Court sucré ou long sans sucre ?

L’agence de communication événementielle Top Event s’apprête à recevoir Thierry Blanchard, un client fidèle, pour préparer la prochaine réunion du réseau de vendeurs des Charcuteries Flocel. S’ajoutant au “marasme agro-alimentaire ambiant”, une consultante nymphomane d’un grand cabinet d’audit anglo-saxon débarque pour superviser l’opération. Jusqu’où faudra-t-il aller pour sauver le contrat ? Quiproquos surréalistes, mensonges éhontés, passions exacerbées… un vaudeville très nouveau millénaire dans le monde un peu fou de la communication. Irrésistible ! “Court sucré ou long sans sucre ?” connaît un succès sans précédent au Café de la Gare à Paris et a déjà rassemblé et fait rire plus de 100 000 spectateurs.

🔥 Ajouter aux favoris

Soyez le premier à donner votre avis !

Connectez-vous pour laisser un avis !

Acte I

 

Scène 1

Aldo, Chloé et Patrick sortent du “local technique”.

Aldo tient fièrement une cassette vidéo et son boîtier à la main.

ALDO - Ça, c'est un film de présentation d'agence ! C'est top !

PATRICK - Oui ! Bon, on va bosser maintenant Aldo !

ALDO - Attends, c'est efficace et puis c'est drôle !

CHLOé - ça, c'est drôle.

PATRICK - C'est vrai que c'est drôle mais je ne sais pas si nos clients sont prêts pour ce genre d'approche.

CHLOé - Moi, je sais, ils ne sont pas prêts !

ALDO - Vous rigolez. Tout le monde a besoin de se marrer aujourd'hui. Surtout à Paris. Tu as vu les gens la tronche qu'ils tirent ? On dirait qu'ils ont tous été gazés au Lexomil. Je peux te dire que quand tu reviens de cinq ans de Portugal, tu le prends en pleine gueule !

CHLOé - Nous aussi, on l'a pris en pleine gueule !

PATRICK - Aldo, dans notre métier, ce que veulent les clients en priorité, c'est être rassurés.

ALDO - Ben là, ils sont rassurés sur notre humour !... C'est drôle !

CHLOé - Oui ! C'est comme proposer à Renault d'organiser leur prochaine convention de vendeurs sur le site de Vilvorde ! Ça aussi c'est drôle !

ALDO - C'était pour détendre l'atmosphère en réunion.

PATRICK - De ce côté-là c'est détendu, on ne bosse plus avec eux ! (A Chloé, découvrant le document) Il y a un fax du traiteur, c'est pour quelle opé ?

CHLOé - Nivéa, mais je ne sais pas si on va passer.

PATRICK (lisant le fax) - 600 balles la part !... Il ne s'embête pas le traiteur !... Cela dit, une soirée Cuba sans langouste, c'est vrai que ça ne veut rien dire !

Aldo - En plus, je sais la musique qu'il faudrait... (Se dirigeant vers le piano) C'était comment déjà, hier, ton truc pour Bridel ?

PATRICK - Attends ! Aldo ! On bosse là.

ALDO - Moi aussi !

Patrick (à Chloé) - Tu as bloqué Julien Lepers pour Saint-Morêt ? Le P.D.G. est comme un fou. Il ne rate pas un “Question pour un Champion”.

ALDO - Julien Lepers ?... Son agent a appelé hier soir, j'ai cru que c'était une blague. Je lui ai dit que finalement on avait pris Tom Cruise ! Je vais le rappeler...

Chloé - Non, Aldo ! Toi, tu es là pour écrire, éventuellement trouver des idées, mais franchement, le téléphone, on t'en dispense !

ALDO - Et si vous n'êtes pas là ?

CHLOé - Toi non plus.

Aldo (à Patrick) - Bon, tu viens, on se rechante un petit coup de Bridel ?

PATRICK - On a déjà chanté toute l'après-midi Aldo... ?

ALDO - Deux secondes !... Je dois y aller après... Si tu veux que je sois créatif, il faut que je m'habitue à ton style.

PATRICK - O.K. ! Mais alors un couplet et tu y vas ! (Il va s'installer au piano.)

Aldo (à Chloé) - Tu viens ?

CHLOé - Non !

ALDO - O.K. ! (Il rejoint Patrick au piano et ensemble, ils chantent, sur l'air de “J'ai encore rêvé d'elle”.) “J'ai envie de Bridel...”

Patrick - “J'ai d'l'appétit...”

Aldo - “Je sais, c'est bien trop gras pour moi...”

Patrick - “Détrompe-toi...”

Patrick et ALDO - “Avec Bridel très allégé... je sais que je peux m'empiffrer...”

ALDO - “Je n'ai plus peur des matières grasses.

Donnez-moi d'la crème,

Donnez-moi du beurre...”

(Puis, amoureusement, à Chloé)

“Un camembert, juste pour elle et moi !

Et demain matin...”

Chloé (en chantant aussi) - “... On sera bien !”

(Patrick s'arrête de jouer.)

ALDO - C'est bien !... C'est faux, mais c'est bien !

(Patrick quitte le piano et regagne son bureau. Aldo l'interpelle au passage.)

Deuxième couplet : “J'ai goûté le Coulommiers...”

Patrick (se ventilant de la main) - “J'ai bien dormi...”

ALDO - Vous avez vendu ça ? C'est dingue !...

PATRICK - J'ai honte avec le recul !

ALDO - Il y a de quoi !

PATRICK - En plus, question devis on lui avait mis la fessée au client !

CHLOé - N'empêche que le budget Bridel, ça nous a bien aidé la première année.

ALDO - Moi, ce qui m'aiderait bien en ce moment, c'est que tu me files les cinq mille dont tu m'as parlé.

PATRICK - Faut que je vois la compta...

ALDO - La compta c'est toi !.... (Patrick regarde, gêné, dans la direction de Chloé.) Mille alors ?... 500, j'ai un rendez-vous !

Patrick (sortant un billet de 500 francs de son portefeuille et le donnant à Aldo) - Tiens !

ALDO - Sympa. Tu me feras penser à les déduire des cinq mille. A demain !... Je serai là tôt !

CHLOé - Midi ?

ALDO - Non ! Onze heures, onze heures trente ! (Il sort.)

 

 

Scène 2

CHLOé - Ça va durer longtemps cette histoire ? Il devient pathétique ton copain.

PATRICK - Tu sais très bien que je ne peux pas le laisser tomber, mon amour ! A chaque fois que j'ai eu un coup dur dans ma vie, chaque fois il était là.

CHLOé - Et tu ne t'es jamais demandé pourquoi il était là, à chaque fois ?

PATRICK - Arrête de t'acharner sur lui. Il nous a quand même dépannés sur quelques trucs...

CHLOé - Oui ! Et plantés sur plein d'autres ! De toute façon, on ne compte pas le faire bosser sur Flocel ?

Patrick - Bien sûr que non.

CHLOé - Donc, on n'a aucune raison de le garder.

Patrick - Ben non.

CHLOé - Donc tu le vires !... Demain, tu lui files ses 5000 balles et bonsoir.

PATRICK - Ah ! Dis donc, toi, quand tu as quelqu'un dans le nez...

(Chloé s'installe dans le canapé et déplie devant elle un grand plan d'architecte.)

CHLOé - J'ai une surprise...

Patrick - Qu'est-ce que c'est ?

Chloé - Les plans de la maison. J'ai fait rajouter une piscine, c'est une bonne idée, non ?

Patrick (repliant le plan) - Ah, non ! Mais il ne faut pas amener ça ici. Thierry ne va pas tarder, s'il tombe dessus...

Chloé - Attends, Thierry, il me mange dans la main !

PATRICK - Tu oublies que c'est le meilleur ami de ma femme !

Chloé - Et alors ?

PATRICK - Déjà qu'il ne supporte pas qu'on divorce, s'il apprend que je suis avec toi, il nous retire le budget !

Chloé - Mais il n'apprendra rien du tout !... (Retournant à son plan) Tu ne trouves pas que la piscine, tout d'un coup, on a l'impression que ça double le jardin !

Patrick - Oui ! Et ça double le budget aussi !... Ecoute, on en reparlera après la réunion, quand on aura signé !

Chloé - Mais avec Thierry, c'est réglé avant d'avoir signé ! Pourquoi tu crois que je me suis habillée comme ça aujourd'hui ?

Patrick - Je croyais que c'était pour moi ?

Chloé - Perdu !

Patrick - Je te signale que si on n'a pas Flocel, on sera à moins 300 000 à la fin du mois !... Et là, les plans de la maison, tu pourras en faire des sets de table !

Chloé - Pourquoi tu stresses ?... On a plein d'opés sur le feu...

Patrick - Non ! Nivéa, on n'a pratiquement pas de marge ! Saint-Morêt, une fois qu'on aura payé Lepers, il ne nous restera rien ! Et Renault c'est mort !

Chloé - Oui, mais on a Flocel !... Qu'est-ce que tu es speed...

Patrick - Tu as raison, je vais reprendre un Décontractyl !

Chloé (se rapprochant de Patrick, amoureuse) - On ne se voit pas beaucoup en ce moment ?... On n'a rien demain à 18 heures ?

Patrick - Non, je ne crois pas... Pourquoi ? Tu as prévu quelque chose ?

CHLOé - Oui ! Il y a le gars de “Piscine 2000” qui passe pour les échantillons de carrelage.

(On sonne plusieurs fois de suite.)

PATRICK - Range le plan ; ça doit être Thierry !

Chloé - Mais non, c'est le Portugais ! Tu n'as pas reconnu son coup de sonnette ?

Patrick (appuyant sur le bouton commandant l'ouverture de la porte) - Range !... On ne sait jamais !

(Apparaît Aldo, son billet de 500 francs toujours à la main.)

Aldo - Je me suis trompé, c'est demain mon rendez-vous ! Je suis con !

Chloé (lui prenant le billet des mains) - Tu peux nous rendre les 500 balles, alors ?

Aldo (tendant la main et constatant que Chloé garde le billet) - Ah oui ! Là, je suis con !

Patrick (tendant également la main et voyant le billet disparaître dans le sac de Chloé) - Moi aussi, tu vois !

CHLOé - Bon, je vais chercher les dossiers chez Copy-Top ! Ça tombe bien que tu sois revenu Aldo, Patrick a un truc à te dire ! A un de ces jours.

ALDO - Tu reviens, de toute façon !...

CHLOé - Moi, oui ! (Elle sort.)

 

 

 

 

Scène 3

ALDO - Qu'est-ce qu'elle a ?

Patrick - Non, rien...

ALDO - Elle est bizarre des fois ! Qu'est-ce que tu voulais me dire ?

Patrick - Je voulais te dire euh... je vais te régler !... Alors, on a dit cinq mille ?...

ALDO - Ça peut attendre demain, si ça pose problème !

Patrick - Non, non, aujourd'hui !... (Puis, gêné, buvant une gorgée de la bouteille verte) Tu as suffisamment d'heures pour les Assedic maintenant ?

ALDO - Tu bois toujours ton truc aux épinards ?... Ce n'est pas bon, hein ?

Patrick - C'est vachement efficace !... Rouffignac !... ça absorbe les toxines mais tu as l'impression d'éliminer trois fois ce que tu bois...

Aldo (désignant le local technique) - C'est pour ça que tu es sans arrêt aux...

Patrick - Oui ! (Rédigeant un chèque pour Aldo) Tu peux me signer ton contrat en même temps ? Comme ça, ce sera fait... Excuse-moi, je te bouscule un peu, mais on a rendez-vous, là !

ALDO - Oui, Flocel !... Je sais !... Du coup, je vais pouvoir rester !

PATRICK - Non, non ! Tu ne pourras pas rester !

ALDO - Si ! J'ai pensé à des trucs pour Flocel...

PATRICK - Ah non, il ne faut pas penser pour Flocel.

ALDO - Pourquoi ?...

PATRICK - C'est compliqué ! Je t'expliquerai...

ALDO - Tu ne veux pas que je sois dans le coup ?

PATRICK - Pas du tout ! Qu'est-ce que tu vas chercher ?

ALDO - C'est Chloé ?

PATRICK - Quoi Chloé ?

ALDO - C'est Chloé ! Elle ne veut pas de moi ?

PATRICK - Alors là ! Alors là !... S'il y a une personne... C'est bien simple, elle n'arrête pas de me parler de toi !

ALDO - Ah bon ?

PATRICK - Elle t'aime beaucoup !

ALDO - Sans déconner ?

PATRICK - Tu la déroutes un peu mais elle apprécie certains côtés chez toi !

ALDO - Tu vois, ça ne me surprend pas ce que tu me dis !... J'ai bien remarqué ces derniers temps, elle avait cette agressivité de la femme amoureuse !

PATRICK - Ne t'emballe pas ! Je crois qu'elle a un mec !

ALDO - ça n'empêche pas !... Au contraire ! Eh, la minijupe, aujourd'hui, c'était pour moi ?

PATRICK - C'est possible !... En fait, pour Flocel, on va y aller par étape ! Et toi, tu seras notre joker !

ALDO - Et c'est quoi Joker ?

PATRICK - C'est la carte qui gagne à tous les coups !... Mais il faut la sortir au bon moment !

ALDO - Dis donc, en parlant de sortir, je voulais te demander : toi et Chloé, il n'y a jamais eu... ?

PATRICK - Jamais au boulot !

ALDO - Tant mieux !

PATRICK - En plus tu comprends, je crois que c'est bien qu'on prenne nos distances... On est tellement proche tous les trois qu'on a besoin que tu prennes l'air !

ALDO - O.K., j'ai compris ! Ah, le plus important, j'allais oublier... (Il récupère le chèque que Patrick vient de lui faire.) Le joker te salue bien, vieux ! Je passerai demain...

PATRICK - Non ! Non ! Moi, je te rappelle !

(Aldo sort puis revient aussitôt.)

ALDO - Ah si ! Dis donc, un dernier truc : pour Saint-Morêt, si Julien Lepers n'est pas libre, moi j'y vais ! (Faisant semblant de lire une fiche façon “question pour un champion”) Et je dis top : je suis un fromage fabriqué à base de lait de vache, je suis mou, je suis blanc, je suis frais, je suis ?... (Il utilise le crâne de Patrick, assis, comme buzzer...) Pon !... (Puis, victorieux) Le Saint-Morêt ! Tu vois, ça le fait... globalement !

PATRICK - Oui ! On en reparlera !...

Aldo - Si tu veux, on pourra changer de buzzer ! (Il sort.)

(Patrick, abasourdi, s'empare à nouveau de sa bouteille de Rouffignac puis se ravise.)

Patrick - Qu'est-ce que je peux pisser avec ce truc-là !... Rien qu'en le regardant ! (Il repose la bouteille sur le bureau et sort côté local technique.)

 

 

Scène 4

Dans le même temps, Aldo est de retour, suivi de Thierry (costume cravate, attaché-case et fleur à la main).

ALDO - Entrez ! Patrick vous attend...

Thierry - Il faut absolument que je lui parle avant la réunion... Chloé n'est pas là ?

ALDO - Non !... Enfin si !... Elle est chez Copy-Top ! Elle revient !... Je vous en prie ! Entrez !... Asseyez-vous ! Vous êtes le célèbre Thierry Blanchard de chez Flocel !... Flocel, le client fidèle ! (Apercevant la bouteille de Rouffignac posée en évidence sur le bureau) Ah, je sais où il est...

THIERRY - Il est en ligne avec Véronique ?

Aldo (remettant la bouteille de Rouffignac à sa place) - On peut dire ça comme ça...

THIERRY - C'est rageant cette histoire ! Véronique est une fille tellement adorable ! Vous les connaissez ?

ALDO - Oui ! Patrick est un vieil ami ! (Puis, un œil sur la machine à café) Vous voulez un café ?

THIERRY - Oui, merci ! Court Sucré !

(Aldo prépare le café.)

Enfin, il ne faut pas perdre espoir ! Ce sont tous les deux des êtres sensés, ils sauront retrouver le droit chemin... Vous travaillez à l'agence ?

ALDO - Oui ! Je suis là pour donner un coup d'accélérateur à la boîte... Une sorte de Joker !

THIERRY - Donc vous êtes au courant pour Flocel ?

ALDO - Dans les grandes lignes...

Thierry - Il reste longtemps au téléphone. Il faut qu'on se parle, il y a du nouveau...

ALDO - A quel niveau ?

Thierry - C'est un peu compliqué.

ALDO - Je peux peut-être vous aider ?

Thierry - Non !

ALDO - Ah si !

Thierry - Non !

Aldo (se présentant, comme une évidence) - Joker !

Thierry (finissant par se confier) - Bon ! Voilà !... Suite au rachat de la branche charcuterie, on a superposé la structure européenne et la structure française, une structure en nid d'abeille si vous voulez... Le problème, c'est qu'on m'a mis une adjointe... au-dessus de moi !

ALDO - Ah oui ! Une sorte de Reine !

THIERRY - Comment ça, une Reine ?

ALDO - Ben oui ! La Reine des abeilles ! Celle qui regarde les autres bosser !

THIERRY - Vous ne croyez pas si bien dire, c'est une consultante du cabinet “Touch and Burns”.

ALDO - “Touch and Burns” ?

THIERRY - Mais attention, je garde la maîtrise du projet...

ALDO - Tant mieux !... (Apportant le café à Thierry) Elle est sympathique ?

THIERRY - Très arrogante !... Tenez, ce matin, je lui apporte un court sans sucre. Elle me dit : “Non ! Moi c'est long sucré !” Et elle le jette ! Je lui dis : “C'est idiot, j'aurais pu vous l'allonger et vous le sucrer !”. Elle me sort : “ça se voit que vous ne connaissez rien aux femmes !”... C'est arrogant, non ?

ALDO - Elle cherche à vous déstabiliser, c'est clair.

THIERRY - Ah bon, vous croyez ?

ALDO - Elle est arrogante parce que fragile.

THIERRY - Fragile ?... Ce n'est vraiment pas ce qu'elle dégage quand on la voit !

ALDO - Vous savez, la Reine paraît forte, mais elle ne survit que parce qu'elle est protégée.

THIERRY - Protégée ?... Comment ça ?

ALDO - Par les ouvrières !... Par un gros bourdon !... Je ne sais pas moi...

THIERRY - C'est étonnant ce que vous dites. La rumeur prétend que c'est l'ex du P.D.G...

ALDO - Eh bien, le voila le gros bourdon ! D'où son arrogance ! Classique ! (Après le sucre en poudre, Aldo plonge le mélangeur dans la tasse de Thierry.) Tenez ! Le petit bâtonnet pour remuer !... Faites attention, c'est un bâtonnet, pas une cuillère... La cuillère, ça ramasse les grains, les bâtonnets, tintin !

THIERRY - Vous savez que j'ai déjà pris du café ! (Après un regard vers le local technique) Mais qu'est-ce qu'il fait ?

Aldo - Avec Véronique c'est toujours un peu long !

THIERRY - Remarquez, c'est peut-être bon signe !...

 

Scène 5

A cet instant, Patrick sort du local technique en réajustant son pantalon.

THIERRY - Ah Patrick, salut !

PATRICK - Salut ! (A Aldo) Tu es encore là toi ?

ALDO - Oui ! Pendant que tu étais... (Il désigne le local technique.) ...j'ai servi un café à monsieur Blanchard !

Thierry (tout sourire, à Patrick, désignant le local technique) - Alors ?...

Patrick (regardant aussi vers le local technique mais ne comprenant pas) - Alors ?

Thierry (même jeu) - Comment ça s'est passé ?

Patrick (gêné) - Bien ! Bien ! Je te remercie.

THIERRY - Je me disais bien que la situation devait se décanter.

PATRICK - Il n'y a rien de grave, il faut que je boive, c'est tout.

THIERRY - Il faut que tu boives ?

PATRICK - On m'a conseillé de boire pour retrouver une situation saine.

THIERRY - D'habitude c'est l'inverse, non ?

PATRICK - Oui ! Mais là j'ai consulté un super spécialiste !

Thierry (de plus en plus inquiet) - Vous en êtes à ce point-là ?

Aldo (intervenant, à Thierry) - En fait il guérit le mal par le mal...

Patrick (de plus en plus ahuri par ce qu'on lui dit) - Ça ne me fait pas mal, il faut juste que j'évacue.

THIERRY - Oui, enfin, maintenant que tu as pris la décision de revenir, ça va aller mieux.

PATRICK - Je ne pensais pas y passer la nuit non plus !

THIERRY - Patrick ! Là, je ne suis pas d'accord. Tu ne peux pas faire des allers et retours sans arrêt. Elle est très fragilisée.

PATRICK - Ecoute, c'est surréaliste Thierry ! Ça me fait plaisir que tu te préoccupes autant de ma santé, mais là, franchement, ça devient gênant. (Se retournant vers Aldo) Bon Aldo, merci d'être resté plus tard que prévu...

THIERRY - Ton associé n'assiste pas au brief ?

PATRICK - Mon associé... ?

ALDO - Pendant que tu étais au téléphone, on a échangé quelques idées avec Thierry...

Patrick (ne comprenant toujours pas) - Au téléphone ?...

Aldo (essayant de se faire comprendre par geste sans que Thierry ne le voit) - Oui ! Là-bas, tu étais au téléphone avec Véronique !

THIERRY - Bon, Patrick, voilà ! Ce qui se passe par rapport à Nancy Killigan dont je t'ai parlé, c'est que finalement, comme elle vient de la structure européenne et moi de la structure française... moi, je décide pour la France et elle pour l'Europe !

ALDO - Et comme la France est dans l'Europe, c'est elle qui décide !

THIERRY - Conclusion un peu rapide, mais globalement il y a du vrai !

PATRICK - Ce n'est pas grave, on va l'aider à prendre la bonne décision. Cette année, j'ai prévu un petit repérage aux Antilles !

THIERRY - Tu es fou ! Surtout pas ! C'est une tueuse. Tu fais ça, on est mort ! Je te rappelle que dans Killigan, il y a “Kill” !

PATRICK - Attends, tu es sérieux ?... Elle a vraiment son mot à dire ?... Ce n'est pas une bonne nouvelle, je comptais beaucoup sur toi cette année...

THIERRY - Je sais bien ! Mais tu connais les consultants, c'est payé pour faire chier !

ALDO - Pour l'instant, elle marque son territoire. Laissez-la faire. Observez-la. Et quand elle sera en confiance... là, vous la manipulerez ! Et crac !

PATRICK - Qu'est-ce qu'il raconte celui-ci ?

THIERRY - Il est très fort !... En cinq minutes, il a tout compris. Il faut absolument qu'il reste pour le brief ! (A Aldo) Vous restez ?

ALDO - On se tutoie !... Je vais voir si je peux décaler mon rendez-vous.

(Il s'empare du téléphone et compose un numéro.)

PATRICK - On ne risque pas d'être trop nombreux ?

ALDO - Puisque ça fait plaisir à Thierry ! (Au téléphone) Allô ? Pinauto ? Bonjour ! Aldo Montero à l'appareil. On peut décaler le rendez-vous en fin d'après-midi ?

Thierry (à Patrick) - Pinoteau, le réalisateur ?

Patrick (à Thierry) - Non, le grand garage Fiat, Porte d'Orléans !

Aldo (au téléphone) - Très bien ! Non, non, pas plus tard ! (Il raccroche puis aux autres.) Voilà ! C'est bon ! Je récupérerai mon cabriolet à 18 heures ! C'est une Fiat 500, mais je m'y suis attaché !... Thierry, qu'est-ce que tu dirais d'un petit gâteau avec ton café ?

THIERRY - Oui, s'il vous plaît... (Se reprenant) S'il te plaît !

ALDO - Et toi Patrick ?... (Désignant la bouteille de Rouffignac) Non ! Toi, tu restes avec ton jus de poisson... (Il sort côté local technique.)

Thierry - Etonnant ce type !

Patrick (hésitant puis très positif) - ... Eh Oui !

Thierry - En plus, c'est un ami d'enfance, à ce que j'ai compris...

Patrick - ... Eh oui !

Thierry - Bravo !... Belle complémentarité !

Patrick - ... Eh oui !

 

 

 

 

 

Scène 6

Chloé arrive, des billets d'avion à la main.

Chloé - Bonjour Thierry ! Déjà là ?

Thierry - Oui, je voulais faire un point juste avant la réunion. (Se précipitant sur Chloé pour l'embrasser et lui offrir sa rose) Bonjour Chloé ! Tiens, c'est pour toi !

Chloé (prenant la fleur) - Merci ! C'est trop mignon ! (Elle tend sa joue pour que Thierry l'embrasse. A la troisième bise, elle se retire.) C'est tout ! (Puis, mettant la rose dans un vase en agitant fièrement les billets d'avion) Regarde, je suis passée à l'agence ! Bangkok, c'était complet, alors j'ai pris deux billets pour l'île Maurice... (A part à Patrick) Il y avait une promo !... (A Thierry) Pour Nancy, j'ai pris les Seychelles, comme ça on ne prend pas de risque !

Thierry - Ah, non, non...

Chloé - Elle peut changer si ça ne lui convient pas !

Patrick - Non, non, Chloé ! Tu n'y es pas du tout là.

Chloé - Ne t'inquiète pas, la fille de l'agence est très discrète...

Thierry - Là, il ne s'agit pas d'être discrète, il s'agit d'être amnésique.

Patrick - Chloé, n'insiste pas ; les critères de sélection ont changé cette année.

Chloé - Tu m'inquiètes, on a le budget quand même ?

Thierry - Aujourd'hui, rien ne me permet de dire que vous ne l'aurez pas...

Chloé - Mais ?

THIERRY - Rien ne me permet de dire que vous l'aurez non plus !

Chloé - Comment ça ? Qu'est-ce qu'on t'a fait ?

THIERRY - Vous rien ! Au contraire ! C'est un problème de superposition de structures... d'abeille et de gros bourdon !

Patrick - En clair, il faut qu'on fasse nos preuves auprès de Nancy Killigan...

THIERRY - Et sans Tour Opérator ! Je suis vraiment navré Chloé ! Tu sais très bien que j'adore travailler avec toi... enfin avec vous !

Chloé - Ce n'est quand même pas une adjointe qui va décider du choix de l'agence ?

Thierry - Non !... Sauf si elle est au-dessus de toi !

Patrick - Restons globalement positifs. On a tous envie de travailler ensemble ; il n'y a aucune raison pour que cette consultante ne soit pas dans les mêmes dispositions.

Thierry - Oui ! Et comme dit ton associé : “Il faut la laisser venir pour mieux la manipuler, crac !”

Chloé - Ton associé, quel associé ?

(Patrick se fige, gêné.

Aldo est de retour, un paquet de Pépitos à la main.)

Aldo (victorieux) - Des Pépitos !

Chloé (glaciale) - Patrick ?... Je peux te voir deux minutes ?

Patrick - Si c'est pour le dossier auquel je pense, ça risque d'être compliqué.

Chloé - Simplifie ! Sinon, c'est avec moi que ça va se compliquer !

(Le téléphone sonne. Chloé décroche, très “pro”.)

Top Event Chloé Dujardin, bonjour !... Ne quittez pas, je vous le passe...

(A Patrick, lui tendant le combiné)

Nancy Killigan, pour toi...

Patrick (au téléphone) - Allô ? Oui, bonjour !... Ah, très bien ! Parfait ! On vous attend ! A tout de suite ! (Il raccroche.)

Chloé - Qu'est-ce qu'elle voulait ?

Patrick - Rien ! Elle est en bas, elle se gare et elle arrive.

Thierry - Ça, je vous avais prévenus, elle est très...

ALDO - Très chiante ?... J'avais un oncle comme ça ! Pénible ! Chef de cabinet...Très imbu de sa personne... A 50 ans, il a pété les plombs, maintenant c'est un dingue de surf, il est chef de plage à Hawaï.

Chloé - Passionnant Aldo ! C'est pas tout ça, mais Louis Schweitzer t'attend !

Aldo - Schweitzer, le toubib ?

Chloé - Non, le P.D.G. de Renault !... Il veut absolument voir la tête du mec qui a pensé à Vilvorde pour sa convention !

Thierry (riant) - C'est bon ça, la convention Renault à Vilvorde !... Vous l'avez fait ?

Aldo - Non, c'est une idée...

Thierry (riant toujours) - C'est génial !... C'est comme si on organisait l'assemblée générale de la ligue contre le cancer à La Havane !...

Aldo - Oui, ou la réunion des Alcooliques Anonymes à la Taverne de Maître Kanter !...

Thierry (riant de plus belle) - Ah, j'aime bien les agences créatives !...

ALDO - Là, tu vas être servi ! Il y a ce qu'il faut !

(Le téléphone sonne. Chloé répond.)

Chloé - Top Event, Chloé Duj... Euh, ne quittez pas je vous le passe ! (A Patrick, lui tendant le combiné) Nancy Killigan... again !

Patrick - Allô ?... Oui !... Ah, très bien. D'accord ! (Il raccroche.)

Chloé - Alors ?

Patrick - Elle est dans l'ascenseur.

Chloé - Et devant la porte, elle appellera aussi avant de sonner ?

Patrick (se dirigeant vers la sortie) - Elle est coincée dans l'ascenseur ! (Il sort.)

Thierry - Aïe, Aïe, Aïe. Je suis sûr qu'elle est claustro. Ça va la mettre de mauvaise humeur !

ALDO - Au contraire ! L'ascenseur, c'est son alvéole, elle va se ressourcer...

Thierry - Tu crois ?

ALDO - Bien sûr ! Elle va arriver complètement détendue ! Zen !

Chloé - Aldo ! Arrête tes salades !

Thierry - C'est pas des salades !... Nancy, c'est la Reine...

 

 

Scène 7

Nancy et Patrick entrent. Nancy est en pleine conversation sur son portable.

Nancy (au portable) - Ecoutez, je vous ai prévenus suffisamment tôt, j'ai besoin de la business review demain matin à 8 h 45... Vous avez déjà participé à un reporting mondial ?.... Non ? Alors taisez-vous ! (Elle coupe son portable puis à tous.) Bonjour ! Nancy Killigan !

Chloé - Enchantée ! Chloé Dujardin, on s'est parlé au téléphone...

Nancy (ne prêtant aucune attention à Chloé) - Patrick, j'ai un timing très serré alors je propose qu'on démarre tout de suite.

Thierry - C'est ce que je disais à Patrick : on a un timing très serré !

ALDO - Moi, ça m'arrange, je dois être à 18 heures chez Pinauto.

Nancy - Le réalisateur ?

Thierry - Non, le grand garage Fiat, Porte d'Orléans ! Nancy, j'en profite pour vous présenter Aldo Montero : un nouvel associé de l'agence qui arrive de l'étranger.

NANCY (à Aldo) - Nice to meet you, where do you come from ?

ALDO - Non, non, mais je suis français ! J'ai juste passé quelques années au Portugal...

Chloé (le coupant) - Au Japon !

PATRICK - Oui, au Japon !...

ALDO - Ah oui, j'ai fait un crochet !

Chloé - Je vous propose de commencer par une rapide présentation de l'agence...

NANCY - Inutile ! (Sortant un formulaire de sa sacoche) Voilà une grille d'évaluation que vous aurez la gentillesse de remplir et de joindre à votre proposition.

PATRICK - C'est peut-être un peu dommage, non ? D'habitude on prend le temps de se présenter... de se parler... de mieux se connaître...

NANCY - Désolé ! Mais j'ai pour mission d'appliquer en France les procédures Européennes de “Touch and Burns”.

THIERRY - Tout à fait ! Nancy et moi souhaitons donner un caractère exemplaire au processus de sélection de l'agence.

NANCY - Et éviter les dérives potentielles. Vous êtes bien installés ! Beaux locaux ! Beau quartier ! ça marche, non ?

CHLOé - On ne se plaint pas.

NANCY - Il faut dire que vous avez des clients fidèles ! Flocel, ça fait trois ans ?

Thierry - Chaque année, il y a un appel d'offres !

NANCY - Et chaque année, ils gagnent !

ALDO - Comme à la mairie de Paris !

CHLOé - Avec tout ça, on ne vous a rien proposé à boire.

PATRICK - Oui, c'est vrai, on ne vous a rien proposé à boire...

NANCY - Qu'est-ce que vous avez ?

CHLOé - Ce que vous voulez... Coca, Gini, Schweppes...

ALDO - Non, on a un café long sucré !

NANCY - Bravo ! Bel exemple de “Customer care” !

ALDO - C'est pas du “Costumer Care”, c'est du “Illy” !

Patrick - “Customer Care”, le service client Aldo !

Chloé (à Nancy) - Le japon, ça déphase !

Nancy - Bon, on passe au brief, si vous voulez bien...

Thierry - Alors, le brief...

Aldo (réalisant) - Ah oui... “Customer care” !... Autant pour moi !

Thierry - Bien, alors, cette année, nous souhaitons construire la convention autour de deux axes : le premier, c'est le lancement de toute la gamme de charcuterie light... et le deuxième, c'est l'optimisation de la traçabilité dans la gamme bio volaillère ! Car s'il y a bien une priorité du moment, c'est de redonner confiance, au consommateur, dans son poulet... Alors nous, nous avons mis au point un processus de traçabilité imparable : sur chaque boite d'œufs, on va mettre la photo de la poule pondeuse !

ALDO - C'est chouette, ça ! C'est une bonne idée ! C'est de toi ?

Thierry - En fait, notre grande idée, c'est de revenir à une notion de ponte à l'ancienne...

ALDO - Avec des vieilles poules ?

Thierry (amusé) - Presque ! Alors, pour illustrer le concept, j'ai pensé à une idée de chanson... Ici, vous aimez bien les chansons... Alors, ça donnerait ça... Je me lance, vous me direz ce que vous en pensez !

(Chantant a capella sur l'air de “Ces soirées-là” / Remake de “Ces années-là” de Claude François.)

“Ces boîtes d'œufs-là !

Y'a la photo d'la poule qui a mis bas

Oeuf dur, œuf à la coque, œuf au plat

Y'a qu'Flocel qui peut faire ça !

Que toutes les poules dans le hangar, lèvent le doigt

Que toutes celles qui veulent une photo, lèvent le doigt

Que tous les œufs qui vont en boîte, lèvent le doigt

Ces boîtes d'œufs-là...”

(Quand Thierry tombe sur le regard glacial de Nancy, il s'arrête net.)

Patrick (désireux de récupérer le coup face à Nancy) - Merci Thierry ! (Pendant tout l'exposé de Thierry, Patrick a griffonné sur un paper-board ; on découvre ses notes : il s'agit du dessin d'une poule qui sourit en pondant son œuf.) Voilà ! Je crois que là, on a une bonne synthèse de ce que vient de dire Thierry... On pourrait utiliser ce visuel pour la convention... le décliner sur les tee-shirts, pin's, porte-clefs... (Puis, comme Nancy foudroie son dessin du regard.) Cela dit, rien n'est figé, ça peut bouger !

Nancy - Il ne faut pas que ça bouge, il faut que ça disparaisse !

Thierry - Merci Patrick ! En tout cas pour le lancement de la gamme de charcuterie light, notre priorité c'est la mortadelle light, le jambon de Bayonne light, le chorizo light...

Nancy - La gamme light !... Vous détaillerez plus tard !... (A Patrick) J'ai une présentation sur Freelance. Vous êtes équipés de quelle version ?

Chloé (intervenant) - 5 point 9.

Nancy - Vous êtes au courant que tout le monde est en 6 point 2 aujourd'hui ? Enfin, peu importe, je vais vous télécharger le brief. Donnez-moi votre E-mail.

Patrick - Oui, tenez, voilà ma carte... C'est écrit en tout petit...

(Comme Patrick lui tend sa carte, Nancy le renifle au passage.)

Nancy - Dior !... Eau Sauvage ! (Puis décrochant le combiné) Je fais le 0 pour sortir ?

Patrick (gêné) - Oui ! Non ! Si ! C'est direct !

Nancy (au téléphone) - Allô ?... Dorothée ?... Pouvez-vous télécharger le brief agence ?... version “Power Point” 5 point 9 ! Ben oui, convertissez !... Sur “Top Event at Europnet.fr”... oui, immédiatement ! (Elle raccroche.) Voilà c'est réglé ! (Puis, se dirigeant vers la sortie) Patrick, j'ai été ravie. C'était très instructif.

PATRICK - Mais vous ne restez pas ?

Nancy - Non, vous êtes gentil, je vous laisse avec Thierry ! On ne change pas une équipe qui gagne ! (A Aldo) Sayonara Jacques Vabre !...

ALDO - Ah oui, ça y'en aura la prochaine fois !...

Nancy (à Patrick) - Ah, une dernière chose, vos yeux vont très bien avec la couleur de votre chemise ! (Elle sort.)

Chloé - Mais d'où elle sort celle-là ? Elle téléphone douze fois et elle reste trois minutes ! Je rêve !

Patrick - Bon, c'est perdu. Pas la peine de nous briefer.

Thierry - Elle est comme ça avec tout le monde ! Les trois boîtes qu'on a vues, elle leur a fait le même coup !

ALDO - Déséquilibre affectif profond.

Thierry - Ça se pourrait bien !... Elle se drague tous les mecs.

Chloé - C'est une nympho ! Ça se voit dans son regard !

Patrick (avec un certaine mauvaise foi) - Oh non, je ne crois pas...

Thierry - Si ! Son grand truc, c'est le coup de la panne !... Le mec du juridique n'en revenait pas ! L'autre jour, elle a dégonflé son pneu exprès pour qu'il vienne lui changer la roue !...

(Tout le monde éclate de rire. Nancy revient.)

Nancy - Excusez-moi, Patrick, pouvez-vous m'accompagner à ma voiture ? ma roue est crevée !

ALDO - J'y crois pas !

Chloé - Côté voiture, Aldo peut vous aider...

Nancy - Non merci, ce n'est pas une japonaise !

Thierry - Décidément vous n'avez pas de chance avec votre voiture !

Nancy - Paris, ça devient Chicago ! On laisse sa voiture cinq minutes, on retrouve les pneus crevés ! C'est insensé ! Patrick ? Vous venez ?

Patrick - Vous savez, moi et la mécanique...

Nancy - Tout le monde sait changer une roue aujourd'hui !

PATRICK - Je vais essayer mais je ne vous promets rien !

Nancy - C'est la petite Mercedes, juste en bas...

(Nancy et Patrick sortent.)

Aldo (amusé) - Elle est hallucinante cette nana !

Chloé - Attendez, on ne va pas la laisser faire ?

ALDO - Pourquoi ?... Tu es jalouse ?

Chloé - Ce n'est pas le problème mais qu'est-ce que c'est que ces méthodes ?

Thierry - Je suis scié !... D'habitude, elle attend au moins 48 heures... mais alors là... direct !

Chloé - Moi, je n'attends pas, j'y vais ! (Elle sort.)

ALDO - Chloé, attends !... Il va se faire un petit bonheur, et alors...

Thierry - C'est une fille bien Chloé ! Elle le protège son Patrick ! Véronique peut dormir sur ses deux oreilles !

ALDO - J'espère qu'elle n'en fera pas trop ! Elle va nous braquer la Reine... Et une reine braquée, c'est plus de miel pendant des années !

 

 

Fin de l'Acte 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Acte II

 

Même lieu, quelques jours plus tard.

Seul élément de décor qui a changé depuis l'acte I : la rose de Thierry qui pend, lamentablement fanée dans son vase.

 

Scène 1

C'est le matin. Chloé et Patrick arrivent au bureau.

PATRICK - Non mais je t'assure ! (Il enclenche le répondeur.) Ecoute ça, tu vas halluciner !

Répondeur / Voix de Nancy - “Patrick, j'aimerais qu'on se voit seul à seul avant votre présentation... Disons 10 heures et demi... qu'on ait le temps de...  de prendre le temps... vous et moi !”

(Patrick arrête le répondeur.)

Chloé (surprise mais amusée) - Oh là là ! Elle est grave !... L'autre jour, je croyais qu'elle avait compris quand j'ai fait venir la dépanneuse et que le mécano a dit que son pneu n'avait rien !

PATRICK - C'est du harcèlement ! Tu te rends compte ? Je suis victime de harcèlement !

CHLOé - Normal ! Elle a détecté ton énorme potentiel sexuel...

PATRICK - Et elle a du mal à y renoncer ! Tu sais, l'autre jour, on était en train de discuter du devis... elle me prend le doigt et elle le met dans sa bouche...

CHLOé - Non ?

PATRICK - Je t'assure !

CHLOé - Qu'est-ce que tu as fait ?

PATRICK - Rien !... J'ai attendu ! Elle a finit par lâcher !

Chloé (ouvrant un magazine devant Patrick) - Regarde ! Tu préfères quel style pour le lit ?

PATRICK - Quel lit ?

CHLOé - Ben... de notre chambre !

PATRICK - Mais Chloé, on n'a pas encore construit la maison !

CHLOé - Provençal, c'est chouette, non ? (Puis, découvrant le poignet de sa main gauche, nu.) Elle est où la montre que je t'ai offerte ?

Patrick (gêné) - Je l'ai laissée chez moi !... il faut que je change la pile...

CHLOé - Mon petit loup, on ne se voit pas assez en ce moment !

PATRICK - Toi, tu as pris rendez-vous avec les gars de “Piscine 2000”...

CHLOé - Tu sais, je trouve qu'on devrait un peu plus penser à nous maintenant... Essayer de passer des nuits entières ensemble par exemple...

PATRICK - Ce n'est pas possible ! L'avocat me déconseille de quitter le domicile conjugal avant le divorce... Et puis je me suis habitué au canapé !

CHLOé - Merci !

PATRICK - Je ne dis pas ça pour toi !

CHLOé - Tu sais, pour le mariage, ce serait bien de faire ça le 21 juin !... Mes parents se sont libérés !

PATRICK - Mais Chloé, je n'ai pas encore divorcé !

CHLOé - C'est tout comme !... T'es négatif, toi, en ce moment ! (Fouillant dans la boîte de comprimés de Patrick) Tiens, prends du Phytobase !

PATRICK - Non ! Phytobase, c'est pour les rhumatismes ! Relaxirol à la limite pour l'anxiété !

CHLOé - Combien ?

PATRICK - Deux !

CHLOé - Prends-en quatre !

PATRICK - Tu es de garde ou quoi ?

CHLOé - Non, je suis heureuse !... (Puis, coquette.) Le petit ensemble Kenzo qu'on avait vu ensemble, je suis repassée à la boutique il n'y est plus !

Patrick (gêné) - C'est dommage !

CHLOé - Je sais bien que c'est toi qui me l'as acheté, le vendeur me l'a dit. Tu es vraiment chou !... C'est pour mon anniversaire ?

PATRICK - Non, c'est dans six mois ton anniversaire !

CHLOé - C'est pour quoi alors ?

Patrick (de plus en plus mal à l'aise) - Pour rien ! C'est à dire... euh... ce n'est pas tout à fait... exactement... pour toi !

CHLOé - Comment ça ?

PATRICK - Je l'ai acheté pour Véronique !

CHLOé - Quoi ?....

PATRICK - Tu sais, en ce moment, entre elle et moi, c'est compliqué...

CHLOé - Ce n'est pas une raison pour lui acheter mes fringues !

PATRICK - Elle est très demandeuse... Elle veut qu'on recouche ensemble !... Alors bon, pour la calmer, je lui ai fait un petit cadeau !

CHLOé - Un petit cadeau, un ensemble Kenzo ! Merci !

PATRICK - Tu sais, ce n'est pas évident de divorcer de quelqu'un qu'on aime !... Enfin, je veux dire, de quelqu'un qu'on a aimé et qu'on respecte encore !... Tous les soirs, elle gratte à la porte du salon, elle me dit qu'elle se sent seule...

CHLOé - Il faut la brancher sur Aldo ! Comme ça, on sera tranquille !

PATRICK - Non ! L'idéal, ce serait Thierry ! Mais sous prétexte que c'est un ami d'enfance, il se croit investi d'une mission, il veut absolument nous remettre ensemble...

CHLOé - Si ce n'est que ça, je vais lui dire, moi, à Thierry, qu'on est tous les deux !

PATRICK - Tu n'es pas folle ?... Tu oublies qu'il est amoureux de toi !

CHLOé - Je ne risque pas de l'oublier, il m'appelle huit fois par jour ! Ça ne te gêne pas d'ailleurs ?

PATRICK - Si ! Mais c'est le client !

CHLOé - Bon, je file, j'ai pris rendez-vous chez Habitat pour la cuisine...  Tu me passes ta carte ?

PATRICK - Oui !... (La sortant de son portefeuille) Tu fais gaffe quand même ?

CHLOé - Bien sûr !... (Empochant la carte) De toute façon, elle bloque à partir de 50.000  !... (Elle l'embrasse.) Tu me manques !

PATRICK - Toi aussi !

CHLOé - Si je croise la nympho, je lui dis que son prince charmant l'attend... (Elle sort.)

 

 

Scène 2

Aldo (sortant du local technique, pieds nus, en tee-shirt et caleçon) - Ah le con !...

PATRICK - Ben...

ALDO - Tu sors avec Chloé ?

PATRICK - Qu'est-ce que tu fais là ?

ALDO - Je dormais !... Tu sors avec Chloé ?

PATRICK - Tu dormais ?... Tu as dormi au bureau ?

ALDO - Pour dépanner !... La copine chez qui j'étais, son mec est revenu et elle n'a qu'un lit !... Et le mec fait deux mètres !

PATRICK - Tu es gonflé ! Tu pourrais prévenir !

ALDO - Et toi ? Tu sors avec Chloé et tu ne me le dis pas à moi, ton meilleur pote...

PATRICK - Je ne suis pas obligé de tout te dire !

ALDO - C'est vachement dangereux !

PATRICK - C'est bien pour ça que je n'en parle à personne !

ALDO - Ah non, mais je ne dis pas ça pour ça !... C'est dangereux parce que moi, j'aurais pu tenter quelque chose avec Chloé !

PATRICK - Mais tu as tenté !

ALDO - Comment tu sais ?

PATRICK - Je te rappelle qu'on est ensemble !

ALDO - Ah oui, je suis con !... Cela dit, je m'en doutais !... Je me disais : ces deux-là, ils sont tellement distants qu'ils doivent être ensemble !... Moi, j'aurais fait comme toi !... Je n'aurais pas pu tenir avec une nana pareille !... Surtout l'été !...

PATRICK - Eh bien maintenant il faudra tenir !... Même en été !

ALDO - Ne t'inquiète pas ! Moi, tu sais, les femmes des copains, c'est sacré ! Véronique est au courant ?

PATRICK - T'es fou ?... Surtout pas !

ALDO - Holà, oui !... Surtout pas !... Si elle l'apprenait, en plein divorce, ça pourrait faire problème...

PATRICK - Non ! Il n'y a aucune raison ! A part une boulette de ta part, je ne vois pas ce qui pourrait faire problème !

(On sonne à la porte.)

PATRICK - Ça doit être Nancy, il faut que tu y ailles ! (Il invite Aldo à sortir.)

Aldo (hilare, ne prenant pas du tout le chemin de la porte) - Ah dis donc, Chloé, Nancy, Véronique !... Où sont les autres ? Tu n'aurais pas mille balles ?

PATRICK - C'est du chantage ?

ALDO - Non, c'est de l'argent !

Patrick (lui donnant un billet) - Voilà 500 ! Ça suffira !... Maintenant, tu dégages !

Aldo (repartant vers le local technique) - Je range ma chambre et j'y vais...

Patrick (sidéré) - Ta chambre ?

ALDO - Oui, j'ai mis un matelas à côté de la photocopieuse ! Mais ne t'inquiète pas, je sortirai par derrière ! (Puis après une fausse sortie) Tu n'en as pas un autre de billet de 500... ?

PATRICK - Dégage !

(Patrick actionne le bouton déclanchant l'ouverture de la porte.

Aldo sort côté local technique.)

 

 

Scène 3

Patrick se réinstalle rapidement derrière son bureau pour faire bonne impression.

Apparaît Nancy.

PATRICK - Ah, Nancy ! Bonjour !

Nancy - Bonjour Patrick ! (Avisant le stylo avec lequel Patrick est sensé écrire) Votre stylo est à l'envers !... Nous sommes seuls ?

PATRICK - Oui, oui...

(On entend un bruit de ferraille provenant du local technique.)

Patrick (gêné) - C'est la photocopieuse qui se remet en route...

(Nouveau bruit.)

Patrick (même jeu) - C'est un vieux modèle en bois !

(Nouveau bruit.)

(même jeu) Ah non, ça doit être le chauffage finalement...

(Il se lève et sort un nouveau billet de 500 francs de son portefeuille.)

Une petite seconde, Nancy, je vais aller régler ce problème immédiatement...

(Il disparaît côté local technique.

Nancy en profite pour s'installer sur le bureau... Jambes croisées sur ses bas noirs... très femme fatale.

On entend un nouveau bruit et un cri étouffé puis Patrick revient.)

Voilà, on ne l'entendra plus !... Je l'ai purgé !

(Puis, découvrant Nancy assise sur le bureau.)

Alors, vous vouliez me voir quelques instants avant la réunion ?...

Nancy - Oui !

PATRICK - De nouveaux éléments à intégrer ?

Nancy - Patrick, si on arrêtait de jouer au chat et à la souris ?

PATRICK - Pardon ?

Nancy - J'ai envie de toi !

PATRICK - Ah oui, donc ça se précise !

Nancy - Ça fait quinze jours que tu me fais languir ! Je te veux tout de suite !

PATRICK - Ah oui, non, mais là, ça ne va pas être possible, on a un rendez-vous tous ensemble...

Nancy - Il a été repoussé !

PATRICK - Ah bon ?... Je ne suis pas au courant !

Nancy - Normal, je viens de le décider ! Mets-toi au piano...

PATRICK - Nancy... Est-ce que tout ça ne va pas un peu trop vite ?

Nancy - Joue !

PATRICK - Je ne joue plus tellement, il est faux...

Nancy - Ce n'est pas grave, on va l'accorder ensemble ! (Elle va pour l'embrasser.)

Patrick (se détournant) - Le piano !

(Patrick s'installe au piano et se met à jouer “La lettre à Elise”.

Nancy arrive par derrière et lui gratte la tête... Par deux fois, Patrick prend ça pour une mouche puis il réalise.)

Ah, c'est vous !

Nancy - J'aime voir tes doigts courir sur l'ivoire...

PATRICK - Oui, c'est beau, hein ?

Nancy - C'est un peu mou, ça, non ?

PATRICK - C'est du Beethoven !

Nancy - Oui, mais c'est mou !  Non ! Je veux quelque chose de fort entre nous !

PATRICK - De fort, oui, d'accord !

(Il joue n'importe quoi, martelant son piano comme un sourd.)

Nancy - Ah, oui, j'adore cette musique !

PATRICK - Tant mieux !

Nancy - Elle me fait un bien fou... (Par lyrisme, Nancy mord Patrick dans le cou.)

Patrick (dégageant du piano) - Aïe ! Vous me faites mal ! (Puis, se reprenant) Vous m'avez fait un petit peu mal, Nancy !

Nancy - Patrick, j'ai envie maintenant !

PATRICK - Nancy, qu'est-ce que vous diriez d'un bon café ?

Nancy - Embrasse-moi !

PATRICK - Nancy !

Nancy - Embrasse-moi !

PATRICK - Nancy !... Pourquoi on ne ferait pas ça tranquillement après la convention... Dans un relais et Château... même tout un week-end... Ce serait plus confortable...

Nancy - Patrick, je crois qu'on s'est mal compris ! Pas d'amour, pas de travail, pas de convention !... O.K. ?... O.K. ?

PATRICK - Et si on laissait mûrir, Nancy ? Si on jouait plutôt la carte du désir ?

Nancy - Tu m'excites !

(On sonne à la porte plusieurs fois sans discontinuer.)

Patrick (invitant Nancy à repartir) - Voilà quelqu'un !... Il ne faut pas rester, Nancy...

Nancy (se dirigeant vers le local technique) - Dépêche-toi de l'expédier ! Je te donne deux minutes ! Deux minutes !

(Elle sort côté local technique tandis que Patrick actionne le bouton qui déclenche la porte d'entrée.)

 

 

Scène 4

Apparaît Aldo qui s'est rhabillé à la hâte.

ALDO - Ah le con !... C'est dingue, ça, dingue !

Patrick (stupéfait de retrouver Aldo de ce côté-là) - Mais qu'est-ce que tu fais là ?

ALDO - Je te sauve le coup ! Quand j'ai entendu, je suis passé par le balcon, j'ai sonné et me voilà ! Dis donc, heureusement que j'ai apporté un matelas !

PATRICK - Fous le camp !

ALDO - Chut ! Parle moins fort ! Elle va nous entendre ! Tu es un vrai puits à belettes, toi !

PATRICK - Merde ! Merde ! Merde ! Qu'est-ce que je vais faire ?

ALDO - On n'a pas le choix, il va falloir y aller !... Tu as vu dans quel état elle est ?... C'est quasiment de la responsabilité civile !

PATRICK - Je ne vais pas tromper ma maîtresse avec ma cliente alors que je suis en instance de divorce avec ma femme ! Je ne peux pas faire ça !

ALDO - Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Tu as une vie de con, tu as une vie de con !

Patrick (se dirigeant vers la porte du local technique) - Tant pis ! Je vais lui dire que ce n'est pas possible... on annule la convention !

ALDO - Attends !... Toi, tu ne peux pas y aller, mais moi ?

PATRICK - Quoi toi ?

ALDO - Je peux y aller à ta place ! Moi, je couche avec elle de ta part si tu veux !

PATRICK - Tu délires ou quoi ?

Aldo (récupérant casquette et imper sur le portemanteau et les passant) - Regarde, je mets ton imper, ta casquette... et c'est bon... hop, ni vu ni connu, ça le fait : c'est toi !

PATRICK - Non ! ça ne le fait pas du tout !

ALDO - Fais un effort ! (Se mettant aux côté de Patrick) Regarde : frères jumeaux !

PATRICK - Je te rappelle que c'est pour coucher.

ALDO - Et alors ?... On n'allumera pas la lumière !... Je lui dirai que je suis timide la première fois... enfin que tu es timide. (Puis, changeant tout à coup d'option) Patrick, j'ai une meilleure idée : on va aller à l'hôtel...

PATRICK - A l'hôtel ?...

Aldo (s'emparant du téléphone et composant un numéro) - Oui ! Tu vas la chercher et tu lui dis que tu as réservé en face... qu'ici ce n'est pas confortable et que tu ne peux faire l'amour que dans le noir !

PATRICK - Elle n'y croira jamais !

ALDO - Tu lui dis que c'est un fantasme... que ça t'excite ! (Au téléphone) Allô ?... J'aurais voulu une chambre pour deux personnes pour tout de suite !... Monsieur Lepers !... Julien !

PATRICK - Mais qu'est-ce que tu fais ?

ALDO - Tu ne voulais pas que je donne ton nom !... (Au téléphone) On arrive ! A tout de suite !... (A Patrick, le poussant à regagner le local technique) Allez, vas-y !

PATRICK - Mais ça ne marchera jamais !... On ne fait pas la même taille !

ALDO - Mais couché, on fait tous la même taille !

PATRICK - Et la voix ?... Ce ne sera pas ma voix ?

ALDO - Tu lui dis que tu as très envie d'elle mais sans la voir ni lui parler !

PATRICK - Tu es fou !

Aldo (tapant sur la porte du local technique) - Tu l'envoies à l'hôtel et tu lui dis que c'est un fantasme !

PATRICK - Mais non, non...

(Nancy revient, alertée par le bruit.

Aldo se dissimule rapidement derrière un panneau publicitaire.

Patrick, paniqué, tente de paraître décontracté.)

Nancy - Alors ?

Patrick - Alors ?... J'ai eu une super idée !

Nancy - Tu veux faire ça sur le bureau ?

Patrick (très mal à l'aise) - Non, à l'hôtel !...

Nancy - Classique !

Patrick - Pas tant que ça ! On va faire ça dans le noir avec les rideaux tirés...

Nancy - Tu es timide ?

Patrick - C'est un fantasme !...

(Puis, à bout d'arguments, Patrick s'adresse à Aldo, en cachette de Nancy, pour lui demander ce qu'il doit faire... Aldo, à grands renforts de gestes, lui indique la suite de son “rôle”.)

PATRICK (blafard, enchaîne face à Nancy) - J'ai très envie de toi mais sans te voir ni te parler !...

Nancy - Tu me rends dingue avec tes idées !... Fais attention, je vais m'attacher !

Patrick - Bon, tu verras, c'est le petit hôtel juste en face... J'ai réservé au nom de Lepers... Julien !

Nancy - Tu as raison !... Tu es un vrai champion !

Patrick - Et n'oublie pas d'éteindre la lumière !

Nancy - J'ai compris !... “Sans me voir ni me parler !”... Celle-là, on ne me l'avait encore jamais faite !

(Aldo a continué à se déplacer derrière son panneau publicitaire pour suivre la scène de plus près.)

Patrick (apercevant le panneau publicitaire en plein milieu de la pièce) - Ah !

Nancy (se retournant sur Patrick en se pâmant) - Ah ! (Puis apercevant le panneau) Mais qu'est-ce que c'est que ça ?

Patrick - Ce n'est rien, il faut que je range !

Nancy - Tu viens ?

Patrick (poussant Nancy vers la porte) - Oui, oui ! Je range et je viens !... Va vite !

Nancy (prenant le mouvement de Patrick pour de l'enthousiasme amoureux) - Oui, à tout de suite...

Patrick - Oui, c'est ça, à tout de suite !

(Nancy sort. Aldo, tout excité, surgit de derrière son panneau.)

ALDO - Ah oui, à tout de suite !... Merci vieux !

PATRICK - Elle a raison Chloé : chaque fois que j'ai un coup dur dans ma vie, chaque fois tu es là !

ALDO - Et chaque fois tu es splendide !

(Sur ces entrefaites, arrive Chloé, surprise de retrouver Aldo au bureau.)

Salut Chloé !... Si on me demande, je suis en clientèle ! (Il sort.)

 

 

Scène 5

CHLOé - Qu'est-ce qu'il faisait là, Aldo ?

PATRICK - Rien !

CHLOé - Il était là avec Nancy ?

PATRICK - Non !... Il a réparé la photocopieuse !

CHLOé - Alors ?

PATRICK - Elle marche.

CHLOé - Non mais avec Nancy ?... Comment ça s'est passé ?

PATRICK - Bien... Très bien !

CHLOé - Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

PATRICK - Rien !

CHLOé - Elle t'a montré ses seins ?

PATRICK - Ah non ! Quand même ! Cette fois, j'ai été ferme, j'ai bien séparé les choses...

CHLOé - Tu ne l'as pas trop refroidie ?... La convention, on la fait toujours ?

PATRICK - Si tout se passe bien, oui !

CHLOé - Comment ça, si tout se passe bien ?

PATRICK - Si tout se passe bien... dans le noir ! Enfin, je veux dire... elle voudrait une partie au noir... Voilà ! C'est ça ! Elle veut une partie au noir !

CHLOé - Ah bon ?... c'était pour ça qu'elle voulait te voir ?

PATRICK - Oui ! Je crois que c'était essentiellement pour ça !

Chloé (après un instant de réflexion) - Pourquoi elle veut du noir ?... C'est elle qui nous paye ?!?

Patrick (au fond du gouffre !!!) - Oui, c'est vrai... C'est elle qui nous paye ?!?

Chloé (tout à coup illuminée) - Elle veut qu'on lui reverse ? On lui surfacture... et la différence, on la lui reverse au noir ?

PATRICK - Exactement !

CHLOé - On ne peut pas faire ça !

PATRICK - Nous, non... mais Aldo y est !... Enfin, je veux dire, il est sur le coup, Aldo... il a une filière... au Portugal... au Japon... une filiale... au Portugaire... enfin, tu sais, quoi !

CHLOé - Tu devrais reprendre un Fébritol !

PATRICK - Oui, tu as raison, je dois couver quelque chose !

(On sonne à la porte.)

CHLOé - Qui c'est ?

PATRICK - Je ne sais pas !

CHLOé - ça doit être Thierry !... Figure-toi qu'il m'a appelée sur le portable, il veut aussi me voir seul à seul avant la réunion...

PATRICK - Qu'est-ce qu'ils ont tous ?

CHLOé - Il veut peut-être du black lui aussi...

(Patrick appuie sur le bouton qui commande l'ouverture de la porte.)

PATRICK - A la limite, je préférerais !

CHLOé - Reviens vite, je n'ai pas envie de me le farcir des heures...

(Arrive Thierry, l'air sombre, une nouvelle rose à la main.)

Patrick (avant de sortir) - Salut Thierry !... Entre ! Chloé t'attend !... (Il sort.)

 

Scène 6

Chloé fait la bise à Thierry, rapidement. Puis elle s'empare de la rose qu'elle plonge négligemment dans le vase à côté de l'autre, complètement fanée.

CHLOé - Bonjour Thierry !... Qu'est-ce qu'il y a ?... Tu as l'air soucieux !... Tu ne viens pas m'annoncer une mauvaise nouvelle, au moins ?

Thierry (solennel) - Je viens de rompre mes fiançailles...

CHLOé - Ah ! Tu m'as fait peur, j'ai cru qu'il y avait un problème sur la convention !... Tu étais fiancé ? Depuis quand ?

Thierry - Cinq ans.

CHLOé - Avec qui ?

Thierry - Une réfugiée suisse, une amie de mon oncle.

CHLOé - Vous viviez ensemble ?

Thierry - Non ! Elle habite Nouméa ! Je n'ai même pas eu le courage de lui dire en face ! Je lui ai annoncé par téléphone...

CHLOé - Si elle habite Nouméa...

Thierry - “Je te quitte ! Salut !”... et on a été coupé !... Je suis un lâche, je me dégoûte !

CHLOé - Mais non, il ne faut pas dire ça.

Thierry - Si ! Et le pire, c'est que je ne suis même pas triste ! J'ai rompu des fiançailles, tu te rends compte, je devrais m'effondrer en larmes et bien non ! Rien ! Je suis sec ! Tiens, touche ! (Il lui prend les mains et lui fait toucher ses yeux.) Tu vois... pas une larme... rien.... sec !!!!

CHLOé - C'est normal ! A 15000 Km de distance...

Thierry - Bon, et puis il y a autre chose...

CHLOé - Quoi ?

Thierry - Je ne sais pas si je peux vous le dire.

CHLOé - On se vouvoie ?

Thierry - Je préférerais !... Voilà, Chloé, je voulais te demander, il faut me parler franchement : est-ce que dans les gens que tu vois régulièrement, par exemple dans ton travail, il n'y aurait pas une personne pour laquelle tu aies des sentiments... ?

CHLOé - Ça dépend ce que tu appelles sentiment ?

Thierry - Parce que j'ai cru remarquer des regards, des gestes...

CHLOé - Ah bon ? Je n'ai pas fait attention !

Thierry - Je vais t'aider... Moi aussi, il y a une personne que je vois régulièrement dans mon travail et pour qui j'ai des sentiments !

CHLOé - Tant mieux ! C'est bien d'aimer les gens avec qui on travaille.

Thierry - Tu vois, pour moi Chloé, le couple, c'est la plus belle invention de l'homme...

CHLOé - C'est très beau ce que tu dis...

Thierry - Et quand un couple est solide, rien ne peut le détruire... Il peut surpasser les pires épreuves...

CHLOé - Tu es très philosophe ce matin ! Tu ne veux pas qu'on se cale sur le devis avant que Nancy arrive ?

Thierry - Regarde Véronique et Patrick ! Moi, j'y ai toujours cru ! J'ai peut-être été le seul ! Eh bien, j'ai eu raison !

CHLOé - Ils divorcent quand même...

Thierry - Plus très sûr !... Il lui a offert un petit ensemble Kenzo et cette nuit, il est revenu dans le lit conjugal après trois mois de canapé... Ce n'est pas beau, ça ?

CHLOé - Quoi ?

Thierry - Oui, il est revenu... Ils ont fait l'amour... J'ai eu Véronique au téléphone ce matin !

CHLOé - Mais ils ont fait l'amour... comment ça ?

Thierry - Normalement !... Enfin normalement... comme deux êtres qui se retrouvent après trois mois d'abstinence ! Comme des fous, comme des bêtes !

CHLOé - Ce n'est pas vrai ?

Thierry - Si ! Ah ! Toi aussi, tu es contente, hein ? Ça fait deux mois que je lui disais à Véronique : “Gratte à la porte, ça flatte l'homme !” Elle a gratté, ça l'a flatté, il a ouvert !

 

 

Scène 7

Patrick est de retour. Il passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte.

PATRICK - Je peux entrer ? Je ne vous dérange pas ?

Chloé (furieuse mais tout sourire à Patrick) - Bravo ! Je suis contente pour toi ! Alors, on sort le champagne ?

Patrick (tombant des nues) - Qu'est-ce qu'il y a ?

CHLOé - Il y a qu'on est ravi ! Je viens d'apprendre une superbe nouvelle !

Thierry - Je lui ai dit !

PATRICK - Quoi ?

Thierry - Ce que tu as fait !

PATRICK - Comment tu le sais ?

Thierry - Elle m'a appelé avant la réunion !

Patrick (stupéfait) - Et elle t'a parlé de ça ?

CHLOé - Oui ! Il parait que ça s'est très bien passé !

Thierry - Patrick... Qu'est-ce que je suis content !

Chloé (craquant et faisant mine de partir) - Il fallait la ménager, hein ?... Je crois qu'on n'a plus rien à se dire !

Patrick (la retenant) - Chloé, attends !... Ce n'est pas moi, c'est Aldo ! Il a pris ma place !

CHLOé - C'est Aldo qui couche à ta place ?

PATRICK - Ben oui !

Thierry - Attends, Patrick, qu'est-ce que tu racontes ?

PATRICK - Je ne voulais pas le dire devant Thierry !... Elle m'a réclamé... Aldo passait par là... Il y est allé !

Thierry (sidéré) - Qu'est-ce qu'il faisait là, Aldo ?

PATRICK - Sa copine chez qui il logeait l'a foutu à la porte !

Thierry - Alors c'est lui qui...

PATRICK - Ben oui !

Thierry - Et toi, tu es resté sur le canapé ?

PATRICK - Le canapé ?... Quel canapé ?

(A cet instant arrive Aldo, visiblement rhabillé plus qu'à la hâte (la casquette de travers, la chemise défaite, etc.)

Aldo (surexcité) - Patrick ! Patrick ! Il faut que tu me dépannes ! Elle veut absolument que je mette une capote... (Puis, apercevant Chloé et Thierry qu'il ne croyait pas là) ...que je mette... euh... du sans plomb !... La nana à la pompe !... Elle m'a dit “Il faut toujours du sans plomb !... dans toutes les voitures décapot... enfin, heu, sans toit !... c'est du sans plomb !...” Alors, je me suis dit, tiens, ça, il faut que j'en parle à Thierry... lui qui est bagnole... c'est vrai, tu es bagnole, toi...

Thierry - Aldo ? Tu es mon ami ? Alors il faut que tu me parles franchement... Est-ce que cette nuit, oui ou non, tu as couché avec Véronique ?

ALDO - Moi ?

CHLOé - Oui, oui, on parle de toi Aldo !

ALDO (à Patrick, sidéré) - Avec Véronique ?

PATRICK - Tu peux avouer... c'est même conseillé !

Thierry - Alors ?

PATRICK - Vas-y, ils le savent !

Thierry - Alors ?... Tu as couché oui ou non ?

ALDO - Ben euh... s'ils le savent... oui !

CHLOé - Comment c'est possible ?

(Aldo indique qu'il n'en sait rien. Patrick intervient.)

PATRICK - Dans le noir !... Sans la voir ni lui parler !

Aldo (à Patrick) - C'est un fantasme ?... (A Thierry) Oui, c'est un fantasme !

Thierry - Tu vois Aldo, tu es mon ami, mais là, je ne peux pas te suivre à 100 % !...

ALDO - Ne t'inquiète pas ! Moi-même, je ne me suis pas !

Thierry - Coucher avec une femme mariée, moi je dis non !

PATRICK - Mariée oui, mais à un très bon ami !

Chloé (à Patrick) - Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

PATRICK - Je pensais que tu ne me croirais jamais !

(Le téléphone sonne. Chloé décroche.)

Chloé (au téléphone) - Top Event, Chloé Dujardin, bonjour !... Oui !... Oui !... Très bien ! (Elle raccroche.) Nancy Killigan !... La réunion est décalée d'une heure !

Aldo (l'œil allumé) - Bon eh bien j'y retourne ! (Il sort précipitamment.)

Thierry - Il retourne où ?

PATRICK - A la pompe !

 

 

Fin de l'Acte 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Acte III

 

Même lieu, quelques jours plus tard.

Il y a maintenant trois roses fanées dans le vase.

 

Scène 1

Thierry - Non, attends Patrick, ça fait quinze jours que tu l'évites, il faut absolument que tu restes pour le training !

CHLOé - Patrick en a marre, Thierry !

Thierry - Faites attention ! Elle est sur les nerfs en ce moment ! L'autre jour, l'agence de promo est arrivée avec une demi-heure de retard, elle les a virés !... Non, je crois qu'il faut que tu remontes un peu au créneau, Patrick !

Chloé - Patrick n'a pas à jouer ce jeu là ! Ici, c'est une agence d'événements, pas un lupanar !

PATRICK - C'est à dire... euh, Chloé trouve que Nancy dépasse un peu les bornes... Elle devient difficile à gérer !

Thierry - Chloé, je sais que tu penses beaucoup à Véronique, mais là, il faut que tu laisses à Nancy un peu d'espoir jusqu'à la convention... Cela dit, Véronique aurait pu éviter de coucher avec Aldo, je suis d'accord !

PATRICK - On ne va peut-être pas revenir là-dessus...

CHLOé - Elle ne le savait pas ! Elle pensait que c'était Patrick !

Thierry - Ah oui, c'est vrai ! Je n'arrive pas à me faire à cette idée... (A Patrick) Cela dit, Nancy, c'est hallucinant ! Depuis 15 jours, elle est comme une folle ! Je ne sais pas ce que tu lui fais ?

PATRICK - Mais rien !... Absolument rien !... D'ailleurs on ne se voit pas !

Thierry - Ça doit être l'absence qui crée le besoin !

(On sonne à la porte.)

CHLOé - Tiens, la voilà !... (Poussant Patrick vers le local technique) Patrick, tu te mets dans le bureau du fond, je t'appelle dès qu'elle est partie !

Thierry - Chloé, ce n'est pas sérieux !...

(Patrick sort côté local technique.)

CHLOé - Elle veut qu'on s'occupe d'elle ?... Je vais m'en occuper !

Thierry - Vous savez qu'on prend de très gros risques !

CHLOé - Le devis est signé ! La convention est dans quinze jours ! Ça va bien !

(Entre Nancy. Comme à l'acte I, elle a le portable à l'oreille.)

Nancy (au portable) - Ecoutez, je vous ai prévenus suffisamment tôt ! J'ai besoin de l'activity report demain matin à 8 h 45 !... Vous avez déjà participé à une brand review mondiale ?... Non ? Alors taisez-vous ! (Elle raccroche.) Bonjour !... Patrick est là ?

CHLOé - Non !... Il est retenu chez un client !

Nancy - Encore ?... Alors, la semaine dernière c'était le décès de la grand-mère ; il y a trois jours, une écharde dans le pied ! Aujourd'hui, ça va mieux ? Tant mieux ! Mais du coup, il est chez un autre client ! Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?

Thierry - Ça ne va peut-être pas durer !... (A Chloé, lui faisant des signes pour qu'elle aille chercher Patrick dans le local technique.) Chloé, tu devrais lui téléphoner du bureau du fond, il est sûrement en chemin...

CHLOé - Ça m'étonnerait !

Thierry - Vas-y quand même ! Pendant ce temps, on commence le training avec Nancy !

(Chloé sort côté local technique.)

Nancy - C'est incroyable ça, je ne peux jamais le voir au bureau !

Thierry (se mettant à faire des pompes) - Bonjour à tous ! Et bienvenue à la convention Flocel 2001 ! A l'aube du troisième millénaire, nous avons une conviction, la charcuterie sera light ou ne sera pas !...

Nancy - Qu'est-ce que vous faites ?

Thierry - Le training !... Si vous êtes capable de dire votre première phrase dans n'importe quelle situation... Le jour de la convention, ça va tout seul ! Je me rappelle, l'année dernière, Patrick m'avait mis au milieu de la gare du Nord, debout sur un tabouret ! Il faut dire que le thème de la convention, c'était : “Ne ratons pas le train du succès !”... Au début, j'ai eu un peu de mal, tout le monde me demandait des renseignements, mais à l'arrivée, ça a été ma meilleure convention !

Nancy - Il m'avait quand même promis qu'il serait là !... C'est étonnant...

Thierry - Il y a deux ans, mes premières phrases, je les ai faites en saut à l'élastique... Enfin, le début surtout... parce que finalement, on arrive très vite en bas ! Mais je l'ai fait quand même... Patrick adore ce qui est physique ! Il adore !

Nancy (se dirigeant vers la porte du local technique) - Ah ça, je suis au courant...

Thierry (la rattrapant au passage) - Nancy !... Si vous ne voulez pas faire les exercices physiques, faites au moins celui du crayon ! Patrick y tient !

Nancy - Patrick y tient ! Patrick y tient ! Il vaudrait mieux Patrick y vient !

Thierry (se mettant un crayon dans la bouche et lisant une fiche) - “Les sociétés sans souci sont celles qui sans cesse s'associent au succès !”

(Thierry tend le crayon et la fiche à Nancy.)

Nancy (après avoir essuyé le crayon, elle se le met dans la bouche et lit la fiche) - “Les sociétés sans souci sont celles qui sans cesse s'associssent...”

Thierry - Non, pas saucisse !... “Qui sans cesse, s'associent au succès...”

Nancy - Oui, bon, ça va bien !

Thierry - Cela dit, la convention, vous la ferez sans le crayon !

Nancy - Oui ! Et vous, si vous continuez, vous ne la ferez pas du tout !

 

 

Scène 2

Chloé ressort du local technique.

CHLOé - C'est bien ce que je pensais, il y a des embouteillages ! Mais Patrick nous demande de continuer le training sans lui... Il va arriver ! Bon, Thierry, tu nous rappelles les trois éléments de base de la prise de parole en public ?

Thierry - La verticalité, la gestuelle et le regard.

CHLOé - Bien ! Tu le sais, Thierry, tu as deux problèmes sur trois : la gestuelle et le regard.

Thierry - La verticalité ça va mieux...

CHLOé - Reste vigilant quand même !

THIERRY - J'ai fait beaucoup d'abdofessiers comme tu m'avais dit !

CHLOé - Très bien.

Nancy - Non, c'est très gênant que Patrick ne soit pas là ! On doit examiner des choses ensemble et je ne vais pas pouvoir m'éterniser non plus... j'ai une visioconférence avec le Mexique dans une heure !

CHLOé - Dans ce cas, commençons la séance de training par vous, Nancy.

Nancy - Oh, vous savez, le training...

CHLOé - Allez ! Allez ! On se fait violence et on se jette dans le grand bain de la prise de parole en public !

Nancy - Ce n'est pas ma première convention...

CHLOé - Vous savez, Nancy, on n'en sait jamais assez ! Thierry, un petit rappel des séances de l'année dernière ? Les trois fonctions du regard...

Thierry (à chaque mot, il fera une mimique pour illustrer) - Circulaire ! Percutant ! Et chaleureux !

CHLOé - Très bien.

Nancy - La grimace de chinois, c'est pour chaleureux ?

CHLOé - Alors, on va travailler sur une méthode américaine qui insiste sur le rapport entre l'expression du visage et les propos. Un exemple : ne pas annoncer 2000 licenciements avec un grand sourire.

Nancy - Sans blague ? Moi, je serais tombé dans le panneau !

CHLOé - Ce n'est pas toujours aussi évident, Nancy !... “Les ventes de charcuterie sèche doivent augmenter de 20 % cette année !”

Thierry (surpris) - Ah bon ?

CHLOé - C'est un exemple, Thierry !

Nancy (faisant tourner son doigt sur sa tempe, à Thierry) - Faites un peu circuler vous, là-haut !

CHLOé - On va décortiquer la phrase, Nancy : “Les ventes” c'est quoi ?

Nancy - Vous allez me le dire !

CHLOé - C'est un don de soi ! Donc, on ne peut pas le dire replié sur soi ! Pour les ventes, il faut s'ouvrir...

Thierry (illustrant à l'extrême les propos de Chloé) - “Les ventes !”

CHLOé - “La charcuterie” c'est quoi ?

Nancy - Je vous écoute !

CHLOé - C'est ce qui nous rend complice avec les vendeurs. Donc, cette complicité, il faut l'exprimer par le regard...

Thierry (même jeu) - “De charcuterie sèche !”

CHLOé - Très bien Thierry !... Bon, “doivent augmenter de 20 %”. Là, on met au défi et on peut utiliser le doigt...

Thierry (pointant le doigt en l'air façon “je t'encule” au lieu de “attention, c'est important”) - “Doivent augmenter !”

Nancy - Ah, c'est joli, ça, tient !

CHLOé - Et “cette année”, c'est tout de suite. Donc, on reprend le doigt et on indique la terre, l'ancrage dans la réalité... tout de suite !

Thierry - “Cette année !”

Nancy (à Chloé) - On va faire ça sur toute la présentation ?

CHLOé - Non. La méthode c'est de travailler quelques phrases clé et le reste va suivre...

Thierry (reprenant toutes ses propositions successives) - “Les ventes de charcuterie sèche doivent augmenter de 20 % cette année !” Voilà !

Nancy - Bien, bien, bien... Bon, j'en ai assez entendu pour aujourd'hui !... (A Chloé) Vous direz à Patrick que je suis très déçue ! Non ! Finalement, je lui dirai moi-même, je vais l'appeler sur son portable !

CHLOé - Non, il l'a perdu !

Nancy - Oui, c'est ça ! Il l'a perdu !... Allez ! A plus tard ! Je vous laisse faire mumuse, moi je vais travailler ! (A Thierry) Et vous, ne changez rien ! C'est superbe ! (Reprenant les mimiques de Thierry) “Les ventes... de charcuterie sèche...” mais c'est n'importe quoi mon petit bonhomme, n'importe quoi ! (Elle sort.)

 

 

Scène 3

Aussitôt Patrick passe la tête par la porte du local technique.

PATRICK - Elle est partie ?

Thierry - Ça, pour être partie, elle est partie ! Elle est dans un état ! Mais qu'est-ce que tu lui fais ?

PATRICK - Rien !... Tu as apporté les tee-shirts ?

Thierry - Oui ! Avec les casquettes ! Ils sont dans ma voiture...

PATRICK - Tu vas les chercher ?

Thierry - Chloé, tu m'accompagnes ?

CHLOé - Avec toi, j'irais au bout du monde !

(Chloé sort, suivie de Thierry, toujours à l'affût.)

Thierry - Commençons déjà par mon coffre !

(Aldo arrive à ce moment-là, tout sourire. Il croise Chloé et Thierry dans le couloir d'entrée (off).)

ALDO - Salut Thierry !... Salut Chloé !...

 

 

Scène 4

ALDO - Qu'est-ce qu'il se passe ? J'arrive, tout le monde s'en va ?... Ah oui, d'accord ! Dès qu'on parle de training, il n'y a plus personne, c'est ça ?

PATRICK - On avait dit dix heures Aldo !

ALDO - Eh bien, il est dix heures ! 58 ! Pile !...

(Le téléphone sonne. Aldo, très professionnel, décroche en main libre.)

Top Event, Aldo Montero à votre service...

Répondeur / Voix de Nancy - Nancy Killigan... Patrick est arrivé ?

Aldo (au téléphone) - Oui ! (Patrick fait de grands signes de négation à Aldo.) Euh, non ! C'était sa veste, mais il n'est pas là !... Je peux faire quelque chose pour vous, Nancy ?

Répondeur / Voix de Nancy - Non ! A part préparer le café, je ne vois vraiment pas ce que vous pourriez faire pour moi !

(Elle raccroche. On entend “Bip... Bip... Bip...”.)

Aldo (dépité) - Tu as vu comment elle me traite ? Je peux te dire que c'est autre chose quand on est dans le noir !

PATRICK - De quoi tu parles, là ?

ALDO - De rien...

PATRICK - Attends... Tu continues à la voir ?

ALDO - Non, non ! Enfin... la voir, pas vraiment !

PATRICK - Tu n'as pas remis ça au moins ?

ALDO - Tu es marrant toi. Elle a appelé un jour où tu n'étais pas là. Elle te cherchait partout, elle était comme une folle...

PATRICK - Ne me dis pas que j'ai recouché avec elle ?

ALDO - Si !

PATRICK - Comment c'est possible ?

ALDO - C'est possible !... Il faut beaucoup d'imagination mais c'est possible !

PATRICK - Tu aurais pu m'en parler.

ALDO - C'était urgent ! J'ai senti que si tu n'y allais pas, elle annulait la convention !

PATRICK - Je comprends mieux maintenant pourquoi ça devient intenable... Et c'était quand ?

ALDO - En général, c'est en fin d'après-midi !

PATRICK - Parce qu'en plus tu as fait ça plusieurs fois !

ALDO - Il fallait bien la maintenir sous pression jusqu'à la convention ! Je me dévoue pour la boîte, moi ! (On entend une sonnerie de portable. Aldo, gêné, va à l'écart et sort un téléphone de sa poche.) Je te demande une seconde...

Patrick (reconnaissant son portable et l'arrachant des mains d'Aldo) - Mon portable !...

ALDO - Oui, je viens de le retrouver ! Mais c'est pour moi, là !

Patrick (après avoir porté le téléphone à son oreille, il le redonne immédiatement à Aldo) - Nancy Killigan !... Je ne suis pas là !

Aldo (au téléphone, en dissimulant sa voix) - Oui, allô ? C'est toi ma petite abeille !... Je ne pouvais pas te parler, j'étais en rendez-vous ! Non, pas ce soir !... Oui ! Tu l'auras ta correction, mais demain !... Ça aussi tu l'auras ! Mais demain !... Bon, ça suffit maintenant ! (Il coupe le portable puis à Patrick, reprenant sa voix normale.) Voilà !...

PATRICK - Tu es vraiment un grand malade, toi !

ALDO - Tu as compris ?... Ce soir, tu n'es pas libre, mais demain, c'est bon, Véronique a son cours d'équitation.

PATRICK - Quel rapport ?

ALDO - Ben, c'est à dire on se voit chez moi ! Enfin chez toi ! Nancy voulait absolument coucher dans ton lit !

PATRICK - Cette invraisemblable cette histoire ! Tu as les clés de chez moi ?

ALDO - Véronique m'a gentiment proposé de me dépanner parce qu'à force, l'hôtel, ça coûtait une fortune...

PATRICK - Véronique est au courant ?

ALDO - Non ! Je lui ai dit que j'avais besoin de calme pour écrire mon bouquin sur Lisbonne ! Je t'en ai parlé de mon bouquin sur Lisbonne ?

PATRICK - Aldo ?... Je crois que je vais te péter ta bagnole !

ALDO - Tu es fou ! Elle sort de chez Pinoteau !...

(Thierry et Chloé sont de retour avec les cartons de casquettes et de tee-shirts.)

Thierry - Patrick, on les met où les cartons ?

PATRICK - Dans la pièce, derrière...

(Thierry sort côté local technique.)

Chloé (essayant une casquette) - Elles sont super les casquettes !... Top class !

PATRICK - Chloé, je viens d'apprendre un truc insensé ! Il faut que je te dise...

Aldo (s'interposant entre Patrick et Chloé) - Patrick !... Patrick, non !... Patrick !... Il faut décompresser de temps en temps !

PATRICK - O.K. !... Tu as beaucoup de chance !... Je vais décompresser à la pharmacie !... Relaxine ! Relaxine ! (Il sort.)

CHLOé - Qu'est-ce qu'il a ?

ALDO - Rien, il n'a plus de Relaxine, alors il va en acheter...

(Chloé sort côté local technique.

Le portable d'Aldo sonne à nouveau.)

(contrefaisant sa voix) Allô ?... Ah, c'est toi ma petite abeille ?... C'est n'importe quoi, on a frôlé la catastrophe... Ah non ! Tu ne peux pas faire ça ! Pas ici ! Pas maintenant...

(Chloé revient. Aldo tombe nez à nez avec elle.)

(au téléphone) Attends, je te prends dans la pièce à côté !... (Puis, toujours avec sa voix grave, à Chloé) J'ai un problème de voix !... Je vais faire un petit tour à la pharmacie moi aussi ! Voxofluide !... Voxofluide ! (Il sort.)

 

 

Scène 5

Chloé reste seule en scène, éberluée.

Thierry revient du local technique, tout sourire...

Thierry - Chloé ? Je crois que j'ai tout compris...

CHLOé - Compris quoi ?...

Thierry - Ton attitude ! Jusqu'à la convention, tu ne veux rien dire à personne.

CHLOé - Rien dire... euh, à propos ?

Thierry - A propos de toi, de moi, de nous...

CHLOé - Ah oui, d'accord ! O.K. ! (Puis, changeant de sujet) Les tee-shirts, c'est uniquement pour les D.R ?

Thierry - Mais on s'en fout des tee-shirts !... C'est dingue cette distance que tu installes ! Il y a des jours où même moi, je pourrais douter !

CHLOé - Il ne faut pas douter !

Thierry - Chloé ! Je t'aime, tu m'aimes, c'est le plus beau jour de ma vie !

CHLOé - Pardon ?

Thierry - C'est le plus beau jour de ma vie !

CHLOé - Non, avant ?

Thierry - Mais avant, ça n'a plus aucun sens ! Laisse-moi t'embrasser...

CHLOé - On ne va peut-être pas aller jusque-là ?

Thierry - Quand deux êtres sont amoureux, une fois qu'ils en ont bien parlé, ils passent aux choses sérieuses, non ?

CHLOé - Ne prenons pas de risque, Thierry ! Restons professionnels jusqu'à la convention ! On a dit qu'on s'occupait des tee-shirts, on s'occupe des tee-shirts ! Il t'en reste dans la voiture ?

Thierry - Plein !

CHLOé - Tu vas les chercher ?

Thierry - D'accord ! (Puis, se ravisant) Chloé, tu m'accompagnes ?

CHLOé - Thierry, qu'est-ce qu'on a dit ?

Thierry - Ah oui, c'est vrai !... Ce que tu es forte, mon amour !

(Ils sort tandis que Chloé, pas fâchée d'en être débarrassée, regagne le local technique et donne un tour de clé pour être tranquille.)

 

 

Scène 6

Patrick et Aldo reviennent de l'extérieur. Aldo, portable à la main, tire Patrick en scène.

ALDO - Mais viens !... Puisque je te dis qu'elle arrive ! Je viens de l'avoir à l'instant sur ton portable !... (Il lui redonne.) Tiens, d'ailleurs, je te le rends, c'est à toi !... Sa visioconférence est annulée ! Elle m'a dit : “Je veux te voir tout de suite et en plein jour sinon j'annule tout !”

PATRICK - Mais qu'est-ce que je fais ?

ALDO - Rien !... Tu la laisses faire ! Elle s'occupe de tout !

PATRICK - Mais c'est une furie cette femme-là !

ALDO - Pas du tout ! Bien attachée, elle peut être très tendre ! (Sortant  une paire de menottes de sa poche et la tendant à Patrick) Tiens, prends ça ! Ça peut toujours servir !

Patrick (prenant les menottes malgré lui) - Ah non... (Aldo, de plus en plus excité, sort un flacon de parfum et en asperge Patrick.) Mais c'est mon parfum ?

Aldo (continuant à l'asperger) - Ça la met dans des états, tu ne peux pas savoir ! Et là, j'aime autant te dire qu'elle est en forme...

Patrick (désignant le local technique) - Et Chloé ? Elle ne veut plus que je la voie, seul !

ALDO - Tu n'es pas seul, je suis là !... Et Chloé, ne t'inquiète pas, je la bloque ! (On sonne à la porte.) C'est elle ! On y va !

Patrick (regardant avec effroi la porte d'entrée) - Je ne veux pas y aller !

ALDO - On n'a pas le choix ! Il faut y aller  !... Pense à la convention, bon Dieu !... Allez ! On se motive ! On est des...

Patrick (timidement) - Winner !

ALDO - J'ai rien entendu ?

Patrick (plus fort) - On est des winner !

(Aldo fait mine de sortir côté local technique tandis que Patrick appuie sur le bouton qui commande l'ouverture de la porte.

Aldo, trouvant la porte du local technique fermée, se réfugie derrière le canapé.

Patrick, qui n'a rien vu, se met en place, face à la porte d'entrée, comme un guerrier attendant l'assaut.)

Allez, viens... viens !

(Apparaît Nancy, dans un état d'excitation avancé.)

Nancy - Ah ! Patrick, je ne pouvais pas attendre demain, c'était trop loin ! Ah ! Viens là, toi !...

PATRICK - Attendez !

Nancy - Il ne fallait pas me chauffer comme ça au téléphone !

PATRICK - Je vous ai chauffée ?

Nancy - A l'instant !

PATRICK - Moi ?

Nancy (apercevant les menottes que Patrick tient toujours machinalement à la main) - Ah, tu les as !

Patrick (jetant les menottes au loin) - C'est une erreur !

Nancy - Ah, c'était tellement bon !

PATRICK - Quoi ?

Nancy - Ce que tu m'as dit au téléphone !... Redis-le-moi !

PATRICK - Euh... Ça va ?...

Nancy - Oui, et encore...

PATRICK - Tu es toujours dans ta voiture ?...

Nancy - Non ! Ce que tu m'as dit ensuite...

PATRICK - Prends par Trocadéro, ça roule mieux !...

Nancy - Tais-toi !... Oh, j'ai envie qu'on le fasse ici, tout de suite...

PATRICK - Ah non ! Non, pas ici... Ce n'est pas possible... N'importe qui peut arriver...

Nancy - Je m'en fous ! J'ai envie en plein jour... (Elle tente de défaire la ceinture du pantalon de Patrick.)

Patrick (retenant Nancy) - Ah, non ! Pas ici... pas au bureau... Ça me coupe mes effets !

Nancy - Oh ! Mon Gnougnou !... Alors prends ta voix que j'aime tant et raconte-moi encore des cochonneries !

PATRICK - Des cochonneries ?

Aldo (sortant de derrière le canapé et reprenant sa voix contrefaite) - Je vais te faire ta fête, toi, ma petite abeille ! (Il redisparait.)

Nancy (aux anges) - Ah oui ! Comme ça, encore !...

PATRICK - Non, non ! Je m'excuse, madame, ce n'est pas ce que je voulais dire !

Nancy (couvrant la main de Patrick de baisers) - Continue avec ta voix magique... tu me fais tellement vibrer...

Aldo (même jeu) - Oui ! Vas-y ! Bouffe-moi le bras !

Patrick (retirant sa main) - Non !

Nancy - Qu'est-ce qu'il y a ?

PATRICK - Finalement, je crois que ce n'est pas une bonne idée !

Aldo (même jeu) - Vas-y, ma petite abeille, enlève ta culotte !

Nancy (s'exécutant) - Ah oui !

PATRICK - Non ! Pas ça !... C'est à dire, euh... quand vous me regardez, enfin quand tu me regardes, ma petite abeille... je ne peux pas !

Nancy - Oh !... Alors, un coup de mou le Gnougnou ?... Je vais mettre mon bandeau !... Moi aussi, j'adore te sentir sans te voir... (Elle sort un bandeau noir de sa poche et se le met sur les yeux.) Déshabille-moi !

(Aldo, tout sourire, sort de derrière le canapé.)

Patrick (de plus en plus paniqué) - Non !

Aldo (toujours avec sa voix grave) - Si !

Patrick (à Aldo) - Ta gueule !

Nancy (aveugle derrière son bandeau) - Oh oui, vas-y, insulte-moi !... Mais avec ta grosse voix !

Aldo (allant sur Nancy) - Tu vas dérouiller, toi !... Tu aimes ça...

Nancy - Prends-moi !... Serre-moi fort !

Patrick (s'interposant entre Nancy et Aldo) - Non, ça me gêne au travail !

Nancy - Arrête avec cette voix qui n'intéresse personne !

Aldo (virant à son tour Patrick) - Mais oui ! C'est vrai, quoi !

Nancy - Tu es où ?

ALDO - Ici !...

PATRICK - Non, là !...

Aldo (à Patrick, le repoussant définitivement) - Ta gueule !

Nancy - J'ai l'impression que vous êtes plusieurs !

Aldo (revenant vers Nancy) - Je sais ! On me le dit souvent !

Nancy (dans les bras d'Aldo) - Ah, mon Patrick  !... (Puis, lui touchant le visage) Ah oui ! C'est bon comme ça !

Aldo (lui retirant la main) - Non ! Pas le visage ! Jamais le visage !... Tu le sais  !... Je te l'ai déjà dit !... Et tu as recommencé... Alors, qu'est-ce qu'on mérite ?

Nancy - La fessée ! Oh, je ne suis qu'une petite abeille entre tes bras !

Aldo (jubilant) - T'inquiète ! Le gros bourdon va s'occuper de toi !

(Aldo se met à lui donner une fessée sous le regard horrifié de Patrick.)

 

 

Scène 7

Au même moment, Chloé sort du local technique, alertée par le bruit et Thierry revient de l'extérieur. Ils restent bouche bée devant la scène.

Aldo, voulant se disculper, laisse Nancy à quatre pattes devant Patrick et rejoint Thierry.

Thierry - Qu'est-ce que vous faites ?

Aldo (toujours avec sa voix grave, sans s'en rendre compte) - Ah ben oui, qu'est-ce que vous... (Reprenant sa voix normale) Enfin je veux dire... qu'est-ce que vous faites ?

Patrick (essayant de justifier l'inexplicable) - On reprenait le training avec Nancy !... Nancy, vous pouvez ôter le bandeau !... L'exercice est terminé... (Nancy se relève, enlève son bandeau et se réajuste.) Alors, je vous le rappelle, plus vous serez à l'aise dans le noir, plus ce sera facile en plein jour !

CHLOé - Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?

PATRICK - Je t'expliquerai !...

ALDO - C'est un peu compliqué...

Nancy - C'est une nouvelle méthode que je voulais tester avec Patrick...

PATRICK - Mais ça reste professionnel !

Nancy - Et comment !

Chloé (avisant la ceinture défaite de Patrick) - On va peut-être la tester avec Thierry cette méthode ?... En restant professionnel ?

Thierry (défaisant sa ceinture) - Ben oui !... Pourquoi on ne l'a pas fait, nous, cet exercice ?...

Aldo - Il y en a qui reprendront du café ?

 

 

Noir

 

Fin de l'Acte 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Acte IV

 

La scène représente les coulisses du théâtre où se déroule la convention Flocel.

Côté jardin, une sortie conduisant aux loges ; côté cour, un passage menant à la scène.

Le reste du décor est neutre. De ci, de là, certains éléments que l'on peut trouver en coulisses (tabouret, caisses à accessoires, etc.)

Au centre de la scène, une table, sur laquelle on a déposé les deux cartons avec les tee-shirts et les casquettes.

 

Scène 1

On retrouve Aldo, Chloé et Thierry en train de répéter un numéro pour la convention...

Les Trois (chantant et dansant sur l'air de “Alexandrie, Alexandra”) -

Voilà le jambon

Voila l'saucisson

Voici les rillettes, fromage de tête c'est super chouette !

Avec le pâté, les cornichons, c'est super bon !

J'ai plus d'appétit qu'un Barracuda...

Ba... rra... cu... da !

Je mang'rais tout le plat si tu n'me ret'nais pas

Je mang'rais tout le plat si tu n'me ret'nais pas

Ah ah ah ah ah ah...

Les rillettes de porc de chez Flocel

Sont en France vraiment les plus belles !

Leur saveur de porc me rappelle

Le saucisson et le jambon de ma jeunesse... Aaaah !

Aldo (applaudissant Thierry) - Génial !

Thierry (continuant à chanter en imitant Claude François sur l'air du couplet de “ça s'en va et ça revient”) - “Ce matin, en me levant, je me suis réveillé ! Et je me suis regardé...”

Aldo - O.K. ! Tu as bien fait de te regarder ! Tu fais ça tout à l'heure, à la fin de la convention, tu doubles tes ventes de charcuterie !

Thierry - Je vais me préparer pour le museau ! (Il sort côté loges.)

Aldo (à Chloé, l'aidant à mettre casquettes et tee-shirt en sacs individuels) - Moi je te donne un petit coup de main et je vais me préparer pour les rillettes, ça va être l'heure...

(Arrive Nancy, le portable à l'oreille. Elle traverse la scène sans voir ni Aldo ni Chloé.)

Nancy (au portable) - Non écoutez, je vous ai prévenu suffisamment tôt ! J'ai besoin d'un canapé... ben oui dans mon bureau ! J'ai quand même le droit de me reposer, non ?... Ecoutez, vous avez déjà fait de l'aménagement de bureaux ?... Non ! Alors taisez-vous !...

(Elle raccroche et sort côté scène.)

Chloé (à Aldo, amusée) - Tu fais ça au bureau, maintenant ?

Aldo - Quoi ?

Chloé - Je suis au courant, Patrick m'a tout dit !

Aldo - Il t'a tout dit à propos de... ?

Chloé - Je ne savais pas que tu avais des talents cachés...

Aldo (se rapprochant de Chloé) - Pourquoi ? Ça t'intéresse ?

 

 

Scène 2

Nancy est de retour, furieuse.

Nancy (appelant) - Aldo ?... (Apercevant Aldo) Ah, Aldo, c'est vous la lumière ?

Aldo - Oui !

Nancy - Vous avez vu la tête des rillettes ? Elles sont vertes !... Vous croyez que c'est vendeur ? Si vous êtes incompétent, dites-le ! Je suis incompétent !... Allez immédiatement me changer cet éclairage !

Aldo (à Chloé) - Tu vois, ça va fort !

(Il sort côté scène.

Nancy se rapproche de Chloé et l'aide à préparer ses sacs.)

Nancy - Il n'est bon qu'à préparer le café !

CHLOé - Oui, mais il le fait bien !

Nancy - Chloé, j'ai des choses à vous dire... on n'arrive jamais à se parler...

CHLOé - On n'a pas forcément envie de se confier à vous au premier abord !

Nancy - Je sais ! Je fais un peu peur ! J'ai l'apparence d'une formidable machine à réussir, mais au fond, c'est l'amour qui guide mes pas !

CHLOé - J'ai cru remarquer !

Nancy - Ah, Chloé, il faut que je vous dise : avec Patrick, on s'aime et on va se marier...

CHLOé - Ah... Chouette !

(Arrive Aldo, une oreille de Mickey sur la tête.)

ALDO - Voilà, c'est réglé ! J'ai mis une gélat' orange !... Tout de suite, ça réchauffe la charcuterie !... Cela dit, les gars, ça ne les a pas empêchés de tout avaler... et ils ont la santé !... Manger ça à neuf heures du matin, bonjour !

CHLOé - Il est neuf heures et demi, Aldo ! C'est l'heure du museau !

Aldo (revêtant un panneau d'homme-sandwich sur lequel on peut lire, de face : “le museau, c'est réglo !”) - Tiens, on se prépare ! J'y vais !

CHLOé - Tu n'as qu'une oreille !

ALDO - Oui !... J'ai paumé l'autre !

(Il sort côté scène. Dans son dos, on peut lire : “Le fromage de tête, c'est très chouette”.)

Nancy (poursuivant, à Chloé) - Avec Patrick, c'est dingue ce qu'on vit ensemble ! Dingue !

Chloé - Oui, oui, je sais !

Nancy - Non ! Vous ne pouvez pas savoir ! C'est tellement fort entre nous...

Chloé - Si, si ! J'imagine très bien !

Nancy - Chloé ? Ne me dites pas que vous et lui, vous n'avez jamais... ?

Chloé - Jamais ! Je ne mélange pas amour et travail !

Nancy - Vous perdez quelque chose !... Il est infatigable ! D'une agilité ! D'une invention ! On sent le créatif !

 

 

Scène 3

Entre Thierry. Il a revêtu un costume de cochon avec une petite queue en tire-bouchon.

Thierry - Nancy, excusez-moi mais Jean-Pierre n'en démord pas. Il ne veut pas faire goûter le museau. Et moi, dans cette tenue, j'avoue que je n'ai aucun pouvoir de persuasion !

Nancy - Thierry, c'est très simple : vous allez voir Jean-Pierre de ma part et vous lui dites : “Jean-Pierre, tu prends le museau ou tu prends la porte ?”

Thierry - C'est peut-être un peu excessif comme réaction, non ?

Nancy - Bon, je m'en occupe !...

(Nancy sort côté scène.

A peine Nancy sortie, Thierry se précipite sur Chloé.)

Thierry - Chloé, je n'en peux plus !... Regarde ! J'ai la queue toute en tire-bouchon ! Ça fait trois semaines que j'attends la fin de la convention...

Chloé (tenant Thierry à distance) - Mais moi aussi...

Thierry - Ah bon ? Toi aussi ?

Chloé - Bien sûr ! (Puis, essayant de renvoyer Thierry sur scène) Dépêche-toi ! Aldo t'attend pour le museau !

Thierry (après un temps de réflexion) - Ce que tu es forte mon amour ! (Il sort côté scène.)

 

 

Scène 4

Arrive Patrick.

CHLOé - Dans deux heures, il me saute dessus !

PATRICK - Dans deux heures, on lui annonce notre mariage, ça va le calmer !

CHLOé - Et pour la folle du cul, tu as prévu quoi ?

PATRICK - Pareil !

CHLOé - O.K., je m'en occupe !

PATRICK - Non, non ! C'est mon problème, tu me laisses faire !... Si tu veux ton Jacuzzi, elle peut encore servir !... A propos, tu m'as rendu ma Visa ?

Chloé (prenant les sacs et gagnant le côté scène) - Pas encore ! Il faut que je passe chez Pronuptia pour la chambre de Nicolas...

PATRICK - Nicolas ?...

CHLOé - Je ne t'ai pas dit ?... J'ai arrêté la pilule ce matin ! (Elle sort côté scène.)

Patrick (interloqué) - Chloé ?!?... (Il sort derrière Chloé.)

 

 

Scène 5

Nancy et Thierry arrivent en pleine discussion. Thierry est toujours habillé en cochon.

Thierry - Nancy !... Je sais, ce n'est pas le moment, mais j'aimerais bien qu'on parle un peu de l'organisation du service ! J'ai l'impression que ma mission a légèrement dévié.

Nancy (avisant la tenue de Thierry) - Vous avez raison, vous valez beaucoup mieux que ça !

Thierry - Ah non, je ne dis pas ça pour la convention ! Je suis ravi de donner un coup de main et puis j'adore la comédie.

Nancy - En fait, vous avez fait le tour du poste et vous êtes en train de prendre une autre dimension...

Thierry - Je suis très sensible à votre compliment, mais là n'était pas mon propos...

Nancy - Ne me ménagez surtout pas Thierry ! Je comprends parfaitement que vous souhaitiez quitter la société très rapidement !

Thierry - Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire ! Je voulais juste faire une mise au point...

Nancy - Ne faites pas monter les enchères, je ne pourrai pas suivre !

Thierry - Mais je ne veux pas quitter la société, ça fait dix ans que j'y suis !

Nancy - Vous voyez, vous négociez ! Evidemment, il est hors de question que nous acceptions votre démission.

Thierry - Mais...

Nancy - Je vous ai préparé un licenciement en bonne et due forme. C'est la moindre des choses ! (Puis, lui passant un panneau d'homme-sandwich sur lequel on peut lire, de face : “Le pâté, c'est le pied !”.) Allez Thierry, c'est l'heure du pâté, ne mollissons pas...

Thierry - Oui, mais maintenant, le pâté, il a beaucoup moins de saveur !

Nancy - Je vais vous faire une confidence : j'envie beaucoup votre nouvelle liberté !

(Thierry sort côté scène. Dans son dos, on peut lire : “Le jambon, c'est tout con”.)

 

 

Scène 6

Arrive Patrick.

Nancy - Patrick, je suis heureuse...

PATRICK - Oui, hein !... Qu'est-ce qu'il part bien le fromage de tête !

Nancy - Non, je suis heureuse pour le poste !

PATRICK - Quel poste ?

Nancy - Chez Flocel !... Celui de Thierry ! C'est réglé !

PATRICK - De quoi on parle là ?

Nancy - J'ai obtenu son départ ! Tu prends sa place à partir de demain. Nos bureaux seront côte à côte... J'ai commandé un convertible avec une poulie !

(Chloé est de retour. A la vue de Nancy, tout près de Patrick, elle se fige.

Patrick, qui a vu arriver Chloé, essaye de garder ses distances...)

Ce matin, tu m'as laissée dans un état !... C'était trop ou pas assez !

Chloé (agacée, à Nancy) - Il reste des échantillons de fromage de tête ?

Nancy (à Chloé) - Une seconde !... (A Patrick) Si je n'avais pas retrouvé la clé des menottes, je prenais froid ! Quelle idée aussi de m'attacher au radiateur avec la fenêtre ouverte ?

CHLOé - Bon, maintenant la nympho, tu nous lâches !

Nancy - Pardon... ?

PATRICK - Non attends, Chloé, c'est moi qui devais...

CHLOé - Il y en a marre à la fin ! Il faudrait peut-être lui dire que ce n'est pas toi qui la pilonnes à longueur de journées !

Nancy (à Patrick) - Qu'est-ce qu'elle dit ?

CHLOé - Elle dit que le guignol qui vous fait merveilleusement l'amour dans le noir depuis deux mois, c'est Aldo !

Nancy - Qui ?

CHLOé - Aldo !... Monsieur Montero ! Sayonara Jacques Vabre pour les intimes ! Il a le parfum de Patrick, les vêtements de Patrick, le portable de Patrick, mais ce n'est pas Patrick !...

Nancy (à Patrick) - Qu'est-ce qu'elle raconte mon trésor ?

Chloé (à Patrick) - Dis-lui, toi, le trésor !

PATRICK - Euh... c'est à dire, c'est un peu compliqué, mais un fâcheux concours de circonstances m'a amené à déléguer une partie de mes activités !

Nancy - Tu veux dire que ce n'est pas toi qui me... ?

CHLOé - Non, ce n'est pas lui !

Nancy - Ce n'est pas possible ?

PATRICK - Si !... C'est possible !... Il faut de l'imagination mais c'est possible !

Nancy (montrant une montre à son poignet) - Et ça, ce n'est pas à toi ?

PATRICK - Ma montre !

CHLOé - Mon cadeau !

PATRICK - Ah ! L'enfoiré d'Aldo !

CHLOé - Je comprends maintenant !

 

 

 

Scène 7

Arrive Thierry.

Thierry (fonçant sur Patrick) - Patrick ! Tu me dégoûtes !... Me piquer ma place après tout ce que j'ai fait pour toi  !...

PATRICK - Mais ce n'est pas moi, c'est Aldo !

Thierry - C'est ça ! Fous-toi de ma gueule !

PATRICK - Franchement ? Est-ce que j'ai une tête à travailler chez Flocel ?

Thierry - Voilà ! Vas-y ! Insulte-moi !... Tu as pensé que j'allais me retrouver au chômage ? Tu y as pensé dans ta petite tête de con ? (Il le gifle.)

PATRICK - Aïe !

(Aldo est de retour.)

ALDO - Le jambon à l'aspartame, c'est avant ou après les rillettes minceur ?

Nancy (à Aldo) - Ho !... Ho !... Espèce de gros dégueulasse !... Vicieux... Satyre !... Sadique !... Violeur !... Violeur !

Aldo (à Patrick) - Pourquoi tu lui as dit ?... C'est nul ! Moi, j'aurais pris le temps de lui expliquer ! Toi, tu ne penses qu'à toi ! Egoïste ! (Il le gifle.)

PATRICK - Aïe ! Ce n'est pas moi, c'est Chloé !

Thierry - Tu es gentil, tu laisses Chloé en dehors de tout ça !... Véronique, Chloé, Aldo, Thierry, on se sert des gens et quand on n'en a plus besoin, on les jette !

Nancy - Patrick ! C'est honteux ce que vous avez fait !

PATRICK - Puisque je vous dis que c'est Aldo ! Il faudrait commencer à percuter...

Nancy - Vous avez laissé faire, c'est pire ! (Elle le gifle.)

PATRICK - Aïe !

Thierry - Patrick, je ne voudrais pas tirer sur l'ambulance, mais j'ai le regret de t'annoncer que Chloé ne pourra plus travailler avec un goujat comme toi ! J'ai d'autres projets pour elle...

PATRICK - Bon, maintenant, vous commencez tous à me gonfler !... Je suis avec Chloé ! On va se marier ! Je n'en ai rien à péter de Nancy Killigan, consultante de mes deux !... (A Thierry) Et toi, tu arrêtes de tourner autour de Chloé, sinon c'est pour toi qu'on va l'appeler l'ambulance !

Thierry - Chloé, qu'est-ce qu'il raconte ?

Chloé (gênée) - La vérité !

PATRICK - Parfaitement ! Tu t'es vu avec tes bouts de fleurs fanées et tes pantalons de velours ? Tu as quinze ans de retard mon pauvre garçon !

CHLOé - Euh, Thierry, Patrick est un peu énervé, là, mais ne me dis pas que tu y as cru ?... C'était un jeu entre nous !

Thierry - J'ai quand même rompu mes fiançailles !

ALDO - C'est dommage  !... Allez, vieux, il ne faut pas se laisser désarçonner pour si peu ! Une de perdue, dix de retrouvées !

Thierry - Pas pour moi !... Pour moi, une de perdue, c'est une de perdue !

ALDO - Eh ? On est là pour la convention ! On va écouter où ils en sont là-haut... ?

(Il actionne un bouton à côté d'un haut-parleur ; c'est le retour plateau.

On entend ce qui se passe sur scène.)

Voix M. Flocel - “Mes amis...”

ALDO - Tiens, c'est le vieux...

Voix M. Flocel - “... J'ai décidé de démissionner...”

Nancy - Le vieux qui démissionne...

Voix M. Flocel - “... Pour passer le flambeau à quelqu'un de plus jeune, de plus dynamique... Il s'agit de Thierry Blanchard !” (Tout le monde se fige.) “Je sais, il ne s'y attend pas... Mais il est pour moi le symbole d'une charcuterie vivante, moderne, tournée vers le troisième millénaire !...”

Aldo (allant serrer la main de Thierry) - C'est génial, ça ! Félicitations !

Chloé (même jeu qu'Aldo) - Félicitations Thierry !... On se fait la bise ?

Patrick (même jeu mais Thierry refuse de lui serrer la main) - Oui, Félicitations ! Et tu sais, les pantalons de velours, ça revient très fort !

Voix M. Flocel - “Je vous propose de l'appeler avec moi... Thierry Blanchard... (Scandant avec la foule) Thierry ! Thierry ! Thierry ! Thierry !...”

ALDO - Vas-y, vieux !... Ils t'attendent...

(Thierry, Patrick et Chloé sortent côté scène.)

(scandant avec tout le monde) - Thierry ! Thierry ! Thierry !... (Puis, réalisant qu'il est seul face à Nancy) Il est populaire ce con !

Nancy (livide, essayant de digérer ce qu'elle vient d'apprendre) - Ce n'est pas vrai ?... Ce n'était pas vous ?

ALDO - Ben... un petit peu quand même !

Nancy - Non, ce n'est pas possible !

ALDO - Si, c'est possible !... C'est moi le gros bourdon !

 

 

Noir

 

Fin


Retour en haut
Retour haut de page