Commissaire Badouz

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Guy Foissy est-il devenu un auteur de pièces policières ? Avec cette pièce, il a pris, certes, une histoire de polar, mais il la traite à sa manière, celle d’un auteur qui a obtenu le Grand Prix de l’Humour Noir du Spectacle.
Le célèbre Commissaire Badouz a une méthode particulière. Au lieu de mener son enquête, comme tout un chacun, et de révéler la solution de l’intrigue à la fin, il découvre (et tait) le futur coupable, et la future victime, avant que le crime ne soit commis. Mais il doit forcément attendre que l’acte soit accompli sinon comment arrêter le coupable d’un crime non-encore commis ?
L’angoisse monte dans la commune de Cajarne sur Allon, car si le Commissaire est là c’est qu’un crime aura lieu… Pour qui est-il venue ? Qui tuera ? Qui sera tué ?…

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TABLEAU 1

Le couple. Il est assis. Elle regarde à l'extérieur.

Lui - Assieds- toi... Mais assieds-toi...

Elle - C'est lui. Je t'assure que c'est lui. (Inquiète) Oh mon Dieu... Que va-t-il nous arriver ?

Lui - Calme-toi. Il ne va pas te violer.

Elle - Oh toi, naturellement, tu ne penses qu'à ça.

Lui - Tu devrais t'asseoir...

Elle - Puisque je te dis que c'est lui.

Lui - Assieds-toi, Poupette...

Elle - Assise ou debout qu'est-ce que ça change ? (Elle s'assied) Il va se passer des choses terribles.

Lui - Ne fantasme pas. Ne parle pas. Ne bouge pas. Cherche ton vide. Quand tu l'auras trouvé, tu auras trouvé ta vie.

Elle - Ton vide ? Il y a belle lurette que tu es tombé dedans. (Elle se lève vive) Il a bougé !

Lui - (sursaute) Qui ça ?

Elle - Mais lui ! Tu ferais vraiment sortir ses griffes à une bête à Bon Dieu ! Quand tu étais jeune, tu parlais. Quand tu étais jeune, tu riais. Quand tu étais jeune, tu vivais.

Lui - De quoi voudrais-tu rire ? Qu'est-ce qui, dans ce monde, pourrait bien faire rire ? Qui peut me le dire ? (Evidence) Ah...

Elle - Toi. Quand tu étais jeune, tu me faisais rire.

Lui - (ferme les yeux) Je n'ai jamais compris pourquoi. Sois tranquille. Rassure-toi. Les assassins ne tuent jamais des gens qu'ils ne connaissent pas. Ici, nous ne connaissons personne, donc nous ne risquons rien. CQFD. Je pars en voyage... Tu me raconteras s'il se réveille. En petit voyage...

Elle - Tu t'es quand même aperçu qu'il dormait. (Elle regarde dehors, en s'approchant sur la pointe des pieds) Il dort... Qu'il est beau quand il dort...

Lui - (dans un soupir, en dormant) Poupette...

Elle - Tu es revenu de voyage ?

Lui - (un souffle) N'en fais pas trop quand même...

Elle - (hausse les épaules, parlant du personnage dehors) Il dort. Il fait semblant de dormir. Forcément, un homme comme lui ne peut que faire semblant de dormir. Ou alors, il ne dort que d'un œil, comme un cyclope. (Elle s'assied) Oh mon Dieu... Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi sommes-nous venus ici ? (Elle secoue son mari) Pompom ! Pompom !

Lui - (réveillé) Hein ? Ho ?

Elle - (accablée) Pourquoi sommes-nous venus ici ?

Lui - Tu ne t'en souviens pas ?

Elle - Pourquoi nous ? Il ne nous arrive que des choses terribles.

Lui - Mais non... Il ne nous arrive jamais rien. Que voudrais-tu qu'il nous arrive ? Surtout en vacances.

Elle - L'année dernière, j'ai perdu mon collier de perles.

Lui - Fausses.

Elle - L'année d'avant, j'ai eu la grippe. Il y a cinq ans, je me suis foulée la cheville en ramassant des cèpes. Et puis avant, il y a eu la mort de Maman, la chatte qui s'est jetée volontairement par la fenêtre du cinquième étage, ton neveu qui est tombé amoureux d'un gendarme et j'en passe et des pas vertes. Tu ne vas quand même pas dire qu'on a de la chance ? Il n'y a qu'à nous que ça arrive. Naturellement, ça ne t'intéresse pas. (Il s'est rendormi) Ma vie est une litanie. Des drames, des tragédies, des mélodrames. D'autres se préparent peut-être dont nous serons les héros, dont nous serons les victimes. Et toi ? Tu fermes ta porte à clef. Tu me laisses mourir seule. Crois-tu que je sois devenue une vieille femme ? Une vieille femme arrivée à l'âge de mourir. (Elle se lève) Il remue ! Il remue ! Il se meut ! Il agite mollement son bras droit comme un palanquin. Mon Dieu... faites qu'il dorme. Qu'il soit dans la paix du sommeil...

Elle s'avance pour sortir mais entre la chaisière.

La Chaisière - Vous avez votre ticket ?

Elle - (interloquée) Mon ticket ?

La Chaisière - Votre ticket de chaise.

Elle - Mais... Mais c'est gratuit.

La Chaisière - Ça n'empêche pas d'avoir un ticket. Qui paie ses chaises s'enrichit.

Elle - C'est absurde.

La Chaisière - Ce qui serait absurde, c'est qu'il n'y ait plus de chaisière. Après être restée debout une heure, vous avez le droit, avec le même ticket de rester à nouveau assise pendant deux heures. Pas plus, c'est le règlement. Une heure par fesse. (Elle lui tend son ticket) Conservez-le, il peut vous être réclamé à la sortie. Attention : vous n'avez le droit de vous rasseoir qu'une seule fois. (Elle va sortir)

Elle - Pas par-là !

La Chaisière - Pourquoi ?

Elle - Vous avez vu ? Vous l'avez vu ? Assis sur une chaise, il dort, ou il fait semblant de dormir. Pourquoi dort-il ? Pourquoi fait-il semblant ?

La Chaisière - Il est en règle, je lui ai remis son ticket.

Elle - Vous ne l'avez pas reconnu ?

La Chaisière - Bien sûr que si.

Elle - C'est tout l'effet que ça vous fait ? Savez-vous pourquoi il est venu ?

La Chaisière - Pas encore.

Elle - Un homme qui fait semblant de dormir, c'est inquiétant. Pourquoi ne dort-il pas ? Que cherche-t-il à cacher, à dissimuler, à observer ? Il faut prévenir les gens. Les alerter. Qu'ils se méfient. Qu'ils se protègent. Qu'ils se terrent. Qu'ils s'enterrent.

La Chaisière - Ça, ma petite dame, c'est déjà fait. Si vous espériez avoir la prime, vous repasserez.

Elle - Vous avez prévenu la police ?

La Chaisière - La police ? Vous me voyez entrer dans le Commissariat en disant, il est là, je l'ai vu, il dort. Ce serait comique. Avec un peu de chance, il m'enfermerait. Mais moi la chance... Personne ne veut jamais m'enfermer.

Elle - (rit) C'est vrai. Ils doivent être les premiers informés, ou alors c'est que le monde marche sur la tête.

La Chaisière - J'ai prévenu ma nièce. Demain, tout le monde sera au courant.

Elle - Demain ? Il sera peut-être trop tard.

La Chaisière - Aujourd'hui. On l'appelle le journal parlé, bien qu'elle écrive dans le journal. Elle écoute et elle bavarde. Et puis elle raconte ce qu'elle a entendu. Parfois, elle mélange ce qu'elle a dit et ce qu'elle a entendu. Elle a déjà dû faire le tour de la ville.

Lui - (en dormant) Le monde marche sur la tête.

La Chaisière - Et lui ? Il dort ou il ne dort pas ?

Elle - Il parle en dormant.

La Chaisière - La nuit, vous ne devez pas vous embêter.

Elle - Ça dépend des nuits.

La Chaisière - C'est comme moi. Quand mon mari vivait, il y avait des nuits où on s'embêtait et des nuits où on ne s'embêtait pas.

Elle - Ça dépend de ce qu'il raconte. (Dehors) Regardez ! Il s'étire... On dirait une vieille chatte. Il allonge les jambes...

La Chaisière - Il les a plutôt courtes, par rapport aux bras.

Elle - Il faut qu'on s'en aille. Il faut qu'on se sauve. Il est peut-être encore temps. Pompom !

La Chaisière - Laissez-le dormir. Il ne faut jamais déranger un homme qui dort, car on a tout à craindre de son réveil. Et puis au moins, pendant ce temps-là, ils nous foutent la paix.

Elle - Fuir. Là-bas fuir. ça sert à quoi de regarder le danger en face ? Le danger, il faut lui tourner le dos, c'est ma mère qui m'a appris ça. Et courir vite.

La Chaisière - Le danger ? Quel danger ?

Elle - (parlant du personnage dehors) Il n'est jamais nulle part par hasard.

La Chaisière - En quoi voulez-vous que ça vous concerne ?

Elle - (écrasée parce qu'elle dit) Il s'agit de meurtre...

La Chaisière - Et alors ?

Elle - (fatalité...) Je n'ai pas envie de mourir...

La Chaisière - Pourquoi voulez-vous mourir ?

Elle - Parce qu'il est là ! Vous êtes vraiment sur une autre ligne, vous !

La Chaisière - Qui vous a dit qu'il était là pour vous ?

Elle - (s'assied épuisée) Forcément...

La Chaisière - Si vous vous relevez vous aurez épuisé votre temps. Après, pour vous rasseoir, il vous faudra un autre ticket.

Elle -  Parce que c'est toujours sur moi que ça tombe. Dès qu'il y a quelque chose qui tombe, pouf, c'est sur moi que ça tombe. Dès qu'il y a quelqu'un qui tombe, pouf, c'est toujours moi qui tombe. Je suis l'éternelle victime... (Elle se lève) Mais ce coup-ci, je dis non ! Non !

Lui - (dans son vide) La vie passe...

La Chaisière - Qu'est-ce qu'il dit ?

Elle - Il dit que la vie passe.

La Chaisière - (moue) C'est original...

Elle - Il est dans son vide.

La Chaisière - Où ça ?

Elle - Dans son vide. Son vide sidéral.

La Chaisière - Il est tout à fait normal ce type ? A votre place je me méfierais.

Elle - Ça fait vingt-cinq ans que je me méfie. C'est pour ça qu'il faut que nous partions. Loin. Loin d'ici. Loin de tout. Loin de lui (dehors).

La Chaisière - Ce n'est pas de lui (le mari) que vous avez peur ?

Elle - Ce n'est pas seulement de lui qu'il faut avoir peur, mais de tout, de tous, de toutes.

Lui - (sommeil) Le bateau sombre.

La Chaisière - Qu'est-ce qu'il grommelle ?

Elle - Il grommelle qu'il sombre.

Lui - (dans son vide) Poupette, tu devrais t'asseoir.

Elle s'assied. La chaisière lui tend un ticket.

La Chaisière - Tenez.

Elle - Merci.

La Chaisière - Vous n'avez rien à craindre. Ce n'est pas pour vous qu'il est venu.

Lui - (évidence) Ah.

La Chaisière - Qu'est-ce qu'il dit ?

Elle - Rien.

La Chaisière - (méfiante) Il dort toujours ?

Elle - Oui.

La Chaisière - Il suit la conversation en dormant ?

Elle - Oui.

La Chaisière - Et quand il ne dort pas ?

Elle - Il n'écoute pas. (Dehors) Oh ! Il se réveille ! Non...

La Chaisière - (la poussant) Poussez-vous !

Elle - Pourquoi voulez-vous que je me pousse ?

La Chaisière - Pour que je voie mieux. Ma nièce m'a demandé de lui faire un rapport circonstancié. A chaque fois, je touche la prime.

Elle - (ne saisit pas) Votre nièce ?

La Chaisière - Je vous l'ai déjà dit, elle est journaliste à l'Echo du Matin Blême. Elle sera une grande journaliste. Elle coucherait avec un phoque pour avoir une information. Mais poussez-vous ! Vous m'estompez l'horizon.

Elle - C'est moi la victime tout de même ! J'ai la...

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