A l’ouverture, les bonne-sœurs sont regroupées dans le réfectoire pour y subir une réprimande de la Mère Supérieure. Sur la fin, on entendra des coups venant du mur voisin.
LA MERE SUPERIEURE - …Comme je vous l’ai déjà dit moult fois, nos comptes ne sont pas fameux. Il faudrait faire davantage d’économie. Nos réserves de chocolat notamment, ont littéralement fondues…
SOEUR SYBILLE - On devrait changer d’endroit pour le stockage.
LA MERE SUPERIEURE - Vous pensez à une pièce sécurisée ?
SOEUR SYBILLE - Ben non, ma Mère. Une pièce plus fraîche, pour que le chocolat ne fonde plus !
Les autres soeurs rient en silence. On commence à entendre des coups en off.
LA MERE SUPERIEURE, agacée - Merci soeur Sybille, toujours prête à faire rire la galerie ! (Désignant l’auditoire avec son doigt en un mouvement circulaire.) Si le chocolat a fondu, c’est dans la bouche de quelqu’un ! Ou de quelqu’une ! Cédant ainsi au péché de gourmandise !
TOUTES LES SOEURS, ensemble, en se signant - Oh, non ma Mère !
On entend des coups de plus en plus fort dans le murs (coulisses).
SOEUR IMENE - Oh, mon Dieu ! Un esprit frappeur !
LA MERE SUPERIEURE - Dieu soit loué, vous n’êtes pas sourde soeur Imène !
SOEUR CONSTANCE - Doux Jésus ! Le Diable vient nous chercher !
SOEUR ANNE - Ah bon ? Où ça ?
SOEUR EULALIE - Eh bien soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Par le mur évidemment !
Les soeurs s’agenouillent terrorisées.
SOEUR CONSTANCE - On ne le fera plus !…
SOEUR IMENE - …Promis !…
SOEUR ANNE - …Juré !…
SOEUR SYBILLE, crachant par terre - …Craché !
SOEUR EULALIE - Ah ! C’est dégoûtant !
LA MERE SUPERIEURE, suspicieuse - Eh bien ! Qu’avez-vous donc à vous reprocher mes filles ?
SOEUR SYBILLE - On n’aurait pas dû toucher au cho…
Les autres soeurs l’empêchent de finir sa phrase : CHUT !
LA MERE SUPERIEURE - …Le chochut ?
SOEUR EULALIE, précipitamment - Euh ! The show must go on !
LA MERE SUPERIEURE - Soeur Eulalie, vous dites vraiment n’importe quoi !
SOEUR SYBILLE - …Colat !
LA MERE SUPERIEURE - Comment cela ? Cola ?
SOEUR IMENE - On n’aurait pas dû boire du Coca Cola !
LA MERE SUPERIEURE - Mouais ! On tirera cela au clair plus tard ! Préparons-nous plutôt à affronter le Démon ! (Elle sort son crucifix et le brandit en direction du mur, imitée par les soeurs qui se cachent derrière elle.) Vade retro Satanas !
Des gravas tombent et le maçon surgit dans un nuage de poussière.
LE MAÇON - Je l’ai niqué ce gros bâtard de mur !
SOEUR CONSTANCE - Oh ! Jésus, Marie, Joseph ! Il jure comme un charretier !
SOEUR SYBILLE - Regardez : il est encore tout fumant !
SOEUR IMENE - …Tout droit sorti des entrailles des Enfers !
LE MAÇON, surpris - Qui ça ?
LA MERE SUPERIEURE - Toi : suppôt de Satan ! Adorateur de Lucifer !
LE MAÇON, en direction des coulisses - Eh ! Rapplique ! Je suis tombé sur une bande de chtarbées !
L’APPRENTIE, faisant son entrée - Me dit pas qu’on s’est encore trompé ! (Apercevant la scène.) Ah, ben si, on s’est encore trompé de mur ! C’est ballot !
LE MAÇON, désignant les bonne sœurs - Mais non ! C’est ces mégères qu’on rien à foutre ici ! (Aux sœurs.) On peut savoir ce que vous faisez sur mon chantier ?
LES SOEURS, choquées - Oh !
SOEUR CONSTANCE, aspergeant le maçon d’eau bénite de loin - Vade retro Satanas !
LE MAÇON - Ma parole, elles me prennent pour un vampire ! Y manque plus que les gousses d’ail ! (S’adressant à sœur Constance). Eh ! Ho ! Arrête de m’asperger, la greluche !
SOEUR CONSTANCE, choquée - Oh ! Je m’appelle sœur Constance et on ne me tutoie pas ; et c’est valable pour tous les diables !
L’APPRENTIE - Excusez-nous mes sœurs ! C’est ballot, je crois qu’on s’est trompé de mur !
LA MERE SUPERIEURE, sur la défensive - Vous êtes des évadés ?
LE MAÇON - Z’êtes une comique, vous ! On est des maçons !
Les soeurs et la Mère Supérieure, choquées, poussent un « oh ! » et font des signes de croix.
L’APPRENTIE - On refait le local du parti communiste…
LA MERE SUPERIEURE - Quelle horreur !
Les soeurs refont les signes de croix.
LE MAÇON, se méprenant - Faut pas croire : on travaille pas si mal !
SOEUR ANNE - Vous avez quand même détruit notre mur !
L’APPRENTIE - Là, c’est sûr, on a fait une boulette…
LA MERE SUPERIEURE - Vous allez nous reboucher tout ça, il est hors de question que les rouges aient accès à nos lieux sacrés !
LE MAÇON, désinvolte - Ouais, oh ! Y’a personne pour le moment !…
LA MERE SUPERIEURE - Ce n’est pas une raison ! La seule pensée que nous puissions partager le même air que ces incroyants me révulse ! Rebouchez ce trou, vous dis-je et pour dédommagement des dégâts que vous avez occasionnés, vous referez l’enduit de la salle par la même occasion !
LE MAÇON - Ben dis-donc, vous êtes dure en affaire, vous !
L’APPRENTIE - On va encore avoir un trou…
LA MERE SUPERIEURE - Ah non ! Plus de trou !
L’APPRENTIE - …Dans nos comptes… Un trou dans nos comptes !
Surgit la Chef du Parti Communiste (Arlette) par le trou.
ARLETTE - Eh bien, qu’est-ce que j’entends ? On confisque les travailleurs et en plus, vous voulez les exploiter ?
TOUTES LES SOEURS, affolées et courant dans tous les coins telle la volaille - Jésus, Marie Joseph ! Le Diable rouge est entré ! Le Diable rouge est entré !
LA MERE SUPERIEURE - Du calme, mes filles ! (Les sœurs obtempèrent et se rangent derrière la Mère Supérieure qui s’adresse à Arlette.) Vous, l’émanation du Mal, retournez d’où vous venez ! C’est une propriété privée ici !
ARLETTE - Ha ! Ha ! On reconnaît bien là les pratiques du Clergé ! Cramponné à ses privilèges et toujours prêt à dévoyer les masses laborieuses !
LE MAÇON - Holà ! Du calme madame Arlette ! On va le finir vot’chantier !
L’APPRENTIE - Y’aura un peu de retard, rapport à la boulette…
ARLETTE - Faut pas vous laisser faire : tout travail mérite salaire !
SOEUR CONSTANCE, aspergeant Arlette d’eau bénite - Vade retro Satanas !
ARLETTE, entonnant le chant « L’Internationale » et s’éclipsant petit à petit - C’est la lutte finale, (S’adressant aux maçons.) Avec moi camarades ! Groupons-nous et demain, l’Internationale sera le genre humain ! (Les maçons accompagnent faiblement.)
LES SOEURS, entonnent en brandissant leur crucifix : Jésus reviens, Jésus reviens parmi les tiens ! (version Bouchitey du film « Un long fleuve tranquille », afin de couvrir le chant d’Arlette.)
Arlette et les maçons sortent.
LA MERE SUPERIEURE, aux sœurs - A présent, nous allons prier : toutes à la chapelle !
Elles sortent en chantonnant « Jésus reviens »
Apparaît Selena Gomette, suivie de Justin Bébert, tous deux déguisés sommairement en bonne soeurs. Justin porte une bassine de linge humide.
SELENA - Il faudra quand même leur apprendre à chanter à ces bonnes sœurs…
JUSTIN, tendant un fil entre 2 statues de saints - Elles nous cassent les oreilles ! En plus, elles sont tout le temps en train de fouiner dans mes plants de cannabis !
SELENA - Elles les prennent pour des plants de tomates. Soit patiente sœur Justine, elles nous hébergent à l’abri des paparazzis. (Elle commence à étendre son linge : socquettes, strings, soutien-gorges sexy.)
JUSTIN, enlevant sa coiffe de rage - Arrête de m’appeler sœur Justine ! J’ai rien demandé, moi ! C’est toi qui a eu l’idée de cette retraite spirituelle ! « Soeur Justine » : ah ! Si mes fans apprenaient que Justin Bébert en est rendu là !
SELENA - Je me fais bien appeler soeur Serena !
JUSTIN - Ca te change pas beaucoup de Selena Gomette !
L’apprentie revient avec une truelle et une gamate. Le maçon suit.
L’APPRENTIE - Vous dérangez pas pour nous. On revient pour l’enduit…
LE MAÇON, fasciné par la lingerie - Boudiou ! (Il s’essuie le front avec son mouchoir.) Boudiou de boudiou !
L’APPRENTIE - T’es pas bien ? Cause pas comme ça devant les soeurs !
LE MAÇON - Y’a des trucs pornos sur le fil !
L’APPRENTIE - Tout de suite les grands mots ! (Observant de près la lingerie.) Je reconnais que c’est plutôt olé, olé ! Surtout pour des religieuses ! N’est-ce pas mes sœurs ?
SELENA, embarrassée - Euh !... Ce n’est pas à nous, c’est à la voisine ! On lui rend service ! Mais, chut ! Cela reste entre nous !
LE MAÇON, surpris - Arlette ? Oh ! La co…
L’APPRENTIE, coupant la parole - …quine ! La coquine !
JUSTIN - Vous voulez dire la communiste…
LE MAÇON - Non, j’voulais dire la cochonne !
JUSTIN - Oui : aussi.
L’APPRENTIE - Ben dis-donc ! Après, ça nous fait la morale, rapport aux masses laborieuses ! Quand on sait le prix que ça coûte la lingerie !
LE MAÇON, s’approchant de Justin - Z’êtes pas une sœur, vous ?
SELENA, intervenant - Si, si ! Il s’agit de soeur Justine ! Et moi, c’est soeur Serena…
LE MAÇON - Ah, bon ? Pourtant, on dirait un travelo !
JUSTIN, arrachant son costume de rage - Ça commence à bien faire ! Je vais t’en coller une ! Tu vas voir si je suis un travelo !
L’APPRENTIE, ayant reconnu Justin Bébert - Oh ! C’est Justin Bébert ! (Elle trépigne sur place.)
LE MAÇON - Le saucisson ?
JUSTIN - Le saucisson, c’est Bridou, espèce d’andouille ! (Il sort une casquette de rappeur de sa poche de jean et s’en coiffe.)
L’APPRENTIE - Il est trop chou quand il est en colère ! (Elle sort son smart-phone.)
LE MAÇON, serrant la main de Justin - Bravo ! J’aime beaucoup ce que vous faisez !
JUSTIN, décontenancé - Ah, bon ? Vous me connaissez ? Pourtant, d’habitude mes fans, ce serait plutôt le genre petites pétasses prépubères…
LE MAÇON, s’éloignant - La charcutaille, ça me connaît ! Hé ! Hé ! Malin, le coup de la lingerie cochonne ! Sacré Bridou ! A propos, qu’est-ce que j’ai foutu de mon sandwich ? (Il sort par le trou du mur.)
L’APPRENTIE, s’approchant de Justin - Oh, Justin ! J’peux faire un selfie avec toi ?
JUSTIN, boudeur - Nan ! Chui pas d’humeur !
SELENA, donnant une bourrade à Justin - Allez ! Sois sympa avec ton fonds de commerce !
JUSTIN, se prêtant au jeu de mauvaise grâce - C’est un peu le tien aussi, j’te signale !
Ils font quelques selfies, même si Justin garde sa mine boudeuse.
Arlette revient suivi du maçon qui mange un sandwich.
ARLETTE - C’est quoi encore ce bazar ? Depuis quand une congrégation religieuse se fait-elle parrainer par un fabricant de saucisses ? (Apercevant la séances de selfies.) Vous débauchez le personnel en plus ? Tous les moyens sont bons pour saboter mon
chantier ! Que dis-je ? Le chantier dédié aux camarades travailleurs !
L’APPRENTIE - Oui, oh ! Vous l’hypocrite ! Quand on porte des sous-tifs de marque qui déchirent sa race, on peut en causer du prix de la baguette !
ARLETTE, abasourdie - Hein ? Quoi ? Sous-tifs ? Quels sous-tifs ? Quel rapport avec la baguette ?
SELENA, intervenant après avoir enlevé tout ou partie de son déguisement - Bon, autant que vous le sachiez : les sous vêtements sont à moi. (Prenant une pause prétentieuse.) Je suis Selena Gomette ! (Minaudant.) Non : n’applaudissez pas trop fort, je serai gênée !
Personne n’applaudit, mais on la regarde un peu interloqué.
SELENA, reprenant une pause, puis fort - SELENA GOMETTE !
Râteau complet.
LE MAÇON, s’adressant à Arlette - Elle a pas tort mon arpette : le prix de la baguette, c’est important camarade Arlette !
ARLETTE, écartant le maçon car elle a reconnu Justin - Ouais, c’est ça, t’as raison, machin ! Oh ! Mais, c’est Justin Bébert ?
JUSTIN, désinvolte, voire blasé - Ben Ouais !
SELENA, qui en fait des tonnes, quitte à bousculer Justin - Eh moi, c’est SELENA !
Les sœurs font leur retour, la Mère en tête.
ARLETTE, écartant Selena sans même la regarder - Tu es gentille petite, mais va jouer ailleurs ! (A Justin.) Vous savez que je suis une de vos admiratrices ?
JUSTIN, blasé - Ah ouais ? (S’adressant à Selena.) Tu avais raison Selena : grâce à cette retraite, ton public t’a oublié. Heureusement, le mien est toujours fidèle. Comme ça, tout le monde est content !
Selena hausse les épaule et va bouder dans son coin.
L’APPRENTIE, à Arlette, suspicieuse - Vous êtes fan de Justin Bébert, vous ?
ARLETTE - Parfaitement ! Il est tellement beau…euh…po…pulaire, populaire ! C’est important la culture populaire ! (S’approchant de Justin.) Un petit autographe camarade Justin ? (Elle rit niaisement en tendant son bras.) Hi ! Hi ! Hi !
JUSTIN, blasé - Allons-y… (Il signe sur le poignet d’Arlette.)
LA MERE SUPERIEURE - Allons ! Tout le monde dehors ! Ce n’est pas un lieu de débauche ici ! (Désignant le linge sur le fil.) Enlevez-moi ces objets de tentation !
SELENA, agacée - Ce sont des sous-vêtements !
LA MERE SUPERIEURE - Ne jouez pas sur les mots ! Je ne suis pas d’humeur à parler chiffons !
SOEUR ANNE, enlevant le linge avec Selena, surprise - Ah bon ? Des chiffons ? Objets de tentation ? (Je rappelle qu’elle est myope.)
LA MERE SUPERIEURE, s’adressant à Arlette - Eh vous, la « damnée de la Terre », je vous ai déjà ordonné de quitter ces lieux consacrés !
ARLETTE - Pète un coup la nonne, tu seras moins coincée !
Les soeurs horrifiées, chuchotent entre elles.
SOEUR CONSTANCE - Oh ! Elle a traité la Mère Supérieure de « nonne » !
SOEUR SYBILLE - …Elle est vraiment sans gêne !…
SOEUR EULALIE - …Carrément vulgaire !…
SOEUR IMENE - …J’ai pas tout compris, mais ça ne semblait pas aimable !
ARLETTE - Les camarades et moi-même allons partir… Nous rejoignons le genre humain ! La seule Terre promise !
LA MERE SUPERIEURE - Retournez dans votre trou à rats ! Bolchevique ! (Au maçon.) Eh vous, rebouchez derrière vous !
LE MAÇON - Pas de ‘blème ! Allez, l’arpète, on retourne dans les coulisses ! Sans rancune Justin bibé !
Arlette, le maçon et l’apprentie (dépitée) sortent par le trou. Justin hausse les épaules de mépris.
SOEUR ANNE, à Selena - Oh, mais je vous reconnais !
SELENA, aux anges - Vraiment ?
SOEUR ANNE - Mais oui ! Je vous admire beaucoup !
SELENA - Merci, merci !
SOEUR ANNE - Faut pas le dire aux autres, mais je vous regarde à la télé en cachette ! Vous êtes formidable Serena !
SELENA, décontenancée - Euh… Oui… En fait, c’est SeLEna !
SOEUR ANNE - Oui : Serena. Ha ! Ha ! Quel coup droit et quel service ! Vous êtes ma joueuse favorite !
SELENA, sort en courant et en pleurs - BEUUUUH ! Plus personne ne m’reconnaît ! BEUUUUH !
SOEUR ANNE, estomaquée - Qu’est-ce que j’ai dit ? Pourquoi elle crie comme ça ?
JUSTIN - Vous en faites pas. C’est à peine mieux quand elle chante. Bon, je vais y aller moi aussi…
SOEUR SYBILLE, s’approchant avec une tomate en pot - De notre part à toutes sœur Justine…
JUSTIN - Non, appelez-moi « Sir Justin » ! (Prononcé à l’anglaise.) C’est quoi ce machin ?
SOEUR SYBILLE - Un plant de tomate.
SOEUR CONSTANCE - Vu que vous n’êtes pas très doué en potager…
SOEUR EULALIE - …Comme vos plants ne donnaient rien, on les a arrachés et remplacés.
JUSTIN, se tient la tête, consterné - Pfffff ! (Il pourrait chanter l’intro de « Baby » )
NOIR ET FIN