Joyeuse pagaille

Marina est célibataire. Elle occupe un poste important dans une société internationale qui la conduit à voyager à travers le monde. Ce soir, fin de semaine, elle rentre de Londres complètement exténuée. Quel bonheur de se retrouver enfin chez elle, de profiter dune soirée tranquille devant un plateau-repas, accompagné d’un bon livre ! Mais le bonheur sera de courte durée et la soirée vite perturbée. Son patron, le président-directeur général de sa société, est en transit à l’aéroport. En attendant son vol pour New York, il souhaite rencontrer Marina pour préparer avec elle une réunion de la plus haute importance. Marina tente de trouver un moyen pour contrer le souhait du président mais celui-ci insiste pour venir chez elle. En désespoir de cause, Marina invente une famille complète (mari, bébé et belle-mère) dont elle doit s’occuper. Qu’à cela ne tienne : le président lui rétorque qu’il arrive et qu’il est ravi à l’idée de faire connaissance de tout ce petit monde. Le problème est posé : que faire quand on na pas de famille ? On téléphone bien aux copines mais pas si facile de trouver la solution. Marina réussira-t-elle à composer une famille en quelques minutes ? Le président croira-t-il en cette famille loufoque aux comportements si inattendus ?

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Le rideau s’ouvre sur le salon non éclairé.

Marina entre par la porte d’entrée, un imperméable sur les épaules. D’une main, elle tire un trolley et de l’autre, elle tient un bouquet de fleurs. Elle allume : le décor s’inonde de lumière.

Elle range le trolley dans le couloir puis dépose le bouquet dans un vase. Elle jette son manteau négligemment sur un fauteuil. Avec infiniment de plaisir, elle s’allonge sur le canapé. Elle apprécie cette fin de journée. Elle prend un livre mais très vite le sommeil la surprend. Le livre est prêt à tomber. Elle se réveille juste avant sa chute.

Elle se lève et disparaît dans la cuisine.

Le téléphone du salon sonne.

Sans précipitation, elle revient avec un plateau-repas. Elle décroche.

Marina (au téléphone) - Allô ! (…) Elise ! Comment va ma meilleure amie ? (…) Je n’ai aucune envie de sortir ce soir. (…) N’insiste pas. (…) Je rentre de Londres, un congrès épuisant… Je m’apprête à dîner en tête-à-tête avec moi-même, accompagnée d’un joli bouquet que je me suis offert. (…) Ce sont les hommes qui offrent des fleurs ? Sans doute. Tu sais très bien que je vis seule et que le meilleur moyen d’avoir un bouquet, c’est que je me l’offre. (…) Comment ça c’est triste ? Ton cher mari, ça remonte à quand son dernier bouquet ? (…) Tu es toute seule à la maison ? C’est le bonheur ! (…) Ton mari est au foot avec les enfants ? Je t’ai toujours dit que le foot avait de bons côtés. Profites-en pour te choyer. (…) Non, n’insiste pas, je n’ai aucune envie de sortir. Ce soir, je profite de moi. Luxe suprême des célibataires ! Je vais jeter un œil sur quelques dossiers et je me couche. (…) Moi aussi je t’embrasse, ma cocotte. (Elle coupe la communication, contemple le plateau-repas et le livre.) Je commence par quoi ? Un petit peu des deux… (Elle lit et grignote en même temps.) Je suis au paradis ! (Son portable sonne. Elle le cherche. Elle le trouve dans la poche de son manteau et décroche.) Oui ? (…) (Surprise.) Non ! (…) Bonsoir monsieur le président ! (…) A cette heure ? Je veux dire, comment allez-vous monsieur le président ? (…) Effectivement, je rentre de Londres où j’ai réglé les problèmes avec la société « I Love You and Compagny ». (…) Je vous en informerai lundi matin au bureau. (…) Vous ne serez pas là ? (Ravie.) Comme c’est dommage ! Et vous, monsieur le président, toujours en Australie ? (…) Vous êtes de retour ! Déjà ? (…) Et vous repartez pour New York… (…) Ah ! je préfère ! (…) Non, je me disais que ça doit être fatigant ! (…) Comment ça que je vienne vous parler de ma réunion londonienne pendant votre transit à l’aéroport ? (…) Votre mission aux Etats-Unis en dépend ? (…) Je comprends bien, monsieur le président, mais c’est impossible, je suis chez moi ! (…) Pourquoi ? Oui, pourquoi… Parce que j’ai une famille, avec un mari et un bébé et… une belle-mère par-dessus le marché, voilà pourquoi je ne peux pas me rendre à l’aéroport, monsieur le président ! (…) Je vous ai toujours dit que j’étais célibataire ? C’est exact, je le suis. Ça n’empêche pas d’avoir un mari et une famille ! (…) N’insistez pas. (…) Mon mari est dans le bain avec notre fille… (…) Et moi, qu’est-ce que je fais ? Je prépare le repas comme toute bonne mère. (…) Vous avez plus de deux heures d’attente pour votre prochain vol ? Ah oui ! C’est un vrai transit ! (…) Quoi ? Vous allez venir ici ? Mais monsieur le président… (…) Seulement cinq minutes ? (…) Vous vous ferez tout petit ? Ça m’étonnerait… (…) Vous êtes ravi de faire la connaissance de mon mari ? (…) Bon… si je ne dois rien dire… à tout de suite monsieur le président… (Elle raccroche, catastrophée.) Il veut faire la connaissance de mon mari ! Il y a un problème : je n’en ai pas ! Je lui dirai qu’il est au foot… avec la belle-mère ! D’un autre côté, chez moi, seule avec le président, je connais sa réputation. Je dois me trouver un mari ce soir. Il y a bien une copine qui va me prêter le sien ! (Elle prend son téléphone, compose un numéro.) Allô ! Ma cocotte ? (…) Non, je ne suis toujours pas libre, je vais même devenir très occupée. Dis-moi, je pourrais t’emprunter ton mari pour une heure ou deux? (…) Ne crie pas comme ça ! Ce n’est pas pour ce que tu penses. Figure-toi que mon président débarque à l’improviste chez moi et, pour freiner ses élans, je me suis inventé une famille. (…) Je sais que je n’en ai pas, c’est pour ça que je t’appelle. (…) Il est toujours au foot ? (…) Comment ça de toute façon tu ne me le prêteras pas ? Bonjour les copines ! (…) Qu’est-ce que je vais faire ? Et en plus, je lui ai dit que j’avais un bébé et une belle-mère ! La famille complète sans le chien ! (…) Moque-toi de moi… (Ravie d’entendre ce que lui dit Elise au téléphone.) Non ! (…) T’es sûre ? (…) Même à cette heure ? (…) Merci du tuyau, je te tiens au courant. (Elle coupe la communication et compose un numéro.) Allô ! Je suis bien à l’agence « Des filles et des gars Daizeau » ? (…) Si je vous demande un mari, une fille et une belle-mère à louer immédiatement, est-ce que je fais une bonne pioche ? C’est une urgence extrêmement urgente ! (…) Bien sûr, vous pouvez venir chez moi. (…) J’habite rue de l’Espérance, numéro 7… (…) Je vous attends. (Elle coupe la communication et réfléchit en observant son plateau-repas.) Ça c’est foutu ! J’aurais dû dire non à mon patron, que je ne pouvais pas le recevoir ! Faut toujours que j’en rajoute. Ça coupe l’appétit ces affaires-là ! (Elle disparaît dans la cuisine pour ranger son plateau-repas. La sonnette de la porte d’entrée retentit.) Oui ! Oui ! J’arrive ! (Pour elle.) Pourvu que ce ne soit pas le président !

Marina ouvre la porte d’entrée. Isabelle Daizeau se présente. Elle porte des albums photos volumineux sous le bras.

Isabelle - Bonjour! Vous venez de m’appeler, je suis Isabelle Daizeau de l’agence « Des filles et des gars Daizeau ».

Marina - Vous, au moins, vous ne perdez pas de temps !

Isabelle - Vous avez dit urgence urgente, j’arrive toutes sirènes dehors !

Marina - Il y a même péril en la demeure ! Mon patron débarque d’une minute à l’autre. Je ne voulais pas qu’il vienne et, comme il a insisté, je lui ai avoué que j’avais une famille, un mari, une fille et une belle-mère, que je ne pouvais vraiment pas le recevoir…

Isabelle - Oui, oui, oui. Et vous n’avez rien de tout ça.

Marina - Et pour cause : je suis célibataire. J’ai pensé qu’en inventant une famille, il refuserait de venir. Pas du tout ! Il est ravi de la rencontrer.

Isabelle - Oui, oui, oui, oui, oui.

Marina - Il est probablement dans un taxi. Les minutes sont comptées.

Isabelle - Oui, oui, oui, oui, oui.

Marina - Encore une chose : il va rester qu’une heure ou deux, il reprend un avion pour New York.

Isabelle - Oui, oui, oui, oui, oui.

Marina - Vous dites toujours « oui, oui, oui, oui, oui » ? Je vous préviens, ça va m’énerver.

Isabelle - Oui, oui, oui… Pardonnez-moi, c’est ma façon de réfléchir. Alors vous cherchez un mari, une fille et une belle-mère.

Marina - Oui, oui, oui, oui, oui… Allons bon ! Vous m’avez passé votre truc !

Isabelle - J’ai la réponse à votre attente. Tout est là ! (Elle montre ses albums.) On commence par quoi ?

Marina - Le plus facile.

Isabelle - La belle-mère. J’en ai en pagaille.

Marina - Une suffira.

Isabelle - Oui, oui, oui, oui, oui.

Marina - Vous n’allez pas remettre ça !

Isabelle (très professionnelle) - Vous la voyez comment ? Grande, petite, brune, blonde, boulotte, sportive, bourgeoise, bras cassé ?

Marina - Bras cassé ?

Isabelle - Il y a de la demande pour un bras dans le plâtre ou une jambe… Un accidenté, dans une famille, ça impose le respect.

Marina - Quelle drôle d’idée !

Isabelle - Je me plie à la demande des clients.

Marina - Je ne vais tout de même pas faire appel à une belle-mère qui a le bras dans le plâtre !

Isabelle - Je vous rassure, aucune n’a le bras cassé. Elles simulent.

Marina - Restons en bonne santé.

Isabelle - Vous avez raison, la recherche sera plus facile. Attendez… (Elle observe attentivement Marina.)

Marina - Que faites-vous ?

Isabelle - Oui, oui, oui, oui, oui… C’est pour voir la tranche d’âge des belles-mères. (Elle ouvre un album au milieu. Marina plonge son regard.) Voilà celles qui vous correspondent.

Marina - Elles sont vieilles et moches ces belles-mères-là !

Isabelle - Elles font vrai.

Marina - J’en voudrais une sympathique, cultivée, souriante, beaucoup de classe…

Isabelle - Je vous arrête tout de suite. Vous cherchez une belle-mère, pas une copine. Faut taper dans le réalisme, sinon on n’y croit pas. Oubliez la souriante, sympathique… « Faut du crédible », c’est la devise de mon agence « Des filles et des gars Daizeau ».

Marina - Celle-là, à la rigueur…

Isabelle - Sylvie ? Impossible, elle est aux Antilles.

Marina - Elle en a de la chance !

Isabelle - Elle accompagne une famille qui a gagné le grand prix des familles unies. Il leur manquait une belle-mère, je leur en ai fourni une.

Marina - Ce n’est pas honnête !

Isabelle - Vous aussi, vous allez tricher.

Marina (le regard sur une photo de l’album) - Oh ! c’est monstrueux ! Regardez-moi celle-là ! Vous avez vu ce popotin ?

Isabelle - C’est le mien !

Marina - Pardonnez-moi, sans doute la qualité de la photo.

Isabelle - Il m’arrive de temps en temps d’intervenir.

Marina - Je ne trouve rien… Et le président qui doit arriver d’une minute à l’autre…

Isabelle - Vous allez devoir ne pas être trop difficile, d’autant que les belles-mères, faut pas les brusquer. Elles aiment être prévenues un peu à l’avance, se pouponner, s’apprêter… Tout un rituel. (Consultant l’album.) Observez-la bien, elle est parfaite, une pro de la belle-mère !

Marina - Montrez… Je comprends qu’elle soit libre ! Il me faut quelqu’un qui présente bien auprès de mon président.

Isabelle (examinant une autre photo) - Colette ! Une classe, un maintien… sachant s’adapter à toute situation. Sa dernière prestation, elle a joué une belle-mère alcoolique à la perfection.

Marina - Je ne lui en demande pas tant !

Isabelle (composant un numéro sur son portable) - Vous verrez, elle est très bien… (Au téléphone.) Allô ! Colette ? (…) Isabelle Daizeau de l’agence « Des filles et des gars Daizeau »… Etes-vous libre ce soir ? C’est une urgence ! (…) Je demande à la cliente… (A Marina.) Vous remboursez le taxi ?

Marina - S’il faut en passer par là…

Isabelle (au téléphone) - Pas de problème,...

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