La Bonne Trinquette

L’action se passe dans un café lorrain. C’est des gens d’un certain age qui racontent leurs aventures de gosses. Tour à tour, chacun se trouve raillé par les autres, mais tout s’arrange par la suite. Il y a dans cette pièce une petite intrigue amoureuse et un secret qui ne se révèle qu’à la fin de la pièce.

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A la Bonne Trinquette

Pièce lorraine, humoristique.

Environ 1h15.

C’est un petit bistrot meusien qui évoque une atmosphère chaleureuse et conviviale.

Le rideau se lève sur Marie qui s’affaire à balayer la salle, et le téléphone sonne.

Marie : (chuchotant) Allô ? Marcel ! C’est toi ?

Marcel : (voix à travers le téléphone) Marie ! Que du bonheur de t’entendre ! Je vais pas te mentir, je kiffe trop ta voix.

Marie : (regardant autour d'elle, inquiète) Je t’avais dit de ne jamais m’appeler à l’heure là, alors magne-toi ! Le Gaston peut se pointer à tout moment.

Marcel : (rire léger) Toujours à l’affût, toi? Mais c’est plus fort que moi. Je peux pas m'empêcher de penser à toi. T’es trop canon, quand je t’imagine derrière ton zinc.

Marie : (gênée) Arrête, c’est pas raisonnable. Ça ne va pas le faire là. Je dois me grouiller de terminer le ménage, les clients vont débarquer.

Marcel : (soupir) Je sais, je sais. Mais j'aimerais grave, qu'on puisse passer plus de temps ensemble. Rien que nous deux, loin de tout ce bazar.

Marie : (regardant la porte) Chut ! Je t’en prie, dis pas ça. Tu rêves mon pauvre Marcel !Si, jamais, le Gaston sait ça, ça va être la fin des haricots !

Marcel : (plus sérieux) Je ne veux pas que t’ai d’histoire, moi, Marie. Tu sais bien que j’ferais tout pour toi. J’aimerais pas que tu sois triste.

Marie : (soupirant) T’es gentil, mais c'est galère. Le Gaston, c’est mon homme, et je l’aime bien moi, même si notre couple c’est pas çà qu’est çà.

Marcel : (avec tendresse) Je sais, je sais. Mais je t'attends avec impatience, moi. C’est quand qu’on peut se voir ?

Marie : (regardant l'horloge) Je sais pas trop, mais je peux passer en coup de vent, tout à l’heure.

Marcel : (tout émoustillé) C’est top! Viens vers 10h30, la Julie sera à la poste. On fermera boutique 1/2 heure. Je t’adore, toi !

Marie : (de la douceur dans la voix) Juste te faire un petit coucou vite fait. Si ça te dit, je passerai ce soir, après la fermeture. Mais il faut la jouer discret, hein ! Pas de connerie.

Marcel: (étonné) Oh, que oui ! Que je veux !

Marie:( enthousiaste) Tu sais bien que, comme tous les jeudis soir, le Gaston tape la belote avec sa bande d’imbibés.

Marcel : (reconnaissant) D'accord, je suis impatient, je vais compter les heures, les minutes, et même les secondes. Je vas te préparer un truc spécial, juste pour toi, le morceau du chef.

Marie : (sourire timide) Tu es incorrigible, Marcel. Mais je t'aime bien. Moi aussi, j’aurai, peut-être, une p’tite surprise pour toi.

Marcel:( poète) Oh ! Ma Marie ! Quelle grâce extraordinaire tu as, ma belle. Même dans tes gestes les plus ordinaires.


Marie : (Surprise) T’as piqué ça dans quel bouquin, toi ?(paniquée, chuchotant) Oh non ! il est là, devant la vitrine! Je dois te laisser, mon Marcel. A tout à l’heure.

Marcel : (voix douce) D'accord, mais fais gaffe. Je t'attends.

Marie : (raccrochant rapidement) Oui ! Ben c’est pas gagné !Tout plein de bisous. A plus.

Le carillon de l’entrée sonne, la porte du bistrot s'ouvre et Gaston entre, un sourire sur le visage.

Elle pose son téléphone juste à temps pour accueillir Gaston.

Gaston : (Arrive, un sachet de croissants à la main) Ah, Marie! Te voilà ! Tu es en avance aujourd'hui, ou c'est moi qui suis à la ramasse ?

Marie ne répond pas.

Gaston : ( avec un grand sourire) Salut, ma puce ! Mate ça, ce matin, j'ai apporté des croissants tout chauds pour le p’tit-déj !

Marie : (souriante) Oh, merci, Gaston ! Tu sais toujours comment me faire plaisir.

Gaston : Et, au beurre, bien sûr ! Tu sais, la serveuse était tellement appétissante, une vraie bombasse celle-là, que j'ai failli lui demander sa recette spéciale.

Marie :(agacée) Ah oui !Avec ses belles miches odorantes ! Et qu'est-ce qu'elle t'a dit ? "Tu les veux au beurre avec une pincée de charme" ?

Gaston : (imbu de sa personne) Exactement ! Mais, je me suis dit que je préférais les croissants chauds à la serveuse, au moins, eux, ils ne vont pas me charrier !

Marie:( à Gaston) Un jour, ton cœur d’artichaut te perdra, mon pauvre Gaston.

Gaston : (toujours flatté) Oui. Je dois avouer que j'ai hésité un instant, entre un croissant ou un rencard.

Marie : (moqueuse) Ha!Ha! C'est vrai ! Et puis, tu peux le croquer sans qu'il te rembarre, lui, au moins . Surtout, avec ta brioche. Et, à nos âges, on vit plus de souvenirs que de projets.

Gaston : (blessé) Ben quoi ! C’est la vie. On a tous pris un coup de vieux. On ne peut pas être et avoir été, et pis, ça arrive à tout le monde, les pannes d’oreiller.

Marie :(ironique) Panne d’oreiller ! Panne d’oreiller ! Mise en fourrière, pour une durée indéterminée, oui.

Gaston :(calmant le jeu) Bon ! On va pas en faire tout un fromage, passons ! Prête pour de nouvelles aventures ?

Gaston : (s'installant au bar) Qu'est-ce qui te turlupine, ma belle, avant que j’arrive, tu m’avais l'air bien préoccupée.

Marie : (sourire forcé) Oh, rien de spécial. Juste… le ménage, tu sais.

Gaston : (soupçonneux) Hum, d'accord. Mais je suis là maintenant, et je compte bien profiter de ma journée au bistrot !

Le carillon de la porte sonne.

Jean : (le pilier de bistrot arrive) Bonjour la compagnie !

Marie et Gaston : (de concert) Bonjour Jean !

Marie:( riante) Toujours prems, le gars.

Gaston : Comme d’hab, Jean. Toujours fidèle au poste . Un double ?

Jean : Oh ! Que oui. Tu sais bien que je ne roule que sur deux pattes, moi !

Marie:(amusée) Oui, une deux chevaux citron de compète, avec les bandes Gordini.

Jean:(imperturbable) Dis donc, ça caille ce matin !

Gaston : Bah!Normale, non ? T’es con toi ! On est fin novembre, c’est normale que ça meule... Dis-donc, toi, hier, avec la murge que tu tenais, tu est reparti comment, à quatre pattes?

Jean : (très gêné) Ben j’sais pas trop, m’en souviens pus. Je me suis réveillé, ce matin, frais comme un gardon. En arrivant à la cuisine, avant même que je m’essaie à un bonjour, à froid...Paf, Je m’en suis pris, une bonne de sawé, dans la gueule, je te dis-pas! La Lucienne était furax, à tel point que j’ai cru qu’elles étaient deux. Pas pu en placer une. Deux contre un, c’est pas juste, non ? Je me suis barré vite fait...Mais, j’ai pigé, en filant et en voyant la brouette, et la serpillière dans le couloir.

Gaston:(à Jean) Je vois d’ici le tableau. Elle est venue te charger, devant, sur le trottoir.Et en plus, t’as dégobillé partout, je parie ?Beurk !

Marie : (virulente) Pauvre Lucienne ! T’as du bol, toi, de ne pas avoir à faire à moi. Je t’aurais soigné au balai et au rouleau à tarte, moi. Ils auraient volé en boomerang autour de ta tronche.

Jean : (penaud) Et, tu cognerais un homme à terre, toi ? Et sans défense ? Et à deux en plus ?

Marie:(agressive) Sans défense, je t’en foutrais, moi, de l’homme sans défense !

Gaston :(calme) Allons, allons les amis. Doucement les basses. Finalement, la vie est chouette, non ?

Marie:(rongeant son frein) Enfin bref !Je t’aurais dérouillé, moi. (temps de pause) Pauvre Lucienne, avec un tel zèbre.

Gaston : (compatissant) Tu vois, tu n’as pas voulu que je te raccompagne. J’espère que ça va te servir de leçon ! Et que tu vas moins picoler.

Jean : (vexé) Ben !Arrête tes conneries ! C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Je bois beaucoup moins que toi, moi !

Gaston : (moqueur) Que tu dis. J’ai pas besoin que la Marie me benne dans la brouette, moi, pour rentrer chez moi.

Marie : (moqueuse) Ah oui ! Gaston, encore heureux que t’as pas à traverser la rue pour rentrer chez nous. Et, dis-moi, combien de fois, le soir, tu sonnes pour que je descende t’ouvrir, parce que tu ne trouves pas le trou de la serrure.

Gaston :(réactif) C’est tout de même pas de ma faute, il fait sombre et la clé est bien plus grosse que le trou de la serrure.

Marie:(toujours moqueuse) Et jeudi soir, à minuit, quand la patrouille t’a ramené parce que tu réveillais tout le quartier, en chantant « Rikita » , hein !

Gaston : Heu...(il veut répondre), mais le carillon sonne.

Le carillon de la porte sonne.


Le livreur entre dans le bistrot, un paquet sous le bras. Il s'approche de Gaston, qui est au bar, et lui demande une bière.

Livreur : Bonjour. Une bière, s'il te plaît, Gaston. Tiens, signe là. C’est pour la Marie.

Il s’installe à une table et s’amuse de tout ce qui se dit.

Jean intrigué, s’approche du paquet, en titubant, le regard inquisiteur.

Gaston, étonné, jette un coup d'œil au paquet, puis se tourne vers Marie, qui est derrière le bar aussi.

Gaston : Hé, Marie, un paquet, c’est nouveau ça ! T’as commandé un truc aux 3 suisses ? Qu'est-ce que tu as là ? Ça a l'air bien mystérieux !

Marie sourit, un brin de malice dans les yeux.

Marie : Oh, ça ? C'est juste un petit quelque chose. Un secret, en fait.

Gaston : Un secret ? Allez, dis-moi au moins si c'est un cadeau, pour moi ? ! Je suis sûr que ça doit être quelque chose de géniale.

Jean : En voilà des cachotteries ! Encore quelques objets de fantasmes… C’est quoi ! dis-nous ? Des dessous affriolants ? Noirs ou rouges ? ( en se tournant vers Gaston) Il y a des mecs qu’ont vraiment de la veine.

Marie : (choquée) Oh ! Comme t’y vas, toi!

Gaston:( à Marie)Dis-nous va ! Tu vois bien qu’on s’impatiente.


Marie hausse les épaules, feignant l'indifférence, mais son sourire trahit son excitation.

Marie : Je m’en contrefous ! Je ne vous dirai pas ce que c'est. C'est un secret, point barre !

Gaston, de plus en plus curieux, insiste.

Gaston : Allez, Marie, crache le morceau ! Tiens, dis-moi dans l’oreille. Tu sais que je suis le roi des secrets. Je ne dirai rien à personne. Qui sait, ça pourrait même m'inspirer pour une de mes prochaines blagues!

Jean : (insistant lourdement) Oui, Marie. Tu peux nous affranchir, on restera botus et mouches cousues, nous, hein, Gaston ?

Marie rit doucement, mais reste mystérieuse.

Marie : (excédée, à Gaston) Je te jure que tu seras le premier à le savoir quand, je l'offrirai. A ce t’-heure, occupez -vous de vos oignons et foutez-moi la paix( elle prend le paquet et le cache sous le comptoir).

Marie : De toute façon, c’est pas pour toi, Gaston, c’est pour le Marcel.

Gaston, surpris, écarquille les yeux.

Gaston : Le Marcel le Boucher, mais pourquoi donc? Ah, mais j’hallucine! C’est du n’importe quoi. Un cadeau pour lui, en quel honneur ? Ça doit être un truc de ouf, pour que tu gardes ça secret.

Marie acquiesce, un sourire complice sur le visage.

Marie : ( coincée) Oui, Euh...C'est un petit geste de reconnaissance de notre part, pour le remercier de l’aide qu’il nous file. Mais chut, c'est entre nous !

Gaston et Jean lèvent leur bière en riant.

Gaston : D'accord, d'accord ! Je ne dirai rien. Mais j’ai hâte de voir la tronche du Marcel, quand il découvrira cette surprise.

Jean : (qui se doute de la liaison de Marie et de Marcel, se tournant vers le public) Oui, et bien... Je me demande, moi, qui sera le dindon de la farce, sur ce coup-là, pas vous ?

La scène se termine avec Gaston et Jean toujours curieux, et Marie, pleine de mystère, attendant le moment de révéler le contenu du paquet à son amant.

Le livreur :( en se levant pour partir) Salut, messieurs, madame. Merci pour cet intermède croustillant. Mais je bosse, moi !

Gaston, Marie et Jean, le regardent partir médusés.

Le carillon sonne.

Fanny:(à Gaston et à Jean) Hello, vous deux !

Gaston:(à Fanny) Salut, la belle !

Jean : (à Fanny en levant son verre) Salut la piote. Santé! (Il boit) Hum...La Sainte- vierge qui te dégouline dans le gorgeon, en culotte de velours.

Fanny hausse les épaules en signe moquerie.


Gaston : (en essuyant un verre derrière son zinc) Ah, ma Fanny !T’es en avance aujourd'hui, ou c’est moi qui suis à la bourre ?


Fanny : (Arrivant de dehors, enlevant son manteau et en riant) Non, il est dix heures. Je crois que c'est toi qui comme toujours, es à la traîne, Gaston ! Mais je ne vais pas te le reprocher, tant que ton café est fort et bon !

Fanny va au comptoir et se sert un café.


Gaston : (avec un sourire complice) Ah ! Mon café, fait avec amour ! C'est tout le secret de ma réussite. Mais j’avoue que ta présence est le meilleur des arômes. Et t’as vu, croissants au beurre, ce matin.

Jean :( au public) Vain Dieu, Il ne perds pas de temps, le beau modèle. Il tire sur tout ce qui bouge.

Fanny : (amusée) Flatteur ! Tu sais que ça ne prend pas avec moi, hein. Pour les croissants, c’est gentil. Merci beaucoup.

Gaston : (soupirant) J’sais, j’sais... Mais un homme peut toujours rêver, non ?

Fanny : (en s'approchant du comptoir) J’en crois pas mes oreilles. Il faut garder les pieds sur terre, Gaston ! (elle change de ton) Qu’est ce qu’on mange aujourd’hui?

Gaston : (en feignant de réfléchir) Hum... Un plat spécial. Les rêves du patron, assaisonnés d'un soupçon d'espoir. Ça te dit ?

Fanny : (riant) Qui, moi ? Non, merci. Je préfère, moules frites.

Gaston : (en regardant Fanny) Un jour, je vais te faire un plat spéciale, rien que pour toi, et tu verras. Je suis un vrai chef !

Fanny : (avec un clin d'œil) J’ai hâte de voir ça. Mais tu sais l’exotique et moi!

Fanny quitte le comptoir en direction de la salle.

Jean : (toujours à l’intention du public) Et ça roucoule, et ça roucoule. Je crois qu’on va encore bien se marrer aujourd’hui. Mieux qu’au ciné et c’est gratos.


Marie,remarquant le manège de Gaston, venant du cellier, une bouteille à la main, s’installe derrière le comptoir et prépare des verres, qu’elle met sur un plateau.

Marie : (menaçante) Dis-donc, toi, beau merle! je trouve que tu passes beaucoup de temps à faire ton mielleux à la Fanny ce matin, non ?

Gaston : (un peu gêné) Qui, moi ? Mais non, je fais rien. Je l’aide juste à s’organiser, gentiment, en échangeant quelques blagues, quoi ! Pas de quoi fouetter un chat.

Marie : (avec un sourire taquin) Que des blagues, mon œil, oui ! Je connais bien mon oiseau, moi. Et, je ne te savais pas si drôle, Gaston. La Fanny est une môme sympa, et, surtout sérieuse. Alors, tu vas me faire le plaisir de lui lâcher les baskets.

Gaston : (riant) Bien sûr. C'est juste de l'affection…Heu... paternel! Je ne pense pas à mal.

Jean : ( au public) Et hop, un petit coup de violon. Pas à mal non, il ne veut lui faire que du bien à la Fanny. Quel chaud lapin, celui-là.

Marie : (s'approchant de Gaston) Je sais, je sais. Fais gaffe, d'accord ? Je ne voudrais pas que tu deviennes la risée du quartier, avec ton "flirt" de bistrot à la noix. Tu sais bien que ça jase vite dans les chaumières. (elle sourit jaune).

Gaston : (souriant) Promis, je vais faire gaffe. Je ne veux blesser, personne, moi, je suis blanc comme neige. Et pis tu sais. T’es la seule qui compte, ma poule.

Jean : ( au public) Les faux-culs ces deux-là! Un qui tire à hue et l’autre à dia...Mais chut, çà continue...

Fanny : (en revenant avec un plateau et se doutant qu’on parle d’elle) Ça roule ici ? Je ne veux pas déranger votre petite causette ?

Marie : (avec un clin d'œil) Oh ! tout va bien, Fanny. Juste un petit rappel au Gaston, le beau gosse, pour qu’il arrête de batifoler et qu’il reste à son ouvrage !

Fanny : (riant) Pas de souci, Marie. T'inquiète, moi, je suis juste là pour assurer et faire plaisir aux clients.

Marie : Oh, je le sais bien. Je ne me fais pas de bile sur ta façon de gérer les clients.

Gaston : (enjoué, ce parlant à lui-même) Oui, oui, Moi, je vais me coller au taffe. Mais je peux pas jurer que je ne ferais pas marrer la Fanny, de temps en temps. C’est mon kif!


Marie : (avec un sourire forcé) Ça me va tant que tu restes dans les limites de la décence, et que tu ne lui fais pas du plat. Allez, au boulot, toute l’équipe !

Gaston :(directif) Dis-Fanny, Regarde sur le comptoir, je t’ai fait une petite liste de courses. Va vite nous acheter tout ça, et fais mettre sur la facture.

Fanny:(se dirigeant vers le comptoir et prenant la feuille) Comme d’hab quoi. Allez, à plus.

Elle sort rapidement

Jean : ( toujours adressé au public) du Vaudeville, je vous jure, du Vaudeville ! Je vais prendre des notes et en écrire une pièce de théâtre. Et vous allez tous vous marrer. Évidemment, je changerais leurs noms, des fois qu’ils deviennent des stars.

Marie :(excitée) Oh mon Dieu! Déjà dix heures vingt, et moi qui dois passer voir, heu...Qui ai un truc urgent à faire.

Gaston:(ne se doutant de rien) Un truc urgent ? Tu aurais dû le noter sur la liste de la Fanny, Attends, je la rappelle. 

Marie : (gênée et prise à défaut) Heu ! Non, pas possible, c’est trop perso, et puis elle saura pas y faire.

Gaston :(pas convaincu) Bon, bon ! Vas-y, mais, ne chiotte pas, t’sais bien qu’à l’heure de l’apéro, c’est coup de feu ici.

Marie : (résignée) Tu parles d’un coup de feu ! Un coup de vieux, oui. Depuis qu’ils ont fini le contournement, notre patelin est devenu le trou du cul du monde. On ne se tape plus que des égarés. Sans Jean, et ta petite clique d’imbibés, le rideau serait tombé depuis belle lurette.

Gaston:(accusant le coup) Je sais Marie, je sais.

Marie : (toujours résignée) Et ce jeune couple, d’en face, qui a reprit le Balto, hein ? Avec tout son bastringue de lumières, la presse, l’internet, les jeux vidéo, et tout le tintouin moderne, hein ! il paraîtrait même qu’on peut y dénicher des trucs qui te coûtent un bras. Tu sais, genre poudre à sniffer ou à fumer?

Jean:(penaud) Ben, j’y suis passé, hier, pour acheter, un gratte-gratte et siffler un petit double. Trop de gamins, là-dedans. Un vrai foutoir ! Ça te grouille de partout. Un boucan pas possible...C’est mieux ici.

Gaston:(interdit) On a loupé le coche, ma pauvre Marie. On est trop vieux pour toutes ces conneries.

Marie :(Pressée et regardant sa montre) Oui, oui. Bon, je dois vraiment y aller, là… Je ferais vite.

Jean : (au public) Et hop, ça continue. La bouche en fleur, la Marie. Sûr qu’il doit s’impatienter, le beau merlan frit de Marcel.

Gaston:( à Jean) Qu’est-ce que tu baragouines, toi, entre tes dents, à je ne sais qui ?

Jean :(ironique) Moi, (en montrant la salle) Mais au public pardi. Lui au moins, il me comprend.

Gaston :( en regardant vers le public) Qué public ? T’es chtarbé ou quoi ? T’a perdu la boule, tu causes au mur.

Jean:(toujours ironique) Et voilà, vous tous êtes là pour le voir et lui, il vous snobe. Je te jure, y a des baffes qui se perdent!

Gaston:(inquiet, et regardant vers le public) Ah vraiment, déjà bourré à dix heures et demie.T’es grave, toi. Et tu crois que le mur, il va te répondre ?

Le carillon retentit, Mireille, la factrice, arrive.

Gaston :(avenant) Tiens, voilà mon sourire du matin. Salut Mireille !

Mireille:(radieuse) Salut, les chevaliers du haut coude. Toujours fidèles aux godots, hein !

Jean :(levant le verre) Et oui, bonjour.

Gaston:(souriant) Comme d’hab. Un café crème sans sucre ?Tiens, il reste un croissant, tu le veux ? T’as fini ta tournée ?

Mireille :( regardant autour d’elle) Oui, c’est bouclé. Ma piote n’est pas là ? Où qu’elle se cache? Oh, non, juste un grand crème. Tu sais bien que j’ai pas le bec sucré, moi.

Gaston:(avec douceur) Si, si, comme sa mère, toujours à l’heure. Là, elle est partie aux commissions à la coop.

Mireille :(rassurée) Ah ! C’est bien ça.(buvant un peu de café) Hum ! Toujours aussi délicieux.

Gaston : ( fier ) Tu sais bien, Mireille, fait avec amour. Alors, t’apportes quoi? Des bonnes nouvelles, ou les factures habituelles ?

Mireille : (amusée) Tu attendais ta pension ? Et ben, non, aujourd’hui, que dalle ( en posant, une pub sur le comptoir) Que de la réclame ! C’est sûrement demain la grande distribution des allocs et tous les mandats de ceux qui vivent, peinards, et depuis toujours à nos crochets.

Jean:(étonné) C’est le pompon ! Tu touches une pension, toi ? En quel honneur ? T’as eu un pète grave à la margoulette?

Gaston:( contrarié) Et oui, mon gars. Mais c’est pas tes affaires ça, hein?

Jean:(résigné) Ça va, ça va, m’aboie pas dessus! Je disais ça, moi, juste pour causer.

Gaston:(énervé, à Jean) Pour causer, pour causer… Oui !

Mireille:(amusée) C’est ça. Quand t’es mioche, et que tu vas faire le zouave, à la ferme du vieux Gérard et que tu passes à travers le plancher. Il aurait pu se tuer bêtement, ce couillon-là. Il nous a foutu les jetons. On a cru qu’il était mort. .

Gaston :(penseur) Oh! Oui alors ! j’ai eu une sapré pétoche! On est inconscient quand on est jeune. Mais,ça aurait pu être toi, Mireille, ou le Luc. J’étais pas le seul dans le foin cette fois là. Enfin bref !

Le carillon qui retentit et arrive Luc.

Mireille:(se tournant vers Luc) Quand on parle du Loup…Salut, Luc.

Luc:(volontaire) Salut, les potes !

Jean et Gaston:(ensemble) Bonjour. Salut!

Mireille :( en regardant Gaston) On causait justement de toi et de nos conneries de gosses.

Luc:(penseur) Laquelle ? Tu sais nous, on enchaînait, c’était les mille et une conneries. Vous n’allez pas encore me saouler avec cette histoire de main aux fesses, au moins ?

Gaston:(du tac au tac) Mais non, qu’est-ce que tu vas chercher ? Pas du tout.

Mireille:(amusée) Non, non ! Du premier pépin de notre Gaston.

Luc:(soulagé) Ah ! Ça !

Gaston, perdu dans ses souvenirs, les écoute sans dire mot.

Jean:(curieux) C’est quoi, encore, que cette histoire fumante de main aux fesses ?

Mireille:(en parlant à Jean)T’es vraiment un rat toi. Tu veux toujours tout savoir et rien raquer. Attends, attends ! Faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Luc : Ah ! Oui. On a fait fort ce matin-là. Moi, j’ai rien vu tomber. Juste un grand boucan.(montrant Gaston) Et celui-ci, déglingué, qui chialait comme une madeleine, dans le tas de ferraille de la remise entre le canadien et la faneuse.

Mireille:(complice) Et, je t’en cause pas, pour le tirer de là, sans lui rogner une aile en plus.

Luc:(fier à bras) Surtout moi. Toi, à l’époque, t’étais plutôt une crevette.

Mireille: Coup de bol ! Le père Gérard et sa femme étaient partis vendre leurs œufs et leurs fromages au marché de St-Mihiel. Nous, on aurait pu se tirer, mais le Gaston,lui, il l’aurait achevé à coups de tromblon chargé au gros sel.

Jean:(dubitatif) La vache, vous viviez dangereusement, les amis.

Luc :(excité comme une puce) Tu l’as dit, mon gars, on est des baroudeurs, nous.

Mireille :(pensive et parlant à Luc) Et ton idée de ouf, de le foutre sur le porte-bagage du vélo de ton père, et de passer par le bas du patelin, sans se faire voir, c’était fou ça...non ?

Luc :( fier de lui) En-tout-cas, en passant par la ruelle de derrière l’église, ça l’a fait, non ?

Mireille : ( Jean) Le Gaston est resté groggy, tout le voyage. On l’a installé, pépère. en bas du talus, à la Croisette sur la route de Rillers, et on a bousillé le biclou. Et hop, ni vu, ni connu, je t’embrouille.

Luc:(à jean) Et voilà, comment on se fait un accident de la route, nous. Pompiers, ambulance et tout le fourbi. On a fait les choses en grand ce coup-là.

Gaston:( en rogne) Ben ! c’est pas vous qui vous êtes tapé deux mois d’hosto, et pendant les vacances d’été en plus.

Jean:( interloqué) A qu’en même! Vous ne faites rien à moitié, vous, les branquignoles.

Mireille : (à Gaston) De quoi tu te plains ?Au moins toi, t’as échappé aux tafs des champs cette année-là.

Gaston : Tu parles d’une consolation. Je traîne la patte depuis tout gosse. Et sans cacheton, les douleurs me foutent des nuits blanches.

Luc:(précisant) Ben ! on y est pour rien, nous. On a fait comme on a pu. E ben moi, j’ai pris cher en rentrant, avec la bécane du père bousillée. Mes fesses, elles s’en souviennent encore des morsures du martinet.( à Mireille) Au fait, il n’y a que toi qui t’en sois bien tirée. T’as toujours eu le cul bordé de nouilles, toi.

Mireille:(riante) Et le pauvre père Gérard, désespéré, n’a jamais su ni quoi ni qu’est ce. Paix à son âme. Il a cherché toute sa vie le coupable. (Amusée) On dira que c’est le mystère de la grange.

Gaston:(complice) Pour sûr qu’on a fermé notre clapet. Aujourd’hui, il y a prescription, non ?

Jean :(admiratif, se tournant vers le public) Patience, encore un peu de temps et on saura tout. ( on se tournant vers le trio) Et cette main aux fesses, alors? On aimerait bien savoir, nous.

Luc:(interloqué) Il cause, à qui lui ? C’est pour caméra cachée ? T’a un micro dans le mur, Gaston ?

Gaston:(moqueur) Laisse, laisse faire, il est rond comme une queue de pelle.

Mireille:(compatissante)Il marine tôt, aujourd’hui.

Jean:( curieux) Allez quoi, racontez-nous !Soyez sympas ! (au public) Je sens que ça va cartonner cette affaire!

Luc :(excédé) Ah non! Pas encore. Ça me poursuit! J’en ai ras-le-bol, moi, de cette histoire à la con.

Mireille:( amusé) Arrête de faire ta chochotte. C’est pour la caméra cachée du Jean, on peut faire un effort, non ?

Luc:(résigné) Bon, d’accord, mais pas trop de détails, et pour la peine, Mireille, tu payeras mes canons.

Jean :( rêveur) Vous deviez être une saprée bande de guignols, vous, gamins ?

Jean : (en parlant de Gaston à Mireille) Ça fait longtemps que tu le connais?

Mireille:(riant) Tu penses...Depuis toujours. Il me tirait, les cheveux, en maternelle, cet apôtre là( en montrant Gaston) Et quand maîtresse Jeanne le gaulait, c’était jamais lui. Pourtant, je chialais fort, exprès.

Gaston:(rassuré) Ah, tu vois, tu le dis toi-même. Je te tirais les cheveux, (pause) mais en douceur, moi.

Jean :(admiratif, à Gaston) T’a toujours su y faire, toi, avec les filles. T’es Bisounours, toi.

Jean:(à Mireille) Ça, c’est glamour. Z’auriez dû vous marier, tous les deux.

Mireille : ( revancharde) Quoi, avec un marlou pareil ? Qui te tire les tresses en plus? T’es malade, toi.

Gaston :( vexé) Tu rigoles, Jean, peau de zob. Me marier avec une minette, poils

de carotte ,et pleine de taches de rousseur, t’es zinzin.

Mireille:(touchée et vexée) Oui, oui. Cul cul la praline, t’a bien essayé, hein, de la draguer, la poil de carotte en rentrant du régiment. Tu veux que je leur dise?

Gaston:(pris en défaut) Non, non, c’est de l’histoire ancienne, ça. Fourre ça dans ta poche et ton mouchoir par-dessus.

Jean:(rieur) Waouh ! Mais c’est l’amour vache, vous deux.

Gaston:(à Jean) Lâche-nous la grappe, toi !

Jean : (au public) Hum. Ils se défendent rudement, ces deux-là ils sont, pourtant, vachement complices. Il y a un truc louche là-dessous. Plus elle se raconte cette histoire et plus on se bidonne.

Mireille:(à Gaston, en regardant vers le public) Mais il cause à qui, lui?

Gaston:(blasé) Et bien, au mur ! Au mur, depuis ce matin. Je te dis, il est fêlé.

Mireille :( souriante) Fêlé! Sûr que celui-là, ils n’en voudront pas chez Lustucru.

Mireille:(affirmatif à Jean) Si j’ai pas voulu d’homme, moi, c’est pas pour rien. Quand je vois comment tu traites ta femme. (réfléchissant) Remarque, les autres mecs sont pas mieux. (silence) Quelle misère !

Jean:(abattu) Oui, je sais que je suis nul, quand j’ai bu un petit coup de trop.

Gaston:( vivement) Quand tu as bu un petit coup ? Mais c’est tout le temps que t’as un coup dans le nez, mon pauvre vieux.

Jean: Ben ! Non ! Pas les matins. (réfléchissant) Au moins, jusqu’à dix heures.

Mireille:(riante) Et voilà, c’est bien ce qu’on dit. Bourré à temps plein. Tu fais les 3x8, toi, ici. T’es le revenu fixe du zinc. Sérieux, tu devrais demander une carte de fidélité.

Jean:(voyant qu’il n’aura pas le dernier mot, et pour couper court aux reproches) Allez-vas, Gaston, remets-moi ça.

Gaston s’exécute et lui apporte à boire.

Jean:(impatient) Alors, alors, ça vient cette main aux fesses?

Luc:(remonté à Gaston et Mireille) J’en ai ma claque, moi de celui là !(à Jean)Je vais te la coller dans la tronche, moi, la main. Tu seras pas déçu du voyage..

Gaston:(conciliant) Allez, vas y Luc, raconte. ( en regardant le public et moqueur) Le public qu’il a dans sa tête attend aussi. Et comme ça, et ben, tout le monde sera au parfum.

Mireille:(à Luc) Allez, déballe tout. Ne fais pas poireauter M.camera cachée.

Gaston : (acquiesçant) Aller, c’est parti mon Kiki, et puis, si tu ne te souviens plus trop, on te filera un coup de main.

Luc:(apaisé) Bon ben voilà l’affaire ! C’est arrivé bêtement un soir, fin mai, entre nous, les garçons, t’étais pas là, toi, Mireille.

Mireille:(songeuse) Ben nous, les filles le soir, c’était « rentrer vos poules, les coqs sont de sortie ».

Luc:(le regard malicieux) La bande du club des 5, jouait à la cachette, dans tout le patelin. Toi Gaston, le Marcel, le Jacques, le Julien et moi. On avait planqué nos bécanes, parce que le père Biskra, le garde champêtre, nous cavalait après en braillant <<Pédalage nocturne sans lumière, pédalage nocturne sans lumière !

Jean:( à Luc) Pourquoi vous l’appeliez comme ça, le vieux?

Mireille: Ben ! Tout le village l’appelait comme ça, il avait fait la coloniale en Algérie. Et, au lieu de jurer le Bon Dieu, il braillait : choléra de Biskra !

Jean: (Chante au public) Père du boillon au régiment…

Gaston : ( à Jean en lui coupe net la parole) Ramène pas ta fraise, toi !

Gaston : (aux autres) Ah oui ! C’était chaud ! Ce soir-là, les hannetons tapaient fort dans les chanlattes. Nous, on les choppait pour jouer.

Luc:(complice) On en avait attrapé plein une boite de Banania pour les apporter à l’école le lendemain, histoire de se la péter et d’épater la galerie. Et surtout de faire brailler les filles, en leur en collant dans les tifs ou dans le cou, à la récré.

Gaston: Oui ! Pour se poiler, quoi ! On leur avait mis une rafale de feuilles à bouffer et fait des trous dans le couvercle de la boite, des fois qu’ils crèvent.

Jean : (impatient et avec le public) Quel rapport avec la main aux fesses?

Mireille :( amusée) Laisse faire, ça vient. Laisse prendre la mayonnaise.

Luc:(fier de lui) le lendemain matin, à l’école, on se la pétait grave avec notre élevage. Les autres étaient scotchés. La boite était planquée dans mon sac, pour pas que la mère Tape zinc la zyeute et qu’elle m’estourbisse.

Jean:(interrogatif) La mère Tape zinc ?

Gaston:(précisant) Oui, Maîtresse Thomas, en CE2. On l’appelait comme ça. Ben, pour qu’on la ferme, elle tapait comme une malade, avec sa règle en métal sur le bureau. On n’osait même plus respirer, des fois que la règle vole bas.

Mireille:(appuyant sur chaque mot) Une véritable peau de vache, la vieille.

Jean:(au public) Waouh…Une main de fer, et sans gants de velours.

Luc:(concentré) Enfin, revenons à nos moutons !

Luc : Donc, la boite était fourrée dans mon cartable, par terre, près de ma table . Et j’ai rien compris ! Tout d’un coup, elle était ouverte, et ça volait violet de partout. Un idiot avait dû y benner, au moins, deux encriers.

Gaston:(se défendant) Pas moi, je te jure ! De l’encre volante qui se posait partout, il y en a eu, cette fois là. Tout le monde essayait de les attraper. Mon dieu, le binz, je te jure. Tout était sans dessus dessous. Du violet partout. Une vache n’y aurait pas retrouvé son veau.

Mireille:(amusée) Nous, les filles, on hurlait. La mère Thomas était hystérique, rouge comme un coq. Elle brayait comme un putois. Impossible de les attraper. Il y avait de l’encre partout. Tu t’en collais plein les mains. On en a retrouvé deux jours après.

Gaston:(excité) Ça a vite tourné vinaigre notre affaire, quand la Tape zinc a vu que la boite pleine d’encre, était dans ton sac.

Luc:(excité aussi) Je ne l’ai pas vu venir, la mandale ! J’étais sur le cul. La vieille, était folle de rage. J’ai même pas eu le temps de dire ouf et de lui expliquer.

Luc : Je dis. La scoumoune. J’ai jamais eu de bol, moi. C’était toujours bibi qui morflait.

Gaston:(compatissant) A vitesse grand V que tu t’es retrouvé à la rue, devant la porte d’entrée vitrée, avec ordre de ne pas bouger une oreille, le restant de la matinée.

Luc :(penseur) Ben, oui !Carrément, t’imagines pas. Tous ceux qui allaient au pain m’ont capté le regard mauvais. Même M. Le Curé et M. Le Maire, crois-moi, j’ai eu droit à tous les noms de piafs . J’en menais pas large, surtout quand le père, la honte de sa vie, à cause de moi, est venu me chopper à midi, manu militari. Ça a chié en rentrant. Au désespoir de ma mère qui essayait de me protéger de la ceinture. La pauvre, criait, au père <<Arrête, arrête, tu vas le tuer>>.

Gaston : (compatissant) Le dindon de la farce. Et en plus, t’as écopé d’une semaine à becqueter du pain sec à l’eau.

Luc: ( à tous)Et mille cinq cents fois, Je ne dois pas... Enfin, je ne me souviens plus de la phrase, elle faisait deux lignes. (un silence) Et les crampes à la main, je te dis pas.

Luc:(après un long silence) Déjà qu’elle ne pouvait pas me piffer avant, la vieille bique. Là, c’était Gestapo et œil de Moscou, pour le restant de l’année.

Gaston:(serrant Luc contre lui) Elle ne t’a pas loupé. Une injustice de plus, quoi ! Encore heureux que tu l’as eu, ta vengeance. Elle l’a eu dans l’os, la mégère.

Luc:(vif) Oh! Que oui. Et grâce à vous tous, les copains !

Jean:( amusé) Sa vengeance ? Ben dis donc. En voilà une affaire. Mais la main aux fesses?

Mireille: Tu nous cours sur le haricot, toi, Caméra cachée ! Ça arrive ! Ça arrive !

Gaston:(revanchard) On était tous comme cul et chemise . Elle se collait le doigt dans l’œil jusqu’au coude, la rosse, si elle pensait qu’on allait laisser ça comme ça.

Luc:(acquiesçant) On avait la rage. Fallait vraiment qu’on se bouge. Et c’est là que la Mireille a crié <<C’est la révolution, c’est la révolution>>.

Mireille:(complice) Ben oui, quoi ! Surtout qu’elle nous avait causé, la semaine d’avant, de la prise de la Bastille.

Jean:(au public, entame le début de la marseillaise.) Allez, tous avec moi !Allons enfants de la...

Gaston : Vain dieu, il est achevé !

Mireille : Alors, avec l’internet de l’époque, les petits mots passés en douce, les messes basses et le téléphone arabe. A part quelques trouillaux, presque toute la classe s’est retrouvée en conseil de guerre à l’arrêt de cars.

Gaston:(riant) Et cette fois-là, c’était pas pour du beurre. Pas comme d’hab, quand on jouait aux Indiens et aux Cowboys.

Luc:( dubitatif) Oui, et ben, ce soir-là, il n’y a pas eu que des bonnes idées. Foutre de la super glue sur la clenche de la porte de sa Dyane, cramer la poubelle de la classe, boucher le tuyau de l’évier dehors, péter la clé de l’école. J’en passe, et des mieux. Que des conneries ! De quoi se faire scalper direct! 

Mireille: Oh , il ne fallait, surtout pas, s’en prendre au matos, ç’aurait été grave. Ça nous aurait coûté la peau des fesses.

Gaston: Et c’est là que du haut de son un mètre vingt, tout mouillé, la Julie à hurlé : <<La main aux fesses, la main aux fesses>>

Mireille:(à tous)Sur le coup, personne n’a capté. Alors elle a ajouté <<derrière sa blouse, derrière sa blouse>>

Gaston : (excité)On a même pas eu besoin de mettre aux voix. Ça allait chier des bulles. On imaginait déjà tous, le tableau. On se marrait d’avance. C’était trop bon !

Mireille:(souriant) La voix du peuple, quoi. Évidemment, que tout le monde allait y mettre la main à la pâte. Mais c’était au Luc, l’offensé, de manger son plat froid et de se faire justice.

Luc:(content) Oui, et c’est là, qu’on a, tous, fait le serment de l’arrêt de bus. Motus et bouche cousue. Et malheur aux traîtres !

Jean:(médusé ,au public) Purée ! Mais pourquoi j’ai passé toute ma jeunesse en ville à Nancy, moi ? C’était ici, la vraie vie.

Gaston:( à Jean et au public) Deux semaines plus tard. Le vendredi soir, à 17h00.

Luc:(précisant) Le temps que ça tasse, et surtout de préparer le plan d’attaque.

Mireille : Oui ! Fallait tout organiser, selon les habitudes de notre Instit chérie. Les espions de la classe avaient tout noté. L’heure à laquelle elle quittait la salle, le moment où elle buvait son kawa et écoutait les infos à la radio. Mais surtout, l’heure où elle rappliquait pour préparer sa classe du lendemain.

Luc:( à Jean et au public) Une vingtaine de minutes, quoi. On a dû faire fissa.

Le carillon retentit. Fanny arrive un grand sac de courses à la main.

Fanny:( à Mireille) Ah t’es là maman? ( à Luc) Salut, je vous dérange ?

Mireille (à Fanny) Pas du tout ma Puce. T’inquiète, on cause, juste de nos vieux souvenirs.

Fanny : Oui, je vois, Je parie que c’est encore cette histoire d’hannetons ? Et évidemment, vous allez, encore en rajouter une louche ?

Gaston :( à Fanny) T’as tout trouvé?

Fanny :(à Gaston) Oui tout, sauf, heu… le gingembre.

A ces mots, tout le monde se met à rire.

Gaston:( un peu gêné) Pas grave, il m’en reste. File vite ranger tout ça au cellier.

Fanny prend son sac et quitte la salle.

Luc:(bidonné avec les autres) Du gingembre, du gingembre.

Mireille: T’es guiche molle ? T’as besoin de ça, toi, pour faire des galipettes avec la Marie?

Gaston:( en rogne) Ben non ! T’es conne comme un balai, toi ! C’est pour mes recettes.

Jean:( à Gaston et au public) Tes recettes ? Tu colles de ça, toi, dans la potée lorraine ?

Mireille:Tu parles, beau coq. Plutôt en infusion, le soir, avant de retrouver la Marie.

Luc:( à la cantonade) 50gr de gingembre, une bonne cuillère de miel, une rondelle de citron et une pincée de cannelle dans un demi-litre d’eau bouillante. Et t’as le remède miracle de la potée anti-panne du Gaston.

Gaston:( excédé) Faux-culs va! Arrêtez de rire comme des bossus . Et toi(en s’adressant à Luc) On voit bien que tu la pratiques, la potion magique, toi. Chut ! La Fanny revient.

Fanny revient au comptoir

Jean:(au public) On en apprend tous les jours. Vite, il faut que je note ça, moi. ( et montrant du doigt, certaines personnes dans le public) Pas vous, les gars?

Fanny:(à Gaston) Dis donc, les nouveaux verres à bière, ils sont où ?

Gaston:(à Fanny) Va jeter un œil sous l’évier de la cuisine.

Jean:(impatient) Allez, la suite, la suite, le public s’impatiente.

Mireille:(à Jean) T’es pas vrai, toi. Bébé, on a dû te bercer trop près du mur!

Fanny:(de la cuisine) T’inquiètes, Gaston ! J’ai mis la main dessus.

Luc :( à Jean et au public) Je disais quoi, déjà ? Ah oui, on a fait fissa.

Gaston:( à Jean et au public) Ce soir-là, en quittant l’école à 16h30, on a été des vraies lèche-bottes avec nos <<Bonsoir, madame>>. On avait une petite demi-heure a flipper avant de passer à l’action.

Mireille:( amusée) Nos trois lascars étaient survoltés. Le Marcel, guetteur, sa poignée de gravions à la main, prêt à la balancer dans les vitres pour donner l’alerte. Juste au cas où elle se pointerait par surprise. Le Gaston et le Luc, le feutre dans sa poche, piaffaient d’impatience. (petite pause) Julie et moi, on attendait devant l’église, mortes de trouille.

Gaston:(au public) Oh ! Pas un feutre indélébile. La blouse aurait été foutue. Il faut tout de même pas déconner non plus.

Luc:(à Mireille) Si on s’était fait gauler, on aurait dit qu’on était revenus chercher le cahier d’exercices du Gaston. D’ailleurs, il l’a embarqué en partant, au cas où.

Luc: (au public aussi)Ben, oui! On avait collé le Marcel au poste de guet. Gamin, c’était le plus gnangnan de nous trois. Le temps qu’il se barre, lui !

Mireille: Oh! Oui, Il était cul-cul la praline, lui, gamin. Mais bien gentil.

Luc:( à Gaston) Tu te souviens, au bahut technique, la fois où tu avais envoyé demander au magasinier, la lime à épaissir, et qu’il est revenu avec le marteau à bomber le verre?

Tout le monde se met à rire.

Mireille: (à Luc) c’était méchant de se moquer de lui. Et toi, Luc, la fois que tu t’es pointé avec la clé des champs, hein? C’était pas mieux.

Tout le monde rit pour la deuxième fois.

Mireille:(à Gaston et à Luc) Bon, occupons-nous, plutôt, de notre affaire.

Gaston:( à Mireille) Oui, t’as raison, c’était pas bien. (aux autres) Donc, je disais, fallait se manier le cul. Se faufiler par la petite porte de derrière, dans la classe. Faire notre vacherie et prendre la poudre d’escampette vite fait.

Luc: Oh ! Tout cela s’est bien goupillé. Dès que Gaston a décroché la blouse du portemanteau et la posée sur une table. J’ai pris le feutre et j’ai dessiné délicatement, le tour de ma paluche, doigt par doigt. Une magnifique main aux fesses. Travail soigné, prix modéré.

Gaston: On a pas chômé. L’œuvre d’art a vite été remise à son crochet et on a filé comme un pet sur une toile cirée. En 4ème vitesse, on était tous les 3 dehors, cœur léger, à raconter fébrilement nos exploits à Mireille et à Julie, rassurées, en se fendant la poire.

Jean:(au public) Copains comme cochons. L’agence tous risques, quoi !

Luc:(au public) Si on s’était fait chopper, c’était direct l’internat chez les frères à perpète . Adieu vaches, veaux, moutons. On ne se serait plus revus qu’aux vacances ou pire, à la saint Glinglin .

Mireille :( au public) Surtout que vous étiez déjà sur la tangente. Vos vieux en avaient ras-la -casquette de vos conneries.

Luc: Bref, l’affaire était dans le sac. Fallait juste que personne ne nous cafte.

Jean :( au public) Que des bobards! Une histoire à dormir debout. Mais bon. Chapeau bas, Croquignol, Filochard et Ribouldingue. C’est plutôt un roman que je vais écrire, et ça va cartonner, çà.

Mireille:(à Jean) J’hallucine !T’en a pas marre toi de ramener ta fraise, avec tes réflexions à la con ?

Le carillon retentit. Tout le monde regarde vers la porte ; trois clients rentrent et vont vers le comptoir.

Gaston: ( aux clients) Bonjour. (à Fanny qui est dans la cuisine) Ramène-toi, Fanny, voilà du monde!

Les clients:( ensemble)Bonjour.

Fanny revient derrière le comptoir.

Fanny:(aux clients) Bonjour. Posez-vous j’arrive !

Les trois clients vont s’installer dans la salle en discutant de tout et de rien.

Jean:(au trois) Et alors ! Le lendemain, matin?

Gaston:( à Jean) Oui, le samedi. Ben, c’était la loase. Personne n’avait bien dormi. On avait tous la tête embrouillée. On balisait tous. La frousse, quoi !

Luc :(à Jean) Tous en rang dans la cour, tremblants dans nos cale-fouettes. Elle s’est pointée, dans sa blouse main aux fesses. Dès qu’elle regardait ailleurs, tout le monde se bidonnait.

Mireille : ( au public) On a ri comme des bossus toute la matinée. Croyez-moi, pas simple d’arrêter net de se marrer, quand elle se retournait vers nous. D’ailleurs, certains se sont tapé des lignes à faire, car ils riaient bêtement, leur disait la mère Tape Zinc.

Luc : Elle n’en a rien vu. C’est l’après-midi que le temps s’est gâté.

Gaston:(au public) Ben ! On a vite compris la péloche. Elle s’est ramenée, dans sa deuxième blouse, l’œil inquisiteur, et son balaise de mari, le gros lard plein de soupe, était là aussi, le regard sévère.

Mireille:(au public) Plus facile à rouler qu’à porter, le gars.

Luc :(au public) Cette fois, c’était pas le même son de cloche. C’est sûr, on allait tous morfler. La cour martiale nous attendait. On allait tous, passer à la question et s’en prendre plein les mirettes. Il fallait absolument se serrer les coudes, et fermer notre clapet.

Gaston:(au public) De toutes façons, moi, j’en avais rien à foutre, j’étais prêt à mentir comme un arracheur de dents, et même devant M. Le Maire.

Mireille:(au public) Nous, les filles, on flippait grave, cœur battant, mais on a vite vu qu’on comptait pour du beurre. On est restées, avec elle, comme tous les samedis après-midi, en activités nature.

Gaston:( en riant) Ben, oui ! Forcement, les filles, on leur file le bon Dieu sans confession. Elles ne font jamais de conneries.

Fanny va vers la salle, son calepin de commandes à la main.

Luc:(au public) On avait le trouillomètre à zéro. Mais quand on est arrivés dans la classe. Elle avait abattu ses cartes. Les cahiers de compo, étaient là, sur nos tables. Tu sais, ceux à belle couverture et papier glacé. Et une phrase de morale était inscrite au tableau.

Gaston :(au public) Oh ! je m’en souviens bien moi, de cette phrase . « Faire une blague à l’insu et au détriment d’une personne, d’autorité, ce n’est pas de l’humour, mais un manquement grave au respect» Et en dessous, rédaction notée en 3h00 et à faire signer par les deux parents.

Luc:(au public) C’était rosse, en 3h00, et à faire signer par les parents. Ils allaient forcément vouloir savoir pourquoi. Et là, c’était chaud à leur expliquer.

Mireille:(à Luc) Plains-toi. Faut bien dire qu’on avait joué avec le feu. Elle nous a fait une fleur, ce jour-là. Elle nous a évités à tous, de passer à la casserole.

Luc:(à Mireille) C’est vrai. Elle a été chouette. Elle aurait pu faire un barouf

d’enfer, et nous en faire baver. En plus, on a tous eu bonne note. Il faut dire que quand t’es morveux, tu travailles comme un malade, pour pas décevoir.

Mireille:(aux autres) Finalement, vous vous en êtes pas si mal tirés de ce bourbier à la mors-moi-l’œil.

Gaston:(à Mireille et au public) En fait, on a lavé notre linge sale en famille. En fait, elle nous aimait bien, la vieille. Après ça, pour nous tous, elle n’était plus la mère Tape Zinc, mais, notre institutrice qu’on respectait grave ; Mme Thomas !

Fanny revient de la salle et prépare des boissons sur un plateau.

Fanny:( à tous) Alors, elle se termine quand cette histoire de fous? (à Jean) Et vous Jean, ça ne vous saoule pas trop tout ça?

Jean : (est sidéré, à Fanny) Oh ! Non, Fanny, j’adore, et du moment que j’ai mon canon ! (au public) Je ne sais pas vous ? Mais moi, je n’ai qu’un seul regret, c’est de n’être que spectateur.

Fanny:(amusée) J’hallucine! Vous êtes ouf !Vous parlez au mur ?.

Gaston:(a Fanny) Mais non, c’est caméra cachée.

Tout le monde rit sauf Jean, qui hausse les épaules.

Fanny:( à Gaston) Dis-Gaston, il y avait un paquet sous le comptoir. Il a été fourré où?

Gaston:( surpris) Il n’est plus là ?

Fanny:( à Gaston) Ben non. Mais c’était quoi ?

Gaston:(à Fanny) Je sais, c’est le secret de Marie.

Fanny acquise, sans répondre.

Mireille:( en regardant sa montre, à tous) Déjà l’heure-là ? Bon, c’est pas tout ça, mais il faut que je me rentre moi.

Luc:( en regardant l’heure à Mireille) Waouh ! Le temps file! Attends-moi ! Faut que je rentre aussi, moi. La Germaine va me souffler grave, dans les bronches.

Gaston:( à Mireille et à Luc) A vite les copains !

Jean:(Oh ! Oui. Revenez vite ! (au public) On finira bien par tout savoir.

Mireille et Luc : (à tous) A t’a l’heure !

Ils quittent tous les deux le bistrot.

Fanny est derrière le comptoir. Les trois clients vont au comptoir pour payer.

Un client:(à Fanny) Toujours aussi mignonne, Fanny.

Fanny:(au client) Oh ! Merci beaucoup.

Le client:(à Fanny) t’es un délice des yeux. Ah ! Un sourire de toi, et…

Gaston:(Jaloux, au client, lui coupant la parole rageusement) Oui ! Eh bien, ça va bien. (en levant la main) Tu veux que je te donne de l’élan ?

Le client:(à Gaston) Ben ! J’ai rien dit.

Fanny s’amuse de la situation.

Gaston:(hargneux) Rien dit ? Mon œil. Paye et dégage, avant que je te fasse faire trois tours dans tes baskets. Que même si je te rate, je t’enrhume.

Les clients quittent le bistrot sans dire au revoir.

Jean:(au public) Vous avez vu? Chasse gardée ! Si tu picores dans sa basse-cour, il te vole dans les plumes, le vieux coq.

Fanny:(en colère, à Gaston) Dis donc, Gaston, Ça va pas la tête ? T’as pété un câble ou quoi ? je suis ton employée moi, pas ta fille.

Gaston:(à Fanny) T’es pas qu’une employée. Je tiens à toi, comme si tu étais ma, fille, quoi !

Fanny:(sèchement, à Gaston) C’est pas une excuse. Bon, passons. Mais que ça ne se reproduise plus, sinon…

Gaston:(inquiet) Oui oui ! Je suis désolé.

Fanny : (à Gaston) Désolé, désolé ! Pas tant que moi. Tu me fais le coup à chaque fois.

Gaston accuse le coup sans répondre.

Jean:(au public) Et...Paf ! Il s’est fait clouer le bec, le vieux chapon.

Gaston:(à Jean) Tu ne peux pas nous lâcher la grappe, toi ?

Fanny:(au public) Je l’aime bien, c’est une bonne pâte, mais, des fois, il attige grave.( un silence) Bof !Il est plus bête que méchant.

Gaston:( en se penchant pour regarder sous le comptoir à Fanny et à Jean) Alors ce paquet. Elle l’a fourré où ?

Jean ne répond pas, il montre qu’il ne sait pas.

Fanny:(à Gaston) Je ne sais pas. Peut-être que Marie l’a mis ailleurs.

Le carillon de la porte sonne. C’est Marie qui arrive, avec un sac à la main.

Marie:(à Gaston et à Fanny) Ça va la compagnie ? Pas trop débordés à ce que je vois.

Gaston:(agacé, à Marie) Ben ! Non. Dis, Marie, il est où le paquet ?

Fanny:(à Marie) Oui, il est où ?

Jean ne dit rien, mais il se bidonne en faisant des signes au public.

Marie : Ah ! le paquet ! Ben, comme prévu, je l’ai porté au Marcel. Il est vachement content.

Gaston:(furax) Au Marcel ?

Marie:Et oui ! Comme je passais par là et qu’on ne le voit pas souvent...

Jean:( au public) Et que surtout, il a dû lui faire goûter sa fricassée de museaux, le beau Marcel !

Gaston:(en rogne, jaloux, à Marie) J’en ai ma claque moi. Y en a que pour lui. Le Marcel par ci, le Marcel par là.

Marie:(gênée) N’exagère pas. Oui, je l’aime bien, moi, le Marcel, et depuis toujours, et alors ?

Fanny:(au deux) Calmez-vous ! Calmez-vous !

Gaston:(à Fanny et au public) Me calmer! Alors que ce minus de Marcel drague ma femme. Attends que je le gaule celui-là !

Marie:(à Gaston) Tu ne gauleras personne toi...Sinon c’est à moi que tu vas avoir à faire.

Jean:(au public) Et par-dessus le marché, goûter les rognons du chef. Et surtout user et abuser de son meilleur bout de sauciflard.

Gaston:(à Jean, levant la main, comme pour le frapper) Toi, ferme-la ! Sinon, c’est les tripes que je vais te fricasser à la mode de Caen.

Jean se protège avec son bras.

Marie :(à Gaston) Le Marcel, lui, au moins, il est gentil et plein d’attention. Mais c’est juste un bon pote.

Gaston:(à Marie) Gentil n’a qu’un œil ! Et je vais lui mettre au beurre noir, moi, son œil.

Marie:(à Gaston) Ça suffit, je te dis, d’accord ?

Fanny:(apaisante, aux deux) Allez quoi ! Stoppez vos gamineries.

Gaston reste sans voix, totalement abattu.

Jean:(au public) Et voilà, prends ça dans les dents. Gaston le magnifique.

Fanny:( Pour changer de sujet, à Marie) Mais il y avait quoi dans ce paquet ?

Gaston:(à Marie) Oui, quoi ?

Jean:(au public) Et voilà... Ils vont lui tirer les vers du nez...Elle va bien finir par lâcher le morceau, la Marie.(temps de silence)Elle est mal barrée là...Ça va saigner.

Marie : ( à Gaston et à Fanny) Devinez...quoi?

Gaston:(Ben! On n’est pas Mme Irma, nous. Comment veux-tu qu’on devine ?

Marie: Allons, un truc utile dans une boucherie.

Jean ne dit rien, il fait semblant de jouer du violon.

Fanny: Des couteaux, une planche à découper ?

Gaston: (ironique, énervé)Papy Mougot de Cajard : Le shimilimilblik est-il…Des serviettes, des torchons ?

Jean et Fanny se bidonnent.

Marie:(à Gaston) Presque, Papy Mougot ! Un beau tablier de boucher.

Marie : (à Gaston) Julie est arrivée, et on a fait un polaroid pour vous montrer. Tiens, regardez !

Et Marie, sort une photo Polaroid et la montre aux trois autres.

Fanny :Oh ! Pas mal le tablier !

Gaston :(en colère, grognant) De la confiture au cochon, oui !

Jean:(au public) Tu parles. Pas folle la guêpe. Elle noie divinement le poiscaille.

Gaston: (à Marie) Un si gros paquet ? Juste un tablier ? Mon œil ! Tu me prends pour un blaireau, ou quoi ?

Fanny:(à Gaston pour calmer le jeu) Tu sais bien, Gaston, ils foutent toujours beaucoup d’emballage dans leurs paquets.

Gaston:(pas convaincu, montrant sa colère) Faudrait tout de même pas me prendre, que, pour un con. Ça me gonfle tout ça.

Marie:( à Gaston) Arrête tes insinuations sans queue ni tête. Ça va bien maintenant, ta jalousie à deux balles.

Gaston:(à Marie) Si je veux !

Fanny:( qui s’interpose) Bon, allez ! Laisse béton, Gaston, tu vois bien que tu te prends le chou pour rien.

Marie : Surtout qu’il n’y a vraiment pas de quoi casser trois pattes à un canard.

Gaston:( pas convaincu, à Marie) Bon ! Bon. Mais on en reparlera entre quatre yeux.

Marie:(à Gaston, moqueuse) C’est ça, c’est ça !(elle met son index sur la tempe en regardant le public) Il est zinzin .

Marie : (à Fanny) Ça schlingue cette affaire. Occupe le Gaston, le temps que je passe un coup de fil au Marcel, pour lui dire que, ça doit en rester là. Pauvre Marcel !

Fanny:(à Marie) Oui, vas-y ! Je pense que c’est le mieux pour tout le monde. Sinon tout ça va très vite finir en jus de boudin.

Jean :(au public) Il en avale tout un nid, de couleuvres, le beau Gaston.

Gaston:(à Jean, levant la main, comme s’il allait le frapper) Cuve ta piquette, toi, et fais pas chier le monde.

Jean:(à Gaston) Mais j’ai rien dit et rien fait, moi.

Gaston:(à Jean) Tu ne dis rien, mais tu te mêles de tout.

Marie:(de la cuisine à Gaston) Gaston, viens vite à la cuisine. J’ai le Marcel au téléphone, et on a des trucs à te dire.

Gaston : (inquiet)Des trucs à me dire ? Des trucs à me dire, c’est quoi encore que ce plan à con ?

Marie:(insistante) Fais pas ta tête de cochon. Viens-je te dis !

Gaston : ( à Marie en se dirigeant vers la cuisine) Du calme. J’arrive ! J’arrive.

Gaston va à la cuisine en râlant.

Le carillon de la porte retentit et arrive Lucienne, la femme de Jean.

Lucienne:(à Fanny) Bonjour toi. Ça gêths ? Pas foule, à ce que je vois.

Fanny: (à Lucienne) Bonjour. Ben non. La routine, quoi.

Jean:(surpris,à Lucienne) Qu’est-ce que tu viens glander ici, toi ?

Lucienne :(à Jean, menaçante) Je fais comme ça me chante, moi. T’as quelque chose à dire ? T’as la frousse de quoi? Que je te pique ta chopine ?

Jean mouché ne répond pas.

Marie et Gaston reviennent de la cuisine.

Marie:(à Gaston) Tu récoltes ce que t’as semé. T’as bien compris, hein ? T’arrêtes tes conneries et j’arrête les miennes. Et quand tu verras le Marcel, tu lui fous la paix.

Gaston : ( à Marie) Ça va ! Ça va. Ne me prends pas la tête! Je ne lui rentrerais pas dans le lard. Mais quand même.

Marie :( à Gaston)T’as plutôt intérêt, sinon gare à tes abatis.

Gaston baisse la tête en soumission.

Marie:(Lucienne) Coucou, toi !

Gaston:(à Lucienne) Bonjour toi. Toujours aussi mimie.

Marie:( lui jette un regard mauvais) Je te jure, incorrigible.

Lucienne:( à Marie et à Gaston) Salut, ça gaze?

Marie:( à Lucienne) Le train-train quotidien. Et toi, tu viens surveiller ta viande marinée ?

Marie regarde méchamment Jean.

Marie: (ce tournant vers Jean) Elle devrait te saquer la gueule. Je t’en foutrais, moi. (à Lucienne) T’as vachement de patience avec ton Ostrogoth.

Lucienne:( à tous)Il n’a pas toujours été comme ça. Dis, Gaston, tu me sers un de tes délicieux petits cafés?

Gaston :(à Lucienne) Un de mes cafés, fait avec amour. Du sucre ?

Lucienne:(à Gaston) Oh ! Non. Je l’aime nature, ton café.

Marie:(à Lucienne) Dans l’état où il était, hier soir. T’es venue le chercher, avec ta brouette?

Lucienne:( à tous) Pas trop le choix. Il aurait pu se faire écrabouiller par une bagnole, ou pire, pioncer dans le caniveau, ce couillon-là.

Marie :( à Lucienne) T’as fait comment, alors, hier soir ?

Gaston:(à Lucienne) Tu l’as benné comme un sac de noix ?

Lucienne:( à tous) Pour le monter dans la piaule, le déshabiller et le bauger dans son lit. Je te dis pas. En plus, il m’a dégueulé partout, l’enfoiré. Ça te puait la vinasse dans toute la carré. J’ai dû tout nettoyer et laisser portes et fenêtres ouvertes pour aérer. A une heure du mat, ça caille.

Marie:(à Lucienne) Ma pauvre Lucienne. T’es bien dévouée. T’aurais dû le laisser dans ses dégueulis.

Lucienne:(à Marie) Oui, je sais ! Mais bon !

Gaston:(au public) C’est beau l’amour.

Jean : (essaye de réagir) Heu, c’est de ma faute.(Gaston lui fait signe de se taire.)

Marie:( à Lucienne, elle fait geste de frapper, Jean qui se protège) Laisse-le-moi en pension, un mois. Tu vas voir, comment que je vais te le soigner, moi, ton énergumène.

Fanny:(à tous) Je serais curieuse de voir ça. Le pauvre. Elle te le mettrait direct au château-la-pompe, le Jean. Son pif passerait du violet au rose.

Jean:(à tous) Oh ! Là ! Arrêtez de me charrier ! C’est la Saint-Jean, ou quoi, aujourd’hui ? Vous m’avez tous dans le collimateur, c’est ça ?

Lucienne:( en rogne, à Jean) Tu le cherches-toi non ? T’as du bol d’avoir des copains.

Gaston:(à Jean) Chacun son tour, mon gars ! T’inquiète pas. Laisse passer l’orage, ça va se calmer.

Fanny:(au public) Quel malheur, tous ces vieux, bourrés dès le matin.

Marie:(à Fanny) Ne juge pas sans savoir.

Lucienne:(à Fanny) Marie a raison. Mon Jean n’était pas comme ça, avant. Mais tu sais, quand on a perdu notre petit Julien,le monde s’est effondré. Heureusement que vous êtes là, mes amis.

Marie:( à tous) La vie nous joue, souvent des sales tours.

Fanny:( navrée, à tous) Désolée. Je ne savais pas.

Le carillon de la porte retentit. Arrivent Marcel et Julie.

Marcel porte un magnifique tablier de boucher.

Gaston:( à la cotonnade) Tiens, voilà Laurel et Hardy !

Marie:(à Gaston) T’es con, toi. Et après, tu diras que je t’engueule.

Gaston hausse les épaules.

Marcel:(à tous) Coucou ? Vous le trouvez comment mon beau tablier ?

Gaston regarde sans rien dire. Il se retient d’exploser. On sent bien sa rancœur envers Marcel.

Marie:( fait signe à Gaston de se calmer) Oh! tête de mule. Arrête de te cabrer.

Julie:(à tous) Bien mieux que le torchon que tu portes d’habitude. Merci Marie. Merci Gaston.

Gaston : (ronchonne un petit) Y a pas de quoi.

Fanny:( un peu moqueuse) Un peu grand pour toi. Mais avec un ourlet.

Fanny va à la cuisine.

Jean : (au public) C’est comme au 14 juillet. On a eu le défilé et on attend plus que le feu d’artifice.

Lucienne:(à Jean) Tu causes à qui, là ?

Marie:(à Lucienne) Laisse, laisse. Depuis ce matin, il est comme Jeanne D’Arc, il entend des voix.

Lucienne:( rit toute seule) C’est nouveau ça. Le picrate ne l’arrange pas. Bon, c’est pas tout ça, mais j’ai à faire à la maison, moi. (à Jean) Et toi, grouille-toi. Ne rentres pas à point d’heure, et pété comme coing.

Jean:(à Lucienne) Non !Non !

Lucienne quitte le bistrot. Marie va à la cuisine.

Gaston:(calmé)Bon Julie ! Vous buvez quoi, ton loustic et toi?

Julie :(à Gaston) Lui, un canon. Et moi, ton meilleur café.

Gaston:(à Fanny qui revient au comptoir) Un canon et un café, pour nos amis.

Fanny: J’arrive, deux secondes.

Fanny, au bar, prépare les boissons et les apporte.

Gaston reste en retrait et bougonne et va retrouver Marie à la cuisine.

Jean:( au public) Il en a gros sur la patate, le magnifique. Mené à la baguette, le coq de la basse-cour.

Fanny:(à Julie et à Marcel) Voilà pour vous. Et comme dit, toujours, le Gaston, fait avec amour.

Elle tourne les talons et s’en va. Mais revient quelques secondes après, avec une petite cuillère oubliée.

Julie :( croyant Fanny partie à Marcel) Il est bon, son café. Tel père, telle fille.

Fanny:(sidérée, à Julie) Quoi, Tu parles de qui là ? De moi ?

Julie:(à Fanny) Heu ! Ben.

Fanny :(aux deux) Mon père ? Mon père ? J’ai jamais eu de père, moi. Tu en as trop dit ou pas assez.

Fanny, bien décidée à tout savoir.

Fanny : (à Julie) Arrête de sauter du coq à l’âne. Ou tu craches le morceau, ou je te vole dans les plumes.

Le carillon retentit et revient, Mireille.

Mireille:( à Fanny) Ah, tu es là, ma fille ! (aux autres) Salut, vous.

Marcel :( au public) Sauvée par le gong, la Julie !

Julie fait mine de se ventiler comme si elle avait un éventail.

Jean:(à l’écart. En observateur, chante au public) Dallas, ton univers impitoyable...

Fanny:(à Mireille en montrant Julie) Elle a une araignée dans le plafond, non ? Elle dit connaître mon père.

Mireille:(à Fanny)Ben !C’est ma faute. J’ai pas voulu qu’on te le dise. J’attendais le bon moment.

Marcel:(à Julie) Tu vois tes conneries. Quand je te dis que tu déblatères à tort et à travers, sans réfléchir.

Julie accuse le coup et reste silencieuse en baissant la tête.

Fanny:( à tous) Ah, j’ai pigé, plus vous êtes de fous, plus vous vous marrez, mais sans moi.

Mireille:( à Fanny) Mais non ! Mais non ! On a juste voulu te protéger.

Fanny:(à tous) Me protéger. Me protéger ? De quoi ? Mon père est un voyou ?

Marcel:(à Fanny) Pas du tout, pas du tout. C’est même la crème des hommes.

Fanny:(à Mireille) Maman, dis-moi vite, ne me laisse pas gamberger ! C’est qui, je le connais ?

Mireille:(à Fanny) Oh ! Oui, ma fille, et tu l’aimes beaucoup. C’est le Gaston.

Fanny reste sans voix un petit moment. Plus personne ne dit rien.

Julie:( sanglotant, à Fanny et à Mireille) Désolée. Je ne voulais faire de tort à personne.

Marcel:(à Julie) C’est bien fait pour toi, si tu t’en prends plein les gencives.

Mireille:(à Julie) T’inquiète. Ça fait tellement longtemps que ça nous mine. (Petit silence, à Fanny) il était temps que tu saches.

Fanny:( à tous) Je veux, oui !Et le Gaston, il est au courant, lui?

Mireille:(à Fanny) Marie oui, mais pas lui. Tu sais bien qu’il travaillait sur les plates-formes pétrolières et n’était jamais là. Pour faire du blé,(elle fait le geste de froisser des billets) il se tapait toutes les missions, sans jamais prendre de congés et ça lui a rapporté gros. Il a disparu pendant 25 ans. Alors tu vois bien quoi !

Marcel:(à tous) Il a toujours aimé le pognon, lui. Il doit en avoir une chiée, Il est plein aux as, le Gaston.

Jean:( au public) Un roman à la Hugo, je vous dis. Cosette, Esméralda et Blanche Neige, dans la même histoire.

Gaston et Marie arrivent de la cuisine.

Gaston:( à tous) On parle de moi, ici ?

Mireille:( à Gaston) Oh ! Oui. Mais le mieux serait que tu te poses. (elle le prend par le bras et l’assoit)

Marie:(à tous) Je vois que le moment est venu de balancer la purée.

Marcel:( à Marie) Comme tu dis, Marie. Il est grand temps.

Julie:(à Marie) Oh! Oui. Grand temps !

Gaston:(inquiet) Je suis largué, là. C’est grave, je vais clamser? Ma dernière prise de sang est pourrie?

Tout le monde ne peut pas s’empêcher de rire, sauf Fanny.

Mireille :( à Gaston) Arrête de flipper ! Espèce de grand couillon.

Fanny:(avec tendresse à Gaston) Non ! C’est juste un truc de ouf. Je suis ta fille.

Gaston,accuse le coup pendant une seconde, tout le monde le regarde.

Gaston:(à tous) Ma fille ! Ma fille ! Pas possible, ça me coupe la chique-là. j’ai jamais pu avoir de môme.

Marie: ( à Gaston) Mais, mon pauvre Gaston. C’est pas toi. C’est moi.

Gaston en reste prostré.

Jean:(au public) Vain dieu là ! Ils l’ont achevé, le dindon. Le voilà tout chamboulé. Mais je le connais. Il va vite reprendre du poil de la bête, le mastar.

Gaston:( à tous) Ah ! Bon ! Mais dis-moi, Mireille, c’est arrivé comment ? Je me rappelle que dalle, moi.

Marie:(à Gaston) Sûrement pas par l’opération du St- esprit…Idiot !

Mireille:(à Gaston, prenant les autres à témoins) Vous vous souvenez, au bal du 1er Mai 68 à Lugny. Vous, les mecs, vous faisiez le pari nul, à qui serait le premier bourré.

Marie :( à tous) Oh ! C’était le bon temps. On était tous peace and love. Et vous les mecs, des vrais beatniks. Cheveux longs et idées courtes.

Mireille :( à tous) Oh oui ! À celui qui aurait le plus beau jean à pattes d’éph. et la plus belle chemise à fleurs.

Marie:( à tous) Tu parles des Flowers powers !

Gaston :( à bout de patience) Pas possible ! Vous faites durer le plaisir, bande de peau d’hareng.

Fanny:(à Mireille) Maman, moi aussi je voudrais savoir.

Mireille : ( à tous) Vous étiez tous murgés. Et moi, j’étais pompette, aussi. (à Gaston)Tous les deux on s’est retrouvés, pour se bécoter, à l’arrière de la R8 du Luc et de fil en aiguille. Enfin, tu as pigé, quoi !Je ne vais pas te faire un croquis!

Marie : (à tous) On est cons quand on est jeunes.

Gaston:( à Marie) Parles pour toi ! Fanny, je ne dis pas ça pour toi . Mais me suis fait avoir moi sur ce coup-là.

Fanny : (indignée, à Mireille) Si je comprends bien, je suis le fruit d’une cuite ?

Mireille:(à Fanny) Oh que non, ma fille ! J’avais toute ma tête. Et si c’était à refaire, je referais. (elle montre Jean, dédaigneuse) Mais moi, vivre avec un mec...Jamais !

Fanny baisse la tête en signe d’approbation et ne dis plus rien.

Jean:(au public en riant) Le pauvre Gaston, pris à son propre piège.

Gaston:( à tous) en les accusant du doigt) Bande d’enfoirés ! Vous le saviez tous, et personne ne m’a rien dit. Pourquoi ?

Mireille :( à Gaston) Avant qu’on ne sache que j’attendais Fanny t’es disparu. Et, des plombes après, quand t’as rappliqué, t’avais des vues sur la Marie.

Marie :(à Gaston) Arrête ton char Gaston. T’es parti sans laisser d’adresse. Et quand t’as donné signe de vie, Fanny était adulte.

Mireille :(à Gaston) On savait, tous, qu’un jour, il faudrait qu’on vide notre sac. Voilà, c’est dit! En tout cas, moi...Pas de bonhomme dans mes pattes.

Julie:(à Mireille) Le bol ! Pas folle la guêpe. Au moins toi, t’as de compte à rendre à personne .

Gaston:( à tous) Bon ! Bon. J’y gagne une fille. Mais, vous, vous êtes tous des faux-culs(en les montrant du doigt).

Mireille:(à Gaston)Sois pas bête. Tu l’aimes bien ta Fanny et tu dis toujours que c’est comme ta fille.

Gaston:(bougon à Mireille) Oh que oui, que je l’aime bien, ma Fanny, Mais quand même.

Marie:(à Gaston) On s’en ai tous, occupé de la Fanny. Et toi, à ton retour, tu l’as choyée comme ta fille. Finalement, Gaston, (en montrant Fanny) C’est notre piote.Au moins, en n’a pas trimé toute la vie pour le roi de Prusse.

Jean :( à Fanny) Dis Fanny, tu reprendras le bistrot ?

Julie:(à Jean) Quel soiffard !Y a que ça qui t’intéresse, toi, l’alcoolo ?

Jean:( à tous en hausse les épaules) Arrêtez de m’engueuler comme du poisson pourri !

Gaston prend Fanny dans ses bras, Fanny l’enlace aussi. Et Mireille vient se coller à Fanny.

Jean :( au public la larme à l’œil) Quelle aventure ! Pour un peu, ça me ferait chialer.

Tout le monde sur scène les applaudit. Jean invite le public à applaudir aussi.

Le carillon retentit. Les enlacés se lâchent. Tous regardent vers la porte.

Arrive Luc, le pied gauche dans le plâtre, une bande autour de la tête, un œil au coquard et une canne à la main. Tous le regardent abasourdis, et se mettent à rire.

Fanny va derrière le comptoir et observe la scène sans rien dire.

Gaston:(à Luc) Ben dis-donc, t’es bien beugnié, toi ! Qu’est-ce qui t’arrive ?

Marie:( à Luc) T’as grillé la priorité au tracteur du père Gérard ?

Marcel:(à Luc) Elle t’a passé à tabac la Germaine ?

Jean:(au public) Comme qui dirait l’autre. Même quand c’est fini, on en remet une couche.

Luc:(contrariés, à tous) Arrêtez de me mettre en boite et de me chambrer avec vos conneries. J’ai morflé, moi, ce matin.

Julie :( moqueuse, à Luc) Ah bon ! T’as ripé sur une peau de banane et tu t’es mangé le racoin de la mère Denis?

Luc :(à tous) Non !Figurez-vous, que tout à l’heure en partant d’ici, ma roue avant gauche était crevée.

Gaston:( à Luc) Oh ! Malheureux ! Et t’as demandé à l’autre mamaillou de Maurice de la réparer ?

Luc:(à tous) Ben oui ! Forcément. A qui veux-tu que je demande ? Au pape ?

Julie:( à tous) Tu parles !C’est un voleur de poules, celui-là. Le cador de l’embrouille. Pour arnaqué les autres, c’est un as, lui.

Gaston:( à tous) Tu parles du mécano de mes deux. Si on faisait le total de ses heures facturées, il aurait, au moins, 150 ans, le beau Maurice.

Gaston : (à Marie) Marie, regarde sur l’étagère du comptoir. Il y a sa dernière facture, tu me l’amènes ?

Fanny qui est au comptoir donne la facture à Marie qui apporte à Gaston.

Gaston:(à tous, le papier à la main) C’est la dernière vidange de ma 2CV citron.( il lit la facture)

A chaque incohérence, aux troits points. Ils crient à l’unisson : olé!

Gaston:( à tous) Temps de réflexion 30 mn...Main d’œuvre 3H00...5 litres d’huile moteur BP...15 litres de liquide de refroidissement… remplacement des deux balaies essuies glaces avant et de celui arrière...Remplacement du filtre à air à huile et à gasoil… et j’en passe et des meilleures ...Et le total 5000 balles, hors taxes.

Jean :( à Gaston) Vache il t’a assaisonné le roi de la chourave. C’est un modèle de compéte, unique, ta deuche !

Julie:( à Gaston) l’escroc ! J’espère que tu vas aller lui faire manger sa facture.

Gaston :(à tous) Il n’est pas près d’en voir la couleur, de mes sous.

Gaston :( à tous) Bon ! Écoutons plutôt notre Luc et ses misères.

Luc:(qui attendais impatient de raconter à tous) Ben ! Je me suis foutu les jetons. J’ai déglingué la Dauphine dans le poteau de la place. Elle est foutue. Un moment, j’ai croisé,la grande faucheuse. Ben oui, ma roue avant, gauche, s’est tirée sur l’étalage de la boulangerie. Encore heureux qu’il n’y avait pas un chat. Du coup, les miches ont des traces de pneu.

Mireille:(à Luc) Mon pauvre ! t’as eu du bol ! T’aurais pu passer l’arme à gauche.

Gaston:(à Luc) T’as pas fait dans la dentelle ! T’as quoi, du coup, Tu t’es flingué la patte ?

Julie:( montrant le pied) Fractures ?(elle montre la tête) T’as un pète au casque ?

Luc:(à tous) Deux plombes aux urgences. L’arpion en miettes. Un plâtre à la patte et une radio de la caboche, heureusement, que cabossée !

Gaston:( à Luc) Ah, tu vas l’avoir ta pension.

Luc hausse les épaules.

Marcel :(à Gaston) T’es con, toi!(à Luc)J’espère que tu vas lui passer un savon, au Maurice.

Mireille:(à Luc) Finalement, t’as eu du bol. Tu t’en tires pas si mal.

Gaston:(à tous) Bon, ben, je crois que le mieux, va, c’est qu’on trinque, tous, à notre bonne santé.

Tous ensembles : (à l’unisson)Oh ! Que oui !

Gaston:(à Fanny) Allez, Fanny… Heu ! Ma fille, file vite nous chercher du bon !

Fanny:(toujours perdue dans ses pensées) Oui, oui ! La spéciale, de derrière les fagots ?

Gaston:(à Fanny) Oui, tu sais, sur l’étagère de gauche, sous la paille.

Fanny se dépêche d’aller chercher la bouteille et les verres et de servir tout le monde.

Le carillon retentit, et arrive Lucienne.

Lucienne:(qui n’a pas encore remarqué Luc) On dirait que j’ai manqué un truc, là, non ?

Gaston:(à Lucienne) T’occupe -T’inquiètes ! Juste notre Luc va racheter une nouvelle caisse.

Lucienne : (regarde Luc, effarée) Dis donc. Tu ne t’es pas raté toi. C’est plutôt la Germaine, oui, qui va changer de Luc.

Luc accuse le coup et ne répond pas.

Marie: ( à Lucienne) Viens plutôt boire un coup. On te racontera tout le toutim, après.

Lucienne:(à Gaston) Pour sûr, que c’est bien plus urgent de boire un coup. Le Luc, vu son état, il ne va pas se tirer en courant.

Gaston: (se lève le verre à la main) Tous pour un !

Les autres:( sauf Jean et Fanny) Un pour tous !

Jean : (coup de sifflet. A tous, comme un cinéaste) Coupez, c’est dans la boite !

Tout le monde se fige sur scène.

Jean:(au public) C’est trop d’émotions en une fois ! N’en jetez plus, la cour et pleine. Si on les laisse faire leur cinoche, ça va être la totale, et là, vous n’êtes pas rendus, les amis.

Rideau


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