Scène 1 : Marquise, Marquis
La marquise entre, suivie du marquis.
Marquise / Non monsieur ! N'insistez pas !
Marquis / Mais enfin ! Ma bonne amie ! Ma colombe ! Ma poulette !
Marquise / Vous comptez faire toute la basse-cour ?
Marquis / Vous savez bien que je ne peux vivre sans.
Marquise / Vous n'avez qu'à vous débrouiller tout seul.
Marquis / Vous laisseriez votre mari ainsi ?
Marquise / N'essayez pas de m'apitoyer ! Quand je dis non c'est non. Vous le savez bien, non ?
Marquis / Je ne le sais que trop. Seulement..
Marquise / Je ne suis pas disposée.
Marquis / S'il vous plaît ? Je ne demande pas grand chose. Mais un petit geste de votre part..
Marquise / (Le regardant) Vous voulez que je vous fasse l’aumône ?
Marquis / Mais mon amie, quelques pièces de votre part m'aideraient grandement. Et je vous en serai éternellement reconnaissant.
Marquise / N'insistez pas ! Je vais finir par croire que vous m'avez épousée pour ma fortune.
Marquis / Comment pouvez-vous avoir une telle pensée ? Je prends ces mots comme une blessure. Alors, que la première fois où j’ai eu la chance de vous contempler, après, je n’ai plus penser qu’à..
Marquise / Qu'à quoi ?
Marquis / Qu'à vous ! Qu’à vous faire part de l’estime ! De l’admiration ! De l’affection que déjà je vous portais ! Je ne voyais que vos yeux, marquise ! Vos pieds ! Vos mains ! Votre sourire. Tout ! Marquise ! Tout chez vous me met sens dessus dessous.
Marquise / N'en jetez plus, mon ami ; la coupe est pleine.
Marquis / Votre grâce ! Votre esprit ! Votre générosité !
Marquise / Je vais déborder ! Allez plutôt jouer votre comédie à votre maîtresse ! Peut-être vous donnera t-elle quelques sous.
Marquis / Une maîtresse ! Moi ? .. Marquise, vous m’offensez. L'idée même de vous tromper me serait insupportable. Comment pouvez-vous imaginer pareille ignominie ?
Marquise / Je l'imagine très bien..
Marquis / Bon. Je l’avoue. Il est possible que parfois, je cède. Mais ce n'est point ma faute si les femmes m'admirent
Marquise / C’est peut-être de la mienne ?
Marquis / Madame, il s’agit là d’un usage.Vous savez bien qu'à la cour, la galanterie est très conseillée. La tradition, madame, la tradition.. Le roi lui-même..
Marquise / Le roi a tous les droits.
Marquis / Le roi est garant des traditions Et puis, ce que vous pensez être de l’amour, n’est qu’une petite distraction. Que voudriez-vous que je fasse de toutes ces journées ? Aller à la chasse ? J’ai horreur de la chasse.
Marquise / Cela dépend du gibier...
Marquis / Madame, vous me peinez. Vous dîtes cela sans doute à cause de la Comtesse de la Foirette. Ce n’est point ma faute si elle s’ennuie. Et si je peux être utile..
Marquise / Je trouve que vous distrayez beaucoup la Comtesse de la Foirette.
Marquis / La comtesse de la Foirette est cousine du beau frère de la nièce de la belle-sœur du chambellan de sa majesté. Elle apprécie ma personne et me veut à toutes ses réjouissances. Comment pourrais-je me dérober ?
Marquise / C'est très simple, vous dîtes que vous êtes marié. C'est une chose qu'une femme, et même une comtesse, peut comprendre.
Marquis / Mais la charge que m'a promis sa majesté ? Et qui cela-dit, vous profiterait aussi.. Comment pourrais-je l'obtenir si je m'écarte de madame de la Foirette.
Marquise / Et bien, nous nous passerons de votre charge. J'ai assez de biens pour tenir un siège jusqu'à la fin de nos jours. Que diriez-vous de la campagne ? C’est bien la campagne.
Marquis / Bien sûr.. La campagne.. C'est.. tentant, mais.. Vous savez.. Parfois l'ennui s'installe..
Marquise / Avez-vous peur de vous ennuyer avec ma personne ?
Marquis / Non point ? Auprès de vous, je me désennuie tous les jours. Je profite..
Marquise / Pour profiter, vous profitez.
Marquis / Mais parfois, nous devons aussi aller dans le monde. Et je ne peux me présenter aux après-midis que la Comtesse de La Foirette organise sans de nouveaux habits. Les miens sont démodés ; cela fait trois mois que je les mets.
Marquise / Vous n'aurez qu'à y aller sans vêtements La Foirette appréciera.
Marquis / Madame ? Vous vous moquez ! .. Vous me laisseriez ainsi !
Marquise / C'est cela, je vous laisserai. Et d’ailleurs, je me retire dans mon boudoir.
Marquis / Savez-vous que vous êtes cruelle ?
Marquise / Je sais, je suis méchante.
Marquis / Ce n’est point ce que j’ai voulu dire.
Marquise / Et bien, moi c’est ce que j’ai compris
Marquis / Alors, pour mon petit pécule..?
Marquise / Allez donc demander à vos servantes. Peut-être pourront-elles vous faire l'aumône.
Marquis / Mais madame, qu'entendez-vous par là ?
Marquise / Par là, je n'entends pas grand chose !
Marquis / Ah madame, vous me tuez. Vous me coupez les vivres.
Marquise / C'est ça, je vous les coupe ! (La Marquise veut partir).
Marquis / Attendez ! J'ai autre chose à vous dire
Marquise / Autre chose ? Vous m'inquiétez.
Marquis / Ma tante, la Comtesse de la Trémoulle doit passer ce jour.
Marquise / Encore !
Marquis / Il faut bien. Elle n'a que moi comme neveu, et vous savez que.. La famille..
Marquise / Je sais.. Elle a du bien, et bien sûr, vous l'adorez.
Marquis / Mais enfin, c'est ma tante ! On se doit d'aimer sa tante. La question ne peut se poser.
Marquise / Bien sûr..
Marquis / Elle vient rarement. Aussi, il serait bon que nous lui fassions bonne figure.
Marquise / (L'air pas aimable) Ai-je l'habitude de faire la tête ?
Marquis / Jamais ! Mais ce serait mieux si elle se sentait chez nous comme chez elle. Vous comprenez. Elle est si.. si.. Âgée.
Marquise / Et toujours vivante.
Marquis / C'est une nature. Rendez-vous compte, elle va encore à la chasse. On dit même que sous elle, elle aurait fait crever sept chevaux.
Marquise / Et trois maris.
Marquis / Ah oui ! Quelle santé !
Marquise / Et donc, vous voulez que je fasse bonne figure ?
Marquis / Madame, c’est ma tante et elle est..
Marquise / Je sais..
Marquis / Madame. Vos allusions sont si perfides. Je ne les mérite pas.
Marquise / Vous méritez surtout son héritage.
Marquis / Madame.. C’est la famille. Et ainsi, nous n'aurions pas à nous priver.
Marquise / Mais je ne me prive pas ! Cette vie me convient tout à fait.
Marquis / Ma bonne amie, je vous sens réticente. Nous pourrions peut-être en discuter en nous mettant plus à l'aise..
Marquise / Je vous vois venir, mon ami. Mais je connais votre stratagème, monsieur veut payer de sa personne.
Marquis / Oh ! Vous me faîtes mal ! Et moi qui me faisait déjà une joie de..
Marquise / Et bien pas moi.
La Marquise part, le Marquis la suit
Marquis / Mais si ! Je vous assure. Et d’ailleurs, vous êtes beaucoup mieux que la Foirette. .. Marquise ! Ne m'abandonnez pas ! Sans vous, je n’suis rien du tout !
Marquise / Sans mon argent, ça c'est sûr.
Scène 2 : Léontine, Marie
Léontine et Marie entrent
Léontine / Tu vois, Marie, qu'est-ce que je t'avais dit ? Monsieur n'a encore plus le sou.
Marie / C'est normal, faut toujours qu'il dépense.
Léontine / Le mois dernier, monsieur a acheté un cheval.
Marie / Et le mois d'avant, il en avait acheté un autre.
Léontine / Les deux font la paire, qu'il disait.
Marie / Alors que monsieur pourrait prendre la petite calèche, non !Monsieur veut la grande.
Léontine / Madame n'a pas tort quand elle lui refuse.
Marie / Oui, mais normalement, les épouses, elle ont pas l’droit de dire non. Même quand elle sont pas d’accord.
Léontine / Oui, et ben, un jour, faudra qu’ça change !
Marie / Qui qu’tu f’rais ?
Léontine / Tout c’qu’ jveux !
Marie / Ben moi, quand j'aurai un amoureux, je lui donnerai tout c'que j'ai.
Léontine / T'as rien du tout.
Marie / Peut-être, mais c'est le geste qui compte.
Léontine / Le geste, le geste... Quand t’as rien, t’as rien.
Marie / Il aura même pas besoin de d’mander !
Léontine / En tout cas, c'est pas demain la veille.
Marie / Que j'aurai un amoureux ?
Léontine / Que t'auras des sous. Les sous, c’est jamais pour nous.
Marie / Pour monsieur, c’est pareil. C’est pas pour lui non plus.
Léontine / Et pourtant, il s’en donne du mal.
Marie / Et là, va falloir qu’il fasse des prouesses s'il veut en avoir.
Léontine / C'est pas pour en dire du mal, mais c’est vrai que monsieur est un peu dépensier. En plus, des sous qui sont pas à lui.
Marie / C’est parce qu’il a le cœur sur la main.
Léontine / Le cœur sur la main, et la main, faut pas demander où !
Marie / L'autre jour, pour ma fête, il m'a donné quatre sous.
Léontine / Quatre sous ? A la Saint Léontine, j'en ai eu que deux.
Marie / Il a pas dû faire attention ! Monsieur le marquis, il compte pas les sous.
Léontine / Oui, mais moi, j'les compte. Parc'que des sous, quand on en a pas, on les compte encore plus.
Marie / Bon, et bien, tiens, je vais te r'donner un sou. Comme ça, on aura pareil.
Léontine / Ah mais non ! C'qu'est à toi, c'est à toi. Moi, je vais aller demander une augmentation à madame.
Marie / Une augmentation ! Je vais aller avec toi. A deux on aura plus.
Léontine / T'as raison. Et même qu'on va y'aller tout d'suite.
Marie / Euh.. Peut-être qu'il faudrait mieux qu’on attende que monsieur ait fini.. Parce que.. en ce moment je crois bien que monsieur est en train d'emprunter..
Léontine / Madame la marquise, elle a dit non.
Marie / Elle a dit non, mais ça veut rien dire.
Léontine / T'en fais pas. Connaissant monsieur, à cette heure là, ça doit déjà être fini.
Scène 3 : Marquis, Marie, Léontine
La marquise entre
Marquise / Qu'est-ce qui est déjà fini ?
Marie / Euh.. Les poules, madame: ! Le renard en a mangé une. Et si on fait pas attention, elles vont toutes y passer.
Léontine / Ah oui ! Le renard, faut toujours qu'il s'attaque aux poules !
Marie / Dès qu'il en voit une, il se jette dessus
Léontine / Alors, nous, on sait plus quoi faire.
Marquise / Et bien, demandez au garde-chasse. On dit que c'est un spécialiste en poules.
Marie / Ah ça oui, madame. Il sait y faire avec les poules.
Léontine / Et pas qu'avec les poules..
Marquise / Pas qu’avec les poules..?
Léontine / Avec les oies, aussi, il s’y prend bien aussi avec les oies.
Marie / C’est pas pour dire, mais dans son genre, c’est l’meilleur.
Marquise / J’espère bien. Il me coûte assez cher, il peut bien s'occuper de ma volaille !
Marie / Il fait tout pour.
Marquise / Alors, vous lui direz de me débarrasser de ce renard ; je n’veux pas d’ça chez moi !
Léontine / Oh oui madame ! On va pas manquer de lui dire..
Marquise / Ah ! J’oubliais. Madame de la Trémoulle vient aujourd'hui. Alors vous me préparez une vieille poule. Il en reste au moins ?
Marie / J'crois bien. Le renard, il préfère les jeunes.
Marquise / Tant mieux ! C’est une tante de mon mari. Et mon mari, y tient beaucoup.
Léontine / J’comprends, madame.
Marquise / Elle est très âgée.. Et certainement fragile.
Marie / Vous en faîtes pas, madame ! On va bien la soigner.
Marquise / Bien. Et alors, qu’attendez-vous ?
Léontine / Ben c’est que..
Marquise / C’est que quoi ?
Léontine / Ben..
Marquise / Mais enfin, parlez !
Léontine / Ben voilà madame.. On est.. comme qui dirait.. à votre service depuis..
Marie / Depuis longtemps, madame.
Léontine / Oh la la.
Marquise / C'est exact, et je dois dire que je suis assez satisfaite de vos services.
Léontine / C'est vrai, madame ?
Marquise / Vous ai-je déjà menti ?
Marie / Ah non ! Vous avez des déf.. Vous êtes pas une menteuse ! Hein Léontine !
Léontine / Ah ça c’est vrai.
Marquise / D’ailleurs, mentir, c'est un péché.
Marie / Il paraît.
Marquise / Monsieur l'abbé l'a dit : il ne faut jamais mentir. Il faut faire sa prière, il faut bien travailler..
Marie / Et aussi, il faut partager..
Marquise / Partager.. Partager..
Marie / Ah si ! Il l'a dit. C’est pas vrai, Léontine ?
Léontine / Ah si. J’crois bien qu’il l’a dit.
Marie / Et pas plut tard qu’à la messe de dimanche, madame !
Marquise / Ah oui ! .. Partager les tâches difficiles, s'entraider..
Ensuite, la Marquise s'attend à leur demande et fronce de plus en plus les sourcils
Léontine / Y'a pas que ça, madame.
Marie / Et Il a dit aussi : Celui qui n'a pas tout donné n'a rien donné.
Marquise / Il a dit ça ?
Marie / Ah oui ! J'étais à la messe, j'ai tout vu !
Léontine / Ces choses là, on s'en rappelle bien.
Marquise / Et vous voulez me donner quoi ?
Léontine / Ben.. Euh.. Non madame.. Ce serait plutôt..
Marie / Le contraire !
Marquise / Ah ! Je vois. Je vois.. Je crois que monsieur l'abbé a dit que la vraie richesse, c’était celle de son âme.
Léontine / Ah bon ?
Marquise / Que les biens de ce monde ne comptaient pas.
Marie / Ben moi ; j’ai pas entendu.
Léontine / Ça compte un peu quand même..
Marie / Déjà qu’on n’a pas grand chose.
Léontine / Alors on se demandait..
Marquise / Vous vous demandiez quoi ?
Léontine / Si vous vouliez bien..
Marie / S'il vous plaît ?
Léontine / Nous accorder..
Marie / S'il vous plaît !
Léontine / Une petite..
Marie / Un tout petit..
Léontine / Renforcement.
Marie / De nos émoluments.
Marquise / Comment ?
Marie / S'il vous plaît.
Léontine / Madame
Marquise / Vous voulez ma mort ?
Léontine / Ben.. On s'excuse, mais ça nous ferait bien plaisir.
Marquise / Je vous ai augmenté il y a cinq ans.
Marie / C'est que ça passe vite..
Marquise / Mais c'est incroyable ! Alors, je vous accepte chez moi, je vous nourris, et vous demandez en plus que je vous augmente !
Léontine / C'est parce qu'on travaille, madame.
Marquise / Et moi ? Je ne travaille pas, moi ?
Marie / Oui mais vous, vous êtes la Marquise !
Marquise / Et alors ! Vous croyez que c'est facile d'être une marquise de nos jours ? Les fermages à encaisser, les récoltes à vendre, le parc à entretenir, le carrosse à réparer, je fais tout ici moi, et je ne suis même pas payée !
Léontine / Ah ben oui..
Marie / Mais, pour notre petite augmentation..
Marquise / On verra ça à la Saint Michel
Marie / A la Saint Michel ! Oh madame est trop bonne !
Marquise / Évidemment !
Léontine / C’est-il sûr ?
Marquise / Comment ?
Léontine / Bon, et ben merci, hein.
Marquise / Inutile de me remercier ! Allons ! Au travail !
Marie ! Oh oui madame ! On s'y remet tout de suite.
La Marquise part
Scène 4 : Léontine, Marie
Léontine / A la Saint Michel ! Si elle nous donne quelque chose, ça sera à la Saint Glinglin.
Marie / Mais madame a promis.
Léontine / Madame a promis de voir ça. C'est pas pareil. Et je peux tout dire, pour elle, c'est tout vu.
Marie / Ben un jour, on fichera l’camp, et on ira travailler ailleurs.
Léontine / C’est pas la peine ; ailleurs, c’est pareil.
On entend une cloche
Marie / T'as entendu la cloche ?
Léontine / Ça doit être la Trémoulle.
Marie / J'l'aime bien, madame de la Trémoulle. Elle a la santé.
Léontine / Ca c’est une femme ! Sept chevaux, et trois maris !
Marie / Les pauvres bêtes.. (Marie regarde à la fenêtre)
Léontine / Alors ? Qui c'est ?
Marie / (Elle regarde qui agite la cloche) Oh ben non ! C'est pas elle, c'est monsieur l'curé.
Léontine / Encore !
Marie / Et on dirait bien qu'il a sa tête des mauvais jours. Il doit venir demander des sous
Léontine / Ou alors se faire inviter.
Marie / Forcément ; c'est qu’ça mange, un curé !
Marie / Madame lui donne toujours..
Léontine / Elle est obligée. Si elle donne pas, elle va direct en enfer.
Marie / Il a toujours un truc à d’mander.
Léontine / Quand c’est pas pour l’église, c’est pour le presbytère. Quand c’est pas l’presbytère, c’est pour autre chose. Il a toujours un truc qui cloche.
Marie / Il s’rait pas en soutane, elle le mettrait dehors.
Léontine / Faut l’voir quand il d’mande. On devrait payer pour r’garder.
Marie / (Elle imite le curé) «Ma chère Marquise, j'ai des fuites».
Léontine / (Imitant la Marquise) «Vous avez des fuites, monsieur l'abbé ?»
Marie / (Imitant l'abbé) «Mon toit. J'ai le toit qui fuit».
Léontine / Ah monsieur l'abbé, comme je vous plains»
Marie / «Le presbytère est si froid, et le bois si cher».
Léontine / «Vous n'avez point de bois ?»
Marie / «Hélas ! Savez-vous que le soir, je dois me couvrir d'une couverture».
Léontine / «Seigneur ! Et votre petite bonne ?»
Marie / «Elle fait ce qu'elle peut».
Léontine / «Je peux vous donner quelques bûches».
Marie / «Le bon Dieu vous le rendra .
Léontine / «Espérons, monsieur l'abbé, espérons».
Marie / «Vous êtes si bonne, Marquise. Vous êtes une sainte»
Léontine / «Je ne fais que mon devoir»
Marie / «Hélas, Je dois faire attention à tout. Heureusement je mange très peu».
Léontine / «Ça n’se voit pas monsieur l’abbé».
Marie / «C'est que je maigris surtout à l'intérieur».
Léontine / «La semaine dernière, vous avez fini la dinde».
Marie / Ah bon ?»
Elles reprennent leurs rôles.
Léontine / Une dinde de dix kilos.
Marie / Sans compter l'dessert !
Elles rient toutes les deux et reprennent leurs personnages. On sonne à nouveau
Léontine / Voilà ! J’arrive !
Scène 5 : Abbé, Marie, Léontine
L'abbé entre
Abbé / Ah mes enfants ! Cette marche m'a épuisé. Le château est tellement loin du presbytère et je n'ai guère que mes jambes pour me porter.
Marie / Bonjour monsieur l'abbé.
Abbé / Bonjour la Marie. Alors toujours pas de fiancé en vue ?
Marie / Ça viendra monsieur l'abbé. Les fiancés, c'est comme les mouches, on en chasse une ; il en arrive de partout.
Abbé / Tant mieux ! Parce que comme on dit chez nous, une fille pas mariée, faut s'en méfier.
Léontine / Monsieur l'abbé ! Vous avez toujours le mot qu'il faut.
Abbé / Oui Léontine. Mais que veux-tu, comme le berger je veille sur mon troupeau. ..
Léontine / Heureusement. Avec tous les loups qui traînent..
Abbé / Et oui. Mais je suis là. .. Et. Madame la marquise est-elle ici ?
Marie / Ah mais oui ! Je vais la prévenir. (Elle part)
Scène 6 : Abbé, Léontine
Abbé / J'avais peur qu'elle ne se soit absentée.
Léontine / Elle ne quitte pas beaucoup.
Abbé / Tant mieux. Tant mieux... C'est que.. En ce moment.. C'est difficile..
Léontine / C'est difficile pour tout le monde, monsieur l'abbé.
Abbé / Ah bon ?
Léontine / Mais bon ?
Abbé / C’est ta destinée, Léontine. C’est le chemin que t’as choisi le seigneur. Il faut l’en remercier.
Léontine / Oh mais je le remercie tous les jours.
Abbé / C’est bien, mon enfant ; et quand tu ne seras plus de ce monde, tu en seras récompensée.
Léontine / Euh.. Merci.
Abbé / Il faut savoir se contenter de son sort.
Léontine / Oh ben, Pour m’en contenter, j’m’en contente.
Abbé / Moi même. Tous les jours je dois me battre. C'est si difficile de s'occuper de sa paroisse quand on ne peut compter que sur ses paroissiens.
Léontine / Lesquels ?
Abbé / Tous. Tous mes paroissiens. Si nombreux, et qui donnent si peu.
Léontine / Peut-être qu’ils peuvent pas.
Abbé / Léontine.. On peut toujours.
Léontine / Oui. Euh. . Je vais y aller. C'est que j'ai le repas à préparer.
Abbé / Fais donc, Léontine. .. Va faire ton devoir.
Léontine / C’est que moi, je suis pas là pour m’amuser.
Abbé / Mais je sais. Et il t’en sera gré.
Léontine / On verra bien.
Abbé / Mais au fait ? Que prépares-tu pour le dîner?
Léontine / Une poule, monsieur l'abbé.
Ensuite l'abbé salive tandis que Léontine donne le menu
Abbé / Une poule ?
Léontine / Avec de la crème..
Abbé / De la crème..
Léontine / Des haricots..
Abbé / Des haricots..
Léontine / Du fromage..
Abbé / Du fromage..
Léontine / Une tarte aux poires..
Abbé / Une tarte aux poires ?
Léontine / Madame adore les poires..
Abbé / Je sais..
Léontine / Et un petit vin de derrière les fagots dont madame a fait venir tout un tonneau.
Abbé / Tout un tonneau ?
Scène 7 : Marquis, abbé
Le Marquis entre
Marquis / Monsieur l'abbé ! Vous ici !
Abbé / Oui, monsieur le marquis. Je suis passé par là sans m'en rendre compte.
Marquis / C'est incroyable. Vous avez fait trois kilomètres pour passer par là sans vous en apercevoir !
Abbé / C'est que je marche en disant mes prières. Quand je prie le Seigneur, je ne compte pas mes pas.
Marquis / Et vous arrivez juste avant que nous passions à table. C’est incroyable.
Abbé / Ah bon ? Décidément, je devrais moins prier.
Marquis / Mai si ! Prier n’a jamais fait de mal à personne.
Abbé /: Vous avez raison ; Parfois je dis n’importe quoi.
Marquis /Tant que ce n’est pas pendant la messe, vous dîtes ce que vous voulez, l’abbé !
Abbé / Je m’en veux, mais je m’en veux !
Marquis / Naturellement, vous restez à dîner.
Abbé / Monsieur le Marquis, je ne veux point m’incruster.
Marquis / Mais si. D’ailleurs, le Seigneur n’a t-il pas recommandé de partager son pain.
Abbé / Oui, je crois bien qu’il l’a dit.
Marquis / Et bien, pour changer, nous partagerons une poule.
Abbé / Monsieur le Marquis, je ne veux point abuser.
Marquis / Mais si ! De temps en temps, il faut savoir abuser. Et ainsi, vous ferez en plus une bonne action ; La marquise a tellement besoin de distractions.
Abbé / Serait-elle souffrante ?
Marquis / Elle s'ennuie
Abbé / Elle s’ennuie ? .. De quoi ?
Marquis / De tout. De rien. Allez savoir.. C’est une femme après tout.
Abbé / C’est vrai.
Marquis / Parfois, elle me désespère.
Abbé / Elle devrait peut-être voyager, profiter un peu.. Sans trop d'excès bien sûr.
Marquis / Pour les excès, ne vous en faîtes pas, ce n'est pas son genre.
Abbé / Je sais. Votre épouse est une femme comme il y a en a si peu.
Marquis / Heureus.. C'est sûr..
Abbé / Jamais trop de fantaisies..
Marquis / Oh oui. Ce n’est pas son genre.
Abbé / Toujours prête à aider son prochain.
Marquis / Pas tous..
Abbé / Pas tous ?
Marquis / Savez-vous qu'elle m'a mis au régime.
Abbé / Au régime ? C'est affreux.
Marquis / Il y a des jours où je ne mange pas à ma faim. Un navet. Un bout d’viande. Je flétris, l’abbé ; je flétris.
Abbé / Mon Dieu !
Marquis / Mais aujourd'hui, nous recevons. Alors grâce à vous, je vais enfin manger.
Abbé / Si je puis rendre service..
Marquis / (Chuchoté) Nous avons de la poule..
Abbé / C’est merveilleux les poules ; je bénis d'avance votre repas
Marquis / Aujourd’hui, mon assiette sera pleine. Grâce à vous, l’abbé ! Grâce à vous !
Abbé / Le seigneur m’aura envoyé à votre secours.
Marquis / Et il a bien fait. .. D’autant plus..
Abbé / Y’a pas que de la poule ?
Marquis / Ma tante, l’abbé. Ma tante ! La comtesse de la Trémoulle.
Abbé / (Il se signe) La comtesse de la Trémoulle ! Oh mon Dieu !
Marquis / Oui je sais. Vous la connaissez.
Abbé / Seigneur Marie Joseph..
Marquis / Allons l'abbé. Vous savez, elle peut être agréable.
Abbé / Il faut que je réfléchisse. .. Bon c'est d'accord, mais c'est bien pour vous faire plaisir.
Marquis / Merci infiniment. Ma femme se fait tellement de soucis.
Abbé / Je la comprends.
Marquis / Votre présence l’aidera à tenir. En plus, elle vous adore.
Abbé / J'essaie d'en être digne.
Marquis / C'est là une louable intention.
Abbé / C’est mon devoir
Marquis / Et c’est bien. C’est même très bien.
Abbé / Je donne, et parfois, on me donne aussi.
Marquis / On vous donne..?
Abbé / Savez-vous que dimanche dernier, madame De La Routarde m'a donné vingt louis pour mon église.
.
Marquis / Vingt Louis ?
Abbé / Oui. J'ai le toit qui fuit.
Marquis / Et vous n'avez pas les moyens de le faire moins fuir ?
Abbé / J'ai si peu.
Marquis / Mais vos paroissiens ?
Abbé / Ils sont pauvres
Marquis / Ils sont pauvres, ils sont pauvres, mais en cherchant bien.. C'est que c'est cachottier, un pauvre.
Abbé / Ah monsieur le Marquis. Je sens bien que vous voulez m'aider mais je ne peux espérer qu'en ceux qui le sont moins démunis.
Marquis / Et c'est qui ?
Abbé / Madame la Marquise sait entendre la souffrance
Marquis / Elle n'entend pas bien en ce moment.
Abbé / Malgré tout, peut-être pourrais-je tenter auprès d’elle.
Marquis / Mais tentez, l'abbé. Tentez là. Après tout, les femmes ont une âme, non ?
Abbé / Euh.. Ah oui. .. Ah monsieur le Marquis, vous êtes trop bon.
Marquis / Si seulement madame s'en rendait compte.
Abbé / Je sais.
Marquis / D’ailleurs, si vous pouviez lui conseiller..
Abbé / Quoi, monsieur le Marquis ?
Marquis / De se montrer plus charitable avec son entourage.
Abbé / Son entourage ? Quel entourage ?
Marquis / Moi. Je suis son plus proche entourage.
Abbé / Et que devrais-je lui dire ?
Marquis / La vérité, l'abbé. Que son mari souffre et qu'il souffre encore davantage qu'elle ne le voit point souffrir.
Abbé / Mon pauvre monsieur..
Marquis / Et en échange, je vous promets d'intercéder en votre faveur.
Abbé / Et bien oui. Je vais essayer de la convaincre que vous n’êtes pas un... Que vous méritez.
Marquis / Surtout, n’hésitez pas !
Abbé / Je vais lui apporter quelques conseils qui viendront autant de l'abbé que de l'ami.
Marquis / Ca c’est bien.
Abbé / C’est comme si c’était fait ?
Marquis / Par contre, j'aurais un autre petit service à vous demander.
Abbé / Un autre service ?
Marquis / Si vous pouviez aussi parler à madame de la Trémoulle..
Abbé / La Trémoulle ? La..?.
Marquis / C’est ça. ..
Abbé / Je vois.
Marquis / Elle n'entend pas toujours très bien non plus.. Alors si vous pouviez lui glisser un mot, même deux..
Abbé / Mais à quel propos ?
Marquis / Mais au sujet de son âme ! De son salut ! Sept chevaux, trois maris ! Et autant de châteaux ! Cela lui sera reproché là haut.
Abbé / Oh oui ! Vous avez raison. Il faudrait qu'elle se déleste de ses péchés.
Marquis / Et de quelques biens, sinon, au paradis, ils ne la laisseront jamais entrer.
Abbé / La porte est si étroite.
Marquis / Et je suis son seul neveu.
Abbé / Hélas..
Marquis / Ben non.
Abbé / Ah oui ! J'ai compris ! Ca ne doit pas sortir de la famille.
Marquis / La famille, c'est sacré !
Abbé / De la poule ce midi, vous avez dit ?
Marquis / Oui l'abbé. Et une belle poule, vous pouvez me faire confiance ! .. Je vais appeler madame. Alors l'abbé, je compte sur vous.
Abbé / Je ferai au mieux, monsieur le Marquis. Avec l'aide de notre seigneur.
Marquis / Ah oui ! Lui aussi.
Le marquis sort
Scène 8 : Abbé, Marquise
Abbé / (Il se met à prier) Seigneur. Si vous pouviez exaucer ma petite prière, juste quelques sous pour le toit, et puis, à propos de cette petite poule. Je ne demande qu'une simple cuisse ! Seigneur, je vous en prie..
La Marquise entre
Marquise / Vous priez, monsieur l'abbé ?
Abbé / Oh madame ! Je prie matin et soir, et même quand je dors, je prie encore.
Marquise / Et que priez vous donc ?
Abbé / Je prie pour tout. Pour que madame ait de bonnes récoltes. Pour que le soleil brille chaque jour au dessus de sa tête. Pour que madame garde sa fraîcheur..
Marquise / Oh monsieur l'abbé. Vous priez pour moi ?
Abbé / Madame la Marquise, je prie pour toutes les bonnes âmes ; elles sont si rares..
Marquise / Et les mauvaises, priez-vous aussi pour les mauvaises ?
Abbé / Bien sûr, mais je dois avouer. .. Parfois j'ai un peu de mal. Vous savez, être abbé n'empêche pas d'avoir des sentiments humains.
Marquise / Des sentiments humains ?
Abbé / Les plus nobles bien sûr.
Marquise / Bien sûr.. Et comment va votre petite bonne ?
Abbé / Ma.. ? Elle va bien.
Marquise / Tant mieux. Parce qu’un abbé, ça demande beaucoup de travail.
Abbé / Elle me soulage beaucoup.
Marquise / Je n'en doute pas monsieur l'abbé ; mais je dois vous dire que j'ai parfois entendu des choses..
Abbé / Entendu des choses ?
Marquise / La médisance est tellement de règle de nos jours.
Abbé / Jaserait-on sur mon compte ?
Marquise / Que l'on dise un peu de mal des petites gens, passe encore, mais des honnêtes gens..
Abbé / Mais que dit-on, madame ?
Marquise / On dit que vous êtes un homme.
Abbé / Oui. Il me semble. Mais quoi encore ?
Marquise / Ben un homme..
Abbé / Oh ! Je n’y fais pas attention.
Marquise / D’autres y font attention ; d’autres y font attention.
Abbé / Les mauvaise langues, madame. On devrait les couper.
Marquise / Euh.. Qui plus est, vous avez un port de tête assez rare.
Abbé / Vous trouvez ?
Marquise / Ca se voit, l’abbé ; ça se voit . Et on vous regarde.
Abbé / On me regarde passer..
Marquise / Vous ne passez jamais inaperçu lorsque vous passez quelque part.
Abbé / Madame, je ne fais jamais attention à moi. Aussi, je ne peux mesurer l'effet que je fais quand je parais.
Marquise / D'autres mesurent, l'abbé. D'autres mesurent..
Abbé / Ce n'est pas de ma faute si je suis bien pourvu. Et je n'en fais pas étalage.
Marquise / Et votre modestie vous honore, l'abbé. Vous êtes abbé, vous n’y pouvez rien. Mais j'en connais plus d'une effrontée qui ne s'embarrasserait pas trop de ce détail.
Abbé / Plus d'une ..? Des femmes, vous voulez dire ? Oh mon Dieu ! (Il se signe)
Marquise / Oui monsieur l'abbé. Les hommes, je ne sais pas, mais certaines femmes,,, et oui. Tenez, pas plus tard qu'avant hier, une de mes amies, dont je ne peux divulguer le nom, me disait qu'il était rare de croiser un si bel homme de nos jours.
Abbé / Votre amie est fort charitable.
Marquise / Fort charitable ? Croyez-moi, elle ne le disait pas dans un esprit très charitable.
Abbé / Elle ne m'aime point ?
Marquise / Au contraire.. Elle vous adore
Abbé / Mon Dieu !
Marquise / A votre encontre, elle m'a même parlé de gâchis.
Abbé / Moi ? Un gâchis ?
Marquise / Un gâchis pour la gente féminine. Et je dois dire que je ne lui donne pas tout à fait tort. Après tout, il y a tant d'abbés de nos jours qu'un de plus ou un de moins, le Seigneur ne verrait pas la différence.
Abbé / Comment pourrait-elle penser une seconde..?
Marquise / Elle y pense, l'abbé, elle y pense.
Abbé / Mais je n'en crois pas mes oreilles
Marquise / (Sur le ton de la confidence) Sa mère avait eu une liaison avec un cardinal..
Abbé / Avec un cardinal ?
Marquise / Oui. Mais bon, avec un cardinal, c'est normal non ?
Abbé / Bien sûr. C'est assez courant dans les grandes familles, mais ferait-elle partie de mes habituées.
Marquise / Vous avez beaucoup d'habituées ?
Abbé / La baronne de la Bigote. La comtesse de la Tremblotte, et tant d'autres. Elles viennent chaque semaine au confessionnal.
Marquise / Et pourquoi croyez vous que ces dames veuillent se confesser tous les huit jours ? Je doute que ce soit pour les beaux yeux du Seigneur.
Abbé / Oh mon Dieu ! Et moi qui croyait ! (Il se met à prier)
Marquise / Je vois que cela vous trouble, l'abbé. J'en suis désolée.
Abbé / Madame Je m'efforce chaque jour de ne pas contempler toutes les beautés de ce monde.
Marquise / Et que contemplez vous ? L'abbé ?
Abbé / Les fleurs, les animaux, la nature, parfois aussi les vieilles pierres. J'aime beaucoup cheminer parmi les vieilles pierres en lisant mon bréviaire.
Marquise / Et quoi encore ?
Abbé / Les poules, les dindes, les canards. J'aime bien contempler des canards.
Marquise / C'est vrai qu'il y a de beaux canards.
Abbé / N'est-ce pas ? Oh ! J'allais oublier. J'ai quelque chose à vous demander.
Marquise / Mais demandez, l'abbé ! Demandez !
Abbé / Seulement, cela me gêne. Peut-être pourrions nous en discuter plus au calme. Cette pièce me semble très passagère.
Marquise / Bien sûr. Allons donc dans mon boudoir. Moi aussi j'aimerais vous faire part d'un problème de conscience qui m'empêche même de dormir.
Abbé / De dormir ! Si je peux faire quelque chose. Oh madame. Si j'osais
Marquise / Mais osez l'abbé ! Osez !
Abbé / Et puis ce midi, pardonnez-moi, mais votre mari m'a parlé d'une petite poule. Il m'a invité. Cela me gène.
Marquise / Ah. Monsieur l'abbé. Pas de gêne entre nous ; Et vous verrez, rien ne vaut une bonne petite poulette ; Vous allez adorer. (Elle glousse)
Abbé / Oh madame.
Marquise / Je m’amuse, l’abbé ! Je m’amuse. .. Je fais très bien la poule.
Elle glousse à nouveau
Abbé / Oh madame.
Ils partent
Scène 9 : Léontine, Marquise
Le marquis entre et sonne. Léontine entre ensuite
Léontine / Monsieur m'a demandée ?
Marquis / Il me semble avoir aperçu la Comtesse de la Trémoulle dans le parc.
Léontine / Oui. Monsieur. Elle est ici ; je l'ai installée dans le petit salon.
Marquis / La malheureuse ! Nous ne pouvons faire patienter ma chère tante. Faîtes la donc entrer
Léontine / J'y cours, monsieur.
Marquis / (Il se frotte les mains) ! La vieille ! La vieille comtesse et son vieil argent..
Scène 10 : Comtesse, Marquis
La comtesse entre
Comtesse / Elle-même.
Marquis / Euh.. Ah.. Enfin, ma tante ! Vous voilà !
Comtesse / Alors mon neveu, on me fait poireauter ?
Marquise / Ma chère tante ! Quelle idée ! Seulement, je ne vous savais point présente.
Comtesse / Mais j'étais là. Je suis toujours là.
Marquis / Vous êtes venue ? Depuis le temps que je ne vous ai point vue.
Comtesse / Et oui. Le temps passe.
Marquis / Mais pas sur vous, ma tante. Pas sur vous !
Comtesse / Le menteur ! Il n’en pense pas un mot.
Marquis / Mais si, ma tante. Mais si. Il n’est point de jour où je ne pense pas à vous.
Comtesse / Et moi donc ! Moi aussi, je pense à vous.
Marquis / C'est tellement gentil de penser à moi. Comment allez-vous ?
Comtesse / Comme vous voyez, je ne suis pas morte
Marquis / Oh ma tante, que dîtes vous ?
Comtesse / Parce que si je devais compter sur vos visites, je serais morte d'ennui.
Marquis / Pourtant je vous ai vue..
Comtesse / Il y a un an. Pour mon anniversaire.
Marquis / Déjà ? .. Mais vous n'avez pas changé. Vous faîtes toujours aussi..
Comtesse / Toujours aussi vieille, je sais.
Marquis / Mais non.
Comtesse / Mais si.
Marquis / Parfois, la mélancolie me prend. Je vous imagine. Seule, dans votre grand château..
Comtesse / Oh ! Bien trop grand à mon goût.
Marquis / Votre si beau parc.
Comtesse / Je m’y promène rarement.
Marquis / Euh.. Un gâteau ?
Comtesse / Un tout petit..
Elle prend le plus gros
Marquis / Désirez-vous vous étancher ?
Comtesse / Peur-être un petit remontant.. ?
Marquis / Une tisane ?
Comtesse / Une tisane ? Ai-je une tête à boire de la tisane ?
Marquis / Ben..
Comtesse / Les tisanes, c'est du pisse-mémère. Non ! Un petit coup de gnôle, comme ils disent, chez les péquenots.
Le Marquis va à la porte
Marquis / Ah. Euh..
Comtesse / C’est bien ça, la gnôle.
Marquis / Eh ! La Marie ! Apporte nous la gnôle !
Comtesse / Alors, mon neveu. Dîtes moi comment vont vos affaires ?
Marquis / Mes affaires. Elles vont, ma tante, elles vont.
Comtesse / Tant mieux ! Parce que je n'aimerais guère avoir à vous faire l'aumône.
Marquis / Oh ma tante ! Votre argent, c'est votre argent. Pour vos vieux jours. Dans quelques années bien sûr.. De longues années..
Comtesse / Ah mon neveu ! Vous êtes trop bon.
Marquis / C'est plutôt à moi de veiller à votre confort.
Comtesse / C'est bien dit, mon neveu. A mon âge, un peu de confort, c'est du réconfort.
Marquis / C'est tellement vrai..
Scène 11 : Comtesse, Marquis, Marie
Marie entre et apporte une bouteille sur un plateau ainsi que des petits verres
Marie / Voilà ! Monsieur le Marquis ! (Ensuite elle attend)
Marquis / Et bien laissez-nous. Vous ne voulez pas en boire, j'espère ?
Marie / Pardon monsieur le marquis. Je pensais servir
La comtesse s'empare de la bouteille
Comtesse / Je me servirai moi-même.
Marie part
Scène 12 : Comtesse, Marquis
La Comtesse s'empare de la bouteille et la regarde
Comtesse / Et bien dîtes, moi, cette bouteille est plus vieille que moi. (Elle se verse elle-même un verre)
Marquis / Elle est comme vous, ma tante ; Elle ne fait pas son âge.
Comtesse / Ah ben dis donc, c’est ma journée !
Elle a du mal à servir
Marquis / Attendez ma tante, je vais m'en charger.
Comtesse / Et bien allez-y ! Ce serait dommage d’en mettre à côté.
Sous l’œil de la comtesse, le Marquis prend la bouteille et verse ; cela semble interminable)
Comtesse / Encore un peu..
Marquis / Vous êtes sûre ?
Comtesse / Allez-y ! C’est p’t’être le dernier coup de gnôle que je bois ! Alors autant en profiter !
Marquis / C’est que je pense à votre santé.
Comtesse / Vous pensez trop. Ne seriez vous pas un peu radin ?
Marquis / Oh ma tante ! Dans votre verre, j'irais jusqu'à y vider un tonneau.
Comtesse / Parce que je n'aime guère les radins ! Encore un peu.. C'est qu'il un peu petit, le verre.. (Le baron verse toujours) Maintenant ! A vous ! Et allez ! Cul sec ! Comme chez les péquenots !
Elle boit son verre d'un trait. Le marquis boit et tousse
Comtesse / Vous n'allez tout de même pas trépasser à cause d'un petit remontant ?
Marquis / C'est un peu fort.
Comtesse / Un peu fort ? Mais qu'est-ce qui m'a fait un Marquis pareil ? Allez ! Un autre ! C'est ma tournée !
Marquis / Mais ma tante ?
Comtesse / Je sais.. Le médecin m'a prévenue. Évitez la gnôle. Mais la gnôle, c'est mon péché mignon. (Chuchoté) Je n'en ai guère d'autres. Je n'ai pas d'amants, enfin, pas d'amants vivants. Je ne mange pas trop, bref je m'ennuie. Et puis, faut bien mourir un jour, et ce jour là, je vous le dis, vous ne serez pas déçu.
Marquis / Ma tante, il ne faut pas dire des choses pareilles.
Comtesse / Je n'ai qu'une parole ! Quand j'y passerai, vous pourrez faire la fête !
Marquis / Oh ma tante ! C'est trop triste.
Comtesse / Allons allons.. Vous vous en remettrez.
Marquis / Ce sera dur.
Comtesse / Savoir que sa mort fera du bien à quelqu'un, ça m’aide à tenir. .. Allez ! Santé !
Marquis / Vous êtes sûre que ça ira ?
Comtesse / Ça nettoie tout à l'intérieur. (Elle boit très vite).. Pas mauvaise, la tisane.. Et puis, je dois vous dire, j'ai un petit secret..
Marquis / Un secret, ma tante ?
Comtesse / Un secret familial..
Marquis / Familial.. ?
Comtesse / Un magot. Un petit magot. Mais bien rempli
Marquis / Oh ma tante..
Comtesse / Allons, mon neveu. Ne faites pas l'idiot. Quand je serai sous terre, vous n'aurez plus à vous en faire ! Tiens ? Je fais déjà des vers.
Marquis / Oh ma tante.. Vous voulez un petit oreiller ?
Comtesse / Les oreillers, c'est pour les vieux. .. Et dans mon petit coffre, j'ai mis aussi quelques bijoux.
Marquis / Des bijoux ?
Comtesse / J’vais pas les porter ; même avec, ça attire plus.
Marquis / Des bijoux..
Comtesse / Trois kilos. Autour du cou, c’est trop lourd.
Marquis / Trois kilos ?
Comtesse / Et des pièces d'or.
Marquis / Des pièces d'or ?
Comtesse / Trois cents.
Marquis / Trois Cent kilos ?
Comtesse / Trois cents pièces.
Marquis / C’est bien quand même.
Comtesse / Et je les ai bien cachées.
Marquis / Euh.. (Il propose un autre verre) La rincette ?
Comtesse / (Elle tend son verre) Allons y pour la rincette !
Marquis / Ma tante, vous prenez des risques..
Comtesse / Tant mieux !
Marquise / Oh non ! Je tiens trop à vous.
Comtesse / Je sais. Et je sais aussi que ce n'est pas toujours drôle avec votre épouse. Elle est moins gaie qu’une porte de cimetière.
Marquis / Elle déprime souvent
Comtesse / Et pour ce qui est du batifolage, à ce qu’on m’a dit ; ce n’est pas la fête tous les soirs.
Marquis / Oh ma tante ! Madame la Marquise fait son devoir
Comtesse / C'est ça, elle fait son devoir. Mais bon, elle avait du bien, vous n'aviez rien, et vous l’avez épousé. Remarquez à votre place, j'en aurais fait autant. .. Allez, remettez moi ça !
Marquise / Je remplis jusqu'où ?
Comtesse / Jusqu'à la fin ! Je peux tenir la chopine. (Elle chancelle) Ah mais, qu'est-ce que c'est qui m'arrive. Oh la la ! Je m'sens pas bien tout d'un coup.
Marquis / Mon Dieu ! Ma tante ! Ma tante ! (Il crie) Vous m'entendez ?
Comtesse / Ben oui que j't'entends !
Marquis / Oh ! Je vais chercher le médecin.
Comtesse / Pour qu'il m'achève ! Jamais !
Marquis / Tenez bon ma tante ! Tenez bon !
L'abbé entre.
Scène 13 : Marquis, Comtesse, Abbé
Abbé / Qu’y a t-il ? On se meurt ?
Marquis / Ah l'abbé ! C'est ma tante. Je crains qu'elle ne tienne plus très longtemps.
Abbé / Qu'arrive t-il ? (Il voit la comtesse) Serait-elle ?
Marquis / Pas encore.
Abbé / Je dois peut-être lui donner les derniers secours ?
Marquis / Bien sûr, mais elle a aussi parlé d'un petit coffre.
Abbé / Un coffre ?
Marquis / Avec des bijoux, des pièces.. Elle l'a caché.
Abbé / Des bijoux ?
Marquis / Elle ne m'a pas dit où ?
Abbé / Et vous voulez que ?
Marquis / Elle allait juste me le dire ! Et voilà !
Abbé / Oh mon Dieu, mon dieu mon Dieu !
Marquis / Bien sûr, on partagera. Il s'agit juste d'un petit service. Mais je vous en conjure, faîtes la parler.
Abbé / C'est ennuyeux..
Marquis / C'est pour son salut. Elle ne peut partir sans ce coffre sur la conscience
Abbé / C'est juste. Je vais tâcher de le lui faire dire.
Marquis / Vous me sauvez la vie. .. Je vais chercher ma femme.
Le Marquis sort.
Scène 14 : Abbé, Comtesse
L'abbé se penche sur la comtesse. Elle a du mal à s'exprimer
Comtesse / Qui c'est ?
Abbé / Madame la Comtesse, c'est moi.
Comtesse / Qui ça ?
Abbé / L'abbé.
Comtesse / Oh mon Dieu !
Abbé / Mais non ! C’est l'abbé Dugros.
Comtesse / L'abbé Dugros.. Alors l'abbé ? Toujours des fuites ?
Abbé / Pardon ?
Comtesse / Mais non ! Faut bien prendre la mort du bon côté !
Abbé / Vous allez mieux ?
Comtesse / Je ne sais. C'est peut-être le chant du cygne. Ma dernière mélodie. Et bientôt, on ne m'entendra plus.
Abbé / Mon enfant, il ne faut pas parler ainsi.
Comtesse / Mon enfant ? Je pourrais être votre mère !
Abbé / Mais non. Quand je dis enfant, je l'entends au sens de l'innocence, de la fraîcheur.
Comtesse / La fraîcheur.. La fraîcheur..
Abbé / Vous êtes comme une fleur
Comtesse / Ouais ! Et je crois bien qu' j'ai trop arrosé la fleur.
Abbé / Mais non ! Il ne faut pas parler ainsi. Voulez vous vous soulager ?
Comtesse / Pas la peine, j'y suis allé tout à l'heure.
Abbé / Non . Vous soulager. Dire ce que vous avez sur le cœur.
Comtesse / Ah ça j'veux bien parce que l'abbé, il y a longtemps que j'ai envie de vous causer.
Abbé / Je vous écoute.
Comtesse / C'est que l'abbé.. C'est difficile à dire
Abbé / Oh, j'en ai entendu d'autres ! Allez-y !
Comtesse / L'abbé, j'crois bien que j'ai l'béguin.
Abbé / Ah bon ? Mais pour qui ?
Comtesse / Pour vous, l'abbé. Je sais, c'est pas bien, mais j'y peux rien. Alors, comme je vais passer, j'voudrais bien partir sur un bon souvenir.
Abbé / Un bon souvenir ? Mais ? Comment ?
Comtesse / Juste un baiser.
Abbé / Mais vous n'y pensez pas. Oh Mon dieu, vous avez bu ?
Comtesse / Juste trois verres de gnôle. (Elle ouvre la bouche) Tenez, sentez !
Abbé / (Il sent et fait la moue) Je ne peux accéder à votre demande !
Comtesse / Allez, on dira rien. Et après je me confesserai.
Abbé / Mais ce n'est pas possible
Comtesse / Bon et ben tant pis. Je vais mourir triste.
Abbé / Mais voyons ! Il faut être raisonnable
Comtesse / Ça quand on est mort, y'a pas plus raisonnable.
Abbé / Il ne faut pas dire cela
Comtesse / Si c’est comme ça, je vais me laisser aller. Toute seule ! Allez, au revoir tout l'monde ! Et bonjour chez vous.
Abbé / Tenez bon ! Il y a toujours de l'espoir.
Comtesse / Ça dépend pour qui ?
Abbé / Votre neveu, monsieur le Marquis, sera très triste
Comtesse / Il s'en remettra !
Abbé / Et il ne vous l'a pas dit, mais il traverse de graves difficultés en ce moment
Comtesse / Moi aussi !
Abbé / Oui bien sûr.. La santé, c'est pas toujours ça...
Comtesse / Vous savez, l'abbé. J'ai dépensé.
Abbé / Des mauvaises pensées ?
Comtesse / Non ! Dépensé ! J'ai beaucoup dépensé !
Abbé / Je sais, madame. Je sais... Mais vous savez : qui n'a pas tout donné n'a rien donné.
Comtesse / Et maintenant, je n'ai plus rien. Je ne l'ai pas dit à mon neveu, ça lui ferait un choc. C'est que je l'aime bien, mon neveu.
Abbé / Et vous n'avez rien d'autre.. ?
Comtesse / Je suis ruinée. Mes châteaux envolés. Et tout cela à cause de..
Abbé / A cause de quoi ?
Comtesse / L'amour, l'abbé ! Vous connaissez ?
Abbé / L'amour.. l'amour ?
Comtesse / L'amour ! Seulement j'ai visé trop jeune. Et les jeunes, ça profite.
Abbé / Et vous regrettez.
Comtesse / Pas du tout ! Mais bon, maintenant, je n'ai plus rien.
Abbé / Vous êtes sûre ?
Comtesse / Peut-être bien que si..
Abbé / Allons mon enfant, il faut soulager votre conscience
Comtesse / J'aurai bien un petit quelque chose dans un petit coffre..
Abbé / Un petit coffre ? Et il est où ?
Comtesse / Je l'avais mis de côté pour mes vieux jours
Abbé / Et il est où ?
Comtesse / Je veux bien vous l'dire, l'abbé, mais faudra me rendre un petit service.
Abbé / Un service. Vous savez que je ne peux..
Comtesse / Oh ça j'ai compris. Enfin l'abbé vous savez pas ce que vous perdez.
Abbé / Voyons madame..
Comtesse / Parce que si jamais je m'en sors, j'aimerais bien rester ici. Vous savez. Avoir une famille.
Abbé / Madame la Comtesse, vous êtes exaucée. Monsieur le Marquis me l'a dit à l'instant. Il veut prendre soin de vous comme si vous étiez sa maman.
Comtesse / Oui. Mais je préfère m'en remettre à vous, monsieur l'abbé. Vous savez comment sont les gens. Des promesses, des promesses. Et moi je ne peux vivre avec des promesses
Abbé / Que voulez-vous que je fasse ?
Comtesse / Que vous intercédiez en ma faveur, l'abbé. Qu'ils prennent soin de moi jusqu'à la fin. Faut que j’agonise en famille ! Et je vous promets, je ne serais pas une ingrate.
Abbé / Oh madame ! C'est là mon devoir
Comtesse / Bien sûr. Et pour le coffre, je ne le dirai qu'à vous.
Abbé / Madame ! Je ne sais si je puis
Comtesse / Mais si. Pour votre œuvres.
Abbé / J’ai tant à faire.
Comtesse / Ca doit être dur.
Abbé / Très dur.
Comtesse / Et votre p’tite bonne, elle en dit quoi ? Parce que j'ai entendu dire que.. Hein l'abbé ?
Abbé / Oh madame ! Vous êtes incorrigible.
Comtesse / Allez l'abbé. Laissez vous tenter. On dira rien. S'il vous plaît ? Un bisou ?
Abbé / Ah non.
Comtesse / Bon ben j'aurais toujours essayé. Oh ! Mais ? Qu'est -ce qui m'arrive ? Je redéfaille !
Abbé / Madame la comtesse, vous n'allez pas ?
Scène 15 : Comtesse, Abbé, Marquis, Marquise
Le Marquis et la Marquise entrent
Marquis / Mon Dieu, elle est ?
Abbé / Je crois que c'est la fin. Elle délire. (A la comtesse) Madame Comtesse, voici votre neveu. Ainsi que madame la Marquise.
Comtesse / Ah ! Mes enfants.. Ma nièce ! Mon neveu ?
Abbé / (Au Marquis et à la marquise) Je crois que madame la comtesse désire vous parler.
Comtesse / Approchez, mon neveu ! Et vous aussi, ma nièce.
Marquise / Ma tante, accrochez-vous.
Comtesse / Ne vous inquiétez pas ; je ne suis pas contagieuse. .. Enfin j’espère..
Marquis / Ma tante ! Ne partez pas !
Comtesse / Il le faut pourtant. Mais dans mon malheur, je suis heureuse de trépasser auprès de vous deux qui m'aimaient tellement.
Marquis / Il ne faut pas dire cela. Vous vivrez, et vous resterez chez nous aussi longtemps que vous voudrez.
Marquise / Certainement. Je le dis devant monsieur l'abbé. Vous pourrez rester.
Comtesse / Jusqu’à la fin. C’est gentil.
Abbé / Pas forcément.
Comtesse / C’est trop tard.
Marquis / Non, ma tante. C’est trop tôt.
Comtesse / Mais avant de vous quitter, je voudrais vous confier où j'ai caché mes maigres économies.
Marquise / Cela n'est pas si pressé, ma tante
Marquis / (Regardant drôlement la Marquise) Mais si. Ma tante, si cela peut vous soulager, confiez nous tout. .. N'est-ce pas l'abbé ?
Abbé / Il faut toujours parler avant de se taire pour toujours.
Comtesse / Mon petit coffre..
Marquis / Votre petit coffre..
Comtesse / Je l'ai caché..
Marquis / Oui. Vous l'avez caché.
Comtesse / Dans..
Marquis / Oui..
Comtesse / Dans..
Marquis / Dans quoi, ma tante ?
Comtesse / Dans.... Ahhhhhhhhhhhhhhh
Marquis / Non !
Marquise / Mais dans quoi !
Marquis / Vous allez parler !
Marquise / Il est où ?
Abbé / Peut-être que.. ?
Marquis / Où t'as planqué' l'magot ? (Il la secoue) Mais tu vas parler, vieille peau !
Abbé / Monsieur le Marquis ! Je crois que c’est fini.
Scène 16 : Comtesse, Marquise, Marquise, Abbé, Marie, Léontine, Marie
Marie et Léontine entrent
Marie / Madame, le dîner est servi
Marquise / Le dîner, quel dîner ?
Léontine / La poule, madame. Nous avons fait de la poule.
Comtesse / (Elle se redresse) De la poule ? J'adore la poule !
Marquis / Vous ! Vous n'êtes pas ?
Abbé / C'est un miracle !
Marquise / A l'instant vous venez de..
Comtesse / Trépasser ? J'ai eu un petit évanouissement. Cela m'arrive de temps en temps, mais heureusement, ça ne dure pas.
Abbé / C'est que vous nous avez fait peur, madame la Comtesse.
Comtesse / C'est le mot poule qui m'a réveillé
Marquis / Mais tout à l'heure, vous nous parliez de votre trésor..
Comtesse / Un trésor, j'ai dit ça moi ?
Abbé / Ah oui ! Moi aussi j'ai entendu.
Comtesse / Un trésor. Ah oui ! Mon petit trésor.
Marquis / Vous vouliez nous dire où il était.
Marquise / Ce serait plus prudent que l'on vous raccompagne chez vous ?
Comtesse / Chez moi. Mais je n'ai plus de chez moi. Je suis pauvre. Ce n'est pas de ma faute, j'ai tout dépensé. Et puis, vous êtes tellement gentil de vouloir m'héberger.
Marquise / Vous héberger ?
Comtesse / Ah oui. Vous l'avez dit. N'est-ce pas, monsieur l'abbé ?
Abbé / (A la marquise) Oui madame. Je crois bien que vous l'avez dit
Marquis / Vous êtes sûr ?
Abbé / Ce sont bien vos mots, et de nobles mots.
Comtesse / Et je vais vous dire, je suis faite pour la vie de famille. Alors, j'y suis j'y reste !
Marie / Madame ? La poule, elle va refroidir
Marquis / Et pour votre trésor ? Ce serait peut-être plus prudent de nous dire maintenant..
Comtesse / Plus tard, mon neveu. Plus tard. Mais c'est promis, j'y penserai. N'est-ce pas, l'abbé ?
Abbé / Oui madame la Comtesse. Naturellement.
Comtesse / Tiens, la Léontine et la Marie, venez donc m'aider à me relever.
Léontine / Bien sûr, madame..
Léontine et Marie viennent aider la Comtesse
Comtesse / Les braves petites ! Approchez. Je vais vous dire quelque chose.. (La comtesse leur chuchote quelques mots)
Marquise / Mais enfin, vous avez vu ? Elle parle aux domestiques.
Abbé / Jésus lui-même, parlait à tout le monde.
Marquise / Oui, mais pas nous !
Comtesse / (A Léontine et Marie) Et surtout, faut rien dire !
Léontine / C’est promis, madame la Comtesse.
Comtesse / Que quand j’s’rai morte !
Marie / Juré ! Craché !
Marquis / Mais qu’est-ce qu’elle leur a raconté ?
Abbé / Sans doute ses dernières volontés.
Comtesse / Allez ! Et maintenant, on va s'occuper d'la poule ! Faut pas la laisser refroidir.
La comtesse se lève et s’apprête à sortir, aidée par les servantes. Le marquis et la marquise chuchotent.
Marquise / Je me demande ce qu'elle a bien pu leur dire ?
Marquis / Le coffre ! Elle leur a forcément parlé du coffre.
Marquise / Elle leur a dit où il était caché ?
Marquis / Elle est capable de tout !
Marquise / C’est une honte !
Marquis / Mais toutes servantes qu'elles soient, je les ferai parler.
Marquise / Et vous vous y prendrez comment
Marquis / Je ne sais point encore mais j'y parviendrai.
Abbé / Dieu vous entende, mon fils.
Marquise / Telles que je connais mes servantes, elles ne parleront pas sans quelque chose en échange..
Abbé / Les pauvres n'en ont jamais assez.
Marquis / Ma tante ? Attendez moi ! Je vais vous porter Laissez-moi vous soutenir ! (Il sort)
Comtesse / C'est pas la peine de crier, je n'suis pas sourde !
Marquise / (Aux servantes) Laissez. On s’en occupe.
Scène 17 : Léontine, Marie, Marquis
Elles restent
Léontine / Et ben dis-donc.
Marie / Tu l’as dit.
Léontine / Faut qu’ça nous tombe dessus.
Marie / En plus on a rien d’mandé.
Léontine / Qui qu’on va faire ?
Marie / On va en profiter.
Le marquis revient
Marquis / Ah mes amies ! Quelle épreuve !.. (Hypocrite) Ca va..?
Léontine / Faut pas s’plaindre.
Marquis / Parce que si ça ne va pas, je suis là.
Marie / On sait.
Marquis / Si y’a quelque chose qui vous chiffonne, faut l’dire.
Léontine / Justement ! Ca tombe bien.
Marquis / Si je peux aider..
Marie / Mais il peut !
Marquis / Et la marquise est dans les mêmes dispositions. .. Notre pauvre tante..
Léontine / Pauvre.., pauvre..
Marquis / Ah bon ? Elle n’est pas. ?
Léontine / C’est ça ; elle n’est pas..
Marie / Mais si on cause, on veut un papier !
Marquis / Un papier ? .. Mais bien sûr.
Marie / Avec monsieur l’curé !
Marquis / Le.. Évidemment. .. Alors, j’écoute.
Léontine / On aimerait bien une augmentation.
Marquis / Une augmentation...
Marie / Et du canard !
Léontine / Et pas travailler l’dimanche !
Marie / Vu qu’faut qu’on aille à la messe !
Léontine / Et pis, on voudrait aussi un coup d’main.
Marie / Deux servantes en plus.
Marquis / Deux ?
Marie / Ah ben sinon..
Marquis / C’est.. C’est noté.
Léontine / Faudrait mieux !
Marquis / Et à part ça ?
Marie / On va vous écrire.
Léontine / Ben non. On sait pas écrire.
Marie / On va réfléchir !
Marquis / Et puis ?
Léontine / Après, on vous dira.
Marquis / Oui, mais quand ?
Marie / Quand on voudra !
Scène 18 : Marquis, Marquise
Quelques jours après..
Marquis / Vous m’avez fait mander marquise ?
Marquise / De fait monsieur. De fait, je voulais vous entretenir
Marquis / M’entretenir ? Ah !
Marquise / Vous entretenir au sujet de votre tante
Marquis / Ah !
Marquise / Ah comme vous dites ! .. Madame la comtesse séjourne chez nous depuis déjà un mois !
Marquis / Déjà ?
Marquise / Le temps vous a paru court ?
Marquis / Ma foi….
Marquise / Pas à moi ! Avez-vous évoqué avec elle une date de retour en son château ?
Marquis / Nous n’avons pas encore eu l’occasion d’aborder ce sujet.
Marquise / Mais abordez monsieur, abordez !
Marquis / Peut-être pourriez-vous vous-même lui en souffler deux mots ?
Marquise / Vous plaisantez ! Une marquise ne s’abaisse pas à ce genre de conversation.
Marquis / Je suis moi-même marquis
Marquise / Mais un marquis ruiné ! Ca ne compte pas
Marquis / La faute ne m’en incombe pas. Mes ancêtres se sont chargés de dilapider une grande part de notre fortune
Marquise / Et vous avez dilapidé le reste.
Marquis / Si vous saviez comme je regrette..
Marquise / Moi aussi. Alors, la comtesse est au parc, ce matin, aussi, je vous serai reconnaissante d’aller l’y rejoindre
Marquis / Qu’entendez-vous par reconnaissante ?
Marquise / Voyons tout d’abord, ce qu’il résultera de votre démarche
Marquis / Admettez ma mie que c’est là une démarche délicate ; il s’agit de ma tante, et..
Marquise / Je sais bien qu’elle est votre tante ! Mais ce n’est pas une raison pour qu’elle plante la sienne !
Marquis / Puis-je vous rappeler que nous lui avons tous deux proposé de séjourner chez nous.
Marquise / Un séjour de quelque temps. Pas indéfiniment.
Marquis / Je ne suis pas certain sûr qu’elle l’ait entendu comme ça
Marquise / Eh bien je vous charge de le lui faire entendre
Marquis / C’est que…
Marquise / Oui ?
Marquis / C’est une vieille dame fragile
Marquise / Une vielle dame fragile qui mange comme deux hommes, boit comme quatre. Elle a même des vues sur notre garde-chasse. Le malheureux s’en plaint.
Marquis / Je ne savais pas.
Marquise / Ca doit être de famille..
Marquis / Elle a l’esprit jeune
Marquise / Et elle ne se décide pas à trépasser.
Marquis / Elle a encore eu un malaise ce matin
Marquise / Elle avait trop mangé !
Marquis / C’est vrai qu’elle a bon appétit.
Marquise / Les malaises de la comtesse sont comme les sous dans votre poche, ils s’envolent très vite.
Marquis / Au fait ! A propos de sous…
Marquise / Demandez donc à votre chère tante ! Apparemment, elle ne vous a toujours pas confié son petit magot
Scène 19 / Léontine, Marie, Marquis
Léontine entre
Léontine / Excusez-moi madame, madame la comtesse voudrait savoir ce qu’il y aura au déjeuner ce midi
Marquise / Nous le lui ferons savoir en temps voulu
Léontine / Elle aimerait également que l’on serve le même vin qu’hier au soir
Marquise / Nous verrons ! .. Votre fragile petite tante, monsieur, commence sérieusement à m’échauffer les oreilles ! Et aussi ces deux petites nigaudes de servantes qui sont à ses ordres !
Marquis / Justement ! Elles m’ont confié hier qu’elles m’avoueraient enfin, le secret que la comtesse leur a murmuré.
Marquise / Tout de même ! Et quand comptent t’elles vous faire ces révélations ?
Marquis / A la Saint Michel !
Scène 20 / Léontine, Marie, Abbé
Léontine et Marie entrent
Léontine / Je crois bien que madame ne supporte plus la comtesse
Marie / Pour sûr, pingre comme elle est.
Léontine / Pour trouver plus pingre, faudrait aller loin.
Marie / Même son chien, il a pas assez.
Léontine / Comme nous..
Marie / Moi si j’aurais des sous, et ben j’t’en donnerais.
Léontine / Pour ça faudrait que t’épouses un bonhomme qu’en a.
Marie / Un vieux, ça en a toujours un peu.
Léontine / Les vieux, ça court pas les rues.
Marie/ Oui mais, ça court pas vite.
Léontine / Ca devrait quand même se trouver.
Marie / Mais faudrait pas qu’y dure trop longtemps.
Toutes deux rient
Marie / Moi je l’aime bien, madame la comtesse
Léontine / Surtout depuis qu’elle t’a donné une pièce d’or !
Marie / Toi aussi tu en a eu une ! Cette fois on a eu tout pareil !
Léontine / Et on en aura encore une tous les mois
Marie / Moi je vais les garder pour mon mariage
Léontine / T’as même pas encore de fiancé
Marie / Quand je serai riche, j’en aurai comme j’en veux !
Léontine / Si c’est pour les sous qu’il te veut, ça vaut pas !
Marie / T’as raison, j’dirai rien
Léontine / Pis la comtesse elle a bien dit de rien dire ; même à l’abbé qu’elle a dit !
Marie / On a juré craché !
Léontine / Si on cause, elle nous donnera plu(s)
Marie / Tu sais combien il en faut des pièces pour être riche ?
Léontine / Non, mais une c’est pas assez
Marie / Je vais demander à monsieur
Léontine / Non, déjà qu’il croit qu’on sait ou madame la comtesse a caché son petit magot
Marie / Pour sûr qu’il le croit ! Et on lui dira pas puisqu’on sait pas !
Léontine / Mais on va continuer à lui faire croire
Marie / Le pauvre, il me fait de la peine, j’avais envie de lui rendre les cinq sous qu’il m’a donné hier
Léontine / Si ça s’trouve, on est plus riche que lui maintenant
Marie / Mais dis donc, c’est pas monsieur l’abbé qui vient là ?
Léontine / C’est sûrement lui, il est midi !
Marie / Il va encore vouloir nous passer à confesse !
Léontine / On trouvera bien moyen pour pas y’aller
Scène 21 / Léontine, Marie, Abbé
Abbé / Bonjour mesdemoiselles ! Comment vous portez vous ce matin ?
Léontine / Ce midi, vous voulez dire, monsieur l’abbé ?
Abbé / Il est déjà midi ? .. Je ne vois pas le temps passer
Marie / Ah ben nous, le temps, il en finit pas. C’est qu’les journées sont longues. Une varie éternité.
Abbé / (Il joint les mains et lève les yeux au ciel) Tu travailleras à la sueur de ton front, a dit le Seigneur.
Marie / Il aurait pu dire autre chose..
Abbé / A cause du péché originel.
Marie / Tout ça pour une pomme.
Abbé / Les pommes ça fait rêver. Rêver du Seigneur.
Marie / Si ça pouvait nous faire dormir, ce s’rait bien aussi.
Abbé / Courage mon enfant ! Là haut, vous serez récompensée.
Marie / J’aimerais ben qu’on m’récompense aussi un peu ici.
Abbé / Les dessins du Seigneur sont impénétrables.
Léontine / Voulez vous que je vous annonce à madame la marquise ?
Abbé/ Oui, mais d’abord, je voulais m’entretenir avec vous deux.
Léontine, Marie / Avec nous deux ?
Marie / Qui qu’on a fait ?
Abbé / Justement. Cela fait presque une semaine que je vous ai entendues à confesse.
Léontine / C’est qu’avec madame la comtesse, on a beaucoup plus de travail maintenant
Marie / Et puis, on n’a pas pu faire grand chose de mal ; on est trop occupées.
Abbé / En ce cas, je me ferai un plaisir de vous recevoir pendant votre jour de congé.
Marie / Ca peut pas attendre ?
Abbé / Marie. Le seigneur peut te rappeler à lui à tous moments.
Marie / Oui, mais faut pas qu’il s’impatiente. Y’a pas l’feu.
Abbé / Une fois par semaine, ce n’est quand même pas la mer à boire !
Marie / Bon. J’vas faire un effort. Mais je vous préviens, vous s’rez déçu. J’ai rien fait.
Abbé / On trouvera bien ou deux péchés.
Marie / Ben.. Des fois, je mange un peu plus que d’habitude. .. La gourmandise, c’est t-il un péché ?
Abbé / Euh.. Un, petit. Y’a plus grave.
Léontine / De toutes façons, si on voulait faire des péchés, on n’aurait pas l’temps.
Marie / On n’arrête pas.
Abbé / Et toi, Léontine ?
Léontine / Oui oui. J’y penserai, mon père. .. Mais ? .. N’est-ce pas la comtesse là-bas qui me fait signe ?
Abbé / (Il regarde) Ah oui. C’est madame la comtesse.
Léontine / Elle doit avoir faim.
Marie / C’est sûr. C’est qu’ça mange encore à cet âge là.
Léontine / Je vais prévenir madame.
Marie / Et moi, de votre arrivée, monsieur l’abbé.
Abbé / Euh... C’est quoi, ce midi ?
Léontine / De la dinde. Madame aime bien les dindes.
Abbé / (Rêveur) De la dinde.. Et pourtant, ce n’est pas Noël
Marie et Léontine s’éloignent
Léontine / (Crié) C’est une vieille dinde ! Elle aurait pas t’nu jusqu’à Noël !
Abbé / Mais..? Pour la confession ?
Léontine / Ca peut pas s’faire à Pâques ?
Abbé / Ou à la trinité.. Les petits coquines. Elles me fuiraient qu’elles ne s’y prendraient pas autrement.
L’abbé s’éloigne
Scène 23 / Marquis, Marquise
Marquise / Non monsieur ! C’en est trop !
Marquis / Mais, mon amie ?
Marquise / Il suffit !
Marquis / Laissez-moi encore quelques jours
Marquise / Je vous ai laissé trois mois
Marquis / Elle faiblit
Marquise / Elle mange comme quatre !
Marquis / Elle n’a pas fini son dessert
Marquise / Sa troisième part de gâteau vous voulez dire
Marquis / Ce matin encore elle me disait souffrir de son cœur
Marquise / Elle vous en dit chaque jour mon cher mais elle ne vous dit pas ce qu’il faudrait qu’elle dise.
Marquis / Lorsqu’elle nous confiera son argent, nous serons riches
Marquise / Vous ! Serez riche monsieur ! Moi je n’ai nul besoin de son argent et il me peine de dépenser le mien à son profit. Je vous rappelle que depuis un mois je me passe de mes servantes un dimanche sur deux
Marquis / Je les ai justement envoyées voir l’abbé que je reçois ce tantôt
Marquise / Fort bien mais demain, trésor ou pas, votre chère tante devra préparer ses bagages
La marquise sort en joignant les mains.
Marquise / Seigneur, faîtes quelque chose.
Scène 24 / Abbé, Marquis
L’abbé entre
Marquis / Ah ! Le temps presse, l’abbé, ce dimanche, je vous ai envoyé mes servantes, les avez-vous reçues ?
Abbé / Le fait est, monsieur le marquis
Marquis / Et alors ?
Abbé / Nous avons affaire à deux petites malignes
Marquis / Je sais, mais vous les avez bien entendues à confesse ?
Abbé / Ce dimanche, oui
Marquis / Et alors ?
Abbé / Elles se refusent à parler de la comtesse
Marquis / Vous leur avez bien fait entendre qu’elles se doivent de tout confier à notre seigneur ?
Abbé / Ce n’est pas si simple, elles ont juré à la comtesse de ne rien dire
Marquis / Entre la comtesse et Dieu, tout de même…
Abbé / Elles ne veulent pas se parjurer
Marquis / Se parjurer, comme si cela leur importait ! Ah les friponnes ! Bon, et quand est-il avec ma tante ?
Abbé / Nous en sommes encore plus loin, monsieur le marquis
Marquis / Comment cela ?
Abbé / C’est que votre tante a l’art de se défiler et d’éluder toutes questions trop précises
Marquis / Je ne le sais que trop ! Mais pourquoi ne pas lui accorder ce qu’elle vous demande depuis si longtemps ?
Abbé / Vous ne voulez pas parler de…
Marquis / Mais si l’abbé mais si….
Abbé / Vous plaisantez
Marquis / Ce serait vraiment un si gros effort ?
Abbé / Monsieur le marquis voyons, je ne peux vraiment pas accéder à cette demande
Marquis / Juste un petit bisou de rien du tout
Abbé / C’est au-dessus de mes forces
Marquis / Pensez à vos fuites
Abbé / Non vraiment
Marquis / A votre petite bonne
Abbé / Voyons ! Monsieur le marquis !
Marquis / Les p’tites bonnes, c’est toujours jaloux.. .. L’abbé ? .. Ma femme va mettre ma pauvre tante à la rue
Abbé / Si j’ai bien compris, elle n’y sera pas complètement.
Marquis / Mais moi si ! Obligé de quémander tous les jours quelques sous à ma femme
Abbé / Je peux parler à la marquise si vous voulez
Scène 25 / Abbé, Marquis, Marquise, Léontine
Marquise / Me parler monsieur l’abbé ? Et de quoi ?
Abbé / De la comtesse, madame, et de votre mari
Marquise / J’ai justement fait demander à la comtesse de nous rejoindre à l’instant
Marquis / Ma chère épouse, que comptez-vous lui dire ?
Marquise / La vérité mon cher mari. Que nous avons été très heureux de l’avoir parmi nous au cours de ces trois mois mais que nous comprenons sa hâte de retrouver sa liberté
Léontine entre. Elle est affolée.
Léontine / (Affolée) Madame la comtesse n’est pas dans sa chambre madame et elle est introuvable !
Marquise / Elle doit être dans le parc, à tourner encore autour du garde-chasse
Léontine / J’en ai fait le tour madame, elle n’y est pas non plus
Marie / Madame ! La chambre de madame la comtesse est vide ! Il n’y a plus rien, aucune de ses affaires ! On dirait bien qu’elle est partie !
Marquise / C’est peut-être une bonne nouvelle.
Marquis / Il faut la chercher, la rattraper, n’est-ce pas monsieur l’abbé ?
Léontine / Faut faire une battue ?
Abbé / Ma foi, je ne sais qu’en penser, Madame la marquise a raison, votre tante a peut-être eu besoin d’un peu d’autonomie, mais il est inconcevable qu’elle soit partie sans vous en informer
Marquise / Personnellement, cela ne m’affecte pas énormément.
Scène 26 / Abbé, Marquis, Marquise, Léontine, Marie
Marie entre
Marie/ Elle est vraiment partie madame ! Les placards sont vides.
Marquise / C’est une bonne nouvelle !
Léontine / Elle a juste laissé ça
Marquis / / Laissé quoi ? .. Une lettre ! Donnez-moi ça ! (Il lit) «A ma chère famille ; «J’ai passé un merveilleux séjour chez vous et je vous en remercie mais le temps est venu de nous quitter, je sais que cela va vous affecter..»
Marquise / Pas vraiment
Marquis / Sachez que je pars heureuse et en bonne compagnie, même si je suis désolée madame la marquise, de vous priver de votre garde-chasse
Marquise / Quoi ?
Marquis / Nous partons tous deux à l’aventure, je retrouve mes vingt ans…..
Marquise / Ah le coquin ! Le scélérat ! Le fourbe ! Moi qui le..
Abbé / Il est vrai que cela ne se fait pas..
Marquis / Mais continuez. Continuez :
Marquise / «Je vous ai laissé néanmoins la moitié de mon trésor..»
Marquis / Ah, tout de même !
Marquise / Je vous en indiquerai l’endroit quand……
Marquise, Abbé / Quand, l’abbé ? Quand ?
Marquis, Marquise, Léontine, Marie / Quand ?
Marquis / (Qui a compris qu’il fallait tourner la page) A la Saint Michel !
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