Nous sommes à l’intérieur d’un appartement cossu. Style de mobilier propre à ce genre d’appartement qui se compose de : un canapé de style anglais en cuir. Deux fauteuils club. Quelques tableaux. Une jolie bibliothèque murale dans laquelle trônent des maquettes de solex. Un bar américain. Une table basse.
Sonnerie !
- Voilà ! Voilà ! Une seconde.
En passant, Pierre pose un rouleau de scotch de forte résistance sur le bar, qu'il contourne. Il sort une bouteille de whisky et un verre, qu’il considère avant d’opter finalement pour boire une grosse gorgée directement à la bouteille. Encore plusieurs coups de sonnettes à la file. Il consulte sa montre.
Le temps qu’il se dirige vers la porte d’entrée, plusieurs coups insistants retentissent encore. Il ouvre. Une jolie femme, élégante, lui fait face.
BEATRICE - Bonjour, pardonnez-moi de vous déranger. Je suis votre voisine du dessus. Je me suis fait couler un bain et comme une idiote, je l’ai laissé déborder.
PIERRE - ...ah ? C’est ennuyeux mais je suis navré, je n’ai aucune compétence en la matière. Je sais à peine planter un clou.
Il tente de refermer la porte mais elle l’en empêche avec son pied.
BEATRICE - Je ne vous demande pas d’aide. J’ai pu couper l’eau. Je souhaitais simplement m’assurer qu’il n’y a pas de dégâts chez vous. Comme je m’en suis rendu compte un peu tard, il serait bon que vous alliez jeter un oeil.
PIERRE - C’est gentil. Merci.
Elle s’engouffre dans l'appartement
BEATRICE - C’est la moindre des choses, entre voisins.
PIERRE reste un instant sur place à regarder cette jolie femme qui, sans être aguicheuse, ne paraît pas farouche.
- Ne tardez pas. Avec l’eau c’est toujours délicat.
PIERRE - ...oui. Vous avez raison.
PIERRE va dans sa salle de bain. Béatrice trébuche légèrement dans un sac d'une marque très célèbre posé dans l'entrée en se dirigeant vers le salon. Elle en profite pour jeter un coup d'oeil circulaire à la pièce. Elle s’approche du bar, saisit la bouteille de whisky et le verre posé sur le comptoir, repose le verre et boit au goulot une grande lampée. Elle repose la bouteille puis la saisit de nouveau et boit une plus grosse lampée. PIERRE réapparaît, constate la progression de la femme dans son appartement.
- ...Vous pouvez être rassurée. Pas la moindre infiltration.
BEATRICE - Je le suis. Merci.
PIERRE - C’est moi.
Pierre l’invite à se diriger vers la porte d’entrée et lui ouvre le passage comme le ferait un policier. Elle ne bouge pas.
BEATRICE - Je peux vous poser une question ?
PIERRE - Oui ?
BEATRICE - Pourquoi avez-vous autant de maquettes de la même mobylette ?
PIERRE - Ce ne sont pas des mobylettes, mais des solex et aucun n’est le même. J’ai les originaux dans ma cave. Tous des pièces de collection. Du 1er au dernier modèle. De 1947 à 1974. Certains ayant appartenu à des célébrités. C’est la raison pour laquelle j’ai mis une porte blindée.
BEATRICE - Quel est l’intérêt d’avoir des maquettes de ce que vous possédez en taille réelle dans votre garage ?
PIERRE - Le plaisir de les contempler encore plus longtemps.
BEATRICE - ...Mise à part votre collection de Solex. Nous avons des goûts communs. Je buvais également de ce whisky quand je me suis rendue compte que ma baignoire avait débordé. 18 ans d’âge c’est bien pour ce genre de whisky.
PIERRE - Avec quelques années de moins, ce ne serait pas du whisky.
BEATRICE - Le côté tourbé et quelques notes iodées sont du plus bel effet.
PIERRE - Vous êtes connaisseuse.
BEATRICE - Depuis hier…
PIERRE - Vous aimez le whisky depuis hier ?
BEATRICE - J’ai commencé beaucoup de choses depuis hier. Bien plus que ces 20 dernières années. Et j’ai bien envie d’accélérer encore.
PIERRE - Si telle est votre envie, je vous le souhaite.
BEATRICE - Merci.
PIERRE - Je vous en prie.
Pierre lui ouvre le passage mais elle ne s’y engage pas.
BEATRICE - Vous permettez ?
PIERRE (contraint) - ...Je vous en prie.
Beatrice va pour se servir un verre du fameux whisky, mais finalement se rétracte et boit au goulot une grosse lampée sous les yeux ébaubis de Pierre.
BEATRICE - ...Seulement pour accélérer encore, j’ai besoin de vous.
PIERRE - De moi ?
BEATRICE - Oui.
PIERRE - Je ne vois pas de quelle façon je pourrais ?
BEATRICE - C’est très simple. Faites-moi des compliments.
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - Faites-moi des compliments.
PIERRE - Des compliments ?
BEATRICE - Ça vous paraît insurmontable ?
PIERRE - Non. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. C’est que...je ne sais pas sur quoi vous souhaitez que je vous complimente ?
BEATRICE - Eh bien sur moi évidemment !
PIERRE - Oui, bien sûr…
BEATRICE - Alors ?
PIERRE - ...ce n’est pas facile, comme ça.
BEATRICE - Peut-être pourriez-vous m’inviter à m’assoir sur votre canapé, et m’offrir un verre de ce pur malt écossais.
PIERRE - Encore ! Enfin, je veux dire...avec ce que vous venez d’avaler, ce ne serait peut-être pas raisonnable. Et puis...(Pierre consulte sa montre ) il se fait tard.
BEATRICE - Tard ? Nous sommes en début d’après-midi.
PIERRE - Justement !
BEATRICE - Justement quoi ?
PIERRE - Eh bien...à cette heure... on ne boit pas autant d’alcool.
BEATRICE - C’est marqué où ?
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - C’est marqué où que ce n’est pas le bonne heure pour boire du whisky ?
PIERRE - ...Nulle part.
BEATRICE - Ben alors...
Elle s'empare de la bouteille et avale une profonde gorgée.
PIERRE - Belle descente !
Elle avale une seconde gorgée encore plus profonde. Pierre lui saisit la bouteille.
- ola ! Faut arrêter maintenant !
La femme, légèrement dans l’ivresse.
BEATRICE - Pas touche ! Attention j’ai suivi durant deux ans des cours de taekwondo. Alors...distance !
Pierre garde ses distances. Elle lui passe devant et va s’assoir sur le canapé, puis, elle invite Pierre à l’y rejoindre. Il demeure statufié.
- C’est tout ce que je vous inspire ?
PIERRE - C’est à dire que...je garde mes distances.
BEATRICE - Pas quand je vous invite à me rejoindre.
PIERRE - Ah...
Il s’approche à petits pas vers le canapé. Une fois devant, il demeure debout. Elle lui saisit le bras et l’attire prestement sur le canapé. Pierre s’écarte doucement vers le bout opposé du canapé. Elle bascule son bassin et, avec ses jambes, l’entoure et le bloque.
- qu’est-ce qui vous prend ?
BEATRICE - J’attends !
PIERRE - Mais quoi donc ?
BEATRICE - Vous le faites exprès ou bien ?
PIERRE - Je suis désolé, je ne vois pas...
BEATRICE - Mes compliments !
PIERRE - ah oui...heu...bien sûr...mais, vous allez être étonnée par ma question mais... pourquoi tenez-vous à ce que je vous fasse des compliments ? Une belle femme comme vous ne doit pas avoir trop de mal à en recevoir.
BEATRICE - Détrompez-vous. A partir d’un certain âge les compliments ne pleuvent pas ou alors sont toujours suivi d’un «pour votre âge» qui balaie aussitôt le compliment qui l'a précédé.
PIERRE - Ah bon ?
BEATRICE - Une goutte ?
PIERRE - Non, merci.
BEATRICE - Allez ! Une petite goutte.
PIERRE - Bon alors, juste un fond. Vite fait et après...
Elle remplit les deux verres, force Pierre à trinquer et boit cul sec. Pierre avale sa première gorgée...
BEATRICE - Vous aimez mes seins ?
Pierre crache sa gorgée
PIERRE - Vos... seins ?
BEATRICE - Oui ! Mes seins ? Vous savez ce que c’est que des seins quand même ?
PIERRE - Oui...
BEATRICE - Alors ? C’est pas compliqué. Vous aimez ou pas ?
Béatrice poitrine en avant
PIERRE (troublé) - Oui...Non...Ce n’est pas le...le...
BEATRICE - Ils durcissent encore très vite et très bien.
PIERRE - J’en suis ravi...mais...
Il consulte sa montre
BEATRICE - Vous ne voulez pas poser vos mains dessus ?
PIERRE - Mais non !
BEATRICE - Vous êtes homosexuel ? C’est bien ma veine tiens !
PIERRE - Non, pas du tout. Ecoutez madame, je ne sais pas ce que vous voulez mais je ne dispose pas de temps. Voila...une autre fois peut-être.
BEATRICE - Donc, vous n’aimez pas mes seins...Très bien. Je prends note.
PIERRE - Je n’ai jamais dit ça. Et puis...que me voulez-vous ?
Long silence dans lequel Beatrice cherche le regard de Pierre qui fait tout pour l’éviter.
BEATRICE - Vous n’auriez pas envie de me faire l’amour ?
PIERRE - Quoi ? !!!!
BEATRICE - Vous m’avez parfaitement comprise.
PIERRE regarde en direction de la pièce voisine.
PIERRE - Mais...Ce n’est pas possible.
BEATRICE - Pourquoi ?
PIERRE - Mais parce que !
BEATRICE - Parce que quoi ?
Il regarde autour de lui
PIERRE - c’est à dire que...
BEATRICE - Que quoi ?
PIERRE - ...C’est gênant quand même. Comme ça...
BEATRICE - Je ne vois pas ce qui est gênant. Nous sommes chez vous, je suis plutôt une jolie femme, vous êtes plutôt... dans la moyenne, la moyenne supérieure, si vous préférez. Vous avez un petit côté cocker attendrissant…
PIERRE - Je vous remercie. Mais, il n’empêche que je ne peux donner suite à votre demande. Et puis...on ne se connaît pas.
BEATRICE - Justement, ne perdons pas de temps et faisons connaissance.
PIERRE - Je suis désolé madame.
BEATRICE - Ah non ! Pas de madame ! J’en ai assez des «madame». Béatrice.
PIERRE - Je suis désolé, Béatrice...
BEATRICE - Vous pensez que c’est indécent qu’une femme vous propose cela ? Je suis certaine que si j’avais vingt ans de moins vous m’auriez déjà sauté dessus. Vous êtes tous les mêmes les hommes. Qu’est-ce que vous croyez ? Moi aussi j’en ai marre de mon âge. Cet âge sans âge, entre tous les âges, sans marque distinctive, on ne sait pas où le fourrer cet âge. Plus chez les jeunes, pas chez les vieux.
PIERRE - Ce n’est pas une question d’âge. Je vous assure. Il est très bien votre âge.
BEATRCIE - Alors ?
PIERRE - Pourquoi moi, d’abord ?
BEATRICE - Un étage à descendre.
PIERRE - Un étage à descendre ?
BEATRICE - Puisque je suis votre voisine du dessus ! Eh ! Oh ! On se réveille !
PIERRE - Ah oui...Mais vous saviez que j’étais là ? Je veux dire, qu’il y avait un homme dans cet appartement ?
BEATRICE - Oui, je vous avais croisé plusieurs fois dans l’immeuble. Vous m’aviez paru propre.
PIERRE - Propre...
BEATRICE - Oui, propre sur vous. Vous paraissiez, honnête. Propre quoi.
PIERRE - Très touché.
BEATRICE - Je n’ai pas réfléchi très longtemps non plus.
Il regarde en direction de la porte. Puis intensément Béatrice.
PIERRE - Madame...
BEATRICE - Non ! Pas de madame !
PIERRE - Autant pour moi...Béatrice. Je peux savoir pourquoi vous tenez absolument à faire l’amour avec moi ?
BEATRICE - Alors, rectifions tout de suite. Je ne tiens pas à faire l’amour avec vous, mais à ce que vous me fassiez l’amour. Saisissez-vous la nuance ?
PIERRE - ... ? Bof...
BEATRICE - Un étage à descendre...propre...
PIERRE - ...Et pourquoi une belle femme comme vous aurait-elle besoin de son voisin, propre au demeurant, charmant comme un coker, pour lui faire l’amour ?
BEATRICE - Ca, ça me regarde.
PIERRE - Bah oui, mais moi aussi. Pourquoi ne faites-vous pas appel aux petites annonces ? Je suis certain que vous trouverez chaussure à votre pied. Il suffit de cocher des cases et vous avez l’homme de vos rêves. Et ce ne sera pas un cocker !
Il s’amuse de sa blague et mime le chien qui se gratte. Elle le regarde sans sourciller. Long silence.
BEATRICE - Pour qui me prenez-vous ?
PIERRE - Beaucoup de gens passent par ces annonces de nos jours. Il n’y a pas de honte à avoir.
BEATRICE - Vous passez par des petites annonces vous ?
PIERRE - Non.
BEATRICE - Bah alors ?
PIERRE -...Mais je n’ai pas le ...enfin, je...ne cherche pas.
BEATRICE - Prétentieux va !
PIERRE - Pas du tout ! C’est simplement que je ne suis pas en recherche d’une compagne, voilà tout.
BEATRICE - Môssieur est un solitaire !
PIERRE - ...
BEATRICE - Solitaire peut-être, mais bizarre, c’est certain.
PIERRE - Et pénétrer chez les gens en leur demandant qu’ils vous fassent l’amour, ce n’est pas bizarre peut-être ?
BEATRICE - Sauf si l’on a une bonne raison de le faire.
PIERRE - Je vous l’ai demandé.
BEATRICE - Et je n’ai pas envie de vous le dire !
PIERRE - Ecoutez madame...
BEATRICE - BEATRICE ! Pas madame !
PIERRE - Autant pour moi, Béatrice. Vous êtes une femme charmante, désirable, très désirable même, mais je suis vraiment désolé. Je ne peux donner suite à votre requête. Revenez...la semaine prochaine.
BEATRICE - Pourquoi ?
PIERRE - Je... suis...marié. Voilà ! Je suis marié ! Eh ! Eh ! Eh! Hein ? C’est ballot ça ?
BEATRICE - Et vous ne le serez plus la semaine prochaine ?
PIERRE - Quoi donc ?
BEATRICE - Marié !
PIERRE - Mais...bien sûr que si...
BEATRICE - Et vous êtes fidèle ?
PIERRE - Ohlalala ! Si vous saviez.
BEATRICE - Bah justement, je vous le demande.
PIERRE - Très, mais alors très fidèle. Plus que ne le pourrait être un chien. Pour vous dire.
Long silence
BEATRICE - Aucun homme n’est fidèle.
PIERRE - Moi si !
BEATRICE - Va falloir changer.
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - Je dis qu’il va falloir changer !
PIERRE - ...Je vous dis que je suis marié et fidèle et cela ne vous retient pas ? Vous n’avez donc aucune conscience.
Béatrice regarde d’un oeil aiguisé sur 360 degrés.
BEATRICE - Rien ne laisse à penser qu’une femme habite dans cet appartement monsieur le marié. Mais alors rien. C’est votre femme qui aime collectionner les solex miniature sans doute ?
PIERRE - ...nous sommes un couple très libre et ...
BEATRICE - Raison de plus !
PIERRE - Je voulais dire, libre, dans le sens où nous vivons... chacun dans un appartement séparé. Voilà ! Et paf !
BEATRICE - Ah oui ?
PIERRE - Oui. Nous avons trouvé un certain équilibre dans ce...
BEATRICE - ...je n’y crois pas.
Béatrice retourne au bar boire au goulot une grosse gorgée de whisky. Pierre regarde sa montre.
- j’ai dit : je n’y crois pas !
PIERRE - Bon...très bien. En fait, c’est beaucoup plus triste. Ma femme est ...morte. Voilà.
BEATRICE - C’est parfait !
PIERRE - Quoi ? !!!
BEATRICE - Je veux dire, qu’elle ne risque pas d’être jalouse. Comme elle est...
PIERRE(Offensé) - Allons !
BEATRICE - Bah quoi ? Elle ne va pas vous regarder !
PIERRE - Mais...je suis fidèle à son image.
BEATRICE - ...vous avez une photo d’elle ?
PIERRE - De qui ?
BEATRICE - Bah de la défunte, pardi ! Je ne vois aucune photo.
PIERRE - Heu... Maria a dû la ranger en faisant le ménage.
BEATRICE - Maria ?
PIERRE - La femme de ménage.
BEATRICE - Ne me prenez pas pour une buse non plus ! Il n’y a pas plus de femme dans cet appartement qu’il n’y en a dans le mien. Enfin quand j’y suis...bref...donc vous ne voulez pas me faire l’amour ?
PIERRE - En réalité, je suis pressé. Je dois aller à un rendez-vous très important. Nous pourrions remettre ça à une prochaine fois ? Non ? La semaine prochaine je serai totalement libéré...je veux dire, tranquille.
Elle lève un peu sa jupe qui laisse entrevoir une jambe gainée de soie noire. Pierre fait signe que non. Elle remonte plus haut. Pierre fait signe que non. Elle insiste une fois de plus mais il refuse encore.
BEATRICE - J’avais pourtant imaginé que...je vous plairais...on se fait des idées parfois...
Elle se met à pleurer. Pierre gêné tente maladroitement de la prendre dans ses bras.
PIERRE - ...faut pas vous mettre dans cet état madame.
BEATRICE - Béatrice...snif. Pas madame...snif...Beatrice...s’il vous plaît...
PIERRE - Autant pour moi...Béatrice...il ne faut pas vous mettre dans cet état.
BEATRICE - Et dire que je ne connaitrai plus jamais cette sensation...
PIERRE - ...Quelle sensation ?
BEATRICE - Vous le faites exprès ?
PIERRE - ...vous voulez parler de ...
BEATRICE - Oui...
PIERRE - Mais pourquoi donc ?
BEATRICE - Le temps qui m’est imparti n’est plus assez long.
PIERRE - Le temps ?
BEATRICE - Il ne m’en reste plus beaucoup...
Pierre consulte sa montre
PIERRE - Ben moi non plus !
BEATRICE - Pardon ?
PIERRE - Heu...enfin...je veux dire...C’est un pari ? C’est ça ? C’est une sorte de blague ?
BEATRICE - J’aurais préféré. Non…Malheureusement...il ne me reste que deux heures, après, tout va se compliquer.
PIERRE - Deux heures ! Moi même pas ! Pour vous dire.
Elle pleure de plus belle. Il reprend le masque de la compassion.
- ...Qu’est-ce qui va se compliquer dans deux heures ?
BEATRICE - … Je...Je suis atteinte d’un virus, violent, très violent.
Pierre se lève et fait un bon en arrière. Elle se lève et se rapproche de lui. Elle avance, il recule...
Pas contagieux pour les autres, mais tristement fatal pour celui qui l’a attrapé. Souvenir d’un voyage sous les tropiques. Un vilain moustique.
PIERRE - Êtes-vous certaine de ce que vous affirmez ?
BEATRICE - Le médecin a été formel.
PIERRE - La médecine n’est pas une science exacte. Le diagnostic est peut-être erroné ? Comment pouvez vous être si sûre du délai ? On n’est jamais certain du délai. Croyez-moi. Je sais de quoi je parle.
BEATRICE - La seule chose qui peut freiner, voir stopper sa progression, c’est que je reçoive une dose massive de plaisir. Le plaisir engendre des endorphines si puissantes qu’il y a eu des cas de guérison complète. Voilà, vous savez tout. Alors ? Vous voulez bien m’accorder ce dernier petit plaisir ?
Il regarde alternativement plusieurs fois de suite en direction de la porte communicante et sa montre
PIERRE - ...Je suis vraiment désolé. Ce n’est pas possible.
BEATRICE - Tout ce que je vous raconte ne vous fait rien ?
PIERRE - ... Je compatis, mais je ne peux rien faire.
BEATRICE - C’est votre dernier mot ?
PIERRE - ...
BEATRICE - Bon ! Refus de compliments, refus de faire l’amour en toute spontanéité à une personne en danger. On va donc passer à la phase 3.
PIERRE - La phase 3 ?
BEATRICE - Parfaitement. Il y a eu la première, polie, de bon voisinage, puis la seconde, celle qui faisait appel à votre générosité d’homme... Ni l’une ni l’autre n’ont fonctionné. Je n’ai plus le choix.
Elle fouille dans son grand sac un long moment.
- où est il nom d’une pipe !
PIERRE - Quoi donc ?
Elle peste et fouille encore un moment avant de sortir un pistolet qu’elle pointe sur PIERRE.
PIERRE - Mais qu'est-ce qui vous prend ?
BEATRICE - Faites attention je me sens envahie de tremblements. Tous ces refus successifs m’ont terriblement contrariée. Le coup peut partir à tout moment.
PIERRE - C’est...c’est un faux ?
Elle tire au plafond. Pan !
BEATRICE - Un faux qui fait des vrais trous.
PIERRE - Mais vous êtes folle !
BEATRICE - Des menaces en plus !
PIERRE - Pardon !
BEATRICE - Bon ! Assez perdu de temps. Allez ! Hop ! Sur le canapé !
PIERRE - Sur le canapé ?
BEATRICE - On passera à la moquette après.
PIERRE - ...je vous assure madame, je ne peux pas...
BEATRICE - BEATRICE ! Pas madame ! J’en ai assez des «madame» !!!
Elle rapproche le pistolet du ventre de PIERRE.
PIERRE - ...Béatrice, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée...je ne me sens pas très bien en ce moment.
BEATRICE - Qu’est-ce qu’il a ?
PIERRE - ...Je déprime.
BEATRICE - Ca vous passera !
PIERRE - J’en doute.
BEATRICE - De toute façon, doute ou pas doute, vous n’avez pas le choix. Hop ! Hop ! Hop ! Sur le canapé ! Allez ! Hop !
Elle le menace jusqu’à ce qu’il s’allonge sur le canapé. Elle remonte sa jupe qui laisse apercevoir ses bas et lui grimpe dessus tout en le menaçant de son arme. Elle le repousse.
PIERRE - ....?
BEATRICE - Vous êtes en bonne santé ?
PIERRE - ...?
BEATRICE - Pas de problème cardiaque ? Je n’aimerais pas que vous me claquiez entre les jambes.
PIERRE - Heu...Non.
BEATRICE - Vous savez faire des pompes ?
PIERRE - Des pompes ?
BEATRICE - Histoire de voir si, vous tenez le coup.
PIERRE - ...cela fait longtemps.
BEATRICE - Faites-en une dizaine, cela devrait suffire.
PIERRE - Suffire à quoi ?
BEATRICE - A prendre votre pouls. Allez !
Elle descend de sa «monture». Il se met en position. Elle le tient en joue.
- Pour la motivation...
Au bout de cinq pompes, il est épuisé.
- Vous le faites exprès ou c’est normal ?
PIERRE - Je vous ai dit que cela faisait longtemps.
BEATRICE - ... Si nous restons classiques, cela devrait aller. Nous resterons classiques n’est-ce pas ?
PIERRE - ...Oui, oui...
BEATRICE - Bien...Alors, on y va ...on se remet en position.
Il s’allonge sur le canapé, elle lui grimpe dessus. Il demeure figé, bras ballants...
- Va falloir y mettre du vôtre !
PIERRE - C’est à dire que je ne sais pas comment...enfin...je veux dire...
BEATRICE - Eh bien, embrassez-moi.
Il va pour l’embrasser. Elle le coupe.
- Attendez ! Comment vous prénommez-vous ?
PIERRE - ...PIERRE.
BEATRICE - Ce n’est pas terrible. Je vais vous en donner un autre.
PIERRE - Je n’ai aucune envie d’avoir un autre prénom.
BEATRICE -....Charles. C’est bien Charles ?
PIERRE - Je ne veux pas m’appeler CHARLES !
Elle lui pointe le pistolet entre les deux yeux.
BEATRICE - Je vous rappelle que c’est MOI qui décide aujourd’hui. J’ai dit CHARLES, donc ce sera CHARLES. C’est très beau CHARLES. Embrassez-moi, CHARLES. J’ai dit : embrassez-moi !
Il l’embrasse timidement.
Il l‘embrasse, un peu mieux...
BEATRICE - ...Ca cache forcément quelque chose. Vous êtes un pervers ? C’est ça ? Il t’en faut plusieurs en même temps ? C’est ça ?
PIERRE - Mais non !
BEATRICE - Mais si ! T’es un vrai pervers ! C’est parfait ! C’est exactement ce que je veux !
PIERRE - Mais non ! Je ne suis pas un pervers !
BEATRICE - Menteur ! Tout le prouve quand on te regarde !
PIERRE - Quoi ?
BEATRICE - Même tes yeux !
PIERRE - Mes yeux ?
BEATRICE - Oui. Ça sent la malice jusqu’au fond de tes pupilles.
PIERRE - Madame je vous assure !
BEATRICE - Ah non ! Pas de madame ! Ras le bol des madame ! Je veux du sauvage ! Du cru !
PIERRE - Du cru ?
BEATRICE - Oui ! Parfaitement, du cru !
Elle le chevauche et lui arrache la chemise.
PIERRE - Ah !!! Oh !!! Aie !
BEATRICE - T’aimes ça, hein ? Dis-le !
PIERRE - Attendez !
BEATRICE - Qu’est-ce qu’il y a ?
PIERRE - Je suis désolé. Je ne...
BEATRICE - Quoi ?
Il fait un signe de la tête en regardant en direction de son sexe.
- comprends pas !
Il fait un signe précis de la main indiquant qu’il ne peut pas. Elle ne comprend toujours pas.
PIERRE (entre ses dents) - Je ne peux pas...
BEATRICE - pardon ?
PIERRE (plus fort mais encore entre ses dents) - Je ne peux pas...
BEATRICE - Articulez que diable !
PIERRE - Je ne peux pas ! Voilà !
BEATRICE - Vous êtes sûr ?
PIERRE - Bah...plutôt oui.
BEATRICE - Vous avez des preuves ?
PIERRE - ...oui sur moi, enfin, si je puis dire. Voilà...vous savez tout...
Temps long dans lequel elle le dévisage
BEATRICE - C’est fâcheux en effet.
PIERRE - Je vous l’avais dit !
Il tente de se rhabiller. Elle l’en empêche en lui pointant le pistolet sous le nez.
BEATRICE - La bête est donc timide.
PIERRE - La bête ?
BEATRICE - Oui, la bête ! Le truc là (indiquant à l’aide de son pistolet)
PIERRE - Excusez-moi, vous pourriez ...viser ailleurs ?
BEATRICE - Pourquoi ? Puisque la bête est timide...ça ne va rien changer.
PIERRE - Oui...mais je préfèrerais quand même.
Elle se redresse et se dirige vers son sac. Pierre est en plan sur le canapé, la chemise déchirée. Elle fouille dans son grand sac; longuement...
- Vous avez perdu quelque chose ?
Elle fouille, encore et encore... et en sort une fiole.
- Ah !!! Je savais bien que j’avais prévu ce genre de désagrément.
PIERRE - Ah oui ?
BEATRICE - Oui !
Elle rit en jouant avec le canon du pistolet en direction du sexe de Pierre.
- Oui, oui, oui...qui c’est qui ne fera bientôt plus sa timide ? Hein ? C’est qui ?
Pierre croise ses mains sur son sexe.
PIERRE - Pour...pourquoi ?
BEATRICE - Parce que... j’ai un remède contre la timidité.
PIERRE - Un remède ?
Elle exhibe la fiole.
- qu’est-ce que c’est ?
BEATRICE - Une composition personnelle. Ca ferait bander un régiment entier. Les effets ne durent malheureusement pas longtemps mais alors quand ça commence c’est...badaboum ! Le feu d’artifice ! 14 juillet !
PIERRE - 14 juillet...?
BEATRICE - Oui. Buvez !
PIERRE - Non, merci !
BEATRICE - Buvez !
PIERRE - Je ne peux pas !
BEATRICE - Pourquoi, il est timide aussi votre gosier ? Allez ! Hop ! Hop ! Hop ! On ouvre la bouche et on avale !
PIERRE - Je suis très à cheval sur la qualité de ce que j’avale !
BEATRICE - T’inquiète, c’est du bio ! Avale ! Tout ! J’ai dit, tout !
Elle lui pointe le pistolet, et l’oblige à en prendre. Pierre fait la grimace, tousse, tente de cracher le liquide qu’il absorbe par petite dose.
- J’ai dit, tout !
Il vide la fiole.
BEATRICE - Allez encore...hop ! hop ! hop !
Il boit la fiole en entier sous la menace de l’arme. Il regarde son sexe à plusieurs reprises.
- Arrête de rêver ! Ca ne va pas non plus devenir le monstre du Loch Ness votre truc !
Elle sort son téléphone.
PIERRE - Qu’est-ce que vous faites ?
BEATRICE - Les preuves c’est toujours mieux que les discours. Quand la bête pointera le bout de son nez. Elle sera sur la photo. On va se faire une série de selfies ou cas où monsieur mettrait ma parole en doute.
PIERRE - Des quoi ?
BEATRICE - Des selfies. Vous et moi, sinon, il serait capable de ne pas me croire.
PIERRE - Qui ?
BEATRICE - Mon mari !
PIERRE - Vot...votre mari ?
BEATRICE - Oui. Je le préviendrai quand la bête pointera le bout de son nez. Sinon ce ne sera pas drôle.
PIERRE - Votre...mari ? Drôle ? Pas certain que cela le fasse rire !
BEATRICE - Ce n’est pas lui qui doit rire, mais moi, quand je verrai sa tête. Allez hop ! On prend la pose ! Le petit oiseau va sortir !
Il ne bouge pas.
-J'ai dit on prend la pose. Vous pouvez déjà commencer par ôter votre chemise, du moins ce qu’il en reste, et votre pantalon bien sûr.
PIERRE - Ah non !
BEATRICE - Comment non ?
PIERRE - La chemise je veux bien mais pas le pantalon...
BEATRICE - Enlevez moi tout ça, et vite !
Il déboutonne lentement sa chemise déchirée.
Il accélère
- je vais m'agripper à vos chevilles nues. Après on fera celle du lapin agile.
PIERRE - C'est quoi... le lapin agile ?
BEATRICE - Un truc avec les oreilles.
Ils prennent différentes poses plus suggestives les unes que les autres qu'elle immortalise dans son téléphone. Toute latitude doit être donnée aux comédiens pour leurs poses. Au bout de x selfies...
- Et voilà ! Encore une petite dernière et ce sera bon.
PIERRE - Attendez...Vous n’êtes donc pas malade ?
BEATRICE - Tous les moyens sont bons pour qu’il paye, le salaud !
PIERRE - ...vous n’êtes pas malade ?
Elle baisse la tête.
BEATRICE - ...non.
PIERRE - Alors pourquoi ? Par...
BEATRICE - ...par vengeance. Oui.
PIERRE - Votre mari vous trompe ?
BEATRICE - Oui. Ce n’est pas la première fois, mais cette fois-ci, je ne sais pas...sans doute l’âge de la demoiselle. Presque 25 ans d’écart, ça m’a fait un choc. Ca fait beaucoup ne trouvez-vous pas ?
PIERRE - 25 ans...Ah oui quand même ...
BEATRICE - Donc je me suis dit que cette fois-ci il aurait une bonne leçon.
PIERRE - Et ça tombe sur moi !
BEATRICE - Vous ou un autre...
PIERRE - Je sais, un étage à descendre. Merci.
BEATRICE - Il ne devrait plus y en avoir pour longtemps.
PIERRE - Ca m'arrangerait aussi...heu...de quoi parlez vous ?
BEATRICE - La timide...
Béatrice fixe en direction du sexe de Pierre qui le cache en mettant ses mains devant.
PIERRE - Que faites-vous ?
Elle écrit un «texto» sur son téléphone
BEATRICE - Prévenir ce salaud que je vais lui envoyer une belle photo dans pas longtemps.
PIERRE - Si votre mari vous trompe avec une jeune femme, c’est qu’il s’en fiche un peu de ce que vous faites. Pardonnez ma franchise mais c’est ce que je pense.
BEATRICE - Si vous saviez comme il est jaloux.
PIERRE - Même s’il vous trompe ?
BEATRICE - Cela ne change rien pour lui. Je suis sa chose.
PIERRE - Il ne manque pas d’air !
BEATRICE - Il va être fou de rage. Déjà qu’il ne pouvait pas vous sentir.
PIERRE - Comment ça, pas me sentir ?
BEATRICE - Il vous avait remarqué dans l’immeuble et m’avait fait la remarque. Faut que je me méfie de sa tête de con à celui-là. C’est toujours ce genre d’abruti qui vous pique votre femme.
PIERRE - Eh ! Oh ! Faut qu’il se calme un peu votre gars là !
BEATRICE - Se calmer, ce n’est pas son truc. Il a d’ailleurs failli plus d’une fois descendre vous parler. Enfin, ce qu’il appelait parler…si je ne l’avais retenu...vous ne seriez plus là aujourd’hui.
PIERRE - Comment plus là ?
BEATRICE - Plus là quoi ! Il est si fort... C’est pas compliqué, il mesure 1,95m pour 110 kilos...je précise, de muscles. Il tient à s'entretenir. Je reconnais qu'il porte le beau, le bougre !
PIERRE la dévisage un long moment. Elle reçoit un texto. Elle sourit.
BEATRICE - Qu’est ce que je disais ? Il monte déjà dans les tours.
il vient de m’envoyer un message dans lequel il dit qu’il se doutait que c’était vous et qu’il ne va pas faire le voyage à vide.
PIERRE - Pas le voyage à vide ? Ca veut dire...?
BEATRICE - Ca veut dire qu'une fois, fou de rage, il a brisé d’un coup de poing notre porte d’entrée blindée trois points.
PIERRE - D’un coup de poing ? Une porte blindée ?
BEATRICE - Et sans forcer. Vous allez vous rendre compte par vous-même. Il arrive dans dix minutes.
PIERRE - Dix minutes !
BEATRICE - Il a beaucoup de défauts, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas être ponctuel. Il doit avoir des origines suisses.
PIERRE - ..il faut que vous partiez !
BEATRICE - Ne soyez pas égoïste vous aussi !
PIERRE - Egoï...
BEATRICE - Oui, parfaitement ! Egoïste ! Je vous rappelle que c’est une vengeance et que j’ai besoin de vous. Il sera toujours temps de lui dire la vérité.
PIERRE - Tu parles !
Le téléphone sonne. Elle décroche.
BEATRICE - Allô ? Je suis occupée là...
PIERRE - Occupée ?
Elle met sur haut parleur et geint comme si elle faisait l’amour
PIERRE - Qu’est-ce que vous faites ?
Elle geint encore plus fort.
BEATRICE - OUI !!!! OUI !!!! OHH C’EST BONNNN !!! Cochon va !!! MON PUR SANG !!!!! GGGGRRRRR !!!! C’EST BONNNNN !!!
PIERRE - Mais non ! Mais non ! C’est pas bon du tout ! Ne l’écoutez pas monsieur !
Elle cache le combiné quand Pierre prend la parole
BEATRICE - Comment, "avec qui" ? Mais tu n’as pas lu mon texto...oui...le voisin du dessous. Le charmant voisin du dessous devrais-je dire...très charmant, même...ohhh le coquin...ahhhh mmmmmm...arrêtez voyons, mon mari est au bout du fil...
PIERRE - Je ne suis pas coquin, je vous assure monsieur. Je ...j’ai les mains dans les poches, c’est pour vous dire !
BEATRICE - Les mains peut-être...mais pas le reste...
On entend à travers le combiné qu’il hurle. Elle branche le haut parleur.
TÉLÉPHONE HP - Je vais le tuer ! Tu m’entends ? Je vais le tuer ! Je vais en faire de la bouillie ! Même sa mère ne pourra plus le reconnaître !!
Pierre a du mal à déglutir
BEATRICE - Il est fou de rage.
PIERRE - J’avais compris ! Vous êtes folle !
Elle reprend le téléphone en conversation privée
BEATRICE - Nous n’avons pas réellement commencé...juste les préliminaires...c’est ça...viens tout casser...le tuer aussi...si ça peut soulager ta conscience...salaud !
PIERRE - Mais je ne suis pas d’accord ! Je ne veux pas que votre mari me tue. Puisqu'il ne s’est rien passé ! Passez moi ce téléphone. Entre gens de bonne société, il y a toujours un moyen de s’entendre.
BEATRICE - Pas certain que ce soit une bonne idée.
Elle lui passe le téléphone
PIERRE - Bonjour monsieur. Comme vous l’avez sûrement compris, il s’agit d’un affreux malentendu. Votre épouse et moi-même n’avons rien fait. Je puis vous l’assurer...mais je...je vous assure que...oui...non...mais...
Pierre raccroche et jette le téléphone à travers la pièce comme s'il brûlait.
BEATRICE - Qu’est-ce qu’il a dit ?
PIERRE - Il veut m’étrangler de ses mains et que mon sang gicle sur les murs. Gloups !
BEATRICE - Moi je n’appelle pas ça des mains mais plutôt des battoirs. Une seule devrait suffire.
PIERRE - Puisqu'il est avec une jeune femme pourquoi insiste-t-il pour une ...
BEATRICE - Pardon ? Une ?
PIERRE - ...
BEATRICE - Pour une de mon âge ? C’est ça ?
Elle lui pointe le pistolet entre les deux yeux
PIERRE - Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire mais...il ne peut pas avoir deux femmes. Ça ne se fait pas.
BEATRICE - Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise, son côté romantique sans doute.
PIERRE - Tu parles d’un romantisme !
BEATRICE - Il est comme ça. Il passe son temps au bras de jeunes femmes plus belles les unes que les autres mais ne supporte pas l’idée que j’aie une petite aventure, même avec un homme comme vous.
PIERRE - Il a bon dos en attendant, l’homme comme moi !
Et je vous rappelle qu’il n’y a pas d’aventure entre nous. D’ailleurs, vous allez remonter chez vous et on fera comme s'il ne s’était rien passé. D’accord ? Si vous voulez, je ferai même attention à ne plus vous croiser dans l’ascenseur. Mieux ! Je déménage ! Si vous me laissez le temps, je vous promets que je vais déménager.
Après un long, long moment dans lequel elle fixe Pierre.
BEATRICE - ...Ce n’est pas possible.
PIERRE - Pourquoi donc ?
BEATRICE - Puisque vous êtes mon amant.
PIERRE - Mais je ne suis pas votre amant !
BEATRICE - Et que faisions nous ?
PIERRE - Mais rien justement, je n’y parvenais pas.
BEATRICE - D’ailleurs, c’est bizarre...vous êtes vraiment à plat mon pauvre garçon, parce qu’avec la dose que j’ai mise, vous devriez déjà avoir le bras long si je puis dire !
PIERRE - Bah oui, mais non. Donc... Ça annule tout.
BEATRICE - Nous, nous le savons, mais pas lui. Il m’a entendue...
PIERRE - Il vous a entendue...mais vous faisiez semblant ! Ça ne compte pas !
BEATRICE - Ça, il ne le sait pas. Je suis bonne comédienne hein ?
PIERRE - ...Ecoutez...Béatrice. Appelez votre tueur, votre mari et dites-lui que vous êtes retournée chez vous.
BEATRICE - Ne soyez pas ballot. Sinon je ne serais pas ici.
PIERRE - Oui, je sais, la vengeance, blablabla. Mais bon ! La fête est finie, chacun retourne chez soi et bonjour monsieur dame !
BEATRICE - De toute façon je ne peux pas.
PIERRE - Pourquoi ?
BEATRICE - ...Je n’ai pas les clefs.
PIERRE - Vous n’avez pas les clefs de chez vous ?
BEATRICE - Non. Je les ai laissées à l’intérieur et j’ai claqué la porte. J’étais dans une telle rage.
PIERRE - Et bien appelez un serrurier ! Je ne veux pas que votre mari pénètre dans cet appartement. De toute façon, je ne lui ouvrirai pas !
Elle rit
- Qu’est ce que j’ai dit de si drôle ?
BEATRICE - Il n’a pas besoin de clefs pour ouvrir une porte. Je vous ai dit qu’il a défoncé notre porte blindée d’un seul coup de poing. Nous avons dû refaire la nôtre 5 fois déjà. Vous verrez...
PIERRE - ...non ! Je ne veux rien voir du tout !
BEATRICE - Comment non ? Je le sais puisque je l’ai vu faire.
PIERRE - Mais je vous crois ! C’est d’ailleurs parce que je vous crois que je ne veux pas que votre mari «défonceur» de portes blindées vienne fracturer la mienne.
BEATRICE - C’est une porte blindée aussi ? De toute façon peu importe.
PIERRE - Peu importe...pfff !
BEATRICE - Je suis vraiment désolée. Je sens bien que je vous mets dans l’embarras.
PIERRE - Si peu...
BEATRICE - J’ai une idée !
PIERRE - Pas certain de vouloir l’entendre.
BEATRICE - Ecoutez-moi....si vous lui ouvrez quand il sonnera, il n’aura pas besoin non plus de la fracturer, votre porte. Alors ? Elle n’est pas bonne mon idée ?
PIERRE - Excellente ! Et il sera directement dans mon appartement ! J’ai une meilleure idée. Vous l’appelez et vous lui dites la vérité. C’est simple. On gagne du temps.
BEATRICE - Non !
PIERRE - Pourquoi ?
BEATRICE - ...Parce que. Je veux ma vengeance. Il doit payer.
PIERRE - Mais en l'occurrence, c’est moi qui vais payer.
BEATRICE - C’est la vie !
PIERRE - Il s’agit surtout de la mienne !
Il tente de lui fausser compagnie. Elle le menace avec le pistolet entre les cuisses.
BEATRICE - C’est quand même étonnant, avec ce que je vous ai donné, vous devriez être proche de la bête sauvage.
PIERRE - Je suis définitivement un être civilisé. Voyez, Beatrice, je ne suis pas le bon cheval, si je puis me permettre. Donc, le plus sage, si vous voulez avoir votre vengeance, c’est de trouver le bon, de cheval...D’ailleurs, à ce propos, il me semble que dans l’immeuble, il y a un autre pigeon, heu...cocker...enfin...un autre homme qui ferait l’affaire. Pour...ce dont vous avez besoin.
BEATRICE - Ah oui ?
PIERRE - Et alors avec lui, ça m’étonnerait que...vous rencontriez le même problème qu’avec moi.
BEATRICE - Pourquoi ?
PIERRE - Mais...parce que...
BEATRICE - Comment pouvez vous le savoir ? Vous avez testé ?
PIERRE - Allons ! M’enfin !
BEATRICE - Bah alors comment le savez-vous ?
PIERRE - ...Parce que...c’est...ce sont des choses que l’on sent, entre hommes.
BEATRICE - Vous sentez quoi ?
PIERRE - ...Les fenoromes
BEATRICE - Les quoi ?
PIERRE - ...Heu...les fenomromes...non ! Les feronones...non plus...les phéromones. Voilà ! Je l’ai ! Les phéromones. Il en est plein, ça déborde ! C’est...impressionnant !
BEATRICE - A ce point ?
PIERRE - Pff ! Bien plus que vous ne pouvez l’imaginer. Une véritable bête. Vous ne l’avez sûrement jamais croisé, parce que vous l’auriez senti immédiatement !
BEATRICE - Immédiatement ?
PIERRE - Immédiatement ! D’ailleurs si votre singe l’avait croisé, il lui aurait sauté dessus de suite !
BEATRICE - Mon singe ? Quel singe ?
PIERRE - ...Pardon, autant pour moi...je voulais dire, votre mari...parce que, comme nous sommes dans les métaphores animales depuis un moment...je..j’ai confondu.
Elle le dévisage un long moment, acquiesçant de la tête
BEATRICE - C’est mon mari que vous traitez de singe ?
PIERRE - Non ! Je vous ai dit que je m’étais trompé.
BEATRICE - Vaudrais mieux pas qu’il l’apprenne...
PIERRE - Il n’y a aucune raison...n’est-ce pas ?
BEATRICE - je verrais...ça dépendra.
PIERRE - De quoi ?
BEATRICE - Du monsieur gorgé de phéromones ? Il est à quel étage ?
PIERRE - ...Quel étage ?
BEATRICE - Oui. Quel étage ?
Il montre, geste de la main à l’appui, un niveau imaginaire
PIERRE - ...à peu près, à ce niveau
BEATRICE - Ça veut dire ?
PIERRE - Il est... au premier.
BEATRICE - Je croyais que c’était une vieille dame au premier ?
PIERRE - Moi aussi, je le croyais, comme vous. Mais finalement, en regardant mieux, je me suis rendu compte que... c’était un homme.
BEATRICE - Il serait nouveau alors dans la résidence.
PIERRE - Oui, tous niveaux, heu...tout nouveau. Mais bien, vraiment...bon ! Il va falloir y aller Béatrice maintenant, si vous voulez que votre mari lui casse la gueule, enfin qu’il...vous surprenne...enfin...comme vous voulez quoi...parce que moi, voyez par vous-même, je ne triche pas !
Il l’invite à regarder au niveau de son sexe.
BEATRICE - D’accord.
Elle baisse la garde et se dirige vers la porte. Au moment de l’ouvrir, Pierre l’interpelle.
PIERRE - Attendez !
BEATRICE - Qu’est ce qu’il y a ?
PIERRE - Il faut appeler votre mari. Sinon, il va venir direct ici et c’est moi qui ...enfin, vous ne pourrez pas...
BEATRICE - ...Vous avez raison.
Elle referme la porte et revient vers le salon.
PIERRE - Ce n’est pas la peine de revenir. Ça capte très bien sur le palier. Dès fois, je sors même de l’appartement pour passer mes communications, c’est pour vous dire.
BEATRICE - Je préfère être discrète.
PIERRE -...D’accord...je dis ça, c’est parce que le temps tourne et si votre mari est rapide...Autant qu’il aille défoncer la bonne porte.
Le téléphone sonne. Elle décroche et geint...
BEATRICE - Allô...c’est toi...attend...ahhh ouiiii, c’est bonnnnn ! Encccooorree !
PIERRE - Mais non ! Ce n’est pas boonnn, puisque je ne suis pas le bon ! Rappelez-vous, Béatrice !
BEATRICE - Ah oui, c’est vrai.
Elle stoppe net et change de ton.
- chéri, j’ai quelque chose à te dire. Tu vas rire...
PIERRE - N’exagérez pas non plus...
BEATRICE - ...Je ne suis plus chez le... couillon. Enfin, j’y suis encore mais je m’en vais...j’ai trouvé mieux ! Un type plein de métaphores ! Il parait qu’il en déborde ! Tu vas voir ce que tu vas voir mon salaud ! ...puisque je te dis qu’il en déborde de partout de ses métaphores !
PIERRE - Mais non ! De phéromones !
BEATRICE - De ? Il paraît même qu’il a des phéromones en plus ! Alors c’est pour te dire ! ...alors ? Tu vois que moi aussi je peux...comment ? ...tu... regrettes ? ...
PIERRE - Il serait temps...
BEATRICE - Oh ! Mon chéri...mon bébé...oh...vilain petit canard...non...d’accord...bien sûr que je ne ferai rien avec le couillon ni le phéromoné. Mais tu me promets d’être sage et de ne plus aller voir les filles...Tu dis toujours ça...la dernière fois aussi...
PIERRE - Gnagnagna...
Béatrice fait signe à Pierre de s’éloigner d’elle
BEATRICE - ...hein ? Promets ! Allez ! Dis : je le jure ma pepette d’amour que je n’irai plus jamais voir les filles, surtout les plus jeunes que toi. Enfin...aucune ! Jeune, pas jeune, personne !...allez répète...voilà...c’est bien et aussi promet que tu m'emmènes à Venise...d'accord...moi aussi...De toute façon mon amour, il n’aurait pas pu me faire de mal, il est tout mou le cocker...j’ai jamais vu ça...même avec la recette de ta grand-mère (elle rit de plus en plus) ...comment ? L’autre ? ...je t’ai menti...je sais...je suis encore chez le tout mou.
PIERRE - Bon ça va maintenant !
BEATRICE - Quand tu penses que c’est lui que j’avais choisi pour me venger...y a de quoi rire...oui...moi aussi je t’aime...à tout de suite...oui...moi aussi...oui...moi aussi...oui...moi aussi...
PIERRE - oui...moi aussi...on a compris !
Elle raccroche
BEATRICE - Bon, et bien, je vais vous laisser.
PIERRE - Enfin ! J’ai peut-être encore le temps.
Il consulte sa montre. Elle pose le pistolet sur la table.
BEATRICE - Je vous le laisse...
PIERRE - Je ne suis pas collectionneur.
BEATRICE - Je préfère que mon bébé ne tombe pas dessus. Je reviendrai le chercher plus tard. Il est encore un peu...chamboulé. C’est un sensible...c’est normal.
PIERRE - C’est ça...
Elle se dirige vers la porte
BEATRICE - Je suis désolée pour ...le désagrément.
Pierre consulte sa montre
PIERRE A lui même - ça devrait encore être jouable.
BEATRICE - Quoi donc ?
PIERRE - Eh bien...que...je...je pensais qu’entre vous et votre mari, si vous ne perdez pas de temps, vous devriez vous retrouver.
BEATRICE - Oui, vous avez raison. J’y vais alors.
PIERRE - Je vous raccompagne.
Pierre accompagne Béatrice jusqu’à la porte mais sur le chemin, il s’arrête net et s’écroule sur le sol. Elle se retourne mais ne le voit pas de suite.
BEATRICE - Bah ! Où êtes-vous ?
Il donne un coup de pied
BEATRICE - Qu’est-ce que vous faites par terre ? Qu’est-ce qu’il y a ? Vous ne vous sentez pas bien ?
Pierre ouvre de grands yeux et sort sa langue qu’il tourne dans tous les sens. Il grogne.
- Il y a un problème ?
Pierre éclate d’un rire sarcastique. Il regarde en direction de son sexe et, les yeux révulsés, remonte le regard vers Béatrice.
Elle recule, se retourne et se dirige vers la porte d’un pas vif. Il se remet sur pieds, la rattrape et l'empêche de sortir en lui barrant le chemin.
- Dites donc !
Il lui arrache son chemisier. Elle lui échappe et revient vers le salon.
Il grogne
PIERRE - Ça va très bien même ! Ahahahaha ! GRRRRR ! La bête est prête ! L’oiseau va sortir. Le monstre, devrais-je dire !
Il s’approche doucement, l’air lubrique
BEATRICE - Ne vous approchez pas ! Je vais hurler !
PIERRE - Hurle ma coquine ! Hurle ! Mais de plaisir ! OUUUUUUUUUHHHH !!!!!
BEATRICE - Hein ? Ah non !
Il est à quelques centimètres, il l’inspecte...de haut en bas, passe sa main...elle se retire et hurle :
PIERRE - Au viol ? Mais qui a préparé cette boisson pour que ce soit 14 juillet ? Hein ? Qui ?
BEATRICE - ... mais c’est différent maintenant !
PIERRE - Pourquoi ?
BEATRICE - Parce que ...vous avez entendu. Il m’aime puisqu’il revient.
PIERRE - Ça ne vous a pas servi de leçon, toutes ces années de cocufiage ?
BEATRICE - Je l’aime...
PIERRE - Je l’aimmme...pffff ! On dirait une gamine ! De toute façon c’est trop tard ! Je ne me suis jamais senti comme ça. C’est incroyable votre truc. GGGGGRRRRRR !!!! OUUUUuuuuuuhhhh !!!!
(Les yeux révulsés comme un fou ! )
BEATRICE - Je vous en prie ! Laissez-moi partir !
PIERRE - Tu peux toujours courir ma belette !
Il laisse tomber son pantalon sur ses chevilles et imite le vol du rapace
- J’ai l’impression d’être un vautour.
BEATRICE - Un vautour ?
PIERRE - Un vautour ! Avec de grosses griffes pour mieux t’attraper ! Ahahahahaha !
Il tourne autour d’elle en déployant ses bras comme le ferait un vautour
BEATRICE - Au secours ! Au secours !
Il l’imite, totalement dans un état second
PIERRE - Au secours ! Au secours ! Crie la brebis égarée...au secours ! Au secours ! Qui va se taper la brebis égarée ? Hein ? C’est le gros vautour !
Il lui saute dessus et l’immobilise mais elle s’échappe, il lui court après. Course poursuite dans l’appartement autour du mobilier. Il tombe à cause de son pantalon aux chevilles. Les fauteuils volent, etc. Gros bazar. Au troisième passages, Pierre s’empare du pistolet sur la table.
Béatrice se dirige vers la porte d’entrée. Il tire au plafond. Béatrice s’arrête net. Il lui intime l’ordre d’aller s'asseoir sur le canapé.
BEATRICE - Je vous en prie !
PIERRE - Le vautour a dit : direction le canapé ! Hop ! Hop ! On enlève le surplus !
BEATRICE - Vous n’avez pas honte ! Demander à une pauvre femme qu’elle se déshabille sous la menace d’une arme.
PIERRE - Eh ! Oh ! Y a pas une heure, qui me menaçait avec ce pistolet ?
BEATRICE - Ça, c’était avant...
PIERRE - Ben voyons ! Allez ! Hop ! Hop ! Hop ! On enlève tout ça ! Allez ! On se dépêche !
Le téléphone de Béatrice sonne. Elle décroche au vol.
BEATRICE - Chéri ! Il veut me faire du mal ! Viens vite ! Vite ! ...mais non ! Pas le phéromoné ! Le premier ! ...le couillon ! Oui ! Viens vite lui montrer qui tu es ! Il est armé !
PIERRE - Le quoi ?
Il tire au plafond
BEATRICE - C’est lui qui a tiré ! Il est fou ! Viens vite mon chéri ! ...quoi ? Comment ça tu ne peux pas prendre de risque ? ...quoi ?
PIERRE - Qu’est ce qu’il dit le monstre ? Il a peur ? Non mais alors ! C’est qui le vautour ici ? Il a les checottes votre bodybuldé de mes deux !
Il tire encore une fois au plafond
BEATRICE - quoi ?...tu m’as menti...Tu vas être papa !!!!.................ah elle t’a bien eu la secrétaire !!!...Salaud ! Salaud ! Salaud !
Elle raccroche et éclate en sanglots.
PIERRE - Qu’est-ce qu’il y a encore ?
BEATRICE - Ce salaud ne vient pas.
PIERRE - Il a compris qu’il ne valait mieux pas me chercher. C’est du bon sens. Et puis, c’est tant mieux parce que moi je commence à ...enfin...c’est badaboum ! Vous aviez raison ! C’est du tonique votre truc !
BEATRICE - Pas du tout ! pleurnichant Il...a...dit.....qu’il avait changé d’avis...parce qu’il...était vraiment amoureux...bouhouuuuuu...que l’on n'a qu’une vie....bouhouuuu...qu’il n’imagine pas vivre sans cette fille...bouhouuuuuuuuuu....qu’il...allait être papa...bouhouuuu.
PIERRE - Papa ? Ah oui ? Quand même...bon bah...on fait quoi ? Parce que moi...je n’ai pas envie d’être papa mais...tacatac !
BEATRICE - C’est monstrueux de profiter de la situation. Vous êtes tous pareil les hommes !
PIERRE - Dites donc ! Je vous rappelle que si je suis comme ça, c’est un peu à cause de vous.
BEATRICE - Peut-être, mais ce n’est plus d’actualité.
PIERRE - Bah oui, mais bon...C’est vrai que l’heure tourne...je ne peux pas rester dans cet état.
BEATRICE - Vous avez une salle de bain ?
PIERRE - Bah oui. Vous le savez très bien. Je vous rappelle que je suis le voisin propre...
BEATRICE - Prenez une douche glacée.
PIERRE - Vous croyez ?
BEATRICE - Radicale !
PIERRE - Je vais attraper un rhume avec ça !
BEATRICE - C’est la seule solution.
PIERRE - Vous ne voulez pas en profiter un peu quand même ?
BEATRICE - Non !
Elle le regarde, se met à pleurer et s’accroche au cou de Pierre.
BEATRICE - Il m’avait pourtant dit que ses histoires ne comptaient pas vraiment. Que j’étais sa petite chérie préférée. bouhouuuuuuuuu
Pierre ne sait pas comment la tenir et tente de consulter sa montre. Elle se redresse d’un coup sec
- décidément vous êtes un vrai goujat !
PIERRE - Bah pourquoi ?
BEATRICE - Vous avez une pauvre femme en pleurs dans vos bras et vous ne trouvez rien de mieux que de regarder votre montre.
PIERRE - Je...je suis désolé. De toute façon, je sens que ça part...
BEATRICE - Qu’est ce qui part ?
PIERRE - ... voilà...c’est parti. Même pas besoin de douche glacée. Hop ! Contrôle total ! Du grand art !
BEATRICE - De quoi parlez vous ?
PIERRE - ...le...14 juillet. Enfin...
BEATRICE - Le quatorze quoi ?
PIERRE - Le 14 juillet ! C'est bien comme ça que vous l'avez baptisé. Eh bien, Pfff ! Plus rien. Plus de risque de pétarade.
Elle le regarde un long moment avant d’exploser en sanglots
BEATRICE - Bouhouuuuuuuu ! Personne ne m’aime !
PIERRE - Comment ça, personne ne m’aime ?
BEATRICE - Bah oui, puisque c’est parti ! Bouhouuuuuu !
PIERRE - Mais c’est pas vrai ça ! Vous n’êtes jamais contente ! Ah je le comprends votre mari ! Quand je peux, ça ne va pas et quand je ne peux pas, ça ne va pas, non plus !
BEATRICE - Parfaitement !
PIERRE - Ça laisse peu de marge !
BEATRICE - Bouhouuuuuu !
PIERRE - Et c’est reparti !
Elle s'arrête net de pleurer.
BEATRICE - Ah bon ? Montrez-moi !
PIERRE - Comment montrez-moi ? Mais qu’est-ce que vous voulez que je vous montre ?
BEATRICE - Bah ! Puisque ça repart !
PIERRE - Mais pas du tout !
BEATRICE - Si ! Vous avez dit : Et c'est reparti.
PIERRE - J'ai dit : Et c'est reparti, pas et c'est reparti. Vous ne sentez pas la nuance ?
BEATRICE - ...Non.
PIERRE - Je ne parlais de mon ... mais de vos pleurnicheries ! A la moindre contrariété, ça recommence.
BEATRICE - Ah d'accord...Je n'ai pas le droit de souffrir peut-être !?
PIERRE - Si, mais pas chez moi ! Plus maintenant ! Je n'ai plus le temps.
BEATRICE - Bouhouuuuuu !
PIERRE - Qu’est ce que je disais...
BEATRICE - Le pire, c’est que je suis presque sûre qu’il m’a aimée.
PIERRE - Bien sûr...
BEATRICE - Autant d’années...
PIERRE - La preuve.
BEATRICE - Merci de me remonter le moral. Vous êtes vraiment ...
PIERRE - Une autre fois, avec plaisir. Mais là, je commence à être un petit peu pressé.
BEATRICE - Qu’est ce que vous avez à faire de si important à la fin ? un rendez-vous avec une femme ? Une jeunette aussi ? C'est la mode chez les bonshommes de se choisir une jeunette !
PIERRE - Non ! Il n'y a pas de jeunette comme vous dites.
BEATRICE - Bah alors ?
PIERRE - ...Ça ne vous regarde pas ! Maintenant, je vais vous demander de vous diriger vers la porte.
BEATRICE - Tous les mêmes !
PIERRE - Dites donc ! Je vous en prie !
BEATRICE - Et si je ne voulais pas partir ?
Il présente l'arme et lui indique de se diriger vers la sortie. Il l’accompagne en lui pointant le dos.Elle se cambre et minaude.
BEATRICE - Vous aimez faire mal ? C'est votre truc ?
PIERRE - Faut vous faire soigner ! Vous avez un gros problème.
Soudainement, elle se retourne et détourne le pistolet. Un coup part. Cris des deux ! Pierre a reçu une balle qui lui a éraflé le pied. Il se tord de douleurs. Le pistolet demeure au sol.
PIERRE - AAARRRRRRGGGGGHHHHHHHHH....
BEATRICE - Ça va ?
PIERRE - Ça va ? Vous me tirez une balle dans le pied et vous me demandez si ça va ? Aie ! Aie ! Aie !
BEATRICE - Je suis désolée.
PIERRE - Et moi donc !
BEATRICE - Laissez-moi regarder.
PIERRE - Non, merci. Aie !
BEATRICE - Allez !
PIERRE - Vous êtes infirmière ?
BEATRICE - Non. Mais je me suis très bien occupé de notre chienne Leika quand à la chasse, elle a reçu un coup de chevrotine. Je lui ai donné quelques petites huiles essentielles et appliqué des masques à l'argile tous les soirs, en un rien de temps, elle était sur pattes.
PIERRE - Même si j'ai une tête de coker, je vous rappelle que je ne suis pas un chien.
BEATRICE - Dans cette position, pourtant. Désolé. Il faudrait mieux bander.
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - Votre pied. Il faudrait mieux le bander. Appuyez-vous sur moi, on va aller doucement jusqu'au canapé et je vais regarder.
Il s'allonge sur le canapé. Il ôte sa chaussure. Elle regarde.
PIERRE - Aie ! Doucement !
BEATRICE - Oh ! la chochotte ! Si vous ne me laissez pas regarder, je ne pourrai rien faire.
PIERRE - Je voudrais vous y voir.
BEATRICE - ...Il vaudrait mieux désinfecter.
PIERRE - Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?
BEATRICE - ...Une éraflure. On ne sait jamais. Que vous n'attrapiez pas un streptrocrote, cope...trope...prote...heu...non ! Je n'y arrive jamais à prononcer ce bidule ! Enfin, un mauvais truc quoi ! Il faut toujours mieux désinfecter avant de bander.
PIERRE - Pardon ?
BEATRICE - Heu..alors il faut peut-être que je me soigne mais vous n'êtes pas mal dans le genre aussi. Vous avez dû vous fouler la cheville en sursautant de peur. Donc, je désinfecte et après je vous bande. Compris ?
PIERRE - D'accord. Mais faite vite.... Mais doucement.
BEATRICE - ...
PIERRE - Je veux dire, ne perdez pas de temps pour intervenir sur ma blessure mais faites-le doucement. Vous comprenez ?
BEATRICE - ...oui. oui. Vous avez de l'alcool ?
PIERRE - Heu...oui...il doit y en avoir dans la...aie ! Si ça se trouve c'est une éraflure profonde.
Pierre occupé à regarder sa "blessure" ne remarque pas qu'elle se dirige vers la chambre. Quand il lève la tête...
PIERRE - Non ! Pas par là ! Puisqu'on a la même !
Elle est dans la chambre. Long silence dans lequel on sent Pierre se décomposer.
- Mais c'est pas vrai ! Eh ! Oh ! La salle de bain est de l'autre côté.
Il veut se lever mais ne parvient pas à poser le pied et retombe dans le canapé. Béatrice ne sort toujours pas de la chambre. Elle sort enfin, passe devant Pierre sans dire un mot ; se baisse pour ramasser le pistolet et se dirige vers la salle de bain.
PIERRE - Vous savez bien que la salle de bain se trouve de ce côté puisque nous avons la même.
Elle sort de la chambre. Elle sort de la chambre. Béatrice se retourne, lui intime l'ordre de se taire en posant son index sur ses lèvres avant de disparaître dans la salle de bain.
Elle réapparait munie d'une bouteille de désinfectant et d'une bande. Pierre lui sourit aimablement. Elle commence à désinfecter la plaie en l'aspergeant très généreusement d'alcool à 90 degrés.
PIERRE - Aiiiiiiiiiiieeeeee !
BEATRICE - Eh !
Elle poursuit en appuyant plus fort
PIERRE - AIE ! Vous me faites mal ! Ca pique !!!!!
Elle appuie encore plus fort
- Mais ça va pas chez vous ! Arrêtez d'appuyer ! Aie ! Je vous demande de vous arrêter.
BEATRICE - C'est votre chambre ?
Il se sent mal et tourne de l'œil. Elle lui administre une bonne gifle. Il refait surface.
PIERRE - Ça va pas de taper les gens comme ça !
BEATRICE - Je vous ai posé une question.
Se tenant la joue
PIERRE - ...Oui.
BEATRICE - La décoration ne fait pas très masculine.
PIERRE - On peut être un garçon et avoir des goûts raffinés. Aie !
BEATRICE - A ce niveau, ce n’est plus du raffinement. On change de catégorie. La chambre rose bonbon, le peignoir à fleurs, les mules...Je comprends mieux maintenant pourquoi vous ne vouliez pas que nous...
PIERRE - ...Eh bah oui ! Voilà ! Je l’avoue. Je suis attiré par tout ce qui est ...raffiné. Maintenant que vous savez, vous comprenez que ce serait mieux que vous rentriez chez vous.
BEATRICE - Que je sais quoi ?
PIERRE - Bah...pour le raffinement. Tout ça quoi !
BEATRICE - Au point où j'en suis. ca me fera une expérience.
PIERRE - Ah oui, mais non ! Il y a des expériences qui ne sont pas bonnes à réaliser.
Elle se dirige de nouveau vers la chambre.
PIERRE - Où allez-vous ?
Elle demeure sur le pas de la porte et passe la tête.
BEATRICE - Ca fait un peu vieillot quand même comme décoration.
PIERRE - Question de goût...
BEATRICE - Tant pis, ce sera parfait pour un petit somme.
PIERRE - Qu'est ce que vous faite ?
Elle pénètre de nouveau dans la chambre.
BEATRICE - Envie de m'allongée. Toutes ces émotions m'ont épuisées.
PIERRE - Mais allez vous allonger chez vous !
Il se décompose
BEATRICE OFF - Je vous rappelle que je n'ai pas les clefs. C'est vieillot mais il a l'air drôlement confortable votre lit. AIE ! Je retire ce que je viens de dire. Pas tant que ça. Va falloir changer votre sommier...Arrgggh Qu'est ce que c'est que ça ?
BEATRICE - Raffiné...espère de pervers !
PIERRE - Pervers ?
Long moment dans lequel Béatrice dévisage Pierre qui baisse la tête.
BEATRICE - C'est qui ?
PIERRE - C'est qui, qui ?
Elle menace de verser le contenu de l'alcool sur la plaie.
BEATRICE - Attention...J'attends.
PIERRE - ...
BEATRICE - Que fait cette femme ligotée comme un saucisson sous votre lit ? Ce n'est pas parce que vous êtes raffiné qu'il faut vous en prendre à cette femme.
PIERRE - ...
Elle verse de l'alcool à 90
PIERRE - Aie ! aie !
BEATRICE - Alors ?
PIERRE - Saucissonnée...vous exagérez.
BEATRICE - Elle ne peut même pas se gratter le nez. Et pourquoi est-elle bâillonnée ?
PIERRE - Ça...j’ai une explication.
Long silence. Béatrice bras croisés.
BEATRICE - J’ai l’impression d’avoir compris. Je suis peut-être un peu lente parfois, mais pas complètement arrêtée. A propos d’arrêter...
Elle sort son téléphone.
- C’est bien le 17 pour la police ?
PIERRE - La police ? Pourquoi la police ?
BEATRICE - Parce que tout ça est louche. Vous n’avez pas honte ? Faire des cochonneries avec une femme de cet âge ! Ah je comprends mieux pourquoi vous avez mis du temps avant de réagir ! Il vous en faut des trucs et des machins pour déclencher la bête !
PIERRE - Attendez ! Ce n’est pas ce que vous croyez !
BEATRICE - Je vois une vieille femme saucissonnée et bâillonnée. Cela me semble suffisant. Malade !
PIERRE - Quoi ?
BEATRICE - Dégénéré !
PIERRE - Dégé...
BEATRICE - Vous allez me dire qu’elle est consentante peut-être ? Pauvre vieille. Elle pourrait être votre grand-mère. Espèce de...de...de... gérontophile !
PIERRE - Géronto...
BEATRICE - Parfaitement !
Elle compose le 17
PIERRE - Je vais tout vous dire.
BEATRICE - Vous le direz à la police.
PIERRE - Mais non ! Je vous en prie. Ce n’est pas ce que vous croyez. Laissez-moi vous l’expliquer.
BEATRICE - Pas besoin !
PIERRE - S'il vous plaît. Je vous le demande à genoux.
Il se met à genoux. Elle le tient en joue
PIERRE - Béatrice...
BEATRICE - ...mouais. Je vous écoute.
PIERRE - C’est...à cause des voisins.
BEATRICE - Des voisins ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - Vous voulez me la mettre à l’envers. Qu’est ce que viennent faire les voisins avec le fait qu’une vieille femme soit ligotée dans cette chambre ?
PIERRE - Je vous assure que c’est vrai. Laissez moi vous expliquer.
BEATRICE - Il n’y a rien à expliquer. Enfin, pas à moi... Beurk ! Beurk ! Beurk ! Beurk ! Et Re Beurk ! Et moi qui voulait que vous me fassiez l'amour. C'est...immonde ! Bon alors ? Elle répond la police ?
PIERRE - Ne les dérangez pas pour ça. Ils doivent avoir bien mieux à faire.
BEATRICE - Ah oui ? Mieux à faire que venir empêcher un gros pervers de nuire.
PIERRE - Je vous en prie !
BEATRICE - Chut ! Allô ? Commissariat du 9e ...bonjour monsieur, je vous appelle pour...
Pierre est pétrifié. Elle écoute longuement puis raccroche.
BEATRICE - C’est efficace, y a pas à dire. Vous avez de la chance, je suis tombé sur le répondeur. Si vous êtes victime d’une agression, tapez 1. Si vous êtes témoin d’une agression, tapez 2...etc. Bravo la police !
PIERRE - De toute façon, ce n’était pas la peine. Je vous l’ai dit. C’est à cause des voisins.
BEATRICE - Je ne vois pas le rapport avec les voisins.
PIERRE - Vous voulez vraiment le savoir ?
BEATRICE - C’est conseillé...
PIERRE - La dame qui est dans la chambre, c’est...
BEATRICE - C'est ?
PIERRE - C'est...
Son téléphone sonne
BEATRICE - Tiens ! Je retire ce que j’ai dit tout à l’heure. Il y a quand même encore de la conscience professionnelle dans ce pays.
PIERRE - Qui est-ce ?
BEATRICE - Je mets sur haut parleur.
TÉLÉPHONE VOIX OFF - Bonjour. C’est la police municipale. Votre numéro a été enregistré par nos services. Que puis-je pour vous ?
BEATRICE - Bonjour monsieur l’agent. Voilà. Il s’agit d’un...saucissonnage...
PIERRE - Mais non !
POLICE OFF - Saucissonnage ? Qu'entendez-vous par là, madame ?
BEATRICE - Enfin, voyez...le genre pratique bizarre. On s’attache et puis...crac boum hue !
POLICE OFF - Crac boum hue ? Pouvez-vous donner plus de détails je vous prie ?
BEATRICE - Des détails ?
POLICE OFF - Oui. C’est mieux pour imaginer heu...je veux dire, se rendre compte. Vous avez une très jolie voix madame...si je puis me permettre.
Elle le tient toujours en respect.
PIERRE - Et c'est moi le pervers...
BEATRICE - Bah...je ne sais pas trop comment ça se passe moi...j’imagine qu’il l'attache et que...d'ailleurs, elle est attachée.
POLICE OFF - Ah oui...attachée...Mmmmm, intéressant...
BEATRICE - Pardon ?
PIERRE - Y a de quoi rire.
POLICE OFF - ...heu je veux dire, ce n'est pas tous les jours que l'on nous appelle pour ce genre d'intervention. Nous allons intervenir dans le plus bref délai pour prendre des photos.
PIERRE - Prendre des photos...
BEATRICE - Taisez-vous !
POLICE OFF - Pardon ?
BEATRICE - Non. Pas vous ! L'autre, le dégénéré.
POLICE OFF - Le dégénéré ?
BEATRICE - Oui ! Celui qui a attaché la vieille.
POLICE OFF - Donc, ce n'est pas vous qui êtes saucissonnée ?
BEATRICE - Non ! Ce n’est pas moi ! Comment voulez-vous que je vous appelle ? Avec mon nez ! Il s’agit d’une vieille femme...
POLICE OFF - ...Une vieille femme...
BEATRICE - Oui...elle est...il... a raccroché ! Nan mais je rêve ! Il a raccroché le pervers ! Je vais appeler un autre commissariat.
PIERRE - Ce n'est pas la peine, il n'y a qu'un seul numéro.
BEATRICE - Tant pis. Ne faites pas un pas ou bien je vous troue la paillasse.
PIERRE - C’est ma tante !
BEATRICE - Pardon ?
PIERRE - La vieille femme dans la chambre, c’est ma tante.
BEATRICE - Et vous avez peur qu’elle attrape un rhume en la laissant respirer votre tante ? A d’autres ! Pervers ! Avec certains, ce sont les jeunes, avec d'autres, les vieilles ! Tous des pervers !
Elle recompose le numéro de la police
PIERRE - Attendez ! C'est vrai ! je vous le jure !
Elle conserve son téléphone à l’oreille
- Raccrochez...s’il vous plaît.
Elle bouche le combiné.
BEATRICE - ...C’est vraiment votre tante ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - Pourquoi est elle bâillonnée ?
PIERRE - C’est parce que...disons...qu'elle...perd un peu la tête et parfois elle se prend pour un animal, alors...elle se met à crier, à hurler même.
BEATRICE - A hurler ?
PIERRE - Comme...un animal blessé. Oui. Voilà. Un animal blessé. Comme un...(Il imite un cri de loup) voyez...
BEATRICE - Arrêtez ! Vous allez me péter un tympan !
PIERRE - Bah voilà. Alors, imaginez comme ça peut être pénible pour les voisins.
BEATRICE - Je ne l'avais jamais entendue.
PIERRE - ...justement. Parce que je la...enfin sur les conseils de son médecin, bien sûr.
Il jette vite fait un oeil sur sa montre
BEATRICE - De son médecin ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - La médecine fait des progrès. ...Et c'est aussi son médecin qui a préconisé de l'attacher ?
PIERRE - Ça, c’est contre le grattage.
BEATRICE - Pardon ?
PIERRE - Il lui arrive aussi quand elle est en crise...de se gratter ...elle se gratte, elle se gratte, jusqu’au sang. C'est horrible.
BEATRICE - ...jusqu’au sang ?
PIERRE - Jusqu’au sang ! C'est...pour la protéger d'elle-même.
Béatrice le dévisage longuement
BEATRICE - C'est dur de perdre la tête quand même.
PIERRE - L'homme n'est qu'esprit.
BEATRICE - La femme aussi.
PIERRE - Oui, bien sûr. C'est une expression.
BEATRICE - Peut-être, mais vous avez dit l'homme.
PIERRE - J'ai dit l'homme, mais cela inclut la femme.
BEATRICE - N'empêche que vous avez dit l'homme.
PIERRE - ...bon. Ok. La femme et l'homme ne sont qu'esprit. Ça vous va ?
BEATRICE - Plus équitable. La pauvre vieille...Je suis désolée.
PIERRE - Je vous en prie. Vous ne pouviez pas savoir.
Il consulte sa montre
BEATRICE - Je peux vous demander quelque chose ?
PIERRE - Rapidement alors.
BEATRICE - Pourquoi regardez-vous votre montre toutes les deux minutes ?
PIERRE -...A cause de l'infirmière qui doit lui faire des piqûres deux fois par jour à horaire fixe...très fixe même. A la minute près. Sinon, c'est la cata.
BEATRICE - A la minute près ?
PIERRE - Presqu'à la seconde. Enfin, la minute, ça va aussi.
BEATRICE - Oh ! La pauvre...Je déteste les piqûres.
PIERRE - Oui. Moi aussi, mais quand on n'a pas le choix...D'ailleurs, elle ne devrait pas tarder.
BEATRICE - Qui donc ?
PIERRE - L'infirmière. Elle doit arriver dans moins de quinze minutes et tout doit être...en place.
BEATRICE - Voila pourquoi vous regardez souvent votre montre.
PIERRE - ...voilà.
BEATRICE - Vous auriez dû me le dire plutôt. Je n'aurais pas insisté.
PIERRE - Je vous l'ai dit, mais...vous étiez lancée.
BEATRICE - J'étais dans une telle rage.
PIERRE - J'ai vu.
BEATRICE - Il l'aurait bien méritée, quand même, ma vengeance.
PIERRE - Ne vous inquiétez pas, belle comme vous êtes, vous allez retrouver vite un amoureux et vous l'aurez, votre vengeance.
BEATRICE - ....Merci. Vous êtes un vrai gentil, vous.
PIERRE - Boh...pas plus qu'un autre.
Elle se dirige vers la chambre.
- Où allez vous ?
BEATRICE - Voir si votre tante n'est pas réveillée, avec tout le raffut que nous faisons.
PIERRE - Ça ne risque pas.
BEATRICE - Pardon ?
PIERRE - Je veux dire, elle a le sommeil profond. Ne vous inquiétez pas.
BEATRICE - Quand même. Avec les coups de pistolet... Et puis, elle a peut-être soif.
PIERRE - Ne vous inquiétez pas. Je lui en ai donné hier.
BEATRICE - Hier ?
PIERRE - Hier...qu'est-ce que je raconte moi. Je voulais dire, juste avant de...attendez !
Elle disparaît dans la chambre. On entend le bruit d'une chute.
BEATRICE Off - Oh ! C'est pas vrai !
PIERRE - Qu'est ce qu'il y a encore ?
Elle ressort avec un sac de facture identique à celui de l'entrée.
BEATRICE - C'est une manie chez vous de mettre un sac en travers du chemin. Je me suis étalée sur votre tante.
PIERRE - Sur ma tante !
BEATRICE - Oui. Et je confirme. Elle a un sommeil de plomb. Je me suis étalée dessus comme une crêpe et elle n'a pas bougé d'un millimètre. A croire qu'elle est couic.
PIERRE - Couic ?
BEATRICE Geste à l'appui- Oui. Couic.
PIERRE - Nan, elle n'est pas couic !
BEATRICE - Bah j'espère bien qu'elle n'est pas couic la tantine. M'enfin, elle ne bouge pas beaucoup pour une qui n'est pas couic.
PIERRE - ...Pour tout vous dire, je lui ai donné un somnifère pour pas qu'elle se gratte en attendant l'infirmière.
Elle le dévisage un long moment
BEATRICE - Pour pas qu'elle se gratte ?
PIERRE - Oui...vous savez...à cause de...
BEATRICE - Oui, oui. Qu'elle perd la tête.
PIERRE - Voilà...
BEATRICE - Et l'infirmière arrive dans 1/4 d'heure ?
PIERRE - ...Oui.
BEATRICE - Pour lui faire sa piqûre ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - Vous me prenez pour un jambon ?
PIERRE - Un jambon ?
BEATRICE - Oui.
PIERRE - Je ne vois pas...le rapport.
BEATRICE - Qu'est-ce qu'il y a dans ce sac ?
PIERRE - ...Des affaires en lin et en coton. Je partais pour les tropiques.
BEATRICE - Les tropiques ?
PIERRE - Oui. D'ailleurs si vous pouviez me le...donner.
Il veut le récupérer, elle le lui tend mais se ravise au dernier moment. Ils ont chacun une main sur l'anse. Chacun tire doucement de son côté.
BEATRICE - J'aime aussi.
PIERRE - Quoi donc ?
BEATRICE - Les tropiques.
PIERRE - Ah oui...
BEATRICE - Je partirais bien avec vous pour me remettre de toutes ces émotions.
Chacun tire un peu plus de son côté
PIERRE - Ça aurait été avec plaisir, mais...c'est complet.
BEATRICE - Complet ?
PIERRE - Oui. L'avion, l'hôtel...c'est la période qui le veut.
BEATRICE - Vous avez dû vous y prendre très tôt pour réserver.
PIERRE - ...Oui.
BEATRICE - Vous avez raison. C'est moins cher quand on s'y prend à l'avance.
le sac toujours entre les deux
PIERRE - Exactement.
BEATRICE - Et l'infirmière ?
PIERRE - Elle a les clefs. Je l'avais prévenue que je partais en vacances.
BEATRICE - Vous avez fini de vous foutre de moi !
PIERRE - Mais je ne me fiche pas de vous.
BEATRICE - Moi je dis que ce n'est pas votre sac. Du moins ce qu'il y a dedans.
PIERRE - Puisque je vous dis que si !
BEATRICE - Il est bien léger pour partir en vacances.
PIERRE - Le lin et le coton sont des matières légères, c'est pour cela qu'on les porte sous les tropiques.
BEATRICE - ...Je ne vous crois pas. Laissez moi regarder ce qu'il y a dedans !
PIERRE - Non ! Rendez-moi mon sac !
Chacun tire vivement de son côté.
BEATRICE - Non !
Ils tirent de toutes leurs forces. Le sac craque. Des liasses de billets se répandent sur le sol. Lourd silence.
PIERRE - ...
BEATRICE - Tiens ! Tiens ! Quand je disais qu'il y avait un truc de louche.
PIERRE - Ecoutez.
BEATRICE - C'est votre argent de poche pour les cocktails du soir ou pour payer l'infirmière ?
PIERRE - Je vais vous expliquer.
BEATRICE - Pas la peine. Cette fois-ci j'ai tout compris et j'imagine que votre tante n'attend pas plus d'infirmière pour lui faire une piqûre, qu'elle ne hurle ou ne se gratte ! D'ailleurs rien ne prouve que c'est votre tante.
PIERRE - Si c'est ma tante !
BEATRICE - Pas un pas de plus !
Elle compose le 17
POLICE OFF - Commissariat du 9e bonjour !
BEATRICE - Allo ? Oui, c'est encore moi, alors vous allez rire monsieur l'agent, mais finalement...
POLICE OFF - Pourquoi devrais-je rire madame ?
BEATRICE - Je suis la personne qui vous a appelé pour un saucissonage.
PIERRE - Raccrochez !
POLICE OFF - Pardon ?
BÉATRICE - Le saucissonage de la vieille dame. C'est moi.
POLICE OFF - Vous avouez donc ?
BEATRICE - Non ! Quand je dis c'est moi, je veux dire que c'est moi qui vous ai appelé. Je suis tombé sur une lumière !
POLICE OFF - ...Non mais vous avez dû tomber sur mon collègue madame. Il s'agit donc d'un saucissonage ?
BEATRICE - Non. Plus maintenant.
POLICE OFF - Je ne comprends pas madame.
BEATRICE - Enfin, il y a bien un saucissonage, mais pas pour ce que je croyais.
Pierre fait deux tas avec les billets.
POLICE OFF - Et que croyiez vous madame ?
BEATRICE - Eh ben que...c'était pour faire des cochonneries.
POLICE OFF - Des cochonneries ...pouvez-vous donner plus de détails je vous prie ?
BEATRICE - Non, je ne peux pas donner plus de détails !! Si vous en voulez, demander à votre collègue ! Ils sont tous obsédés dans la police ou quoi !
PIERRE - Raccrochez ! ...S'il vous plaît.
POLICE OFF - De quoi s'agit-il madame ? je ne comprends pas ce que vous dites.
BÉATRICE - La vieille est saucissonnée parce qu'il s'agit d'un vol.
POLICE OFF - Une vieille...Un vol. Entendu. je note que vous êtes témoin d'un vol d'une vieille dame ?
BEATRICE - Oui.
PIERRE - Non !
POLICE OFF - Qui a dit non ?
BEATRICE - Personne !
PIERRE - Si, moi !
POLICE OFF - Qui est la personne qui a dit moi ?
BEATRICE - Le voleur !
PIERRE - Mais non !
POLICE OFF - Pouvez vous me donner son signalement ?
BEATRICE - Pas terrible. Il ressemble à un coker.
POLICE OFF - Votre voleur est un coker ?
BEATRICE - Non. Il ressemble à un coker. Vous êtes bouché ou quoi ?
POLICE OFF - Non je suis policier madame. Vous avez fait le 17.
BEATRICE - Je sais que j'ai fait le 17 ! C'était une...enfin. Bref ! Il y a devant moi un voleur et il faut que vous veniez l'arrêter.
POLICE OFF - Tout de suite ?
BEATRICE - Bah après demain ce sera trop tard.
POLICE OFF - Qu'a-t'il volé ?
BEATRICE - Un sac plein de bill...
Pierre siffle en mettant ses doigts dans sa bouche et montre les deux tas de billets qu'il a séparé.
POLICE OFF - Qui a sifflé ?
PIERRE - 50/50 !
BEATRICE - 50/50 ?
PIERRE - Oui ! Sur les deux sacs. Raccrochez !
BEATRICE - Les deux sacs ?
Il se dirige vers la porte d'entrée récupérer l'autre sac. Il revient, ouvre le second sac et en extrait des bijoux. Colliers, bagues, bracelets, etc.
POLICE OFF - Allô ! Allô ! Le voleur vous agresse-t'il madame ?
BEATRICE - Pardonnez-moi, un instant je vous prie.
Elle masque fermement le combiné
- Vous étiez en train de voler votre tante ? C'est pas joli joli.
PIERRE - Voler...c'est un bien grand mot. Si vous saviez...
BEATRICE - Le sac bourré de billets, c'est votre argent de poche peut-être ?
PIERRE - Non, mais l'argent des loyers des immeubles qu'elle possède sur la Côte d'Azur et qu'elle a dissimulé au fisc durant des années.
BEATRICE - Ah oui ? Elle est comme ça la tantine.
Il consulte sa montre et se met à pleurer
BEATRICE - Qu'est-ce qui se passe ? Ah bah, oui. Bêtise, prison. Fallait y penser avant. Avec un bon avocat, vous devriez vous en sortir.
PIERRE - Si vous saviez ce qu'elle m'a fait subir.
BEATRICE - Pardon ?
Il pleure de plus belle
PIERRE - L'horreur !
BEATRICE - Ah bon ? A ce point ?
PIERRE - Oui.... Étant orphelin très tôt, c’est elle qui m’a élevé.
BEATRICE - C’est plutôt gentil ça.
PIERRE - Oui, sauf qu’elle ne supportait pas la solitude. Alors elle m’a toujours privé de sorties pour que je reste avec elle. J'ai eu la pire des adolescence. Si vous saviez...
Il pleure à chaudes larmes. Elle le coince contre sa poitrine lâchant ainsi son téléphone. Il peut à peine respirer.
POLICE OFF - Allô ? Madame ?
BEATRICE - Mon pauvre petit chéri.
POLICE OFF - Pardon ?
BEATRICE - Un instant !
PIERRE (Etouffé)- Elle a même réussi à faire fuir Adriana...
BEATRICE - Vous dites ?
Il se défait de l'étreinte. Elle récupère son téléphone.
PIERRE (Etouffé)- Elle a même réussi à faire fuir Adriana...
BEATRICE - Adriana ?
PIERRE - Ma femme lituanienne. Une beauté... J’avais mis 5 ans à la trouver. Je peux vous dire que j’en ai feuilleté, des catalogues, avant de la trouver. J'en avais des ampoules à la fin de la journée.
BEATRICE - Des ampoules...Mon pauvre chéri.
PIERRE - Eh bien, deux jours après l'arrivée d'Adriana, elle suppliait que nous venions habiter avec elle pour l’aider au quotidien. Ce que nous avons fait. Mais elle nous a mené une vie, mais une vie...vous ne pouvez pas imaginer. Une Tatie Danielle puissance 10. Un matin j’ai trouvé un petit mot dans la cuisine sur lequel était noté qu’elle retournait dans son pays, qu’elle n’avait jamais vu une vieille femme si méchante, qu’elle n’en pouvait plus. ...c'est un monstre.
POLICE OFF - Allô !!!!
BEATRICE - Une seconde ! Et c'est donc pour vous venger que vous lui volez son argent ?
PIERRE - Elle a gâché ma vie. Le départ de ma tendre Adriana a été le coup de trop.
BEATRICE - Et pourquoi la voler ? Il suffit d'être patient et vous toucherez l'héritage. Elle n'est plus toute jeune votre tante.
PIERRE - Elle a une santé de fer et a tout mis en viager. Elle m'a dit que je ne toucherai pas un centime.
BEATRICE - Ce n'est pas gentil.
PIERRE - Non.
BEATRICE - ...Il y a combien ?
PIERRE - Environ...2 millions 453 230 € et 20 centimes ...
BEATRICE - C'est assez précis pour un environ.
PIERRE - Je suis comptable de formation.
BEATRICE - Ça fait une belle somme.
PIERRE - Divisé par deux cela fait : 1 million 226 615 € et 10 centimes chacun.
BEATRICE - Quand même...Et dans l'autre sac ? Vous avez une idée de la valeur des...bijoux ?
PIERRE - Vaguement.
BEATRICE - Et ça donne quoi vaguement en chiffre pour un comptable ?
PIERRE - ...a peu près... 1 million.
BEATRICE - J'aime beaucoup vos environs et vos à peu près.
PIERRE - Alors ? D'accord ?
BEATRICE - C'est vrai que...même si je ne suis pas une femme intéressée, j'avais un train de vie.
POLICE OFF - Allô ? Allô ? Êtes-vous en difficulté madame ? Si oui, veuillez me le confirmer.
BEATRICE - Un instant. Je lui demande.
POLICE OFF - Pardon ?
BEATRICE - 50/50, sur les deux sacs ?
PIERRE - Oui. Raccrochez et essayez-les.
BEATRICE - Elle prend une voix de répondeur automatique Veuillez ne pas quitter. La personne va vous reprendre.
POLICE OFF - Mais madame !
Il lui enfile un collier autour du cou.
PIERRE - Alors ?
BEATRICE - C'est beau.
PIERRE - Marchez un peu pour voir si vous vous sentez à l'aise.
Elle déambule devant lui. Va s'admirer dans la psyché.
BEATRICE -...c'est vrai qu'il me va bien.
PIERRE - Il met en valeur vos yeux.
BEATRICE - J'ai l'impression de ne rien porter et pour autant je n'ai pas l'impression d'être nue.
PIERRE - Un rien vous habille...
BEATRICE - Faut reconnaître que vous savez parler aux femmes.
POLICE OFF - Je termine mon service à 17h.
BEATRICE - ...Non mais vous l'entendez, lui ! Alors, en fait, c'est une erreur. Merci.
BEATRICE - Vous permettez que j'enfile une ou deux bagues ?
PIERRE - Faites !
Elle extrait deux bagues du sac qu'elle enfile à ses doigts Elle admire ses mains puis plonge de nouveau dans le sac et enfile plusieurs bagues.
BEATRICE - Elles sont magnifiques.
POLICE OFF - Allô ? Allô ?
Elle raccroche
PIERRE - Vous avez les mains qu'il faut, aussi, pour les mettre en valeur.
BEATRICE - Merci. C'est gentil.
PIERRE - Sincère.
Elle le regarde avec une certaine tendresse.
BEATRICE - Je suis vraiment désolée pour votre pied.
PIERRE - Ce n'est qu'une éraflure...
BEATRICE -... vous avez l'air si sensible. Vous êtes très touchant.
PIERRE - Comme un coker ?
BEATRICE - ...Nan.
Elle lui dépose un tendre baiser sur les lèvres et admire ses mains royalement décorées
BEATRICE - Faut reconnaître qu'elle a bon goût votre tante.
A ce propos, elle n'est pas vraiment...couic ?
PIERRE - Couic ?
Béatrice geste à l'appui, langue pendante
- Non ! Juste une bonne dose de somnifères.
BEATRICE - Des somnifères ?
PIERRE - Oui. Rien de bien méchant.
BEATRICE - Ah ba, ca va alors. Dites ?
PIERRE - Oui ?
BEATRICE - C'est vraiment votre tante ?
PIERRE - ...Vraiment, n'est pas le mot...
BEATRICE - Je me disais bien aussi. Mais alors, comment saviez-vous pour …(entre ses lèvres comme si on pouvait l’entendre) ce qu'il y a dans les sacs ?
PIERRE - Vous voulez vraiment le savoir ?
BEATRICE - Bah oui.
PIERRE - ...j'ai été le chauffeur, le cuisinier, l'homme de ménage, l'infirmier même ! Bref, ce que l'on appelle, l'homme à tout faire de cette... dame.
BEATRICE - C'était votre patronne ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - Bah...en ce cas, Ca change tout.
PIERRE - Qu'est-ce que ça change ?
BEATRICE - Bah...Ca change que c'est pas beau de voler quelqu'un qui vous donne du travail.
PIERRE Séducteur - Écoutez Beatrice...Bea...
BEATRICE - Oh! Bea, c'est mignon. On ne m'a jamais appelé Bea.
PIERRE - Bea... Alors si c'est vrai que ce n'est pas ma tante, tout le reste est vrai.
BEATRICE - Tout le reste ?
PIERRE - Oui. Tout le reste. Les immeubles, les dissimulations au fisc, les brimades, sans parler du salaire. Une harpie comme vous ne pouvez pas imaginer. Je m'étais dit qu'après tout ce temps passé à ses côtés et comme elle a déshérité tous ces neveux, j'avais le droit à une petite compensation. Nada ! Rien de rien. Tout pour les chats.
BEATRICE - Les chats ?
PIERRE - Oui. Elle s'est prise de passion pour un refuge pour chats.
BEATRICE - C'est gentil quand même. J'aime bien les chats.
PIERRE - Oui. Moi aussi j'aime les chats, m'enfin deux millions. Ca fait cher la pâtée.
BEATRICE - Oui. C'est vrai que c'est exagéré.
PIERRE - Oui...on trinque ? Pour sceller... notre association.
BEATRICE - Pas de refus. Toutes ces émotions m'ont donné soif.
PIERRE - Champagne ?
BEATRICE - Des bulles ! J'adore ! Vous en avez ?
PIERRE - Elle en mettait toujours une bouteille dans le réfrigérateur. Pour elle, bien sûr.
BEATRICE - Ne bougez pas, je vais y aller.
PIERRE - Pas du tout ! Regardez ! Je pourrais presque danser un rock.
BEATRICE - Les bulles d'abord et le rock après ?
PIERRE - Entendu.
BEATRICE - J'adore danser le rock. Surtout quand j'ai tut tut un petit coup ! Suis plus souple...
PIERRE - Moi aussi ! Je reviens...
Pierre disparait dans la cuisine. Pendant ce temps, Béatrice essaye d'autres bijoux du sac. S'admire dans la psyché.
BEATRICE - Un coup de main ?
PIERRE OFF - Du tout ! Ne bougez pas ! J'arrive !
Il réapparait avec deux flûtes pleines. Elle met de la musique. Un slow. Elle est de dos quand il réapparaît. Il dissimule discrètement un sac sous le canapé. Du moins, il croit l’avoir fait à l'insu de Béatrice qui a tout vu dans le reflet de la psyché mais qui ne le montre pas.
PIERRE - Excellente idée ! Une belle musique, un bon breuvage, une jolie femme…
Elle se retourne
BEATRICE - Comme quoi, j'ai bien fait de descendre.
PIERRE - ...Oui...A la vôtre.
BEATRICE - A nous...
PIERRE - A... nous.
Pierre invite Béatrice à trinquer, ils trinquent mais…
BÉATRICE - Vous dansez monsieur le flatteur ? A défaut de rock, je me suis dit qu’un slow serait plus de circonstance.
PIERRE - Comment pourrais-je refuser ?
Flutes en mains, ils entament le slow…Les dialogues qui suivent sont échangés durant ce dernier.
BEATRICE - Parait-il qu'une petite goutte derrière chaque lobe porte bonheur.
Elle trempe son index et récolte une goutte de champagne qu'elle appose derrière ses lobes.
- Approchez-vous. Que cela vous porte bonheur aussi.
Elle lui appose une petite goutte de champagne derrière chaque lobe.
BEATRICE - A nous.
PIERRE - A nous.
BEATRICE - De vous à moi, j'aime bien être un peu pompette. Ca denisibe...beneside...j'arrive jamais à le dire celui là non plus.
PIERRE - Desinhibe.
BEATRICE - Voilà. Pierre ?
PIERRE - Oui ?
Pierre insiste pour que Béatrice boive. Elle porte la flute à ses lèvres mais se ravise au dernier moment. Ce manège à plusieurs reprises…il insiste pour qu’elle boive, elle porte la flute à ses lèvres et au dernier moment, repart sur une réplique.
BEATRICE - Qu'allez-vous faire avec tout cet argent ?
PIERRE - M'offrir un vieux rêve.
BEATRICE - Je peux savoir ?
PIERRE - Un hôtel dans les caraïbes.
BEATRICE - Les caraïbes...aguichante ...Il y a de la place dans vos bagages cher monsieur ?
PIERRE - Peut être, faut voir. Si vous n'avez rien contre les cockers.
BEATRICE - J'adore les animaux de compagnie...
PIERRE - Quelle belle âme vous avez. Allez ! A la votre jolie dame.
Il l’invite à boire, elle stoppe juste avant.
PIERRE - Et vous ? Qu'allez vous faire avec cet argent ?
BEATRICE - Une envie soudaine d'investir dans l’hôtellerie.
PIERRE - Tiens ! Tiens ! Quelle heureuse coïncidence.
BEATRICE - N’est ce pas…
PIERRE - En ce cas, j'ai réservé un taxi qui nous conduira directement à l'aéroport.
BEATRICE - Un taxi ? Directement à l'aéroport ? Mais vous aviez prévu que...? Ah bah oui ! Vous aviez prévu pour vous, petit malin.
PIERRE - Béatrice, voyons. Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
BEATRICE - Je ne sais pas. Vous savez, chat échaudé…
PIERRE - Et bien sachez Béatrice que ce taxi est réservé pour deux personnes.
BEATRICE - Deux ?
PIERRE - Disons que …même si au début je vous ai paru un brin méfiant, j’ai senti que quelque chose se passerait entre nous. Je ne savais pas très bien quoi, quand, ni comment, mais...je le sentais. Quant au billet d’avion, il est réservé également.
Pierre insiste de nouveau pour que Béatrice boive. Elle porte encore une fois la flute à ses lèvres sous le regard ravi de Pierre, mais se ravise une nouvelle fois au dernier moment.
BEATRICE - Ah oui ? Un billet aussi ?
PIERRE - Oui.
BEATRICE - Pourtant, vous n'aviez pas l'air ...très enthousiaste.
PIERRE - Vous comprenez pourquoi ?
BEATRICE - Pourquoi ?
PIERRE - Bah...les sacs.
BEATRICE - ...Bien sûr ! Les sacs. Où j'ai la tête moi ?
PIERRE - Mais…finalement, la vie a joué son rôle.
BEATRICE - Vous me troublez.
PIERRE - Les lagons des Caraïbes vous ensorcellent déjà.
BEATRICE - Ca doit être ça. J’avoue que je suis un brin excitée. L’avion décolle quand ?
PIERRE - Vous avez largement le temps d’apprécier ces petites bulles. Enfin, NOUS avons largement le temps.
BEATRICE - Oui. Nous…
Ils trinquent.
PIERRE/BEATRICE A notre nouvelle vie !
Pierre insiste une nouvelle fois, elle approche le verre à ses lèvres quand elle écrase le pied de Pierre qui hurle de douleur et qui dans l’action, renverse sa flute.
PIERRE - Aiiiieee !
Pierre va s’assoir en claudiquant sur le canapé.
BEATRICE - Oh ! Quelle maladroite je fais. Pardonnez-moi. Avec cette habitude que j’ai de porter des talons aiguilles. Si j’avais su que j’irais aux Caraïbes, j’aurais porté des espadrilles. Vous souffrez ? Déjà que vous aviez mal.
PIERRE - Je dois avouer que le talon aiguille porte bien son nom.
BEATRICE - Je suis vraiment désolée, mais je ne pouvais pas savoir que vous aviez ce projet pour…NOUS.
PIERRE - Oui…vous ne pouviez pas le savoir. Moi non plus…
BEATRICE - Comme vous dite. La vie a joué son rôle. Merci la vie.
PIERRE - …Oui. Merci…la vie.
BEATRICE - Ce serait peut-être plus raisonnable d’aller passer une radio.
PIERRE - Non. Ca va aller…ca va aller. Mais vous n’avez pas bu votre coupe ? Buvez la, ça ne changera rien.
BEATRICE - Vous les méritez plus que moi ces petites bulles Pierre. Buvez mon verre. Pour me faire pardonner.
PIERRE - Je vous en prie. Je devrais m’en remettre.
BEATRICE - J’insiste.
Beatrice porte « son verre » aux lèvres de Pierre qui tourne la tête. Petit manège inverser. Elle lui tend le verre, il tourne la tête comme le ferait un enfant devant une soupe…
- Sachez que le champagne a pleins de vertus dont celle d’anesthésier la douleur.
PIERRE - Ah oui ?
BEATRICE - Oui…Allez, on boit ces petites bulles.
Tandis que la lumière descend progressivement jusqu'au noir, Il boit du bout des lèvres.
Ellipse
Lumière. On retrouve Pierre mains et pieds liés, bâillonnée qui ronfle lourdement sur le canapé. Béatrice est sur le pas de la porte, une valise dans chaque main, prêt à sortir, mais elle ne peut s'empêcher de porter longuement son regard vers Pierre. Elle fait alors demi tour et revient vers lui ; dépose les deux valises et s'assoit sur le canapé. Elle ôte délicatement le scotch qui le bâillonnait et le délivré de la corde. Oui, lui tapote gentiment les joues. Il se réveille. Elle lui montre les deux valises accompagné d’un large sourire et deux flutes sont posées sur la table basse.
BEATRICE - Nous n’avons pas eu le temps de trinquer…
Elle tend une flute à Pierre qui hésite un court instant. Béatrice trempe ses lèvres dans le verre de Pierre avant de lui donner. Ils boivent cul sec…
NOIR