Cro-magnon

Une émission style « la caméra explore le temps » avec un narrateur
un peu snob qui commente en direct la vie de nos ancêtres. Mais l’interactivité
va plus loin qu’on ne pourrait l’imaginer.

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Distribution :
· UN NARRATEUR (TRICE) : très « comme il faut » avec une excellente
articulation. Peut s’exprimer assis derrière un écran de télévision, ou debout,
un micro à la main.
· TROIS OU QUATRE HOMMES DE CRO-MAGNON : Ils chassent. Il y en
a un qui fait du feu, un autre qui dessine, etc.
· TROIS OU QUATRE FEMMES DE CRO-MAGNON : Elles préparent à
manger, s’occupent des enfants, etc.
· UN ENFANT INVISIBLE DANS UN OEUF.
Décor : une grotte, des arbustes, un semblant d’âtre, un grand récipient pour le
repas commun…
Costumes : des peaux de bêtes, cheveux longs et hirsutes, la peau sale…
Public : tout public (il existe une version édulcorée ou le bébé n’est pas
« consommé »)

Rideau fermé.
LE NARRATEUR : Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, dans le cadre de
notre émission la télé visite le passé, nous allons faire un bond d’environ trente
mille ans en arrière et pénétrer dans l’univers inquiétant mais passionnant de nos
lointains ancêtres, les hommes de Cro-Magnon.
Ouverture du rideau sur la vision d’une grotte, plantes exotiques en premier
plan, ossements d’animaux, etc. Des êtres revêtus de peaux de bêtes sont
endormis en arrière plan. Ronflements bruyants. Bruits de jungle en fond
sonore.
LE NARRATEUR (parlant à voix basse) : L’aube se lève à peine sur la vallée
engourdie dans le givre matinal et dans les songes préhistoriques. Mais à quoi
rêve l’homme des cavernes, lui qui n’a ni impôts à redouter, ni téléphone
portable dernier modèle à convoiter ?
On entend des grognements. Un être se gratte la tête, un autre la fesse.
LE NARRATEUR : Mais, on entend des grognements. La tribu peu à peu se
réveille et bientôt sera debout ! Lyrique, ah ! Qu’il est doux le réveil de notre
lointain ancêtre, quand on le compare au nôtre avec ses sonneries ou ses Klaxons !
Un cri terrifiant de mammouth retentit. Tous les hommes et femmes de Cro-
Magnon sont sur leurs pieds en un éclair, ils font toutes sortes d’onomatopées
exprimant leur stupeur ou leur effroi tout en gesticulant fort à propos.
LE NARRATEUR (à partir d’ici, il parle comme l’action l’exige) : Mon Dieu !
Quel barrissement épouvantable ! Si je ne me trompe, un mammouth vient aussi
de sortir de sa torpeur ! .. Mais il est déjà loin. A présent, il faut songer à se
sustenter, quelques individus partent à la cueillette, l’un secoue un arbre et
récolte des fruits (Il se prend des fruits - balles de tennis ou autres, mais cela
serait amusant que cela rebondisse - sur la tête.) D’autres collectent des baies
dans un buisson (En se piquant abondamment et en poussant des aïe ! Et des
ouille !) En voici deux qui rapportent un oeuf de diplodocus !
Les personnages déposent fièrement l’oeuf qui s’empresse de s’enfuir par les
deux pattes qui viennent de lui pousser.
LE NARRATEUR : L’eussiez-vous cru ? L’oeuf s’enfuit à toute patte ! Adieu
omelette !
Les hommes de Cro-Magnon gesticulent en criant : « Lustucru ! Lustucru !
Lustucru ! »
Un homme s’approche du foyer.
LE NARRATEUR : En ces temps reculés, le feu avait plusieurs fonctions : se
réchauffer, cuire les aliments et tenir les animaux à l’écart. L’homme de Cro-
Magnon préparait son feu avec des brindilles et du petit bois bien sec et y
mettait le feu grâce à l’étincelle produite par le frottement de deux silex.
Un homme s’excite sur les silex un bout de temps sans succès, puis regarde
autour de lui afin de s’assurer que personne ne le regarde, enfin il sort un
briquet de dessous son costume et allume le feu. Un fumigène peut donner
l’illusion du feu, ainsi que de fausses bûches électriques.
Des chasseurs s’apprêtent et sortent en coulisses.
LE NARRATEUR : Voici un groupe de chasseurs armés de lances et de haches
qui part à la chasse.
Dès leur sortie, en off, on entend des bruits effrayants d’une lutte acharnée.
LE NARRATEUR : Ces bruits de lutte qui nous parviennent semblent indiquer
qu’une proie défend chèrement sa peau !
Le groupe revient, avec un animal minuscule ficelé sur un bâton porté par deux
individus.
LE NARRATEUR : Les voici qui reviennent ! Ah, ils ne sont pas bredouilles ! Un
ratus minusculus agrémentera le repas de la tribu... Rappelons que le ratus
minusculus est l’ancêtre de notre souris...
Tandis que le ratus est mis en broche, un bébé qui pleure se fait entendre.
LE NARRATEUR : Oh ! Voici un instant rare ! Nous allons assister à la tétée
d’un bébé Cro-Magnon, c’est cro-mignon !
La femelle fait un bras d’honneur pour faire comprendre qu’on ne verra
rien et fait téter son bébé en tournant le dos au public, (grognements bougons).
LE NARRATEUR (amusé) : Guenon-madame, cachez-nous ce sein que nous ne
saurions voir !
Un autre bébé pleure.
LE NARRATEUR : Un autre bébé fait entendre sa rude voix. (Sa mère fait
bouger son hamac pour le calmer, mais les cris redoublent.) Une mère
s’approche de son hamac de fortune et le secoue : en effet, bercer semble un
terme inconnu de ces êtres rustiques autant qu’antiques ! Diable ! Les cris
redoublent ! (La mère saisit le bébé et le secoue.) La femelle prend le bébé dans
ses bras - assisterons-nous au premier câlin de l’humanité ? - Hem ! Pas cette
fois, je le crains ! Elle le secoue sévèrement ! Oh ! Que vois-je ?
La mère assène un coup de massue sur le bébé : on peut dire qu’elle le
calme définitivement. Silence total du geignard. La mère qui tient son bébé par
un pied, le trouve inerte. Après quelques secousses en l’air, elle déclare : Oups !
LE NARRATEUR (scandalisé) : Mon Dieu ! C’est affreux ! Ces images sont
terribles et remettent en cause nos théories sur l’instinct maternel ! (Un temps.)
Mais que fait-elle cette monstresse ? Elle jette le fruit de ses entrailles dans un
genre de saladier ! .. Et elle s’en va, l’air de rien, se refaire une beauté !
La femelle repart en effet dans la grotte pour se mettre des os dans les cheveux.
Un groupe s’approche de la gamelle et commence son repas.
LE NARRATEUR : Mais que font-ils ces zigottos ? Ils... Ils... Ils mangent la
salade ! La salade avec... le... le machin dedans !
Les sauvages se régalent avec force mmmh ! Miam ! Etc.
LE NARRATEUR (se reprenant doctement après s’être raclé la gorge) :
Mesdames, messieurs, ne portons pas de jugement sur ces agissements ! Trente
mille ans nous séparent de cette espèce en voie d’évolution... Re-la-ti-vi-sons !
Dites-vous qu’ils viennent ni plus ni moins d’inventer la salade au lardon ! (Un
temps.) Mais voici deux tourtereaux qui semblent se compter fleurette...
L’HOMME : Gouzi-gouzi-gouzi ?
LA FEMME : Fôvoar-fôvoar-fôvoaaaar !..
LE NARRATEUR : Nous croyons distinguer les prémisses du langage courtois !
L’homme qui tourne le dos au public, ouvre sa fourrure à la façon d’un imper,
face à la femme qui fait non de la tête.
L’HOMME : Alôr-alôr-alôr ?
LA FEMME : gniouk-gniouk-gniouk !
LE NARRATEUR : La femelle ne semble plus d’accord pour aller plus avant
dans cette aventure amoureuse !
En effet, elle envoie promener l’importun d’un geste du bras. L’homme se
retourne dépité face au public et nous révèle la doublure de son “manteau”
tapissée de montres et de portables. Pendant ce temps, un homme s’est approché
d’un rocher en devant de scène avec un “stylet” (ni plus ni moins un feutre, ou
une craie pour la facilité de la chose).
LE NARRATEUR : oublions cet épisode mercantile et penchons-nous sur cet
artiste qui nous fera revivre en direct les émotions éprouvées lors d’une visite
aux grottes de Lascaux !
L’ARTISTE (au public, sous forme de grognements au début) : Oh ! Oh ! Oh !
OOOOOh ! Faut pas pousser non plus ! Il dessine un coeur transpercé par une
flèche. Une femme s’approche, observe le dessin sous toutes ses coutures et ne
comprend visiblement pas ce signe étrange. L’artiste dessine quelque chose de
minuscule (c’est vous qui voyez…) dans un coin et fait signe à la femme de
regarder. Comme elle ne voit pas bien, il lui tend une loupe (“d’époque” si
possible).
LA FEMME (choquée) : Oh ! (Elle gifle l’artiste) Gouja-gouja-gouja !
L’ARTISTE : Ouh-là ! Ouh-là ! Ouh-là-là-là ! (Enchaîner ces interjections afin
de créer une illusion musicale, quitte à les bisser.)
LE NARRATEUR : Oh, là ! Le courant ne semble pas passer entre ces deux là !
Querelle d’artistes sans aucun doute... L’art alimente souvent la polémique et la
controverse, entre classiques et contemporains, tradition et modernité,
Neandertal et Cro-Magnon...
Les personnages se regroupent autour de l’âtre en vue de partager le repas.
LE NARRATEUR : La tribu se rassemble à présent autour du feu pour cet
instant convivial qu’incarne le repas.
Les hommes et les femmes se disputent en fait âprement la nourriture. Deux
femmes se crêpent le chignon à propos d’un fruit, puis s’arrêtent pour déguster
les poux l’une de l’autre ; le fruit étant subtilisé par un autre individu. Plusieurs
convoitent le ratus minusculus aussitôt séparés par un costaud qui possède en
plus une massue. Heureusement, il reste de la salade...
LE NARRATEUR : Mais l’harmonie est toute relative dans cette communauté
où seuls les plus vaillants et les plus solides subsistent, ainsi le veut la sélection
naturelle ! .. Parfois, l’un d’eux, plus intelligent parvient à faire entendre sa voix
grâce à quelques arguments massue... Mais cela n’exclut pas les discussions.
En effet, plusieurs voix discordantes s’élèvent : il y a les Gnouks ! Les Brouts !
Les Rââââââââh ! Les Toubis ! Les Ornotttoubis ! Et l’homme à la massue qui
éructe un puissant : Môôôôô-aaah ! En fait cela ira crescendo : l’homme à la
massue déclarera très satisfait après un rôt sonore : Môôôôô-aaah ! Auquel
répondra timidement un premier personnage : Gnouk ! Suivi par un autre son
discordant de plus en plus fort et ainsi de suite. Il y en a qui peuvent être
d’accords entre eux, bien sûr. Cela finira par une cacophonie insupportable à
laquelle mettra fin l’homme à la massue en assommant tout le monde et
déclarera en s’asseyant : Môôôô-aaaah ! Cémôôô-aaah, quôaaa !
LE NARRATEUR (apparaissant en devant de scène, très content de lui) : Et
voici la fin de notre programme : la télé visite le passé ! ..
L’HOMME A LA MASSUE (se lève, contrarié) : Groumf !
LE NARRATEUR : ...En espérant que vous avez passé de bons moments en
compagnie de nos ancêtres...
L’HOMME A LA MASSUE (assommant le narrateur) : Môôôôô-aaah !

FIN


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