!
PRINCE : Miao !
VERONIQUE : Ca t’apprendra a te sauver ! Prends ça !
PRINCE : Miao!
VALENTIN : Bon ça suffit, Véro ! (Il entre dans le lit, très macho) Amène le au lit avec nous ! (pas très macho) J’aime les chats !
VERONIQUE : Mais moi aussi pardi !
(Les trois sont au lit.)
PRINCE : Ainsi le conte de fée se termine dans le luxe, le calme et la paix du dimanche que nous avons tant aimés enfant... Et que la vie d’adulte ne nous offre pas toujours !
(Irruption de la Tante.)
TANTE : Véronique !! Valentin !! Toujours au lit !? Ah les jeunes époux ! Ooh tu as trouvé ton chat, Véro !? Cette fois-ci... il faut l’empêcher de sortie pendant trois jours... Sinon il se perdra de nouveau !
PRINCE: (il est d’accord) Miaou.
NOIR
Fin de “CHAT QUI PEUT”