Tableau 1
Le bureau du psychiatre dans une clinique.
Un individu fait irruption.
Le Flic - Police !
Le Psychiatre - La police ? Je ne vous ai pas appelé.
Le Flic - Vous ne pouviez pas le savoir.
Le Psychiatre - Savoir quoi ?
Le Flic - Que vous aviez besoin de nous.
Le Psychiatre - Parce que j'ai besoin de vous ?
Le Flic - On a toujours besoin de la police. Parfois on le sait, d'autres fois on ne le sait pas. Et vous, vous ne le saviez pas encore !
Le Psychiatre - Ici tout est tranquille. Je m'en porte garant. J'ai les choses bien en main.
Le Flic - La maîtrise de vos folles ?
Le Psychiatre - (rectifiant) Vous voulez dire de mes malades mentales ? Parfaitement.
Le Flic - De vos malades, oui. Et des autres ?
Le Psychiatre - Quels autres ?
Le Flic - Celles qui ne sont pas malades et que vous hébergez.
Le Psychiatre - Vous faites allusion à ma collaboratrice, aux infirmières ?
Le Flic - Non. Aux folles qui font semblant d'être folles.
Le Psychiatre - Je ne vous comprends pas. C'est une plaisanterie ?
Le Flic - La police ne plaisante jamais.
Le Psychiatre - A vous écouter, on pourrait le croire.
Le Flic - Etes-vous certain que toutes vos folles soient folles ?
Le Psychiatre - Bien sûr. On ne vient pas ici par plaisir.
Le Flic - Mais on peut y venir par intérêt.
Le Psychiatre - Quel intérêt ?
Le Flic - Celui de s'y cacher. De jouer au fou pour être pris pour un fou. Un fou parmi d'autres et vous n'y voyez que du fou... pardon que du feu ! D'ailleurs pour vous, jouer au fou c'est déjà l'être un peu.
Le Psychiatre - Nous savons déceler les simulateurs.
Le Flic - Permettez-moi d'en douter.
Le Psychiatre - Je ne vous le permets pas. D'ailleurs, je vais maintenant vous demander de quitter ce bureau.
Le Flic - Je suis en service.
Le Psychiatre - Vous avez un ordre de mission, de perquisition, une lettre du procureur, quelque chose qui le prouve ?
Le Flic - Non, seulement ma carte de policier, barrée bleu, blanc, rouge. Officielle.
Le Psychiatre - ça ne me suffit pas.
Le Flic - Vous devriez pourtant vous en contenter. Dans votre intérêt.
Le Psychiatre - Je ne vois vraiment pas pourquoi.
Le Flic - Pour des raisons de discrétion. Pour me permettre de mener mon enquête en douceur. Sans mettre la puce à l'oreille des coupables. En enfilant au besoin une blouse blanche pour jouer les faux médecins afin de démasquer les faux malades.
Le Psychiatre - N'y comptez pas ! Je ne peux en aucun cas vous autoriser à utiliser de tels procédés. Ma déontologie...
Le Flic - Votre déontologie consiste donc à héberger des assassins, à soustraire à la justice des criminels ? C'est ça votre déontologie ? Moi, j'appelle ça de la “complicité de meurtre” !
Le Psychiatre - Qui parle de meurtre ? Il ne s'est rien passé de la sorte ici.
Le Flic - Ici, non. Mais ailleurs, à l'extérieur, oui.
Le Psychiatre - Et en quoi cela me concerne-t-il ?
Le Flic - Les meurtres ont tous eu lieu à proximité de votre établissement. Les victimes sont des individus de sexe masculin qui n'avaient a priori aucune raison de s'y trouver. On avait dû leur donner rendez-vous, pour les attirer dans un piège. Tous tués à l'arme blanche avec...
Le Psychiatre - (l'interrompant) En effet, j'ai lu ça dans les journaux. Je me souviens maintenant. Il était même question de mutilations sexuelles.
Le Flic - Très bien Docteur. Mais appelons un chat un chat : on leur avait coupé les couilles.
Le Psychiatre - Et vous en avez déduit que seule une femme pouvait se livrer à ce petit jeu ?
Le Flic - Vous brûlez Docteur.
Le Psychiatre - Une femme, et de surcroît une malade mentale.
Le Flic - Vous refroidissez. Une femme certes, mais pas une malade mentale. Une femme saine d'esprit qui assume son désir de vengeance.
Le Psychiatre - Pourquoi dans ces conditions venir la rechercher dans une clinique psychiatrique ?
Le Flic - Parce que c'est une planque idéale. Elle est censée y être enfermée jour et nuit. Impossible de la soupçonner.
Le Psychiatre - Nous n'avons eu aucune admission depuis plus d'un mois.
Le Flic - La meurtrière est dans la place depuis longtemps. Elle accomplit son forfait la nuit puis revient tranquillement revêtir ses habits de folle, avant le lever du soleil.
Le Psychiatre - Ce n'est pas un moulin ici. On n'en sort pas comme on veut. Pas facile non plus d'y entrer. Les portes sont fermées à clef, il y a des infirmières qui surveillent, font des tours de garde.
Le Flic - Toutes les surveillances peuvent être déjouées. Vous ne savez pas à quel point l'âme des meurtriers peut être retorse. A croire qu'ils ont des capacités particulières, que leur soif de sang décuple leur ingéniosité. Vous connaissez les fous, Docteur, nous nous connaissons les assassins. A chacun sa spécialité !
Le Psychiatre - Quoi qu'il en soit, je ne vous laisserai pas perturber mes pensionnaires dans le seul but de vérifier une hypothèse qui ne tient même pas debout ! Pour la dernière fois, je vous demande de quitter les lieux.
Le Flic - Très bien. Vous l'aurez voulu !
Le Psychiatre - Voulu quoi ?
Le Flic -...