Gueules de bois

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Julien, Matteo, Ugo et Quentin, quatre potes trentenaires qui se réunissent régulièrement chez Quentin pour jouer au poker. Soirées bruyantes et très arrosées qui ne sont pas du goût de Clara, la nouvelle voisine du dessous, ni de Véro la copine de Quentin. Ce matin-là, le réveil est difficile. Matteo et Julien ont passé la nuit sur place. Ugo est rentré chez lui mais revient inopinément car il s’est fait jeter dehors par sa copine, ulcérée de ses rentrées tardives et alcoolisées. Mais où est bien passé Quentin ? Et où est passée la reconnaissance de dette signée en fin de partie?
Le groupe de ces quatre copains, bruts de décoffrage et parfois à la ramasse, machos et parfois versatiles, résistera-t-il aux aléas de ce poker menteur version embrouilles et coups tordus ?

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Décor (1)

Gueules de bois Décor unique. Un salon meublé genre IKEA. Une table basse sur laquelle sont éparpillées des cartes à jouer, des cendriers pleins et surtout beaucoup de bouteilles vides. Il y en a aussi par terre. Un bar. Un canapé. Côté jardin : porte donnant sur le couloir d’entrée Côte cour : porte donnant sur le couloir accédant à la chambre de Quentin, la cuisine, la salle de bains et les toilettes.

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Scène I :

 

Julien

Matteo

 

(Allongé sur ce canapé, face public, Matteo qui y a passé la nuit, tout habillé et qui dort encore. Derrière le canapé apparaît la tête de Julien, qui lui non plus n’a pas l’air très frais. Il a un coussin sous le bras. Après avoir vu Matteo sur le canapé, il regarde autour de lui, s’approche de la table et semble chercher quelque chose. Matteo ouvre les yeux, se redresse péniblement et voit Julien qui est de dos.)

 

Matteo (embrumé) – Salut.

 

Julien (sursautant) – Oh putain !

 

Matteo (regardant autour de lui) – Hein ? Quoi ?

 

Julien (s’approchant du canapé) – C’est toi, tu m’as fait peur. J’pensais que tu dormais.

 

Matteo – Ouais, moi aussi.

 

Julien – Putain, ta gueule. Ça craint.

 

Matteo – T’as pas vu la tienne !

 

Julien – Ben quoi ?

 

Matteo – Complètementdéformée on va dire.

 

Julien – C’est parce que tu me vois d’en bas. C’est mon mauvais angle. C’est ton haleine cette odeur infecte ?

 

Matteo – Non, c’est la tienne. Ça s’échappe vers moi quand tu parles.

 

(Julien met la main devant sa bouche pour sentir son haleine.)

 

Julien – Non, c’est pas moi.

 

Matteo– Ok, mais arrête de parler et expire par le côté, ok ?

 

            (Ils regardent autour d’eux.)

 

Matteo – Et Quentin ?

 

Julien – Pas vu. Moi aussi j’comatais.

 

(Matteo essaie de se lever, mais se rassied aussitôt avec une grimace.)

 

Matteo – Quelle heure il est ?

 

JulienSais pas.

 

(Chacun cherche son téléphone dans sa poche.)

 

Julien (regardant son téléphone, en riant) – Oh oh !

Matteo (regardant son téléphone) – Batterie à plat ! Fait chier ! (Avec une grimace.) Oh putain ! Ça tangue.

 

Julien – Tu devrais prendre un Doliprane. Et un pour moi parce que moi aussi j’ai mal.

 

Matteo – C’est où ?

 

Julien – Le dos et le cou. C’est pas cool de dormir par terre.

 

Matteo – Oui, mais le Doliprane, c’est où ?

 

Julien – Merci de compatir.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (lui indiquant la direction) - Doliprane, salle de bains. Tu vas pouvoir ?

 

Matteo – Tu veux pas y aller pour moi ?

 

Julien – Non. T’as pris le canapé, maintenant tu bouges.

 

Matteo – Merci de compatir.

 

(Matteo se lève avec difficulté et se dirige vers le côté jardin.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Doliprane salle de bains.

 

Julien (indiquant le côté cour) – L’autre côté.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (désignant le côté cour) – Salle de bains, Doliprane, par là.

 

Matteo – T’es sûr ?

 

Julien – Arrête de faire le con pour que j’y aille à ta place.  Tu le sais très bien, même si « ça tangue ». Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

 

Matteo – Ok, j’vais en profiter pour aller pisser un coup.

 

(Matteo sort.)

 

Julien (répétant pour lui) - Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

(Désignant l’autre sortie.) Couloir, rue, gens, monde réel, emmerdements, par là.

(Il fait quelques mouvements pour s’étirer péniblement, va vers la table, prend un papier qui traînait, le regarde, n’en croit pas ses yeux, semble faire un effort pour se souvenir.)

Emmerdements ici aussi.

 

(Matteo revient avec la boîte de Doliprane à la main.)

 

Matteo – Bingo !

 

Julien (surpris, chiffonnant le papier et le cachant comme il peut) – Hein ?

 

Matteo – Le Doliprane ! C’était bien dans la salle de bains.

 

Julien – Ben oui.

 

(Matteo regarde sur la table, comme pour chercher quelque chose.)

 

Matteo – Y aurait pas un… ?

 

Julien (d’une façon brusque) – Non y’a rien !

 

(Matteo le regarde, surpris.)

 

Julien – Tu voulais quoi, là ?

 

Matteo – Un verre propre. Pour le Doliprane.

 

Julien – Les verre propres, c’est dans la cuisine.

 

Matteo – Ben oui. Dans la cuisine.

 

(Il remarque que Julien est troublé.)

 

Matteo – Qu’est-ce que t’as ?

 

Julien – Moi ? Rien. Pourquoi ?

 

Matteo (faisant un geste vers le visage de Julien) - T’es tout...

 

Julien – Déformé, je sais. Comme toi.

 

(Un temps de gêne.)

 

Julien – La cuisine, par là. En face de la salle de bains.

 

Matteo – Je sais, j’y vais. Le verre propre. Et de l’eau. Tu crois que c’est bien conseillé de boire de l’eau tout de suite après la bière et la vodka ?

 

Julien – C’est pas « tout de suite après ».

 

Matteo – Je sais (Il ricane bêtement.)

 

(Il sort avec la boîte de Doliprane.)

 

Julien (bas, pour lui) – Connard.

 

(Après un instant, Julien sort le papier de sa poche, le pose sur la table et le lisse pour vérifier ce qu’il y a lu. Il le prend rageusement, le déchire en deux et le remet prestement dans sa poche.)

 

Julien – C’est pas vrai. Quel con ! Mais quel con !

 

(Matteo revient avec un verre d’eau et avale deux Doliprane. Matteo met prestement le papier dans sa poche.)

 

Matteo – Y’a un truc pas normal quand même.

 

Julien – Tout est normal, c’est bon ! Et le mien ?

 

Matteo – Le mien quoi ?

 

Julien – Mon Doliprane. Je t’ai demandé d’en prendre un pour moi aussi.

 

Matteo – Ben je viens de les prendre.

 

Julien – Les deux ?

 

Matteo – Ben oui. Un pour moi, un pour toi.

 

Julien – Putain, Matteo, tu fais chier.

 

Matteo – J’ai laissé la boîte dans la cuisine. Tu peux y aller si tu veux.

 

Julien - Tu fais vraiment chier.

 

Matteo – Je sais. Mais par contre, ce que je sais pas c’est pourquoi Quentin il est pas dans sa chambre.

 

(Un temps.)

 

Julien – Quentin n’est pas dans sa chambre.

 

Matteo – Ben non. Les draps sont défaits mais il est pas dedans. Ni dessus.

 

Julien – Il est peut-être en train de prendre une douche, je sais pas moi.

 

Matteo – Salle de bain, Doliprane seulement, et chambre, draps défaits, lit vide, pas de Quentin.

 

Julien – Il est peut-être sorti faire un tour pendant qu’on comatait.

 

Matteo – Sorti faire un tour, avec ce qu’il tenait hier soir ! Comme il s’est pris la tête avec ce con d’Ugo qui voulait qu’on se finisse avec un strip poker. Toujours prêt à montrer son cul celui-là.

 

Julien (faiblement) – Ouais.

 

Matteo – Mais on n’a pas fait de strip poker.

 

Julien (répétant pour lui) – Non, on n’a pas fait de strip poker.

 

Matteo – Malheureusement pour toi.

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – T’aurais peut-être préféré te retrouver à poil plutôt que…

 

Julien – Plutôt que quoi ?

 

Matteo - En vrai, tu t’es quand même retrouvé à poil, non ?

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – Le papier que t’as signé, ne me dis pas que tu t’en souviens pas.

 

Julien – Quel papier ?

 

Matteo – Celui qu’était sur la table et qui n’y est plus.

 

Julien – Je vois pas de quoi tu veux parler.

 

Matteo – Ne me prends pas pour un con, Julien. J’ai peut-être la gueule de bois mais (Désignant sa tête du doigt.) mais ça fonctionne quand même dans les neurones.

 

Julien – Ça n’a aucune valeur, on avait bu !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – On était bourrés ! Ça compte pas !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – Arrête avec ça, c’est nul !

 

Matteo – Ah oui ? L’honneur, c’est nul ?

 

Julien – L’honneur, c’est quand on est clair dans sa tête.

 

Matteo – T’as signé !

 

Julien – Ça vaut rien !

 

Matteo - C’est ce que tu vas lui dire à Quentin, quand il reparaîtra.

 

Julien – Il s’en souviendra pas !

 

Matteo – Admettons. Et Ugo ?

 

Julien – Je nierai ! De toute façon, y’a pas de preuve.

 

Matteo – Tu l’as mis où ?

 

Julien – Quoi ?

 

Matteo – Ben le papier.

 

Julien – Il existe plus ! Il a jamais existé.

 

Matteo – Ben moi, je pense qu’il a existé, et même qu’il doit continuer à exister quelque part, (S’approchant de Julien.) Où tu l’as mis ?

 

Julien - Dans ton cul !

 

Matteo – Ah non ! Le cul, c’est Ugo.

 

Julien (se reculant) – T’es pas obligé de le dire aux autres !

 

Matteo – Ça supposerait que je nie moi aussi.

 

Julien – Ça te coûterait quoi ?

 

Matteo – Y’a des choses qu’on doit pas se faire entre potes, c’est tout.

 

Julien – J’ai pas le fric, voilà.

 

Matteo – T’as pas le fric voilà.

 

Julien – Non, j’ai des problèmes en ce moment.

 

Matteo – T’es pas le seul. Mais on a tous joué et toi t’as signé.

 

Julien – Bon ça va.

 

Matteo – Juste une question : si tu avais gagné, toi, tu aurais accepté que les autres perdent la mémoire ?

 

Julien – Tu pourrais être un peu plus solidaire, non ?

 

Matteo – Pourquoi je serais solidaire ?

 

Julien – Tu veux que je te donne une bonne raison ?

 

Matteo – Essaie toujours, on verra bien.

 

Julien – J’te préviens, ça va m’obliger à te dire quelque chose qui va pas te plaire.

 

Matteo – Ah oui ?

 

Julien – Ecoute, Matteo, tu leur dis qu’ils ont halluciné et on n’en parle plus.

 

Matteo – Hallucination collective à la bière/vodka, peu crédible, mais bon. Et ce qui va pas me plaire, c’est quoi ?

 

(Un temps.)

 

Julien – Tu l’auras voulu. Si tu me suis pas, je dis tout à Quentin pour toi et Véro.

 

(Un temps.)

 

Matteo – Tu lui dis quoi ?

 

Julien – Tu sais très bien de quoi je parle.

 

Matteo – Non, pas du tout.

 

Julien – J’vous ai vus vous tripoter à la terrasse du Morrison, ça te suffit ?

 

Matteo – Tu nous as vus ?

 

Julien - Vous auriez pu faire plus discret. A la terrasse d’un pub… Franchement.

 

Matteo – C’était pas nous ! Tu… tu as confondu !

 

Julien – Faire ça à Quentin. Tu te sens pas un peu gêné ? Ce serait pas le genre de chose qu’on doit pas se faire entre potes, ça ? Enfin, moi je dis ça je dis rien.

 

Matteo – Justement, dis rien, tu connais pas toute l’histoire et c’est pas parce que…

 

                                    (Sonnette.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène II :

 

Julien

Matteo

Clara

 

 

Julien – C’est peut-être Quentin qui rentre.

 

Matteo – Quand tu rentres chez toi, tu sonnes à ta porte, toi ?

 

Julien – Il a peut-être oublié ses clés. Tu devrais aller voir.

 

Matteo – Pourquoi moi ?

 

Julien – Vous vous partagez la même nana, tu peux aussi le remplacer pour aller voir qui sonne à sa porte, non ?

 

Matteo – Enfoiré !

 

(Sonnette à nouveau. Un temps. Matteo s’apprête à sortir pour aller ouvrir.)

 

Julien – Matteo !

 

Matteo – Quoi ?

 

Julien – N’oublie pas. C’est donnant donnant.

 

(Matteo sort côté jardin. Julien reprend le papier qu’il avait fourré dans sa poche, cherche où il peut s’en débarrasser, ne trouve pas, puis il sort du côté de la chambre.)

 

Matteo (dans les coulisses) – Puisque je vous dis qu’il n’est pas là.

 

Clara (dans les coulisses) – Je ne vous crois pas !

 

Matteo ((dans les coulisses) - Mais qu’est-ce que vous faites ? Je vous ai pas dit d’entrer !

 

Clara – J’ai décidé que j’allais parler à M. Derbois, je parlerai à M. Derbois !

 

(Elle entre, très décidée et s’arrête en voyant le désordre.)

 

Matteo – Mais non ! Vous ne…

 

Clara – Oh mon dieu !

 

Matteo – Quoi ?

 

Clara – Alors, c’est ici que ça se passe.

 

Matteo – Attendez, vous…

 

Clara – Et j’imagine que vous faites partie de la bande.

 

Matteo – Quelle bande ?

 

Clara – Il n’y a qu’à voir la tête que vous avez, ça ne fait aucun doute.

 

Matteo – On va tout recommencer. Vous allez retourner devant la porte, je vais la fermer derrière vous, la porte, vous allez sonner, mais je n’irai pas ouvrir, ok ?

 

Clara – C’est encore pire que ce que j’imaginais.

 

Matteo – Je sais pas ce qui vous dérange ici, mais si c’est vraiment à ce point, il suffit de fermer les yeux, ou mieux encore de retourner à la case départ, je sais pas où, mais je sais que c’est par là.

 

(Il lui montre la direction de la porte.)

 

Clara – Je ne partirai pas d’ici sans avoir parlé à M. Derbois.

 

(Julien revient et s’arrête.)

 

Julien (désignant Clara) - C’est qui ?

 

Matteo – Bonne question.

 

Clara – Je suis la personne qui viens d’emménager juste en dessous, et je viens vous avertir que je ne tolérerai pas une fois de plus le tapage que vous avez fait la nuit dernière avec votre… bande.

 

Matteo – Ok, d’accord. Merci pour l’explication, maintenant vous pouvez disposer, on transmettra à M. Derbois. Dès qu’il rentrera, on lui transmettra.

 

Clara – Pardon ?

 

Matteo (détachant les mots, comme s’il parlait à une sourde) – Quand M. Derbois rentrera, on lui transmettra.

 

Clara (désignant Julien) – Mais…

 

Matteo – Non, lui, ce n’est pas M. Derbois. C’est Julien. Julien l’enfoiré.

 

Julien (à Matteo) – Toi…

 

Clara (à Matteo) – Alors c’est vous et vous me mystifiez, depuis le début.

 

Matteo – Ah non, pas plus que lui.

 

Clara – Pourtant c’est bien vous qui m’avez ouvert la porte, non ?

 

Julien – Bonne déduction.

 

Clara – Je vous préviens, si vous vous payez ma tête tous les deux, ça risque de vous coûter très cher !

 

Matteo – On vous a déjà dit qu’il était sorti, M. Derbois.

 

Clara (à Julien) – Ce n’est pas vous, vous confirmez.

 

Julien – Non, c’est pas moi, mais (désignant Matteo) lui aussi c’est un enfoiré !

 

Clara – Quelle confusion ! Quelle vulgarité !

 

Matteo – Oui, c’est ça, et maintenant, vous allez rentrer gentiment chez vous.

 

Clara – Pas question. Puisque personne ici n’admet être Monsieur Derbois, je vais attendre. Et je resterai le temps qu’il faudra.

 

(Elle prend une chaise qu’elle époussette et s’assied.)

 

Clara – Vous m’avez empêchée de dormir une bonne partie de la nuit. A mon tour de vous pourrir la vie.

 

(Un temps. Il est clair que Clara est très déterminée.)

 

Matteo (à Julien) – Dis quelque chose, toi.

 

Julien – Tu es au courant que la porte des chiottes est bloquée ?

 

Matteo – Ah bon ?

 

Julien – Tu n’en étais pas aperçu ?

 

Matteo – Ben non.

 

Julien – T’es pas allé pisser tout à l’heure ?

 

Matteo – Ben si, mais ça urgeait et j’ai pissé dans le lavabo de la salle de bains.  T’as qu’à faire comme moi si t’as envie.

 

(Réaction dégoûtée de Clara.)

 

Mais si ça te dégoûte de passer après moi, t’as aussi l’évier de la cuisine.

 

           (Matteo se dirige vers le côté cour.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Prendre un autre Doliprane. Et je t’invite à me suivre. On a une conversation à finir. Sans témoin.

 

(Il sort côté cour.)

 

Julien (après avoir hésité, à Clara) – Euh… excusez-moi, juste une question. Est-ce que les toilettes marchent chez vous ?

 

Clara – Chez moi, tout est normal, Monsieur, mais si vous voulez me demander d’aller chez moi pour utiliser mes toilettes parce que celles de M. Derbois sont bouchées, c’est non. Sans compter que je ne suis pas sûre que ce ne soit pas vous, M. Derbois. Rien n’est clair ici.

 

Julien – Les chio… Les toilettes ne sont pas bouchées, c’est la porte qui est bloquée. Et je ne suis pas M. Derbois.

 

Clara – C’est non.

 

Julien – C’est juste un papier à jeter.

 

Clara – Un papier. Pour boucher mes toilettes à moi aussi !

 

Julien – Juste un petit papier de rien du tout !

 

Clara – Quel genre de papier ?

 

(Julien sort du côté cour, exaspéré.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène III :

 

Clara

Ugo

 

(Clara regarde autour d’elle, elle fait le tour de la pièce avec un air désapprobateur.     Entre Ugo par le côté jardin. Il s’arrête net en la voyant.)

 

Clara – Ah ! Vous voilà enfin !

 

Ugo – Euh…

 

Clara – Je n’irai pas par quatre chemins. Je suis tout simplement scandalisée par ce qui s’est passé ici cette nuit.

 

Ugo – Oui, bon. Où est Quentin ?

 

Clara – Qui est Quentin ?

 

Ugo – Euh… Vous êtes chez lui, vous devriez le savoir.

 

Clara – Vous êtes M. Derbois, n’est-ce pas ?

 

Ugo – Ah non, pas du tout. M. Derbois, c’est Quentin. Moi, c’est Ugo.

 

Clara – Vous n’êtes pas M. Derbois.

 

Ugo – Pas du tout.

 

Clara – Je ne vous crois pas. Vous essayez de m’abuser. Comme les autres !

 

Ugo – Hein ? Quoi ? Quels autres ?

 

Clara – Ne me poussez pas à bout ! Ne me poussez pas à bout !

 

Ugo (secouant la tête de droite à gauche) – Putain ! J’le crois pas ! Ici aussi !

 

Clara - Si vous n’étiez pas M. Derbois, vous auriez sonné. Or vous êtes entré directement, sans sonner. Donc vous êtes M. Derbois.

 

Ugo – C’est quoi ce raisonnement à la con ?

 

Clara – Moi, j’ai sonné.

 

Ugo – Pourquoi ? Vous aviez peur qu’on vous confonde avec M. Derbois ?

 

Clara – Je… J’ai… Soyez correct ! Je suis correcte, moi.

 

Ugo – Sauf que vous me sautez dessus comme une hystérique, alors que je ne vous connais même pas !

 

Clara – Cessez ce genre d’insulte machiste ! Je suis simplement et légitimement furieuse contre M. Derbois !

 

Ugo – Je suis rentré parce que la porte était entrouverte, mais je ne suis pas M. Derbois. C’est clair ?

 

Clara – Les deux hommes à qui j’ai eu affaire jusqu’à maintenant ont prétendu qu’il allait rentrer, mais il est possible que l’un d’eux mente, avec la complicité de l’autre, bien sûr, parce qu’ici c’est pétaudière et compagnie.

 

Ugo – Où ils sont ces « deux hommes » ?

 

Clara – Dans la cuisine en train de faire des saletés, parce qu’en plus, ils ont bouché les toilettes et ils voudraient jeter leur papier dans les miennes !

 

            (Ugo se dirige d’un pas décidé du côté cour, mais se retourne.)

 

Ugo – Et vous, c’est qui déjà ?

 

Clara – Une personne mécontente, ulcérée contre… contre vous ! Car, qui que vous soyez, c’est évident que vous aussi vous faites partie de la bande d’hier soir ! Vous sentez l’alcool à dix kilomètres !

 

Ugo– Vous voudriez pas y aller à dix kilomètres, juste pour vérifier.

 

Clara – Vos amis ont voulu se débarrasser de moi ! Mais je suis toujours là et je compte bien y rester jusqu’à ce que je voie Monsieur Derbois. L’opiniâtreté, je connais, croyez-moi.

 

Ugo – Moi j’le connais pas. C’est quoi votre problème à vous ?

 

Clara – Le tapage toute la nuit ! J’habite en dessous ! Ces cris, que dis-je ? Ces hurlements d’animaux, c’était… c’était intolérable.

 

Ugo – Putain ! elles nous font toutes la misère, même à domicile !

 

Clara – C’est vous qui m’avez importunée jusqu’à mon domicile !

 

Ugo – Vous avez pas encore compris que les mecs, de temps en temps, ils ont besoin de se retrouver entre eux pour boire des canons et décompresser. Et pourquoi ils veulent décompresser ? Parce que les nanas les font chier !

 

Clara – Monsieur, je ne vous permets pas…

 

Ugo – J’ai pas besoin de votre permission pour vous dire ce que je pense ! Et on ne vous demandera pas la permission non plus pour continuer à faire le bocson deux fois par mois, enfin deux fois les mois pairs. Les mois impairs c’est trois fois, vous devriez le savoir depuis le temps !

 

Clara – Je viens juste d’emménager et...

 

Ugo – Eh ben va falloir vous y faire, parce qu’on changera pas nos habitudes pour vous.

 

Clara – C’est une déclaration de guerre ?

 

Ugo – Exact, et si nécessaire, vous vous ferez confirmer par Quentin !

 

Clara – Vous avez tort ! Vous ne savez pas à qui vous parlez !

 

Ugo – Vous êtes présidente des féministes en colère ? Vous avez des « relations » c’est ça ? Un avocat ? Un policier ? Le syndic ? Oui, c’est ça, vous couchez avec le syndic et vous allez vous plaindre auprès de lui ! Manque de bol pour vous, lui aussi, des fois il vient jouer au poker avec nous !

 

(Il la plante là mais se ravise et revient.)

 

Et moi aussi je couche avec le syndic !

 

(Entre Matteo qui a entendu cette dernière réplique.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène IV :

 

Clara

Ugo

Julien

Matteo

Quentin

 

Ugo – Matteo !

 

Matteo – Qu’est-ce que tu fous là, toi ?

 

Ugo – Et toi ?

 

Matteo – Dormi sur le canapé. Mal dormi.

 

Ugo – Et Julien ?

 

Matteo – Par terre. Il rumine dans la cuisine.

 

Ugo (à Clara) – C’est eux « les deux hommes » ?

 

Clara – Exactement.

 

Ugo (à Matteo) - C’est bien que vous soyez là tous les trois. J’ai besoin de parler à mes potes.

 

Matteo – C’est pas le moment.

 

Ugo – Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

 

        (Matteo ne répond pas.)

 

Ugo (désignant Clara) – C’est à cause d’elle ? Elle m’a pris pour Quentin.

 

Matteo – Elle fait ça à tout le monde. Laisse tomber.

 

Ugo – Julien aussi ?

 

Matteo – Julien, c’est un enfoiré.

 

Ugo – Pourquoi tu dis ça ?

 

Matteo – Pas envie de répondre maintenant.

 

Ugo – Comme tu veux. Et Quentin, il est où ?

 

Matteo – Disparu Quentin !

 

Clara – Pfuuu… Quelle gabegie.

 

Ugo – Ecoute mon vieux, je sais pas pourquoi t’es vénère avec Julien, mais moi je suis dans la merde. Sofia vient de me pourrir sous prétexte que je suis rentré trop tard. En plus elle m’a accusé d’avoir trop bu. Elle m’a foutu à la porte.

 

Matteo – Oui, et alors ?

 

Ugo – C’est tout ce que tu trouves à m’dire ?

 

Matteo – Tu veux quoi ?

 

Ugo – Tu pourrais un peu compatir, non ?

 

Matteo – Excuse-moi mais ça commence à me souler ce matin les histoires de compassion et de solidarité !

 

Clara – Nous ne sommes plus le matin.

 

Matteo – Vous ! On vous a pas sonnée !

 

Clara – Elle a très bien réagi cette Sofia, c’est votre copine ? Votre femme ?

 

Ugo – Vous !

 

Clara – Elle est au courant que vous couchez avec le syndic ?

 

Matteo – Hein ?

 

Ugo – L’écoute pas. Elle raconte n’importe quoi.

 

Clara – C’est vous qui l’avez dit, juste avant que votre ami arrive !

 

Ugo – C’était de la provoc, espèce d’excitée du bulbe !

 

Clara – Attention à c’que vous dites ! Attention !

 

(Entre Julien.)

 

Julien – Quentin ! Il est là ! Dans les chiottes ! C’est lui qui bloque la porte ! Il est inconscient à l’intérieur ! Il gémit ! (A Ugo, surpris et d’une façon un peu brusque.) T’es là, toi ?

 

Ugo – Ben oui… bonjour quand même !

 

Julien (inquiet) – De… de quoi vous parliez avec Matteo ?

 

Ugo – Ben, de toi.

 

Clara – C’est malaisant les histoires qu’on entend ici !

 

Ugo – Personne vous oblige à écouter !

 

Clara (à Julien) – Je crois comprendre que vous avez trouvé M. Derbois..

 

Julien – Quentin ! C’est vrai, il faudrait…

 

Matteo – Oui, il faudrait… Normalement, il faudrait plein de trucs !

 

Julien – Toi ! Ta gueule !

 

(Ils se regardent de façon peu amène.)

 

Ugo – Ecoutez les mecs, si on s’embrouille entre nous, on est foutus. C’est quoi le blème ?

 

Julien – Il t’a rien dit ?

 

Ugo – Juste que t’étais un enfoiré.

 

Matteo – Je confirme. Et moi j’me tire. Assez entendu de conneries pour ce matin.

 

Clara – Nous ne sommes plus le matin.

 

(Ils se tournent vers elle, encore surpris de sa réflexion.)

 

Matteo – Ouais et ça change quoi ?

 

Clara - Votre ami est mal en point, d’après vos informations.

 

Julien – Quentin ! On peut pas le laisser comme ça.

 

Matteo – Vous avez pas besoin de moi !

 

Julien – Ouais, c’est ça, tire-toi, t’as trop la honte maintenant !

 

Ugo – Pourquoi il aurait la honte ?

 

Matteo (désignant Julien) – C’est lui qui devrait avoir honte ! Il sait que je sais.

 

Julien – Et toi, tu sais aussi que je sais.

 

Ugo – Putain ! Qui sait quoi ?

 

Clara – Quelle méli-mélo. C’est terrifiant.

 

Ugo (lui faisant signe de se taire) – Vous !

 

Julien (à Matteo) – T’es encore là ? Tu voulais pas te casser ?

 

Matteo – Si ! J’me casse. Et si tu veux un conseil, t’aurais intérêt à perdre la mémoire si tu veux que je perde aussi la mienne.

 

            (Il sort côté jardin.)

 

Ugo – Traduction ?

 

Julien – Laisse tomber.

 

Ugo – Qu’est-ce qu’il a contre toi ? C’est quoi le deal ?

 

Julien – Y’a pas de deal… Mauvaise gueule de bois, c’est tout. Ce matin, il délirait complètement. Des hallucinations même. Et toi ? T’avais un truc à dire à Quentin après hier soir ?

 

(Ugo regarde Julien avec un air interrogatif.)

 

J’veux dire : C’était prévu que tu viennes ce matin ?

 

Ugo – C’est Sofia qui a fait sa crise et qui m’a jeté parce que soi-disant je sentais l’alcool.

 

(Clara ricane.)

 

Julien – Sans blague ?

 

Ugo – Ça te gêne pas, toi, cette nana qui tape l’incruste ?

 

Julien – Grave. Mais si elle nous suit dans les chiottes, on lui demandera de ranimer Quentin, et puis voilà.

 

Clara – Je… je ne suis pas infirmière, et il est hors de question que j’aille avec vous dans les toilettes de M. Derbois, car cette fois-ci il s’agit bien de M. Derbois, n’est-ce pas ?

 

Julien – Exact. Et vous vouliez le voir de toute urgence, non ?

 

Clara – Pas dans ces conditions !

 

(Quentin apparaît sur le seuil du couloir. Il est complètement défait et titube.)

 

Ugo – Quentin ! Tu…tu…

 

(Quentin vacille dangereusement. Julien le rattrape. Ugo avance une chaise et avec Julien l’aide à s’asseoir.)

 

Julien – Ça va pas, toi, hein ?

 

Ugo – T’as besoin de quelque chose ?

 

(Quentin ne répond pas mais malgré son état il remarque la présence de Clara qui s’est levée à son entrée.)

 

Ugo – Euh… cette demoiselle voudrait te parler, mais c’est peut-être pas le moment.

 

Julien – La réanimation n’étant plus au programme, qu’elle lui dise ce qu’elle a à lui dire, comme ça, elle dégage.

 

Clara – Vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement ! Sachez-le !

 

(Quentin ne réagit pas.)

 

Ugo – Bon, moi j’vais t’faire un café, ça te fera du bien.

 

(Quentin laisse échapper un rot.)

 

Ugo – Plutôt un Perrier alors…

 

(Nouveau rot de Quentin.)

 

Ugo – Un café.

 

            (Il sort.)

 

Julien (à Clara, soutenant toujours Quentin sur sa chaise) – Faut nous laisser seuls maintenant. Vous voyez pas comme Quentin, M. Derbois, il est fracassé ?  Même si vous lui parliez, il ne capterait pas. Et puis, j’ai des choses perso à lui dire.

 

Clara – Parce que vous croyez qu’il va mieux vous « capter » que moi ?

 

(Quentin va avoir encore quelques hauts le cœur. Et il se frotte la tête.)

 

Quentin (désignant Clara) – Qui c’est ?

 

Julien – T’inquiète.

 

Clara (s’approchant de Quentin, et sans agressivité, cette fois-ci) – Je venais vous faire part d’une doléance à propos d’hier soir.

 

Quentin – Qu’est-ce qu’elle dit ?

 

Clara – Vous n’êtes pas en état, c’est évident. Ça peut attendre…

 

Julien – Ah ben non, vous nous avez fait assez chier avec…

 

Quentin (se frottant la tête) – J’ai une bosse.

 

(Tous deux le regardent.)

 

Quentin – J’ai une bosse, là.

 

(Il attrape la main de Clara.)

 

Clara – Lâchez-moi !

 

Quentin (mettant la main de Clara sur sa bosse) – C’est là !

 

Clara – Mon dieu, oui ! C’est énorme ! Il faut mettre de la pommade.

 

Julien – Je croyais que vous étiez pas infirmière.

 

Clara – Ne soyez pas stupide !

 

Julien – Attendez, vous…

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Clara – J’ai ce qu’il faut chez moi.

 

Julien – Vous avez raison, l’important, c’est de retourner chez vous.

 

Clara – Ne vous méprenez pas. Je vais chercher la pommade et je reviens. Je peux être compréhensive pour les cas difficiles, mais je n’oublie pas pourquoi je suis montée.

 

Julien – On vous ouvrira pas !

 

Clara – La porte n’est pas fermée à clé !

 

Julien – Quentin, où elles sont tes clés ?

 

(Quentin ne répond pas. Il regarde Clara. Clara sort côté jardin.)

 

Julien – Quentin, Quentin… Euh dis-moi ! Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé cette nuit ?

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Julien – Oui, mais avant la bosse, le poker, tout ça, tu te souviens ?

 

Quentin – C’est gentil d’avoir appelé une infirmière.

 

Julien – C’est pas une infirmière. Donc tu te souviens pas.

 

Quentin – De quoi ?

 

Julien – Parce que Matteo il prétend que…

 

Quentin – Que quoi ?

 

Julien – Non rien.

 

Quentin – Il est où Matteo ?

 

Julien – Parti.

 

Quentin – Il est gentil Matteo.

 

Julien – Oui, bon.

 

Quentin - Et toi aussi tu es gentil. Et Ugo aussi. J’vous aime bien tous, vous savez. J’peux t’embrasser Julien ? On s’embrasse pas assez.

 

(Il s’agrippe à Julien et désigne le canapé.)

 

Julien – Putain, tu pues la mort.

 

Quentin (désignant le canapé) - Canapé.

 

(Julien l’aide à se lever et Quentin s’effondre sur le canapé où il s’endort immédiatement. Julien le réveille en lui tapant légèrement sur l’épaule.)

 

Julien – Pour hier soir, tu te souviens de rien en vrai.

 

Quentin – Mal à la tête.

 

Julien – Super. Je veux dire : ça va passer. Ugo fait du café.

 

(Il se lève et se dirige du côté cour.)

 

Quentin – Où tu vas ?

 

Julien (tapotant sa poche) – Aux toilettes.

 

Quentin – Non ! Faut pas aller aux toilettes !

 

Julien – Mais si ! Faut que j’y aille absolument.

 

Quentin – Je comprends, mais je crois que j’ai un peu gerbé partout.

 

Julien – C’est pas grave !

 

(Il sort rapidement.)

 

Quentin – Elle va revenir bientôt l’infirmière ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène V :

 

Quentin

Véro

Ugo

Julien

Matteo

 

(Quentin reste seul un moment. Véro passe la tête. Pendant toute cette scène, Quentin ne quittera pas le canapé.)

 

Véro – Quentin…

 

Quentin (pâteux) – Véro… Oh ! Véro. T’es là toi aussi.

 

Véro – Quentin… Mon dieu, Quentin, qu’est-ce que tu as ?

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Véro (regardant autour d’elle) – Tu t’es encore mis dans un état lamentable. Votre soirée poker, bien sûr !

 

            (Il fait « oui » de la tête.)

 

Tu t’es encore laissé entraîner par Julien et Ugo.

 

Quentin – Et Matteo.

 

Véro (avec un soupir) – Parce que bien sûr, Matteo était là !

 

Quentin – Il est parti, Matteo.

 

Véro – Il a dormi là, hein ?

 

Quentin – Je sais pas.

 

Véro – Ecoute, Quentin, il faut qu’on parle tous les deux.

 

Quentin – Mal à la tête.

 

Véro – Si tu savais comme j’en ai assez de ces fichues soirées poker.

 

Quentin – Tu veux plus qu’on joue au poker ?

 

Véro – C’est pas le poker le problème principal, c’est… c’est toi… c’est… c’est vous. J’en ai ras’l’bol de cette situation. J’en peux plus, moi, tu comprends ?

 

Quentin – Non, pas bien.

 

Véro – Evidemment que tu ne comprends pas, mon pauvre chéri. Tu fais confiance à tout le monde, tu ne te rends compte de rien. Et puis voilà où on en est.

 

Quentin – Et puis voilà on en est. (Il se redresse et lui touche le nez.) Nez au milieu de la figure.

 

Véro – Qu’est-ce que tu dis ?

 

Quentin (lui touchant le nez à nouveau) – Nez au milieu de la figure.

 

Véro (dégageant la main de Quentin) – Arrête, Quentin. Je suis venue pour avoir une conversation sérieuse avec toi, mais je ne pensais pas te trouver aussi mal en point.

 

Quentin – Mal en point, mal à la tête.

 

Véro – Et cette haleine ! Mon dieu cette haleine !

 

Quentin – Ben oui, j’m’suis fait une bosse, mais y’a une infirmière qui va venir.

 

Véro – Hein ?

 

Quentin – Une infirmière.

 

Véro – Tu as appelé une infirmière.

 

Quentin – Non, pas moi. Les autres.

 

(Arrive Ugo avec le café.)

 

Ugo – Ben… Véro… T’es là ?

 

Véro – Bonjour Ugo. C’est quoi cette histoire d’infirmière ?

 

Ugo – Hein ? Ah oui, c’est une blague de Julien à cause de…

 

Véro – Ça  m’aurait étonné. Vous croyez que c’est bien malin de faire des « blagues » alors qu’il est complètement dans les vapes ?

 

Ugo – Eh ! Oh ! Tu te calmes !

 

Véro – Vous vous êtes bien amusés hier soir, on dirait.

 

Ugo – Ecoute, Véro, si tu es venue pour lui faire la misère, je vais te demander de t’abstenir parce que ce matin j’ai déjà eu ma dose. Alors si tu cherches une raison pour jeter Quentin, trouve autre chose, et à un autre moment.

 

Véro – Pourquoi tu dis ça ?

 

Ugo – Parce que Sofia, c’est le prétexte qu’elle a trouvé pour me virer, et on sait très bien que quand ça vous prend, c’est comme une pandémie qui nous tombe dessus tout d’un coup et toutes en même temps.

 

Véro – Tu délires ! Ça vous rend complètement débiles vos soirées poker !

 

Ugo (donnant le café à Quentin) - Tiens, Quentin, ton café.

 

Quentin – Tu veux me quitter, Véro ?

 

Véro – Il dit n’importe quoi ! (A Ugo.) Si tu as des problèmes avec Sofia, tu les gardes pour toi et tu viens pas truffer la tête de Quentin avec tes histoires.

 

Ugo – J’ai la rage, c’est tout.

 

Véro – Et moi je trouve cette situation très gênante, c’est tout.

 

Ugo – Si t’étais venue cinq minutes plus tôt, t’aurais encore été plus gênée avec l’autre folle, là.

 

Véro – Quelle autre folle?

 

Ugo – Elle se croyait chez elle, celle-là, et la leçon de morale, c’était du même genre que toi, alors maintenant, tu te couches !

 

Véro – Ugo ! Tu retires ! Tu retires tout de suite ! Tu es ignoble avec tes allusions sexuelles !

 

Ugo (à Véro) – Rien à voir avec l’interruptus ! Pour une fois, c’est pas du sexe. (A Quentin.) Explique-lui, elle joue pas au poker, elle.

 

Véro – Non, je ne joue pas au poker et je n’en ai pas l’intention. Quentin, c’est vrai : il y avait une fille ici ?

 

Ugo – Oui, mais elle aussi, je l’ai recadrée.

 

Véro – Qui était cette fille, Quentin ?

 

Quentin – Je sais pas.

 

Véro – Comment ça ? Tu ne sais pas ?

 

Quentin (avec un sourire) – Elle a touché ma bosse.

 

Véro – Tu as laissé une fille toucher ta bosse, et tu ne sais pas qui c’est.

 

Ugo – Une scène de jalousie maintenant ! Putain, Véro, lâche-le !

 

Véro – Ce n’est pas de la jalousie.

 

Ugo – C’est quoi alors ?

 

(Entre Julien en se bouchant le nez avec du papier toilettes.)

 

Julien – Et voilà ! C’était pas si terrible que ça.

 

(Voyant Véro.)

 

Véro… Tu…. (Il ne sait pas comment finir sa phrase.)

 

Ugo – Tu tombes à pic. Scène de jalousie, partie « ça craint ».

 

Julien – Qui fait une scène de jalousie à qui ?

 

Ugo – Véro à Quentin, bien sûr.

 

Julien (ricanant) – Ah bon ?

 

Véro – C’est pas drôle, Julien.

 

Julien – Dommage que Matteo soit parti.

 

Véro (après un temps) – Je… je ne vois pas le rapport.

 

Julien – Plus on est de fous, plus on rit, non ?

 

Véro – Je n’ai pas envie de rire !

 

Quentin – Elle vient bientôt l’infirmière ?

 

Véro (prenant la main à Quentin) – Ecoute, Quentin, il faut vraiment qu’on parle tous les deux.

 

(Les deux autres les observent.)

 

Véro (à Julien et Ugo) - Vous avez rien d’autre à faire, vous ?

 

Julien – Ben, ça nous intéresse ce que tu vas lui dire. Enfin, moi, tout ce qui touche à mon ami Quentin, ça m’intéresse.

 

Quentin – T’es gentil, toi, Julien.

 

Véro – D’accord, il est gentil. (Prenant la tasse de café des mains de Quentin). Et il est tellement gentil qu’il va prendre ta tasse et aller la laver dans la cuisine avec Ugo et ils ne reviendront que dans un quart d’heure.

 

Ugo – Un quart d’heure pour une tasse ! A deux !

 

(Arrive Matteo qui s’arrête sur le seuil en voyant Véro.)

 

Quentin – Matteo ! Il est là.

 

Julien – Tu es revenu pour faire une photo de famille ?

 

Matteo – Je… Je… Je crois bien qu’on m’a piqué ma caisse. J’la trouve plus.

 

Ugo – Oh putain !

 

(Long soupir de Matteo.)

 

Ugo - Tu l’avais garée où ?

 

Matteo – Ben quelque part en bas, j’me souviens pas bien.

 

Véro – Et voilà ! Tout disparaît dans les vapeurq d’alcool..

 

Julien – Ce matin, c’était encore pire, il avait des hallucinations.

 

Ugo – C’est pas possible. On te l’a pas volée. On va la retrouver.

 

Matteo – Et toi Véro, tu fais quoi, là ?

 

Véro – J’ai des choses à dire à Quentin.

 

Matteo – Quel genre ?

 

Ugo – Bon, les histoires de nana, ça peut attendre. Surtout si c’est pas ta nana à toi.

 

Matteo – Ben quand même…

 

Julien – Ben quand même.

 

Ugo (à Matteo) - D’abord ta caisse. C’est plus important. Enfin, pour toi c’est le plus important, parce que pour moi c’est mal barré avec Sofia et tout le monde s’en branle.

 

Matteo – Tu crois qu’on va la retrouver ma bagnole?

 

(Ugo pousse Matteo vers la sortie.)

 

Moi j’te dis qu’on va la retrouver. Si tu l’as garée en bas, elle est encore par là et puis c’est tout.

 

Matteo – Tu viens avec moi, alors ?

 

Ugo – Tu vois, moi, je compatis.

 

Matteo – Julien, il reste avec Véro et Quentin ?

 

Ugo – Non, Julien il va laver la tasse ! Comme Véro lui a demandé.

 

Matteo – C’est bien. Y’a aussi mon verre à laver dans la cuisine.

 

Ugo - Allez, viens !

 

Matteo (en sortant) – Tu sais, parfois Julien, il dérape. Et Véro aussi elle dérape.

 

Ugo – Elles dérapent toutes, mon vieux.

 

(Ugo et Matteo sortent.)

 

Véro – Julien ! Cuisine ! Tasse ! Vaisselle !

 

Julien – Tu me parles pas comme ça ! Je… je sais plus de choses que tu peux imaginer !

 

Véro – Quoi ? Qu’est-ce que tu sais ? A quel sujet ?

 

Julien – Au sujet d’une histoire… parallèle, un duo… clandestin. Duo, Véro… Tu veux que je continue la rime en O ?

 

Quentin (touchant sa bosse) – Bobo !

 

Véro (à Julien) – Qu’est-ce que tu insinues ? Je ne comprends pas.

 

Julien – C’est pas grave. J’en parlerai à Quentin. Entre hommes. Pour le moment, je dois laver la tasse, pas vrai ?

 

(Il sort côté cour.)

 

Véro – Julien ! Tu ne vas pas t’en tirer comme ça !

 

(Elle se lève pour suivre Julien.)

 

Quentin – Tu t’en vas, Véro ?

 

Véro – Je règle quelque chose avec Julien et je reviens. Ne bouge pas.

 

(Elle sort.)

 

Quentin – Non, je bouge pas. Je peux pas bouger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène VI :

 

Quentin

Clara

Julien

Véro

 

(Clara passe la tête.)

 

Clara – Dieu merci, vous êtes seul. (Elle entre et pose un sac poubelle par terre. Elle a un spray déodorant et un tube d’Arnica dans la main.) Ils sont infernaux vos amis.

 

Quentin – Ben non, ils sont cool. C’est gentil d’être revenue ce matin.

 

Clara – On n’est plus « ce matin », il est presque quatorze heures trente.

 

Quentin – Ah bon…

 

Clara - Je n’ai pas encore tout installé chez moi. La pommade était encore dans un carton. J’en ai aussi profité pour prendre de quoi dissiper cette odeur affreuse.

 

(Elle appuie sur le spray.)

 

Spécial lavande de Provence.

 

(Il tousse.)

 

Clara – Vous n’aimez pas ?

 

Quentin – Je suis allergique à la lavande de Provence.

 

Clara – Je suis désolée.

 

Quentin – C’est pas grave.

 

Clara – Bon maintenant, voyons cette bosse. Vous n’êtes pas allergique à l’Arnica, j’espère.

 

Quentin – Je ne sais pas, c’est quoi la Nirca ?

 

Clara – L’Arnica, pas l’Anirca. Peu importe, essayons et nous verrons bien. Si ça brûle vous me le dites tout de suite.

 

(Elle prend de la pommade, en met sur son doigt.)

 

Clara – Redites-moi ou c’est.

 

Quentin (il lui montre) – Là.

 

Clara – Ah oui.

 

(A peine a-t-elle touché qu’il crie : Aïe !)

 

Clara – Vraiment ? J’ai à peine touché.

 

Quentin – Blague ! (Il rit de bon cœur.)

 

Clara – Soyez sérieux.

 

Quentin – D’accord.

 

             (Elle continue à tamponner sa bosse.)

 

Clara – Vous semblez plus clair que tout à l’heure, c’est déjà ça.

 

Quentin – Ugo m’a fait un café. Et puis…

 

Clara – Et puis ?

 

Quentin – Pourquoi vous vous occupez de moi ?

 

Clara – Parce que.

 

Quentin – Parce que quoi ?

 

Clara – Au début, j’avais quelque chose à vous demander.

 

Quentin – Oui, au début.

 

Clara – Maintenant que vous êtes un peu plus conscient, je peux vous expliquer.

 

Quentin – Ce qui est sûr, c’est que vous n’êtes pas infirmière.

 

Clara – Je n’ai jamais prétendu être infirmière. C’est votre ami, là… Qu’est-ce qui vous fait dire que je ne suis pas infirmière ?

 

Quentin – Si vous pouviez appuyer moins fort sur ma bosse, ce serait super.

 

Clara – Oh pardon.

 

Quentin – Y’a pas de mal. Je suis sûr que l’Arca d’Annie va me faire du bien.

 

Clara – L’Arnica.

 

Quentin – Oui, la Nirca que vous êtes allée chercher dans un carton chez vous. A côté.

 

Clara – Non, juste en dessous. C’est pour ça. Cette nuit, c’était insupportable.

 

Quentin – Ah ! Vous êtes venue vous plaindre. Je comprends.

 

Clara – Dieu merci, c’est le week-end, je vais pouvoir me reposer. C’était atroce. Vraiment.

 

Quentin - Cette nuit encore plus que les autres fois ?

 

Clara – Je viens juste d’emménager. C’est la première fois que…

 

Quentin – Ah, c’est pour ça que…

 

Clara – … que j’espère ne pas avoir à subir ça une autre fois.

 

Quentin (poursuivant son idée)- C’est pour ça que je ne vous ai jamais vue avant.

Je m’en serais souvenu.

 

      (Un temps de gêne. Elle se lève, prend le sac poubelle par terre.)

 

Clara – J’étais très énervée, et même furieuse.

 

Quentin - Mais vous ne l’êtes plus, là.

 

Clara – Il faut savoir se maîtriser.  (Lui tendant le sac poubelle.) Tenez, c’est pour vous !

 

Quentin – Hein ?

 

Clara – Pour jeter toutes vos saletés. Vous direz à vos amis de ne pas brailler en le faisant.

 

Quentin (prenant le sac poubelle et le posant à côté de lui) – Merci. On fera moins de bruit la prochaine fois.

 

Clara – C’est vrai ? Promis ?

 

Quentin – Promis ! Sinon, n’hésitez pas, montez !

 

Clara – Je ne sais pas si je pourrais encore affronter ceux de votre bande quand ils sont déchaînés comme ils l’étaient cette nuit.

 

Quentin – J’étais avec eux.

 

Clara – Oui, mais en plus, eux, ils ont été odieux tout à l’heure.

 

Quentin – Je suis désolé. La prochaine fois, venez me voir quand ils ne sont pas là.

 

Clara – Vous m’avez promis qu’il n’y aurait pas de prochaine fois et donc aucune raison pour que je monte vous voir.

 

Quentin – Vous pourriez venir prendre des nouvelles de ma bosse.

 

Clara – Demain, vous n’y penserez même plus.

 

Véro (en coulisses) – Justement, c’est de ça que j’étais venue lui parler.

 

Julien (en coulisses) – Tu vas lui dire !

 

Véro (en coulisses) – Exactement !

 

Julien (en coulisses) - Tu ne peux pas lui faire ça ! Tire-toi, ça vaudra mieux pour tout le monde !

 

Véro (en coulisses) – J’ai décidé de lui parler et je vais lui parler !

 

Julien (en coulisses) – Tu bluffes ! Comme au poker ! Mais tu n’oseras pas !

 

Véro (en coulisses) – C’est ce que nous allons voir ! Lâche-moi !

 

(Elle entre et s’arrête. Julien entre derrière elle.)

 

Véro – Quentin, laisse-moi te dire que ça pue ici !

 

Clara – Lavande de Provence.

 

Véro – Je parlais pas de l’odeur, je parlais de l’ambiance. Mais l’odeur aussi !

 

Clara – C’est le mélange.

 

Véro (à Clara) – Vous êtes ?

 

Quentin – C’est ma voisine du dessous.

 

Véro – Quentin, depuis quand tu es ami avec ta voisine du dessous ?

 

Quentin – Véro, ne sois pas agressive avec elle. Elle est très serviable. Elle m’a soigné. Elle m’a mis la pommade d’Annie sur ma bosse.

 

Véro – Hein ? Qui est Annie ?

 

Clara – Arnica. Pommade Arnica. Vous connaissez peut-être.

 

Véro (à Julien) – Oui, je connais mais Je croyais que c’était une blague cette histoire d’infirmière ?

 

Clara – Je ne suis pas infirmière !

 

Quentin – Elle est pas infirmière.

 

Julien – Elle est pas infirmière.

 

Clara – Je m’appelle Clara. Et vous, vous êtes sa copine, c’est ça ?

 

Véro – Je ne suis pas sa « copine », je suis… (Elle s’arrête, embarrassée.)

 

Julien – Termine.

 

Véro – Ça ne vous regarde pas.

 

Quentin – C’est joli « Clara », tu ne trouves pas ? Elle m’a même apporté un sac poubelle pour le ménage.

 

Véro – Parce qu’en plus elle fait le ménage !

 

Clara – Je ne suis pas femme de ménage !

 

Véro (à Quentin) – « Clara », ni infirmière ni femme de ménage mais voisine du dessous, en plus de cette « nana » dont m’a parlé Ugo. Même si la jalousie peut sembler déplacée à certains, ça commence à faire beaucoup pour une seule matinée, tu ne crois pas ?

 

Quentin – Je comprends rien à ce que tu dis, Véro.

 

Véro – Moi non plus, Quentin, je ne comprends plus très bien, tu vois.

 

Julien – Raison de plus pour le laisser tranquille.

 

Véro – Toi, occupe-toi de tes affaires, ça vaudra mieux.

 

Julien – Ce qui concerne Quentin, c’est aussi mes affaires.

 

Véro – Arrête, tu vas me faire pleurer.

 

Julien – J’aimerais bien.

 

Véro – Quentin, je dois te dire quelque chose de très important, à propos de Matteo.

 

(Julien se raidit.)

 

Est-ce qu’il est vraiment impossible qu’on se parle seul à seul ?

 

Quentin – Je n’ai pas de secret pour mes amis.

 

Véro (désignant Clara) - Que tu places Julien au nombre de tes amis, je peux le comprendre, quoique, mais que tu inclues aussi cette personne…

 

Clara – Pas de souci, je m’en vais. J’ai dit ce que j’avais à dire à M. Derbois, enfin le plus urgent. Et pour le ménage, (à Véro, prenant le sac poubelle et lui tendant) eh bien vous pourrez vous en charger, n’est-ce pas ?

 

Véro (prenant rageusement le sac poubelle et le jetant par terre) – Je ne suis pas là pour ça !

 

Quentin (à Clara) – Vous pouvez rester, vous savez.

 

Clara – Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir.

 

(Elle se dirige côté jardin.)

 

Véro – Oui, c’est ça. Dans l’escalier ou l’ascenseur.

 

(Clara se retourne.)

 

Clara - Au fait, je ne suis ni infirmière, ni femme de ménage, mais inspectrice à la direction générale des finances publiques, inspectrice des impôts si vous préférez. Au revoir.

 

(Elle sort.)

 

Véro – Non mais vous avez entendu ce ton ? Pour qui elle se prend celle-là ?

 

Julien – Inspectrice des impôts…  Oh ! Eh ! Eh !

 

(Il se dirige vers la sortie et se retourne.)

 

Elle est inspectrice des impôts ! Quentin, ne…  Véro, ça sert à rien de… Je reviens. Mademoiselle ! Clara !

 

(Il sort.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène VII :

 

Quentin

Véro

Ugo

Matteo

 

 

Quentin – Qu’est-ce qu’il a ? Pourquoi il est parti ?

 

Véro – C’est beaucoup mieux comme ça. Parfois il est bizarre, Julien.

 

Quentin – Tu trouves ?

 

Véro – Oui, un peu trash, et tout.

 

Quentin – Toi, tu as été un peu rude avec… Clara.

 

Véro – On s’en moque de Clara ! C’est personne, Clara.

 

Quentin – Ben quand même…

 

Véro – Et il n’y a pas que lui.

 

Quentin – Hein ? Lui qui ?

 

Véro – Il n’y a pas que Julien qui n’est pas très clair en ce moment.

 

Quentin – Tu as raison, je me sens un peu largué.

 

Véro – Largué ?! Pourquoi tu dis ça ?

 

Quentin – Ben… C’est toi qui me l’as dit tout à l’heure en voyant ma tête.

 

Véro – Je n’ai pas dit que tu étais « largué » Quentin, j’ai dit que… enfin je ne me souviens pas de ce que j’ai dit exactement, mais je ne parlais pas de toi.

 

Quentin – Ah bon. Tu parlais de qui ?

 

Véro – Quand je suis arrivée, je parlais bien de toi, mais là, maintenant non.

 

Quentin – Maintenant, c’est qui ?

 

Véro - Julien. Il t’a parlé, oui ou non ?

 

Quentin – Julien… Parlé de quoi ?

 

Véro – Arrête de faire l’idiot et réponds à ma question : est-ce que Julien t’a parlé de Matteo ?

 

Quentin – Matteo ? Qu’est-ce que…

 

Véro – Oui Matteo. On parle de Matteo, là.

 

Quentin – Je croyais qu’on parlait de Julien.

 

Véro – Oui bon. Stop ! On arrête sinon on va pas en sortir. Quentin, je suis très gênée, tu vois, très gênée…

 

Quentin – A cause de Julien ?

 

Véro – Non, à cause de Matteo. C’est important, mais chaque fois y’en a un qui se met au milieu.

 

Quentin – Un quoi ?

 

Véro – Ben Julien, entre autres.

 

Quentin - C’est plus Matteo alors ?

 

Véro – Si ! C’est Matteo ! Ecoute moi à la fin !

 

                (Quentin la regarde avec un air perdu.)

 

Véro – Oh ! Ne me regarde pas comme ça ! C’est déjà assez difficile ! Matteo fait partie de tes meilleurs amis et il ne le mérite pas !

 

Quentin – Pourquoi tu dis ça ?

 

Véro – Parce que… parce qu’il a essayé de… de… enfin tu me comprends.

 

Quentin – Non, pas bien.

 

Véro - Il m’a poursuivie, harcelée. Pendant des jours et des jours. Et puis voilà.

 

Quentin – Et puis voilà ?

 

Véro – Oui.

 

Quentin – Matteo et puis voilà. Tous les deux alors.

 

Véro – Surtout lui !

 

Quentin – Tu lui as pas cédé ?

 

Véro – C’était impossible de résister davantage. Il était si… si…

 

Quentin – Si quoi ?

 

Véro - Il t’a trahi et il faudrait que tu arrêtes de le voir.

 

(Un petit temps.)

 

Et il faut que tu arrêtes de me voir moi aussi parce que j’ai très mauvaise conscience de ne pas t’en avoir parlé plus tôt. Ça aurait été terrible si tu l’avais appris par quelqu’un d’autre.

 

Quentin – Pourquoi ? Quelqu’un d’autre est au courant ?

 

(Pas de réponse.)

 

Quentin - Julien ?

 

(Pas de réponse.)

 

Quentin – C’est pour ça ce sac de nœuds tout à l’heure ?

 

Véro – Il nous a surpris ! Il était prêt à tout te dire ! Sans aucun tact, bien sûr.

 

Quentin – Et donc tu as préféré prendre les devants pour y mettre les formes.

 

Véro – Oh ! j’ai tellement honte, mon pauvre chéri.

 

(Un temps.)

 

Il faut qu’on fasse une pause toi et moi. Que je me lave de tout ça, tu comprends ?

 

Quentin – Juste une question : lui aussi, tu vas arrêter de le voir ?

 

Véro – Je t’ai tout dit, Quentin, et toi, si tu as une aventure avec cette Clara, mieux vaut me le dire tout de suite.

 

Quentin – Qu’est-ce que…

 

Véro – Si tu crois que je n’ai pas remarqué comment elle te regardait et comment toi, tu la regardais aussi. Je sais, après ce que je viens de te dire, je ne devrais pas faire ce genre de remarque, mais en même temps…

 

(Arrivent Matteo et Ugo.)

 

Ugo – Bon, ben, faut se rendre à l’évidence. Elle est plus là sa bagnole, on lui a vraiment volée.

 

Matteo – Trop la haine.

 

Véro – Matteo, j’ai tout dit à Quentin ! Qu’il fallait que nous prenions du recul, lui et moi. Qu’il ne fallait plus qu’il me voie. Ni toi non plus. Pendant quelque temps du moins.

 

(Matteo s’est assis, effondré.)

 

Ugo – Hein ?! Quoi ? Qu’est-ce qu’elle dit ?

 

Quentin – Tu as bien entendu.

 

Ugo (à Matteo) – En vrai, elle te prévient qu’elle veut larguer Quentin, c’est ça ?

 

Véro – Prendre du recul ! Prendre du recul !

 

Ugo – Et pourquoi elle te le dit à toi ? Comme si t’étais pas assez dans la merde avec ta bagnole, comme moi avec Sofia mais en moins gore, parce qu’avec Sofia…

 

Véro – Je suis désolée de te rendre toi aussi témoin de ce moment difficile, Ugo, mais c’est comme ça. Je n’ai pas choisi.

 

Ugo – C’est quoi le problème ici ? Pourquoi il pourrait plus le voir ou te voir, ou nous voir ? J’ai pas tout compris.

 

Véro – C’est compliqué, voilà.

 

Ugo – Non, ça, j’ai compris : Tu largues Quentin !

 

Véro – Ce n’est pas si simple que ça.

 

Ugo – C’est jamais si simple que ça avec vous, les nanas. Y’a que le résultat qu’est simple : à la première occasion, vous nous faites la misère ! C’est quoi le prétexte, là ?

 

Véro – Peu importe…

 

Ugo – Mais si, ça importe ! Pas question que tu profites de lourder Quentin pour nous empêcher de nous voir. Non mais oh !

 

Matteo (sortant de son marasme) – C’est pas par rapport à nous, enfin si, c’est par rapport à nous, mais pas les mêmes nous, enfin pas tous.

 

Ugo – C’est quoi ce bordel ? Quentin, dis quelque chose, merde ! On dirait que ça te concerne pas ! Elle t’a anesthésié l’infirmière ou quoi ?

 

(Quentin ne dit rien.)

 

Véro – Il est sous le choc, c’est normal.  Ce n’était pas une infirmière.

 

Ugo (à Véro) - Cette scène de jalousie que tu nous as faite tout à l’heure, c’était du ciné ?

 

Véro – Pas du tout. Je suis très attachée à Quentin, quoi que tu penses.

 

Ugo – Je pense rien, moi, je constate. Sofia, elle était enragée. Toi, tu es incohérente.

 

Véro – Je ne suis pas incohérente. Il y a une… une logique dans toute cette histoire.

 

Ugo – Une logique… Une logique… (A Matteo.) Tu la vois, toi, la logique, Matteo ? (A Véro.) Et réponds : pourquoi tu disais que Quentin doit plus le voir non plus ?

 

Véro – Justement… c’est dans la logique.

 

Ugo (à Matteo) – Ben réagis, toi ! Elle fout la merde dans notre groupe et tu restes aussi apathique que Quentin ! Faut pas se laisser faire, merde !

 

Matteo – On m’a piqué ma voiture.

 

Véro – Matteo, j’ai fait mes excuses à Quentin et tu vas faire de même, et puis nous nous séparerons.

 

Quentin – Tu m’as fait des excuses ?

 

Véro – C’était sous-entendu.

 

Ugo – Matteo, qui va se séparer de qui, bordel ?

 

Matteo – Comment je vais faire sans ma caisse ?

 

Véro (à Matteo) – Je sais que tu étais très attaché à ta voiture mais il y a en ce moment des questions plus… personnelles qui sont en jeu.

 

Quentin – Juste une question, Matteo, c’est vrai que tu l’as forcée ?

 

Véro – A quoi bon resasser ? Le mal est fait.

 

Matteo – C’est eux qui l’ont forcée, je l’avais bien fermée à clé, avec l’alarme et tout !

 

Véro – Matteo, je crois qu’il est temps de laisser Quentin. Notre présence ici doit être un supplice pour lui, et je le comprends, le pauvre chéri.

 

              (Matteo la regarde sans répondre.)

 

Véro – Matteo ! Je m’en vais !

 

Ugo – Super ! Au revoir !

 

Véro – Matteo !

 

Quentin – Tu serais pas en train de le forcer pour qu’il parte avec toi ?

 

Véro – Pas du tout. Ma voiture est en bas et j’aurais pu le raccompagner. Malgré tout.

 

Quentin – Malgré tout.

 

Véro – Décidément, les garçons, vous ne comprendrez jamais rien. Puisque c’est ça, je vous laisse entre vous, avec vos fichues soirées poker, (A Matteo.) ta voiture (A Quentin.) et Clara !

 

(Elle sort.)

 

 

Scène VIII :

 

Quentin

Ugo

Matteo

 

 

Ugo – C’est quoi ce délire ?

 

Matteo – Je suis désolé, Quentin, j’ai essayé de résister grave, mais tu peux pas imaginer comme elle m’a harcelé.

 

Quentin – Ah bon ? C’est elle qui t’a harcelé ?

 

Matteo – T’as pas idée ! Alors, tu sais ce que c’est, les pulsions, la testostérone et tout, y’a un moment où on craque. Vas-y, casse-moi la gueule ! T’as le droit.

 

Ugo – C’est pas vrai ! Je voulais pas le croire : Toi et Véro, vous. Oh ! La salope !

 

Matteo (à Quentin) – C’est con que ça se soit réglé comme ça. C’est Julien qui a tout déclenché, cet enfoiré.

 

Ugo – Pourquoi Julien ?

 

Quentin – Si Julien n’avait pas « tout déclenché », ça se serait passé comment ?

 

Ugo – Qu’est-ce qu’il à voir là-dedans, Julien ?

 

Matteo – Moi j’voulais arrêter mais j’arrivais pas à ce qu’elle me lâche. Hier, on s’est engueulés, parce qu’elle voulait pas que je vienne au poker. Normal, sans toi ni moi, pour elle c’était direct une soirée Netflix.

 

Quentin – Un peu glauque comme raccourci, non ?

 

Matteo – Oui bon. Elle m’a mis la pression genre si tu y vas, on arrête et je dis tout à Quentin. Chantage, quoi. Et voilà, elle est venue tout de suite te foutre le bocson. J’pensais pas qu’elle oserait, mais tu sais ce que c’est, les nanas quand ça leur prend, elles pètent les plombs.

 

Ugo – Et elles les pètent souvent. Moi, ce matin, Sofia…

 

Quentin (à Matteo) – C’est toi ou elle qui arrête ?

 

Matteo – Ben, je suis venu au poker ! Pour moi y’avait pas photo.

 

Ugo – Et Julien alors ?

 

Matteo – Il nous avait surpris et il voulait tout balancer pour foutre la merde entre Quentin et moi. Je me suis embrouillé avec lui ce matin à cause de ça.

 

Ugo – Pourquoi, lui aussi il est avec Véro ?

 

(Silence surpris.)

 

Ugo – J’m’attends à tout maintenant ! Si vous baisez tous les trois avec elle, pourquoi faire tant histoires ? Au lieu de vous cacher et de risquer un clash comme maintenant, vous partagez, mais pas chacun de votre côté, vous partagez ensemble, en bons potes. Tout baigne, plus besoin de se casser la gueule entre nous. On est au XXIème siècle, non ?

 

(Silence.)

 

J’ai dit une connerie ?

 

Quentin et Matteo – Oui !

 

Ugo – Sans Julien alors.

 

Matteo – Julien, c’est un enfoiré ! Il voulait se débarrasser du papier qu’il avait signé pour ce qu’il devait payer à Quentin, genre personne ne se souviendrait de rien.

 

Ugo – Les 700 euros du poker ? Moi je me souviens.

 

Matteo – Tout le monde se souvient ! Mais je l’ai surpris et c’est là qu’il m’a mis la pression pour que je dise rien, sinon il balancerait l’histoire avec Véro. Moi je pensais qu’à te protéger, Quentin.

 

Ugo – Et elle est venue tout foutre en l’air.

 

Quentin – Si on veut. Au moins les choses sont claires.

 

Ugo – Julien, il voulait baiser tout le monde, quoi. Enfin (Désignant Matteo.) toi et Quentin, enfin pas baiser comme j’ai dit tout à l’heure, enfin vous me comprenez.

 

Matteo – Tu m’en veux beaucoup, Quentin ?

 

(Pas de réponse.)

 

N’oublie pas que tu dois me casser la gueule, si ça peut aider.

 

Quentin – Le jour où on te pique ta voiture, ce serait beaucoup d’un coup, non ?

 

Matteo – Ma voiture…

 

Ugo – Y’a l’assurance quand même.

 

Matteo – Ben non, justement, j’vous ai pas dit ! J’suis un peu juste en ce moment. J’ai pas payé depuis trois mois.

 

Quentin – Et moi, j’avais pas d’assurance avec Véro.

 

Ugo – Avec les nanas, y’a jamais d’assurance. Quand elles te plantent, tu l’as dans le cul.

Matteo – Ah bon ?

 

Ugo – Ce que je veux dire, c’est que…

 

Quentin – N’insiste pas, Ugo.

 

Ugo – Excuse, mais il fait chier Matteo.

 

Matteo – J’t’assure, Quentin, Véro, c’était une putain d’erreur.

 

Quentin – Ok, et vous n’allez plus vous revoir.

 

Matteo – C’est ce qu’elle a dit.

 

Quentin – Et toi qu’est-ce que tu dis ?

 

Matteo – Je dis banco ! C’est l’occasion ou jamais. Et d’un côté, ça m’arrange parce que… (Il arrête sa phrase.)

 

Quentin – Parce que ?

 

Matteo (soudain comme saisi par une révélation) – Ma bagnole !

 

Ugo – Hein ?

 

(Un temps de stupéfaction pour Matteo.)

 

Ugo – Quoi ta bagnole ?

 

Matteo - Hier soir, je l’avais pas prise ! Maintenant, je me souviens : c’est… une collègue qui m’a déposé !

 

Quentin – Une collègue ?

 

Matteo – Ben oui… une collègue… Je… Enfin, Véro c’était que… J’t’ai dit : une erreur…

 

Ugo – Putain ! Il avait un plan C, ce con !

 

Matteo – C’est juste comme ça, de temps en temps.

 

Ugo – C’était pas la peine de m’la jouer genre offensés tout à l’heure. « De temps en temps » en même temps que Véro alors, je veux dire parallèlement ! Oh ! pardon, Quentin.

 

Quentin – C’est fini Véro.

 

            (Un temps.)

 

Matteo – Ben, moi aussi.

 

Ugo (à Matteo) – Bon, bref, ta caisse, on te l’a pas volée !

 

Matteo – Ben, non.

 

Ugo – Et tu nous as saoulés avec ça toute l’après-midi !

 

Matteo – Toi, tu nous as pas saoulés avec Sofia, peut-être !

 

Ugo – T’as même pas compati ! Rien du tout ! Alors la prochaine fois, compte pas sur moi pour faire le tour du quartier comme un con. Tu prends ton assurance et tu fais plus chier.

 

Matteo – Pas le fric pour l’assurance !

 

Quentin – Arrêtez ! Moi du fric, j’en ai !

 

Matteo – Hein ?

 

Quentin – Je pourrais t’en prêter un peu pour ton assurance.

 

Matteo – Après ce que je t’ai fait ! Tu me prêterais du fric ! Non, je mérite pas.

 

Ugo – Exact. Il doit plutôt te casser la gueule.

 

Quentin (à Matteo) – Véro, tu peux même la garder si tu veux.

 

Matteo – Oh ben non ! Maintenant que c’est réglé, on va pas remettre ça.

 

Quentin – Elle, elle l’espère en tout cas.

 

Matteo – Pas du tout ! Elle a même dit que le recul c’était aussi pour elle et moi !

 

Quentin – Elle a pourtant bien insisté pour que tu partes avec elle. Ne me dis pas que t’as pas remarqué.

 

Ugo – Double jeu, c’est classique.

 

Matteo – Elle a peut-être insisté, mais je suis resté là. Avec vous.

 

Quentin – Alors, c’est bon. Vero, c’est fini pour nous deux, point barre.

 

Ugo (à Quentin) – T’as un plan B toi aussi ?! Je le crois pas !

 

Matteo (à Ugo) – Toi, t’as bien un plan S !

 

Ugo – Tu es relou, Matteo, très relou !

 

Quentin – Pour le fric de l’assurance, faudra juste que Julien paie sa dette du poker.

 

Matteo – Oui, sauf que…

 

Quentin – Sauf que quoi ?

 

Matteo – Il m’a dit qu’il avait des problèmes avec sa boîte et qu’il pouvait pas payer. C’est pour ça qu’il voulait se débarrasser de la dette.

 

Ugo – Lui aussi des problèmes de fric, vous faites une belle paire tous les deux.

 

Matteo – On joue pas dans le même club !

 

Ugo – Oui, c’est ça : lui c’est les baise-gueule et toi c’est Pôle Emploi.

 

Quentin – N’empêche, dette de jeu, dette d’honneur.

 

Matteo – Je lui ai dit et répété.

 

Ugo – Il est toujours en train de nous taper, c’est son truc. En même temps il nous gave avec sa foutue start up. Alors, pour une fois, va falloir qu’il raque !

 

Matteo – A la base, c’est de sa faute tout ça !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène IX :

 

Quentin

Ugo

Matteo

Julien

 

(Julien entre, dépité et énervé.)

 

Julien (surexcité et essoufflé) – Complètement bornée cette nana ! En plus, elle se prend pour les impôts à elle toute seule.  J’avais juste un petit service à lui demander et puis c’est non. L’opération mains propres, c’est une obsession chez elle. Ça fait peur tellement ça brille partout. Elle doit avoir une carte de fidélité à Maison Verte. Pas comme ici, quoi. Heureusement, vous êtes là, vous.

 

Quentin – Julien, tu te calmes.

 

Julien – Tu vas lui parler ? Elle t’a à la bonne, toi. Elle a soigné ta bosse.

 

Quentin – C’est pas à elle qu’on va parler, c’est à toi.

 

Julien – Qu’est-ce qu’il y a ? C’est quoi ces têtes de zombies ?

 

(Julien est désarçonné. Il regarde vers Matteo.)

 

Julien (pointant Matteo du doigt) – Enfoiré ! Tu t’es couché !

 

Matteo – Non, c’est pas moi ! Véro a fait tapis direct et ils avaient pas perdu la mémoire. Ton deal, tu peux t’asseoir dessus.

 

(Un temps.)

 

Julien (à Matteo) – Alors Quentin sait tout pour toi et elle ?

 

Quentin (à Julien) – T’étais au courant et tu m’as rien dit !

 

Julien – Ben non… Je savais que ça te ferait de la peine.

 

Matteo – Quand tu as menacé de tout lui raconter, ça t’a pas gêné de savoir si tu lui ferais de la peine.

 

Julien – J’aurais rien dit !

 

Matteo – C’est pas vrai ! Tu étais prêt à tout avec ton marchandage merdique.

 

Quentin – Parce qu’en plus, t’as voulu m’arnaquer !

 

(Julien regarde Julien puis Matteo, incrédule.)

 

Matteo (à Julien) – T’as pas voulu détruire la reconnaissance de dettes peut-être !

 

Julien (à Matteo) – Menteur !

 

Matteo (à Julien) – Voleur !

 

(Matteo et Julien se jettent l’un sur l’autre et se battent. Ugo et Quentin interviennent pour les séparer, Ugo s’occupe de Julien et Quentin de Matteo, mais dans la mêlée Matteo donne un coup à Quentin qui tombe par terre avec un cri de douleur.)

 

Matteo – Quentin ! Excuse-moi Quentin ! C’était pour lui les coups ! Pas pour toi ! Je ne voulais pas ! C’est toi qui dois me casser la gueule, pas l’inverse ! Souviens-toi !

 

Ugo (inquiet, à Quentin) – Tu blagues, là. T’as pas mal. Hein ? T’as pas mal. Ça va pas faire une deuxième bosse quand même.

 

Quentin – Cassez-vous !

 

Matteo – Hein ?

 

Quentin – Dégagez ! Vous me dégoûtez ! Tous !

 

Ugo – J’y suis pour rien, moi, dans leurs histoires.

 

Matteo – Tout à l’heure, tu étais d’accord pour me prêter du fric, je veux dire avant la baston.

 

Quentin – Allez vous faire foutre !

 

Matteo (à Quentin, désignant Ugo) – Ben lui, c’est déjà fait.

 

Ugo – Ouais c’est ça. De toute façon, vous en avez rien à battre de mes problèmes. Y’en a pas un ici qui a prononcé une seule parole de soutien alors que Sofia m’a viré !

 

Matteo – Je parlais pas de Sofia, mais c’était bien le même verbe.

 

Ugo (parlant de Matteo) – Vire-le en premier, Quentin !

 

(Un temps.)

 

Quentin (à Ugo) – C’est vrai ? Sofia t’a viré.

 

Ugo – Oui, et personne pour me soutenir.

 

Matteo – T’aurais dû aller directement chez Serge, il t’aurait consolé, lui.

 

Quentin – Chez Serge ?

 

Matteo – T’étais pas au courant qu’ils couchent ensemble ces deux-là ?

 

Quentin – Avec Serge… Notre Serge ?

 

Ugo (à Matteo) – Maintenant t’arrête !

 

Matteo – Oui « notre » Serge. Serge, le syndic. Plan S.

 

Quentin – Ugo… Mais Sofia…

 

Matteo – Oui, c’est comme ça.

 

Ugo – C’est des conneries !

 

Matteo – C’est toi-même qui l’as dit à Clara ! Je t’ai entendu !

 

Quentin – Clara ?

 

Ugo (à Matteo) – Menteur !

 

Julien – J’vous l’avais dit ! (Désignant Matteo.) C’est qu’un menteur ! Une langue de pute !

 

(Ugo et Julien s’avancent vers Matteo, menaçants.)

 

Matteo – C’est Quentin qui doit me casser la gueule, pas vous ! Quentin ! Au secours !

 

(Sonnette qui interrompt l’action vers Matteo.)

 

Matteo (à Quentin) – Tout ça c’est pour changer de sujet ! Pour empêcher que Julien me donne le fric que tu dois me passer pour l’assurance ! Pardon ! Que tu dois me prêter ! T’es toujours d’accord, hein Quentin ? Je sais, j’suis un salaud et j’t’ai même frappé, mais c’était pas exprès. C’est à cause de Julien !

 

Julien (à Matteo) – Fils de pute !

 

Matteo (à Julien) – Connard !

 

(Un temps.)

 

Matteo - Quentin ! Pourquoi tu dis plus rien ?

 

Julien – Il peut dire n’importe quoi, ça changera pas grand-chose. Le fric, je l’ai pas. Je viens d’avoir un contrôle fiscal pour ma start up et je suis grave dans la merde.

 

Matteo – Ta super start up, c’était de la frime.

 

Julien – Je savais pas qu’il y’aurait le confinement !

 

Ugo – Ouais, t’aurais mieux fait de livrer des gods plutôt que de vendre des tongs !

 

Julien – Je vends pas des tongs ! Je vends des accessoires de mode customisés ! C’est plus classe que d’être hôtesse de caisse à Lidl !

 

Ugo – Je suis chef de rayon aux Galeries Lafayette, pas « hôtesse de caisse » à Lidl ! C’est doublement pourri ce que tu insinues !

 

(Quentin se tâte la tête.)

 

Matteo (à Quentin) – T’as encore mal, Quentin ?

 

Ugo – Ben oui, il a mal, Ducon.

 

(Pas de réponse.)

 

Julien (à Quentin) - Ta voisine, Clara, là, elle a rien voulu entendre. Elle dit qu’elle peut rien faire, mais moi je suis sûr du contraire. Peut-être que tu pourrais la convaincre, toi. T’as remarqué comme elle te kiffe à mort. Ça coûte rien d’essayer.

 

Matteo – Ben tiens !

 

Julien (à Matteo) – T’as pas compris que si personne m’arrange le coup, c’est la liquidation et la dette de Quentin, ce sera pas prioritaire !

 

(Silence.)

 

Ugo – Eh ! Quentin ! Tu dis plus rien.

 

Quentin – Vous êtes une belle bande d’égoïstes, d’hypocrites, de menteurs. Tous des enculés !

 

(Un temps. Les autres sont penauds.)

 

Matteo (regardant Ugo) – Y’en a qui le sont plus que d’autres quand même…

 

Quentin – Tous pareils. Barrez-vous !

 

(Un temps.)

 

Ugo – Bon ben, au moins c’est clair. Moi, je… je venais juste chercher un peu de secours, c’est tout.

 

Quentin – Du secours ?

 

Ugo – Oui, du secours.

 

Matteo – Pour les pompiers, c’est le 15. Ou Serge. C’est pas le même numéro mais c’est le même service, pas vrai ?

 

Quentin – C’est vrai c’t’histoire avec Ugo ?

 

Ugo – Quand j’ai des problèmes, c’est vers toi, vers vous, que je viens, (Rectifiant.) enfin que je venais.

 

(Un temps.)

 

Ugo – Bon d’accord. J’ai baisé avec Serge.

 

Matteo – Ah !  Qui c’était le menteur ?!

 

Julien – C’était juste une fois, pour voir. Comme au poker, quoi.

 

Ugo – Ouais.

 

Quentin – Et t’as vu quoi ?

 

Ugo (après un petit temps) - Il couche avec ses chaussettes.

 

(Ils se regardent. Gloussements puis fou rire général. Sonnette. Ils arrêtent de rire.)

 

Ugo – Je crois que c’est la deuxième fois.

 

Julien – Si tu veux, on peut ouvrir en partant. Puisqu’il faut qu’on parte.

 

(Sonnette plus insistante.)

 

Matteo – Si ça se trouve, c’est encore la nana du dessous qui vient se plaindre.

 

Julien – Madame Propre.

 

Ugo – On n’a pas fait de bruit, là.

 

Quentin – Et la baston, là, c’était soft ?

 

Matteo – Dans la journée, on a le droit.

 

Quentin – Le droit de me taper dessus ?

 

Matteo – Ben non.

 

Julien – Si c’est encore elle, on la vire et puis c’est tout.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène X :

 

Quentin

Ugo

Matteo

Julien

Clara

 

(Clara est entrée sur la réplique de Julien)

 

Clara – C’est bien ce que j’avais compris, vous êtes encore tous là. Et personne pour venir ouvrir mais comme la porte n’était pas fermée, me revoilà.

 

(Silence.)

 

Clara - Vous vouliez virer quelqu’un, Julien ?

 

Julien – Non… non… On se permettrait pas.

 

Clara – Il vaudrait mieux.

 

Julien – C’est nous que Quentin veut virer.

 

Matteo – On a tous un peu pété les plombs, vous voyez.

 

Clara – Je n’ai pas vu mais j’ai entendu.

 

Quentin – Désolé.

 

Clara – Ce n’est pas pour ça que je suis remontée.

 

Matteo – Ugo – Julien – Quentin (ensemble) – Ah bon ?

 

(Un temps.)

 

Clara (à Quentin) – J’ai juste une proposition à l’intention de votre ami Julien, mais qui vous concerne aussi Quentin.

 

Julien et Quentin (ensemble) – Nous… mais…

 

Clara – Je voudrais vous proposer un deal, Julien.

 

Quentin – C’est que lui alors.

 

Matteo – Allez-y ! Pour les deals, Julien c’est un pro, surtout pour les deals foireux.

 

Clara – Ce n’est pas un deal foireux et (Regardant Julien et Quentin.) c’est bien pour vous deux. Une demande assortie d’une double condition.

 

Ugo – Ouais bon. Montre ta main, ça suffira.

 

Clara – Pardon ?

 

Quentin – Ugo… Laisse-la parler.

 

Clara – Julien, j’ai réfléchi, je vais faire de mon mieux pour arranger votre affaire.

 

            (Un tout petit temps de surprise.)

 

Julien – Oh putain ! Je veux dire : sérieux ?

 

Clara - Je ne vous promets pas de résultat, mais je vais essayer.

 

Julien – Vous avez entendu les gars ? C’est trop top! (A Clara.) Merci ! Merci ! Vous êtes super cool finalement ! J’aurais pas cru parce que…

 

Clara – Parce que ?

 

Julien (faisant un geste de la tête montrant que ça avait mal démarré) – Ben… Au début… C’était plutôt mal barré.

 

Quentin – Et les deux conditions, c’est quoi ?

 

Ugo – Elle veut qu’on ne fasse plus de bruit, c’est tout.

 

Clara – Non ce n’est pas tout mais c’est effectivement une condition à rajouter aux deux autres.

 

Quentin – Qui sont ?

 

Clara – J’y viens. La première condition, Quentin, c’est que vous veniez chez moi déplacer le lave-vaisselle et la machine à laver pour que je puisse lessiver ma cuisine.

 

Quentin – Ah bon ?

 

Clara – Et la deuxième : que vous débarrassiez toute la ferraille que le précédent locataire a laissée sur ma terrasse et que vous l’emportiez à la déchetterie avec votre camionnette.

 

                                       (Un petit temps.)

 

« Derbois rénovation », c’est bien vous, non ?

 

Quentin – C’est mon père. Il est pourri ce fourgon, c’est pour ça qu’il me l’a filé. Moi, c’est les produits d’hygiène.

 

Clara – Mais vous l’utilisez.

 

Quentin - Je vois pas pourquoi ce serait moi seul qui devrais me taper cette corvée. C’est Julien qui gagne au change, non ? Il pourrait au moins s’y coller avec moi ! On pourrait tous s’y coller !

 

Matteo – Sans moi, parce que Julien…

 

Clara (à Matteo) – Sans vous, ni Julien, ni Ugo. Je m’adresse au responsable, pas aux sous-fifres.

 

              (Matteo, Julien et Ugo se regardent, assez vexés.)

 

Clara – Monsieur Derbois est le locataire ou le propriétaire de l’appartement, je ne sais pas…

 

Quentin – Locataire.

 

Clara (à Quentin) – Peu importe. C’est vous le responsable de tout ce qui se passe ici.

 

Julien – Oui, mais pour mon affaire, il faudra quand même qu’on se revoie.

 

Clara – Je demanderai à Quentin de faire l’intermédiaire.

 

Quentin – Une condition en plus, quoi.

 

Julien – Ben… c’est pour… pour…

 

Matteo (à Julien) – Pour toi. Tout ça pour toi. T’as pas la honte ?

 

(Les garçons se regardent, sans répondre.)

 

Clara – Alors ?

 

(Mutisme.)

 

Clara – Je répète donc ma proposition : Quentin est-ce que vous êtes d’accord pour venir me rendre ces services ? Disons demain matin quand vous serez complètement dégrisé.  Nous en profiterons pour faire un contrôle de votre bosse.

 

Quentin – J’en ai deux maintenant.

 

Ugo – Comme pa…

 

Julien – Ta gueule, Ugo.

 

(Pas de réponse. Matteo, Julien et Ugo se regardent.))

 

Clara – Eh bien ?

 

(Un temps.)

 

Ugo – C’est dur quand même.

 

Matteo – T’es pas obligé, tu sais.

 

Quentin – J’étais pas obligé non plus de te proposer du fric.

 

Ugo – On pourrait venir quand même pour aider.

 

Matteo – Au lieu qu’il nous vire, ça compenserait.

 

Clara – J’ai dit non. Quentin seulement.

 

(Un temps. Les trois gars regardent Quentin, en attente d’une réponse.)

 

Quentin – OK c’est bon, j’accepte, bande de nazes.

 

Julien – Super ! Merci Quentin.

 

Matteo – T’es top quand même!

 

Ugo – Pas rancunier, notre Quentin.

 

Clara (à Ugo, Matteo et Julien) – J’espère que ça vous vexe pas que je vous exclue de cette… corvée.

 

Ugo – Les caprices de nana, on est habitués.

 

Clara – Au fait, Ugo, de votre côté, vous pourriez me rendre un petit service ?

 

Ugo – Hein ?  Moi ?

 

Julien – Mais bien sûr qu’il accepte !

 

Matteo – Avec joie !

 

Quentin – Il est toujours d’accord pour aider, Ugo !

 

Ugo – Attendez ! C’est quoi ? Y’avait que deux, enfin trois conditions, et puis quatre, et maintenant encore une ! Et puis c’était non pour nous trois. Pourquoi moi ? Je suis plus sous-fifre ?

 

Clara – Cette condition ne concerne que vous en particulier et, rassurez-vous, elle ne devrait pas vous demander un gros effort.

 

Ugo – C’est quoi ?

 

Clara -   Est-ce que vous pourriez demander au syndic d’afficher le règlement de copropriété dans le hall d’entrée, comme il est tenu de le faire. Demandez-lui aussi de surligner tout particulièrement le chapitre concernant le bruit.

 

(Pas de réponse.)

 

(A Ugo.) Je compte sur vous, n’est-ce pas ?

 

Julien – Dis oui, Ugo, c’est que dalle par rapport à Quentin.

 

Matteo – Juste un mot à l’oreille.

 

Ugo (à Matteo) – Toi !

 

Clara (à Ugo) – Merci Ugo. (A Quentin.) A demain donc ! (Elle commence à partir laissant les gars sans voix, et se retourne soudain.) Ah ! J’oubliais !

 

Ugo – Oh ! Putain ! Une condition en plus !

 

Clara – Pas une condition, une invitation.

 

Julien – Vous voulez nous inviter ?

 

Matteo – Méfiance, les gars, elle relance !

 

Clara – Pendant que Quentin fera le déménageur, je vous invite à aller sur Internet pour vous familiariser avec la masculinité toxique.  Il y a des tutos très bien faits sur « comment déconstruire son macho ». Très instructif, même pour vous, Ugo.

 

Ugo – Encore moi ! Faudrait voir à arrêter de me casser les couilles ce matin.

 

Clara – Justement il y a un rapport avec ce genre de choses.

 

Ugo – Le rapport avec mes choses, tu veux les voir ?

 

Julien – Ugo ! On s’détend !

 

Ugo – Et puis d’abord, c’est quoi la masculinité toxique ?

 

Clara – Vous pourrez aussi démarrer par « la politesse pour les nuls ».

 

(Elle sort.)

 

Julien – Ah ! la vache !

 

Matteo – Elle nous a parlé comme à des… des..

 

Quentin – Des sous-fifres.

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique ?

 

Julien (à Quentin) – Pourquoi tu devrais te coltiner le sale boulot tout seul ? C’est même pas toi le plus costaud, je veux dire pour déplacer des trucs dans sa cuisine et tout.

 

Matteo – Mais c’est lui qui a le fourgon de son daron. (A Quentin.) Tu devrais le remplacer ce logo, ça craint.

 

Julien – Pour écrire quoi à la place « Derbois papier cul » ?

 

Ugo – Il fait pas que le papier cul ! Au moins, lui, il a gagné du fric pendant le confinement ! (A Julien.) Pas comme toi avec tes tongs clignotantes.

 

Julien – C’est pas des…

 

Ugo – Mais t’as bien essayé de l’arnaquer !

 

Julien – Ok, bon, mais tout va s’arranger, non ?

 

Matteo – Pour toi, oui.

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique ?

 

Matteo – Et si elle cherchait autre chose que la manutention et le transport ? Moi, je confirme qu’elle le kiffe à mort, Quentin. Vous avez entendu comme elle lui a parlé de sa bosse ? (A Quentin.) Et toi qui réponds que t’en as deux !

 

Julien (à Matteo) – Et la deuxième, la faute à qui, Matteo ? En plus du reste.

 

Matteo (à Julien) – Je pensais pas aux mêmes !

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique, bordel ?

 

Julien – Justement, c’est quand Matteo fait des allusions genre les deux bosses de Quentin.

 

Ugo – Ok, d’accord, ça, j’avais capté, mais le macho à déconstruire, c’est qui ?

 

Julien – C’est les mecs qui font le ménage et les nanas qui conduisent des camions, sauf que là c’est Quentin qui va déménager et elle qui fait le ménage partout.

 

Ugo – Faut qu’on se déconstruise, nous ?

 

Matteo – T’inquiète, toi t’es déjà à moitié déconstruit.

 

Ugo – C’est vrai que Sofia, elle m’a à moitié fracassé.

 

Matteo – Je pensais pas à Sofia.

 

(Un temps.)

 

Ugo – Quentin, tu dis plus rien. C’est vrai ? Tu ne veux plus qu’on se voie ?

 

Matteo – Au final, on pourrait le comprendre.

 

Julien – On pourrait quand même lui demander de confirmer. Pour être sûrs.

 

Matteo – L’un d’entre nous pourrait lui poser la question.

 

Ugo - Toi par exemple.

 

Matteo – Pourquoi moi ?

 

Ugo – C’est quand même toi qui lui as fait le plus de mal.

 

Matteo – J’l’ai pas fait exprès ! Enfin pas pour tout !

 

Quentin – Ah bon ?

 

(Un petit temps.)

 

Ugo – Matteo ! La question ! Vas-y, merde !

 

(Un temps.)

 

Matteo (après avoir été poussé par Ugo et Julien, et s’être raclé la gorge) – Bon ben… Quentin… Euh, au nom des autres et en mon nom aussi bien sûr, je voudrais te demander si tu accepterais de nous pardonner pour toutes nos conneries.

 

Ugo – Pour les vôtres surtout.

 

Julien – Ta gueule.

 

Matteo – Bon bref, si tu accepterais nous pardonner pour toutes nos conneries et de continuer à nous voir…  de temps en temps… malgré tout ? Parce que… le poker et tout… et puis… enfin… voilà quoi.

 

Ugo – C’est toi qui voulais faire avocat au début ?

 

Matteo – Eh ben, vas-y toi !

 

Julien – Quentin, putain, nous laisse pas nous enfoncer dans ce merdier.

 

(Un temps. Ils se regardent.)

 

Quentin – Dites donc, les sous-fifres, qu’est-ce que vous diriez d’un petit poker pour oublier tout ça ?

 

            (Un temps de surprise)

 

Quentin – Le poker, vous savez un jeu de cartes avec des trèfles, des carreaux et des trucs comme ça dessus ? 

 

                  (Brouhaha général : « Un poker ! Super ! Quentin ! T’es génial ! »)

 

Quentin – Chuuttttt !

 

Julien – T’inquiète, le règlement n’est pas encore affiché, ni surligné !

 

Ugo – Oui, bon.

 

                      (Ils gloussent.)

 

Julien – Une condition ! On joue pas avec du fric !

 

Ugo – Ben non ! On n’en a pas !

 

Matteo – On s’en fout ! Le poker d’abord!

 

Julien (commençant à scander) - Le poker ! Le poker !

 

Matteo et Ugo (enchainant très fort) – Le poker ! Le poker !

 

Quentin – Chuuttt !

 

Ugo – Putain, Quentin, ça va pas être cool si on peut plus faire le bocson chez toi à cause de ta Clara !

 

Quentin – C’est pas « ma » Clara.

 

Julien – Faut pas oublier qu’elle va nous rendre service quand même.

 

Matteo – Elle va TE rendre service.

 

Ugo – J’ai une idée ! Elle vaut ce qu’elle vaut, mais bon.

 

Quentin – Vas-y.

 

Ugo (presque hésitant) – On pourrait aller chez Serge.

 

Julien – Mais oui ! C’est une super bonne idée.

 

Quentin (à Ugo) – T’es sûr ?

 

Ugo – Il est pas censé savoir que je vous ai parlé, je veux dire pour… enfin pour…

 

Quentin – Te fatigue pas ! Chez Serge ! Adopté à l’unanimité !

 

Julien – Yes !

 

Matteo (à Julien) – Tu t’en tires bien, toi !

 

Julien (à Matteo) – Toi aussi, non ?

 

Matteo – Yes !

 

(Matteo et Julien se font un « give me five » puis se mettent à brailler en ramassant les cartes et les bouteilles.)

 

Ugo (en ramassant aussi quelques affaires) - Pour les chaussettes, vous direz rien ! Eh ! Les mecs ! Promettez-moi ! Vous direz rien pour le reste non plus !

 

Julien – T’inquiète ! Botus et mouche cousue !

 

(Il sort en riant.)

 

Matteo (à Quentin) – T’es trop cool d’avoir accepté de te sacrifier pour cet enfoiré.

 

(Il sort. Ugo et Quentin continuent à ramasser quelques affaires.)

 

Ugo – Des fois Matteo et Julien ils abusent.

 

Quentin – Je sais.

 

Ugo – Pourquoi t’as accepté ce deal avec Clara?

 

Quentin – C’est grave la crise avec Sofia ?

 

Ugo – Merci de demander. J’apprécie, parce que les autres, pour la compassion, vaut mieux pas compter sur eux.

 

Quentin – Alors ?

 

Ugo - Elle m’a foutu à la porte de chez elle.

 

Quentin – Ça va durer longtemps ?

 

Ugo – Ça dépend. Parfois deux jours, parfois plus. Mes parents en ont marre de me voir débarquer chaque fois comme un con.

 

Quentin - Tu peux rester ici, si tu veux.

 

Ugo – C’est gentil, mais ton canapé… (Il fait une grimace de dégoût.), surtout après Matteo.

 

Quentin – Je ne pensais pas au canapé.

 

(Regard interrogateur de Ugo.)

 

Quentin – Moi, je les garde pas mes chaussettes.

 

            (Un petit temps de surprise. Rires et ils sortent.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène I :

 

Julien

Matteo

 

(Allongé sur ce canapé, face public, Matteo qui y a passé la nuit, tout habillé et qui dort encore. Derrière le canapé apparaît la tête de Julien, qui lui non plus n’a pas l’air très frais. Il a un coussin sous le bras. Après avoir vu Matteo sur le canapé, il regarde autour de lui, s’approche de la table et semble chercher quelque chose. Matteo ouvre les yeux, se redresse péniblement et voit Julien qui est de dos.)

 

Matteo (embrumé) – Salut.

 

Julien (sursautant) – Oh putain !

 

Matteo (regardant autour de lui) – Hein ? Quoi ?

 

Julien (s’approchant du canapé) – C’est toi, tu m’as fait peur. J’pensais que tu dormais.

 

Matteo – Ouais, moi aussi.

 

Julien – Putain, ta gueule. Ça craint.

 

Matteo – T’as pas vu la tienne !

 

Julien – Ben quoi ?

 

Matteo – Complètementdéformée on va dire.

 

Julien – C’est parce que tu me vois d’en bas. C’est mon mauvais angle. C’est ton haleine cette odeur infecte ?

 

Matteo – Non, c’est la tienne. Ça s’échappe vers moi quand tu parles.

 

(Julien met la main devant sa bouche pour sentir son haleine.)

 

Julien – Non, c’est pas moi.

 

Matteo– Ok, mais arrête de parler et expire par le côté, ok ?

 

            (Ils regardent autour d’eux.)

 

Matteo – Et Quentin ?

 

Julien – Pas vu. Moi aussi j’comatais.

 

(Matteo essaie de se lever, mais se rassied aussitôt avec une grimace.)

 

Matteo – Quelle heure il est ?

 

JulienSais pas.

 

(Chacun cherche son téléphone dans sa poche.)

 

Julien (regardant son téléphone, en riant) – Oh oh !

Matteo (regardant son téléphone) – Batterie à plat ! Fait chier ! (Avec une grimace.) Oh putain ! Ça tangue.

 

Julien – Tu devrais prendre un Doliprane. Et un pour moi parce que moi aussi j’ai mal.

 

Matteo – C’est où ?

 

Julien – Le dos et le cou. C’est pas cool de dormir par terre.

 

Matteo – Oui, mais le Doliprane, c’est où ?

 

Julien – Merci de compatir.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (lui indiquant la direction) - Doliprane, salle de bains. Tu vas pouvoir ?

 

Matteo – Tu veux pas y aller pour moi ?

 

Julien – Non. T’as pris le canapé, maintenant tu bouges.

 

Matteo – Merci de compatir.

 

(Matteo se lève avec difficulté et se dirige vers le côté jardin.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Doliprane salle de bains.

 

Julien (indiquant le côté cour) – L’autre côté.

 

Matteo – Hein ?

 

Julien (désignant le côté cour) – Salle de bains, Doliprane, par là.

 

Matteo – T’es sûr ?

 

Julien – Arrête de faire le con pour que j’y aille à ta place.  Tu le sais très bien, même si « ça tangue ». Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

 

Matteo – Ok, j’vais en profiter pour aller pisser un coup.

 

(Matteo sort.)

 

Julien (répétant pour lui) - Salle de bains Doliprane, cuisine, chambre Quentin, par là.

(Désignant l’autre sortie.) Couloir, rue, gens, monde réel, emmerdements, par là.

(Il fait quelques mouvements pour s’étirer péniblement, va vers la table, prend un papier qui traînait, le regarde, n’en croit pas ses yeux, semble faire un effort pour se souvenir.)

Emmerdements ici aussi.

 

(Matteo revient avec la boîte de Doliprane à la main.)

 

Matteo – Bingo !

 

Julien (surpris, chiffonnant le papier et le cachant comme il peut) – Hein ?

 

Matteo – Le Doliprane ! C’était bien dans la salle de bains.

 

Julien – Ben oui.

 

(Matteo regarde sur la table, comme pour chercher quelque chose.)

 

Matteo – Y aurait pas un… ?

 

Julien (d’une façon brusque) – Non y’a rien !

 

(Matteo le regarde, surpris.)

 

Julien – Tu voulais quoi, là ?

 

Matteo – Un verre propre. Pour le Doliprane.

 

Julien – Les verre propres, c’est dans la cuisine.

 

Matteo – Ben oui. Dans la cuisine.

 

(Il remarque que Julien est troublé.)

 

Matteo – Qu’est-ce que t’as ?

 

Julien – Moi ? Rien. Pourquoi ?

 

Matteo (faisant un geste vers le visage de Julien) - T’es tout...

 

Julien – Déformé, je sais. Comme toi.

 

(Un temps de gêne.)

 

Julien – La cuisine, par là. En face de la salle de bains.

 

Matteo – Je sais, j’y vais. Le verre propre. Et de l’eau. Tu crois que c’est bien conseillé de boire de l’eau tout de suite après la bière et la vodka ?

 

Julien – C’est pas « tout de suite après ».

 

Matteo – Je sais (Il ricane bêtement.)

 

(Il sort avec la boîte de Doliprane.)

 

Julien (bas, pour lui) – Connard.

 

(Après un instant, Julien sort le papier de sa poche, le pose sur la table et le lisse pour vérifier ce qu’il y a lu. Il le prend rageusement, le déchire en deux et le remet prestement dans sa poche.)

 

Julien – C’est pas vrai. Quel con ! Mais quel con !

 

(Matteo revient avec un verre d’eau et avale deux Doliprane. Matteo met prestement le papier dans sa poche.)

 

Matteo – Y’a un truc pas normal quand même.

 

Julien – Tout est normal, c’est bon ! Et le mien ?

 

Matteo – Le mien quoi ?

 

Julien – Mon Doliprane. Je t’ai demandé d’en prendre un pour moi aussi.

 

Matteo – Ben je viens de les prendre.

 

Julien – Les deux ?

 

Matteo – Ben oui. Un pour moi, un pour toi.

 

Julien – Putain, Matteo, tu fais chier.

 

Matteo – J’ai laissé la boîte dans la cuisine. Tu peux y aller si tu veux.

 

Julien - Tu fais vraiment chier.

 

Matteo – Je sais. Mais par contre, ce que je sais pas c’est pourquoi Quentin il est pas dans sa chambre.

 

(Un temps.)

 

Julien – Quentin n’est pas dans sa chambre.

 

Matteo – Ben non. Les draps sont défaits mais il est pas dedans. Ni dessus.

 

Julien – Il est peut-être en train de prendre une douche, je sais pas moi.

 

Matteo – Salle de bain, Doliprane seulement, et chambre, draps défaits, lit vide, pas de Quentin.

 

Julien – Il est peut-être sorti faire un tour pendant qu’on comatait.

 

Matteo – Sorti faire un tour, avec ce qu’il tenait hier soir ! Comme il s’est pris la tête avec ce con d’Ugo qui voulait qu’on se finisse avec un strip poker. Toujours prêt à montrer son cul celui-là.

 

Julien (faiblement) – Ouais.

 

Matteo – Mais on n’a pas fait de strip poker.

 

Julien (répétant pour lui) – Non, on n’a pas fait de strip poker.

 

Matteo – Malheureusement pour toi.

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – T’aurais peut-être préféré te retrouver à poil plutôt que…

 

Julien – Plutôt que quoi ?

 

Matteo - En vrai, tu t’es quand même retrouvé à poil, non ?

 

Julien – Hein ?

 

Matteo – Le papier que t’as signé, ne me dis pas que tu t’en souviens pas.

 

Julien – Quel papier ?

 

Matteo – Celui qu’était sur la table et qui n’y est plus.

 

Julien – Je vois pas de quoi tu veux parler.

 

Matteo – Ne me prends pas pour un con, Julien. J’ai peut-être la gueule de bois mais (Désignant sa tête du doigt.) mais ça fonctionne quand même dans les neurones.

 

Julien – Ça n’a aucune valeur, on avait bu !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – On était bourrés ! Ça compte pas !

 

Matteo – Dette de jeu, dette d’honneur.

 

Julien – Arrête avec ça, c’est nul !

 

Matteo – Ah oui ? L’honneur, c’est nul ?

 

Julien – L’honneur, c’est quand on est clair dans sa tête.

 

Matteo – T’as signé !

 

Julien – Ça vaut rien !

 

Matteo - C’est ce que tu vas lui dire à Quentin, quand il reparaîtra.

 

Julien – Il s’en souviendra pas !

 

Matteo – Admettons. Et Ugo ?

 

Julien – Je nierai ! De toute façon, y’a pas de preuve.

 

Matteo – Tu l’as mis où ?

 

Julien – Quoi ?

 

Matteo – Ben le papier.

 

Julien – Il existe plus ! Il a jamais existé.

 

Matteo – Ben moi, je pense qu’il a existé, et même qu’il doit continuer à exister quelque part, (S’approchant de Julien.) Où tu l’as mis ?

 

Julien - Dans ton cul !

 

Matteo – Ah non ! Le cul, c’est Ugo.

 

Julien (se reculant) – T’es pas obligé de le dire aux autres !

 

Matteo – Ça supposerait que je nie moi aussi.

 

Julien – Ça te coûterait quoi ?

 

Matteo – Y’a des choses qu’on doit pas se faire entre potes, c’est tout.

 

Julien – J’ai pas le fric, voilà.

 

Matteo – T’as pas le fric voilà.

 

Julien – Non, j’ai des problèmes en ce moment.

 

Matteo – T’es pas le seul. Mais on a tous joué et toi t’as signé.

 

Julien – Bon ça va.

 

Matteo – Juste une question : si tu avais gagné, toi, tu aurais accepté que les autres perdent la mémoire ?

 

Julien – Tu pourrais être un peu plus solidaire, non ?

 

Matteo – Pourquoi je serais solidaire ?

 

Julien – Tu veux que je te donne une bonne raison ?

 

Matteo – Essaie toujours, on verra bien.

 

Julien – J’te préviens, ça va m’obliger à te dire quelque chose qui va pas te plaire.

 

Matteo – Ah oui ?

 

Julien – Ecoute, Matteo, tu leur dis qu’ils ont halluciné et on n’en parle plus.

 

Matteo – Hallucination collective à la bière/vodka, peu crédible, mais bon. Et ce qui va pas me plaire, c’est quoi ?

 

(Un temps.)

 

Julien – Tu l’auras voulu. Si tu me suis pas, je dis tout à Quentin pour toi et Véro.

 

(Un temps.)

 

Matteo – Tu lui dis quoi ?

 

Julien – Tu sais très bien de quoi je parle.

 

Matteo – Non, pas du tout.

 

Julien – J’vous ai vus vous tripoter à la terrasse du Morrison, ça te suffit ?

 

Matteo – Tu nous as vus ?

 

Julien - Vous auriez pu faire plus discret. A la terrasse d’un pub… Franchement.

 

Matteo – C’était pas nous ! Tu… tu as confondu !

 

Julien – Faire ça à Quentin. Tu te sens pas un peu gêné ? Ce serait pas le genre de chose qu’on doit pas se faire entre potes, ça ? Enfin, moi je dis ça je dis rien.

 

Matteo – Justement, dis rien, tu connais pas toute l’histoire et c’est pas parce que…

 

                                    (Sonnette.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène II :

 

Julien

Matteo

Clara

 

 

Julien – C’est peut-être Quentin qui rentre.

 

Matteo – Quand tu rentres chez toi, tu sonnes à ta porte, toi ?

 

Julien – Il a peut-être oublié ses clés. Tu devrais aller voir.

 

Matteo – Pourquoi moi ?

 

Julien – Vous vous partagez la même nana, tu peux aussi le remplacer pour aller voir qui sonne à sa porte, non ?

 

Matteo – Enfoiré !

 

(Sonnette à nouveau. Un temps. Matteo s’apprête à sortir pour aller ouvrir.)

 

Julien – Matteo !

 

Matteo – Quoi ?

 

Julien – N’oublie pas. C’est donnant donnant.

 

(Matteo sort côté jardin. Julien reprend le papier qu’il avait fourré dans sa poche, cherche où il peut s’en débarrasser, ne trouve pas, puis il sort du côté de la chambre.)

 

Matteo (dans les coulisses) – Puisque je vous dis qu’il n’est pas là.

 

Clara (dans les coulisses) – Je ne vous crois pas !

 

Matteo ((dans les coulisses) - Mais qu’est-ce que vous faites ? Je vous ai pas dit d’entrer !

 

Clara – J’ai décidé que j’allais parler à M. Derbois, je parlerai à M. Derbois !

 

(Elle entre, très décidée et s’arrête en voyant le désordre.)

 

Matteo – Mais non ! Vous ne…

 

Clara – Oh mon dieu !

 

Matteo – Quoi ?

 

Clara – Alors, c’est ici que ça se passe.

 

Matteo – Attendez, vous…

 

Clara – Et j’imagine que vous faites partie de la bande.

 

Matteo – Quelle bande ?

 

Clara – Il n’y a qu’à voir la tête que vous avez, ça ne fait aucun doute.

 

Matteo – On va tout recommencer. Vous allez retourner devant la porte, je vais la fermer derrière vous, la porte, vous allez sonner, mais je n’irai pas ouvrir, ok ?

 

Clara – C’est encore pire que ce que j’imaginais.

 

Matteo – Je sais pas ce qui vous dérange ici, mais si c’est vraiment à ce point, il suffit de fermer les yeux, ou mieux encore de retourner à la case départ, je sais pas où, mais je sais que c’est par là.

 

(Il lui montre la direction de la porte.)

 

Clara – Je ne partirai pas d’ici sans avoir parlé à M. Derbois.

 

(Julien revient et s’arrête.)

 

Julien (désignant Clara) - C’est qui ?

 

Matteo – Bonne question.

 

Clara – Je suis la personne qui viens d’emménager juste en dessous, et je viens vous avertir que je ne tolérerai pas une fois de plus le tapage que vous avez fait la nuit dernière avec votre… bande.

 

Matteo – Ok, d’accord. Merci pour l’explication, maintenant vous pouvez disposer, on transmettra à M. Derbois. Dès qu’il rentrera, on lui transmettra.

 

Clara – Pardon ?

 

Matteo (détachant les mots, comme s’il parlait à une sourde) – Quand M. Derbois rentrera, on lui transmettra.

 

Clara (désignant Julien) – Mais…

 

Matteo – Non, lui, ce n’est pas M. Derbois. C’est Julien. Julien l’enfoiré.

 

Julien (à Matteo) – Toi…

 

Clara (à Matteo) – Alors c’est vous et vous me mystifiez, depuis le début.

 

Matteo – Ah non, pas plus que lui.

 

Clara – Pourtant c’est bien vous qui m’avez ouvert la porte, non ?

 

Julien – Bonne déduction.

 

Clara – Je vous préviens, si vous vous payez ma tête tous les deux, ça risque de vous coûter très cher !

 

Matteo – On vous a déjà dit qu’il était sorti, M. Derbois.

 

Clara (à Julien) – Ce n’est pas vous, vous confirmez.

 

Julien – Non, c’est pas moi, mais (désignant Matteo) lui aussi c’est un enfoiré !

 

Clara – Quelle confusion ! Quelle vulgarité !

 

Matteo – Oui, c’est ça, et maintenant, vous allez rentrer gentiment chez vous.

 

Clara – Pas question. Puisque personne ici n’admet être Monsieur Derbois, je vais attendre. Et je resterai le temps qu’il faudra.

 

(Elle prend une chaise qu’elle époussette et s’assied.)

 

Clara – Vous m’avez empêchée de dormir une bonne partie de la nuit. A mon tour de vous pourrir la vie.

 

(Un temps. Il est clair que Clara est très déterminée.)

 

Matteo (à Julien) – Dis quelque chose, toi.

 

Julien – Tu es au courant que la porte des chiottes est bloquée ?

 

Matteo – Ah bon ?

 

Julien – Tu n’en étais pas aperçu ?

 

Matteo – Ben non.

 

Julien – T’es pas allé pisser tout à l’heure ?

 

Matteo – Ben si, mais ça urgeait et j’ai pissé dans le lavabo de la salle de bains.  T’as qu’à faire comme moi si t’as envie.

 

(Réaction dégoûtée de Clara.)

 

Mais si ça te dégoûte de passer après moi, t’as aussi l’évier de la cuisine.

 

           (Matteo se dirige vers le côté cour.)

 

Julien – Où tu vas ?

 

Matteo – Prendre un autre Doliprane. Et je t’invite à me suivre. On a une conversation à finir. Sans témoin.

 

(Il sort côté cour.)

 

Julien (après avoir hésité, à Clara) – Euh… excusez-moi, juste une question. Est-ce que les toilettes marchent chez vous ?

 

Clara – Chez moi, tout est normal, Monsieur, mais si vous voulez me demander d’aller chez moi pour utiliser mes toilettes parce que celles de M. Derbois sont bouchées, c’est non. Sans compter que je ne suis pas sûre que ce ne soit pas vous, M. Derbois. Rien n’est clair ici.

 

Julien – Les chio… Les toilettes ne sont pas bouchées, c’est la porte qui est bloquée. Et je ne suis pas M. Derbois.

 

Clara – C’est non.

 

Julien – C’est juste un papier à jeter.

 

Clara – Un papier. Pour boucher mes toilettes à moi aussi !

 

Julien – Juste un petit papier de rien du tout !

 

Clara – Quel genre de papier ?

 

(Julien sort du côté cour, exaspéré.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène III :

 

Clara

Ugo

 

(Clara regarde autour d’elle, elle fait le tour de la pièce avec un air désapprobateur.     Entre Ugo par le côté jardin. Il s’arrête net en la voyant.)

 

Clara – Ah ! Vous voilà enfin !

 

Ugo – Euh…

 

Clara – Je n’irai pas par quatre chemins. Je suis tout simplement scandalisée par ce qui s’est passé ici cette nuit.

 

Ugo – Oui, bon. Où est Quentin ?

 

Clara – Qui est Quentin ?

 

Ugo – Euh… Vous êtes chez lui, vous devriez le savoir.

 

Clara – Vous êtes M. Derbois, n’est-ce pas ?

 

Ugo – Ah non, pas du tout. M. Derbois, c’est Quentin. Moi, c’est Ugo.

 

Clara – Vous n’êtes pas M. Derbois.

 

Ugo – Pas du tout.

 

Clara – Je ne vous crois pas. Vous essayez de m’abuser. Comme les autres !

 

Ugo – Hein ? Quoi ? Quels autres ?

 

Clara – Ne me poussez pas à bout ! Ne me poussez pas à bout !

 

Ugo (secouant la tête de droite à gauche) – Putain ! J’le crois pas ! Ici aussi !

 

Clara - Si vous n’étiez pas M. Derbois, vous auriez sonné. Or vous êtes entré directement, sans sonner. Donc vous êtes M. Derbois.

 

Ugo – C’est quoi ce raisonnement à la con ?

 

Clara – Moi, j’ai sonné.

 

Ugo – Pourquoi ? Vous aviez peur qu’on vous confonde avec M. Derbois ?

 

Clara – Je… J’ai… Soyez correct ! Je suis correcte, moi.

 

Ugo – Sauf que vous me sautez dessus comme une hystérique, alors que je ne vous connais même pas !

 

Clara – Cessez ce genre d’insulte machiste ! Je suis simplement et légitimement furieuse contre M. Derbois !

 

Ugo – Je suis rentré parce que la porte était entrouverte, mais je ne suis pas M. Derbois. C’est clair ?

 

Clara – Les deux hommes à qui j’ai eu affaire jusqu’à maintenant ont prétendu qu’il allait rentrer, mais il est possible que l’un d’eux mente, avec la complicité de l’autre, bien sûr, parce qu’ici c’est pétaudière et compagnie.

 

Ugo – Où ils sont ces « deux hommes » ?

 

Clara – Dans la cuisine en train de faire des saletés, parce qu’en plus, ils ont bouché les toilettes et ils voudraient jeter leur papier dans les miennes !

 

            (Ugo se dirige d’un pas décidé du côté cour, mais se retourne.)

 

Ugo – Et vous, c’est qui déjà ?

 

Clara – Une personne mécontente, ulcérée contre… contre vous ! Car, qui que vous soyez, c’est évident que vous aussi vous faites partie de la bande d’hier soir ! Vous sentez l’alcool à dix kilomètres !

 

Ugo– Vous voudriez pas y aller à dix kilomètres, juste pour vérifier.

 

Clara – Vos amis ont voulu se débarrasser de moi ! Mais je suis toujours là et je compte bien y rester jusqu’à ce que je voie Monsieur Derbois. L’opiniâtreté, je connais, croyez-moi.

 

Ugo – Moi j’le connais pas. C’est quoi votre problème à vous ?

 

Clara – Le tapage toute la nuit ! J’habite en dessous ! Ces cris, que dis-je ? Ces hurlements d’animaux, c’était… c’était intolérable.

 

Ugo – Putain ! elles nous font toutes la misère, même à domicile !

 

Clara – C’est vous qui m’avez importunée jusqu’à mon domicile !

 

Ugo – Vous avez pas encore compris que les mecs, de temps en temps, ils ont besoin de se retrouver entre eux pour boire des canons et décompresser. Et pourquoi ils veulent décompresser ? Parce que les nanas les font chier !

 

Clara – Monsieur, je ne vous permets pas…

 

Ugo – J’ai pas besoin de votre permission pour vous dire ce que je pense ! Et on ne vous demandera pas la permission non plus pour continuer à faire le bocson deux fois par mois, enfin deux fois les mois pairs. Les mois impairs c’est trois fois, vous devriez le savoir depuis le temps !

 

Clara – Je viens juste d’emménager et...

 

Ugo – Eh ben va falloir vous y faire, parce qu’on changera pas nos habitudes pour vous.

 

Clara – C’est une déclaration de guerre ?

 

Ugo – Exact, et si nécessaire, vous vous ferez confirmer par Quentin !

 

Clara – Vous avez tort ! Vous ne savez pas à qui vous parlez !

 

Ugo – Vous êtes présidente des féministes en colère ? Vous avez des « relations » c’est ça ? Un avocat ? Un policier ? Le syndic ? Oui, c’est ça, vous couchez avec le syndic et vous allez vous plaindre auprès de lui ! Manque de bol pour vous, lui aussi, des fois il vient jouer au poker avec nous !

 

(Il la plante là mais se ravise et revient.)

 

Et moi aussi je couche avec le syndic !

 

(Entre Matteo qui a entendu cette dernière réplique.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène IV :

 

Clara

Ugo

Julien

Matteo

Quentin

 

Ugo – Matteo !

 

Matteo – Qu’est-ce que tu fous là, toi ?

 

Ugo – Et toi ?

 

Matteo – Dormi sur le canapé. Mal dormi.

 

Ugo – Et Julien ?

 

Matteo – Par terre. Il rumine dans la cuisine.

 

Ugo (à Clara) – C’est eux « les deux hommes » ?

 

Clara – Exactement.

 

Ugo (à Matteo) - C’est bien que vous soyez là tous les trois. J’ai besoin de parler à mes potes.

 

Matteo – C’est pas le moment.

 

Ugo – Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

 

        (Matteo ne répond pas.)

 

Ugo (désignant Clara) – C’est à cause d’elle ? Elle m’a pris pour Quentin.

 

Matteo – Elle fait ça à tout le monde. Laisse tomber.

 

Ugo – Julien aussi ?

 

Matteo – Julien, c’est un enfoiré.

 

Ugo – Pourquoi tu dis ça ?

 

Matteo – Pas envie de répondre maintenant.

 

Ugo – Comme tu veux. Et Quentin, il est où ?

 

Matteo – Disparu Quentin !

 

Clara – Pfuuu… Quelle gabegie.

 

Ugo – Ecoute mon vieux, je sais pas pourquoi t’es vénère avec Julien, mais moi je suis dans la merde. Sofia vient de me pourrir sous prétexte que je suis rentré trop tard. En plus elle m’a accusé d’avoir trop bu. Elle m’a foutu à la porte.

 

Matteo – Oui, et alors ?

 

Ugo – C’est tout ce que tu trouves à m’dire ?

 

Matteo – Tu veux quoi ?

 

Ugo – Tu pourrais un peu compatir, non ?

 

Matteo – Excuse-moi mais ça commence à me souler ce matin les histoires de compassion et de solidarité !

 

Clara – Nous ne sommes plus le matin.

 

Matteo – Vous ! On vous a pas sonnée !

 

Clara – Elle a très bien réagi cette Sofia, c’est votre copine ? Votre femme ?

 

Ugo – Vous !

 

Clara – Elle est au courant que vous couchez avec le syndic ?

 

Matteo – Hein ?

 

Ugo – L’écoute pas. Elle raconte n’importe quoi.

 

Clara – C’est vous qui l’avez dit, juste avant que votre ami arrive !

 

Ugo – C’était de la provoc, espèce d’excitée du bulbe !

 

Clara – Attention à c’que vous dites ! Attention !

 

(Entre Julien.)

 

Julien – Quentin ! Il est là ! Dans les chiottes ! C’est lui qui bloque la porte ! Il est inconscient à l’intérieur ! Il gémit ! (A Ugo, surpris et d’une façon un peu brusque.) T’es là, toi ?

 

Ugo – Ben oui… bonjour quand même !

 

Julien (inquiet) – De… de quoi vous parliez avec Matteo ?

 

Ugo – Ben, de toi.

 

Clara – C’est malaisant les histoires qu’on entend ici !

 

Ugo – Personne vous oblige à écouter !

 

Clara (à Julien) – Je crois comprendre que vous avez trouvé M. Derbois..

 

Julien – Quentin ! C’est vrai, il faudrait…

 

Matteo – Oui, il faudrait… Normalement, il faudrait plein de trucs !

 

Julien – Toi ! Ta gueule !

 

(Ils se regardent de façon peu amène.)

 

Ugo – Ecoutez les mecs, si on s’embrouille entre nous, on est foutus. C’est quoi le blème ?

 

Julien – Il t’a rien dit ?

 

Ugo – Juste que t’étais un enfoiré.

 

Matteo – Je confirme. Et moi j’me tire. Assez entendu de conneries pour ce matin.

 

Clara – Nous ne sommes plus le matin.

 

(Ils se tournent vers elle, encore surpris de sa réflexion.)

 

Matteo – Ouais et ça change quoi ?

 

Clara - Votre ami est mal en point, d’après vos informations.

 

Julien – Quentin ! On peut pas le laisser comme ça.

 

Matteo – Vous avez pas besoin de moi !

 

Julien – Ouais, c’est ça, tire-toi, t’as trop la honte maintenant !

 

Ugo – Pourquoi il aurait la honte ?

 

Matteo (désignant Julien) – C’est lui qui devrait avoir honte ! Il sait que je sais.

 

Julien – Et toi, tu sais aussi que je sais.

 

Ugo – Putain ! Qui sait quoi ?

 

Clara – Quelle méli-mélo. C’est terrifiant.

 

Ugo (lui faisant signe de se taire) – Vous !

 

Julien (à Matteo) – T’es encore là ? Tu voulais pas te casser ?

 

Matteo – Si ! J’me casse. Et si tu veux un conseil, t’aurais intérêt à perdre la mémoire si tu veux que je perde aussi la mienne.

 

            (Il sort côté jardin.)

 

Ugo – Traduction ?

 

Julien – Laisse tomber.

 

Ugo – Qu’est-ce qu’il a contre toi ? C’est quoi le deal ?

 

Julien – Y’a pas de deal… Mauvaise gueule de bois, c’est tout. Ce matin, il délirait complètement. Des hallucinations même. Et toi ? T’avais un truc à dire à Quentin après hier soir ?

 

(Ugo regarde Julien avec un air interrogatif.)

 

J’veux dire : C’était prévu que tu viennes ce matin ?

 

Ugo – C’est Sofia qui a fait sa crise et qui m’a jeté parce que soi-disant je sentais l’alcool.

 

(Clara ricane.)

 

Julien – Sans blague ?

 

Ugo – Ça te gêne pas, toi, cette nana qui tape l’incruste ?

 

Julien – Grave. Mais si elle nous suit dans les chiottes, on lui demandera de ranimer Quentin, et puis voilà.

 

Clara – Je… je ne suis pas infirmière, et il est hors de question que j’aille avec vous dans les toilettes de M. Derbois, car cette fois-ci il s’agit bien de M. Derbois, n’est-ce pas ?

 

Julien – Exact. Et vous vouliez le voir de toute urgence, non ?

 

Clara – Pas dans ces conditions !

 

(Quentin apparaît sur le seuil du couloir. Il est complètement défait et titube.)

 

Ugo – Quentin ! Tu…tu…

 

(Quentin vacille dangereusement. Julien le rattrape. Ugo avance une chaise et avec Julien l’aide à s’asseoir.)

 

Julien – Ça va pas, toi, hein ?

 

Ugo – T’as besoin de quelque chose ?

 

(Quentin ne répond pas mais malgré son état il remarque la présence de Clara qui s’est levée à son entrée.)

 

Ugo – Euh… cette demoiselle voudrait te parler, mais c’est peut-être pas le moment.

 

Julien – La réanimation n’étant plus au programme, qu’elle lui dise ce qu’elle a à lui dire, comme ça, elle dégage.

 

Clara – Vous ne vous débarrasserez pas de moi aussi facilement ! Sachez-le !

 

(Quentin ne réagit pas.)

 

Ugo – Bon, moi j’vais t’faire un café, ça te fera du bien.

 

(Quentin laisse échapper un rot.)

 

Ugo – Plutôt un Perrier alors…

 

(Nouveau rot de Quentin.)

 

Ugo – Un café.

 

            (Il sort.)

 

Julien (à Clara, soutenant toujours Quentin sur sa chaise) – Faut nous laisser seuls maintenant. Vous voyez pas comme Quentin, M. Derbois, il est fracassé ?  Même si vous lui parliez, il ne capterait pas. Et puis, j’ai des choses perso à lui dire.

 

Clara – Parce que vous croyez qu’il va mieux vous « capter » que moi ?

 

(Quentin va avoir encore quelques hauts le cœur. Et il se frotte la tête.)

 

Quentin (désignant Clara) – Qui c’est ?

 

Julien – T’inquiète.

 

Clara (s’approchant de Quentin, et sans agressivité, cette fois-ci) – Je venais vous faire part d’une doléance à propos d’hier soir.

 

Quentin – Qu’est-ce qu’elle dit ?

 

Clara – Vous n’êtes pas en état, c’est évident. Ça peut attendre…

 

Julien – Ah ben non, vous nous avez fait assez chier avec…

 

Quentin (se frottant la tête) – J’ai une bosse.

 

(Tous deux le regardent.)

 

Quentin – J’ai une bosse, là.

 

(Il attrape la main de Clara.)

 

Clara – Lâchez-moi !

 

Quentin (mettant la main de Clara sur sa bosse) – C’est là !

 

Clara – Mon dieu, oui ! C’est énorme ! Il faut mettre de la pommade.

 

Julien – Je croyais que vous étiez pas infirmière.

 

Clara – Ne soyez pas stupide !

 

Julien – Attendez, vous…

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Clara – J’ai ce qu’il faut chez moi.

 

Julien – Vous avez raison, l’important, c’est de retourner chez vous.

 

Clara – Ne vous méprenez pas. Je vais chercher la pommade et je reviens. Je peux être compréhensive pour les cas difficiles, mais je n’oublie pas pourquoi je suis montée.

 

Julien – On vous ouvrira pas !

 

Clara – La porte n’est pas fermée à clé !

 

Julien – Quentin, où elles sont tes clés ?

 

(Quentin ne répond pas. Il regarde Clara. Clara sort côté jardin.)

 

Julien – Quentin, Quentin… Euh dis-moi ! Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé cette nuit ?

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Julien – Oui, mais avant la bosse, le poker, tout ça, tu te souviens ?

 

Quentin – C’est gentil d’avoir appelé une infirmière.

 

Julien – C’est pas une infirmière. Donc tu te souviens pas.

 

Quentin – De quoi ?

 

Julien – Parce que Matteo il prétend que…

 

Quentin – Que quoi ?

 

Julien – Non rien.

 

Quentin – Il est où Matteo ?

 

Julien – Parti.

 

Quentin – Il est gentil Matteo.

 

Julien – Oui, bon.

 

Quentin - Et toi aussi tu es gentil. Et Ugo aussi. J’vous aime bien tous, vous savez. J’peux t’embrasser Julien ? On s’embrasse pas assez.

 

(Il s’agrippe à Julien et désigne le canapé.)

 

Julien – Putain, tu pues la mort.

 

Quentin (désignant le canapé) - Canapé.

 

(Julien l’aide à se lever et Quentin s’effondre sur le canapé où il s’endort immédiatement. Julien le réveille en lui tapant légèrement sur l’épaule.)

 

Julien – Pour hier soir, tu te souviens de rien en vrai.

 

Quentin – Mal à la tête.

 

Julien – Super. Je veux dire : ça va passer. Ugo fait du café.

 

(Il se lève et se dirige du côté cour.)

 

Quentin – Où tu vas ?

 

Julien (tapotant sa poche) – Aux toilettes.

 

Quentin – Non ! Faut pas aller aux toilettes !

 

Julien – Mais si ! Faut que j’y aille absolument.

 

Quentin – Je comprends, mais je crois que j’ai un peu gerbé partout.

 

Julien – C’est pas grave !

 

(Il sort rapidement.)

 

Quentin – Elle va revenir bientôt l’infirmière ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène V :

 

Quentin

Véro

Ugo

Julien

Matteo

 

(Quentin reste seul un moment. Véro passe la tête. Pendant toute cette scène, Quentin ne quittera pas le canapé.)

 

Véro – Quentin…

 

Quentin (pâteux) – Véro… Oh ! Véro. T’es là toi aussi.

 

Véro – Quentin… Mon dieu, Quentin, qu’est-ce que tu as ?

 

Quentin – J’ai une bosse.

 

Véro (regardant autour d’elle) – Tu t’es encore mis dans un état lamentable. Votre soirée poker, bien sûr !

 

            (Il fait « oui » de la tête.)

 

Tu t’es encore laissé entraîner par Julien et Ugo.

 

Quentin – Et Matteo.

 

Véro (avec un soupir) – Parce que bien sûr, Matteo était là !

 

Quentin – Il est parti, Matteo.

 

Véro – Il a dormi là, hein ?

 

Quentin – Je sais pas.

 

Véro – Ecoute, Quentin, il faut qu’on parle tous les deux.

 

Quentin – Mal à la tête.

 

Véro – Si tu savais comme j’en ai assez de ces fichues soirées poker.

 

Quentin – Tu veux plus qu’on joue au poker ?

 

Véro – C’est pas le poker le problème principal, c’est… c’est toi… c’est… c’est vous. J’en ai ras’l’bol de cette situation. J’en peux plus, moi, tu comprends ?

 

Quentin – Non, pas bien.

 

Véro – Evidemment que tu ne comprends pas, mon pauvre chéri. Tu fais confiance à tout le monde, tu ne te rends compte de rien. Et puis voilà où on en est.

 

Quentin – Et puis voilà on en est. (Il se redresse et lui touche le nez.) Nez au milieu de la figure.

 

Véro – Qu’est-ce que tu dis ?

 

Quentin (lui touchant le nez à nouveau) – Nez au milieu de la figure.

 

Véro (dégageant la main de Quentin) – Arrête, Quentin. Je suis venue pour avoir une conversation sérieuse avec toi, mais je ne pensais pas te trouver aussi mal en point.

 

Quentin – Mal en point, mal à la tête.

 

Véro – Et cette haleine ! Mon dieu cette haleine !

 

Quentin – Ben oui, j’m’suis fait une bosse, mais y’a une infirmière qui va venir.

 

Véro – Hein ?

 

Quentin – Une infirmière.

 

Véro – Tu as appelé une infirmière.

 

Quentin – Non, pas moi. Les autres.

 

(Arrive Ugo avec le café.)

 

Ugo – Ben… Véro… T’es là ?

 

Véro – Bonjour Ugo. C’est quoi cette histoire d’infirmière ?

 

Ugo – Hein ? Ah oui, c’est une blague de Julien à cause de…

 

Véro – Ça  m’aurait étonné. Vous croyez que c’est bien malin de faire des « blagues » alors qu’il est complètement dans les vapes ?

 

Ugo – Eh ! Oh ! Tu te calmes !

 

Véro – Vous vous êtes bien amusés hier soir, on dirait.

 

Ugo – Ecoute, Véro, si tu es venue pour lui faire la misère, je vais te demander de t’abstenir parce que ce matin j’ai déjà eu ma dose. Alors si tu cherches une raison pour jeter Quentin, trouve autre chose, et à un autre moment.

 

Véro – Pourquoi tu dis ça ?

 

Ugo – Parce que Sofia, c’est le prétexte qu’elle a trouvé pour me virer, et on sait très bien que quand ça vous prend, c’est comme une pandémie qui nous tombe dessus tout d’un coup et toutes en même temps.

 

Véro – Tu délires ! Ça vous rend complètement débiles vos soirées poker !

 

Ugo (donnant le café à Quentin) - Tiens, Quentin, ton café.

 

Quentin – Tu veux me quitter, Véro ?

 

Véro – Il dit n’importe quoi ! (A Ugo.) Si tu as des problèmes avec Sofia, tu les gardes pour toi et tu viens pas truffer la tête de Quentin avec tes histoires.

 

Ugo – J’ai la rage, c’est tout.

 

Véro – Et moi je trouve cette situation très gênante, c’est tout.

 

Ugo – Si t’étais venue cinq minutes plus tôt, t’aurais encore été plus gênée avec l’autre folle, là.

 

Véro – Quelle autre folle?

 

Ugo – Elle se croyait chez elle, celle-là, et la leçon de morale, c’était du même genre que toi, alors maintenant, tu te couches !

 

Véro – Ugo ! Tu retires ! Tu retires tout de suite ! Tu es ignoble avec tes allusions sexuelles !

 

Ugo (à Véro) – Rien à voir avec l’interruptus ! Pour une fois, c’est pas du sexe. (A Quentin.) Explique-lui, elle joue pas au poker, elle.

 

Véro – Non, je ne joue pas au poker et je n’en ai pas l’intention. Quentin, c’est vrai : il y avait une fille ici ?

 

Ugo – Oui, mais elle aussi, je l’ai recadrée.

 

Véro – Qui était cette fille, Quentin ?

 

Quentin – Je sais pas.

 

Véro – Comment ça ? Tu ne sais pas ?

 

Quentin (avec un sourire) – Elle a touché ma bosse.

 

Véro – Tu as laissé une fille toucher ta bosse, et tu ne sais pas qui c’est.

 

Ugo – Une scène de jalousie maintenant ! Putain, Véro, lâche-le !

 

Véro – Ce n’est pas de la jalousie.

 

Ugo – C’est quoi alors ?

 

(Entre Julien en se bouchant le nez avec du papier toilettes.)

 

Julien – Et voilà ! C’était pas si terrible que ça.

 

(Voyant Véro.)

 

Véro… Tu…. (Il ne sait pas comment finir sa phrase.)

 

Ugo – Tu tombes à pic. Scène de jalousie, partie « ça craint ».

 

Julien – Qui fait une scène de jalousie à qui ?

 

Ugo – Véro à Quentin, bien sûr.

 

Julien (ricanant) – Ah bon ?

 

Véro – C’est pas drôle, Julien.

 

Julien – Dommage que Matteo soit parti.

 

Véro (après un temps) – Je… je ne vois pas le rapport.

 

Julien – Plus on est de fous, plus on rit, non ?

 

Véro – Je n’ai pas envie de rire !

 

Quentin – Elle vient bientôt l’infirmière ?

 

Véro (prenant la main à Quentin) – Ecoute, Quentin, il faut vraiment qu’on parle tous les deux.

 

(Les deux autres les observent.)

 

Véro (à Julien et Ugo) - Vous avez rien d’autre à faire, vous ?

 

Julien – Ben, ça nous intéresse ce que tu vas lui dire. Enfin, moi, tout ce qui touche à mon ami Quentin, ça m’intéresse.

 

Quentin – T’es gentil, toi, Julien.

 

Véro – D’accord, il est gentil. (Prenant la tasse de café des mains de Quentin). Et il est tellement gentil qu’il va prendre ta tasse et aller la laver dans la cuisine avec Ugo et ils ne reviendront que dans un quart d’heure.

 

Ugo – Un quart d’heure pour une tasse ! A deux !

 

(Arrive Matteo qui s’arrête sur le seuil en voyant Véro.)

 

Quentin – Matteo ! Il est là.

 

Julien – Tu es revenu pour faire une photo de famille ?

 

Matteo – Je… Je… Je crois bien qu’on m’a piqué ma caisse. J’la trouve plus.

 

Ugo – Oh putain !

 

(Long soupir de Matteo.)

 

Ugo - Tu l’avais garée où ?

 

Matteo – Ben quelque part en bas, j’me souviens pas bien.

 

Véro – Et voilà ! Tout disparaît dans les vapeurq d’alcool..

 

Julien – Ce matin, c’était encore pire, il avait des hallucinations.

 

Ugo – C’est pas possible. On te l’a pas volée. On va la retrouver.

 

Matteo – Et toi Véro, tu fais quoi, là ?

 

Véro – J’ai des choses à dire à Quentin.

 

Matteo – Quel genre ?

 

Ugo – Bon, les histoires de nana, ça peut attendre. Surtout si c’est pas ta nana à toi.

 

Matteo – Ben quand même…

 

Julien – Ben quand même.

 

Ugo (à Matteo) - D’abord ta caisse. C’est plus important. Enfin, pour toi c’est le plus important, parce que pour moi c’est mal barré avec Sofia et tout le monde s’en branle.

 

Matteo – Tu crois qu’on va la retrouver ma bagnole?

 

(Ugo pousse Matteo vers la sortie.)

 

Moi j’te dis qu’on va la retrouver. Si tu l’as garée en bas, elle est encore par là et puis c’est tout.

 

Matteo – Tu viens avec moi, alors ?

 

Ugo – Tu vois, moi, je compatis.

 

Matteo – Julien, il reste avec Véro et Quentin ?

 

Ugo – Non, Julien il va laver la tasse ! Comme Véro lui a demandé.

 

Matteo – C’est bien. Y’a aussi mon verre à laver dans la cuisine.

 

Ugo - Allez, viens !

 

Matteo (en sortant) – Tu sais, parfois Julien, il dérape. Et Véro aussi elle dérape.

 

Ugo – Elles dérapent toutes, mon vieux.

 

(Ugo et Matteo sortent.)

 

Véro – Julien ! Cuisine ! Tasse ! Vaisselle !

 

Julien – Tu me parles pas comme ça ! Je… je sais plus de choses que tu peux imaginer !

 

Véro – Quoi ? Qu’est-ce que tu sais ? A quel sujet ?

 

Julien – Au sujet d’une histoire… parallèle, un duo… clandestin. Duo, Véro… Tu veux que je continue la rime en O ?

 

Quentin (touchant sa bosse) – Bobo !

 

Véro (à Julien) – Qu’est-ce que tu insinues ? Je ne comprends pas.

 

Julien – C’est pas grave. J’en parlerai à Quentin. Entre hommes. Pour le moment, je dois laver la tasse, pas vrai ?

 

(Il sort côté cour.)

 

Véro – Julien ! Tu ne vas pas t’en tirer comme ça !

 

(Elle se lève pour suivre Julien.)

 

Quentin – Tu t’en vas, Véro ?

 

Véro – Je règle quelque chose avec Julien et je reviens. Ne bouge pas.

 

(Elle sort.)

 

Quentin – Non, je bouge pas. Je peux pas bouger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène VI :

 

Quentin

Clara

Julien

Véro

 

(Clara passe la tête.)

 

Clara – Dieu merci, vous êtes seul. (Elle entre et pose un sac poubelle par terre. Elle a un spray déodorant et un tube d’Arnica dans la main.) Ils sont infernaux vos amis.

 

Quentin – Ben non, ils sont cool. C’est gentil d’être revenue ce matin.

 

Clara – On n’est plus « ce matin », il est presque quatorze heures trente.

 

Quentin – Ah bon…

 

Clara - Je n’ai pas encore tout installé chez moi. La pommade était encore dans un carton. J’en ai aussi profité pour prendre de quoi dissiper cette odeur affreuse.

 

(Elle appuie sur le spray.)

 

Spécial lavande de Provence.

 

(Il tousse.)

 

Clara – Vous n’aimez pas ?

 

Quentin – Je suis allergique à la lavande de Provence.

 

Clara – Je suis désolée.

 

Quentin – C’est pas grave.

 

Clara – Bon maintenant, voyons cette bosse. Vous n’êtes pas allergique à l’Arnica, j’espère.

 

Quentin – Je ne sais pas, c’est quoi la Nirca ?

 

Clara – L’Arnica, pas l’Anirca. Peu importe, essayons et nous verrons bien. Si ça brûle vous me le dites tout de suite.

 

(Elle prend de la pommade, en met sur son doigt.)

 

Clara – Redites-moi ou c’est.

 

Quentin (il lui montre) – Là.

 

Clara – Ah oui.

 

(A peine a-t-elle touché qu’il crie : Aïe !)

 

Clara – Vraiment ? J’ai à peine touché.

 

Quentin – Blague ! (Il rit de bon cœur.)

 

Clara – Soyez sérieux.

 

Quentin – D’accord.

 

             (Elle continue à tamponner sa bosse.)

 

Clara – Vous semblez plus clair que tout à l’heure, c’est déjà ça.

 

Quentin – Ugo m’a fait un café. Et puis…

 

Clara – Et puis ?

 

Quentin – Pourquoi vous vous occupez de moi ?

 

Clara – Parce que.

 

Quentin – Parce que quoi ?

 

Clara – Au début, j’avais quelque chose à vous demander.

 

Quentin – Oui, au début.

 

Clara – Maintenant que vous êtes un peu plus conscient, je peux vous expliquer.

 

Quentin – Ce qui est sûr, c’est que vous n’êtes pas infirmière.

 

Clara – Je n’ai jamais prétendu être infirmière. C’est votre ami, là… Qu’est-ce qui vous fait dire que je ne suis pas infirmière ?

 

Quentin – Si vous pouviez appuyer moins fort sur ma bosse, ce serait super.

 

Clara – Oh pardon.

 

Quentin – Y’a pas de mal. Je suis sûr que l’Arca d’Annie va me faire du bien.

 

Clara – L’Arnica.

 

Quentin – Oui, la Nirca que vous êtes allée chercher dans un carton chez vous. A côté.

 

Clara – Non, juste en dessous. C’est pour ça. Cette nuit, c’était insupportable.

 

Quentin – Ah ! Vous êtes venue vous plaindre. Je comprends.

 

Clara – Dieu merci, c’est le week-end, je vais pouvoir me reposer. C’était atroce. Vraiment.

 

Quentin - Cette nuit encore plus que les autres fois ?

 

Clara – Je viens juste d’emménager. C’est la première fois que…

 

Quentin – Ah, c’est pour ça que…

 

Clara – … que j’espère ne pas avoir à subir ça une autre fois.

 

Quentin (poursuivant son idée)- C’est pour ça que je ne vous ai jamais vue avant.

Je m’en serais souvenu.

 

      (Un temps de gêne. Elle se lève, prend le sac poubelle par terre.)

 

Clara – J’étais très énervée, et même furieuse.

 

Quentin - Mais vous ne l’êtes plus, là.

 

Clara – Il faut savoir se maîtriser.  (Lui tendant le sac poubelle.) Tenez, c’est pour vous !

 

Quentin – Hein ?

 

Clara – Pour jeter toutes vos saletés. Vous direz à vos amis de ne pas brailler en le faisant.

 

Quentin (prenant le sac poubelle et le posant à côté de lui) – Merci. On fera moins de bruit la prochaine fois.

 

Clara – C’est vrai ? Promis ?

 

Quentin – Promis ! Sinon, n’hésitez pas, montez !

 

Clara – Je ne sais pas si je pourrais encore affronter ceux de votre bande quand ils sont déchaînés comme ils l’étaient cette nuit.

 

Quentin – J’étais avec eux.

 

Clara – Oui, mais en plus, eux, ils ont été odieux tout à l’heure.

 

Quentin – Je suis désolé. La prochaine fois, venez me voir quand ils ne sont pas là.

 

Clara – Vous m’avez promis qu’il n’y aurait pas de prochaine fois et donc aucune raison pour que je monte vous voir.

 

Quentin – Vous pourriez venir prendre des nouvelles de ma bosse.

 

Clara – Demain, vous n’y penserez même plus.

 

Véro (en coulisses) – Justement, c’est de ça que j’étais venue lui parler.

 

Julien (en coulisses) – Tu vas lui dire !

 

Véro (en coulisses) – Exactement !

 

Julien (en coulisses) - Tu ne peux pas lui faire ça ! Tire-toi, ça vaudra mieux pour tout le monde !

 

Véro (en coulisses) – J’ai décidé de lui parler et je vais lui parler !

 

Julien (en coulisses) – Tu bluffes ! Comme au poker ! Mais tu n’oseras pas !

 

Véro (en coulisses) – C’est ce que nous allons voir ! Lâche-moi !

 

(Elle entre et s’arrête. Julien entre derrière elle.)

 

Véro – Quentin, laisse-moi te dire que ça pue ici !

 

Clara – Lavande de Provence.

 

Véro – Je parlais pas de l’odeur, je parlais de l’ambiance. Mais l’odeur aussi !

 

Clara – C’est le mélange.

 

Véro (à Clara) – Vous êtes ?

 

Quentin – C’est ma voisine du dessous.

 

Véro – Quentin, depuis quand tu es ami avec ta voisine du dessous ?

 

Quentin – Véro, ne sois pas agressive avec elle. Elle est très serviable. Elle m’a soigné. Elle m’a mis la pommade d’Annie sur ma bosse.

 

Véro – Hein ? Qui est Annie ?

 

Clara – Arnica. Pommade Arnica. Vous connaissez peut-être.

 

Véro (à Julien) – Oui, je connais mais Je croyais que c’était une blague cette histoire d’infirmière ?

 

Clara – Je ne suis pas infirmière !

 

Quentin – Elle est pas infirmière.

 

Julien – Elle est pas infirmière.

 

Clara – Je m’appelle Clara. Et vous, vous êtes sa copine, c’est ça ?

 

Véro – Je ne suis pas sa « copine », je suis… (Elle s’arrête, embarrassée.)

 

Julien – Termine.

 

Véro – Ça ne vous regarde pas.

 

Quentin – C’est joli « Clara », tu ne trouves pas ? Elle m’a même apporté un sac poubelle pour le ménage.

 

Véro – Parce qu’en plus elle fait le ménage !

 

Clara – Je ne suis pas femme de ménage !

 

Véro (à Quentin) – « Clara », ni infirmière ni femme de ménage mais voisine du dessous, en plus de cette « nana » dont m’a parlé Ugo. Même si la jalousie peut sembler déplacée à certains, ça commence à faire beaucoup pour une seule matinée, tu ne crois pas ?

 

Quentin – Je comprends rien à ce que tu dis, Véro.

 

Véro – Moi non plus, Quentin, je ne comprends plus très bien, tu vois.

 

Julien – Raison de plus pour le laisser tranquille.

 

Véro – Toi, occupe-toi de tes affaires, ça vaudra mieux.

 

Julien – Ce qui concerne Quentin, c’est aussi mes affaires.

 

Véro – Arrête, tu vas me faire pleurer.

 

Julien – J’aimerais bien.

 

Véro – Quentin, je dois te dire quelque chose de très important, à propos de Matteo.

 

(Julien se raidit.)

 

Est-ce qu’il est vraiment impossible qu’on se parle seul à seul ?

 

Quentin – Je n’ai pas de secret pour mes amis.

 

Véro (désignant Clara) - Que tu places Julien au nombre de tes amis, je peux le comprendre, quoique, mais que tu inclues aussi cette personne…

 

Clara – Pas de souci, je m’en vais. J’ai dit ce que j’avais à dire à M. Derbois, enfin le plus urgent. Et pour le ménage, (à Véro, prenant le sac poubelle et lui tendant) eh bien vous pourrez vous en charger, n’est-ce pas ?

 

Véro (prenant rageusement le sac poubelle et le jetant par terre) – Je ne suis pas là pour ça !

 

Quentin (à Clara) – Vous pouvez rester, vous savez.

 

Clara – Nous aurons sans doute l’occasion de nous revoir.

 

(Elle se dirige côté jardin.)

 

Véro – Oui, c’est ça. Dans l’escalier ou l’ascenseur.

 

(Clara se retourne.)

 

Clara - Au fait, je ne suis ni infirmière, ni femme de ménage, mais inspectrice à la direction générale des finances publiques, inspectrice des impôts si vous préférez. Au revoir.

 

(Elle sort.)

 

Véro – Non mais vous avez entendu ce ton ? Pour qui elle se prend celle-là ?

 

Julien – Inspectrice des impôts…  Oh ! Eh ! Eh !

 

(Il se dirige vers la sortie et se retourne.)

 

Elle est inspectrice des impôts ! Quentin, ne…  Véro, ça sert à rien de… Je reviens. Mademoiselle ! Clara !

 

(Il sort.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène VII :

 

Quentin

Véro

Ugo

Matteo

 

 

Quentin – Qu’est-ce qu’il a ? Pourquoi il est parti ?

 

Véro – C’est beaucoup mieux comme ça. Parfois il est bizarre, Julien.

 

Quentin – Tu trouves ?

 

Véro – Oui, un peu trash, et tout.

 

Quentin – Toi, tu as été un peu rude avec… Clara.

 

Véro – On s’en moque de Clara ! C’est personne, Clara.

 

Quentin – Ben quand même…

 

Véro – Et il n’y a pas que lui.

 

Quentin – Hein ? Lui qui ?

 

Véro – Il n’y a pas que Julien qui n’est pas très clair en ce moment.

 

Quentin – Tu as raison, je me sens un peu largué.

 

Véro – Largué ?! Pourquoi tu dis ça ?

 

Quentin – Ben… C’est toi qui me l’as dit tout à l’heure en voyant ma tête.

 

Véro – Je n’ai pas dit que tu étais « largué » Quentin, j’ai dit que… enfin je ne me souviens pas de ce que j’ai dit exactement, mais je ne parlais pas de toi.

 

Quentin – Ah bon. Tu parlais de qui ?

 

Véro – Quand je suis arrivée, je parlais bien de toi, mais là, maintenant non.

 

Quentin – Maintenant, c’est qui ?

 

Véro - Julien. Il t’a parlé, oui ou non ?

 

Quentin – Julien… Parlé de quoi ?

 

Véro – Arrête de faire l’idiot et réponds à ma question : est-ce que Julien t’a parlé de Matteo ?

 

Quentin – Matteo ? Qu’est-ce que…

 

Véro – Oui Matteo. On parle de Matteo, là.

 

Quentin – Je croyais qu’on parlait de Julien.

 

Véro – Oui bon. Stop ! On arrête sinon on va pas en sortir. Quentin, je suis très gênée, tu vois, très gênée…

 

Quentin – A cause de Julien ?

 

Véro – Non, à cause de Matteo. C’est important, mais chaque fois y’en a un qui se met au milieu.

 

Quentin – Un quoi ?

 

Véro – Ben Julien, entre autres.

 

Quentin - C’est plus Matteo alors ?

 

Véro – Si ! C’est Matteo ! Ecoute moi à la fin !

 

                (Quentin la regarde avec un air perdu.)

 

Véro – Oh ! Ne me regarde pas comme ça ! C’est déjà assez difficile ! Matteo fait partie de tes meilleurs amis et il ne le mérite pas !

 

Quentin – Pourquoi tu dis ça ?

 

Véro – Parce que… parce qu’il a essayé de… de… enfin tu me comprends.

 

Quentin – Non, pas bien.

 

Véro - Il m’a poursuivie, harcelée. Pendant des jours et des jours. Et puis voilà.

 

Quentin – Et puis voilà ?

 

Véro – Oui.

 

Quentin – Matteo et puis voilà. Tous les deux alors.

 

Véro – Surtout lui !

 

Quentin – Tu lui as pas cédé ?

 

Véro – C’était impossible de résister davantage. Il était si… si…

 

Quentin – Si quoi ?

 

Véro - Il t’a trahi et il faudrait que tu arrêtes de le voir.

 

(Un petit temps.)

 

Et il faut que tu arrêtes de me voir moi aussi parce que j’ai très mauvaise conscience de ne pas t’en avoir parlé plus tôt. Ça aurait été terrible si tu l’avais appris par quelqu’un d’autre.

 

Quentin – Pourquoi ? Quelqu’un d’autre est au courant ?

 

(Pas de réponse.)

 

Quentin - Julien ?

 

(Pas de réponse.)

 

Quentin – C’est pour ça ce sac de nœuds tout à l’heure ?

 

Véro – Il nous a surpris ! Il était prêt à tout te dire ! Sans aucun tact, bien sûr.

 

Quentin – Et donc tu as préféré prendre les devants pour y mettre les formes.

 

Véro – Oh ! j’ai tellement honte, mon pauvre chéri.

 

(Un temps.)

 

Il faut qu’on fasse une pause toi et moi. Que je me lave de tout ça, tu comprends ?

 

Quentin – Juste une question : lui aussi, tu vas arrêter de le voir ?

 

Véro – Je t’ai tout dit, Quentin, et toi, si tu as une aventure avec cette Clara, mieux vaut me le dire tout de suite.

 

Quentin – Qu’est-ce que…

 

Véro – Si tu crois que je n’ai pas remarqué comment elle te regardait et comment toi, tu la regardais aussi. Je sais, après ce que je viens de te dire, je ne devrais pas faire ce genre de remarque, mais en même temps…

 

(Arrivent Matteo et Ugo.)

 

Ugo – Bon, ben, faut se rendre à l’évidence. Elle est plus là sa bagnole, on lui a vraiment volée.

 

Matteo – Trop la haine.

 

Véro – Matteo, j’ai tout dit à Quentin ! Qu’il fallait que nous prenions du recul, lui et moi. Qu’il ne fallait plus qu’il me voie. Ni toi non plus. Pendant quelque temps du moins.

 

(Matteo s’est assis, effondré.)

 

Ugo – Hein ?! Quoi ? Qu’est-ce qu’elle dit ?

 

Quentin – Tu as bien entendu.

 

Ugo (à Matteo) – En vrai, elle te prévient qu’elle veut larguer Quentin, c’est ça ?

 

Véro – Prendre du recul ! Prendre du recul !

 

Ugo – Et pourquoi elle te le dit à toi ? Comme si t’étais pas assez dans la merde avec ta bagnole, comme moi avec Sofia mais en moins gore, parce qu’avec Sofia…

 

Véro – Je suis désolée de te rendre toi aussi témoin de ce moment difficile, Ugo, mais c’est comme ça. Je n’ai pas choisi.

 

Ugo – C’est quoi le problème ici ? Pourquoi il pourrait plus le voir ou te voir, ou nous voir ? J’ai pas tout compris.

 

Véro – C’est compliqué, voilà.

 

Ugo – Non, ça, j’ai compris : Tu largues Quentin !

 

Véro – Ce n’est pas si simple que ça.

 

Ugo – C’est jamais si simple que ça avec vous, les nanas. Y’a que le résultat qu’est simple : à la première occasion, vous nous faites la misère ! C’est quoi le prétexte, là ?

 

Véro – Peu importe…

 

Ugo – Mais si, ça importe ! Pas question que tu profites de lourder Quentin pour nous empêcher de nous voir. Non mais oh !

 

Matteo (sortant de son marasme) – C’est pas par rapport à nous, enfin si, c’est par rapport à nous, mais pas les mêmes nous, enfin pas tous.

 

Ugo – C’est quoi ce bordel ? Quentin, dis quelque chose, merde ! On dirait que ça te concerne pas ! Elle t’a anesthésié l’infirmière ou quoi ?

 

(Quentin ne dit rien.)

 

Véro – Il est sous le choc, c’est normal.  Ce n’était pas une infirmière.

 

Ugo (à Véro) - Cette scène de jalousie que tu nous as faite tout à l’heure, c’était du ciné ?

 

Véro – Pas du tout. Je suis très attachée à Quentin, quoi que tu penses.

 

Ugo – Je pense rien, moi, je constate. Sofia, elle était enragée. Toi, tu es incohérente.

 

Véro – Je ne suis pas incohérente. Il y a une… une logique dans toute cette histoire.

 

Ugo – Une logique… Une logique… (A Matteo.) Tu la vois, toi, la logique, Matteo ? (A Véro.) Et réponds : pourquoi tu disais que Quentin doit plus le voir non plus ?

 

Véro – Justement… c’est dans la logique.

 

Ugo (à Matteo) – Ben réagis, toi ! Elle fout la merde dans notre groupe et tu restes aussi apathique que Quentin ! Faut pas se laisser faire, merde !

 

Matteo – On m’a piqué ma voiture.

 

Véro – Matteo, j’ai fait mes excuses à Quentin et tu vas faire de même, et puis nous nous séparerons.

 

Quentin – Tu m’as fait des excuses ?

 

Véro – C’était sous-entendu.

 

Ugo – Matteo, qui va se séparer de qui, bordel ?

 

Matteo – Comment je vais faire sans ma caisse ?

 

Véro (à Matteo) – Je sais que tu étais très attaché à ta voiture mais il y a en ce moment des questions plus… personnelles qui sont en jeu.

 

Quentin – Juste une question, Matteo, c’est vrai que tu l’as forcée ?

 

Véro – A quoi bon resasser ? Le mal est fait.

 

Matteo – C’est eux qui l’ont forcée, je l’avais bien fermée à clé, avec l’alarme et tout !

 

Véro – Matteo, je crois qu’il est temps de laisser Quentin. Notre présence ici doit être un supplice pour lui, et je le comprends, le pauvre chéri.

 

              (Matteo la regarde sans répondre.)

 

Véro – Matteo ! Je m’en vais !

 

Ugo – Super ! Au revoir !

 

Véro – Matteo !

 

Quentin – Tu serais pas en train de le forcer pour qu’il parte avec toi ?

 

Véro – Pas du tout. Ma voiture est en bas et j’aurais pu le raccompagner. Malgré tout.

 

Quentin – Malgré tout.

 

Véro – Décidément, les garçons, vous ne comprendrez jamais rien. Puisque c’est ça, je vous laisse entre vous, avec vos fichues soirées poker, (A Matteo.) ta voiture (A Quentin.) et Clara !

 

(Elle sort.)

 

 

Scène VIII :

 

Quentin

Ugo

Matteo

 

 

Ugo – C’est quoi ce délire ?

 

Matteo – Je suis désolé, Quentin, j’ai essayé de résister grave, mais tu peux pas imaginer comme elle m’a harcelé.

 

Quentin – Ah bon ? C’est elle qui t’a harcelé ?

 

Matteo – T’as pas idée ! Alors, tu sais ce que c’est, les pulsions, la testostérone et tout, y’a un moment où on craque. Vas-y, casse-moi la gueule ! T’as le droit.

 

Ugo – C’est pas vrai ! Je voulais pas le croire : Toi et Véro, vous. Oh ! La salope !

 

Matteo (à Quentin) – C’est con que ça se soit réglé comme ça. C’est Julien qui a tout déclenché, cet enfoiré.

 

Ugo – Pourquoi Julien ?

 

Quentin – Si Julien n’avait pas « tout déclenché », ça se serait passé comment ?

 

Ugo – Qu’est-ce qu’il à voir là-dedans, Julien ?

 

Matteo – Moi j’voulais arrêter mais j’arrivais pas à ce qu’elle me lâche. Hier, on s’est engueulés, parce qu’elle voulait pas que je vienne au poker. Normal, sans toi ni moi, pour elle c’était direct une soirée Netflix.

 

Quentin – Un peu glauque comme raccourci, non ?

 

Matteo – Oui bon. Elle m’a mis la pression genre si tu y vas, on arrête et je dis tout à Quentin. Chantage, quoi. Et voilà, elle est venue tout de suite te foutre le bocson. J’pensais pas qu’elle oserait, mais tu sais ce que c’est, les nanas quand ça leur prend, elles pètent les plombs.

 

Ugo – Et elles les pètent souvent. Moi, ce matin, Sofia…

 

Quentin (à Matteo) – C’est toi ou elle qui arrête ?

 

Matteo – Ben, je suis venu au poker ! Pour moi y’avait pas photo.

 

Ugo – Et Julien alors ?

 

Matteo – Il nous avait surpris et il voulait tout balancer pour foutre la merde entre Quentin et moi. Je me suis embrouillé avec lui ce matin à cause de ça.

 

Ugo – Pourquoi, lui aussi il est avec Véro ?

 

(Silence surpris.)

 

Ugo – J’m’attends à tout maintenant ! Si vous baisez tous les trois avec elle, pourquoi faire tant histoires ? Au lieu de vous cacher et de risquer un clash comme maintenant, vous partagez, mais pas chacun de votre côté, vous partagez ensemble, en bons potes. Tout baigne, plus besoin de se casser la gueule entre nous. On est au XXIème siècle, non ?

 

(Silence.)

 

J’ai dit une connerie ?

 

Quentin et Matteo – Oui !

 

Ugo – Sans Julien alors.

 

Matteo – Julien, c’est un enfoiré ! Il voulait se débarrasser du papier qu’il avait signé pour ce qu’il devait payer à Quentin, genre personne ne se souviendrait de rien.

 

Ugo – Les 700 euros du poker ? Moi je me souviens.

 

Matteo – Tout le monde se souvient ! Mais je l’ai surpris et c’est là qu’il m’a mis la pression pour que je dise rien, sinon il balancerait l’histoire avec Véro. Moi je pensais qu’à te protéger, Quentin.

 

Ugo – Et elle est venue tout foutre en l’air.

 

Quentin – Si on veut. Au moins les choses sont claires.

 

Ugo – Julien, il voulait baiser tout le monde, quoi. Enfin (Désignant Matteo.) toi et Quentin, enfin pas baiser comme j’ai dit tout à l’heure, enfin vous me comprenez.

 

Matteo – Tu m’en veux beaucoup, Quentin ?

 

(Pas de réponse.)

 

N’oublie pas que tu dois me casser la gueule, si ça peut aider.

 

Quentin – Le jour où on te pique ta voiture, ce serait beaucoup d’un coup, non ?

 

Matteo – Ma voiture…

 

Ugo – Y’a l’assurance quand même.

 

Matteo – Ben non, justement, j’vous ai pas dit ! J’suis un peu juste en ce moment. J’ai pas payé depuis trois mois.

 

Quentin – Et moi, j’avais pas d’assurance avec Véro.

 

Ugo – Avec les nanas, y’a jamais d’assurance. Quand elles te plantent, tu l’as dans le cul.

Matteo – Ah bon ?

 

Ugo – Ce que je veux dire, c’est que…

 

Quentin – N’insiste pas, Ugo.

 

Ugo – Excuse, mais il fait chier Matteo.

 

Matteo – J’t’assure, Quentin, Véro, c’était une putain d’erreur.

 

Quentin – Ok, et vous n’allez plus vous revoir.

 

Matteo – C’est ce qu’elle a dit.

 

Quentin – Et toi qu’est-ce que tu dis ?

 

Matteo – Je dis banco ! C’est l’occasion ou jamais. Et d’un côté, ça m’arrange parce que… (Il arrête sa phrase.)

 

Quentin – Parce que ?

 

Matteo (soudain comme saisi par une révélation) – Ma bagnole !

 

Ugo – Hein ?

 

(Un temps de stupéfaction pour Matteo.)

 

Ugo – Quoi ta bagnole ?

 

Matteo - Hier soir, je l’avais pas prise ! Maintenant, je me souviens : c’est… une collègue qui m’a déposé !

 

Quentin – Une collègue ?

 

Matteo – Ben oui… une collègue… Je… Enfin, Véro c’était que… J’t’ai dit : une erreur…

 

Ugo – Putain ! Il avait un plan C, ce con !

 

Matteo – C’est juste comme ça, de temps en temps.

 

Ugo – C’était pas la peine de m’la jouer genre offensés tout à l’heure. « De temps en temps » en même temps que Véro alors, je veux dire parallèlement ! Oh ! pardon, Quentin.

 

Quentin – C’est fini Véro.

 

            (Un temps.)

 

Matteo – Ben, moi aussi.

 

Ugo (à Matteo) – Bon, bref, ta caisse, on te l’a pas volée !

 

Matteo – Ben, non.

 

Ugo – Et tu nous as saoulés avec ça toute l’après-midi !

 

Matteo – Toi, tu nous as pas saoulés avec Sofia, peut-être !

 

Ugo – T’as même pas compati ! Rien du tout ! Alors la prochaine fois, compte pas sur moi pour faire le tour du quartier comme un con. Tu prends ton assurance et tu fais plus chier.

 

Matteo – Pas le fric pour l’assurance !

 

Quentin – Arrêtez ! Moi du fric, j’en ai !

 

Matteo – Hein ?

 

Quentin – Je pourrais t’en prêter un peu pour ton assurance.

 

Matteo – Après ce que je t’ai fait ! Tu me prêterais du fric ! Non, je mérite pas.

 

Ugo – Exact. Il doit plutôt te casser la gueule.

 

Quentin (à Matteo) – Véro, tu peux même la garder si tu veux.

 

Matteo – Oh ben non ! Maintenant que c’est réglé, on va pas remettre ça.

 

Quentin – Elle, elle l’espère en tout cas.

 

Matteo – Pas du tout ! Elle a même dit que le recul c’était aussi pour elle et moi !

 

Quentin – Elle a pourtant bien insisté pour que tu partes avec elle. Ne me dis pas que t’as pas remarqué.

 

Ugo – Double jeu, c’est classique.

 

Matteo – Elle a peut-être insisté, mais je suis resté là. Avec vous.

 

Quentin – Alors, c’est bon. Vero, c’est fini pour nous deux, point barre.

 

Ugo (à Quentin) – T’as un plan B toi aussi ?! Je le crois pas !

 

Matteo (à Ugo) – Toi, t’as bien un plan S !

 

Ugo – Tu es relou, Matteo, très relou !

 

Quentin – Pour le fric de l’assurance, faudra juste que Julien paie sa dette du poker.

 

Matteo – Oui, sauf que…

 

Quentin – Sauf que quoi ?

 

Matteo – Il m’a dit qu’il avait des problèmes avec sa boîte et qu’il pouvait pas payer. C’est pour ça qu’il voulait se débarrasser de la dette.

 

Ugo – Lui aussi des problèmes de fric, vous faites une belle paire tous les deux.

 

Matteo – On joue pas dans le même club !

 

Ugo – Oui, c’est ça : lui c’est les baise-gueule et toi c’est Pôle Emploi.

 

Quentin – N’empêche, dette de jeu, dette d’honneur.

 

Matteo – Je lui ai dit et répété.

 

Ugo – Il est toujours en train de nous taper, c’est son truc. En même temps il nous gave avec sa foutue start up. Alors, pour une fois, va falloir qu’il raque !

 

Matteo – A la base, c’est de sa faute tout ça !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène IX :

 

Quentin

Ugo

Matteo

Julien

 

(Julien entre, dépité et énervé.)

 

Julien (surexcité et essoufflé) – Complètement bornée cette nana ! En plus, elle se prend pour les impôts à elle toute seule.  J’avais juste un petit service à lui demander et puis c’est non. L’opération mains propres, c’est une obsession chez elle. Ça fait peur tellement ça brille partout. Elle doit avoir une carte de fidélité à Maison Verte. Pas comme ici, quoi. Heureusement, vous êtes là, vous.

 

Quentin – Julien, tu te calmes.

 

Julien – Tu vas lui parler ? Elle t’a à la bonne, toi. Elle a soigné ta bosse.

 

Quentin – C’est pas à elle qu’on va parler, c’est à toi.

 

Julien – Qu’est-ce qu’il y a ? C’est quoi ces têtes de zombies ?

 

(Julien est désarçonné. Il regarde vers Matteo.)

 

Julien (pointant Matteo du doigt) – Enfoiré ! Tu t’es couché !

 

Matteo – Non, c’est pas moi ! Véro a fait tapis direct et ils avaient pas perdu la mémoire. Ton deal, tu peux t’asseoir dessus.

 

(Un temps.)

 

Julien (à Matteo) – Alors Quentin sait tout pour toi et elle ?

 

Quentin (à Julien) – T’étais au courant et tu m’as rien dit !

 

Julien – Ben non… Je savais que ça te ferait de la peine.

 

Matteo – Quand tu as menacé de tout lui raconter, ça t’a pas gêné de savoir si tu lui ferais de la peine.

 

Julien – J’aurais rien dit !

 

Matteo – C’est pas vrai ! Tu étais prêt à tout avec ton marchandage merdique.

 

Quentin – Parce qu’en plus, t’as voulu m’arnaquer !

 

(Julien regarde Julien puis Matteo, incrédule.)

 

Matteo (à Julien) – T’as pas voulu détruire la reconnaissance de dettes peut-être !

 

Julien (à Matteo) – Menteur !

 

Matteo (à Julien) – Voleur !

 

(Matteo et Julien se jettent l’un sur l’autre et se battent. Ugo et Quentin interviennent pour les séparer, Ugo s’occupe de Julien et Quentin de Matteo, mais dans la mêlée Matteo donne un coup à Quentin qui tombe par terre avec un cri de douleur.)

 

Matteo – Quentin ! Excuse-moi Quentin ! C’était pour lui les coups ! Pas pour toi ! Je ne voulais pas ! C’est toi qui dois me casser la gueule, pas l’inverse ! Souviens-toi !

 

Ugo (inquiet, à Quentin) – Tu blagues, là. T’as pas mal. Hein ? T’as pas mal. Ça va pas faire une deuxième bosse quand même.

 

Quentin – Cassez-vous !

 

Matteo – Hein ?

 

Quentin – Dégagez ! Vous me dégoûtez ! Tous !

 

Ugo – J’y suis pour rien, moi, dans leurs histoires.

 

Matteo – Tout à l’heure, tu étais d’accord pour me prêter du fric, je veux dire avant la baston.

 

Quentin – Allez vous faire foutre !

 

Matteo (à Quentin, désignant Ugo) – Ben lui, c’est déjà fait.

 

Ugo – Ouais c’est ça. De toute façon, vous en avez rien à battre de mes problèmes. Y’en a pas un ici qui a prononcé une seule parole de soutien alors que Sofia m’a viré !

 

Matteo – Je parlais pas de Sofia, mais c’était bien le même verbe.

 

Ugo (parlant de Matteo) – Vire-le en premier, Quentin !

 

(Un temps.)

 

Quentin (à Ugo) – C’est vrai ? Sofia t’a viré.

 

Ugo – Oui, et personne pour me soutenir.

 

Matteo – T’aurais dû aller directement chez Serge, il t’aurait consolé, lui.

 

Quentin – Chez Serge ?

 

Matteo – T’étais pas au courant qu’ils couchent ensemble ces deux-là ?

 

Quentin – Avec Serge… Notre Serge ?

 

Ugo (à Matteo) – Maintenant t’arrête !

 

Matteo – Oui « notre » Serge. Serge, le syndic. Plan S.

 

Quentin – Ugo… Mais Sofia…

 

Matteo – Oui, c’est comme ça.

 

Ugo – C’est des conneries !

 

Matteo – C’est toi-même qui l’as dit à Clara ! Je t’ai entendu !

 

Quentin – Clara ?

 

Ugo (à Matteo) – Menteur !

 

Julien – J’vous l’avais dit ! (Désignant Matteo.) C’est qu’un menteur ! Une langue de pute !

 

(Ugo et Julien s’avancent vers Matteo, menaçants.)

 

Matteo – C’est Quentin qui doit me casser la gueule, pas vous ! Quentin ! Au secours !

 

(Sonnette qui interrompt l’action vers Matteo.)

 

Matteo (à Quentin) – Tout ça c’est pour changer de sujet ! Pour empêcher que Julien me donne le fric que tu dois me passer pour l’assurance ! Pardon ! Que tu dois me prêter ! T’es toujours d’accord, hein Quentin ? Je sais, j’suis un salaud et j’t’ai même frappé, mais c’était pas exprès. C’est à cause de Julien !

 

Julien (à Matteo) – Fils de pute !

 

Matteo (à Julien) – Connard !

 

(Un temps.)

 

Matteo - Quentin ! Pourquoi tu dis plus rien ?

 

Julien – Il peut dire n’importe quoi, ça changera pas grand-chose. Le fric, je l’ai pas. Je viens d’avoir un contrôle fiscal pour ma start up et je suis grave dans la merde.

 

Matteo – Ta super start up, c’était de la frime.

 

Julien – Je savais pas qu’il y’aurait le confinement !

 

Ugo – Ouais, t’aurais mieux fait de livrer des gods plutôt que de vendre des tongs !

 

Julien – Je vends pas des tongs ! Je vends des accessoires de mode customisés ! C’est plus classe que d’être hôtesse de caisse à Lidl !

 

Ugo – Je suis chef de rayon aux Galeries Lafayette, pas « hôtesse de caisse » à Lidl ! C’est doublement pourri ce que tu insinues !

 

(Quentin se tâte la tête.)

 

Matteo (à Quentin) – T’as encore mal, Quentin ?

 

Ugo – Ben oui, il a mal, Ducon.

 

(Pas de réponse.)

 

Julien (à Quentin) - Ta voisine, Clara, là, elle a rien voulu entendre. Elle dit qu’elle peut rien faire, mais moi je suis sûr du contraire. Peut-être que tu pourrais la convaincre, toi. T’as remarqué comme elle te kiffe à mort. Ça coûte rien d’essayer.

 

Matteo – Ben tiens !

 

Julien (à Matteo) – T’as pas compris que si personne m’arrange le coup, c’est la liquidation et la dette de Quentin, ce sera pas prioritaire !

 

(Silence.)

 

Ugo – Eh ! Quentin ! Tu dis plus rien.

 

Quentin – Vous êtes une belle bande d’égoïstes, d’hypocrites, de menteurs. Tous des enculés !

 

(Un temps. Les autres sont penauds.)

 

Matteo (regardant Ugo) – Y’en a qui le sont plus que d’autres quand même…

 

Quentin – Tous pareils. Barrez-vous !

 

(Un temps.)

 

Ugo – Bon ben, au moins c’est clair. Moi, je… je venais juste chercher un peu de secours, c’est tout.

 

Quentin – Du secours ?

 

Ugo – Oui, du secours.

 

Matteo – Pour les pompiers, c’est le 15. Ou Serge. C’est pas le même numéro mais c’est le même service, pas vrai ?

 

Quentin – C’est vrai c’t’histoire avec Ugo ?

 

Ugo – Quand j’ai des problèmes, c’est vers toi, vers vous, que je viens, (Rectifiant.) enfin que je venais.

 

(Un temps.)

 

Ugo – Bon d’accord. J’ai baisé avec Serge.

 

Matteo – Ah !  Qui c’était le menteur ?!

 

Julien – C’était juste une fois, pour voir. Comme au poker, quoi.

 

Ugo – Ouais.

 

Quentin – Et t’as vu quoi ?

 

Ugo (après un petit temps) - Il couche avec ses chaussettes.

 

(Ils se regardent. Gloussements puis fou rire général. Sonnette. Ils arrêtent de rire.)

 

Ugo – Je crois que c’est la deuxième fois.

 

Julien – Si tu veux, on peut ouvrir en partant. Puisqu’il faut qu’on parte.

 

(Sonnette plus insistante.)

 

Matteo – Si ça se trouve, c’est encore la nana du dessous qui vient se plaindre.

 

Julien – Madame Propre.

 

Ugo – On n’a pas fait de bruit, là.

 

Quentin – Et la baston, là, c’était soft ?

 

Matteo – Dans la journée, on a le droit.

 

Quentin – Le droit de me taper dessus ?

 

Matteo – Ben non.

 

Julien – Si c’est encore elle, on la vire et puis c’est tout.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène X :

 

Quentin

Ugo

Matteo

Julien

Clara

 

(Clara est entrée sur la réplique de Julien)

 

Clara – C’est bien ce que j’avais compris, vous êtes encore tous là. Et personne pour venir ouvrir mais comme la porte n’était pas fermée, me revoilà.

 

(Silence.)

 

Clara - Vous vouliez virer quelqu’un, Julien ?

 

Julien – Non… non… On se permettrait pas.

 

Clara – Il vaudrait mieux.

 

Julien – C’est nous que Quentin veut virer.

 

Matteo – On a tous un peu pété les plombs, vous voyez.

 

Clara – Je n’ai pas vu mais j’ai entendu.

 

Quentin – Désolé.

 

Clara – Ce n’est pas pour ça que je suis remontée.

 

Matteo – Ugo – Julien – Quentin (ensemble) – Ah bon ?

 

(Un temps.)

 

Clara (à Quentin) – J’ai juste une proposition à l’intention de votre ami Julien, mais qui vous concerne aussi Quentin.

 

Julien et Quentin (ensemble) – Nous… mais…

 

Clara – Je voudrais vous proposer un deal, Julien.

 

Quentin – C’est que lui alors.

 

Matteo – Allez-y ! Pour les deals, Julien c’est un pro, surtout pour les deals foireux.

 

Clara – Ce n’est pas un deal foireux et (Regardant Julien et Quentin.) c’est bien pour vous deux. Une demande assortie d’une double condition.

 

Ugo – Ouais bon. Montre ta main, ça suffira.

 

Clara – Pardon ?

 

Quentin – Ugo… Laisse-la parler.

 

Clara – Julien, j’ai réfléchi, je vais faire de mon mieux pour arranger votre affaire.

 

            (Un tout petit temps de surprise.)

 

Julien – Oh putain ! Je veux dire : sérieux ?

 

Clara - Je ne vous promets pas de résultat, mais je vais essayer.

 

Julien – Vous avez entendu les gars ? C’est trop top! (A Clara.) Merci ! Merci ! Vous êtes super cool finalement ! J’aurais pas cru parce que…

 

Clara – Parce que ?

 

Julien (faisant un geste de la tête montrant que ça avait mal démarré) – Ben… Au début… C’était plutôt mal barré.

 

Quentin – Et les deux conditions, c’est quoi ?

 

Ugo – Elle veut qu’on ne fasse plus de bruit, c’est tout.

 

Clara – Non ce n’est pas tout mais c’est effectivement une condition à rajouter aux deux autres.

 

Quentin – Qui sont ?

 

Clara – J’y viens. La première condition, Quentin, c’est que vous veniez chez moi déplacer le lave-vaisselle et la machine à laver pour que je puisse lessiver ma cuisine.

 

Quentin – Ah bon ?

 

Clara – Et la deuxième : que vous débarrassiez toute la ferraille que le précédent locataire a laissée sur ma terrasse et que vous l’emportiez à la déchetterie avec votre camionnette.

 

                                       (Un petit temps.)

 

« Derbois rénovation », c’est bien vous, non ?

 

Quentin – C’est mon père. Il est pourri ce fourgon, c’est pour ça qu’il me l’a filé. Moi, c’est les produits d’hygiène.

 

Clara – Mais vous l’utilisez.

 

Quentin - Je vois pas pourquoi ce serait moi seul qui devrais me taper cette corvée. C’est Julien qui gagne au change, non ? Il pourrait au moins s’y coller avec moi ! On pourrait tous s’y coller !

 

Matteo – Sans moi, parce que Julien…

 

Clara (à Matteo) – Sans vous, ni Julien, ni Ugo. Je m’adresse au responsable, pas aux sous-fifres.

 

              (Matteo, Julien et Ugo se regardent, assez vexés.)

 

Clara – Monsieur Derbois est le locataire ou le propriétaire de l’appartement, je ne sais pas…

 

Quentin – Locataire.

 

Clara (à Quentin) – Peu importe. C’est vous le responsable de tout ce qui se passe ici.

 

Julien – Oui, mais pour mon affaire, il faudra quand même qu’on se revoie.

 

Clara – Je demanderai à Quentin de faire l’intermédiaire.

 

Quentin – Une condition en plus, quoi.

 

Julien – Ben… c’est pour… pour…

 

Matteo (à Julien) – Pour toi. Tout ça pour toi. T’as pas la honte ?

 

(Les garçons se regardent, sans répondre.)

 

Clara – Alors ?

 

(Mutisme.)

 

Clara – Je répète donc ma proposition : Quentin est-ce que vous êtes d’accord pour venir me rendre ces services ? Disons demain matin quand vous serez complètement dégrisé.  Nous en profiterons pour faire un contrôle de votre bosse.

 

Quentin – J’en ai deux maintenant.

 

Ugo – Comme pa…

 

Julien – Ta gueule, Ugo.

 

(Pas de réponse. Matteo, Julien et Ugo se regardent.))

 

Clara – Eh bien ?

 

(Un temps.)

 

Ugo – C’est dur quand même.

 

Matteo – T’es pas obligé, tu sais.

 

Quentin – J’étais pas obligé non plus de te proposer du fric.

 

Ugo – On pourrait venir quand même pour aider.

 

Matteo – Au lieu qu’il nous vire, ça compenserait.

 

Clara – J’ai dit non. Quentin seulement.

 

(Un temps. Les trois gars regardent Quentin, en attente d’une réponse.)

 

Quentin – OK c’est bon, j’accepte, bande de nazes.

 

Julien – Super ! Merci Quentin.

 

Matteo – T’es top quand même!

 

Ugo – Pas rancunier, notre Quentin.

 

Clara (à Ugo, Matteo et Julien) – J’espère que ça vous vexe pas que je vous exclue de cette… corvée.

 

Ugo – Les caprices de nana, on est habitués.

 

Clara – Au fait, Ugo, de votre côté, vous pourriez me rendre un petit service ?

 

Ugo – Hein ?  Moi ?

 

Julien – Mais bien sûr qu’il accepte !

 

Matteo – Avec joie !

 

Quentin – Il est toujours d’accord pour aider, Ugo !

 

Ugo – Attendez ! C’est quoi ? Y’avait que deux, enfin trois conditions, et puis quatre, et maintenant encore une ! Et puis c’était non pour nous trois. Pourquoi moi ? Je suis plus sous-fifre ?

 

Clara – Cette condition ne concerne que vous en particulier et, rassurez-vous, elle ne devrait pas vous demander un gros effort.

 

Ugo – C’est quoi ?

 

Clara -   Est-ce que vous pourriez demander au syndic d’afficher le règlement de copropriété dans le hall d’entrée, comme il est tenu de le faire. Demandez-lui aussi de surligner tout particulièrement le chapitre concernant le bruit.

 

(Pas de réponse.)

 

(A Ugo.) Je compte sur vous, n’est-ce pas ?

 

Julien – Dis oui, Ugo, c’est que dalle par rapport à Quentin.

 

Matteo – Juste un mot à l’oreille.

 

Ugo (à Matteo) – Toi !

 

Clara (à Ugo) – Merci Ugo. (A Quentin.) A demain donc ! (Elle commence à partir laissant les gars sans voix, et se retourne soudain.) Ah ! J’oubliais !

 

Ugo – Oh ! Putain ! Une condition en plus !

 

Clara – Pas une condition, une invitation.

 

Julien – Vous voulez nous inviter ?

 

Matteo – Méfiance, les gars, elle relance !

 

Clara – Pendant que Quentin fera le déménageur, je vous invite à aller sur Internet pour vous familiariser avec la masculinité toxique.  Il y a des tutos très bien faits sur « comment déconstruire son macho ». Très instructif, même pour vous, Ugo.

 

Ugo – Encore moi ! Faudrait voir à arrêter de me casser les couilles ce matin.

 

Clara – Justement il y a un rapport avec ce genre de choses.

 

Ugo – Le rapport avec mes choses, tu veux les voir ?

 

Julien – Ugo ! On s’détend !

 

Ugo – Et puis d’abord, c’est quoi la masculinité toxique ?

 

Clara – Vous pourrez aussi démarrer par « la politesse pour les nuls ».

 

(Elle sort.)

 

Julien – Ah ! la vache !

 

Matteo – Elle nous a parlé comme à des… des..

 

Quentin – Des sous-fifres.

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique ?

 

Julien (à Quentin) – Pourquoi tu devrais te coltiner le sale boulot tout seul ? C’est même pas toi le plus costaud, je veux dire pour déplacer des trucs dans sa cuisine et tout.

 

Matteo – Mais c’est lui qui a le fourgon de son daron. (A Quentin.) Tu devrais le remplacer ce logo, ça craint.

 

Julien – Pour écrire quoi à la place « Derbois papier cul » ?

 

Ugo – Il fait pas que le papier cul ! Au moins, lui, il a gagné du fric pendant le confinement ! (A Julien.) Pas comme toi avec tes tongs clignotantes.

 

Julien – C’est pas des…

 

Ugo – Mais t’as bien essayé de l’arnaquer !

 

Julien – Ok, bon, mais tout va s’arranger, non ?

 

Matteo – Pour toi, oui.

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique ?

 

Matteo – Et si elle cherchait autre chose que la manutention et le transport ? Moi, je confirme qu’elle le kiffe à mort, Quentin. Vous avez entendu comme elle lui a parlé de sa bosse ? (A Quentin.) Et toi qui réponds que t’en as deux !

 

Julien (à Matteo) – Et la deuxième, la faute à qui, Matteo ? En plus du reste.

 

Matteo (à Julien) – Je pensais pas aux mêmes !

 

Ugo – C’est quoi la masculinité toxique, bordel ?

 

Julien – Justement, c’est quand Matteo fait des allusions genre les deux bosses de Quentin.

 

Ugo – Ok, d’accord, ça, j’avais capté, mais le macho à déconstruire, c’est qui ?

 

Julien – C’est les mecs qui font le ménage et les nanas qui conduisent des camions, sauf que là c’est Quentin qui va déménager et elle qui fait le ménage partout.

 

Ugo – Faut qu’on se déconstruise, nous ?

 

Matteo – T’inquiète, toi t’es déjà à moitié déconstruit.

 

Ugo – C’est vrai que Sofia, elle m’a à moitié fracassé.

 

Matteo – Je pensais pas à Sofia.

 

(Un temps.)

 

Ugo – Quentin, tu dis plus rien. C’est vrai ? Tu ne veux plus qu’on se voie ?

 

Matteo – Au final, on pourrait le comprendre.

 

Julien – On pourrait quand même lui demander de confirmer. Pour être sûrs.

 

Matteo – L’un d’entre nous pourrait lui poser la question.

 

Ugo - Toi par exemple.

 

Matteo – Pourquoi moi ?

 

Ugo – C’est quand même toi qui lui as fait le plus de mal.

 

Matteo – J’l’ai pas fait exprès ! Enfin pas pour tout !

 

Quentin – Ah bon ?

 

(Un petit temps.)

 

Ugo – Matteo ! La question ! Vas-y, merde !

 

(Un temps.)

 

Matteo (après avoir été poussé par Ugo et Julien, et s’être raclé la gorge) – Bon ben… Quentin… Euh, au nom des autres et en mon nom aussi bien sûr, je voudrais te demander si tu accepterais de nous pardonner pour toutes nos conneries.

 

Ugo – Pour les vôtres surtout.

 

Julien – Ta gueule.

 

Matteo – Bon bref, si tu accepterais nous pardonner pour toutes nos conneries et de continuer à nous voir…  de temps en temps… malgré tout ? Parce que… le poker et tout… et puis… enfin… voilà quoi.

 

Ugo – C’est toi qui voulais faire avocat au début ?

 

Matteo – Eh ben, vas-y toi !

 

Julien – Quentin, putain, nous laisse pas nous enfoncer dans ce merdier.

 

(Un temps. Ils se regardent.)

 

Quentin – Dites donc, les sous-fifres, qu’est-ce que vous diriez d’un petit poker pour oublier tout ça ?

 

            (Un temps de surprise)

 

Quentin – Le poker, vous savez un jeu de cartes avec des trèfles, des carreaux et des trucs comme ça dessus ? 

 

                  (Brouhaha général : « Un poker ! Super ! Quentin ! T’es génial ! »)

 

Quentin – Chuuttttt !

 

Julien – T’inquiète, le règlement n’est pas encore affiché, ni surligné !

 

Ugo – Oui, bon.

 

                      (Ils gloussent.)

 

Julien – Une condition ! On joue pas avec du fric !

 

Ugo – Ben non ! On n’en a pas !

 

Matteo – On s’en fout ! Le poker d’abord!

 

Julien (commençant à scander) - Le poker ! Le poker !

 

Matteo et Ugo (enchainant très fort) – Le poker ! Le poker !

 

Quentin – Chuuttt !

 

Ugo – Putain, Quentin, ça va pas être cool si on peut plus faire le bocson chez toi à cause de ta Clara !

 

Quentin – C’est pas « ma » Clara.

 

Julien – Faut pas oublier qu’elle va nous rendre service quand même.

 

Matteo – Elle va TE rendre service.

 

Ugo – J’ai une idée ! Elle vaut ce qu’elle vaut, mais bon.

 

Quentin – Vas-y.

 

Ugo (presque hésitant) – On pourrait aller chez Serge.

 

Julien – Mais oui ! C’est une super bonne idée.

 

Quentin (à Ugo) – T’es sûr ?

 

Ugo – Il est pas censé savoir que je vous ai parlé, je veux dire pour… enfin pour…

 

Quentin – Te fatigue pas ! Chez Serge ! Adopté à l’unanimité !

 

Julien – Yes !

 

Matteo (à Julien) – Tu t’en tires bien, toi !

 

Julien (à Matteo) – Toi aussi, non ?

 

Matteo – Yes !

 

(Matteo et Julien se font un « give me five » puis se mettent à brailler en ramassant les cartes et les bouteilles.)

 

Ugo (en ramassant aussi quelques affaires) - Pour les chaussettes, vous direz rien ! Eh ! Les mecs ! Promettez-moi ! Vous direz rien pour le reste non plus !

 

Julien – T’inquiète ! Botus et mouche cousue !

 

(Il sort en riant.)

 

Matteo (à Quentin) – T’es trop cool d’avoir accepté de te sacrifier pour cet enfoiré.

 

(Il sort. Ugo et Quentin continuent à ramasser quelques affaires.)

 

Ugo – Des fois Matteo et Julien ils abusent.

 

Quentin – Je sais.

 

Ugo – Pourquoi t’as accepté ce deal avec Clara?

 

Quentin – C’est grave la crise avec Sofia ?

 

Ugo – Merci de demander. J’apprécie, parce que les autres, pour la compassion, vaut mieux pas compter sur eux.

 

Quentin – Alors ?

 

Ugo - Elle m’a foutu à la porte de chez elle.

 

Quentin – Ça va durer longtemps ?

 

Ugo – Ça dépend. Parfois deux jours, parfois plus. Mes parents en ont marre de me voir débarquer chaque fois comme un con.

 

Quentin - Tu peux rester ici, si tu veux.

 

Ugo – C’est gentil, mais ton canapé… (Il fait une grimace de dégoût.), surtout après Matteo.

 

Quentin – Je ne pensais pas au canapé.

 

(Regard interrogateur de Ugo.)

 

Quentin – Moi, je les garde pas mes chaussettes.

 

            (Un petit temps de surprise. Rires et ils sortent.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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