SCÈNE 1
Marie, Hélène, Diana, Rose et Cathy sont assises autour d’une table. Elles viennent de jouer aux cartes. Nous assistons à une pause. Elles sont calmes et silencieuses.
Marie - Hélène, je t’avais demandé d’acheter des gâteaux ce matin. Je suis sûre que tu as oublié, comme d’habitude. Tu n’écoutes pas quand je te parle.
Hélène - Je n’ai pas oublié. Les gâteaux sont là, dans la cuisine.
Marie - Alors, qu’est-ce que tu attends pour aller les chercher et en offrir à tout le monde ? Tu vois bien que mes invités attendent !
Hélène - Je ne savais pas si c’était le moment.
Marie - Tu ne sais jamais rien !
Marie ne répond pas et sort de la pièce.
Diana - Je trouve que tu es un peu dure avec Hélène. Tu ne la ménages pas. Tu as tort.
Marie - Je sais ce dont elle a besoin. Il faut que je la stimule un peu, autrement elle ne ferait rien dans la maison. Je la connais…
Diana - Si j’ai bien compris, elle va faire les courses et elle sert à table ?
Marie - C’est ma benjamine.
Diana - Bien sûr, cela ne me regarde pas, mais je trouve que tu exagères. Un jour, elle se rebellera. Tu verras. Il n’y a pas pire eau que l’eau qui dort.
Marie - Mais elle aime que je la commande.
Diana - Personne n’aime ça. Rose, tu aimais quand ton mari te disait de faire ça ou ça ?
Rose - Quand j’étais très jeune, oui ; quand je suis devenue plus âgée, j’ai été frappée de surdité chaque fois qu’il commandait. A la fin, j’étais totalement sourde. Et puis, c’est moi qui l’ai commandé. Juste retour des choses. Et paix à son âme, s’il en avait une…
Cathy - Moi, j’aime quand un homme me commande. Quand c’est une femme aussi, mais il faut qu’elle soit… Enfin, vous voyez ce que je veux dire.
Diana - Moi, je ne vois rien du tout.
Cathy - Enfin, bref, j’aime les femmes qui ont de la personnalité. J’aime les gens forts. Ils me feraient faire n’importe quoi.
Rose - Alors il suffit qu’un homme prenne sa grosse voix et t’intime d’aller te coucher dans son lit pour que tu y ailles ?
Cathy - Pas exactement.
Diana - Je comprends. Il faut qu’il y mette les formes.
Cathy - C’est normal, non ?
Marie - Je me demande bien ce que peut faire Hélène… Elle en met un temps pour apporter ces gâteaux ! (Elle appelle.) Hélène !
La voix d’Hélène - Je viens. Je fais du thé.
Marie - Mais tu sais bien que certaines d’entre nous préfèrent de la tisane !
La voix d’Hélène - Mais je fais de la tisane aussi.
Marie (qui ne trouve plus rien à lui reprocher) - Ah bon. (Aux autres.) Vous voyez ? Ça lui a servi. Quand je la morigène quelque peu, elle se secoue et va même jusqu’à prendre des initiatives heureuses.
Hélène rentre avec un plateau de gâteaux et des tasses. Dans le silence, elle dispose les tasses sur la table avec délicatesse et sans bruit. Puis, légèrement, elle disparaît à nouveau pour reparaître avec deux grosses théières.
Hélène - Là, c’est du thé ; ici, c’est de la tisane. Du tilleul. Qui veut du thé ?
Cathy, Rose et Diana lèvent la main.
Marie - Moi, le thé, ça m’énerve. J’évite d’en prendre. Vous ne devriez pas en prendre. Enfin, vous faites comme vous voulez, moi, ce que je dis, c’est pour votre bien, après tout. Quoi ? Toi aussi, Hélène, tu prends du thé ? Habituellement tu fais comme moi, tu prends de la tisane.
Hélène - Aujourd’hui, j’ai envie de thé.
Marie - Même si ça te fait mal ?
Hélène - Même si ça me fait mal.
Marie - Tu ne te plaindras pas si, après, tu es malade. Et bien sûr, je...