In Vino Veritas

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Dans la splendeur de la cinquantaine, Jean “serial loveur”, viens d’emménager dans son nouvel appartement. Il fait connaissance d’Hortence, la gardienne de l’immeuble sémillante et originale, et de Gillette sa meilleure amie charmante mais un peu perchée.
Tous trois se découvrent la même passion, celle des romans policiers. Il n’en faut pas plus au deux amies pour tomber sous le charme de Jean, amusé de la situation. Il décide de jouer un tour à ses charmantes soupirantes en s’inspirant justement d’un roman policier. Mais tel est pris qui croyait prendre, la situation lui échappe. Le plus malin n’étant pas toujours celui que l’on croit, Jean est pris a son propre piège. Qui sortira vainqueur de la situation?

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ACTE I

Une loge de concierge, un peu à l'ancienne.

Accrochés au mur le portrait d'un homme. A ses côtés le poster d'un article de

journal avec la photo d' Hortense .

Également un grand arbre généalogique. A côté, un diplôme « voyante 4****".

Sous le diplôme une photo de François 1er « Marignan 1515 » et la devise avec

une salamandre « NUTRISCO ET EXTINGUO » (« je m'en nourris et je les

éteins »).

Sur une étagère, une bouteille avec l'inscription « première apparition

Eugène, 1er avril 2008 ». A côté une collection de magnums vides avec des inscriptions : « Mur de Berlin 89 » « Divorce Pierre et Marie 95 » « Diana

97 » « Anesthésie C. 99 ». « Réhabilitation square 09 » « Castration Caramel 14 », au milieu, une bouteille de Corona "Chirac, Mai 2002" . Et "Remariage Pierre et Marie 2013", " Gilets jaunes 2018" " Enterrement de Chirac

2019".,"Virus 2020""Octobre 2020-Couvre-feu"

Une bibliothèque avec de nombreux romans policiers. Un frigo est placé près de la porte.

On entend des passages de train.

Hortense, fait une voyance dans une bouteille de champagne.

HORTENSE : Eugenius ...Arum trophilum...Eugenius... Ave Morituri ...te salutan...Eugénius...

On entend frapper à la porte

HORTENSE : Eugenius ? ...Eugenius ?

On frappe à nouveau.

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HORTENSE: Eugénius...Ave Morituri..te salutan¼

La porte s'entrouvre sur la tête de Jean, qui porte un chapeau. Hortense continue sa voyance. Jean observe la scène.

HORTENSE: Eugenius...eccum s p ir it u tu m ...Eugenius...

veni...veni...veni...

Entrée discrète de Jean une sacoche à la main.

JEAN: Excusez-moi de vous déranger....

Hortense pousse un hurlement.

JEAN: N'ayez pas peur ...N'ayez pas peur ! Je ne suis pas méchant...

HORTENSE: Vous êtes sûr ?

JEAN: Absolument ! Je suis juste Jean Roman, le futur locataire du second.

Vous êtes bien Madame Darlet ?

HORTENSE Hortense Darlet, oui. La concierge de l'immeuble.

JEAN : J'ai frappé...en vain...

HORTENSE : Je ne pouvais pas vous entendre, j'étais avec mon mari!

JEAN: Je suis désolé de vous déranger si tôt...(Regardant autour de lui)... Vous

étiez avec votre mari ?

HORTENSE : Oui. Eugène. Feu mon mari. Il est dans la bouteille.

JEAN: Pardon ?

HORTENSE : Mon mari est dans la bouteille !

JEAN : Votre mari est dans la bouteille ?

3

HORTENSE: Feu mon mari. Voyons Monsieur Roman ! Je suis voyante!

JEAN: (coup d'oeil au diplôme) Mais oui ! Voyante quatre étoiles ! Et Crapaud

d'Or s'il vous plaît ! Et vous travaillez... dans le champagne ?

HORTENSE: Selon mon humeur ! J'ai en ce moment ma « période champagne ». Tous les matins, je prends ma bouteille et hop! Je dis bonjour à Eugène, mon très cher feu.

JEAN : Il vous répond ?

HORTENSE : Ca dépend des jours. Quand la bouteille est pleine, il prétend

qu'il manque d'air et qu'à cause de moi, il étouffe !

JEAN: D'où la nécessité de vider un peu la bouteille ?!

HORTENSE: Vous avez tout compris.

JEAN: Lorsque... Eugène dispose de suffisamment d'air pour son confort

personnel, il vous répond ?

HORTENSE: A sa manière. Nous avons établi une sorte de langage codé.

Mais il lui arrive d'être jaloux ! Et là, il me brouille le champagne !

JEAN : Et alors?

HORTENSE: Je l'engueule comme je le faisais de son vivant.

JEAN:(regardant le poster) Je vois aussi que vous êtes célèbre! Vous avez fait

la couverture du "Match de la vie"!

HORTENSE: Et j'ai même eu droit à un reportage à la télé! Vous avez devant

vous la dernière vraie concierge de Paris!

JEAN: Félicitations!

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HORTENSE: Mais, Monsieur Roman. Veni veni veni. J'ai fait du café. Vous

en voulez un tasse?

JEAN : Volontiers. .

HORTENSE : Installez-vous. Je vous donne vos clefs.

JEAN : Je sens que je vais me plaire ici. Une loge charmante...comme

autrefois...Une gardienne ...pardon...une concierge charmante...Un petit immeuble...

HORTENSE: ... charmant et qui me laisse bien des loisirs.

JEAN : Vous avez apparemment de quoi les occuper... La voyance...et me semble-t-il... la généalogie.. .

HORTENSE: Qui vont de pair ! Entrer en contact avec les morts par le biais

JEAN : Le Shakespeare ?!

HORTENSE : Vous savez que j'ai fait des émules ? Grâce à moi, tout

l'immeuble lit Achille !

JEAN : Avec moi, le club va s'agrandir.

HORTENSE (Prenant des clés) : Voilà vos clés. Je vous accompagne?

JEAN: Ne vous dérangez pas...Je ne veux pas vous enlever à votre époux. Et j'ai déjà repéré mon appartement.

HORTENSE: Votre voisine de palier est une femme charmante, Gillette Delors, ma meilleure amie. Au-dessus, il n'y a personne, et le locataire du

dessous est à l'hôpital. Quant à ceux du 4 ème étage, ils sont en vacances. Vous

serez tranquille.

JEAN : Merci pour l'accueil. A très vite.

Jean sort en oubliant son chapeau. Petit sourire d'Hortense qui reprend sa voyance.

HORTENSE:Eugenius...Eugenius...ici...Hortensia,ta..petite..femmus...cherita.. ....Veni...Veni¼..rapplicum...vitus...Eugenius...Primum...Deuxium...Tressum...(

h u r la n t )

Ah !Rosa...Rosa... Rosa....Rosam...Rosarum ?...... AAAAAH !!!!!

Second hurlement au moment où Gillette ouvre la porte et entre. Par mimétisme, Gillette crie elle aussi.

HORTENSE: Gillette ! Pourquoi tu cries ?

GILLETTE : Parce que tu cries !

HORTENSE : Et alors si je me pends, tu te pends ?

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GILLETTE :Ah ! Non ! Ca ne vaut pas le coup !

HORTENSE : T'es en forme ce matin, toi !

GILLETTE: Et toi, t'es en voix !

HORTENSE : Il y a de quoi ! Mon champagne vient de virer au rouge !

GILLETTE : Au rouge ?

HORTENSE : Oui ! Au rouge ! Je voulais dire mon petit bonjour à Eugène...Il

me restait un fond de champagne...Je commence ma voyance et...devine

quoi?...Mon champagne vire au rouge !

GILLETTE: Tu viens de terminer ta période "rouges de Bourgogne" !!!!Tu

passes du vin au champagne, et quand t'es dans le champagne, tu crois que t'es

dans le vin ! C'est pour ça que tu vois rouge !

HORTENSE : Le rouge que j'ai vu est un rouge sang, pas un rouge vin. Une

vraie mare !

GILLETTE : La mare au Diable ! Rien d'étonnant avec toutes les sorcières

qu'il y a dans ta famille ! (indiquant l'arbre généalogique) Le soir je te quitte,

t'es sur ton arbre, le matin où je te retrouve? Accrochée aux branches ! Ca fatigue peut-être Eugène...

HORTENSE: Eugène ! Eugène !Ca fait trois ans qu'il bouffe les pissenlits par

la racine ! Si je m'accroche aux branches, ça lui fait un peu d'air !!!!

GILLETTE: Hortense, un peu de respect ! A propos , t'en es où avec ta

fameuse Anatoile Courtois ?

HORTENSE: Elle était bien fille de la sorcière de Marignan, mon arrière,

arrière, arrière arrière grand-mère!

GILLETTE : Excusez-moi du peu !

HORTENSE :Eh oui! Tu as devant toi la petite petite petite petite fillotte de François 1er et de la sorcière de Marignan.

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GILLETTE : Ca ne te réussit pas le manque de sommeil !

HORTENSE : Et ma vierge noire.... C'est du délire peut-être ?

GILLETTE : La sorcière de Marignan a pu offrir une vierge noire à son

GILLETTE : C'est pas bête ça ! Tu me donnes mon premier cours, histoire de

me les changer, les idées?

HORTENSE: Moi ? Et si je vois rouge ?

GILLETTE : Je m'aperçois que les chômeurs sont rejetés de partout ! Je te laisse ! Je vais grossir le lot des exclus ! Adieu...

HORTENSE: Pas de chantage ! Assieds- toi là !...(Hortense sort une bouteille de champagne et l'ouvre). A la moindre tache rouge, je t'avertis, Gillette, j'arrête ! (Hortense prend la bouteille, se concentre et regarde dans le goulot)

Eugenius.....Ecum vobiscum ....Veni...Veni....Veni...mon petit maritum maritum maritum tum tum maritum maritum ...Moritum ?....

GILLETTE : Alors ?

HORTENSE: No veni....

Elle boit plusieurs gorgées en regardant à chaque fois le goulot.

GILLETTE : Tu vois quelque chose ?

HORTENSE : Nenni.... Moussum.... (Même jeu) C'est dur la voyance

aujourd'hui !

GILLETTE : Il est eventum ton champagne ! (Hortense regarde de nouveau

dans le goulot.) Rougitum ?

HORTENSE : Nenni...nenni .. .

GILLETTE : T'es sûre ?

HORTENSE ( Commençant à entrer en transe): Tais-toi, je travaille !.... Ca marche !...Prépare-toi, je vais te passer le don...Ca marchum !...Aaaaah...Aaaaah...Eugenius....Eugenius...Maritum...cherum...J'entends....J'e

ntends...J'entends...des...des pas... des..pas...ca marchum forum

On entend des pas à l'extérieur de la loge.

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GILLETTE: Oui...Ca marchum forum....

HORTENSE : Des pas...des pas lourds...des pas sourds...dans une cour¼

GILLETTE: Des pas qui se rapprochum..

HORTENSE: Silencium.....vidi...vidi...Je vois... Non...non...

j'entends...J'entends....frappum...T'es prête ? Frappum...pum...pum

On entend frapper à la porte.

GILLETTE: Pum...pum ...Moi aussi j'entends frappum !

HORTENSE : Un grincementum...Une main !... Je vois une main.... Une main douce... Une main...pleine de doigts...

La porte s'entrouvre sur une main. C'est celle de Jean, qui entre.

GILLETTE : De doigts virils.

HORTENSE :Virils....oui...vidi...Oh ! Oui... vidi un homme ! ... Un

h o mmu m¼

Gillette regarde dans une espèce de transe Jean qu'elle décrit .

GILLETTE: Moi aussi !...Je vois un hommum grand... beau... le regard

inquiétant... Il a une sacoche à la main...C'est l'homme à la sacoche noire...

HORTENSE: Aaah ! Oui...oui...une sacochum...C'est ça... une sacochum... noire...Oui !!!!!!!!!....OOOUUUIII...Aaaaah....Oooohhhh ! .... Le coquin...le coquin...OOOOH (Gillette étouffe quelques gloussements) AAAh ! .... Ah ! Ah

! Un homme !....T'es prête ? Je le vois !

GILLETTE (regard fixé sur Jean) Moi aussi ! Je le vois.

HORTENSE : Que le don te soit donné Gillette Chimpanzé 1er¼!

Un train passe. Le compteur saute. Gillette crie.

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GILLETTE (bas, dans le noir) : Il y a un homme à la porte !

HORTENSE : Un homme à la porte ? Tu prends tes désirs pour des réalités! Toussotements de Jean. Hurlements de Gillette et de Hortense.

JEAN ( dans le noir):Désolé...J'ai oublié mon chapeau...

HORTENSE : Monsieur Roman ! On dirait votre voix¼

JEAN : C'est bien ma voix ! Le compteur a sauté?...

GILLETTE : A qui tu parles ?

HORTENSE: Je te présente Monsieur Roman, ton nouveau voisin.

GILLETTE : Je ne vois rien!

JEAN : Excusez-moi¼Moi non plus je ne vois rien¼

HORTENSE: Il faut remettre le compteur !

JEAN : Où est-il, ce compteur ?

HORTENSE: Si vous êtes près de la porte, il est au-dessus de votre tête, à côté du frigo...

GILLETTE : Je vais vous montrer...Oh !!!

JEAN : Ouille! C'est froid..

GILLETTE : J'essaie de t'aider.

HORTENSE:Monsieur Roman est près du compteur, il n'a pas besoin d'aide!

JEAN : Non... mais... je tâte...Je ne l'ai pas¼

GILLETTE : Moi, si ! Je l'ai !

JEAN: Non...C'est toujours moi¼

HORTENSE : Appuie sur le bouton !

La lumière revient. Gillette est dans les bras de Jean. Elle se dégage précipitamment. Ils sont gênés tous les deux.

HORTENSE : Eh! Bien voilà, les présentations sont faites! Vous pourrez

prendre l'ascenseur ensemble !

JEAN: Avec plaisir. Malheureusement mon métier m'éloigne souvent de Paris.

GILLETTE : Qu'est- ce que vous faites ?

JEAN : Je travaille dans l'import-export.

GILLETTE: Dans l'import-export ? C'est intéressant....Vous

importez-exportez quoi ?

JEAN : Des manches...Hum... de casseroles....

GILLETTE : Je ne savais pas qu'il existait des représentants en manches !

JEAN : Ce sont de très bons modèles. Tout à fait nouveaux : « Avec son

manche en main, la ménagère ne rate rien » !

HORTENSE: On trouve encore des ménagères aujourd'hui ?

JEAN: Nos manches s'adaptent à toutes les situations¼(regardant les bouteilles) Oh ! Vous multipliez vos voyances...

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GILLETTE : C'est dans les bouteilles d'alcool qu'Hortense vibre le mieux¼

JEAN : Je sens que je viendrai vous consulter.

HORTENSE : Quand vous vous voudrez !

JEAN (Il voit la vierge noire et se précipite) : Vous permettez ? (Sans attendre

la réponse) Début renaissance...mais...mais c'est la vierge noire de la sorcière

de Marignan?!!

HORTENSE: L'explication est dans cet arbre : je descends en ligne directe par la branche maternelle...De la sorcière de Marignan et de...

GILLETTE (la coupe) : Anchois 1er, Roi de France¼

HORTENSE : Ca suffit ! Tu nous rases, Gillette !

JEAN: Quel humour !! Vous voulez dire que vous descendez directement de la

fameuse Françoise-Louise-Charlotte Paparelli, la maîtresse de François 1er ?

GILLETTE : Où avez-vous appris tout ça ?

JEAN :J'aime les mystères de l'histoire et la vie de Françoise Paparelli en est un. Sentant sa fin proche, François 1er a rendu à sa maîtresse la vierge noire qu'elle lui avait offerte. Mais la sorcière lorgnait le dauphin Henri, futur Henri

II, et la maîtresse du dauphin, la belle Diane de Poitiers a décidé de s'en

débarrasser. Mais quand elle a voulu brûler Françoise en place de grève lors de l'agonie du roi, la vierge noire que tenait la suppliciée a glissé de son sein sur le bras du bourreau et a éteint sa torche ! Ce miracle lui a sauvé la vie.

GILLETTE :Tout ça pour finir dans une loge de concierge !

HORTENSE: Nous avons laissé quelques plumes à la Révolution !

JEAN : C'est une pièce extraordinaire!

HORTENSE (à Gillette) : T'avais pas rendez-vous à Pôle Emploi ce matin ?

GILLETTE :Ah ? J'ai compris ! (À Jean) A très bientôt, j'espère....

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Elle sort.

HORTENSE: Encore un petit café ?

JEAN : Merci. Il est excellent. (Ouvrant sa sacoche) Regardez ! (Il sort un

livre et le tend à Hortense) « Gros câlins dans un bain d'acide » !

HORTENSE : Le dernier Achille ! Quel génie du meurtre ! Il a une de ces

façons de vous les mijoter... " Les trente- neuf étages..." Un meurtre par étage !

C'est pas de l'art, ça ?

JEAN : On dit qu'Achille puise ses sources dans la réalité.

HORTENSE : Elle est plutôt noire, sa réalité ! Dans « Des bégonias pour

Aristide », il utilise les cadavres comme engrais!!!

JEAN: Nice, Septembre 53...Vous ne vous souvenez pas ? Les disparitions des nurses anglaises d'origine russe, sur la promenade... On a cru qu'elles faisaient partie du KGB.

HORTENSE : Ah ! Oui...La guerre froide !

JEAN : On ne trouvait pas d'engrais à cette époque. C'est tout de même une idée de génie d'attirer ces filles pour leur faire garder des enfants qu'il n'avait

pas !

HORTENSE: C'est ce que disait mon mari !

JEAN : Je suis désolé.

HORTENSE: C'était un être exceptionnel...Bon vivant. Il aimait la bonne

cuisine au beurre, le bon vin, la bonne bais... bai... tout quoi ! La vie ! Tout le monde l'a regretté. Même Gillette était inconsolable.

JEAN : Il y a longtemps ?

HORTENSE: Trois ans.

JEAN : Un accident ?

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HORTENSE : Même pas ! Il est mort de rien. Il buvait son café... comme

vous, tiens là... à la même place... et quand je suis venu m'asseoir à côté de lui, c'était fini.

JEAN (reposant sa tasse) : Oh ! Le pauvre ! C'est terrible !

HORTENSE : C'est moi qui suis à plaindre ! Je suis restée toute seule. Lui il a

eu une belle mort ! Encore une petite tasse ?

JEAN :Non, merci !

HORTENSE : Même après sa mort, il m'a aidée. C'est grâce à lui que je suis voyante.

JEAN : Racontez...

HORTENSE : C'est arrivé une nuit... son absence commençait à me peser....

Cruellement... Vous voyez ce que je veux dire ?

JEAN: Oui... la solitude...

HORTENSE: Non...Oui...Enfin, il y a solitude et solitude...Il y a la solitude morale et la solitude...immorale... Vous voyez ce que je veux dire....

JEAN : Je n'ose pas vous suivre...

HORTENSE: Suivez ! Suivez !

JEAN : Eugène vous manquait cruellement cette nuit-là...

HORTENSE : Très cruellement... Je me lève, je débouche un « Château

Laffitte », son vin préféré. Je buvais en pensant à lui... et mon regard se posait sur cette bouteille qu'il aimait tant. Je remonte mes mains vers le goulot... et là

qu'est- ce que je vois ? ...Eugène !

JEAN : Eugène dans le goulot ? Fantastique !

HORTENSE : Je fini la bouteille. Eugène était toujours là. Et qu'est-ce qu'il me faisait ? Des clins d'œil ! Là, j'ai compris que j'avais le don ! ...

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JEAN : Incroyable ! Et c'est Eugène qui vous révèle l'avenir ?

HORTENSE : Oui !.... Vous savez que je vous ai vu arriver dans ce

champagne ?

JEAN : Vous ne m'avez vu qu'arriver ?

HORTENSE : J'aurais dû voir autre chose ?

JEAN: On prétend qu'à chaque génération la vierge noire fait un miracle !

HORTENSE : C'est avec vos manches que vous creusez l'histoire ?

JEAN : Entre autre...Hortense ? ... Vous permettez que je vous appelle

Hortense ?

HORTENSE : Bien sûr...

JEAN : Eugène vient de me souffler une idée ! J'ai une petite gentilhommière près de Paris, à Brie-Comte-Robert, tout près de l'église... Et devinez ce que

j'ai dans ma gentilhommière ?

HORTENSE: Pas de bégonias, j'espère !

JEAN : Pas pour vous...Une cave ! Des bouteilles ! Du vin...du champagne...

HORTENSE: Eugène sait que vous avez du champagne dans votre cave?

JEAN: C'est peut-être lui qui a guidé mes pas jusqu'à vous?

HORTENSE: Eugène aurait fait ça?

JEAN: La réponse est dans ma cave...Il ne tient qu'à vous de vous en assurer...

Gillette entre les bras chargés de courrier.

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GILLETTE : Heureusement que je suis là pour récupérer le courrier ! (Elle

tend une lettre à Hortense) Tiens ! Pour ton arbre ! Ça va te faire grimper d'une

branche ! (A Jean) C'est à cause de l'arbre que vous prenez racine ?

JEAN : Pas pour longtemps, rassurez-vous !

HORTENSE (ouvrant la lettre): On retrouvera peut-être l'ancêtre qui t'a légué

le gène de la connerie !

GILLETTE : On doit avoir le même ! A force de bêcher on finit par

s'apercevoir qu'on est tous cousins !

JEAN : Excusez-moi de vous abandonner dans la jungle de vos recherches...

(Bas à Hortense) J'espère toujours votre réponse. ( A Gillette) Au revoir, Gillette.

Jean sort.

GILLETTE : Décidément les antiquités l'intéressent !

HORTENSE: Les antiquités, oui ! Pas les brocantes, ni les encombrants!

GILLETTE : Les encombrants c'est ce qui se rénove le mieux !

HORTENSE: Ça y est ! J'ai l'extrait de naissance de la grand-tante de la mère de Georginou, le fils du cousin de la sœur de la tante de ma grand-mère.

GILLETTE: Il était fertile le terrain de Marignan!

JEAN (passe la tête par la porte) Hummm...C'est encore moi!... Vous fermez

bien votre loge à 19 heures, Hortense ?

GILLETTE : J'ai compris.. .

Elle sort en heurtant Jean volontairement.

HORTENSE : Vous l'avez vexée.

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JEAN : Vous croyez ? En attendant votre réponse, permettez-moi de vous

offrir ce soir un verre à la Coupole .

HORTENSE: Il faut d'abord que j'en parle à Eugene

JEAN : Évidemment !!! Je passe à 19 heures ?

Gillette passe la tête

GILLETTE: Plutôt 19h30 ! Il faut qu'elle s'arrange !

HORTENSE : Fiche le camp toi! (À Jean) Gillette a raison 19h30 c'est mieux.

JEAN: A ce soir.

Jean sort . Retour de Gillette

GILLETTE : Comme ça, tu sors avec le premier venu?

HORTENSE : Il est plutôt mignon mon premier venu !

GILLETTE: T'en as parlé à Eugène ?

HORTENSE : « Qui dit tout à son mari, pleure plus souvent qu'elle ne rit ! ».

Tu me l'as assez répété !

GILLETTE : « Rira bien qui rira le dernier ! » Ca aussi je te l'ai répété. Allez, j'y vais.

HORTENSE : Ton rendez-vous à Pôle Emploi?

GILLETTE : Non, avec mon coiffeur, tu veux l'adresse ?

HORTENSE : Pourquoi ?

GILLETTE : Il réussit les couleurs, mais il dissimule aussi très bien les

cheveux blancs !

NOIR

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ACTE II

Gillette, en robe de chambre, est seule. Bruit de porte. Aussitôt Gillette prend un Achille mais le livre est à l'envers. La porte s'ouvre. Hortense entre, très sexy laissant la porte entr'ouverte.

HORTENSE 'soir...ma Gillette¼(silence) Ca va ?...(silence) Tu lis un «

Achille »... T'arrives à lire sans lunettes maintenant ?... (Silence) C'est pour

ça que tu lis à l'envers ? (elle prend le livre des mains de Gillette et le remet à l'endroit) « Le silence des Libellules »... Dis donc, il est contagieux le silence...

GILLETTE :T'as vu l'heure?

HORTENSE : Nous y voilà! Je suis en retard

GILLETTE : Oh ! Une paille ! Trois heures et demie de retard !....

HORTENSE : Je n'ai pas vu le temps passer....

GILLETTE: Moi, oui.

HORTENSE (retire son manteau) :T'as vu, j'ai ressorti ce petit haut! Sexy

hein?

GILLETTE : Il faut montrer pour vendre !

HORTENSE:Qu'est- ce que tu veux, maintenant que j'ai un acheteur!

GILLETTE: Il ne s'est pas décidé rapidement ton acheteur, ça fait cinq heures

que t'es partie !

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HORTENSE: En affaires, on ne voit pas le temps passer et...nous n'en

sommes qu'aux pourparlers ! Il a pris une option avant de conclure le marché.

GILLETTE :Tant qu'à faire, il aurait pu s'offrir du neuf. En cinq heures, t'as

eu le temps de le déguster ton apéritif !

HORTENSE : J'ai eu envie d'un tartare, figure-toi.

GILLETTE : Brisons-là, ça vaudra mieux. Je rentre, j'ai horriblement s o mme i l.

HORTENSE : Fais de beaux rêves, ma Gillette.

GILLETTE: Oh ! Ils seront moins beaux que les tiens ! Si t'aperçois Eugène, dis-lui bonjour pour moi.

Une main gantée se faufile par la porte entrouverte et appuie sur l'interrupteur. Cris de Gillette et Hortense.

HORTENSE : L'interrupteur... à minuit, c'est la première fois...

GILLETTE : Depuis le temps que tu dois le faire réparer aussi...

HORTENSE : Aide-moi à le trouver, l'interrupteur.

GILLETTE : Je fais ce que je peux ! On n'y voit rien.

HORTENSE: Aie , je me suis cognée contre la table...T'es près de la porte ?

GILLETTE : Ouais....Ah, non ! Arrête ! Ne me touche pas !

HORTENSE : Je te touche pas !

GILLETTE : Mais si, tu me touches ! Arrête, voyons¼

HORTENSE : Tu perds la boule ou quoi ?

GILLETTE : Arrête, enfin ! C'est indécent ce que tu me fais !!

20

HORTENSE : Mais je sais même pas où t'es !

GILLETTE : Mais ...mais...T'as mis des gants...Aaaaah ! Pourquoi tu me sers

le cou avec des gants?...Au secours ! Au secours ! Nooooon!

HORTENSE : Aide-moi à trouver ce maudit interrupteur au lieu de délirer¼

GILLETTE : Avec des gants¼

HORTENSE : Bien sûr ! Avec des gants !! Je mets des gants dans ma loge au

milieu de la nuit¼

GILLETTE : Nooonnnn...

Hortense trouve l'interrupteur. La lumière revient. Gillette hurle.

GILLETTE : La porte...la porte...Elle a grincé...elle a craqué...

HORTENSE : Mais non ! C'est moi qui l'ai refermée !

GILLETTE : A clé...A clé... Ferme la à clé!

HORTENSE : D'accord ! D'accord ! Je ferme à clé... Mais dis donc, c'est

quoi ce nouveau délire ? (Elle lui montre ses mains) J'ai des gants, moi ? Je t'ai

touchée ? Je t'ai assassinée ? !

Gillette, bouche bée le regard fixé sur la commode. Elle articule sans émettre

de sons. Hortense suit le regard de Gillette. Gillette parvient enfin à parler.

GILLETTE : La ¼.vierge noire... la vierge noire...la vierge noire...

HORTENSE : Quoi ? Quoi ? «La vierge noire » ?

GILLETTE : Elle a disparu !

Hurlement d'Hortense qui s'évanouit sur le fauteuil. Gillette s'affole, essaie d'ouvrir la porte et appelle au secours.

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GILLETTE : Au secours ! Au secours! A l'aide! Elle est morte! Hortense est

morte! Vite! Au secours! Au secours!

On frappe à la porte. Voix de Jean.

JEAN (off) : Mais qu'est-ce que qui se passe ? Pourquoi vous criez ? Ouvrez la

porte!

Gillette regarde à travers le judas et ouvre. Jean entre en robe de chambre.

JEAN : Qu'est- ce qu'il y a ?

GILLETTE (râle en montrant son cou) :Aaaah ! Là ! Là ! La ! (Râle) assassinée...

JEAN : Où est Hortense ?

GILLETTE : Là! (montrant le fauteuil) Là !...AAAAAAh ! Je me meurs! ...Je

s u i s mo r te !

JEAN (voit une main dépasser du fauteuil)Ah ! Mon Dieu ! Hortense !...Vite,

aidez- moi au lieu de mourir !

Jean tapote les mains et les joues d'Hortense.

JEAN : Hortense ! Hortense ! Ouvre les yeux ! Tout v a b ie n ! J e s u i s l à !

Allons ! Hortense...Hortense¼ Mon petit bégonia d'amour !

GILLETTE: Ca alors !

Gillette tombe sur le fauteuil en lâchant .Hortense se dresse d'un bond.

HORTENSE (A la manière de César) : Tu quo que filia ?

JEAN : C'est moi ! Jean ! (Gillette s'évanouit) Ah ! Gillette maintenant!

22

HORTENSE : Qu'est ce qui passe ?

JEAN :J'aimerais bien le savoir ! Pourquoi Gillette appelait au secours?

HORTENSE: Gillette appelait au secours ? (Son regard se pose sur

l'emplacement de la vierge) Malédiction ! Ma vierge noire ! (Elle se précipite

sur le portrait de François 1er) Ah ! Sire ! On me l'a volée ! On me l'a volée !

GILLETTE : (revenant à elle) Ou suis-je....qui suis-je... où vais-je...quel transport me saisis-je....

JEAN : Ah ! Non ! Pas toutes les deux ! (Il prend Hortense par la main) On se calme maintenant ! On s'asseoit et on me raconte tout ! Allez ! Je vous écoute !

GILLETTE (dans le même temps) On m'a assassinée¼

HORTENSE (même jeu) : On m'a volé ma vierge¼

GILLETTE (même jeu): Là! Autour du cou !

JEAN: On se calme, j'ai dit ! On respire ! Et on reprend ! Une par une.

Hortense ...Je vous écoute !

HORTENSE : Le compteur a sauté !

JEAN : Ce n'est pas la première fois !

GILLETTE : C'est la première fois qu'on m'assassine !

JEAN : Vous, plus tard !

HORTENSE: Je vous dis qu'on a volé ma vierge !

JEAN: Votre vierge noire ? C'est impossible ! Comment... (Regarde

l'emplacement de la vierge) Mais c'est vrai, ça ! La Vierge noire a disparu !

HORTENSE : C'est ce que je me tue à vous dire !

23

GILLETTE : Il a disjoncté le compteur pour m'assassiner et pour nous voler

sa vierge!

JEAN : Qui ?

HORTENSE : Le voleur !

GILLETTE (Dans le même temps) : L'assassin !

JEAN: C'est impossible ! Une statue Renaissance ! Une pièce unique! Vous êtes sûre Hortense, que vous ne l'aviez pas rangée avant de sortir, votre vierge

n o ir e ?

GILLETTE: Non, mais dites donc ! Hortense a confiance en moi ! Elle ne

cache pas sa vierge quand je garde la loge !

JEAN: Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Mais par réflexe...d'instinct...

HORTENSE : D'instinct...d'instinct...je n'ai pas ce genre d'instinct moi!

GILLETTE : Enfin un qu'elle n'a pas! J'ai pas rêvé, on a bien failli

m'étrangler ! (Serrant son cou) Là ! Avec des gants !

HORTENSE :Quelqu'un s'est introduit chez moi au milieu de la nuit pour

voler ma vierge noire !

JEAN : Calmez-vous toutes les deux ! ...Comment a-t-on pu s'introduire chez vous en votre présence ? Racontez-moi tout depuis le début.

HORTENSE : Au moment où Gillette rentrait chez elle le compteur a sauté !

JEAN : Vous l'avez entendu ouvrir la porte ?

GILLETTE et HORTENSE : Non !

JEAN: Il serait donc passé par la fenêtre de votre chambre ?

GILLETTE et HORTENSE : Aaaaaaaaahhhhhhhhhh !

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JEAN: N'ayez pas peur ! Je vais vérifier ! (Jean va dans la chambre )

HORTENSE et GILLETTE : Il y est ?

JEAN : Non ! Il n'y a personne ! Je ferme la fenêtre, c'est plus sûr.

GILLETTE : Sous le lit ?

JEAN (off) :Non plus !

HORTENSE : Dans l'armoire ?

JEAN (en revenant) :Non plus. Ne vous mettez dans cet état !... C'est un

modèle unique, elle est invendable votre vierge ! On va la retrouver !!!

HORTENSE : J'appelle la police !

GILLETTE (les mains autour du cou) :Moi aussi !

JEAN : Pas si vite !

GILLETTE: Ma tentative de meurtre !

HORTENSE (en même temps) :Mon vol de vierge !

JEAN: Bien sûr qu'il faut porter plainte ! Mais pas dans l'affolement! Calmez-

vous et réfléchissez d'abord !

HORTENSE: Réfléchir à quoi? Quelqu'un s'est bien introduit chez moi, non !

JEAN : Oui, mais il n'y a pas eu d'effraction !

GILLETTE: Et mon assassinat !

JEAN : Vous êtes toujours vivante.

GILLETTE (portant ses mains autour de son cou) : Vous voyez bien mes

mains autour de mon cou !

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JEAN : Oui, mais est- ce que vous avez des marques ?

GILLETTE: Des marques ? !! Mon assassinat ne vous suffit pas ? Il vous faut

des marques en prime !

HORTENSE: Puisque la vierge noire a disparu !

JEAN: Oui, mais le commissaire vous demandera de prouver qu'elle vous

appartient ! Une vierge noire de cette valeur dans la loge d'une gardienne, aussi

charmante soit-elle, ça risque d'interpeller !

HORTENSE: C'est tout prouvé....Il suffit de demander à Eugène , il était là !

GILLETTE: Ca c'est vrai ! Il va le confirmer à la police ! Je débouche une bouteille ...Un « Château-Laffitte », son préféré.

JEAN: Je ne suis pas certain que le témoignage d'Eugène convaincra le

commissaire !

HORTENSE: Vous allez voir si je ne vais pas le convaincre, moi, votre

commissaire ! (Elle prend la bouteille de vin) Allez viens, Eugène !

Elle sort

JEAN: Gillette, retenez là !... Elle va se ridiculiser avec sa bouteille ! (Il tente de rattraper Hortense) Hortense ! Hortense ! Attendez-moi ! Hortense !!!

Revenez !!!

Il s o r t

GILLETTE: Tu peux toujours courir !.... Mon assassinat... des bêtises... Il m'a énervée ce Jean ! Mais il m'a énervée ! (Petit rire) Hortense chez les flics avec sa bouteille ??? C'est tellement drôle que j'ai presque plus peur... (Gillette

cherche la vierge noire dans les coins et même derrière les livres de la

bibliothèque.) Ce n'est pas possible quand même ! Jean a raison ! Elle doit bien être quelque part cette vierge! ...Mais non ! Rien !... L'assassin l'a vraiment

volée !...Une vierge de François 1 er ! Si c'est pas malheureux ! (Elle arrive

devant les bouteilles exposées, réfléchit, se précipite sur le frigidaire, prend la

bouteille de champagne d'Hortense et l'ouvre sur la table. Elle boit d'abord

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quelques verres et commence à regarder dans le goulot) Hortense m'a donné le

don, on va bien voir si je l'ai reçu ! Mais avant, je prends un couteau...(elle

prend un long couteau) Si l'assassin revient, je le plante ! (Dans le goulot)

Coucou Eugène ? Eugène c'est moi ! Hou hou ! C'est Gillette...Gillette...

Montrez-vous ...Euuuugène !...Eugenius...Arum trophilum... (Se

relèvant)Quelle tête de mule...Comment faire pour qu'il vienne?...J'ai ma petite idée...

(Elle met la robe de chambre d'Hortense) S'il la flaire, il revient ! Mais

non!...Eugène est avec Hortense, chez le commissaire !..(elle réfléchit) J'ai lu

dans un Achille qu'on a tous une double personnalité. Eugène n'échappait pas à la règle : bien élevé et bien cochon. Ils étaient deux en un...Et s'ils étaient deux, c'est qu'il y en a un pour moi !! (Au goulot) Eugène dédouble-toi ! Allez, montre-toi ! Hou ! Hou... coucouroucoucou.... Hou ! Hou ! Coquinou !... Il est où mon gros Loulou d'Eugènou Canaillou ? Il a oublié nos petites parties fines

? Allez ! Montrez-vous....Pou-pou-pidou¼

Jean entre à pas de loup et prenant Gillette pour Hortense, il lui met les deux mains sur les hanches .

GILLETTE:Ah, non, Eugène, c'est pas par-là que je t'ai demandé de revenir !

(Découvrant Jean) Vous !

JEAN (très gêné) : Je... je ...je.... je...je...

GILLETTE : Ce n'est pas moi....que vous espériez ...

JEAN : Vous non plus !

GILLETTE : Je...je...je...je...je... C'est au sujet de la vierge noire.

Je...je...je...sollicitais...L'opinion d'Euge... de...de... de...du mari...du défunt

mari de Monsieur...euh de Madame François 1er ¼

JEAN : Avec un couteau à côté de vous ?

GILLETTE : Le couteau, c'est pour mon assassin.

JEAN : Il vaudrait mieux fermer la porte à clé !!!

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GILLETTE : Ca, j'y ai pas pensé ! Je suis tellement perturbée. Hortense n'est

pas avec vous ?

JEAN: J'ai cru qu'elle avait fait demi-tour !

GILLETTE : Et vous espériez la trouver ici ?

JEAN : Je ne perds pas au change, loin de là...Votre cou va mieux ? Il est

adorable, votre petit cou!

GILLETTE : Il s'est passé des choses si étranges, ici ! J'en ai encore les

marques morales, (montrant son cou) tout là !

JEAN: Le pauvre petit cou !

GILLETTE: N'est- ce pas !... Et il y a plus grave encore... Ces deux mains...des mains terribles...terriblement viriles...enfin si terribles qui se sont posées sur mon...cou ! Elles m'obsèdent ! Je sens que je vais les sentir du matin au soir...et du soir au matin.. .

JEAN (lui caressant les cheveux): Oh !... Comment effacer ces deux vilaines

mains de cette jolie petite tête ?

GILLETTE : Les vôtres me font tellement de bien...

JEAN: C'était pendant la coupure de courant ?

GILLETTE : Oui !

JEAN : Vous devez être terrorisée. C'est pour cela que vous recherchiez une consolation auprès d'Eugène ? ... Rassurez-vous, je saurais me montrer discret...

GILLETTE: Mais...mais qu'est- ce que vous imaginez ?

JEAN: Je me suis contenté d'entendre... et d'envier Eugène !

GILLETTE ; Aujourd'hui c'est plutôt lui qui doit vous envier !...

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JEAN : Oh ! Qu'elle est charmante ! Mais...mais qu'est- ce qu'elle va croire la

vilaine?

GILLETTE : La même chose que vous !

JEAN : Vous m'avez l'air d'une sacrée coquine, vous !

GILLETTE : Oh !...Si peu...

JEAN: Mais dites-moi, votre appartement est en face du mien... et... j'ai...cru

remarquer...Tout à fait par hasard... que vous viviez seule ?

GILLETTE : Oui...

JEAN : Ce n'est pas possible...Comment se fait-il qu'une femme comme vous

n'ait pas un homme dans sa vie ?

GILLETTE : Un homme ? Il faudrait qu'il soit capable d'entrer dans une

quatrième dimension !

JEAN : Vous me tentez...

GILLETTE: Mais ce n'est pas pour moi que vous êtes venu. Vous n'êtes pas

inquiet pour Hortense ? Si l'assassin l'avait rattrapée ?

JEAN: Elle court vite. Et Eugène la protège !

GILLETTE: Avec son caractère de chien, si elle nous voyait, elle serait

capable de vous mordre !

JEAN : Peut-être se contenterait-elle d'aboyer ?

GILLETTE: Et vous ? Vous faites quoi ?..Vous aboyez ou vous mordez?

JEAN (très près d'elle) :Je mordille !

GILLETTE : Je vous prends au mot ?

JEAN : Prenez-moi partout !

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GILLETTE: C'est tout un programme !

JEAN : Gillette, j'ai une très, très vilaine proposition à vous faire...

GILLETTE: Très très vilaine?

JEAN : Terriblement vilaine... J'ai un manoir à Brie-Comte-Robert, tout près de l'église.

GILLETTE : Ce ne serait pas plutôt une garçonnière ? Une garçonnière pour

un très vilain garçon ?

JEAN : Oui...Pour un très vilain garçon...

GILLETTE: Qui apprécie les vilaines filles ?

JEAN : Oui...Les très vilaines filles !

GILLETTE: J'en ai presque l'eau à la bouche...

JEAN : Si je vous y emmenais ce week-end dans ma garçonnière ?

GILLETTE : Oh ! Jean ...

JEAN : Pour soigner votre petit cou.....

GILLETTE : Si j'acceptais, vous le diriez à Hortense ?

JEAN : Pour qui me prenez -vous ?

GILLETTE: Pour ce que vous êtes !

JEAN: Je suis tout près de vous...Rendez-vous samedi matin au parking... 5 heures du matin.

GILLETTE : Au parking ?! Et s'il y avait une coupure de courant ?

JEAN: Alors je ne réponds plus de rien....

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Entrée d'Hortense.

HORTENSE: Ah ! Les salauds ! ...( A Gillette) Qu'est -ce que tu fais avec ma

robe de chambre, toi ?

GILLETTE : J'avais froid !

HORTENSE : Et ma bouteille ?

GILLETTE: J'avais soif !

HORTENSE : Et Jean ?

GILLETTE: J'allais partir ! ¼

Gillette sort précipitamment

HORTENSE: Quelle mouche la pique ?

JEAN: La fatigue !...Racontez-moi, vous avez porté plainte ?

HORTENSE: J'ai pas eu le temps... Ils ont vidé ma bouteille ! J'y retourne

demain... sans Eugène...Quelle nuit ! La soirée avait pourtant si bien

commencé!

JEAN : Elle n'est pas terminée, la nuit !...

HORTENSE (prenant le couteau) : Qu'est-ce qu'il fait là ce couteau ?

JEAN: C'est Gillette ! Pour l'assassin...

HORTENSE:Bravo! Il faudra bien qu'ils prennent ma plainte au

commissariat!

JEAN : On va trouver un détective privé. ça sera plus efficace!

HORTENSE : J'en connais pas !

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JEAN: Moi, si.

HORTENSE : Appelez-le...

JEAN: Pas en pleine nuit ! Je l'appelle demain... Allez, venez dans mes bras...

Hortense se blottit contre Jean. Ils s'embrassent en tombant sur le canapé. Gillette entre et jette la robe de chambre sur le divan à côté d'eux.

GILLETTE: Excusez-moi de vous déranger !

HORTENSE: Je suis sûre que toi aussi tu n'arrives pas à fermer l'œil!

GILLETTE: Pas pour les mêmes raisons !

JEAN (Il prend la robe de chambre et la met sur les épaules d'Hortense):

Merci pour la robe de chambre. Votre amie avait froid !

GILLETTE: Vous avez une manière efficace de la réchauffer, parce qu'elle vient de reprendre des sacrées couleurs ! (Prenant un livre) Je t'emprunte « Meurtre à chaud dans la calotte glacière ». Achille me donnera l'illusion de ne pas terminer ma nuit toute seule. Adieu !...Au cas où l'étrangleur finirait son

travail dans l'ascenseur ! (Elle regarde Jean qui ne bouge pas) Inutile de me

raccompagner ! Merci !

(Elle sort)

HORTENSE : Vous auriez dû y aller vu les circonstances !

JEAN: Vous quitter? jamais !

HORTENSE: Devinez ce que je vais faire pour vous?...

JEAN : Pour moi?

HORTENSE : Ce week-end à Brie-Comte-Robert...C'est OK !!!

JEAN: Ah ...à...à Brie-Comte-Robert... Ce week-end ? ...C'est OK?

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HORTENSE : C'est ce que je viens de vous dire .

JEAN : Mais..votre loge?.

HORTENSE: Gillette va la garder.

JEAN: Vous avez changé d'avis?

HORTENSE: « Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie »! Rendez-vous à

cinq heures du matin dans le parking !

JEAN: Vous prenez de très gros risques de très gros risques¼

Retour de Gillette qui va reposer le livre dans la bibliothèque.

GILLETTE :Je l'avais déjà lu !

JEAN: Si vous voulez dormir, ce n'est pas Achille qu'il faut lire !

GILLETTE : Ah! Bon ? Qu'est -ce qu'il me faut ? Une tisane ?

HORTENSE Va te coucher au lieu de dire des bêtises!

GILLETTE: J'aurais préféré les faire, les bêtises! Je vous quitte ! Je retourne à

mes cauchemars de chômeurs !

HORTENSE :A propos de chômage ! J'ai justement un petit boulot pour toi.

JEAN: Rentrez vite chez vous, Gillette !

GILLETTE: Quand, ton boulot?

HORTENSE: Après-demain.

JEAN: Laissez Gillette tranquille ! vous lui parlerez plus tard !

GILLETTE: Après demain? Ah ! Non ! Samedi, je ne peux pas !

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JEAN: Après ce qu'il lui est arrivé, il faut qu'elle se repose!

HORTENSE: On n'est que jeudi ! Elle a le temps de récupérer.

JEAN: Une tentative d'assassinat, c'est traumatisant tout de même!

HORTENSE: Et mon vol de vierge? Il n'est pas traumatisant?

JEAN: Justement ! Allez! Avec toutes ces émotions,il est temps d'aller au lit!

GILLETTE: C'est quoi ce job ?

HORTENSE: J'ai besoin que tu gardes ma loge.

GILLETTE: Ta loges¼? Tu vas où ?

HORTENSE: ...Je¼ je revois le commissaire pour mon vol¼

GILLETTE: Toute la journée?

HORTENSE: Le samedi tout le monde vient porter plainte!

GILLETTE: Désolée je ne suis pas libre samedi¼(en sortant) ni dimanche!

HORTENSE: Elle est bien remontée contre nous! Qu'est ce que vous lui avez

fait?

JEAN: Moi? Mais¼ que...que je lui fasse quoi?¼

HORTENSE: Ce que vous allez me faire peut-être?

JEAN: Oh! coquine¼.

Jean entraîne Hortense vers la chambre. La lumière faiblit. Un train passe et siffle comme un paquebot. La lumière revient.

Jean entre en chemise en faisant son noeud de cravate.

JEAN: Je me suis foutu dans un de ces pétrin¼.

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Entrée d'Hortense en déshabillé.

HORTENSE (Chantant) « Ah...Je rie de me voir si belle en ce miroir¼"

Hortense ouvre le frigidaire et voit une bouteille de champagne.

HORTENSE: Oh ! Pardon Eugène ! (Elle sort la bouteille et la pose sur un meuble) (Chantant) « Je rie de me voir si belle en ce miroir". (A Jean). Déjà

prêt ?

JEAN: Hélas, le travail m'appelle!

HORTENSE: On ne déjeune pas ensemble?

JEAN: Bien sûr que si!

HORTENSE: N'oubliez pas le détective!

JEAN: Je lui demande de vous recevoir aujourd'hui. Et ta loge?

HORTENSE: Je la ferme tous les Vendredi à 9 heures pour faire mes courses.

JEAN: Très bien ! Très bien ! (Au téléphone) Allo ? Edmond...Jean Roman à

l'appareil...Bonjour cher ami...J'ai un grand service à vous demander...J'ai une amie très chère à qui on a volé un objet de grande valeur...Pourquoi je vous dis ça ?...Pour que vous vous occupiez d'elle...Oui, Edmond, vous... Mon amie a besoin d'un détective...Et vous êtes détective...Mais oui, Edmond, vous êtes un excellent détective...elle vous expliquera tout puisque vous êtes le

meilleur...Oui, elle est près de moi....J'insiste Edmond...J'insiste¼

HORTENSE: Il habite loin ?

JEAN: (A Hortense) A 5 minutes de la Coupole. (Au téléphone)

Oui...Oui...Elle s'appelle Hortense Darlet...Non, pour moi rien de changé...Je sais, j'ai rendez-vous...Je sais...Le métro...oui, oui...Le métro est à côté de chez

moi...Ne vous inquiétez pas. A plus tard...C'est ça ! (A Hortense) C'est réglé

mais il faut que je me dépêche !

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HORTENSE: Un café avant de partir. (lui tend une tasse) Une tasse pour

deux ?

JEAN: Je risque de connaître vos pensées !

HORTENSE: Je croyais que depuis cette nuit, vous les connaissiez ?

JEAN: Ce qu'on dit la nuit ne voit jamais le jour !

HORTENSE: Mais ce qu'on voit la nuit, on y pense le jour !

JEAN: La coquine¼.Dois-je le prendre pour un compliment ?

HORTENSE: Réponse demain, à Brie Comte Robert! ...Vous avez l'air bizarre

brusquement...Quelque chose ne va pas ?

JEAN: Non, non, tout va bien.... A ce soir !

HORTENSE : L'adresse du détective?

JEAN: La voilà !

Jean sort.

HORTENSE: Il habite où ce détective ? ...Rue du Montparnasse. J'ai le temps

de m'occuper d'Eugène. (Elle chante en sortant sa bouteille) « Je rie de me voir si belle en ce miroir... » Coucou ...Eugenius ...Arum trophillum ? ...Eugenius, veni...vidim ? Eugène, mon bébé d'amour... Tu ne me fais pas ton

petit clin d'œil ?.... Eugène ...! ... arrête de me faire la tête !... Ok ! Ok !... j'ai pris un petit dessert... tellement petit que je ne l'ai pas senti passer ! Tu le sais toi, le corps à ses raisons que la raison ne connaît pas ! ... Ah ! oui...Avec toi c'était du cinq étoiles ! ...Alors Eugène ! ... Tu ne veux pas me dire où est ma

vierge noire ?...Ah! J'en ai marre de tes caprices... Je ne te parle plus !

(Rebouchant la bouteille) Allez! Va faire la sieste ! (Elle prend un jeu de

tarots) ...Un deux trois... Le chariot !... un deux trois... l'homme en

mouvement... l'homme en mouvement¼ Ooooh...Jean ...en mouvement¼Et quels mouvements...Oooh Jean¼Hortense, on se calme...Un deux trois...La

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lame numéro six !!! alors là, celle-là, elle ne pouvait pas mieux tomber...la carte

d'union ! L'union en mouvement...

Entrée de Gillette.

GILLETTE: Hortense ! Vite Hortense! Ah si tu savais! Si tu savais¼ Je viens

de voir Jean dans le métro !

HORTENSE: Jean? Moi je le vois partout ...

GILLETTE: Il était entouré de policiers!

HORTENSE: Oh le coquin¼ avec des policiers¼

GILLETTE: Redescend sur terre! il avait des menottes!

HORTENSE: Des menottes en plus..Ooooh¼.Jeaaan¼des menottes!

GILLETTE: Mais ils l'ont arrêté!

HORTENSE: Mon Jean , arrêté¼. Quoi? Qu'est ce que tu racontes?

GILLETTE: Ah quand même! tu réagis!!!Les flics ont arrêté Jean! Ils

l'emmenaient au commissariat!

HORTENSE: C'est quand même pas Jean le voleur de ma vierge noire !

GILLETTE: J'en sais rien! Demande à Eugène !

HORTENSE: Eugène, Je lui bouché le goulot! il boude!

GILLETTE: Il ne boude jamais sans raison !

HORTENSE: Comment tu le sais ?

GILLETTE: C'est toi qui me l'as dit ! ...Alors c'est parce qu'il boude que tu

fais les tarots!

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HORTENSE: Oui!... Je prends une carte...(Elle retourne sa carte et pousse un

hurlement)

GILLETTE: Qu'est ce qu'il y a?

HORTENSE: L'arcane 13.

GILLETTE: L'arcane 13 ? Mais l'arcane 13... c'est.. .

HORTENSE: La Mort.

GILLETTE: Passe-moi la bouteille de champagne ! Je vais parler à Eugène! ...ouououououh...Eugène?...Eugène...Eugènius..Ouououh...raplicum...Montre-t oi...coucou...roucoucou...veni..Eugène...Ouououoh.....Eugenius...veni...veni...ve ni...Manifeste-toi...Eugenius¼ Il a une drôle d'odeur ton champagne¼ Goûte!

HORTENSE: Si ! Tu as dit Giclette !

GILLETTE: Pourquoi j'aurais dit Giclette ?

HORTENSE: C'est ce que je te demande ! (Elle arrache la bouteille des

mains de Gillette) Eugène ! Viens un peu là !

GILLETTE: Non ! Eugène ! Non! Ne dis rien !

HORTENSE: Ah ! Te voilà, mon salaud !... Qu'est- ce que c'est cette histoire de Giclette ?!...Quoi ?...Quoi?...Ne cligne pas des deux yeux en même temps, je ne comprends rien.... Moins vite, Eugène... Quoi... Gillette... Gillette et toi !

Après le dessert ? ! ! ! En guise de digestif? Mais t'es un monstre ! ! !

GILLETTE Je ne l'ai pas fait exprès !

HORTENSE: Ah! Tu l'as pas fait exprès! Je vais t'en donner moi du

digestif¼ Elle l'a pas fait exprès! Elle l'a pas fait exprès!!Viens un peu là ...

Elles sortent de la loge en se poursuivant.

La porte s'ouvre sur Jean qui entre avec une boîte de gâteaux.

JEAN: Hortense ?...Hortense ?...Personne....(Il regarde dans la chambre, pose ses gâteaux et prend son portable) Allô , Edmond ? C'est moi...Hortense est chez vous ?...alors elle ne devrait pas tarder... retenez-là le plus longtemps possible... Oui, oui, je suis chez elle...Il faut absolument que je mette la main sur Gillette, elle m'a vu dans le métro... oui, menotté...(Il rit) Oh ! Ces flics !!!!Les ringards !!!... Ils m'ont refilé des menottes qui ne ferment pas !!!...J'ai

pu me casser sans problème!......Oui, il faut empêcher Gillette de

parler...Évidemment qu'elle va débarquer ici pour tout raconter à sa copine !...je la cueille dès qu'elle arrive... J'ai acheté mes fameux gâteaux façon

Borgia !...J'entends du bruit... Je vous laisse !

Il va dans la chambre. Hortense revient très énervée suivie de Gillette.

HORTENSE: Où ? Quand ? Comment ?

GILLETTE : Je ne peux pas...ça va te faire de la peine !..

.

HORTENSE: Je compte jusqu'à trois ! Un, deux, deux et demi...deux trois quart... Trrr....

GILLETTE: Sur le toit de l'immeuble...Au départ, on voulait...on voulait juste réparer l'antenne.

HORTENSE: Je croyais que t'avais le vertige ?

GILLETTE: Oui, mais je ne regardais pas en bas !

HORTENSE: C'était quand ?

GILLETTE: Mardi 18 janvier, Jeudi 20, vendredi 21, Lundi 24, Mercredi 26 à....

HORTENSE: Ca suffit !

GILLETTE :Le 19 février, on l'a fait sur....

HORTENSE: Ca suffit !

GILLETTE: C'est toi qui voulais savoir.

HORTENSE: Tu t'excuses ou je t'étrangle !

GILLETTE :Pourquoi tout le monde veut m'étrangler ?

HORTENSE: Tu le mérites !

GILLETTE: Pardon Hortense !Pardon! Je ne recommencerais plus !

HORTENSE: T'aurais du mal !!! Dehors!

GILLETTE: Hortense! Je suis ta copine !

HORTENSE: Tu étais !

GILLETTE : Et puis... je n'étais pas toute seule sur le toit...

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HORTENSE: Merci ! Je suis au courant !

GILLETTE: A lui, tu ne lui dis pas de partir !

HORTENSE: Ca fait trois ans qu'il est parti, idiote !

GILLETTE: Adieu Hortense... Peut-être me retrouveras-tu dans une bouteille...

HORTENSE: C'est du chantage ou quoi ?

GILLETTE: Un petit peu !

HORTENSE :T'as pas honte ?

GILLETTE: Un petit peu !

HORTENSE: Tu espères quoi ? Que je te pardonne ?

GILLETTE : En même temps, t'as besoin de moi pour garder ta loge.

HORTENSE: C'est pas faux.

GILLETTE: Et je suis toujours disponible pour toi...

HORTENSE: C'est pas faux.

GILLETTE: Si tu me parles plus, je pourrai plus garder ta loge ! Et si Jean est arrêté...

HORTENSE: Quoi ? Quoi ? Si Jean est arrêté ?

GILLETTE: Comment tu feras pour aller le voir en prison?

HORTENSE: Bon...Ca va !...OK

GILLETTE : Merci ! Merci !

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HORTENSE: Lâche-moi ! Les caresses de chat, ça donne des puces. (Elle

prend la bouteille et la met au frigo) Toi, c'est tout ce que tu mérites !

GILLETTE: Pauvre Eugène ! C'est à cause de Jean qu'il est jaloux ?

HORTENSE: Oui.

GILLETTE: Oh ! Jaloux pour un tartare!

HORTENSE: C'est le dessert qu'il ne digère pas !

GILLETTE : Et vous l'avez mangé où, le dessert ?

HORTENSE: On ne l'a pas mangé, on l'a dégusté !!

GILLETTE: Telle que je te connais, t'as dû lui demander du rab à Jean !

HORTENSE: C'est à Brie-Comte-Robert que j'espérais finir le plat ! ¼ Tu

sais que Jean m'a trouvé un détective pour ma vierge?

GILLETTE: Même si c'est lui qui te l'a volée ?

HORTENSE: Oh! Oh Et la présomption d'innocence... Tu veux bien rester

une heure au cas où les flics viendraient enquêter ?

GILLETTE: Je leur dis quoi ?

HORTENSE: Rien. Motus et bouche cousue !

GILLETTE: Je remonte mes courses et je suis là dans cinq minutes, mo n

Hortense !

HORTENSE: N'en rajoute pas, Cheeta !

Gillette sort. Hortense se refait rapidement une beauté, décroche sa veste du porte-manteau, prend son sac .

HORTENSE: Oh Jean Jean ! si tu m'avais pas fait tourner la tête!!!

Hortense sort. Jean entre.

JEAN (Prenant son portable) Edmond ?...Hallucinant ! Je viens d'assister à une de ces scène entre Hortense et Gillette.. Oui, oui...elle sera chez vous dans cinq minutes. (Passage d'un train) Pardon ?...Attendez, je ne vous entend pas...La fenêtre de la chambre doit être mal fermée. Ne quittez pas...

Jean va dans la chambre. Retour de Hortense.

HORTENSE: Qu'est-ce que j'ai fait de l'adresse ? Ah ! La voilà¼

On entend la voix de Jean.

JEAN (Au téléphone) Oui, Edmond, j'étais planqué dans la chambre, je les ai entendues toutes les deux !Je vous raconterai tout en détail...

Hortense se cache derrière le canapé. Jean entre.

JEAN (Au téléphone) ... Première partie : vol de la vierge. Deuxième partie : élimination de Gillette. Dès qu'elle arrive, je l'assassine...Comme je vous le disais, j'ai apporté mes gâteaux façon Borgia...(il pose les gâteaux sur une

assiette et les saupoudre d'un produit) Ma poudre de perlinpinpin fait des miracles... Troisième partie : élimination d'Hortense... Je l'étrangle...Un train

passe toutes les dix minutes, il couvrira les cris ! (Riant) S'il y en a !..Je me

suis arrangé pour que le compteur disjoncte au même moment !...Ensuite j'embarque mes cadavres à Brie-Comte-Robert...Oui, oui, mon coffre est assez grand pour deux... C'est ça ! Elles serviront d'engrais pour mes bégonias...Edmond , c'est le plus génial de mes meurtres ! (La porte s'ouvre. À

voix basse) C'est Gillette ! Je vous laisse !

GILLETTE (Pousse entre et pousse un cri) Jean !

JEAN: Je vous ai fait peur Gillette ? Je suis désolé !

Hortense, cachée derrière le canapé, fait des signes à Gillette.

GILLETTE: Mais...vous...vous...

JEAN: Avez-vous réussi à vous assoupir cette nuit ?

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GILLETTE: Oui...Non...Mais vous...vous...

JEAN: Regardez. De bons petits gâteaux, rien que pour vous...

GILLETTE: Mais vous...vous êtes là ?

JEAN: Oui, je suis là ! Seul avec vous. Et je vais vous préparer un bon petit

thé pour que vous soyez en forme...demain matin !

GILLETTE: Demain matin ?

JEAN: Notre week-end ...Brie Comte Robert... à 5 heures dans le parking...

Hortense pousse un cri au moment où Gillette ouvrait la bouche pour répondre.

JEAN: Qu'est ce qui se passe ?

GILLETTE: Rien

JEAN: J'avais cru entendre comme un cri de rage ! (Il pose les gâteaux sur

une assiette qu'il tend à Gillette) Tenez ! Régalez-vous pendant que je prépare

le thé. Je reviens !

Jean sort. Hortense jaillit de sa cachette et plaque sa main sur la bouche de Gillette.

HORTENSE: Ne touche pas à ces gâteaux ! C'est une question de vie ou de mort...

JEAN (off) Un nuage de lait ?

Jean passe la tête, Hortense s'accroupit derrière le canapé.

JEAN: Du sucre ?

La tête de Jean disparaît. La tête d'Hortense apparaît.

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HORTENSE: Pas de sucre! Il l'a empoisonné.

GILLETTE: Ah ! ! !

La tête de Jean apparaît. La tête d'Hortense disparaît.

JEAN: Un problème ?

GILLETTE : Le thé...

JEAN :Il arrive... Prenez un petit four pour patienter...

La tête de Jean disparaît. Hortense se redresse.

HORTENSE: Pas de petit four ! Ils sont empoisonnés !

GILLETTE: Les petits fours aussi ?

Jean revient avec le plateau. Hortense se cache.

JEAN: Un bon petit thé bien chaud pour ma petite Gillette.... Mais vous

tremblez ?

GILLETTE: J'ai comme un frisson... Depuis mon assassinat...je frissonne...

JEAN: De peur ?

GILLETTE: Peur... oui, c'est ça ! Je frissonne de peur !

Jean commence à servir le thé.

JEAN: Oh! J'ai oublié le lait!

Jean sort. Hortense bondit de sa cachette.

HORTENSE: Ni thé ! Ni lait ! Rien !

Retour de Jean avec un pot de lait. Hortense se cache derrière le canapé.

JEAN: Un nuage ?

GILLETTE: Je ne sais plus..Ah !...Je frissonne...j'étouffe...je¼

JEAN: Vous avez froid...

GILLETTE: Oui. J'ai mal à la gorge !

Jean avance la main pour lui toucher le front.

GILLETTE: Ne me touchez pas !

JEAN: Mais, elle a de la fièvre, ma petite Gillette ! Elle aurait dû me le dire qu'elle avait mal à sa petite gorge dénudée ! Asseyez-vous confortablement.

Il installe Gillette dans le fauteuil derrière lequel est cachée Hortense.

JEAN: Je vais chercher le beau coussin de velours d'Hortense ¼

Jean va dans la chambre sifflotant. Hortense surgit de sa cachette.

HORTENSE: Tu bouges pas. Tu parles pas. Je suis là.

GILLETTE: Mais Jean, c'est qui ? Un voleur ?

HORTENSE: Un serial-killer !

Retour de Jean. Hortense se cache derrière le canapé.

JEAN: Oh ! Vous tremblez...tenez, c'est le coussin d'Hortense... Et son foulard là, derrière la porte...Il est en soie! Je vais vous le passer autour du cou.

GILLETTE: NNNoonn..

JEAN: Après, vous ne sentirez plus rien...

46

HORTENSE: (jaillissant de derrière le fauteuil) Il faudra d'abord me passer

sur le corps !

JEAN: Mais avec plaisir Hortense !

Jean passe le foulard autour du cou de Gillette au moment où un train passe et que le compteur disjoncte. Le hurlement de Gillette est couvert par le bruit du t r a in .

NOIR

47

ACTE III

Jean est seul en scène. Il travaille sur son portable. La vierge noire a

retrouvé sa place. Sonnerie de l'interphone.

JEAN: Mademoiselle Buffy ! ... Votre bridge est au troisième étage, pas au

second ! (Sonnerie de téléphone) Allô ?...Edmond, vous êtes enfin rentré en

France ?... Tout s'est passé comme prévu...Oui, c'est bien ça...je suis dans la place... Un vrai coq en pâte !... Non, ça n'a pas été facile...Oui... oui... le compteur a sauté au bon moment, mais c'est Hortense qui n'était pas prévue au

programme !... Si vous l'aviez vue jaillir devant moi ! Une lionne !!!

L'étagère se met à trembler; Jean pousse un cri.

JEAN: (toujours au téléphone) Non, ce n'est rien... c'est l'étagère... elle a dû se dévisser. (Nouvelle secousse, plus forte) Un instant...

Jean remet l'étagère en place.

JEAN : Allo... Ah ! oui, Hortense ! Quelle bombe ! (Bruit de bouchons). Voilà

le champagne qui s'y met maintenant ! Le bouchon a sauté tout seul? ... Oui...

Oui, il doit y avoir un défaut !...(Une bouteille tombe). Ce n'est pas possible, cette loge est ensorcelée !... Je vous rappelle, Edmond ! (Il raccroche, prend la

bouteille).A nous deux, Eugène ! D'homme à homme ! Qu'est- ce qui se passe ? Vous êtes jaloux?... Mais enfin réfléchissez un peu...C'est vous qui êtes parti... et « de rien » en plus! Laissant votre épouse dans une solitude¼immorale. Et de quelle façon êtes-vous revenu, Eugène ? ! Dans une bouteille ! Vous croyez que vos clins d'œil lui suffisent à Hortense ? C'est facile maintenant de me

reprocher de vouloir l'aider!...Ne vous inquiétez pas, elle vous regrette

beaucoup, mais vous n'êtes pas heureux de la voir revivre ? (Bruits) Vous ne

vous êtes pourtant pas privé avec Gillette ! (Silence) Vous ne dites plus rien ?

Alors, je n'irai pas par quatre chemins, Eugène, puisque j'y suis, j'y reste !

Hortense entre en trombe et va se cacher derrière le canapé.

48

HORTENSE: Vite ! Vite ! Cachez-vous! J'ai réussi à retarder le commissaire !

Ne vous inquiétez pas, j'ai savonné le palier !¼; Vous savez qu'on est devenu

ami le commissaire et moi !

JEAN: Amie avec un flic ! C'est malin !

HORTENSE: Je ne l'avais jamais vu, au commissariat ! Il a débarqué ici pour

savoir où vous habitez. J'ai eu beau lui expliquer que j'avais retrouvé ma vierge, il n'a rien voulu entendre. S'il savait que je planque ici le voleur de ma

vierge noire!

JEAN: Je vous l'ai rendue!

HORTENSE: Parce que vous n'avez pas réussi à la vendre!

JEAN: Non. Parce que je suis tombé amoureux de vous!

Hortense va regarder par la porte.

JEAN: Il est parti?

HORTENSE: Oui ! Comme Gillette!

JEAN: Hortense !!!

HORTENSE: A cause de vous j'ai perdu ma meilleure amie!

JEAN: Elle n'est pas perdue, elle travaille!

HORTENSE: Demandez à votre Edmond de la balancer dans le cinéma, quelle

idée!

JEAN: Le cinéma ! Le cinéma ! N'exagérons rien. Elle fait de la figuration

HORTENSE: C'est quand même du cinéma. Et on l'a vue à la télé !!!

JEAN: Elle figurait une morte à la morgue. Et comme elle était convaincante,

on lui a donné un petit rôle !

49

HORTENSE: Résultat : elle a déménagé.

JEAN: Dès que le film sera terminé, elle reviendra.

HORTENSE: J'aimerais quand même savoir ce que vous avez fait pour que le

flics vous recherchent?

JEAN: Un peu de patience...

Jean embrasse Hortense.

HORTENSE: Oh ! Vous piquez !¼Allez vous raser !

JEAN: Avec le rasoir d'Eugène ?

HORTENSE: Naturellement !Les flics ont collé des scellés sur votre porte. (Bruits de bouteilles) Eugène tu te calmes ! Tu n'en as plus besoin de ton

rasoir !

JEAN: Je vous laisse tous les deux¼ je vais me détendre dans un bon bain !

HORTENSE: (prend la bouteille) Eugène... (Au goulot) J'en ai marre de tes crises de jalousie ! Aide-moi plutôt à finir mon arbre ! ¼Je viens de recevoir

des nouvelles des Paparelli ! 1515 ! La bataille de Marignan. Tu ne croyais pas

que j'irais au-delà de la Révolution, hein ? ¼ Avoue que ça t'épate !

On entend Jean chantonner Carmen dans la salle de bain.

HORTENSE: Jean! Vous dérangez Eugène !

Jean apparaît à la porte de la salle de bain, enroulé dans une serviette.

JEAN: Vous avez réussi à entrer en contact avec lui ?

HORTENSE: Non ! Il fait sa tête de mule !

Jean sort.

50

HORTENSE: Excuse-le, Eugène ! Moi aussi je pourrais t'en

vouloir !¼Qu'est-ce que tu as fait avec Gillette ?... Sur le toit, gros cochon ! Pour être plus près du septième ciel peut-être ?!...Allez viens ! ¼ Tu veux que

je te supplie ? Que je pleure ? Que je me mette à genoux ?

Jean arrive en chantant, mousse à raser sur le visage. Vive réaction d'Eugène.

HORTENSE: Ne vous promenez donc pas tout nu devant mon mari !

On entend les bouteilles remuer sur l'étagère. Hortense se précipite sur la

bouteille qu'elle enlace en regardant dans le goulot.

HORTENSE: Eugène ! Enfin !¼ Mais¼mais¼Il n'y a personne ! J e n 'y

comprends rien !

Jean prend la bouteille et regarde .

JEAN: Il est là !¼( Il lui tend la bouteille) Regardez ... Il me fait des bulles de champagne !!! Oh ! Eugène ! Qu'est-ce qui vous prend ? Quoi ?...Sexy? Moi?

HORTENSE: Passez-moi cette bouteille. Tu veux bien m'expliquer Eugène...Quoi? Tu veux te remarier?...C'est moi qui suis veuve, pas toi !!!

Quoi?...Avec Jean?

JEAN: De plus en plus intéressant...

HORTENSE : Espèce de vieux bigame !!!! (A Jean) Vous, allez te rhabiller !

(A Eugène) Et toi, au frigo, ça te rafraichira !

La porte s'ouvre sur Gillette, rayonnante, avec grosses lunettes noires, star jusqu'au bout des ongles.

GILLETTE: Coucou mon Hortense ! (Jean est près de Gillette qui lui tend sa

main à baiser) Jeaaan¼ (Elle ouvre le frigo et tend sa main à la bouteille)

Eugèeeene¼ (Elle va embrasser Hortense) Ma chérie¼Comment allez-vous

tous les trois ?¼Eh ! Bien ! Jean pour quelqu'un qui se cache, vous n'avez

peur de vous montrer !!!

HORTENSE (à Jean) Allez vous habiller!

51

Jean sort.

GILLETTE: Vous me manquiez tellement que j'ai demandé à mon chauffeur de faire un petit détour pour vous embrasser ! ¼ Mais je n'ai pas le temps de

rester, j'ai Cannes à préparer pour dans quinze jours !

HORTENSE: Cannes ? Je croyais que tu faisais de la figuration ?

GILLETTE: Plus maintenant ! J'ai un rôle !

JEAN (off): Vous prendrez bien un petit thé, Gillette ?

HORTENSE: Le dernier était vraiment réussi !

JEAN: (off) Il a mis Gillette sur les rails de la gloire !

GILLETTE : Je vais même faire la couverture du nouveau "détective"!!!

Jean revient, vêtu d'un jean et d'un pull.

JEAN: Votre job semble vous convenir, Gillette ?

GILLETTE: Divinement ! ¼ (À Hortense) Je me demande pourquoi Eugène

ne t'a rien dit de ce qui allait m'arriver ?! (À Jean) J'ai eu la chance de ma vie ! Votre ami m'engage pour une figuration et me voilà devenue « l'assassinée de

service » !

HORTENSE (mettant ses mains autour de son cou et imite Gillette): On a eu

droit à la répétition générale ici!

JEAN: Racontez nous, Gillette!

GILLETTE: J'arrive sur le plateau. Là je comprends que les figurants, c'est le

décor qui bouge ! A la pause, je mange un sandwich quand tout à coup un homme fonce sur moi et me dit « Eh ! Toi, là ! Meurs ! » Ca m'a fait un choc, je me suis évanouie ! Une heure plus tard, j'avais le rôle.

JEAN: Bravo!

52

GILLETTE: Je suis déjà morte quatre fois cette semaine ! Et à chaque fois de

mort violente ! J'ai une agonie inimitable, paraît-il ! Et mon dernier cri ! Alors

là !¼Tu veux que je te le fasse ?

HORTENSE: Non ! Non ! Tu as fini par le rencontrer Achille ?

GILLETTE: C'est l'homme invisible celui-là ! on a eu beau chercher, même

sur internet, rien! même pas une photo de lui! à se demander s'il existe!

JEAN: Peut-être se cache-t-il ?

GILLETTE: Tout le monde n'est pas comme vous, Jean ! (A Hortense) Ta

vierge noire est revenue? T'es sûre que c'est l'original ?

JEAN: Gillette !!!

HORTENSE: (à Gillette) Figure-toi que je me suis posé la question !

JEAN: Vous avez eu raison... Et je vais vous donner la réponse, Mesdames.

Jean sort un livre de sa poche.

JEAN : « Dans cet immeuble d'apparence calme, vivait la dernière vraie concierge de Paris. Experte en généalogie, elle s'adonnait aussi à la voyance. Quoi de plus normal pour la descendante de la fameuse « sorcière de Marignan » ! Notre concierge voyait l'avenir dans les bouteilles de vin, et

surtout, les bouteilles de champagne » (Hortense et Gillette se regardent

sidérées) « Hortense - c'est son nom - a une amie, Gillette. »

HORTENSE et GILLETTE: C'est moi ? ! !

JEAN (montrant le titre du livre): « Couvre feu à Lutèce en Macronie"

HORTENSE et GILLETTE (prennent le livre):Un Achille ?!!!

JEAN: Oui. Un Achille !

GILLETTE: C'est pas possible ! Le prochain Achille sort la semaine

prochaine !

53

HORTENSE: Vous l'avez volé ?

JEAN: Je l'ai écrit !

HORTENSE: Ecrit? Vous êtes nègre ?

JEAN: Non ! Je suis Achille!

HORTENSE: Et moi, la femme du pape !

JEAN: Seulement la descendante de François 1er !

GILLETTE: L'Achille des « Achilles » qui ne vient jamais sur le tournage ?

JEAN: En chair et en os !

GILLETTE: Et vos manches ?

JEAN: Une couverture !

GILLETTE: Et Hortense ?

JEAN: Hortense a été mon piège !

HORTENSE: C'est vous qui nous avez piégées!

JEAN: J'ai vu le reportage à la télévision. J'ai eu envie de connaître la dernière

vraie concierge de Paris!

GILLETTE: Vous aviez tout prémédité?

JEAN : Non, improvisé!

HORTENSE: Et le commissaire là dedans?

JEAN: Un pote! Le vrai commissaire, vous l'avez vu au commissariat.

GILLETTE (à Hortense): Peut-être qu'il dit la vérité?

54

JEAN: C'est la vérité! Et vous avez été mes muses !¼ (Il prend la bouteille)

Avec Eugène.

GILLETTE: Vos muses ? Wouah !!!

HORTENSE : Eugène ? Une muse ?

JEAN: Eugène est un don du ciel pour un écrivain !

GILLETTE: Les mains gantées sur mon cou¼ c'était vous ???

HORTENSE: Les pannes d'électricité ?!¼ Vous ? !

GILLETTE: Sa disparition de vierge ?

HORTENSE: Ma réapparition de vierge ?

JEAN: Moi !¼Moi !¼Moi !

GILLETTE: Les policiers dans le métro ? Les menottes ?

JEAN: Un essai pour le tournage du « Paris-Brest ».

HORTENSE: Les scellés sur ta porte ?

JEAN: Mon pote les a installés. Avant de commencer un roman, j'ai

l'habitude d'étudier mes héroïnes à chaud¼

HORTENSE (s'assoit): Alors là, Ca me la coupe !

JEAN: Pas pour longtemps !

Un bouchon de champagne explose dans le frigo.

HORTENSE et GILLETTE: Eugène !

HORTENSE: Ah ! Non Eugène, tu ne vas pas recommencer !

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GILLETTE: Eugène manifeste sa joie comme il peut !

HORTENSE: Sa joie...sa joie...c'est vite dit!

GILLETTE: Il va être aussi célèbre que moi!

HORTENSE: N'exagère pas!

JEAN : ( Ouvrant une bouteille de champagne) N'oubliez jamais Mesdames :

HORTENSE et GILLETTE : ( brandissant le livre) Vive le "Couvre feu à

Lutèce en Macronie"

Ils trinquent.

Jean : Et n’oublions pas...

Tous les trois : In Vino Veritas !

FIN


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