Jean-Claude

Suite aux sanglantes chasses aux sorcières moyenâgeuses, toutes les ensorceleuses ont disparu de la surface de la terre… toutes ? Non… Car un petit contingent d’irréductibles enchanteresses résiste encore et toujours à l’inquisiteur. Mais elles se sont faites discrètes… très discrètes ! Aujourd’hui, elles se disent « naturopathes », afin d’exercer leur art en toute sécurité. D’ici à ce que l’humanité soit prête à les accueillir, plutôt que les chasser. Chez les sorcières, il y a aussi des apprenties. Comme dans tous les domaines, il y a ceux qui ont de la facilité et… il y a les autres ! Imaginez un peu ce que l’on risque de faire avec une baguette magique, lorsqu’on ne la maîtrise pas…

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Liste des personnages (6)

Narrateur/narratriceIndifferent • Adulte/Senior
Il/elle plante le décor et participe aux ellipses et au fil rouge. Vêtu/e d’une grande cape noire avec capuchon et d’un loup sur le visage. Il a un gros grimoire ouvert sur les genoux et quand il le referme, il y a de la poussière qui s’envole.
Ursula TouâschaFemme • Adulte
Une sorcière, l’aînée de la sororité (226 ans). Elle campe le rôle de dirigeante et veille à ce que leur secret soit bien gardé. Son prénom signifie "ours".
Pandore Touâscha Femme • Adulte
Cadette d’Ursula (173 ans), sorcière également, elle est beaucoup plus enjouée que sa sœur. Son prénom signifie "le présent de tous".
Séraphine Touâscha Femme • Adulte/Jeune adulte
54 ans, nièce d’Ursula et Pandore, fille de Gwendolyn et fille adoptive de Merlin. Elle est envoyée par sa mère chez ses tantes pour suivre son apprentissage de sorcière qu’elle aurait dû commencer… il y a 15 ans ! Assez naïve et pas spécialement vive d’esprit, elle va donner du fil à retordre à ses tantes.
Johanne Dusse Femme • Adulte
Cliente du cabinet de naturopathie qui est aussi leur factrice, raison pour laquelle elle passe si souvent. Johanne est l’épouse de Jean-Claude qui a été changé en chat par Ursula et Pandore car il était volage et les avait séduites toutes les deux. Elle cherche à récupérer son mari et à se venger des sorcières.
Gontran Homme • Adulte
Patient et voisin du cabinet de naturopathie, a un gros défaut de prononciation : il est allergique aux consonnes. Egalement inspecteur de l’INQUISITION des temps modernes.

Décor (1)

DécorsLe décor peut tout-à-fait être composé d’éléments amovibles au sein d’une black box. Au milieu de scène, un petit bureau, deux chaises/tabourets qui se font face et derrière celle de la « thérapeute », une étagère/bibliothèque emplie de bocaux où des choses étranges flottent, d’un grimoire, de livres, d’animaux empaillés, d’objets type « cabinet de curiosités ».

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      ACTE I – Scène 1

      Pour une salle avec rideaux : le/la narrateur/trice vient se placer en avant-scène, rideaux fermés, une douche ou un éclairage ponctuel sur lui/elle. Pour une salle sans rideaux, noir total scène et salle : le/la narrateur/trice vient se placer en milieu de scène et la douche s’allume.

      1. Narrat Il était une fois… c’est bien ça la formule consacrée… ? Pourquoi une fois ? En fait, il était plusieurs fois… il était bien des fois. Il y a des lustres, oui… il y a des lustres, ça va aussi. Il y a des lustres, l’être humain n’avait pas encore remis en cause le fait qu’il faisait partie de la nature. Il n’avait pas encore dit : « il y a la nature et il y a l’homme ». C’est peut-être la nature de l’homme qui fait qu’il avait besoin de faire le distinguo. Donc il y a des lustres, l’homme vivait en parfaite harmonie avec cette nature dont il fait partie. Si bien qu’il a découvert le pouvoir des plantes. Qu’il pouvait soigner les maux de l’âme, certains maux du corps grâce à celles-ci. Puisque les hommes étaient occupés à comparer la taille de leur « nature », ce sont les femmes natures, elles, qui s’exercèrent à utiliser et comprendre les plantes. Elles développèrent des soins. Elles découvrirent également comment elles étaient capables de soigner avec leurs mains, comment elles étaient capables de soigner avec leur cœur. Comment quelques paroles pouvaient apaiser la souffrance. Ces mots, bientôt elles en firent des incantations. Comprenant que les mots pouvaient soigner les maux. Seulement voilà, les êtres humains heureux et en santé sont moins facilement gouvernables. La place et la puissance de ces femmes guérisseuses inquiéta les dirigeants… qui pouvaient moins bien diriger. Ils commencèrent à semer la graine de la peur dans l’esprit des citoyens. Leur faisant croire que si ces femmes pouvaient guérir… alors elles pouvaient également rendre malade. Si celles-ci pouvaient apporter le bonheur, cela voulait dire qu’elles pouvaient aussi apporter le malheur. Ces dirigeants créèrent donc un concept, celui de la sorcière. Qu’il fallait à tout prix exterminer si l’on voulait faire disparaître le spectre du malheur. C’est ainsi que débutèrent les fameuses « chasses aux sorcières » qui firent des dizaines de milliers de victimes, jusqu’à brûler la dernière sorcière à Fribourg… La dernière ? Pensez-vous ! Elles étaient bien plus malines que cela ! La vérité, aujourd’hui, je peux vous la révéler, puisque vous êtes tous venus pour vous faire ensorceler, n’est-ce pas ? La vérité, c’est que les sorcières comprirent qu’elles ne parviendraient momentanément pas à triompher de cet obscurantisme crasse qui s’était emparé des humains. Ainsi, elles décidèrent de se cacher. De cultiver leurs pouvoirs et leurs connaissances en secret, attendant le jour où l’humanité serait prête à renaître de ses cendres. Vous vous demandez alors sans doute : « Mais qui sont-elles aujourd’hui ? Que font-elles ? Où vivent-elles ? » C’est ce que vous allez découvrir… A moins que… vous n’ayez peur… ?

      NOIR

       

       

      ACTE I – Scène 2

      Ursula est installée au bureau, un ordinateur portable face à elle. (Mac avec une citrouille d’Halloween à place de la pomme).

      1. Pandore OFF, Ursula ?
      2. Ursula Oui… ?
      3. Pandore OFF, Où as-tu rangé les limaces confites ?
      4. Ursula Près du four… entre l’aromat et les genoux de serpents séchés.
      5. Pandore OFF, Ah oui, je les ai !
      6. Ursula Tant mieux… Elle se concentre sur son écran.
      7. Pandore OFF, Ursula ?
      8. Ursula Soupire, oui… ?
      9. Pandore Et la décoction de plumes de canard ?
      10. Ursula Heu… ça doit être près du batteur électrique…
      11. Pandore OFF, Ah oui, je l’ai !
      12. Ursula Tant mieux… Elle se concentre sur son écran.
      13. Pandore OFF, Ursula ?
      14. Ursula Oh mais c’est pas vrai ! Pandore !! Débrouille-toi un peu ! Tu vas me faire louper mon enchère sur Witch !
      15. Pandore Entre en scène, ah bon, tu enchéris sur quoi ? Elle jette un coup d’œil au panier où le chat dort, oh coucou Jean-Claude !
      16. Ursula Un grimoire très ancien.
      17. Pandore Encore un ? Tu n’en as pas déjà assez ?
      18. Ursula Tu ne peux pas comprendre, tu n’aimes pas lire.
      19. Pandore ça n’est pas que je n’aime pas lire, mais j’ai été totalement traumatisée par les mémoires de maman… quand j’ai lu tout ce que grand-maman avait subi du temps de l’inquisition, brrr… ça m’a immunisée pour toujours. Dis donc, c’est le foutoir à la cuisine. Je ne retrouve rien.
      20. Ursula J’ai vu ça…
      21. Pandore Tu pourrais ranger les ingrédients où tu les as pris. Sinon je passe mon temps à les chercher.
      22. Ursula D’accord, d’accord, je ferai attention. Maintenant, Pandore, pourrais-tu me laisser aller au bout de cette enchère ?
      23. Pandore Oui, oui, je te laisse tranquille.
      24. Ursula Merci…
      25. Pandore Elle va pour sortir et se stoppe, oh, Urs ?
      26. Ursula Comment à s’agacer, agite ses doigts au-dessus du clavier, oui…. ?
      27. Pandore Quand tu auras terminé ton enchère, pourrais-tu commander sur Chaudron-Express de la rosée lunaire du Mexique ?
      28. Ursula Heu… oui, pourquoi faire ?
      29. Pandore Je vais essayer de remplacer la bave de crapaud par ça… pour les alternatives vegans de mes potions. Vu les tendances, je suis bien obligée de m’adapter…
      30. Ursula Voilà bien un non-sens… faire venir de la rosée du Mexique pour remplacer la bave de nos crapauds suisses…
      31. Pandore A tout à l’heure…
      32. Ursula C’est ça.

      Le téléphone sonne.

      1. Ursula Par les moustaches du destin, c’est une conspiration ?!
      2. Pandore Va suivre ton enchère à la cuisine. Comme ça, tu pourras surveiller les hérissons. Je vais répondre au téléphone.
      3. Ursula Grommèle en sortant, téléphone… invention de malheur ! On avait moins de problème avec les pigeons. Maintenant, c’est les pigeons qui téléphonent.

      Elle sort.

      ACTE I – Scène 3

      1. Pandore Cabinet de naturopathie, bonjour, Pandore au téléphone… Ah bonjour Madame Bourdon, que puis-je pour vous ? Oui… oui… un… un quoi ? Un « fazmazmatique » ? Je ne comprends pas, un fa… Oui, alors j’ai bien entendu, un « fazmazmatique ». C’est quoi ? Une maladie auto-immune ? Aaaah, pardon, un phasme asthmatique ! Voilà, voilà, votre phasme, fait de l’asthme ! Pour elle-même, pas facile à dire, ça. Oui, je comprends bien. Que je le soigne ?? Mais Madame Bourdon, je ne m’occupe pas des phasmes, parfois des fantasmes, et encore. Vous n’avez pas appelé le vétérinaire… ou un jardinier ? Ah ils ne s’occupent pas de ça… Comment ? Mais non, l’asthme n’est pas contagieux ! Ne vous en faites pas, vous n’allez pas attraper l’asthme de votre phasme et n’y voyez pas de sarcasme ! Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? Oooh Madame Bourdon, vous, vous êtes encore allée sur hypocondriaque.com ! Vous vous souvenez qu’à chaque fois que vous allez consulter des symptômes sur la toile, ça ne fait qu’empirer la situation ? Non, Madame Bourdon, je ne sais pas si un cataplasme est utile à un phasme asthmatique ! Le mieux que vous ayez à faire, c’est poursuivre le traitement que je vous ai prescrit contre l’anxiété excessive et surtout, laisser beaucoup d’oxygène à votre phasme. Laissez-le respirer. Je crains que vous ne fassiez un transfert de votre anxiété sur votre phasme. Et un phasme anxieux devient blême et un phasme blême… non pas un blasphème, rien à voir, un phasme blême devient vulnérable. Il risque d’avoir le bourdon… enfin, non, pardon ! Donc, on respire tous les deux, on est d’accord ? C’est ça, vous me rappelez s’il y a encore un problème. Merci Madame Bourdon, au revoir… Elle raccroche. Je comprends son phasme… elle me pompe l’azote, celle-là !

      ACTE I – Scène 4

      1. Johanne Off, bonjour, c’est moi !
      2. Pandore Bonjour Madame Dusse, entrez!

      Johanne entre, les bras chargés d’un gros box de polystyrène.

      1. Johanne Je vous l’ai dit, appelez-moi Johanne. Ça me fera plaisir.
      2. Pandore D’accord, vous pouvez poser ça sur le bureau, Johanne. Attendez un petit instant, je vous fais de la place… Elle pousse une petite jarre. Voilà !
      3. Johanne Merci ! C’est pas léger ! Et je ne vous dis pas l’odeur dans  mon fourgon de la Poste ! J’ai l’impression de conduire un corbillard…
      4. Pandore Gênée, ah, heu… hi hi…  oh vous savez, les matières premières pour les préparations de naturopathie, ça peut sentir très fort. La plante Amorphophallus titanum, par exemple, a l’odeur d’un cadavre en décomposition…
      5. Johanne Charmant…
      6. Pandore Elle est en voie de disparition, d’ailleurs.
      7. Johanne Quelle plante pleine de bon sens…
      8. Pandore Dites, Johanne… Nous avons remarqué que quelqu’un rôdait autour de chez nous dernièrement… vous ne seriez pas au courant de quelque chose par hasard ?
      9. Johanne Un peu mal à l’aise, ce n’est pas mo… enfin, je veux dire, pourqu… hem… pourquoi me demandez-vous ça à moi ?
      10. Pandore Parce que vous êtes toute la journée sur les routes… et que vous avez emménagé quasi en face de chez nous.
      11. Johanne . ah… non non… Vous pensez à un cambrioleur ?
      12. Pandore A vrai dire pour le moment, nous ne pensons à rien… mais les lumières automatiques se sont allumés plusieurs fois et notre chat avait l’air nerveux.
      13. Johanne Elle jette un œil en direction du panier, sarcastique
      14. Pandore Oh en journée il est complètement chat-plat. Hein, mon chat-chat ?
      15. Johanne Sérieusement, je crois que je ne l’ai jamais vu bouger. Je me suis même demandée s’il n’était pas empaillé… pire… mort !
      16. Pandore Ne dites pas ça, malheureuse… Elle chuchote, il est susceptible.
      17. Johanne Sur le même ton, En tous cas, il fait super bien le chat mor… enfin, empail… enfin qui dort ! Comment s’appelle-t-il ?
      18. Pandore Jean-Claude.
      19. Johanne S’étrangle, Jean-C… hem hem hem…
      20. Pandore Tout va bien ?
      21. Johanne S’éclaircit la gorge, oui oui, j’ai un chat dans la gorge. Hem… Jean… Jean-Claude ? C’est curieux pour un chat !
      22. Pandore Oh… il a des traits de caractère très humains… ça lui va bien.
      23. Johanne Au fait, Pandore… vous avez quelques minutes à me consacrer ?
      24. Pandore Pour vous, toujours. Asseyez-vous, Johanne.
      25. Johanne S’asseyant, peu après mon arrivée dans le village, je vous avais demandé un coup de main parce que… comment dire… j’avais besoin d’un petit « remontant » (elle fait le geste de monter quelque chose avec ses mains) pour mon mari…
      26. Pandore Pianotant sur son ordinateur, ah oui, je vois dans votre dossier. Elle le parcourt des yeux. Oui oui… je vous avais dit que je ne pouvais rien prescrire à votre mari, ce n’est pas lui mon patient.
      27. Johanne Tout-à-fait, du coup, c’est moi qui ai pris votre petite mixture à base de phéromones.
      28. Pandore Et pour qu’il en ressente, lui, les effets, vous avez bien utilisé la formule ?
      29. Johanne Oui, comme vous me l’avez dit, j’ai susurré trois fois « Turlute es-tu, Chapeau pointes-tu ? »
      30. Pandore Et ça vous a aidé ?
      31. Johanne Et comment… ! D’ailleurs, à ce sujet… j’aurais voulu savoir si vous pouviez préparer l’antidote à cette « potion ».
      32. Pandore L’antidote… ?
      33. Johanne Eh bien ça a tellement bien fonctionné que je ne dors plus la nuit, moi !
      34. Pandore Ah, ça a eu un effet… disons dynamisant ?
      35. Johanne « Dynamitant » ! Vous voulez dire !! Mon mari s’est changé en véritable « Nympho-Man » (mime de Superman)… il ne me laisse plus tranquille ! Et comme je lui ai dit que j’avais tout de même besoin d’un minimum de quatre heures de sommeil par nuit, il s’est mis à harceler les voisines ! Quand elles lui ont dit d’aller se faire voir ailleurs, il a réaménagé le jardin… il a bouché tous les trous faits par les taupes… Il a planté des petites graines partout… Il faut faire quelque chose… je suis aussi vide qu’une chanson d’Aya Nakamura.
      36. Pandore Oui… ça a eu un effet drastique. Elle cherche dans un grimoire. Voyons voyons… contrindication… aucune. Elle lit. Non, je ne vois rien de particulier… Vous aviez bien respecté la posologie ?
      37. JohanneElle regarde Pandore des gros yeux. La poso…
      38. Pandore Oui, la posologie. Vous avez bien appliqué ce que je vous avais dit ?
      39. Johanne Hem… il est possible que… comme ma situation me paraissait désespérée… hem… que j’ai un peu doublé la dose.
      40. Pandore Doublé ??
      41. Johanne Petite voix, voire triplé…
      42. Pandore Triplé ?? Et cela ne vous est pas venu à l’idée que c’était peut-être ça, la source de l’hyperactivité de votre mari ?
      43. Johanne J’avoue que…non. Alors il suffit que je respecte la dose prescrite ?
      44. Pandore ça peut être une idée, oui.
      45. Johanne Pas besoin d’antidote ?
      46. Pandore Non, pas besoin. Prenez la préparation comme je vous l’ai écrit sur l’étiquette et votre mari laissera désormais les voisines et les taupes tranquilles !
      47. Johanne Merveilleux ! Merci beaucoup Pandore ! Merci infiniment.
      48. Pandore Raccompagnant Johanne à la porte, c’est moi qui vous remercie Johanne. A l’occasion, il faudra que vous me présentiez votre mari. Je ne l’ai jamais vu.
      49. Johanne Ah, vous êtes une des voisines qu’il a laissées tranquilles alors ! Oui oui, je vous le présenterai.
      50. Pandore Une bonne journée à vous ! Johanne sort, elle ferme la porte, les pauvres… c’est Johanne qui prend la potion et c’est les voisines qui trinquent !

      ACTE I – Scène 5

      On frappe à la porte du cabinet. Pandore va ouvrir.

      1. Pandore Off, vous avez oublié quelque chose ? Séraphine… ? Qu’est-ce que tu fais là ? Où est ta mère ? Entre…

      Pandore et Séraphine reviennent sur scène, avec une valise.

      1. Séraph C’est une longue histoire… je vais t’expliquer. Tante Ursula est là ?
      2. Pandore Oui, elle est occupée à épiler un hérisson.
      3. Séraph A quoi ?
      4. Pandore C’est à cause de la nouvelle loi sur la protection des animaux. On a essayé, mais on ne peut pas renoncer aux pics de hérisson. On en a besoin pour beaucoup de préparations. Par contre, aujourd’hui, on doit pouvoir les prélever dans le respect de l’animal et sans le tuer.
      5. Séraph Mais ça doit lui faire super mal !
      6. Pandore Non, justement… c’est le but du nouveau procédé. Le hérisson est sous hypnose pendant le prélèvement, ensuite on l’enduit de jus de citron et d’huile d’olive, d’un peu de sel et de p… ah non, ça c’est pour le poulet rôti. Bref… je ne me souviens plus exactement de ce qu’elle applique, mais le hérisson retrouve une peau de bébé et ne sent aucune douleur. Viens, allons la voir ! Elles sortent.

      A cet instant, une silhouette complètement vêtue de noir et cagoulée entre en scène depuis jardin. Elle regarde autour d’elle et approche de la table du cabinet. Elle va pour toucher les objets et entend des pas venir dans sa direction. Elle se plaque contre le mur (derrière l’arbre à balais ou autre chose pour se dissimuler) et reste cachée ainsi après le retour des sorcières.

      Pandore, Séraphine et Ursula entrent. Cette dernière en se séchant les mains dans une petite serviette.

      1. Pandore Tu as terminé ?
      2. Ursula     Oui, le hérisson est en salle de réveil. Il se porte comme un charme. Eh bien Séraphine, quelle surprise ! Qu’est-ce que tu fais là ? Où est ta mère ?
      3. Séraph J’ai pas mal de choses à vous raconter.
      • Ursula Viens par-là, on va s’assoir et tu vas nous expliquer.

      Elles vont prendre place sur les chaises autour de la petite table de consultation.

      • Pandore Tu aimerais goûter ma tisane anti-stress ? Je fais des tests.

      Pandore est concentrée sur la théière et les tasses. Ursula regarde Séraphine et lui fait non de la tête avec des gros yeux, puis une grimace de dégoût avec la bouche.

      • Séraph Heu… non, merci. Le voyage m’a un peu barbouillée…
      • Pandore Oh ! Une tisane anti-nausée alors ? Justement j’en ai une…
      • Ursula Pandore, tu nous saoules avec tes tisanes. Laisse un peu Séraphine tranquille. Allez, toi, raconte-nous tout. Il est arrivé quelque chose à Gwendolyn ?
      • Séraph Pour ça… oui, il lui est arrivé plein de choses. Pour vous rassurer : maman va bien. Enfin… je mets des guillemets. Physiquement… ça va. Mais dans la tête… Je ne sais pas par où commencer…
      • Ursula Par le commencement… d’abord, elle est où en ce moment ?
      • Séraph C’est bien le problème… je n’en sais rien. Depuis son divorce d’avec Merlin, elle a complètement vrillé !
      • Ursula Ils ont divorcé ?
      • Séraph Oui…
      • Ursula Ah ! Par la bête du Gévaudan, elle ne nous a rien dit ! Il y a longtemps ?
      • Séraph Il y a pas mal de temps déjà… Depuis là, ça a été un défilé de mecs à la maison.
      • Pandore Des… sorciers, j’espère ?!
      • Séraph Plus ou moins… mais pas que. Quand elle a épuisé tous les sorciers dignes de ce nom, elle est allée piocher dans les petits magiciens de quartier…
      • U/P Choquées, nooon ?
      • Séraph Dans les prestidigitateurs…
      • U/P Choquées, nooooon ?
      • Séraph Même les mentalistes à la fin…
      • U/P Choquées, noooooooooooooooon ?
      • Séraph Je ne la reconnaissais plus. Une femme comme maman… J’ai toujours cru qu’elle était indépendante… une vraie femme libérée… qu’on ne laisserait jamais tomber et… qui a fait un bébé toute seule.
      • Pandore Ah… alors elle t’a raconté ?
      • Séraph Que je suis le fruit d’une partie de jambes en l’air au beau milieu de la forêt de Brocéliande, quand elle était bourrée à l’hydromel ? Oui, je suis au courant… Quand Merlin l’a larguée, elle a bien été obligée de me le dire. Il m’a adoptée quand j’avais deux ans environ. Maman n’a aucune idée de qui est mon véritable daron.
      • Ursula Ton quoi ?
      • Séraph Ah oui, pardon… c’est un mot de « jeunz ». Ça veut dire « père ».
      • Pandore Oh ma Séra… je suis désolée… Il faut la comprendre… elle était jeune à ce moment-là.
      • Ursula Elle avait quand même 146 ans….
      • Séraph Bref ! Elle était devenue tellement difficile à vivre, elle menait tout le monde à la baguette. Merlin a farté son balai et s’est tiré ! A sa place, j’aurais fait pareil. Comme ça a toujours été lui qui ramenait la thune, maman s’est retrouvée fauchée.
      • Ursula Je vais l’appeler, elle met la main à sa tempe.
      • Séraph Tu peux toujours essayer. Elle a mis son intuition sur mode avion. T’arriveras pas à la joindre.
      • Ursula Et c’est quoi le plan alors ?
      • Séraph Avant de partir pour, la Thaïlande, si j’ai bien compris… pour rejoindre une communauté d’anti-lunistes…
      • Ursula Oh non, pas les anti-lunistes…
      • Pandore Anti quoi ? C’est quoi ça ?
      • Ursula C’est un nouveau courant de pensée qui dit que la lune n’a aucun effet sur la préparation des potions ou des sorts… Ils se disent « anti » lunistes, par opposition aux lunistes… qui travaillent avec les phases de la lune depuis des milliers d’années. Et en plus… ils disent que la lune est plate !
      • Pandore Sérieux ? Je ne connaissais pas du tout…
      • Ursula Pas grave… pour dire qu’ils parlent de lune, c’est pas des lumières ! Et donc, ta mère… ?
      • Séraph Avant de partir, elle m’a dit de venir chez vous pour mon apprentissage et que vous ne sauriez rien refuser à votre, je la cite « nièce adorée »…
      • Ursula Ah ! Elle est gonflée, ta mère…
      • Pandore Urs, restons calmes. La petite n’y est pour rien.
      • Ursula Je sais bien… mais, et ne le prends pas contre toi Séraphine, nous envoyer sa gamine…
      • Séraph J’ai tout de même 54 ans !
      • Ursula C’est ce que je disais… « gamine » ! Bon… qu’est-ce que tu sais faire… ?
      • Séraph Heu… c’est-à-dire ?
      • Ursula A quoi en es-tu restée dans ton apprentissage ?
      • Séraph Ben en fait… j’ai pas encore commencé…
      • U/P Quoi ??
      • Séraph Maman ne prenait jamais le temps pour ça. Elle m’a dit que rien ne pressait et que je pourrais toujours rattraper mon retard si j’apprenais vite.
      • Ursula D’accord…
      • Séraph Seulement…
      • U/P Seulement… ?
      • Séraph J’apprends pas vite en fait.
      • Ursula De mieux en mieux…
      • Pandore Tu aimerais un peu de tisane anti-stress ?
      • Ursula Ne rajoute pas de tisane sur le feu, tu veux ?
      • Séraph Mes tantes, je sais que je ne suis pas un cadeau. Moitié sorcière, moitié simple mortelle… assez lente, pas toujours très rapide… mais je n’ai plus que vous. Je ferai de mon mieux et je vous promets que ça passera crème ! Regard interloqué de Pandore et Ursula. Que ça ira très bien.
      • Ursula Tu sais cuisiner ?
      • Séraph Non…
      • Ursula Faire la lessive ?
      • Séraph Non…
      • Pandore Le ménage ?
      • Séraph Le ménage, le truc avec la patte à poussière, passer l’aspirateur, changer les draps, nettoyer les vitres, tout ça ?
      • P/U Pleines d’espoir, oui !
      • Séraph Alors non.
      • Ursula Bon bon… il va falloir débuter avec les bases alors. Pour commencer, c’est toi qui t’occupera du chat à partir d’aujourd’hui.
      • Séraph Regardant autour d’elle, un chat, quel ch… ah ! Oh… je ne l’avais pas vu… vous êtes sûre qu’il est encore vivant ?
      • Pandore Oh oui, hi hi… Il dort toute la journée et ne part en vadrouille qu’à la nuit tombée. Hein, mon chat-chat ? Jean-Claude, dis bonjour à Séraphine ! C’est elle qui va te donner le bon miam-miam maintenant, hein, mon Cloclo !
      • Séraph Sérieux… pourquoi vous lui avez donné un prénom d’humain ?
      • Pandore Ah, mais parce que c’est un humain !
      • Séraph Quoi ??
      • Pandore C’était un beau jeune homme…
      • Ursula Cheveux noirs de jais…
      • Pandore Yeux bleu azur…
      • Ursula Jean-Claude avait une peau si douce… (prononce légèrement « dusse »).
      • U/P Rêveuse, aaah…
      • Séraph OK, hyper malaisant… et qu’est-ce qui s’est passé ??
      • Ursula Il a voulu courir deux lièvres à la fois…
      • Séraph Quoi ? Les chats, les lièvres, j’y comprends kedal.
      • Pandore Jean-Claude nous a séduite toutes les deux… en nous faisant croire chacune qu’il était fidèle… ha ha, on ne trompe pas l’intuition des sorcières ! Quand on s’en est aperçues, on l’a coincé !
      • Ursula Je vois encore sa tête… il pensait être le plus malin ! Il a juré ses grands Dieux qu’il était simplement tombé amoureux de nous deux, que s’il pouvait choisir, il nous aurait toutes les deux pour lui tout seul… Qu’il ne pouvait pas se passer de nos caresses, de nos baisers…
      • Pandore Alors on l’a changé en chat…
      • Séraph C’est chat-llucinant votre truc… et vous avez pensé à sa famille ? Il avait peut-être une femme.

      La silhouette s’éclipse discrètement par la sortie jardin.

      • Ursula Il nous a toujours dit qu’il n’en avait pas. Bon, je m’en retourne à mes hérissons. Quand ils n’ont plus de pics, on leur met des petits cure-dents.
      • Pandore Pour pas qu’ils développent des complexes.
      • Ursula Pandore, installe Séraphine dans la chambre orange…
      • Séraph T’as pas une autre couleur ? ça fait un peu voirie…

      Ursula la foudroie du regard.

      • Séraph Enfin toute compte fait, c’est très bien le orange… ça fait aussi… agrume…
      • Ursula Séraphine, demain, on commence dès potron-minet !
      • Séraph Quoi, qu’est-ce qu’il a le minet ?

      Ursula lève les yeux au ciel et sort. NOIR

      ACTE I – Scène 6

      Légère lumière sur le cabinet. Une silhouette toute vêtue de noir et cagoulée se glisse sur scène avec des mouvements légers et harmonieux au rythme de la musique de la panthère rose. Elle s’approche du bureau et farfouille sur la table, sur l’étagère, le tout avec des gestes volontairement rythmés et « sur-joués ».

      On entend des pas venir depuis cour, la silhouette lève la tête est se carapate à jardin pour disparaître.

      ACTE I – Scène 7

      Ursula entre avec une tasse dans les mains dont elle brasse le contenu.

      • Ursula Séraphine, c’est toi ? Ben… personne… j’aurais pourtant juré avoir senti une présence…

      Séraphine entre en bâillant.

      • Séraph Air endormi, bonjour…
      • Ursula Bonjour, bien dormi ?
      • Séraph Pas tellement. Il y avait un de ces raffuts dans la pièce d’à côté.
      • Ursula Ah oui, c’est Norbert.
      • Séraph C’est qui Norbert ?
      • Ursula Notre raton laveur.
      • Séraph Vous avez un raton laveur aussi ???
      • Ursula Oh, oui, on en a plusieurs ! Ils n’ont pas leur pareil pour laver et purifier les ingrédients. Ta mère ne t’a donc rien appris ?
      • Séraph On dirait bien que non… Qu’est-ce que tu prépares, là ? Un philtre ?
      • Ursula Du Earl Grey.
      • Séraph On commencera tous les jours aussi tôt ?
      • Ursula Oui ma chère… c’est au petit matin que les énergies sont les plus puissantes. C’est à ce moment-là que nous allons récolter la rosée, les plantes et les herbes…

      Pandore entre.

      • Pandore Bonjour, bonjour ! Bien dormi ?
      • Ursula Non, à cause de Norbert.
      • Pandore Ah oui ! hi hi, il est en chaleur en ce moment. J’éviterais de mettre des jupes courtes, si j’étais toi !
      • Séraph Ben voyons… un raton laveur en chaleur maintenant !
      • Ursula Il faudra t’habituer. Pandore et moi avons une pratique de la sorcellerie très proche des animaux et de la nature. Ta mère a toujours tenté de se démarquer en utilisant plutôt des sortilèges. Quant à Merlin, avec son ego typiquement masculin, il voulait pouvoir s’attribuer tout le mérite. Il ne voulait pas partager la gloire avec de vulgaires bêtes… un vrai désenchanteur !
      • Pandore Oui, nous voulons co-créer avec les vertus et pouvoirs naturels de chaque plante… à ce propos, je t’ai préparé une tisane pour la concentration. Elle donne la tasse à Séraphine.
      • Séraph Merci… c’est trop…

      Pandore se retourne vers l’étagère pour faire quelque chose. Ursula fait signe à Séraphine de se débarrasser du contenu de la tasse. Séraphine avise une plante et verse rapidement la tisane dans le pot. Pandore se retourne et Séraphine lui adresse un grand sourire en faisant mine de souffler sur la tisane.

      • Ursula Bien ! Ce matin, nous allons commencer par le serment d’Alberic.
      • Séraph C’est quoi ça ?
      • Pandore C’est le serment que tout bon sorcier qui se respecte doit prêter au début de sa formation.
      • Séraph Et… qu’est-ce qu’il dit ce serpent ?
      • U/P Serment !
      • Pandore Il dit que tu t’engages à respecter les obligations morales et éthiques. A soigner la solidarité entre sorciers, à éviter les conflits d’intérêt. A porter secours, sans nuire. Primum non nocere.
      • Séraph En gros, c’est le serment d’hypocrite, quoi.
      • U/P « Crate » !
      • Ursula Ah ! ça, tu connais ?
      • Séraph Oui, j’ai vu ça dans une série sur Netflix.
      • Ursula Je vois… pose ta main sur ce grimoire et répète après moi « je jure de respecter le serment d’Alberic. »
      • Séraph « Je jure de respecter le serment d’Alambic ». On a fini ???
      • Pandore « Je jure de ne jamais faire usage de mes pouvoirs pour nuire à quiconque, pour mon propre enrichissement ou pour nourrir un dessein personnel. »
      • Séraph « Je jure de ne jamais faire usage de mes pouvoirs pour nuire à King-Kong, pour mon propre enrichissement ou pour colorier des dessins. »
      • Ursula « Je jure de respecter la volonté de l’autre, qui est aussi sacrée que la mienne. »
      • Séraph « Je jure de respecter la volupté de l’autre, qui est aussi sucrée que la mienne. »
      • Ursula « Je jure de servir le café à Ursula tous les matins… »
      • Séraph « Je jure de servir le café à Ursula tous les matins » Avec du sucre ?
      • Pandore A Ursula, pour la modérer, on réessaie demain. A Séraphine, voilà, c’est terminé.
      • Séraph Pfiou… ça tombe bien… Je suis naze.
      • Ursula Ton apprentissage peut enfin commencer. Leçon 1…
      • Séraph On ne peut pas faire une pause d’abord ?
      • Ursula Par Azraël ! Il faut travailler un minimum, avant de faire la pause ! Ah les apprentis, de nos jours ! Plus aucune résistance ! Ils vont bientôt nous demander d’inverser le nombre de semaines de vacances avec le nombre de semaines travaillées ! Génération Z de m… malheur…
      • Séraph Mais ça fait déjà beaucoup d’informations…
      • Ursula Cesse de geindre et au travail.
      • Séraph D’accord… d’accord…
      • Ursula Je disais donc… heu… qu’est-ce que je disais.
      • Pandore Tu disais : « leçon 1 ».
      • Ursula Ah oui… donc, leçon 1… Pandore, tu veux bien prendre le relai, j’ai du mal à me concentrer…
      • Séraph Ah, tu vois qu’une petite pause serait bienvenue.

      Regard noir d’Ursula.

      • Séraph Au fait, vous n’avez pas respecté le serment d’Alcoolique…
      • U/P D’Alberic !
      • Séraph Heu oui… quand vous avez changé le chat en homme… enfin non, l’inverse.
      • Pandore Eh bien si ! Nous l’avons pris au mot. Il nous a dit que s’il avait une baguette magique, il nous aurait toutes les deux, pour lui tout seul… qu’il voudrait nos caresses et notre amour pour lui tout seul. Qu’il serait prêt à tout pour ça. Alors on l’a exaucé.
      • Séraph Tordu votre truc.
      • Pandore Donc, leçon 1 : « la baguette ». Prends ta baguette, en montrant la table. La baguette est à côté d’une règle.
      1. Séraph Prend la règle, on dirait une règle !
      • Pandore C’EST une règle, prends ta baguette !
      • Séraph Elle la prend, Waaah, elle est trop ca-non !! Je peux en faire une photo pour Amstram ? Elle sort un smartphone. Mes followers vont adorer !
      • Ursula Tu as des « followers » ?
      • Séraph Comme une évidence, oui… ! … 4…
      • Pandore Non, non, non ! Rien, avant la leçon 12, celle qui parle des RSS.
      • Séraph Des quoi ?
      • Pandore Des RSS. Réseaux sociaux sorciers. Tu apprendras tout ce qu’il y a à savoir sur eux, nous te créerons un compte… mais rien, absolument rien ne doit paraître sur Amstramgram, Jinx et Toc Toc ! Tu as bien compris ?
      • Séraph Sérieux ? Je ne sais pas si je pourrais y arriver !

      Ursula lui prend le portable des mains et le jette dans la théière transparente/petit aquarium sur le bureau ou le pose sur le tabouret et s’assied dessus.

      • Ursula Voilà, comme ça, ça devrait être plus simple.
      • Séraph J’y crois pas…
      • Ursula On peut continuer, oui ?
      • Pandore Tu dois apprendre à faire le geste. Tu verras, c’est inné pour nous, les sorcières. Ça devrait être facile. Place ta main en l’air, en avant, à peu près au niveau du menton et tu donnes un coup sec du poignet vers l’avant.

      Séraphine s’exécute, mais ne fait pas du tout le bon geste et fait exploser un flacon sur l’étagère, petit pétard avec une étincelle.

      • Séraph Oh mince !
      • Pandore Non, non, non… tu n’as pas fait le bon geste.
      • Séraph Déso…
      • Pandore ça n’est rien. Je ne t’ai peut-être pas assez bien expliqué. Elle va vers Séraphine et corrige sa posture, place ta main là, voilà.
      • Séraph On dirait une règle !
      • Pandore Lève les yeux au ciel, oh, attends, je vais mettre ça… pour plus de précaution. Elle enfile une sorte de chaussette sur la baguette.
      • Séraph C’est quoi ?
      • Ursula Un atténuateur de puissance… au cas où.
      • Pandore Tu es prête ? Alors donne un coup sec du poignet vers l’avant.

      Séraphine recommence et fait à nouveau un mauvais mouvement. Cette fois, une assiette ou un objet en porcelaine placé sur l’étagère (ou ailleurs ?) tombe et se brise sur le sol.

      • Ursula Mais c’est pas vrai…
      • Séraph Mince, mince, mince… je suis déso.
      • Ursula « lée » ! Enfin, c’est pourtant pas sorcier ! T’as besoin de lunettes, en plus de la chaussette à baguette ?
      • Pandore Bon, Urs… tu n’aides pas, là ! Si tu allais promener tes mauvaises ondes ailleurs ?
      • Ursula Oui, c’est ça… J’ai d’autres chats à fouetter
      • Pandore Laisse Jean-Claude tranquille !
      • Ursula Bande d’amatrices. Elle sort.
      • Séraph Quel caractère…
      • Ursula Repassant la tête par la coulisse, « déso » !!! Elle ressort.
      • Pandore Nos parents ont eu du nez en la baptisant « Ursula ». ça veut dire « ours ».
      • Séraph Ah, j’aurais dit « relou »… Et ton prénom, à toi, il veut dire quoi ?
      • Pandore « Le cadeau de tous ».
      • Ursula Passant la tête par le rideau/l’embrasure de la porte, tu parles d’un cadeau ! Ursula repart.
      • Pandore Ouste Ours ! Donc, le geste… Ah, en fait, on va encore ajouter ça ! Elle ajoute une bague avec un « L » comme les auto-écoles sur la baguette. On va refaire un essai. Concentre-toi bien. Je te remontre. Elle s’exécute. A toi !

      Séraphine refait faux et cette fois-ci, c’est toute la lumière de la scène qui s’éteint.

      • Séraph Oh non… déso…
      • Ursula OFF, tu parles d’une lumière !
      • Pandore Urs ! Elle tape dans ses mains. Iguitus figuitus Lumos ! La lumière revient.
      • Séraph Vous ne connaissez pas les interrupteurs ?
      • Pandore Ah ! On n’a pas attendu la domotique, les dit-Kiri ou OK Gogol pour allumer la lumière. Bon, je crois qu’on en a terminé pour le moment. Va donc faire un tour dans le jardin pour te dégourdir les jambes. Et profites-en pour lire le nom des plantes et te familiariser avec elles.
      • Séraph D’accord… je peux peut-être m’entraîner dehors, avec ma baguette !
      • Pandore Ouh là, j’aime autant pas… je tiens à mes plantes. Non, donne-la-moi, merci. On reprend dans 2 heures pour la leçon 2.
      • Séraph C’est quoi le sujet ?
      • Pandore « Les sécrétions, de A à Z »
      • Séraph Beuh… je crois que je vais vomir.
      • Pandore Ah ben c’est parfait ! Justement, c’est dans le thème !

      NOIR

      ACTE I – Scène 8

      Lumière sur scène, Ursula est installée vers le bureau, un homme est assis en face d’elle.

      • Ursula Alors, Gontran, que puis-je faire pour vous aujourd’hui ?
      • Gontran Ne prononçant que les voyelles, je viens encore pour mon allergie aux consonnes.
      • Ursula Toujours cette allergie aux consonnes ?
      • Gontran Vous avez remarqué ?
      • Ursula Oh mon cher Gontran, oui, j’ai remarqué.
      • Gontran ça m’embête pour mon travail et…
      • Ursula Oui, bien, que cela vous gêne pour votre travail, je comprends…
      • Gontran Et puis…
      • Ursula Et puis ?
      • Gontran Je suis amoureux.
      • Ursula Ohhh Gontran, vous êtes amoureux ? C’est adorable ! Comment l’avez-vous rencontrée ?
      • Gontran Elle, elle ne m’a jamais vu.
      • Ursula Elle ne vous a jamais vu ?
      • Gontran Moi, je la vois tous les jours.
      • Ursula Vous, vous la voyez tous les jours ?
      • Gontran Je n’ose pas aller lui parler.
      • Ursula Avec votre problème, j’imagine bien que ce n’est pas simple d’aller lui parler. Vous avez pensé à lui écrire ?
      • Gontran Ah, c’est une bonne idée. Surtout que c’est une femme de lettre.
      • Ursula Alors, surtout si c’est une femme de lettre, écrivez-lui et expliquez-lui votre problème. Ça permettra de briser la glace. Vous voyez, moi, avec le temps, je comprends ce que vous dites. Mais ce n’empêche pas que nous continuions à chercher comment vous aider à vous exprimer.
      • Gontran Oh oui, s’il vous plaît.
      • Ursula Comme pour toutes les allergies, il est possible de pratiquer une désensibilisation. Elle prend son grimoire, voyons voir… Voilà ! Je vais déjà vous préparer une synergie d’huiles essentielles pour l’allergie. Ensuite, il faudra vous confronter aux consonnes. Pour cela, j’ai plusieurs incanta… heu… phrases à vous faire dire.
      • Gontran Tout ce que vous voudrez.
      • Ursula On va essayer avec celle-ci : « Tu t’entêtes à tout tenter, tu t’uses et tu te tues à tant t’entêter ».
      • Gontran Pardon ?
      • Ursula Je vais répéter plus lentement : « Tu t’entêtes à tout tenter, tu t’uses et tu te tues à tant t’entêter ».
      • Gontran « Tu t’entêtes à tout tenter, tu t’uses et tu te tues à tant t’entêter ».
      • Ursula Mouais… c’est pas encore ça. Essayons avec une plus courte : « Douze douches douces ».
      • Gontran Douze douches douces.
      • Ursula Ok… Et… « Le cricri de la crique crie son cri cru et critique car il craint que l’escroc ne le croque et ne le craque ».
      • Gontran Oh là là…
      • Ursula Faites-vous confiance Gontran, on va trouver !
      • Gontran D’accord… Gontran arrive à prononcer le « CR » de « Critique », le cricri de la crique crie son cri cru et cRitique… Oh !!
      • Ursula Gontran, vous avez réussi ! Vous avez prononcé deux consonnes !
      • Gontran Je suis tellement ému !
      • Ursula Vous voyez, ne perdez pas espoir !
      • Gontran A partir d’ici, Gontran prononce un peu les « R », Merci Ursula, merci !
      • Ursula Je vous en prie, cela me fait plaisir ! Prenez ce papier et exercez-vous avec cette phrase aussi souvent que possible. Vous pourrez passer prendre la préparation dans l’après-midi.
      • Gontran Se lève, c’est incroyable !
      • Ursula Eh bien pourtant, croyez-y ! Vous verrez, ça change tout. Une bonne journée Gontran. Elle le raccompagne vers la sortie du cabinet.
      • Gontran Répète en boucle des petits « Crrr… »
      • Gontran S’arrête, ah, au fait ! Je dois revenir bientôt pour un contrôle.
      • Ursula Oui, ce serait bien de revenir pour un contrôle. A bientôt !

      Il sort.

      NOIR

      ACTE I – Scène 9

      • Narrat Les jours se suivirent et se ressemblèrent. Séraphine n’était dotée d’aucune aptitude particulière dans aucun domaine particulier… Elle semblait pourvue d’un « ingens capillus in manibus ». Autrement dit, un « immense poil dans la main ». Elle fait partie de cette nouvelle génération, qui croît réinventer la roue – je vous rassure, comme l’humain croît le faire tous les 25 ans environ – nouvelle génération, disais-je, qui confond qualité de vie et désengagement. Qui aime à vivre sa vie à un rythme ralenti, tout en voulant que l’argent, la reconnaissance, la carrière aillent très vite. Un rien paradoxal, qu’en dites-vous ? Séraphine, comme ses contemporains, vont avoir la joie de redécouvrir l’huile de coude, l’implication… la persévérance. Et nous, laissons-les nous inspirer par leur fraîcheur. Par le regard neuf qu’ils posent sur la vie. Sachons nous ouvrir à leur spontanéité. Et… peut-être s’ouvriront-ils à notre sagesse… Qui sait ?

      NOIR

      ACTE I – Scène 10

      Séraphine entre dans le cabinet désert. Une silhouette vêtue de noir et cagoulée sort rapidement.

      • Séraph Coucou… Il y a quelqu’un ? Elle va jeter un œil à la salle d’attente. Personne… c’est bizarre… j’étais pourtant sûre d’avoir senti une présence. Elle attend quelques secondes et avise une note sur le bureau de consultation. Elle s’approche, le prend et lit. Chère Séraphine, ce matin, nous te laissons découvrir par toi-même comment utiliser cet ustensile. A plus tard, tes tantes. Séraphine aperçoit maintenant un aspirateur type Dyson appuyé contre la table/une chaise de consultation. Elle le touche, le soulève, l’ausculte. C’est quoi… ? Elle le tourne dans plusieurs sens. Ah, mais oui ! Un balai nouvelle génération, bien sûr !! Bon, comment ça marche ? Elle se met à califourchon sur le balai et cherche un moyen de le faire décoller. Allez, envole-toi ! Un temps, non ? Alors… décolle ! Toujours pas ? Elle tape du pied, essaie de sautiller. Allez, gentil balai… s’il te plaît, décolle ! Ah, j’ crois pas… j’ai pourtant vu 20 fois Harry Potter ! Elle tourne sur elle-même, pousse des chaises au passage. Ah mince, j’ai le tournis maintenant ! En triturant l’appareil, elle finit par mettre en marche l’aspiration. Ouiiiiiii, ça marche ! Par contre, ça fait un bruit d’enfer ce truc. Et ça n’avance quand même pas. Elle continue son manège.
      • Johanne Off, bonjour, c’est moi !

      Elle entre dans le cabinet, mais Séraphine ne la voit pas. Elle observe un moment Séraphine, puis se met à rire.

      • Johanne Haussant le ton, je peux vous aider ?
      • Séraph Aaah ! Vous m’avez fait peur ! Elle cherche comment éteindre l’aspirateur.
      • Johanne Riant, elle s’approche et l’éteint, qu’est-ce que vous faites ?
      • Séraph J’essayais de… en fait, mes tantes m’ont donné pour mission de découvrir à quoi sert ce truc et manque d’inspiration.
      • Johanne Et la première idée qui vous est venue, c’est de vous mettre à cheval dessus ?
      • Séraph Vieille tradition familiale, difficile à expliquer. Mais je commence à me dire que ça n’est pas ça, le but de ce balai…
      • Johanne ça n’est pas un balai, c’est un aspirateur… sans fil ! Magique !
      • Séraph Petit regard surprise à Johanne, puis fait comme si de rien. Aaah, alors ça ressemble à ça, un aspirateur.
      • Johanne Vous n’en aviez jamais vu ?
      • Séraph Non… seulement entendu parler.
      • Johanne Gentiment, Eh bien… je me demande de quelle planète vous débarquez, vous…
      • Séraph Oui, je sais… vous êtes nombreux à vous poser la question.
      • Johanne Donnez, je vais vous montrer. Séraphine descend de l’aspirateur et le donne à Johanne. Celle-ci l’enclenche et commence à passer l’aspirateur. Elle fait un peu la démonstration, puis l’arrête. Vous voyez ? ça n’est pas compliqué. Vous passez partout et ça enlève la poussière.
      • Séraph Wah… Et il faut vraiment passer « partout » ?
      • Johanne Riant, oui… C’est le principe.
      • Séraph Mais ça doit être super fatiguant… je ne comprends pas que mes tantes n’aient pas trouvé une autre solution pour faire le ménage !
      • Johanne Vous êtes drôle vous… et quelle solution voudriez-vous qu’elles aient trouvée ? Ton teinté de sous-entendu, faire disparaître la poussière et le chenit par magie peut-être… ?
      • Séraph Heu non, bien sûr que n… enfin, je veux dire que je trouve dingue, à notre époque, qu’on doive encore se fatiguer avec ça… qu’on doive encore faire le ménage.
      • Johanne Ma chère, nous vivons peut-être justement une époque où il y a grand besoin de faire le ménage. Dites… on pourrait se tutoyez, non ? Vous devez avoir l’âge d’être ma fille.
      • Séraph Oh, carrément, ouais.
      • Johanne Séraphine… c’est bien ton prénom, c’est juste ?
      • Séraph Oui, c’est ça. Et toi, c’est Johanne ? La factrice ?
      • Johanne . je suis arrivée dans le village il y a quelques mois et de fil en aiguille, je suis devenue une cliente de tes tantes. Ce sont de véritables fées. Si tu as des questions au sujet de l’aspirateur ou des missions que tes tantes te confient et que tu ne comprends pas, tu peux me demander. Je t’aiderai avec plaisir.
      • Séraph Oh, c’est très gentil à vous !
      • Johanne Te te te, « à toi », je te rappelle qu’on se tutoie. Si tu veux vraiment progresser et que je puisse t’aider, tu devras me raconter tout ce qui se passe. La moindre petite habitude.
      • Séraph Tout… tout ?
      • Johanne Tout-tout.
      • Séraph Mais comment je saurai ce qui a de l’importance ou non ?
      • Johanne Tu ne sauras pas justement. C’est pour ça que tu as besoin de moi. Je t’aiderai. Tu me raconteras tout et c’est moi qui saurai.
      • Séraph C’est que…
      • Johanne C’est que quoi ?
      • Séraph Eh bien je ne sais pas si je peux partager tout ça avec vous…
      • Johanne « Tu » ! Séraphine, toute petite Séraphine… tu n’aimerais pas décevoir tes tantes, n’est-ce pas ?
      • Séraph Oh bien sûr que non !
      • Johanne Et tu sais que l’autre jour, quand je suis passée déposer un paquet, je les ai entendues parler de toi.
      • Séraph Noonnn… ? Qu’est-ce qu’elles disaient ?
      • Johanne L’air triste, qu’elles t’aiment, mais qu’elles se sentent impuissantes. Qu’elles ne savaient plus bien quoi faire de toi.
      • Séraph Mais quelle horreur !!
      • Johanne Allons allons, rien n’est joué. Tu peux encore faire tes preuves. Mais si tu veux que je t’aide, car apparemment tu n’y arriveras pas toute seule, il faudra partager avec moi toutes les informations que tu pourras récolter. Ce sera notre petit secret…
      • Séraph D’ac… d’accord.
      • Johanne Bien ! Voilà mon numéro. Appelle-moi en cas de besoin, elle tend une carte de visite à Séraphine. Et de toute manière, je passe ici tous les jours. Les colis de tes tantes sentent tellement mauvais, je suis la seule qui veuille bien les livrer. Elles ne sont pas prêtes de m’oublier… crois-moi.

      NOIR

      Enlever les balais du support.

      ACTE I – Scène 11

      Ursula et Pandore entrent dans le cabinet. Ursula tient des enveloppes entre ses mains.

      • Pandore Séraphine ?
      • Séraph Off, oui, je suis dans la cuisine. J’arrive !
      • Ursula Misère… qu’est-ce qu’elle fabrique dans la cuisine ??
      • Pandore Fais-lui confiance. Sinon, comment veux-tu que les choses changent ?
      • Ursula Je te rappelle que je suis Vierge… et la confiance, ça n’est pas le premier trait de caractère des Vierges. On aime quand les choses sont claires, cadrées, sous contrôle… aucune place pour le…
      • Pandore Eh bien, nous, les Poissons, on apprécie de laisser le bénéfice du doute aux autres. Au fait… c’est quoi le signe astrologique de Séraphine ?
      • Ursula Mollusque…

      Séraphine entre, un plateau avec un cake dans les mains.

      • Séraph Vous allez être fières de moi ! J’ai quasiment terminé le ménage !
      • Ursula Et la maison est toujours debout… miracle !
      • Pandore Urs ! Bravo Séraphine, personnellement, je n’en doutais pas. Enfin, presque pas…
      • Séraph Oh et j’ai testé aussi une recette de cake aux framboises. J’ai vu que celles du potager étaient mûres. Mangez, pendant que je termine de passer la poussière. Elle dépose le cake sur la table de consultation et se met à passer la poussière sur l’étagère et sur les bocaux/bibelots.

      Pandore et Ursula s’asseyent et prennent un bout de cake. Ursula entreprend d’ouvrir une enveloppe.

      • Ursula Et tu as trouvé comment fonctionne l’aspirateur ?
      • Séraph L’aspir... oui, un jeu d’enfants. Quand même, ma tante, pour qui me prends-tu… ?
      • Ursula Joker…
      • Pandore Eh bien, bravo !
      • Ursula Ton cake… il est…
      • Séraph Bon ???
      • Ursula Il est… « séraphiné »…
      • Pandore Qu’est-ce que c’est que cette lettre ?
      • Ursula Attends, laisse-moi lire. Un temps, c’est une invitation au grand congrès de sorcellerie d’Europe de l’Est. Ça a lieu à Budapest.
      • Pandore Tiens, ils font un congrès là-bas maintenant ?
      • Ursula Eh bien apparemment… ah, je lis que c’est une première. Ils appellent ça « Les balais des Balkans ».
      • Pandore C’est quand ?
      • Ursula Dans un mois !
      • Pandore Eh bien, on ne peut pas dire qu’ils anticipent beaucoup. Tu aimerais y aller ?
      • Ursula Oui, je pense que c’est toujours intéressant.
      • Pandore Et ce serait formateur pour Séraphine. Qu’en dis-tu ?

      Séraphine qui continue à astiquer les bibelots a ouvert un pot de poudre, le renifle et éternue au-dessus, dégageant un nuage de poussière.

      • Ursula Oui… c’est sûr… ça ne peut pas faire de mal. Mais il faudra demander à quelqu’un de venir s’occuper de Jean-Claude… et des autres animaux. Le congrès et le déplacement… ça durera bien une semaine.
      • Pandore On pourrait demander à Gontran. Il habite tout près.
      • Séraph Vous n’avez pas peur qu’il remarque que Jean-Claude n’est pas un chat ?
      • Ursula Relax… il n’y verra que du feu. Il ne s’agit que d’un petit « moldu ».
      • Séraph Se retourne, ah c’est drôle, tu dis « moldu »… comme dans Harry Potter !
      • Ursula Et tu crois qu’elle s’est inspirée de qui, J. K. Rowling ?? C’est elle qui devrait nous verser des droits…

      Ursula ouvre une autre lettre.

      • Pandore Qu’est-ce que c’est que cette lettre ?
      • Ursula Oh, mais quelle fouine ! Laisse-moi lire.
      • Pandore Faussement pensive, c’est quoi les mots latins pour « caractère de cochon », déjà ?
      • Ursula Fusille Pandore du regard, ça vient de l’Institut National de Qualité pour les Utilisateurs des Infrastructures de Santé et d’Innovation Thérapeutique Individuelle Omnidirectionnelle et N
      • Pandore Bonjour le titre à rallonge ! Jamais entendu parler. Qu’est-ce qu’ils veulent ?
      • Ursula Eh bien apparemment, un de leur contrôleur est venu ici incognito pour nous tester. Et… il n’a pas été satisfait. Il nous donne un mois pour nous mettre aux normes, sinon il fera fermer le cabinet !
      • Pandore Quoi ? Laisse-moi lire ! Elle prend vivement la lettre des mains d’Ursula. C’est pas possible… et… tu as vu ?
      • Ursula Quoi donc ?
      • Pandore Le nom de l’institut… si tu ne prends que la première lettre de chaque mot, ça donne « INQUISITION » !
      • Ursula Mais non, tu rêves !
      • Pandore Pas du tout ! Regarde ! Elle lui montre la lettre.
      • Ursula Ah oui… tiens…
      • Pandore C’est impossible que ce ne soit pas fait exprès ! C’est bien trop évident !
      • Ursula Arrête de psychoter !
      • Pandore Son ton monte, c’est un message subliminal… hystérique, pour nous déstabiliser…
      • Ursula Stoïque, et ça marche… de toute évidence.
      • Pandore Je ne le sens pas du tout, mais alors pas du tout !
      • Ursula Relax… Là aussi, il ne s’agit que d’un simple moldu… Ça n’est pas lui qui va venir à bout de deux sorcières telles que nous… et de leur… technicienne de surface.
      • Pandore A Salem aussi, elles étaient convaincues que l’homme qui a frappé à leur porte était un marchand d’épices ambulant. Eh bien tu as vu ce que ça a donné ! Elle ne manquait pas de piment, la potence !
      • Ursula Du calme ma sœurcière. C’est pas ce petit mortel de rien du tout qui va nous faire peur ! Nous allons tout « mettre aux normes », comme il dit, et il n’y verra que du feu !
      • Pandore C’est bien ça le problème… l’inquisition ne voit QUE du feu !
      • Ursula Ne joue pas sur les mots. Nous serons les plus fortes !
      • Pandore Si tu le dis… Je crois que j’ai besoin d’une tisane…
      • Ursula Au fait… Séraphine…
      • Séraph Ouiii ?
      • Ursula Où est-ce que tu as mis les balais ?
      • Séraph Ah, comme je les nettoyais, j’ai trouvé que ça faisait désordre. Alors je les ai rangés…
      • Ursula Où… ?
      • Séraph Dehors, près de la petite cabane… A côté d’espèces de drôles de trucs… c’est brun, on dirait des petites cheminées… et j’ai vu qu’il y avait plein de bestioles dessus…
      • Ursula Quoi ??? Elle sort précipitamment.
      • Séraph Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il y a… ?
      • Pandore Séraphine, tu as rangé des balais, en bois… à côté d’un élevage de termites.

      Ursula revient avec un tas de sciure dans les mains.

      • Ursula C’est tout ce qu’il reste de grand-papa… enfin de son balai, quoi…

      Elle sort.

      • Pandore Comment va-t-on aller aux Balais des Balkans sans balai maintenant… ?

      Pandore jette un coup d’œil désolé à Séraphine et sort aussi.

      NOIR

      ACTE I – Scène 12

      • Narrat L’Être Humain n’a pas son pareil pour chercher à l’extérieur, la cause de ce qui le gêne à l’intérieur de lui-même. Ce soir, parce que la lune y est propice et… parce que c’est vous, je vais vous révéler « la clef ». Gardez-la bien précieusement. Cette toute petite clef peut ouvrir de grandes serrures. Saviez-vous qu’il n’y a de vraie malédiction que celle que l’on se jette à soi-même ? Je vois à vos regards sans expression qu’il faut que j’éclaire vos lanternes. « ça y est ! Je vais encore passer une journée de merde ! » Mes excuses pour le langage peu élégant, c’était plus… parlant. Ce genre de prophéties… ça vous dit quelque chose ? Ou… « je n’y arriverai jamais ! » « Je suis trop nul ! Trop bête ! Trop moche ! » J’en passe et des plus effrayantes. Ah et… la plus haute distinction revient sans doute à celle-ci, de malédiction : « ça n’arrive qu’à moi ! » ou encore « Je ne gagne jamais rien ! Je n’ai jamais de promotion ! C’est toujours pour les autres ! » Après cela, il y en a encore qui aimeraient avoir de la chance ! Aucun badaud n’a jamais eu besoin de boule de cristal pour se prédire une dure journée ni d’incantation pour déterminer qu’il a la poisse… Donc… si vous avez le pouvoir de vous jeter des sorts… les vrais « sorcières » ne sont peut-être pas celles à qui l’on pense…

      NOIR

      ACTE I – Scène 13

      • Johanne D’abord OFF, puis elle entre, bonjour bonjour ! Elle aperçoit Séraphine qui s’est assise sur une des chaises du cabinet, la tête dans les mains. Mais enfin, que se passe-t-il ?
      • Séraph J’ai trop le seum…
      • Johanne Le quoi ?
      • Séraph Ah, pardon… c’est une expression de jeunes… ça veut dire que j’ai les boules, que je suis saoulée, quoi !
      • Johanne D’accord… et qu’est-ce qui fait que tu as le seu… enfin, que ça ne va pas ?
      • Séraph Mes tantes… elles vont vraiment finir par me ficher à la porte…
      • Johanne C’est pas vrai… ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
      • Séraph J’ai détruit les balais.
      • Johanne Des balais, ça se remplace. Y en a des dizaines chez Jumbo.
      • Séraph Ah oui… mais… enfin, c’était des balais spéciaux.
      • Johanne Je vois… du genre pour voler dessus…
      • Séraph Tout-à-fa… hein ??? Quoi ?? Pas du tout. T’as fumé la moquette !
      • Johanne ça va, pas besoin de faire semblant. Tu crois que je ne suis pas au courant ?
      • Séraph Au… au courant de quoi… ?
      • Johanne Que tes tantes sont des sorcières…
      • Séraph Chuuuut ! Comm… comment tu sais ??
      • Johanne C’est un secret de polichinelle ! Je passe mon temps à leur livrer des paquets qui puent ! Même l’haleine du diable, ça doit sentir la rose, en comparaison.
      • Séraph ça ne veut rien dire ça… c’est pas parce que ça pue que ça veut dire… ça veut rien dire !
      • Johanne Tu crois que personne ici n’a remarqué de la fumée verte, violette, à paillettes… sortir de leur cheminée. Ça fait des lustres qu’elles font des préparations en croyant que tout le monde gobe leur histoire de naturopathie… alors qu’elles nous donnent des incantations à prononcer… Tu crois que je ne les ai jamais vues danser à poil dans le jardin durant les équinoxes ?
      • Séraph Les équi-quoi ??? Enfin, passons… Elles… elles savent que tu sais ?
      • Johanne C’est ça le plus drôle… c’est elles qui ont des pouvoirs et c’est elles les plus naïves. Non, je ne pense pas qu’elles sachent que je sais… ni qu’elles sachent que tout le village sait. En revanche, comme on sait qu’elles ne savent pas qu’on sait, on fait comme si de rien n’était. On joue le jeu. On y tient, nous, à nos sorcières. Elles sont où, là ?
      • Séraph Elles sont sorties… j’imagine qu’elles vont commencer l’organisation du voyage.
      • Johanne L’œil qui brille, un voyage ? Quel voyage ?
      • Séraph Il y aura un congrès de sorcellerie prochainement… dans un mois je crois. Et nous y allons toutes les trois.
      • Johanne Le chat restera ici ?
      • Séraph Le ch… ? Oui, pourquoi ?
      • Johanne Pour rien, pour rien… Oh oh, l’occasion est parfaite !
      • Séraph Pourquoi ?
      • Johanne Heu… eh bien pour t’entraîner ! Tu leur diras à la dernière minute que tu ne te sens pas bien, tu resteras ici et pendant leur absence, tu vas t’entraîner à jeter des sorts. Je t’aiderai !
      • Séraph Mais… mais j’ai envie d’y aller, moi, à ce congrès.
      • Johanne Séraphine, fais-moi confiance. Tu vas progresser à pas de géant sans la pression que te mettent tes tantes. A leur retour, elles n’en reviendront pas. Je peux faire venir un ami. Un voisin. Gentil, mais pas spécialement malin. Lui aussi est au courant pour tes tantes. Il ne dira rien. Tu pourras t’exercer sur lui et je t’assisterai.
      • Séraph Mais j’ai prêté le serment d’Alberic. Je ne peux pas jeter un sort comme ça, alors qu’il ne m’a rien demandé ce voisin.
      • Johanne Bah… c’est bien joli les serments. Mais si tu ne deviens pas sorcière, tu n’auras de toute manière aucune chance de le respecter, ce serment.
      • Séraph C’est pas faux…
      • Johanne Ok… alors c’est dit ! Je m’occupe de tout. Ça va aller, tu verras. Elle va pour partir.
      • Séraph Johanne ?
      • Johanne Oui ?
      • Séraph Pourquoi tu fais ça pour moi ?
      • Johanne Silence, peut-être parce que si ma fille avait vécu… j’aurais bien voulu qu’elle te ressemble. Elle sourit et sort.

      NOIR

      ACTE I – Scène 14

      • Narrat Tout flatteur vit aux dépends de celui qui l’écoute. Jean de La Fontaine. Vous avez maintenant 20 minutes pour méditer là-dessus. A tantôt, pauvres mortels.

      NOIR

      ENTRACTE

      ACTE II – Scène 1

      Ursula entre dans le cabinet portant deux petits sacs de voyage : look vieillot avec des lunes et des étoiles argentées sur le cuir. Pandore est occupée à chercher quelque chose sur l’étagère.

      • Ursula Tu es prête ? Qu’est-ce que tu cherches ?
      • Pandore Mon blason de la famille Touâscha.
      • Ursula Tu l’as perdu ? Ah mais non, regarde, il est là ! Elle désigne un objet sur la table.
      • Pandore Non, celui-là, je l’ai fait faire pour Séraphine. D’ailleurs le vieux Paul doit perdre un peu la boule avec l’âge…
      • Ursula Pourquoi ?
      • Pandore Regarde, il a fait une araignée à dix pattes. Huit, c’est déjà suffisant.
      • Ursula Bon, et alors le tien ?
      • Pandore Ben écoute, je ne comprends pas… j’ai dû l’égarer. D’habitude, je le range toujours ici, dans son écrin.
      • Ursula Bon, plus le temps de chercher. Tu iras sans. En direction de la coulisse de cour, Séraaaa ? Tu es prête ? Nous y allons !

      Séraphine entre depuis cour, elle fait mine d’être malade.

      • Pandore Oh, eh bien, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu n’as pas l’air en forme…
      • Séraph Non… j’ai quelque chose qui me reste sur l’estomac…
      • Pandore Oh, aimerais-t…
      • Ursula Si tu lui proposes encore une tisane…
      • Séraph Je pense qu’il vaut mieux que je retourne me coucher. Je ne me sens pas assez en forme pour monter sur un balai.
      • Ursula Pour ça, pas de problème !
      • Pandore On a appelé Uber.
      • Ursula Maintenant qu’on n’en a plus, de balai… justement.
      • Séraph Et c’est qui, ce Hubert ?
      • Pandore Ce n’est pas quelqu’un en particulier. C’est un service de TTC. Tapis de Transport avec Chauffeur. Ce sont les seuls à avoir des tapis volants quatre places plus les bagages… il faut un permis spécial pour ça.
      • Séraph Oh, un tapis volant ?? Trop la chance…
      • Ursula Tu n’as plus l’air trop malade tout-à-coup.
      • Séraph Oh, si si… je souffre… c’est ma toux… petite toux ridicule.
      • Pandore Bon, eh bien, ce sera pour une prochaine fois… Tu vas me manquer mon J-C…
      • Ursula Pandore, fous voir la paix à ce chat, on va finir par être en retard. Le chauffeur nous attend en haut de la colline pour plus de discrétion.
      • Pandore On a encore 5 minutes… Hein, mon Cloclo ? A Séraphine, tu as vu comme il est beau ?
      • Ursula Incroyable !
      • Pandore Et il est encore plus beau le lundi au soleil !
      • Ursula Bon, sur ces belles paroles, on décolle. A bientôt Séraphine, et pas de bêtises !
      • Séraph Non non…
      • Ursula Le mieux, c’est que tu évites de… enfin… oui et aussi de… et puis… oh en fait, ne touche à rien ! Hein, ce sera mieux. Allez, à bientôt.
      • Séraph La confiance règne…
      • Ursula Pardon ?
      • Séraph Je vais me passer un coup de peigne.
      • Ursula Ah, Pandore ! Prends le blason de Séraphine, puisque tu ne trouves plus le tien.
      1. Séraph C’est quoi ?
      • Pandore Lui montrant la broche, c’est le blason de notre famille.
      • Séraph Mais c’est aussi le logo de votre cabinet !
      • Pandore Tu ne l’avais jamais vu chez ta maman ? Elle a le même emblème…
      • Séraph Faut croire qu’elle n’aimait pas l’afficher. Ça ne me dit rien. C’est intéressant, une araignée à dix pattes…
      • Ursula Au moins, tu remarques qu’il y a un truc qui cloche.
      • Séraph Quand même… tout le monde sait qu’elles en ont douze !
      • Pandore En fait, elles…
      • Ursula Bon, on y va ! Séraphine, on fera un cours spécial sur les arachnides à notre retour. On ira même visiter Aquatis. Mais là, c’est l’heure !

      NOIR

      ACTE II – Scène 2

      • Narrat Quand le chat n'est plus là, les souris dansent.

      NOIR

      ACTE II – Scène 3

      Séraphine est sur scène, face à la table, elle arrange ses affaires. Johanne entre depuis jardin.

      • Johanne Bonjour ! Elle va vivement vers le panier du chat qui est vide. Jean-Claude ? Il n’est pas là ?!
      • Séraph Bonjour… pourquoi tu cherches le chat ?
      • Johanne Pour rien, elle jette des coups d’œil un peu partout. Tu es prête ?
      • Séraph Oui, ma baguette est là.
      • Johanne Distraitement, parfait…
      • Séraph Et maintenant ?
      • Johanne On attend le voisin. Il ne devrait plus tarder. Johanne touche un peu à tout.
      • Séraph Je suis un peu stressée, mais en même temps, je me réjouis. C’est vrai que ça m’enlève un poids… de savoir que mes tantes sont loin…
      • Johanne Tu vois, c’est ce que je te disais. Elle continue à déplacer des objets, à regarder les choses de plus près.
      • Séraph Et comme je sais que toi, tu me fais confiance, ça m’aide.
      • Johanne Distraitement, bien sûr que je te fais confiance… Autant que toi, tu as confiance en moi…
      • Séraph Ouvre la bouche, puis la referme. Finalement, dis, tu… tu fais quoi ?
      • Johanne Se retourne un peu vivement, sourit, hein, moi ? Sourit plus encore, oh… je… je profite de voir les choses de plus près… Elle ouvre plusieurs boîtes.
      • Séraph D’accord… mais tu sais, je ne suis pas sûre que tu devrais toucher à tout ça… Mes tantes n’apprécieraient pas.
      • Johanne Bah ! Tes tantes ne sont pas là… Elles n’en sauront rien. A moins que…
      • Séraph A moins que quoi ?
      • Johanne Faisant la moue, que tu n’aies envie de m’attirer des ennuis…
      • Séraph Moi ? Mais enfin non !
      • Johanne Ah, bon… me voilà rassurée. Donc tu ne diras rien. Tu n’as aucun souci à te faire.
      • Séraph Il y a un sort que j’ai particulièrement envie d’essayer, c’est le…
      • Johanne C’est pas vrai !
      • Séraph Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
      • Johanne Je n’ai… pas pensé à faire pipi avant de venir. Où sont les toilettes ?
      • Séraph Au fond, à gauche.
      • Johanne C’est toujours au fond, à gauche. Elle sort.

      ACTE II – Scène 4

      Séraphine est seule sur scène et triture son matériel posé sur la table du cabinet. Elle prend sa baguette en main et s’exerce à faire des mouvements en l’air. Elle est dans ses pensées et tourne le dos à la porte du cabinet à jardin. Elle ne voit pas Gontran arriver.

      • Gontran Bonjour ! (sans les consonnes)
      • Séraph Ah ! Le voisin, c’est vous ! Elle fait un mouvement avec sa baguette magique en direction de Gontran et celui-ci porte la main à son cœur avant de s’évanouir.
      • Gontran Oui… Il s’évanouit.
      • Séraph Aaaah !

      Johanne entre précipitamment.

      • Johanne Quoi, elles sont revenues ???
      • Séraph Nooooonnn… j’ai tué un homme…
      • Johanne Heiiin ? Quoi ? Elle regarde parterre et aperçoit Gontran. Aaaah !
      • Séraph Fais quelque chose !
      • Johanne Il me semble que tu as déjà fait le maximum ! Elle s’approche lentement de Gontran.
      • Séraph Il… il est mort ?
      • Johanne Elle s’en approche et le pousse légèrement du pied. On l’entend ronfler. Ouf… non.
      • Séraph Oh… merci ! Alors c’est lui ?
      • Johanne Lui, qui ?
      • Séraph Ben le voisin.
      • Johanne Quel voisin ?
      • Séraph Il m’a confirmé que c’est le voisin.
      • Johanne Mais quel v… ah, le voisin.
      • Séraph Oui, c’est ça, le voisin.
      • Johanne Eh bien… peut-être que c’est un voisin, mais je ne pensais pas à ce voisin quand je t’ai dit que j’allais amener un voisin.
      • Séraph Et alors, il vient quand ?
      • Johanne Qui ?
      • Séraph Mais le voisin !!!
      • Johanne Ah, heu… bientôt… il devrait arriver bientôt…
      • Séraph Bon et alors, lui, c’est qui ?
      • Johanne On va tout de suite le savoir… Elle s’approche encore de Gontran et fouille ses poches. Elle sort un badge. C’est de l’Institut National … oh là là, c’est long !
      • Séraph Oh non ! Ne me dis pas que c’est l’Institut National de Qualité pour les Utilisateurs des Infrastructures de Santé et d’Innovation Thérapeutique Individuelle Omnidirectionnelle et Naturelle ???
      • Johanne Si… tu connais ??
      • Séraph C’est pas vrai !! J’ai réussi à jeter un sort au mec de l’INQUISITION !!! Johanne, il faut absolument que tu m’aides !
      • Johanne A quoi faire ?
      • Séraph A lui effacer la mémoire.
      • Johanne A quoi ?
      • Séraph On ne peut pas le laisser repartir comme ça. Il faut lui faire oublier que je lui ai jeté un sort !
      • Johanne Mais comment ? Tu sais jeter des sorts sans le faire exprès… et ça donne quoi, quand tu fais exprès ?
      • Séraph Il faut que tu m’aides !!
      • Johanne Seulement si…
      • Séraph Si quoi ?? Je ferai tout ce que tu voudras !
      • Johanne Si tu m’aides d’abord.
      • Séraph Qu…quoi ? Mais… pourquoi est-ce que tu as besoin d’aide ?
      • Johanne Bon, je vais te le dire. Mais promets-moi de ne rien révéler à personne !
      • Séraph Pressée, promis !
      • Johanne Tes tantes m’ont volé quelque chose !
      • Séraph Quoi ?
      • Johanne Et je dois le récupérer.
      • Séraph Mes tan… tu es sûre ??
      • Johanne Ça fait depuis longtemps que je mène mon enquête.
      • Séraph Mais… mes tantes ne sont pas des voleuses.
      • Johanne Séraphine… toute petite… naïve Séraphine… Tes tantes sont des sorcières…
      • Séraph Et alors ?
      • Johanne C’est dans leur nature… Elles prennent ce qu’elles veulent, sans se soucier des autres.
      • Séraph C’est… ce n’est pas vrai.
      • Johanne Je sais… ça fait mal… c’est difficile à croire. Mais Séraphine, MA chère Séraphine… regarde comme ta tante Ursula te traite… Jamais un mot d’encouragement… tout le contraire.
      • Séraph Mais…
      • Johanne Moi… je crois en toi… Je t’aiderai. Mais tu devras m’aider d’abord. Ainsi seulement, j’aurai une totale confiance en toi. Entendu ?
      • Séraph Hésitante, elles… elles t’ont volé quoi ?

      Gontran se réveille gentiment. Il se redresse. Porte la main à sa tête.

      • Johanne Je te le dirai. Mais en premier, nous devons trouver une boîte !
      • Séraph Une boîte ? Quelle boîte ?
      • Johanne La boîte de Pandore !
      • Séraph La b… pourquoi faire ?
      • Johanne Pour briser l’enchantement que tes tantes ont jeté. Après ça, je pourrai récupérer ce qu’elles m’ont volé… (légèrement façon Gollum) mon précieux…
      • Séraph Elles…
      • Johanne Qui devient un peu survoltée, allons ! Séraphine ! Dis-moi où est cette boîte !

      Gontran se lève et tague sur ses jambes.

      • Séraph Mais… je ne sais pas, moi…
      • Johanne Je suis sûre que tu le sais ! Regard un peu fou, des mois que je cherche… des mois que je scrute chaque recoin de cette pièce quand je viens amener des colis à l’odeur immonde… Mais jamais, jamais je ne l’ai vue. Alors j’ai commencé à m’introduire dans la maison… mais il y a toujours quelqu’un pour m’interrompre. Alors je suis venue la nuit.
      • Séraph Tu es entrée ici, la nuit ?

      Gontran fait quelques pas, peu stable.

      • Johanne Oui… tu comprends Séraphine… ce qu’elles ont fait, tes tantes… c’est mal…
      • Séraph Mais pourquoi tu ne leur demandes pas tout simplement de te rendre ce qu’elles t’ont pris ?
      • Johanne Ha ha ! Tu crois qu’elles me le rendraient ? Ce sont des sorcières ! On ne peut pas leur faire confiance !
      • Séraph Mais moi…
      • Johanne Toi ! Tu es comme moi… Allons Séraphine… réfléchis bien. Une boîte !
      • Séraph Je réfléchis… Une boîte… une boîte…

      Gontran lui met la main sur l’épaule. Séraphine et Johanne sursautent.

      • Séraph Faisant un geste avec sa baguette magique, une boîaaaaaaa !

      Gontran retombe dans les pommes.

      NOIR

      ACTE II – Scène 5

      • Narrat La nuit, tous les chats sont gris. N’est-il pas étrange… que de se sentir lésé et donc de léser l’autre ? De se sentir volé et donc, de voler l’autre… ? De se sentir trompé et donc, de tromper l’autre ? Sous couvert de vouloir le bien de Séraphine, Johanne lui fait du mal… puisqu’on lui a fait du mal, mais elle, elle pense faire le mal pour son bien… vous me suivez ? C’est l’occasion d’une démonstration de la de notre petit ego en passant et de réaliser que, comme d’aucun, Johanne s’est enfermée toute seule dans une petite boîte… de nuit, où l’absence de lumière l’empêche d’y voir clair. Que faudra-t-il à Johanne pour rallumer la flamme de sa conscience et réaliser que la guerre ne mène jamais à la paix ? Seule la paix peut le faire. Civis pacem para pacem.

      NOIR

      ACTE II – Scène 6

      Lumière sur scène, Gontran est assis sur une chaise et attaché avec des foulards. Il a le visage constellé de taches violettes et des longs poils violets lui sortent des manches de la veste et des canons de pantalons, ainsi que des tentacules au niveau du col.

      • Séraph Et maintenant, on fait quoi ?
      • Johanne On cherche la boîte !
      • Séraph Mais on ne peut pas le laisser comme ça.
      • Johanne Moi je le trouve très bien, comme ça.
      • Séraph Je ne pouvais pas imaginer que j’allais le transformer en Chewbacca version barba papa …
      • Johanne Trouvons la boîte et tu verras, on pourra lui rendre son apparence. Ça devrait mieux marcher que ce que tu as essayé jusqu’ici.

      En arrière-scène, Gontran ouvre les yeux, se lève et quitte la scène en emportant la chaise avec lui.

      • Séraph Mais qu’est-ce qui te fait dire que cette boîte pourra nous aider en quoi que ce soit ?
      • Johanne J’ai mes sources ! Qu’est-ce que tu crois ? Depuis tout ce temps, je me suis renseignée. L’origine du pouvoir de tes tantes… c’est la boîte !
      • Séraph Nooon ?
      • Johanne Même ton, siiiii ! Et j’ai aussi besoin du chat !
      • Séraph Le chat ? Pourquoi ?
      • Johanne Chat te regarde pas. Allez, aide-moi ! Tu cherches le chat et je cherche la boîte.
      • Séraph Remarquant que Gontran n’est plus là, il… il est passé où ?
      • Johanne Mais je n’en sais rien, c’est bien pour ça que je te dis de le chercher, le chat !!
      • Séraph Pas le chat ! Le voisin !
      • Johanne Se retourne, quel voisin ? Il… il a disparu. Bon débarras !
      • Séraph Comment bon débarras ? Je ne peux pas le laisse se balader Diable sait où dans cet état ! Oh là là… mes tantes s’en vont deux minutes et je change les habitants de leur village en extraterrestres.

      ACTE II – Scène 7

      Entrée de Pandore et Ursula.

      • Johanne On s’en occupera plus tard, tes tantes n’y verront rien !
      • Ursula Qu’est-ce qu’on ne verra pas ? Qu’est-ce qui se passe ici ? Johanne, qu’est-ce que vous faites là ?

      Johanne saisit un ouvre-lettres sur le bureau, prend Séraphine en otage contre elle et place la pointe de la lame contre sa gorge.

      • Johanne Un pas de plus et je fais une brochette avec votre nièce.
      • Pandore Jo… Johanne, mais vous n’êtes pas bien, qu’est-ce que vous faites ?
      • Ursula On se calme ! Nul besoin d’en venir aux mains.
      • Johanne Comment vous avez fait pour revenir aussi vite ?
      • Pandore On a emprunté un « Tapolef », c’est le seul tapis qui passe le mur du son.
      • Ursula Bon Pandore, faut peut-être faire gaffe à ce que tu dis…
      • Séraph Elle est au courant que nous sommes des sorcières.
      • Johanne D’ailleurs, tout le village le sait !
      • Ursula Eh bien… voilà qui nécessitera une discussion. Mais du moment que vous détenez notre nièce en otage… qu’est-ce que vous voulez ?
      • Johanne Je veux votre boîte !
      • Pandore Une boîte, quelle boîte ?
      • Johanne Ne faites pas la maline, vous savez très bien quelle boîte.
      • Ursula Non, mais quel type… de boîte ? Parce qu’il y en a plein des boîtes…
      • Pandore Ah ben oui, regardez chez IKEA, par exemple…
      • Johanne Oh !
      • Ursula Non, mais c’est pas pour vous mettre en boîte, mais nous ne voyons pas de quoi vous parlez.
      • Johanne Je veux la boîte de Pandore !
      • Ursula Vous parlez de ces pâtisseries italiennes qu’on s’offre à Noël ?
      • Pandore Non, ça, c’est des Panettones…
      • Ursula Les Panettones, c’est quand il y a des fruits confis… Je parle des Pandores. Tu sais, c’est moelleux et ultra sucré… un peu comme toi, d’ailleurs.
      • Séraph Tante Ursula, si tu pouvais faire tes traits d’humour quand ma vie n’est pas en jeu, ça m’arrangerait.
      • Johanne Pandore ! C’est la boîte de Pandore que je veux ! Elle pique le cou de Séraphine.
      • Séraph Aïeuh… ! Fait gaffe, c’est pointu.
      • Johanne C’est tout l’intérêt.
      • Pandore Du calme… prenez de grandes respirations… amples… gonflez bien vous poum…
      • Johanne Mais c’est qu’elles se foutent de moi !
      • Ursula Si peu…
      • Pandore Ecoutez Johanne, vraiment, il n’y a pas de « boîte » de Pandore. C’est une légende. Et à quoi elle vous servirait, d’ailleurs ?
      • Johanne Je veux récupérer mon mari !
      • Ursula Faut savoir, vous voulez votre mari ou la boîte ?
      • Pandore Oh… peut-être que son mari est dans une boîte…
      • Ursula ça s’appelle un cercueil, ça, Pandore.
      • Johanne Je veux récupérer mon mari !
      • Pandore Celui qui drague les voisines ?
      • Ursula Et les taupes…
      • Johanne Il n’y a jamais eu de mari qui court après les voisines. Je vous ai raconté n’importe quoi pour pouvoir être ici et chercher cette maudite boîte. Je veux récupérer mon mari !
      • Ursula Vous ne savez plus où vous l’avez mis ?
      • Johanne C’est vous qui l’avez !
      • P/U Quoi ???? Elles se regardent, JEAN-CLAUDE ???
      • Séraph Le cha… Johanne presse la pointe contre son cou, aaaaah !
      • Pandore Madame Dusse… vous êtes la femme de Jean-Claude ?
      • Johanne Oui ! Vous me l’avez volé ! Rendez-le moi !
      • Ursula Prenez-le !
      • Johanne Qu… quoi ?
      • Pandore Mais oui… s’il est à vous, reprenez-le. Nous ne savions pas qu’il avait une femme. Il nous a toujours dit le contraire.
      • Johanne ça vous arrangeait bien !
      • Ursula Pas vraiment, non ! Ce qu’on voulait toutes les deux, c’était un homme… pas un chat ! Mais il a été si peu honnête que nous avons décidé de lui donner une leçon. La « chattitude » ne l’a pas vraiment changé, vous savez… il dort, il râle, il pète.
      • Pandore D’ailleurs Johanne, seule son apparence a changé… il est resté un humain à l’intérieur. Donc il sait qui vous êtes et il vous a entendue aller et venir ici. Il a choisi de ne pas se manifester… de rester incognito. Ça… c’est le mari que vous tenez à récupérer… mais allez-y, servez-vous.
      • Ursula ça nous coûtera moins cher en croquettes, parce que… qu’est-ce qu’il bouffe…
      • Séraph C’est pas que vos discussions autour du chat m’ennuient, mais… tu pourrais me lâcher ?
      • Johanne Pas avant que j’aie récupéré mon Jean-Claude !
      • Ursula De toutes manières, j’ai toujours préféré les chiens.

      Séraphine arrive à attraper sa baguette sur la table et fait un geste maladroit. Les lumières s’éteignent.

      • Ursula Oh non, pas maintenant !
      • Séraph Déso…

      Bruits de mouvements, de coups, des objets bougent dans le noir.

      ACTE II – Scène 8

      • Séraph Qui a pu se dégager de l’emprise de Johanne, tape dans ses mains et dit : Iguitus figuitus Acqua ! (Bruit de chasse d’eau).
      • Pandore Non, ça c’est pour tirer la chasse.
      • Séraph Oh mince, c’est quoi la formule déjà, pour la lumière ?
      • Ursula Iguitus figuitus Lumos !

      La lumière revient.

      • Ursula Où… où est Johanne ?
      • Pandore Mince, elle en a profité pour filer !
      • Ursula Elle doit chercher Jean-Claude dans la maison.
      • Pandore D’ailleurs, c’est bien la première fois qu’il n’est pas dans son panier en plein jour…
      • Ursula Donc, si je résume, on doit retrouver un chat-garou qui fuit sa femme et une factrice en furie dans la maison… d’autres bonnes nouvelles ?
      • Séraph Heu…
      • Pandore Séra… ?
      • Séraph Il se peut qu’il y ait aussi un de vos voisins à qui j’ai accidentellement ajouté de la fourrure violette et qui se trouve être l’inspecteur de l’Inquisition…
      • Ursula Par les gonades de Merlin…
      • Pandore Séraphine, c’est pas possible ! Comment as-tu fait ça ? Et c’est qui ce voisin ?
      • Séraph Je ne sais pas, un voisin.
      • Ursula Oh non ! ça doit être Gontran… on a oublié de lui dire qu’il n’avait pas besoin de venir pour les animaux du moment que Séraphine restait là.
      • Pandore Pauvre Gontran… Et qu’est-ce qui s’est passé ?
      • Séraph J’ai eu un accident de baguette et j’ai essayé de corriger le tir ensuite. Je lui ai donné une préparation au hasard… celle-ci… Elle prend une fiole posée sur la table et la montre à ses tantes.
      • Ursula Oh non, il suit justement un traitement à base d’huiles essentielles et de poudre d’intestin de mouton pour son allergie aux consonnes… Avec ce que tu lui as donné, ça a fait une overdose. D’où la violine velue…
      • Séraph La violine velue, c’est quoi ?
      • Pandore Les tissus prennent une teinte violette… et ça ajoute des poils.
      • Séraph Ah oui… alors c’est ça.
      • Ursula De mieux en mieux. Il faut se méfier de ça… ça peut avoir des répercussions ! Imagine, Séraphine… ton grand-père… il a fait une connerie avec un philtre… il travaillait pour Molière ce soir-là. Résultat, on n’a plus porté de vert sur scène pendant 400 ans.
      • Séraph Et, heu… là ? Elle regarde une des personnes qui porte du vert.
      • Ursula Ah mais là. C’est différent. On n’est pas sur scène.
      • Séraph Encore une chose…
      • Pandore Oui… ?
      • Séraph La violine, ça donne des tentacules aussi ?
      • Ursula Des tentacules ???? Mais tu as essayé de faire quoi ? Une bouillabaisse ?
      • Séraph J’ai essayé de lui effacer la mémoire.
      • Pandore Lui effacer la mémoire ? Non, mais ça ne va pas ?
      • Séraph Je ne savais pas comment m’en sortir autrement… Et puis l’autre qui me harcelait avec sa boîte, là…
      • Ursula Nous appeler… ça aurait été une option.
      • Séraph D’ailleurs… comment ça se fait que vous soyez rentrées si vite ?
      • Pandore Parce que tu as violé le serment d’Alberic.
      • Ursula On le sent tout de suite, par intuition.
      • Pandore Il faut qu’on mette la main sur Gontran et qu’on lui ôte ces tentacules.
      • Ursula P’tite soirée fruits de mer ?
      • Pandore Urs, mets-y du tien. Il est parti par où Séraphine ?
      • Séraph

      Gros bruit de vaisselle cassée à cour.

      • Ursula Je crois qu’on a la réponse. Elles partent toutes les trois à cour et sortent de scène.
      • Pandore Urs, cherche ! Cherche !

      ACTE II – Scène 9

      S’en suit une course poursuite dans une semi-pénombre sur une musique entraînante, Johanne poursuit le chat (peluche de chat noir fixée au bout d’une tige métallique peinte en noir), Gontran traverse la scène (il a réussi à se défaire de sa chaise), Pandore, Séraphine et Ursula se croisent dans tous les sens. Johanne revient sans le chat et embarque le panier. A un moment donné, Ursula se met près d’une entrée en tendant une couverture devant elle. Elle bondit quand Gontran entre et le plaque au sol sous la couverture.

      ACTE II – Scène 10

      • Ursula Je l’ai !
      • Johanne Entrant sur scène, moi aussi !

      Pandore et Séraphine revienne.

      • Pandore Qu’est-ce que tu fais ?
      • Ursula Je travaille sous couverture.
      • Pandore Tu l’as eu ?
      • Ursula Oui ! Pandore, passe-moi la potion d’annulation des sorts !

      Pandore prend une fiole sur l’étagère.

      • Ursula Maintenant tant bien que mal Gontran qui se débat et pousse des cris rauques. Donne-la lui !

      Pandore s’enfile plus ou moins sous la couverture et administre le traitement à Gontran.

      • Pandore Voilà Gontran… ça devrait faire effet rapidement. Ça va démanger un peu, mais ça ne pique pas les yeux et évite les nœuds.
      • Séraph Evidemment, avec une potion d’annulation des sorts, moi aussi… j’y arrive !
      • Pandore Voilà, ça commence à marcher. Il se calme.
      • Johanne A moi maintenant ! J’ai le chat ! Je veux votre boîte !
      • Ursula Décidément, vous êtes boîte-o-phile … pourquoi voulez-vous cette fichue boîte ?
      • Johanne Parce… parce que c’est la source de votre pouvoir !

      Pandore sourit gentiment.

      • Johanne ça n’est pas drôle !
      • Pandore Pardon Johanne, si, un peu quand même. Aucune boîte n’est la source de notre pouvoir.
      • Johanne Mais… mais c’est quoi alors ?
      • Pandore La source de notre pouvoir, ou plutôt de notre puissance, c’est nous.
      • Johanne Quoi ?
      • Pandore Oui… on croit trop souvent, à tort, que le problème, tout comme la solution viennent de l’extérieur. Mais nous avons tout. Nous avons juste tendance à l’oublier.
      • Johanne C’est quoi ce charabia ?
      • Ursula Les sorcières, nous sommes comme toutes les autres femmes. Nous avons juste appris à utiliser notre potentiel.
      • Séraph C’est pas héréditaire ?
      • Ursula Hum… pas toujours !
      • Pandore Il y a des lignées de sorcières, bien sûr. Mais simplement parce que ces familles cultivent leurs dons naturels et se transmettent un savoir-faire qu’elles ont à cœur de préserver. Mais chacune et chacun d’entre nous a le pouvoir de faire de la magie.
      • Johanne Je… j’ai le pouvoir de retransformer mon chat en mari… enfin, mon mari en humain ? Noon… enfin, je ne sais plus.
      • Pandore Bien sûr… Si c’est vraiment ce que vous voulez. Et si vous n’y arrivez pas, par manque de pratique, nous vous aiderons. Vous avez aussi la possibilité de réfléchir un peu.
      • Johanne C’est vrai qu’il ne s’est pas tellement précipité pour me retrouver…
      • Ursula Pas tout-à-fait. Nous pourrions aussi lui rendre sa forme humaine, pour qu’il reprenne le cours de sa vie et de ses aventures et vous, que vous cherchiez un homme qui ait réellement envie d’être avec vous.
      • Johanne Vous me troublez. Elle pose le panier et s’assied vers le bureau de consultation, un peu désorientée.
      • Ursula Bon, je crois qu’il est à point. Enlevons la couverture.
      • Pandore Gontran ?

      ACTE II – Scène 11

      Celui-ci est en position fœtale sur le sol. Il a les yeux mi-clos.

      • Gontran Ou… oui ?
      • Pandore Gontran, c’est nous. Pandore et Ursula. Vous m’entendez ?
      • Gontran Oui…
      • Ursula Essayez de vous assoir, doucement…
      • Gontran Semblant avoir mal, ouh…
      • Pandore Vous avez mal ?
      • Gontran Il secoue la tête pour dire que non.
      • Pandore Vous vous demandez sans doute ce que vous faites là…
      • Séraph Heu… nous avons essayé un traitement de choc, pour votre…
      • Ursula Allergie !
      • Séraph C’est ça ! Pour votre allergie…
      • Gontran Ah…
      • Ursula Peut-être que vos souvenirs ne sont pas très précis, c’est souvent le cas avec ce genre de traitements. Ça va passer. Peut-être que vous conserverez un trou de mémoire…
      • Pandore Et le teint violet…
      • Gontran Violet ?
      • Séraph Oui… ça arrive quand…
      • Ursula « Violet » ? Gontran, vous avez dit « violet » ?
      • Gontran Oui… j’ai dit « violet » ? Pourquoi… Un temps, attendez !!! « Pourquoi » ? Il accentue les consonnes. Oh Crénom !
      • Ursula Par… par… oh je ne sais même pas quel Dieu invoquer ! Gontran, vous n’êtes plus allergique !
      • Pandore C’est prodigieux !
      • Gontran Continuant à accentuer les consonnes, un peu comme un jurassien, c’est vous qui êtes des prodiges ! Aaah ! Je peux dire les consonnes. Merci, merci, merci mesdames !
      • Ursula Oh, mais j’y pense ! Séraphine, tu lui as donné le contenu de cette fiole ? Elle montre une bouteille sur l’étagère.
      • Séraph Elle prend la fiole, oui, j’ai essayé. C’est marqué « Fée verte ». C’est quoi ?
      • Ursula De l’absinthe ! Par la cirrhose de Bacchus ! C’est bien sûr ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! L’antidote à l’allergie aux consonnes, c’est le distillat du Jura !
      • Pandore Je suis tellement heureuse pour vous !
      • Johanne ça existe, ça, une allergie aux consonnes ??
      • Ursula Le pauvre Gontran y était allergique depuis l’enfance…
      • Johanne Je vois, trop de soupes aux lettres ?
      • Gontran Non, une méchante grand-mère qui m’a fait avaler toutes les consonnes d’un jeu de Scrabble, quand j’étais enfant, à Courtételle.
      • Johanne Eh bien, je suis contente que vous vous soyez affranchis de ce problème !
      • Gontran Venant de vous, ça me va droit au cœur. Depuis le temps que j’attends de pouvoir vous parler…
      • Ursula Ah, c’est elle !
      • Séraph Qui ça, elle ?
      • Johanne Elle qui quoi ?
      • Ursula Euh… enfin, je veux dire… oui, elle, c’est Johanne.
      • Pandore C’est maintenant que tu la reconnais ??
      • Ursula Soupire, bref… Au fait, Gontran… vous êtes vraiment un inspecteur de l’Institut…
      • Gontran De l’Institut National de Qualité pour les Utilisateurs des Infrastructures de Santé et d’Innovation Thérapeutique Individuelle Omnidirectionnelle et Naturelle ? C’est incroyable, c’est la première fois que j’arrive à le dire !!!
      • Ursula Oui, tout-à-fait. C’est bien juste alors ?
      • Gontran Oui… Je suis stagiaire depuis deux mois. J’ai fait des pieds et des mains pour pouvoir être en charge de votre dossier et effectuer moi-même le contrôle. D’ailleurs, je vous l’ai dit, lors de ma dernière consultation… que je reviendrai.
      • Ursula Aaah, c’était ça, le contrôle dont vous parliez !
      • Gontran Oui… je vais devoir faire un rapport… et à ce sujet…
      • P/U A ce sujet… ?
      • Gontran J’ai quelques remarques à vous faire…
      • Pandore Ah bon, lesquels ?
      • Gontran Par exemple : le chat ne devrait pas être dans le cabinet, ça n’est pas hygiénique !
      • Ursula Ah ben oui, évidemment.
      • Pandore Oh mon J-C…
      • Gontran Il faudra revoir l’étiquetage de vos fioles. Il manque les numéros de lot. C’est une question de traçabilité.
      • Pandore Je vais y pallier tout de suite.
      • Gontran J’ai aperçu des produits inflammables. Il vous faut un extincteur.
      • Ursula Comme si c’était fait !
      • Gontran Et….
      • P/U/S Ettttt…. ???
      • Gontran Et que, bien que vos traitements comportent quelques effets secondaires… ils fonctionnent à merveille !
      • Pandore Oh Gontran, vous êtes adorable. Comment vous remerciez ?
      • Gontran En continuant à faire de la naturo-magie. C’est ça dont le monde a besoin.

      Tout le monde se fige, à l’exception d’Ursula qui a pris une petite boîte sur l’étagère et en prélève quelques paillettes, qu’elle sème au-dessus de la tête de Johanne. La scène est accompagnée d’un bruitage « scintillement magique ». Johanne a d’abord une moue renfrognée et se met doucement à sourire. Ursula lui murmure quelque chose à l’oreille, comme un sort. La scène reprend.

      • Johanne Gontran… ça vous dirait d’aller prendre un café ?
      • Gontran Stupéfait, oh mais alors avec grand plaisir ! Grand grand plaisir ! Plutôt un ristrett’ En aparté, rudement efficace leurs traitements !
      • Johanne Oh ! Mais le chat ?
      • Pandore Je m’en occupe. On va te donner un bain, hein mon Cloclo ! Avec beaucoup de savon au magnolia… comme d’habitude. Oh, t’es content ? Hein oui, que t’es content !
      • Ursula En aparté à Johanne, Johanne, vous vous ouvrez à de nouvelles opportunités on dirait !
      • Johanne Eh bien votre laïus au sujet de mon chat… enfin de mon mari m’a fait réfléchir… Je vais effectivement ouvrir le champ des possibles. Et puis…
      • Ursula Et puis… ?
      • Johanne On ne peut pas avoir l’accent jurassien ET être volage… Y a des limites. Peut-être que ça jouera en ma faveur !
      • Ursula C’est ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées !
      • Johanne Ah, au fait ! Elle cherche quelque chose dans sa poche, tenez, je vous le rends.
      • Pandore Oh ! Mon blason !
      • Ursula C’est vous qui l’aviez ?
      • Johanne Elle se penche vers Ursula et Pandore pour leur parler « en privé », comment croyez-vous que je vous ai retrouvées ? L’une de vous a dû le laisser tomber et comme j’étais déjà sûre que Jean-Claude avait une aventure, je l’ai gardé. Quand je suis tombée sur une annonce pour votre cabinet dans le journal, j’ai tout compris !
      • Gontran Et vous, Pandore, Ursula… merci… vous avez guéri mon allergie aux consonnes. Je vous en serai toujours reconnaissant. Vous êtes de vraies fées !

      Gontran tend son bras à Johanne qui le prend. En se retournant, on aperçoit une grande queue violette et touffue sortir de sous la veste de Gontran.

      ACTE II – Scène 12

      • Ursula Va pour dire quelque chose avec la main en l’air et se ravise. Elle baisse la main en soupirant.

      Gontran et Johanne sortent.

      • Ursula Au fait, Séraphine… c’était une chance que tu ne saches pas ce qu’est la boîte de Pandore !
      • Séraph Tss… tu crois que je ne sais pas où elle est ?
      • Ursula Ben non… un temps… sii ?
      • Séraph Bien sûr que je le sais… depuis que je suis gamine.
      • Ursula Mine de « laisse-moi rire », hein hein… et alors… elle est où… ?
      • Séraph Déjà, ça n’est pas une boîte…

      Regards ébahis de Pandore et Ursula.

      • Séraph C’est une jarre…
      • Pandore Tu savais ça ?
      • Ursula Toi ?
      • Séraph Eh oui… le mot a été mal traduit… et depuis, tout le monde croit qu’il s’agit d’une boîte ! D’ailleurs, elle est là, sur le bureau.
      • Pandore Ursula, ferme la bouche. Bravo Séra ! Je suis fière de toi !
      • Séraph Merci, ma tante. Au fait, c’était bien votre congrès ?
      • Pandore Oui oui… Y avait du monde aux Balkans.
      • Ursula Bon, eh bien Séraphine… ton apprentissage peut continuer !
      • Séraph Oh d’ailleurs… Cette boîte de Pandore… et si on l’ouvrait ?
      • Ursula Tous aux abris !!!

      NOIR

      FIN

       


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