La leçon de chant
Dans cette saynète écrite pour la compagnie Dionysienne Maquis’Arts Théâtre, un professeur vaniteux et suffisant, PROF, tente en vain de transmettre son savoir universel à un élève peu doué mais malin, NIGO.
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Alors, aujourd’hui je vais vous apprendre à… chanter.
La semaine dernière, je vous ai enseigné l’art de disposer harmonieusement toutes les fleurs et fleurettes dans un vase profond, autrement dit : l’ikebana.
Vous en souvenez-vous ?
Oui monsieur.
Voyons voir. Première récapitulation :
si vous n’avez pas de vase profond vous devez utiliser un…
Bien… très bien. 17 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et répété, au cas ou vous n’auriez pas sous la main un vase profond, il faut utiliser un entonnoir… bouché !
Avez-vous compris ? Bou – ché !
Oui.
PROF
Oui qui ?
Oui monsieur.
Deuxième récapitulation : si vous n’avez pas de fleurs dans votre jardin vous pouvez les remplacer par des …
Oui. Des poireaux, monsieur.
15 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et re – répété, il vous faut des poireaux qui… qui…
Qui poussent.
Oui… monsieur.
Dites-moi, il en manque un peu là-dedans ! (Il le frappe sur la tête.)
Néanmoins, il serait dommage, que dis-je dommage, préjudiciable pour votre avenir qui s’annonce incertain et brillant, que vous ne profitassiez point de mon savoir universel.
Aussi, aujourd’hui, je vais vous inculquer... l’Art du Chant !
Oh oui monsieur ! Inculquez le moi s’il vous plaît.
Donc, première… et unique leçon.
Pour chanter à ravir, il faut posséder quatre éléments in-dis-pen-sa-bles !
Tout d’abord : l’intelligence !
Etes-vous intelligent ?
Je m’en doutais.
Tant mieux.Voilà une étape de franchie et non des moindres.
Ensuite, il est nécessaire, mais pas primordial, d’avoir été doté par dame Nature d’un bel organe.
Avez-vous été doté par dame Nature d’un bel organe ?
Oh Oui monsieur !
Je vous écoute.
NIGO vocalise.
A – E - I - O – U… U – O – I – E – A… A – E...
Parfait ! J’ai ouï. La preuve est éclatante ! Vous possédez un splendide filet de voix qui, sous mon impulsion, ne saurait tarder à devenir un torrent lyrique et majestueux, prochainement encensé par les mélomanes les plus exigeants.
De toute façon, comme je viens de le souligner, ce n’est pas primordial.
Ah bon.
En revanche, le troisième élément de la quadrilogie est, lui, réellement essentiel. Il fut inégalement réparti lors de la Distribution Générale Originelle.
Il s’agit du ta… du ta…
Du ta… du ta… du tapioca.
Non ! pas du tapioca. Du tal… du tal…
Du tal… du Talmud !
Non, non, non ! Pas du Talmud ! Du talent ! Comprenez-vous ? Du ta – lent !
Pensez-vous avoir reçu une once de ce talent ?
Oh oui ! Monsieur.
Tant mieux. Votre approche du chant n’en sera que plus facile.
Vous me devez cinq cents euros.
Je sais… je sais… vous allez me rétorquer qu’il s’agit là d’une somme rondelette.
Veuillez réaliser, avant de proférer quelque insanité à mon endroit, que je viens de vous faire toucher du doigt la quintessence de l’art vocal.
Mais… vous deviez m’enseigner les quatre éléments indispensables.
Or, je n’en compte que trois. L’intelligence, la voix, le talent.
Il en manque un. Je ne vous dois donc que les trois quarts de cinq cents euros.
C’est à dire… c’est à dire…
Mon jeune ami ! Où avais-je l’esprit ? J’ai omis le plus élémentaire, la fonction la plus capitale, celle qui constitue la substance même du chant et de la vie,
j’ai oublié de vous instruire sur la maîtrise du souffle.
Je vais compter. Si vous êtes capable de retenir votre respiration jusqu’à neuf cent quatre vingt dix neuf mille neuf cent quatre vingt dix neuf, alors soyez assuré qu’une longue et glorieuse carrière s’ouvre devant vous.
Etes vous prêt ?
Oui monsieur.
Un… deux… trois… quatre… cinq… six… sept… huit… neuf… dix…
NIGO continue à retenir sa respiration puis tombe sur le sol
Mon Dieu ! Mon Dieu ! Le pauvre enfant ! Il s’est étouffé ! Au secours, vite !
Au secours ! Quelqu’un vient de mourir ! Par ma faute !
Mon élève ! Mon seul élève ! Le plus doué de tous !
Revenez à vous. Revenez à nous. Hélas ! C’est trop tard !
Que vais je devenir si je n’ai plus personne à qui transmettre mes lumières ?
Je dois en trouver un autre sur le champ. Sinon je vais exploser sous la pression de toute cette connaissance accumulée pour rien !
Il voit un passant.
En voici un.
Hep ! Jeune homme !
Connaissez vous l’art mille fois millénaire de l’ikébana ?
Il sort pour suivre son nouvel élève.
Ca valait bien le coup de faire semblant de mourir pour économiser cinq cents euros !
_______________________________________________________
Texte déposé à la SACD
Alors, aujourd’hui je vais vous apprendre à… chanter.
La semaine dernière, je vous ai enseigné l’art de disposer harmonieusement toutes les fleurs et fleurettes dans un vase profond, autrement dit : l’ikebana.
Vous en souvenez-vous ?
Oui monsieur.
Voyons voir. Première récapitulation :
si vous n’avez pas de vase profond vous devez utiliser un…
Bien… très bien. 17 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et répété, au cas ou vous n’auriez pas sous la main un vase profond, il faut utiliser un entonnoir… bouché !
Avez-vous compris ? Bou – ché !
Oui.
PROF
Oui qui ?
Oui monsieur.
Deuxième récapitulation : si vous n’avez pas de fleurs dans votre jardin vous pouvez les remplacer par des …
Oui. Des poireaux, monsieur.
15 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et re – répété, il vous faut des poireaux qui… qui…
Qui poussent.
Oui… monsieur.
Dites-moi, il en manque un peu là-dedans ! (Il le frappe sur la tête.)
Néanmoins, il serait dommage, que dis-je dommage, préjudiciable pour votre avenir qui s’annonce incertain et brillant, que vous ne profitassiez point de mon savoir universel.
Aussi, aujourd’hui, je vais vous inculquer... l’Art du Chant !
Oh oui monsieur ! Inculquez le moi s’il vous plaît.
Donc, première… et unique leçon.
Pour chanter à ravir, il faut posséder quatre éléments in-dis-pen-sa-bles !
Tout d’abord : l’intelligence !
Etes-vous intelligent ?
Je m’en doutais.
Tant mieux.Voilà une étape de franchie et non des moindres.
Ensuite, il est nécessaire, mais pas primordial, d’avoir été doté par dame Nature d’un bel organe.
Avez-vous été doté par dame Nature d’un bel organe ?
Oh Oui monsieur !
Je vous écoute.
NIGO vocalise.
A – E - I - O – U… U – O – I – E – A… A – E...
Parfait ! J’ai ouï. La preuve est éclatante ! Vous possédez un splendide filet de voix qui, sous mon impulsion, ne saurait tarder à devenir un torrent lyrique et majestueux, prochainement encensé par les mélomanes les plus exigeants.
De toute façon, comme je viens de le souligner, ce n’est pas primordial.
Ah bon.
En revanche, le troisième élément de la quadrilogie est, lui, réellement essentiel. Il fut inégalement réparti lors de la Distribution Générale Originelle.
Il s’agit du ta… du ta…
Du ta… du ta… du tapioca.
Non ! pas du tapioca. Du tal… du tal…
Du tal… du Talmud !
Non, non, non ! Pas du Talmud ! Du talent ! Comprenez-vous ? Du ta – lent !
Pensez-vous avoir reçu une once de ce talent ?
Oh oui ! Monsieur.
Tant mieux. Votre approche du chant n’en sera que plus facile.
Vous me devez cinq cents euros.
Je sais… je sais… vous allez me rétorquer qu’il s’agit là d’une somme rondelette.
Veuillez réaliser, avant de proférer quelque insanité à mon endroit, que je viens de vous faire toucher du doigt la quintessence de l’art vocal.
Mais… vous deviez m’enseigner les quatre éléments indispensables.
Or, je n’en compte que trois. L’intelligence, la voix, le talent.
Il en manque un. Je ne vous dois donc que les trois quarts de cinq cents euros.
C’est à dire… c’est à dire…
Mon jeune ami ! Où avais-je l’esprit ? J’ai omis le plus élémentaire, la fonction la plus capitale, celle qui constitue la substance même du chant et de la vie,
j’ai oublié de vous instruire sur la maîtrise du souffle.
Je vais compter. Si vous êtes capable de retenir votre respiration jusqu’à neuf cent quatre vingt dix neuf mille neuf cent quatre vingt dix neuf, alors soyez assuré qu’une longue et glorieuse carrière s’ouvre devant vous.
Etes vous prêt ?
Oui monsieur.
Un… deux… trois… quatre… cinq… six… sept… huit… neuf… dix…
NIGO continue à retenir sa respiration puis tombe sur le sol
Mon Dieu ! Mon Dieu ! Le pauvre enfant ! Il s’est étouffé ! Au secours, vite !
Au secours ! Quelqu’un vient de mourir ! Par ma faute !
Mon élève ! Mon seul élève ! Le plus doué de tous !
Revenez à vous. Revenez à nous. Hélas ! C’est trop tard !
Que vais je devenir si je n’ai plus personne à qui transmettre mes lumières ?
Je dois en trouver un autre sur le champ. Sinon je vais exploser sous la pression de toute cette connaissance accumulée pour rien !
Il voit un passant.
En voici un.
Hep ! Jeune homme !
Connaissez vous l’art mille fois millénaire de l’ikébana ?
Il sort pour suivre son nouvel élève.
Ca valait bien le coup de faire semblant de mourir pour économiser cinq cents euros !
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Texte déposé à la SACD
Alors, aujourd’hui je vais vous apprendre à… chanter.
La semaine dernière, je vous ai enseigné l’art de disposer harmonieusement toutes les fleurs et fleurettes dans un vase profond, autrement dit : l’ikebana.
Vous en souvenez-vous ?
Oui monsieur.
Voyons voir. Première récapitulation :
si vous n’avez pas de vase profond vous devez utiliser un…
Bien… très bien. 17 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et répété, au cas ou vous n’auriez pas sous la main un vase profond, il faut utiliser un entonnoir… bouché !
Avez-vous compris ? Bou – ché !
Oui.
PROF
Oui qui ?
Oui monsieur.
Deuxième récapitulation : si vous n’avez pas de fleurs dans votre jardin vous pouvez les remplacer par des …
Oui. Des poireaux, monsieur.
15 sur 20
Pourquoi pas 20 sur 20 ?
Parce que, je vous l’ai dit et re – répété, il vous faut des poireaux qui… qui…
Qui poussent.
Oui… monsieur.
Dites-moi, il en manque un peu là-dedans ! (Il le frappe sur la tête.)
Néanmoins, il serait dommage, que dis-je dommage, préjudiciable pour votre avenir qui s’annonce incertain et brillant, que vous ne profitassiez point de mon savoir universel.
Aussi, aujourd’hui, je vais vous inculquer... l’Art du Chant !
Oh oui monsieur ! Inculquez le moi s’il vous plaît.
Donc, première… et unique leçon.
Pour chanter à ravir, il faut posséder quatre éléments in-dis-pen-sa-bles !
Tout d’abord : l’intelligence !
Etes-vous intelligent ?
Je m’en doutais.
Tant mieux.Voilà une étape de franchie et non des moindres.
Ensuite, il est nécessaire, mais pas primordial, d’avoir été doté par dame Nature d’un bel organe.
Avez-vous été doté par dame Nature d’un bel organe ?
Oh Oui monsieur !
Je vous écoute.
NIGO vocalise.
A – E - I - O – U… U – O – I – E – A… A – E...
Parfait ! J’ai ouï. La preuve est éclatante ! Vous possédez un splendide filet de voix qui, sous mon impulsion, ne saurait tarder à devenir un torrent lyrique et majestueux, prochainement encensé par les mélomanes les plus exigeants.
De toute façon, comme je viens de le souligner, ce n’est pas primordial.
Ah bon.
En revanche, le troisième élément de la quadrilogie est, lui, réellement essentiel. Il fut inégalement réparti lors de la Distribution Générale Originelle.
Il s’agit du ta… du ta…
Du ta… du ta… du tapioca.
Non ! pas du tapioca. Du tal… du tal…
Du tal… du Talmud !
Non, non, non ! Pas du Talmud ! Du talent ! Comprenez-vous ? Du ta – lent !
Pensez-vous avoir reçu une once de ce talent ?
Oh oui ! Monsieur.
Tant mieux. Votre approche du chant n’en sera que plus facile.
Vous me devez cinq cents euros.
Je sais… je sais… vous allez me rétorquer qu’il s’agit là d’une somme rondelette.
Veuillez réaliser, avant de proférer quelque insanité à mon endroit, que je viens de vous faire toucher du doigt la quintessence de l’art vocal.
Mais… vous deviez m’enseigner les quatre éléments indispensables.
Or, je n’en compte que trois. L’intelligence, la voix, le talent.
Il en manque un. Je ne vous dois donc que les trois quarts de cinq cents euros.
C’est à dire… c’est à dire…
Mon jeune ami ! Où avais-je l’esprit ? J’ai omis le plus élémentaire, la fonction la plus capitale, celle qui constitue la substance même du chant et de la vie,
j’ai oublié de vous instruire sur la maîtrise du souffle.
Je vais compter. Si vous êtes capable de retenir votre respiration jusqu’à neuf cent quatre vingt dix neuf mille neuf cent quatre vingt dix neuf, alors soyez assuré qu’une longue et glorieuse carrière s’ouvre devant vous.
Etes vous prêt ?
Oui monsieur.
Un… deux… trois… quatre… cinq… six… sept… huit… neuf… dix…
NIGO continue à retenir sa respiration puis tombe sur le sol
Mon Dieu ! Mon Dieu ! Le pauvre enfant ! Il s’est étouffé ! Au secours, vite !
Au secours ! Quelqu’un vient de mourir ! Par ma faute !
Mon élève ! Mon seul élève ! Le plus doué de tous !
Revenez à vous. Revenez à nous. Hélas ! C’est trop tard !
Que vais je devenir si je n’ai plus personne à qui transmettre mes lumières ?
Je dois en trouver un autre sur le champ. Sinon je vais exploser sous la pression de toute cette connaissance accumulée pour rien !
Il voit un passant.
En voici un.
Hep ! Jeune homme !
Connaissez vous l’art mille fois millénaire de l’ikébana ?
Il sort pour suivre son nouvel élève.
Ca valait bien le coup de faire semblant de mourir pour économiser cinq cents euros !
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