De l’autre côté

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Après son accident d’escalade, Salima pouvait encore marcher, difficilement, avec des béquilles.
Mais Alexandre de Chardeuil, chirurgien véreux et ambitieux, a tenté sur elle une opération
impossible. Depuis, Salima, paralysée, se déplace en fauteuil. Stéphane, le compagnon de Salima, a
délaissé ses études prometteuses pour rentrer à l’hôpital où sévit le chirurgien.

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Séquence 1

A l’intérieur de l’appartement. Quelques bruits proviennent des voisins et de la rue. La mère coiffe sa fille. A la table, Salima manipule un fil de fer, le coupe à plusieurs reprises et le tord à l’aide de pinces.

La mère.- Tu serais belle avec des tresses, comme celles de ta grand-mère !

Salima.- Aïe ! Maman, tu me tires les cheveux !

La mère (Elle soupire.).- Comment veux-tu que je te coiffe si tu bouges tout le temps la tête ?

Arrête avec ce fil de fer, qu’est-ce que tu fabriques ?

Bruits des pinces et de coupures du fil de fer.

Salima (Pour elle-même.).- Un jour, des pinces maladroites ont sectionné quelques nerfs minuscules.

Elle chante.

Salima.- Je n’suis pas d’bois ni de plastique

Bien sûr les gens me r’gardent bizarre

C’est qu’suis pas comme eux, y’a un hic

Ils’m’disent bonjour, et filent dare dare.

J’suis tordue d’partout, réparée

Et quand ils’m’parlent, ils r’gardent ailleurs

Des mots de rien et de pitié

Simplement si j’leur demande l’heure.

Moi j’m’en fous je roule, moi je roule

Moi j’m’en fous je roule pour toujours. (bis)

Séquence 2

Bruits d’ouverture d’une porte d’ascenseur. Stéphane sort de l’ascenseur. Couloir d’hôpital avec parfois des bribes de conversations entre des personnes qui passent, le roulement d’un brancard ou d’un chariot de soins, le son d’une sonnette d’appel, et celui, à l’extérieur, d’une ambulance.

Stéphane.- Bon, deuxième couloir à droite de l’ascenseur… Par là… Un vrai labyrinthe cet hôpital… Bureau (Il cherche.)… numéro… 32… C’est ici. (Il lit la plaque.) « Alexandre De Chardeuil, chirurgien des hôpitaux ». Il a même mis une majuscule à la particule ! ( Bruits de voix à l’intérieur.) Il y a quelqu’un on dirait.

Stéphane frappe à la porte. Personne ne répond, la voix continue.

Stéphane.- A nous deux, môsieur de Chardeuil !

Il frappe une seconde fois à la porte puis entre sans attendre.

Stéphane.- Pouah ! Ça pue le cigare ici !

Alexande de Chardeuil, surpris, est au téléphone avec Max. Le chirurgien est assis derrière son bureau.

De Chardeuil.- … Deux secondes, Max. (Il montre la porte à Stéphane.) Je suis occupé, veuillez sortir !

Stéphane.- L’hôpital sans tabac, vous connaissez pas vous ? J’ouvre la fenêtre, c’est irrespirable !

Stéphane fait quelques pas dans le bureau pour ouvrir une fenêtre.

De Chardeuil.- Allo, écoute je… (Max parle.) …Oui, oui, d’accord, allez quoi, on fait comme on a dit, tu vas pas te dégonfler, je t’ai connu plus gaillard que ça !

Stéphane.- Ah ! C’est mieux comme ça, non ? De l’air !

De Chardeuil.- (Il fait signe à Stéphane de sortir.) Attendez dehors !

Oui, Max je t’écoute, quoi tu as envies de te caser, à ton âge, mais justement Max c’est l’occasion ou jamais, je t’assure elles sont « canon » ! (Il baisse la voix.) Y en a une, je crois que tu vas craquer mon salaud, allez tu vas pas me laisser tomber, pas ce week-end. Hé ! Tu te souviens comme on s’était marré avec ta petite stagiaire kiné ?… (Max parle.)…Quoi ? Tu as du boulot là ?

Stéphane.- Ouah ! Vous avez un super beau meuble, tout en vitrine, c’est du chêne, non ? Collection de petites voitures, des boîtes à cigare…

De Chardeuil.- (Il fait signe à Stéphane de sortir.) Allez, dehors !

(A Max.) Ah ! Vous les kinés vous vous plaignez toujours, qu’est-ce que je devrais dire moi !

Stéphane.- Et toutes ces bouteilles, c’est quoi ?

Bruits de verre.

De Chardeuil.- (A Stéphane.) Hé ! Touchez pas à ça !

(A Max.) Bon, Max on se fait la pause café après le staff ! Tu me réserves mon fauteuil électrique, tu sais le dernier modèle, il est super rapide celui-là ! On se fait la course comme l’autre fois, le premier arrivé à la machine paie le café !… (Max parle.)… Tu ramollis mon vieux, tes malades attendront bien cinq minutes ! A tout à l’heure.

Stéphane.- Vous êtes un spécialiste du Cognac, vous ! Vous devriez le rajouter sur votre plaque à l’entrée !

De Chardeuil.- Reposez immédiatement cette flasque, ces flacons ont une valeur inestimable ! Pour le ménage, revenez dans une heure !

Stéphane.- C’est pas écrit « larbin » sur ma blouse. Non, c’est pour un souvenir.

De Chardeuil.- Ecoutez jeune homme, je n’ai pas de temps à perdre avec …

Stéphane.- Il y a ceux qu’on aime se rappeler en fumant un cigare, en sirotant ce délicieux Cognac. Et puis… il y a les autres, ceux qu’on ne sort jamais de la cave, qui assombrissent votre conscience, môsieur de Chardeuil !

De Chardeuil.- Partez, où j’appelle la sécurité !

De Chardeuil saisit le combiné téléphonique, mais Stéphane, brutalement, l’oblige à le reposer.

De Chardeuil.- Aïe ! Lâchez-moi…

Stéphane.- Et une charade, ça vous dirait ? Pour vous rafraîchir la mémoire, môsieur de Chardeuil :

« Dans son prénom, il y a le début de la saveur,

Il y a le grand lit de l’amour,

Et ce petit mot possessif qui veut dire qu’elle est mienne.

Qui est-elle ? »

Ça vous dit quelque chose ?

(Stéphane se dirige vers la porte.)

Vous ne devez pas l’avoir oubliée, rappelez-vous, la trappe à souvenirs, les fantômes…

Stéphane quitte la pièce en fermant la porte.

De Chardeuil.- Encore un détraqué, bon pour le service psy !

(Il se lève et met de l’ordre dans ses collections. Bruits de verre.)

Pour un peu, il m’aurait cassé mes flasques à Cognac.

(Il ouvre une flasque et se sert dans un petit verre.)

Hum ! Quel bonheur !… Qu’est-ce que j’en ai à foutre de ses souvenirs !

Mais qu’est-ce que c’est… que… ce truc ? C’est lui qui me l’a posé là. On dirait… un petit fauteuil roulant… en fil de fer. C’est… un malade ce type…

(Troublé.) Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il racontait déjà… ?:

Dans son prénom, il y a le début … ?

Le lit de l’amour… ?

Qui est-elle ?

Séquence 3

A l’intérieur de l’appartement. Quelques bruits proviennent des voisins et de la rue. La mère coiffe sa fille. A la table, Salima feuillette des revues et parfois découpe ou arrache une page.

Salima (Elle chante.).- J’suis tordue d’partout, réparée

Et quand ils’m’parlent, ils r’gardent ailleurs

Des mots de rien et de pitié

Simplement si j’leur demande l’heure.

Moi j’m’en fous je roule, moi je roule

Moi j’m’en fous je roule pour toujours.

La mère.- Salima, tu pourrais changer de disque, je la connais par cœur.

Salima.- Je l’adore cette chanson, elle me donne envie de bouger.

La mère.- Ben ma fille justement, pour te coiffer c’est pas facile.

Salima.- Aïe ! Tu tires ! Passe-moi les ciseaux. (Elle découpe une page.)

La mère.- C’est qui celle-là ?

Salima.- Catherine Destivelle. Elle a fait la face nord de l’Eiger dans les Alpes en solitaire en 17 heures !

La mère.- Elle grimpe la montagne dans cette tenue, et pourquoi pas toute nue ?

Salima.- Aïe ! Mais maman, c’est sa tenue de grimpeuse, c’est plus facile comme ça. Ah ! Le poster (Elle déplie un poster.) Ouais ! super, Patrick Edlinger, Stéphane va être hyper content, c’est son idole !

La mère.- Qu’est-ce qu’il a fait de si merveilleux ce Patrick ?

Salima.- Il y a quelques années il était célèbre, rien que du bout des doigts, il s’est hissé au 8a dans « Ça glisse au pays des merveilles », une voie extrême dans le Lubéron ! Une véritable araignée !

La mère.- Quelle idée ils ont eu de construire ce mur d’escalade dans le quartier !

Salima.- C’était super bien, avec les garçons du club qu’est-ce qu’on s’amusait !

La mère.- Je sais, c’est là que tu as rencontré Stéphane. Sans le club tout cela ne serait pas arrivé.

Salima.- Tu accrocheras le poster dans ma chambre.

La mère.- S’il reste de la place ! Et il fait quoi maintenant ce célèbre Patrick Ed… Edlin… ?

Salima (Hésitante.).- Il a eu un accident, il a dû arrêter.

La mère (Troublée.).- Maudit sport d’escalade, jamais je n’aurais dû te laisser aller à ce club…! (Au bord des larmes.) Je m’en veux, tu sais je m’en veux !

Salima.- Maman…

Quand est-ce qu’on aura un appartement au rez-de-chaussée, je suis coincée ici. J’en ai assez de me faire porter pour descendre.

La mère.- Tu ne dis pas non quand c’est ton Stéphane qui vient te porter pour aller au cinéma. Ah ! Il est fidèle celui-là ! Et très intelligent ! Quand je pense qu’il aurait pu faire les grandes écoles !

Salima.- Il a envie de gagner sa vie. Il est super doué en informatique et en électronique, il reprendra quand il voudra.

La mère.- Quand même, faire aide-soignant à l’hôpital, je trouve que c’est du gâchis. Et pourquoi pas les ménages comme moi ? Depuis que tu es comme ça, il faut que j’en fasse deux fois plus.

Allez ma fille il est tard, demain je me lève tôt.

Séquence 4

Dans la chambre de Salima. La mère a aidé sa fille à se coucher. Elle finit de punaiser le poster au mur. Quelques sons proviennent de la rue par la fenêtre entrouverte.

Salima.- Un peu plus à gauche, là, voilà, il est droit.

La mère.- J’ai mis deux punaises à chaque coin, il tiendra mieux.

Salima.- Non, ferme pas la fenêtre, il fait chaud. Et retire-moi la couverture.

La mère.- Tu es sûre ? Ça va, tu es bien installée, ça va aller ?

Salima.- Oui, oui, allez bonne nuit maman.

La mère.- Bonne nuit ma petite Salima, fais de beaux rêves.

La mère quitte la chambre en fermant la porte.

Salima (Elle chante.).- Moi j’m’en fous je roule, moi je roule

Moi j’m’en fous je roule pour toujours.

Trois miaulements proviennent de l’extérieur.

Salima.- Ah ! toujours à l’heure, mon amoureux est au pied de mon palais. Vite, le signal avec la lampe.

(Petits bruits d’interrupteur.)

Un… deux… trois… !

Stéphane escalade rapidement la façade de l’immeuble jusqu’à la chambre de Salima au premier étage, puis entre par la fenêtre.

Stéphane (Essoufflé.).- Hop… ! Me voilà ma princesse !

Salima.- Chutttttt….

Stéphane (Il baisse un peu la voix.).- Quatre mètres de façade, la fenêtre, trois petits sauts de chat et je suis dans ton lit, youpi !

Salima.- Serre-toi contre moi. Hummmm…!

Ils s’embrassent.

Salima.- Chut, écoute…

Des ronflements réguliers proviennent de la chambre voisine.

Salima.- Ma mère s’est endormie, on peut parler. Regarde, j’ai décoré mon album photo.

Ils feuillettent l’album.

Stéphane.- Tu ne me l’as jamais montré, fais-voir… Super ! …Ça, c’est le pilier Bonatti dans les Drus.

Salima.- Et là, le stage dans les gorges du Verdon, tu te rappelles ?

Stéphane.- On s’est embrassés pour la première fois, sur la corniche, tu es devenue ma princesse, hummmm…

Ils s’embrassent.

Stéphane.- Là, c’est toi après ta rééducation !

Salima (Emue.).- Je ne pouvais pas me passer de béquilles, mais je contrôlais mes jambes, j’arrivais à monter des escaliers. Je marchais, merde je marchais !

Stéphane (Troublé.).- J’ai jamais douté que tu y arriverais ! Tu aurais même pu te remettre à grimper !

Salima.- Tu sais, quand je suis tombée, c’était pas le pire. Depuis l’opération, je fais des cauchemars, toutes les nuits ! Je vois son visage déformé dans de la fumée avec son gros cigare… avec ses pinces géantes qui me coupent les os petit à petit, les muscles, les nerfs…

Stéphane (Révolté.).- De Chardeuil était un chirurgien ambitieux. Un salaud d’ambitieux ! Toute la ville était à ses pieds ! Les journalistes ne le lâchaient pas !

Salima (En colère.).- J’en veux toujours à ma mère, jamais elle n’aurait dû céder à ses pressions ! Mais elle ne voulait pas me voir marcher avec des cannes toute ma vie !

Stéphane.- Ça aurait dû être une opération exceptionnelle !

Salima (Au bord des larmes.).- Tu parles, en fait, cette intervention était impossible ! Ils le savaient, tous ! Mais je marchais, merde, tu te rends compte, je marchais !

Stéphane.- Il y a quelques mois, il a fait un scandale quand ils ont introduit l’obligation de montrer un badge au gardien, pour accéder au parking de l’hôpital. Pas d’accord avec cette mesure, môsieur a stoppé net sa voiture devant la barrière et il est rentré chez lui, alors qu’une gamine attendait pour une intervention urgente ! J’ai appris que la petite gardera des séquelles irréversibles !

Salima (Elle pleure.).- C’est un monstre… je ne veux plus le voir, plus jamais…

Stéphane.- Chuttttt, calme-toi, ma princesse …

(Comme à lui-même.) Après le staff, à la pause, il pique un fauteuil électrique aux malades, pour faire la course avec le kiné…

Je te promets que bientôt tu retrouveras tes rêves…

Salima.- Je voudrais tellement pouvoir grimper à nouveau.

Stéphane.- Je t’emmènerai, je t’emmènerai haut, très haut, on fera l’Everest, je te jure !

Ils rient et s’embrassent.

Salima.- Humm… Aïe ! Arrête tu piques, pas le droit de piquer, je t’ai déjà dit que quand tu viens le soir tu dois te raser. Obligé !

Stéphane.- J’ai inventé une charade pour toi :

« Dans son prénom, il y a le début de la saveur,

Il y a le grand lit de l’amour,

Et ce petit mot possessif qui veut dire qu’elle est mienne.» 

Séquence 5

A l’intérieur de l’appartement. Quelques bruits proviennent des voisins et de la rue. La mère coiffe sa fille. A la table, Salima manipule un fil de fer, le coupe à plusieurs reprises et le tord à l’aide de pinces. Elle forme un petit fauteuil roulant.

Salima.- Aïe ! Ça y est, ils sont assez coiffés, tu me fais mal !

La mère.- Tes cheveux sont frisés comme ceux de ta grand-mère. Arrête avec ce fil de fer, pourquoi tu fabriques des petits fauteuils roulants. Quelle idée !

Salima.- Ça m’occupe et puis c’est rigolo, non ? Regarde comme je l’ai bien réussi celui-là ! Maintenant pour l’escalier, passe-moi les livres.

Salima empile des livres en forme d’escalier.

La mère.- Si tu t’ennuies tu n’as qu’à faire tes cours du CNED, tu vas encore prendre du retard pour envoyer tes devoirs.

Salima.- J’arrive pas à travailler comme ça. Je veux retourner au lycée. Retrouver toutes mes copines et mes copains.

La mère.- Quand je pense à ton Stéphane qui trime à l’hôpital !

Salima.- Maintenant, il assure quelques heures par semaine au service technique.

Encore deux livres… comme ça… Passe-moi le gros feutre rouge.

La mère.- Pourquoi tu mets du rouge sur ton petit fauteuil, on dirait du sang ?

Salima.- C’est du sang.

Stéphane m’a dit qu’il allait bientôt avoir des congés et qu’il m’emmènerait.

La mère.- Ah bon ! et où ? et comment ?

Salima.- Ne t’inquiète pas, on se débrouillera.

Je mets le fauteuil en haut, là… Attention, c’est parti pour la chute !

(Elle fait violemment descendre son fauteuil en fil de fer sur l’escalier improvisé avec des livres.)

Boum ba da boum boum patatra splash, tout écrasé, ah ! ah ! splash, splash, allez encore encore !

(Elle finit d’écraser la maquette du fauteuil en tapant dessus avec ses poings.)

La mère.- Mais arrête, qu’est-ce que tu fais, c’est horrible, tu es malade, faut te faire soigner… !

Salima (En colère.).- Jamais plus je ne retournerai dans un hôpital, jamais plus, tu entends ?

La mère (Elle pleure.).- Pourquoi tu fais ça, ma petite fille !

Salima.- J’en ai marre qu’on me porte, je veux vivre, tu comprends maman, je veux grimper, je veux voir les montagnes, sentir le vent là-haut… !

La mère.- C’est de ma faute tout ça, si j’avais su, si j’avais su… !

Séquence 6

Bruits de fauteuils roulants électriques en déplacement rapide. Alexandre de Chardeuil et Max, sur les fauteuils, font la course dans un couloir pour arriver à la machine à café, située sur le palier. Quelques sons de klaxons de fauteuils et parfois celui, lointain, d’une ambulance.

De Chardeuil.- Ah ! Ah ! Chaud devant, chaud, c’est la pause, poussez-vous les « zanzans » ! Hé, toi ! Dégage de là! Oh ! Ça va avec vos klaxons ! Le dernier arrivé paye le café !

Près de la machine à café.

Max.- Gagné ! C’est toi qui t’y colle, ce fauteuil, quelle pêche !

De Chardeuil.- C’est à cause de cette larve, là, il m’a carrément accroché, ce morveux !

Allez, je suis bon prince, je t’offre le café-Cognac !

Max.- Pas longtemps, j’ai deux malades qui attendent.

Ils sont spéciaux ces fauteuils, hyper rapides !

De Chardeuil.- Celui-ci, c’est mon préféré, je me le réserve. Ça doit coûter une petite fortune, les tétraplégiques ont les moyens maintenant.

Max.- C’est pas avec ma paye de kiné que je pourrais me payer une « B.M. » !

Bruits de machine à café.

De Chardeuil.- La médecine fait des miracles pour eux. Mais ils seraient prêts à nous traîner devant les tribunaux. Crois-moi, cher Max, méfie-toi des faibles. Allez, un p’tit noir pour moi, un p’tit crème pour toi !

Max.- Tu ne crois pas que tu exagères un peu là ? Le type qui a un accident, il n’a rien demandé.

De Chardeuil.- Oh ! Toi et ton vieux fond judéo-chrétien ! Et moi qui comptais sur toi pour ce week-end, j’ai fais quelques connaissances féminines qui ne demandent qu’à s’amuser !

Max.- Non désolé, je suis pris.

De Chardeuil.- C’est pas tous les jours qu’on s’éclate avec ce boulot ! Réparer la viande malade, voilà ce qu’on fait depuis des années ! (Bruits d’ouverture d’une flasque à Cognac.)

Prends un peu de Cognac, je te prie. Tu veux un cigare ?

Allumage du cigare par le chirurgien. Il boit directement à la flasque à plusieurs reprises.

Max.- Non merci, ça ira. Je retourne dans le service. J’ai laissé deux malades sur la table de rééducation. Ça ne se fait pas.

De Chardeuil.- « Ça ne se fait pas ! » Mais comment tu causes ? Dis-donc, quand je t’ai fais rentrer ici, les gueules cassées, c’étaient bien le moindre de tes soucis.

Max.- La prochaine fois, on laisse les fauteuils aux malades.

De Chardeuil.- En les essayant, on se met à leur niveau, je ne vois rien de mal à ça ! En tant que kiné, tu peux le justifier, non ? Faut te faire respecter Max, sinon ils vont te bouffer tout cru. Regarde, moi, personne ne m’emmerde ! D’accord je ne fais plus que des interventions de routine, et alors ? Je palpe mon blé et je m’éclate à l’extérieur.

Max.- La prochaine fois, on vient à pied. Je retourne dans le service, bonne journée.

Max s’éloigne avec son fauteuil.

De Chardeuil (Seul, à lui-même.).- Pourtant, tu vois… cette petite lumière dans l’œil du malade, cette lueur d’espoir… ça me fait toujours un frisson, là, en bas du ventre… oui, ça m’excite toujours…

Ça aurait pu marcher pour moi,… la gloire Max, la gloire !

Max, attends, tu es bien pressé tout à coup, une dernière gorgée et… attention devant, j’arrive ! Ha ! Ha !

Bruits inhabituels du fauteuil électrique qui semble s’emballer, puis ralentir, puis s’emballer à nouveau….

De Chardeuil.- Hé ! Pourquoi il tourne en rond comme ça ? Max, attends, je n’arrive pas à…

Max (De loin.).- Actionne la manette !

De Chardeuil.- Mais ça ne fait rien ! Il accélère, hé ! Moins vite ! Ah ! Ça tourne, ça tourne… ! Cet engin est incontrôlable ! Ça y est il s’arrête… faut que j’arrive à me détacher… Hé ! Pourquoi il avance à nouveau, j’ai rien touché, pourquoi il recule ?… Bon sang, les ceintures sont bloquées… Hé ! Pourquoi il avance… non… l’escalier ! Pas par là, pas par là ! Pas l’escalier ! non… aaaaahhhh … !

Bruits de chute dans l’escalier.

Séquence 7

Une chambre en service de réanimation. Bruits réguliers des appareils d’assistance respiratoire et de surveillance médicale : monitoring cardiaque, saturation en oxygène, etc… De temps à autre, un « bip » retentit. Max est au chevet d’Alexandre de Chardeuil qui parle avec difficulté.

Max.- Et bien mon vieux, avec tes pansements des pieds à la tête, tu es méconnaissable ! Alexandre de Chardeuil, chirurgien des hôpitaux ! Te voilà de l’autre côté de la barrière !

De Chardeuil .- Max,… faut que tu me dises… vraiment…

Max.- Tu l’as échappée belle ! Mais je ne te cache pas que tes collègues réservent leur pronostic. Tu sais ce que ça veut dire…

De Chardeuil .- Tu… tu crois que j’ai confiance en eux ?

Max.- Qu’est-ce que tu as fabriqué avec ce fauteuil, tu as trop forcé sur le Cognac mon vieux, je te l’avais bien dit d’arrêter !

De Chardeuil .- Mais mes jambes…, Max, mes jambes… ?

Max.- Maintenant, terminé, plus d’alcool, plus de cigares pendant des mois, la cure de désintox complète ! Mais t’inquiète pas, pour la rééducation je serai aux petits soins avec toi !

De Chardeuil .- Mes jambes… j’veux remarcher, oh merde !... (Il pleure.) J’veux remarcher… !

Max (Troublé.).- Heu… Dis donc, tu as reçu une carte postale. Les falaises d’Etretat, c’est joli, …regarde ! Sûrement une admiratrice ! C’est amusant, il y a une charade derrière, je te la lis ?

De Chardeuil (Il grommelle.) .- Mmmmeueuueneueuuuuuu…

Séquence 8

Grondements de la mer, bruits du vent, cris des goélands et des mouettes.

Salima et Stéphane sont au bord des falaises.

Salima.- Oui… ! C’est beau, c’est haut ! Tu es un amour de m’avoir amenée ici ! Elles sont belles ces falaises !

Stéphane (Essoufflé.).- C’est pas encore l’Everest, mais c’est un bon début ! Camp de base n°1 !

Salima.- Cette nuit, j’ai rêvé que nous étions pris dans une tempête de neige. Je n’avais pas peur, j’étais avec toi !

Stéphane (Essoufflé.).- Camp n°2, camp n°3, on ne se quittera plus !

Salima.- C’était comme des nuages qui nous portaient.

Stéphane.- Salima, ma petite rêveuse que j’aime, nous ferons tous les sommets du monde !

Salima.- Pour ne plus jamais redescendre !

Stéphane.- Tu vois le voilier là-bas ?

Salima.- Ça me donne envie de voler, j’aimerais tellement voler !

Stéphane.- Maintenant alors ?

Salima.- Oui, maintenant, prends ma main !

Stéphane.- Tu veux que je t’emmène où ?

Salima.- De l’autre côté !

Stéphane.- Maintenant ?

Salima.- Oui !

Stéphane.- D’accord, ferme les yeux ! … Prête ?

Salima (Elle jubile.).- Oui !

Stéphane.- Attention, …on décolle !

Rires.

Mer, vent, goélands et mouettes.

- FIN -


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