La mort avance masquée

Dans un village anglais où toutes les habitations sont proches des unes des autres (le manoir des Margery, la maison des Griffon, l’étude du notaire Fairley), Robert Margery a été retrouvé mort empoisonné dans son lit, sa chambre fermée à clef de l’intérieur. Il avait pris le même repas que le reste de la famille et on ne retrouve pas de trace de poison dans la carafe d’eau et le verre près de son lit.
Qui a tué, comment le meurtre s’est-il opéré et quel est le mobile de l’assassin ?

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Scène 1

Au manoir des Margery. Esther et Arthur

Esther : il était là, gisant dans son lit, déjà bleui par la mort ! Mon dieu, cette image m’obsède !

Arthur : calmez-vous Esther, reprenez vos esprits et racontez-moi tout,

Esther : oh mon cher Arthur, vous êtes là, votre présence est déjà un tel réconfort. C’était le matin, il était environ neuf heures. Robert descend toujours tôt pour prendre son café. M’inquiétant de ne pas le voir au salon, je suis montée, j’ai frappé à sa porte, mais il n’a pas répondu. J’ai frappé encore, un vrai silence

Arthur : de mort

Esther : oh mon Dieu, oui, il est mort. Robert ne reviendra jamais plus…

Arthur : et ensuite que s’est-il passé ?

Esther : la porte était fermée à clef, j’ai appelé de plus en plus fort, et puis

(Elle manque de défaillir)

Arthur : je vais vous préparer une tasse de thé. Miss Egan ! Miss Egan !

Esther : elle est sortie. Je lui ai laissé son après-midi. Elle est aussi très affectée par ce drame.

Arthur : mais pas autant que vous Esther…Je vais le faire ce thé moi-même.

 (Il revient)

Arthur : une pointe de lait, et voilà.

Esther : oh merci Arthur. Vous savez comment je le prends.

Arthur : où en étions-nous ?

Esther : Ensuite je suis allée chercher la clef dans le vestibule où se trouve le guéridon qui contient tous les doubles de la maison…je suis remontée, j’ai essayé d’ouvrir mais…

Arthur : mais ?

Esther : c’était impossible, la clef était dans la serrure, de l’autre côté. Je criais Robert, Robert… Je sentais qu’un malheur était arrivé…

Arthur : que s’est-il passé ensuite ?

Esther : j’étais désemparée. Inquiétée par mes cris, Miss Egan est arrivée. Elle m’a dit que Monsieur aurait dû descendre depuis une heure, qu’il devait être souffrant, qu’il fallait faire quelque chose au plus vite !

Arthur : vous voulez dire que Miss Egan sentait, elle aussi, qu’un malheur était arrivé ?

Esther : oui, elle connaît Robert aussi bien que moi, et ce n’est pas dans ses habitudes de traîner au lit. Nous avons encore appelé, encore crié… (un temps) jusqu’à ce qu’elle me dise qu’il fallait appeler la police…

Arthur : la police n’a pas tardé, et ?

Esther : Miss Egan et moi étions devant la porte, nous n’osions pas nous regarder, de peur de lire dans les yeux l’une de l’autre ce que nous ne voulions pas encore croire, mais que nous savions déjà…la police est arrivée…ils ont dû défoncer la porte, quel fracas…Robert était dans son lit.

Arthur : il était couché ?

Esther : oui.  Il est mort dans son lit. Lui qui détestait rester allongé… J’ai couru à son chevet, en espérant qu’il soit encore…

Arthur : vivant

Esther : oui, mais il était froid, déjà emporté loin de moi…ses yeux ouverts comme s’il avait vu la mort en face ! Mon Dieu ! Cette image m’obsède

Arthur : Mais comment est-il mort ?

Esther : Nous n’avons pas su tout de suite, j’ai pensé à une attaque,

Arthur : Robert n’était pas cardiaque

Esther : non. La police a affirmé qu’il ne fallait toucher à rien,

Arthur : pour quelle raison ?

Esther : c’était une scène de crime.

Arthur : expliquez-moi tout ma chère.

Esther : La fenêtre et la porte étaient fermées de l’intérieur… pourtant Robert a été assassiné !

Arthur : mais comment ?

Esther : empoisonnement !

Arthur : mais enfin Esther, qui aurait pu vouloir tuer Robert, lui qui était si bon, si avenant, si généreux, si…

Esther : je sais tout ça Arthur, pourtant Robert s’est fait empoisonner !

Arthur : mais comment ?

Esther : l’enquête est en cours, tout est mystérieux et étrange…je ne sais plus quoi penser… on me pose des tas de questions auxquelles j’ai déjà répondu cent fois !

(Elle éclate en sanglots, Arthur se lève pour la réconforter.)

Arthur : ma chère Esther, je veillerai personnellement à ce que vous ne soyez pas inquiétée au-delà des limites du supportable. Je vous offre mon soutien,

Esther : je vous en prie Arthur, je vous ai fait appeler en urgence, vous êtes venu, malgré toutes vos obligations…mais…

Arthur : je suis là

Esther : je vous en conjure, restez à la maison quelques jours, le temps que ce drame soit élucidé. Je ne sais pas si je pourrai le supporter…sans vous.

Arthur : mais vous n’avez pas à vous sentir menacée ! Et vous êtes en deuil ! Tout comme moi d’ailleurs…

Esther : vous savez, (elle parle tout bas, et fais signe à Arthur de s’approcher)

Arthur : qu’y a-t-il…

Esther : j’ai l’impression qu’ils pensent que je suis…

Arthur : vous parlez de la police ? Elle vous soupçonne ?

Esther : je ne sais plus…

Arthur : vous ne m’avez pas tout raconté Esther

Esther : n’est-ce pas toujours le conjoint qui est en première ligne dans une affaire de meurtre ? Mais c’est plutôt Miss Lestrade dont je me serais débarrassée si j’étais une meurtrière ! Et pas de mon pauvre Robert !

Arthur : de quoi parlez-vous Esther ! Reprenez une tasse de thé.

Esther : Et bien avec tout le respect que je dois à mon défunt mari, et Dieu sait ce que je lui dois – rendez-vous compte, il m’a légué toute sa fortune – Robert avait une maîtresse.

Arthur : je n’ose croire que mon oncle ait pu faire une chose pareille ! Miss Lestrade est pourtant la fiancée de votre fils…

Esther : et bien si Arthur, votre oncle entretenait une liaison avec cette petite dépravée !

Arthur : il s’agit donc de cela…

Esther : je ne ferai pas de mal à une mouche mais parfois j’ai de mauvaises pensées à son égard…

Arthur : je suis…stupéfait.

Esther : Ce meurtre livre en pâture notre vie privée

Arthur : oui car à présent il faut tout dire.

Esther : oui, ces secrets…dégoutants….Robert menait une double vie.

(Noir).

 

 

Scène 2

Au manoir des Margery, Harry, Miss Linda Lestrade et…Miss Egan

Harry : ma mère est ravagée par le chagrin.

Linda : et moi tu crois que je m’en fous que Robert soit mort ? Esther pleure, d’accord, mais nous avons tous perdu Robert.

Harry : et toi tu joues à quoi, hein ? A la maîtresse éplorée ? Ma mère a perdu son mari.

Linda : et toi ton beau-père.

Harry : ou mon rival. Je ne sais plus très bien…

Linda : je…

Harry : ces lettres, Linda, ces lettres me donnent envie de vomir !

Linda : J’avais de l’affection pour Robert.

Harry : tu couchais avec lui !

Linda : tu deviens vulgaire.

Harry : sans doute le chagrin

Linda : ou le whisky,

Harry : ouais, il me reste ça, Miss

Linda : on n’était pas mariés à ce que je sache, Harry ! T’as jamais daigné t’engager avec moi, t’avais trop peur que ta maman chérie soit fâchée, hein ? J’étais pas assez bien pour ça ? Tu voulais passer du bon temps, mais pour le reste…

Harry : et quoi, on était heureux comme ça, non ?  Jusqu’à ce que tu te mettes à fricoter avec le vieux…le jeune te suffisait plus ?

Linda : encore vulgaire

Harry : le chagrin, Miss

Linda : Je voulais arrêter. J’en pouvais plus de cette situation. Je ne cherche pas d’excuse mais Robert me menaçait…

Harry : de quoi ?

Linda : il disait que si je le quittais, il te couperait les vivres. Il avait un plan, il voulait t ‘évincer.

Harry : je sais plus si je dois te croire

Linda : Robert me faisait du chantage. Il m’obligeait…Je voulais te protéger… Harry, je n’ai jamais voulu te faire de mal.

Harry : Robert était devenu incontrôlable …

Linda : cette relation a été un fiasco, c’est avec toi que je voulais être et quand j’ai voulu clarifier les choses, c’est devenu impossible…je suis désolée Harry

Harry : tu ne l’aimais pas ?

Linda : non c’est toi que j’aime

Harry : oh comme je m’en veux…Ces lettres m’ont rendu fou !

Linda : mais où les as-tu trouvées ?

Harry : une bonne âme les a soigneusement déposées sur mon bureau

Linda : je me doute de qui ça peut venir…

Harry : peu importe, Robert voulait tout, il croyait pouvoir tout acheter, mais toi, ma chérie, toi, je sais que tu n’es pas à vendre, je sais qu’il a dû te faire vivre un enfer, je le sais. Pardonne-moi Linda, j’ai l’impression de devenir fou

Linda : maintenant tout va se savoir, alors restons soudés Harry. J’ignore qui a tué Robert, mais je veux que la vérité éclate.

Harry : moi aussi, je veux savoir.

Miss Egan (à part au téléphone) : Harry a trouvé les lettres, oui, elle est là aussi, non, ils se sont disputés, mais…je crois que…oui, je te rejoins…c’est ça. Au même endroit que d’habitude.

(Noir).

 

 

Scène 3

Au manoir des Griffon, Hugo et Caroline au salon, puis l’inspecteur Blackburn

Caroline : comme j’ai soif, tout à coup

Hugo : veux-tu que je t’apporte un rafraîchissement ?

Caroline : un verre d’eau

Hugo : très bien Caroline

Caroline : Hugo, tu ne trouves pas qu’il fait un peu froid ?

Hugo : veux-tu que je fasse du feu ?

Caroline : mon châle est en haut.

Hugo : je monte le chercher.

Caroline : je te remercie.

(Caroline se retourne et suit des yeux son mari, une nuance de mépris dans le regard)

(Hugo revient avec le châle de madame. Il marque un temps d’arrêt et regarde Caroline d’un air las et à bout. A peine est-il assis qu’on entend la sonnette)

Caroline : tu…

Hugo : j’y vais, ne bouge pas.

(Hugo revient précédé du Chef ’Inspecteur Blackburn)

Caroline : qu’est-ce que c’est ?

Hugo : la police très chère.

Blackburn : madame.

Caroline : madame. Je ne savais pas qu’il y avait des femmes en service.

Blackburn : ça étonne toujours. J’aurais besoin de vous poser quelques questions.

Caroline : à propos ?

Hugo : Caroline, tu te doutes bien de quoi veut nous entretenir Madame

Blackburn : Chef Inspecteur Blackburn.  C’est ainsi que l’on me désigne cher monsieur.

Hugo : oui, bien évidemment

Caroline : Chef Inspecteur Blackburn ; je vous en prie, installez-vous confortablement. Désirez-vous boire quelque chose ? Hugo…

Blackburn : ce n’est pas nécessaire, j’irai droit au but.

Hugo : nous vous écoutons.

Blackburn : c’est plutôt moi qui vais vous écouter.  Quelles relations entreteniez-vous avec la victime ?

Caroline : comme vous y allez…

Blackburn : je suis directe, madame. La bienséance n’est pas ma priorité dans une affaire criminelle.

Hugo : et bien…Robert était un ami d’enfance. Nous étions au collège ensemble.

Blackburn : un bon ami ?

Caroline : vous voulez dire des inséparables !

Hugo (gêné) : oui…nous avons même monté une affaire ensemble, il y a quelques années de cela.

Blackburn : c’est parfois dangereux de travailler avec ses amis, monsieur, vous en conviendrez.

Hugo : nous étions proches dans la vie et dans les affaires…

Blackburn : poursuivez

Hugo : ça n’a pas très bien marché. Pour tout vous dire, j’ai perdu beaucoup d’argent.

Blackburn : cela n’a pas dû vous réjouir

Hugo : Robert a su rebondir, assez rapidement d’ailleurs.  Et ça a très bien marché… pour lui en tout cas.

Blackburn : vous n’avez donc pas profité de sa nouvelle réussite ?

Hugo : Les affaires sont les affaires, Inspecteur, et cette fois Robert était seul maître à bord.

Caroline : Hugo a toujours été honnête et droit, mais son ami n’a, n’avait pas tout à fait la même ligne de conduite.

Hugo : je ne lui en veux pas, il s’est enrichi, moi pas, mais il est resté mon ami.

Blackburn : vous êtes fair-play monsieur Griffon.

Hugo : j’ai pu être blessé, dans le temps…maintenant vous pourrez comprendre que nos différends semblent être de lointains souvenirs. Sa mort est un choc. …

Blackburn : tout l’entourage de Robert Margery est très « perturbé » par sa subite disparition. Mais, n’aillez crainte, j’entends bien faire la lumière sur ce qui s’est passé.

Caroline : j’avoue que Robert n’était pas l’être le plus sensible qui puisse exister, comparé à mon mari, bien sûr, mais de là à ce qu’on en veuille à sa vie !

Blackburn : vous n’avez aucune idée de qui aurait pu vouloir le tuer ?

Caroline : comme vous y allez ! Heu, je ne sais pas, non ? Tu as une idée Hugo ?

Hugo : non, je ne comprends pas, je suis…

Blackburn : choqué, j’ai bien compris.  Avait-il de bons rapports avec sa famille ?

Caroline : vous êtes vraiment sûre que vous ne voulez rien boire ?

Blackburn : non merci madame Griffon.

Hugo : oui…Esther était une épouse dévouée, son beau-fils, un charmant jeune homme, je ne vois pas, non…

Blackburn : étiez-vous au courant de sa liaison ? Vous étiez de bons amis, il me semble ?

Caroline : oh !

Blackburn : monsieur ?

Hugo : Robert m’en avait touché un mot, mais il ne s’était pas épanché sur la question. Esther l’aimait, il l’aimait aussi. Cette jeune femme lui avait fait tourner la tête.

Blackburn : je vois. (Elle prend des notes)

Caroline : vous savez, Inspecteur, nous sommes des gens très respectables, et notre profond désir est de vous aider à trouver le coupable, alors si nous pouvons vous aider en quoi que ce soit…

Blackburn : mais vous m’aidez Madame, vous m’aidez.

Caroline : nous ne voudrions pas que cette « histoire » vienne ternir, en quoi que ce soit, la réputation de notre famille.

Blackburn : mais à ce que je sache, Robert n’était pas de votre famille ?

Caroline : oui, mais les crimes éclaboussent

Blackburn : oui, et les tâches sont parfois indélébiles

Hugo : Caroline est très sensible

Blackburn : je ne mettrai pas la sirène en partant Madame, ne vous inquiétez pas. Je crois que j’en ai fini

Caroline : ha, déjà ?

Blackburn : pour aujourd’hui en tout cas.

Hugo : nous restons à votre disposition pour toutes autres questions.

Blackburn : et je vous en sais gré monsieur Griffon. A très bientôt.

(L’Inspecteur Blackburn sort, Hugo et Caroline restent seuls, un instant dans le silence)

Caroline : qu’avais-tu besoin de présenter Robert comme ton grand ami ! Ce qu’il t’a fait est impardonnable ! Je n’ai jamais compris pourquoi tu étais toujours fourré chez lui depuis tout ce temps…

Hugo : Et toi avec ton couplet sur ta respectabilité ! Tu crois que c’était bienvenu ? Tu es tellement désireuse de faire partie de la haute société !

(le couple se regarde sans rien dire dans un moment de tension)

Hugo : En tous cas cette femme m’indispose

Caroline : elle n’a aucune manière

Hugo : nous sommes au moins d’accord sur ce point. Je monte m’occuper de mes plantes.

(Noir).

 

 

Scène 4

Au Manoir des Margery. Blackburn, Miss Egan et Arthur Helm

Blackburn sonne, elle attend, elle sonne à nouveau. Arthur ouvre la porte.

Arthur : Inspecteur Blackburn je présume, enchanté.

Blackburn : Bonjour monsieur

Arthur : Arthur Helm. Je suis de la famille. Un neveu de Robert. Entrez, je vous en prie.

Blackburn : j’étais venue voir Esther Margery.

Arthur : Esther est sortie. Sa première sortie depuis le décès de Robert. La pauvre femme est très affligée. Elle m’a demandé de rester quelques jours auprès d’elle.

Blackburn : je vois. Peut-être que vous pouvez m’aider… La domestique est absente ?

Arthur : oui, d’ailleurs j’ignore où elle se trouve. Si je puis me permettre, madame Margery mériterait d’être un peu ménagée, je m’inquiète pour sa santé…

Blackburn : insinuez-vous que j’aie quelque chose à voir avec son état ? Elle est en deuil, mais c’est un suspect, au même titre que tout son entourage proche.

Arthur : je comprends très bien, vous faites votre travail, j’essaie juste de l’apaiser…

Blackburn : questionner les suspects fait en effet partie de mon travail, monsieur. Laissez-moi mener mon enquête et bientôt les choses retrouveront leur calme, si j’ose dire.

Arthur : oui bien entendu. J’entends Miss Egan qui arrive. Elle a un pas de souris

Miss Egan (essoufflée) : je suis là… Inspecteur, bonjour. Pardonnez-moi j’avais une affaire urgente à régler. Puis-je vous servir le thé ?

Arthur : faites donc Miss Egan.

Blackburn : j’en profiterai pour vous poser quelques questions.

Miss Egan : Je reviens dans un instant

(elle sort)

Arthur : votre enquête avance comme vous le voulez ?

Blackburn : elle suit son cours. J’ai fait la connaissance de vos voisins.

Arthur : je ne vis pas ici vous savez…

Blackburn : les Griffon

Arthur : ah oui, je les connais.

Blackburn : drôle de couple.

Arthur : oui.

(Miss Egan revient avec le thé)

Blackburn : saviez-vous que Monsieur Margery entretenait une liaison avec Miss Lestrade ?

Miss Egan : oh non, je l’ignorais ! Miss Lestrade était avec Harry, pas avec Monsieur Margery !

Blackburn : « était » ?

Miss Egan : non, enfin c’est sa fiancée, ou sa petite amie, je ne sais comment l’appeler…

Arthur : Esther était au courant.

Miss Egan : bref, je connaissais Monsieur depuis longtemps, je ne peux pas croire une chose pareille.

Blackburn : vous avez donc connu Monsieur Margery avant qu’il soit marié à Esther ?

Miss Egan : oui Inspecteur. Avant. J’étais déjà à son service. J’y suis restée jusqu’à la fin … (elle pleure, elle se reprend) Monsieur a sauvé Madame d’un grand naufrage. Elle venait de perdre son mari dans un accident, un certain Charles Courtney. Elle était démunie… avec son fils. Monsieur Margery les a recueillis, il a élevé le petit Harry, oh maintenant c’est un homme.

Arthur : mon oncle était très généreux. C’est vrai qu’il s’est occupé d’Esther et d’Harry comme de sa propre famille.

Blackburn :  il a épousé une femme qui avait un enfant. C’était un mariage d’amour, selon vous ?

Miss Egan : oh, l’amour, ça passe, Monsieur Robert vivait seul…il a fondé une famille.

Blackburn : vous étiez seule avec lui dans cette grande maison durant des années. Ce mariage a dû créer des changements, pour vous, je présume ?

Miss Egan : madame a pris sa place de maîtresse de maison très rapidement, mais c’était Monsieur Margery qui prenait les décisions. C’est ainsi que cela a toujours fonctionné.

Blackburn : alors cette liaison vous surprend ?

Miss Egan : j’en suis horrifiée. Cette petite a dû tout faire pour le séduire. Il n’a pas pu lui résister…Monsieur n’avait plus l’âge pour ces légèretés ! J’avoue être terriblement déçue. Puis-je me retirer ? Après la mort de Monsieur, voilà que vous m’annoncez qu’il trompait madame avec la jeune amie de son beau-fils, c’est trop pour moi, ces choses me dépassent…

Blackburn : merci miss Egan, à bientôt.

(Elle sort)

Blackburn : d’où venait-elle ainsi tout essoufflée ?

Arthur (rieur) : Miss Egan joue l’effarouchée, mais elle aimait Robert dans le temps !

Blackburn : vous m’en direz tant ! Je vois. Vous pensez qu’elle était au courant pour Robert et Miss Lestrade ?

Arthur : oui, je crois.

Blackburn : vous en savez long sur cette famille ?

Arthur : j’en fais partie de loin, mais j’en fais partie. Ecoutez Inspecteur, je suis là pour quelques temps, je vous l’ai dit, j’ai promis à Esther de la soutenir dans cette épreuve, alors si d’une manière ou d’une autre je peux vous aider à mener cette enquête, je suis votre homme.

Blackburn : en voilà une proposition…

Arthur : je n’ai certes pas votre talent, ni votre expérience, mais avoir quelqu’un à vos côtés, qui connaît tous les protagonistes, ça peut être utile…

Blackburn : je m’en souviendrai Arthur, je peux vous appeler par votre prénom ?

Arthur : à votre service !

(Noir).

 

 

Scène 5

Manoir des Margery, Esther, Harry, Me Fairley, Miss Egan, Caroline

Esther : oh ma chère, merci d’avoir accepté mon invitation

Caroline : je voulais vous rendre visite plus tôt mais je ne voulais pas vous importuner…ce doit être si difficile pour vous ! Je ne m’imagine pas sans Hugo…

Esther : oui, nous sommes tristes. Regardez-le… (elle désigne son fils dans un coin qui feint de lire le journal, les yeux dans le vague) il est l’ombre de lui-même depuis que Robert est mort.

Caroline (Miss Egan lui tend des biscuits) : merci Miss Egan. Ils sont délicieux.

Miss Egan : c’étaient les préférés de monsieur…

Esther : Miss Egan, merci pour cette délicate attention. Harry, veux-tu goûter un biscuit ?

Harry : hein, quoi maman ?

Esther : (à Caroline) il est dans la lune, (à Harry) veux-tu un biscuit mon chéri ?

Harry : non, ça ira…

Esther : Robert était comme son père…à présent il ne lui reste que moi.

Caroline : et Miss Lestrade ?

Esther : ne me parlez pas d’elle. Cette fille est en dessous de tout.

Caroline : elle pourrait le soutenir dans cette épreuve ?

(On sonne, Maître Fairley entre)

Fairley : mesdames

Esther : oh Maître Fairley, vous arrivez pour le thé

Fairley : je ne veux pas vous déranger…Je dois néanmoins régler certains points…

Esther : je sais, il y a tant de choses à régler ! Oh je n’ai vraiment pas la tête à ça

Fairley : Ma chère Esther, si je peux au moins vous soulager de toute cette paperasse…

Caroline : l’administratif est une plaie pour les femmes comme nous !

Esther : comme vous dites ma chère, je n’y entends pas grand-chose

Fairley : Madame, je suis à votre service. (Il lui tend une liasse de papier) Je vous demanderai seulement quelques signatures et vous pourrez tranquillement reprendre le cours de votre conversation.

Harry (se lève pour consulter les documents qu’Esther signe) : qu’avez-vous de si urgent à faire signer à ma mère, Maître ?

Esther : Harry, laisse faire Maître Fairley…voilà, c’est signé, les yeux fermés ! Votre père, et vous maintenant, avez toujours su défendre les intérêts de la famille Margery.

Fairley range rapidement les documents dans sa serviette.

Fairley : vous me flattez Esther

Caroline : voilà un homme d’une efficacité redoutable !

Esther : oui, Maître Fairley est un ami précieux

Harry : redoutable, oui…

Fairley : je vous laisse Mesdames, j’espère vous revoir vite, en des circonstances plus clémentes. Harry…

Harry : ouais, à bientôt…

Miss Egan : Maître, je vous raccompagne.

Fairley : avec le plus grand plaisir, chère Miss Egan

(Il lui fait un baise main provocant)

Miss Egan : oh ! Oh, mais, oh !

(Fairley sort en riant, Caroline observe cette tentative de séduction avec grand intérêt)

Esther : je te trouve très négatif Harry, tâche de te reprendre. Où en étions-nous Caroline ?

Caroline : Maître Fairley a l’art de nous faire perdre le fil ! N’est-ce pas Miss Egan ?

(Miss Egan, gênée, se retire)

Harry : il a surtout l’art de vous embobiner avec ses galanteries de bellâtre. Tu es aveugle maman ?

Esther : Harry, comment oses-tu !

Caroline : je crois que je vais vous laisser…

(Elle sort précipitamment)

Harry : je n’ai aucune confiance en lui ! Et toi tu signes n’importe quoi entre un thé et un biscuit ! Où as-tu la tête !

Esther : je t’interdis de me parler sur ce ton !

Harry : Maître Fairley est un escroc !

Esther : et toi tu perds l’esprit

Harry : Je ne sais pas ce qu’il t’a fait signer mais je ne laisserai pas ma mère se faire dépouiller impunément, quitte à m’en mêler !

Esther : nous en reparlerons lorsque tu seras plus calme.

(Noir).

 

 

Scène 6

Etude du notaire Fairley. Il sirote un whisky, assis à son bureau. Il regarde des papiers.

Fairley : là je dois dire que j’ai fait un joli coup. Cet ordre de vente d’actions va rapporter gros, et elle, elle a signé, les yeux fermés, c’est magnifique…Esther est un miracle de naïveté. Robert m’aurait donné du fil à retordre, comme toujours, mais à présent c’est un jeu d’enfant.

(Il s’interrompt comme s’il avait vu une ombre passer)

De belles actions, de gros bénéfices en vue, et des vacances de rêve, bien méritées pour moi… je vais emmener ma chère Miss Egan…Je peux dire qu’elle m’a été très utile ! On sera un peu tranquille loin de cette famille …et on pourra passer du bon temps. (Il finit son Whisky cul sec)

(Il entend du bruit)

Il y a quelqu’un ?

(Il entend à nouveau du bruit)

Miss Egan, c’est vous ? Je ne l’attends pourtant pas…

(Une silhouette étrange apparaît, elle semble flotter, on distingue seulement une grande cape noire et un masque blanc)

Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

Répondez

(Fairley renverse de l’encre sur ses papiers, il tente de s’essuyer maladroitement, il bafouille de peur et tremble de terreur)

Si vous voulez de l’argent, il y en a là, là dans le coffre, attendez, je dois trouver la clef... Qu’est-ce que vous voulez…

(La silhouette s’approche)

N’approchez pas, si c’est une farce, elle n’est pas drôle, n’approchez pas !

(La silhouette tend le bras et désigne le papier signé par Esther, on le reconnaît par son entête,)

Je, je, ce n’est rien, un simple ordre de vente d’actions, qu’est-ce que vous voulez ?!

(Il le prend dans ses mais en tremblant et se jette au pied de la silhouette)

Laissez-moi vivre, ne me faites pas de mal, ce n’est rien, (il lance les papiers) c’est du vent ! On peut s’arranger…non, pitié !

(La silhouette sort de la poche de sa cape un long couteau, arme son bras et le plante dans le dos du notaire en même temps que le noir se fait. Cri du Notaire)

(Noir).

 

 

Scène 7

Esther, Harry, Miss Egan, Linda, Hugo, Caroline, Arthur, Blackburn. Au manoir des Margery. Au petit déjeuner, tous sont attablés, sauf Miss Egan qui s’affaire à servir. Il règne un silence de mort.

Miss Egan : Un peu plus de café madame

Esther : non, ça ira, j’ai les nerfs déjà bien entamés

Miss Egan : Miss Lestrade, désirez-vous un autre toast ?

Linda : oui, je veux bien, merci

Esther : eh bien, je constate que certain ne manque d’appétit en aucune circonstance

Harry : maman…

Arthur : il va faire une belle journée.

Esther : qu’il pleuve ou qu’il vente, je m’en moque

Arthur : certes, le temps qu’il fait ne change rien à l’affaire. Votre chagrin est là Esther, et j’espère qu’il s’atténuera avec le temps.

Harry : Linda, que dirais-tu de faire une promenade le long de la rivière

Linda : je ne sais pas, peut-être que tu devrais rester aux côtés de ta mère.

Harry : maman, verrais-tu une objection à ce que je sorte un peu avec Linda ?

Esther : depuis quand me demandes-tu ce genre d’autorisation ? Tu ne te préoccupes pas de mon avis d’habitude. Quel revirement !

Harry : j’essaie de ne pas te brusquer

Esther : il fallait y penser avant

Harry : pardon maman si je t’ai blessé

Arthur : que s’est-il passé ?

Harry : rien Arthur, c’est une affaire entre ma mère et moi

Esther : et Maître Fairley

Harry : maman…

Esther : un peu de transparence ne gâchera pas ta journée Harry…et nous en manquons cruellement dans cette famille

Harry : maman

Esther : je te rappelle que les secrets de polichinelle n’ont rien donné de bon jusqu’à présent, n’est-ce pas Miss Lestrade ?

Linda : vous me mettez dans l’embarras

Esther : et moi vous m’avez déshonorée, Miss

Harry : nous ne sommes pas obligés de parler de ça maintenant

Esther : quel est le bon moment Harry ? Robert est mort, et je sais ce qu’il faisait derrière mon dos. D’ailleurs, tout le monde est bien placé pour le savoir autour de cette table, non ?

Arthur : Linda, j’ai cru comprendre que vous vouliez reprendre des études d’infirmière ? C’est une très bonne idée.

Linda : en effet, je voudrais travailler, c’est la meilleure manière de rester indépendante.

Arthur : et vous avez entièrement raison. Quand comptez-vous commencer ?

Linda : dès que possible.

(On sonne, Miss Egan va ouvrir, on entend plusieurs voix. Blackburn entre suivi d’Hugo et Caroline)

Blackburn : mesdames, messieurs, pardon de vous importunez en plein petit déjeuner, mais une nouvelle affaire de meurtre m’oblige à faire irruption chez vous.

Hugo : bonjour

Caroline : bonjour

Hugo : l’Inspecteur Blackburn nous a sommé d’être présents, nous aussi.

Esther : eh bien, ne faites pas durer le suspense plus longtemps, Inspecteur, quelle bonne nouvelle allez-vous nous annoncer ?

Arthur : de quoi s’agit-il ?

Harry : je crains le pire

Linda : Harry que se passe-t-il ?

Miss Egan : asseyez-vous, je vous en prie

Blackburn : il semblerait que le meurtrier ait encore frappé. Maître Fairley a été assassiné hier soir.

Miss Egan : quoi, comment ? Qu’est-ce que vous dîtes !

Esther : ce n’est pas possible…Harry…

Harry : maman, je n’y suis pour rien

Linda : ils vont t’accuser Harry

Caroline : j’ai assisté hier ici même, en fin de journée, à une altercation entre…

Hugo : tais-toi Caroline

Arthur : laissez votre femme parler

Miss Egan : non !!!!

(Miss Egan s’évanouit)

Blackburn : appelez un médecin

Arthur (à L’Inspecteur) : je crois qu’ils étaient proches…

Blackburn : je vois.

Esther : Arthur, allez chercher un verre d’eau

Harry : non, un peu de whisky

Linda : Miss Egan, (elle lui donne de petites claques sur le visage pour la réveiller)

Esther (à Miss Lestrade) : allez-y doucement !

Esther (Elle regarde Harry) : Oh Maître Fairley, il était là, hier…mon Dieu

Harry (lui fait sentir le whisky et lui en fait boire quelques gouttes ) : voilà, ça va la remettre d’aplomb

Arthur : elle revient à elle

(Blackburn observe les réactions de chacun, Arthur se poste à côté d’elle, comme s’ils faisaient à présent équipe.)

Blackburn : suite à son meurtre, nous avons procédé à une perquisition chez Maître Fairley ce matin même. Il s’avère qu’il faisait des détournements de fond sur plusieurs comptes de ses clients. Y compris sur le vôtre Madame Margery.

Harry : je le savais…

Blackburn : il a sans doute été victime d’une vengeance.

Miss Egan (à présent éveillée) : Vous racontez des sornettes…Maître Fairley était un homme honnête, il n’aurait jamais détourné de l’argent, il aimait les Margery comme sa propre famille !

Esther : Maître Fairley était un ami, êtes-vous certaine de vos accusations, Inspecteur?

Blackburn : j’en suis aussi sûre que de sa mort

Miss Egan : vous mentez tous ! Vous êtes tous des hypocrites ! Moi je le connaissais ! Je suis la mieux placée pour savoir ! Je l’aimais, nous étions ensemble

Esther : quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire…

Caroline : il n’y a qu’à voir comment il lui a dit au revoir hier…

Hugo : tais-toi Caroline

Caroline : laisse-moi dire ce que j’ai à dire !

Arthur : calmez-vous, calmez-vous

Esther : une servante avec Maître Fairley

Miss Egan : je suis gouvernante Madame, et vous étiez cocue

Arthur : calmez-vous enfin

Harry : il fricotait avec Miss Egan, à la bonne heure, rien ne m’étonne venant de cet escroc

Linda : Harry…

Hugo : je le trouvais douteux, mais de là à penser qu’il détournait votre argent

Esther : je ne sais plus quoi penser, tout le monde ment ici, Miss Egan a au moins raison sur ce point

Miss Egan : je sais tout ce qui se trame ici, je sais tout, je peux tout dire !

Arthur : poursuivez Miss Egan, vous étiez apparemment bien placée pour savoir

Miss Egan : merci Monsieur Arthur. Oui, je fréquentais Maître Fairley, depuis longtemps déjà, nous étions heureux. Notre liaison devait rester secrète car les gens parlent beaucoup, et sa position sociale ne lui permettait pas de s’afficher avec moi. Mais ça allait changer…je ne voulais plus rester au service de madame, maintenant que Monsieur Margery est mort, je n’en voyais plus l’intérêt. Je voulais quitter cette maison et partir avec lui. On attendait seulement la fin de l’enquête.

Esther : je vous remercie Miss Egan, votre franchise me va droit au cœur. Sans Robert, que vous aimiez beaucoup, vous vouliez me quitter…

Miss Egan : oui madame. J’en ai assez. Et puis cette histoire entre Miss Lestrade et Monsieur a fini de me convaincre. J’ai tenu informé Maître Fairley de la découverte des lettres, c’est là qu’il m’a conseillé de vous quitter.

Harry : c’est vous qui avez laissé les lettres sur mon bureau ?

Miss Egan : oui, c’est moi. Quand je les ai trouvées, je me suis dit qu’il fallait que vous sachiez

Linda : vous auriez mieux fait de vous mêler de vos affaires, vous avez failli nous séparer définitivement avec Harry

Esther : si ça avait pu servir à nous débarrasser de vous !

Linda : tu ne dis rien Harry !

Harry : Linda, ma mère est sous le choc, elle ne pense pas ce qu’elle dit

Linda : tu prends sa défense ?

Esther : vous ne faîtes que passer Miss Lestrade, moi je suis sa mère, pour toujours

Miss Egan (à Linda) : j’ai seulement mis un peu d’ordre dans tous vos mensonges, Harry avait le droit de savoir que vous fricotiez avec son beau-père ! Et vous madame vous étiez au courant, mais vous faisiez l’autruche.

Esther : je ne sais pas

Arthur : et d’où veniez-vous lorsque l’inspecteur Blackburn est venu nous rendre visite au manoir hier matin ?

Blackburn : vous me retirez les mots de la bouche Arthur…

Miss Egan : je revenais de chez lui, je l’avais informé qu’Harry et Linda s’étaient disputés, puis réconciliés…nous voulions préparer mon départ prochain, et vivre notre amour au grand jour, comme vous !

Harry : bravo Miss Egan, si nous avons pu vous servir de modèle !

Linda : vous êtes tout de même une sacrée fouineuse

Caroline : alors si les domestiques gèrent nos vies maintenant, où va le monde !

Hugo : tais-toi

Caroline : ça suffit comme ça Hugo. C’est mon tour, je veux dire ce que je sais. Hier après-midi, j’ai rendu visite à la pauvre Esther. Harry était de très mauvaise humeur, je comprends pourquoi à présent. Bref, Maître Fairley, toujours aussi charmant, est arrivé pour faire signer des papiers à Esther. Harry s’est interposé, il a été assez grossier, et lorsque le notaire est parti, il s’est disputé avec sa mère à propos de lui. Il l’a accusé d’être un escroc.

Harry : ce qu’il était, aux vues de tous aujourd’hui !

Miss Egan : mensonge !

Blackburn : Miss Egan, vous étiez la complice de Maître Fairley, n’est-ce pas ?

Miss Egan : absolument pas, c’est une machination !

Blackburn : pourtant tout semble accuser Fairley du meurtre de Robert Margery. En se débarrassant de lui, il avait le champ libre pour faire signer n’importe quoi à Esther qui avait toute confiance en lui. Vous n’étiez au courant de rien ?

Miss Egan : calomnie !

Blackburn : Je vais vous demander de subir un interrogatoire complémentaire au commissariat.  Arthur j’aimerais vous entretenir un instant

Arthur et Blackburn s’isolent pour converser au calme.

Blackburn : que pensez-vous de Miss Egan ?

Arthur : je crois que l’étau se resserre sur elle et Maître Fairley qui avait toutes les raisons d’assassiner Robert et de préparer sa sortie avec la gouvernante. Je pense qu’il a dû se servir d’elle pour soutirer des informations sur les affaires de Robert. Miss Egan avait accès à tous ses papiers si elle voulait.

Blackburn : par contre il n’est pas vraiment plausible que Miss Egan ait tué Maître Fairley

Arthur : en effet, à moins qu’elle ait voulu récupérer le butin pour être à l’abri financièrement. Mais cela me semble peu crédible

Blackburn : si Fairley a tué Robert, qui a tué Fairley ?

Arthur : qui avait intérêt à tuer le notaire ? Quelqu’un qui avait découvert qu’il escroquait Esther Margery avec cet ordre de vente ? Ou bien …Harry, qui était le seul à affirmer que Fairley était un escroc…est-ce le même assassin pour ces deux crimes ?

Blackburn (pensive) : j’avoue que je n’ai pas encore trouvé la clef de l’énigme, mais j’approche du but, Arthur…

(Noir).

 

 

Scène 8 

Maison des Griffon, Hugo et Harry, puis Caroline

Harry : bonjour Hugo

Hugo : entre Harry, tu n’as pas l’air bien

Harry : non, je voulais te parler…

Hugo : cette journée a été mouvementée, viens prendre un verre

Harry : tu es seul ?

Hugo : oui Caroline est à son Club de Bridge. Nous pourrons parler tranquillement…

Harry : tu étais si proche de Robert, et tu es un homme…alors tu peux comprendre certaines choses.

Hugo : qu’est ce qui se passe mon garçon ?

Harry : ma mère

Hugo : elle t’en veut encore d’être avec Linda ?

Harry : oui, elle est comme une harpie. Elle était si calme avant... Nous nous sommes toujours bien entendus, mais depuis cette histoire, rien n’est plus pareil.

Hugo : les femmes sont compliquées

Harry : et puis Linda m’en veut aussi, mais je ne sais plus très bien si je dois rester avec elle…cette aventure avec Robert, ça change tout.

Hugo : Ecoute Harry, je n’ai pas de conseils à te donner mais ne prends pas de décision trop hâtive concernant Linda.

Harry : tu te rends compte, avec Robert, nous partagions la même femme ! Il a été comme un père et d’un coup c’est devenu mon rival, c’est insensé

Hugo : Robert voulait maîtriser le maximum de choses…j’en ai fait les frais. Il t’a pris ce que tu avais de plus précieux tout comme il l’a fait avec moi. Alors ne le laisse pas tout détruire, surtout maintenant qu’il est mort.

Harry : oui, tu as sans doute raison, je doute de mon amour pour Linda, je doute de tout, je suis perdu Hugo

Hugo : ne t’inquiète pas Robert (il prend les mains d’Harry), je suis là, (il se reprend) Harry, pardonne-moi, tu me rappelles lui lorsque nous étions jeunes.

(Harry se dégage brusquement de lui, il semble très déstabilisé)

Harry : je dois y aller, j’ai oublié que je devais aller faire une course avec ma mère…j’y vais, au revoir Hugo…

(Il sort précipitamment, Hugo reste seul, prostré la tête entre les mains. Caroline entre, Hugo ne lève pas la tête.)

Caroline : Hugo, ça va ?

Hugo (vaguement) : oui, oui, ça va

Caroline : mais non enfin je vois bien que ça ne va pas ! Qu’est ce qui se passe ?

Hugo : rien, laisse-moi

Caroline : Hugo, je t’ai déjà dit mille fois qu’il faut parler quand ça ne va pas, je suis ta femme, j’ai le droit de savoir

Hugo : tu n’as aucun droit sur moi, laisse-moi

Caroline : (aperçoit l’écharpe qu’Harry a laissée) Harry était là ? Oh c’est pas vrai, tu recommences !

Hugo : je recommence quoi ?

Caroline : ton comportement me fait peur. Robert d’abord, maintenant Harry ? Je ne te laisserai pas salir notre réputation, non jamais, après tout ce que j’ai fait.

Hugo : mais de quoi parles-tu ? C’est vraiment ce que tu penses ? Mais tu es paranoïaque. Ton obsession de faire partie de la haute société te fait perdre la tête. Mais ça fait des années que tu essayes et tu n’as toujours pas compris que tout le monde sait que tu n’as pas le profil !

Caroline (hurlant) : je te connais Hugo, je te connais et tu me mens encore !

Hugo : tu n’as rien compris, j’avais mes raisons pour visiter Robert chaque soir ! Oh et puis je monte m’occuper de mes plantes.

Caroline : c’est ça, elles ont bon dos tes plantes ! Tu vas les noyer !

(Il part, Caroline reste seule, l’écharpe d’Harry dans les mains)

Caroline : Non, je ne le laisserai pas faire...

(Noir).

 

 

Scène 9

Au Manoir des Margery. Arthur, Blackburn

Blackburn : bon si nous voulons comprendre ce qui s’est passé nous devons reconstituer la dernière journée de Robert

Arthur : élémentaire mon cher Watson !

Blackburn : je vous en prie Arthur, épargnez-moi vos plates références

Arthur : je pensais que vous étiez fan de Sherlock…

Blackburn : c’est réel Arthur, nous sommes dans le vrai monde, là ! Et nous avons deux meurtres sur les bras ! Linda ne devrait pas tarder.

Arthur : Esther et Harry ne reviendront pas avant une bonne heure, ça nous laisse du temps.

Blackburn : je sais Arthur, je sais. Bon il faut faire parler la petite, elle n’a pas tout dit, mais maintenant que le secret de sa liaison a éclaté au grand jour, sa langue devrait se délier

Arthur : élémentaire…

Blackburn : maintenant c’est chut. Concentrez-vous un peu. Ce n’est pas un jeu.

Arthur : Nous savons que Linda a passé une partie de la journée avec Robert.

(On sonne)

Arthur : justement la voilà.

(Linda entre, elle semble fatiguée et affligée)

Blackburn : Miss Lestrade, nous vous attendions. Détendez-vous, nous voulons avoir des précisions sur la dernière journée de Robert. Vous seule pouvez nous y aider.

Linda : j’ai hâte d’en finir, alors je vais tout vous dire.

Arthur : Miss Lestrade, qu’avez-vous fait avec Robert en cette fin d’après-midi du 15 avril.

(Blackburn lui lance un regard agacé)

Arthur (gêné mais avec aplomb) : parlez, en toute simplicité, nous sommes entre nous. Pas d’Esther ou de Harry pour venir vous embrouiller l’esprit

Linda : ce jour-là, Robert n’est pas allé travailler. Nous avons pique-niqué et nous nous sommes promenés une partie de l’après-midi. J’avais pris une décision importante dont je devais lui faire part.  (Sa voix s’affaiblit)

Blackburn : quelle décision Miss Lestrade ?

Linda : je voulais rompre.

Blackburn : et ?

Linda : et lui dire que c’était avec Harry que je voulais être, pas avec lui.

Blackburn : comment Robert l’a-t-il pris ?

Linda : il m’a regardé d’une manière…je me souviens de ses yeux…il avait des yeux de dément

Blackburn : que lui avez-vous dit précisément

Linda : qu’il avait sa femme Esther, que cette aventure prenait une mauvaise tournure pour tout le monde, qu’Harry ne le supporterait pas, qu’il fallait que ça s’arrête.

(Linda prend un air étrange et absent et semble parler en direct à Robert) : Robert, nous avons passé de bons moments ensemble, gardons nos souvenirs pour nous et reprenons notre vie là où elle en était avant. C’est Harry que j’aime et c’est avec qui je veux faire ma vie. Cette aventure doit s’arrêter, je suis sûre que tu peux le comprendre…

Arthur : Linda, vous êtes là ?

Linda (elle revient à elle) : oui, bien sûr. Ça s’est passé comme ça.

Blackburn : qu’a répondu Robert ?

Linda : Il l’a très mal pris. Il s’est mis à crier contre moi, puis il est devenu cruel et blessant. Il voulait déshériter Harry, « ce petit con ne mérite rien de moi » disait-il. Il en faisait une affaire personnelle contre son beau-fils. Il me disait que je ne resterais pas avec Harry s’il devenait pauvre, que je voulais son argent, seulement son argent. Il m’a traité de traînée, de putain….il m’a insulté comme personne ne l’avait fait auparavant, Lui qui était si calme et convenable en toute circonstances. Robert avait perdu son sang froid

Blackburn : et ensuite ?

Linda : ensuite il a dit qu’il devait rentrer au Manoir car il avait du courrier urgent à rédiger, et à poster au plus vite, qu’il s’était mis en retard à cause de moi et qu’il n’aurait jamais dû prendre ce temps futile sur l’entreprise, que je ne le méritais pas. Il m’a traité de « petite ingrate »,

Elle répète les mots de Robert comme une somnambule : « toi et Harry allez me le payer cher »

Et il est parti.

(Blackburn et Arthur restent un instant silencieux.)

Blackburn : et vous, qu’avez-vous fait après ?

Linda : j’étais désemparée, j’ai couru rejoindre Harry pour tout lui raconter. Mais il n’était pas là.

Blackburn : où était-il ?

Linda : avec sa mère, comme toujours.

Blackburn : je vois. Vous pouvez partir Miss Lestrade.

Linda (comme absente) : merci, à bientôt Inspecteur Blackburn.

Arthur : elle est étrange cette fille

Blackburn : elle a été piégée à son propre jeu, la légèreté. Cher Arthur la légèreté se paye parfois cher. Elle nous a parlé de courrier...Robert Margery avait son bureau dans sa chambre.

(Elle appelle un agent de police)

Agent Barnes, allez à mon bureau et dressez-moi la liste de tout ce qui a été récupéré dans le bureau de Robert Margery. Vous me l’apporterez tout à l’heure.

Et maintenant allons poursuivre notre investigation avec les deux autres. Esther et Harry, un couple étrange, lui aussi,

Arthur : heu, si vous le dîtes…

(Noir).

 

 

Scène 10

Esther et Harry rentrent au manoir. Ils ont l’air détendu. Blackburn et Arthur les attendent au salon.

Esther : eh bien, cher Inspecteur, vous avez élu domicile au Manoir

Harry : quelle surprise de vous voir !

Blackburn : je faisais un brin de causette avec Arthur. Trêve de plaisanterie. Nous reconstituons l’emploi du temps de la dernière journée de Robert.

Esther (ironique) : reconstituez, reconstituez, je vous en prie

Arthur : L’Inspecteur a besoin d’y voir clair Esther, n’y voyez rien de personnel

Esther : mais bien sûr. Je ne me sens coupable de rien alors je vais encore répondre à vos questions, dans la joie et la bonne humeur

Harry : maman, tu n’es pas obligée…si tu veux te reposer un peu

Esther : ne t’inquiète pas Harry, je suis plus solide que j’en ai l’air. Et Arthur est là, il me protège ! N’est-ce pas Arthur ?

Arthur : évidemment Esther, je suis là

Blackburn : vers quelle heure est rentré Robert ce fameux 15 avril ? (Elle surarticule la date et regarde Arthur l’air agacé)

Esther : et bien si ma mémoire ne me fait pas défaut, Robert est rentré vers 18h, plus tôt que d’accoutumé puisque l’usine le retient en général jusqu’à l’heure du dîner. Il était pressé, et avait l’air préoccupé. Voire même contrarié. Je connaissais la tête des mauvais jours de mon mari.

Blackburn : a-t-il dit ou fait quelque chose d’inhabituel en rentrant ?

Esther : il m’a à peine parlé. Dans ces cas-là, vous savez, je n’insistais pas

Blackburn : était-ce habituel de sa part d’avoir l’air contrarié ?

Esther : Robert était un homme d’affaire, alors parfois oui, il avait des contrariétés, professionnelles, j’entends, car ici, à la maison, notre entente était cordiale.

Blackburn : cordiale, comme peut l’être celle de deux vieux amis qui cohabitent ?

Esther : qu’insinuez-vous Inspecteur ? Robert était mon mari, pas mon ami

Arthur : elle ne voulait pas dire ça Esther, mais votre couple subissait peut-être quelques intempéries…

Esther : cela ne vous regarde en rien. Nous n’étions pas de jeunes mariés, mais tout de même…

Arthur : oui bien sûr

Blackburn : J’essaie seulement de comprendre quelle relation vous entreteniez avec votre époux, et ce n’est pas évident madame. Bien, reprenons, il vous a à peine parlé, mais qu’a-t-il dit ?

Esther : qu’il montait dans sa chambre sans dîner, et qu’il désirait que Miss Egan lui apporte un plateau avec du Whisky et une bouteille d’eau gazeuse de Seltz.

Arthur : mais Robert ne buvait pas d’alcool

Esther : ordinairement non. Cela m’a surprise. Il avait vraiment dû passer une mauvaise journée.

Blackburn : mais ces deux bouteilles n’ont pas été retrouvées dans la chambre ?

Esther : Miss Egan est montée et a débarrassé le plateau avec les deux bouteilles avant le dîner. Je me souviens qu’elle m’a fait signe qu’il ne redescendrait pas.

Blackburn : ces bouteilles sont rangées où ?

Esther : là, dans le bar, l’eau de Seltz et le Whisky, avec les alcools. Harry en boit à la maison, c’est un consommateur régulier. …

Harry : surtout en ce moment… il m’arrive de boire un verre

Esther : Et Dieu merci il n’en est pas mort !

Blackburn : vous permettrez tout de même que j’emporte ces deux bouteilles pour vérification.

Esther : oui, faites

Blackburn : et vous ne l’avez pas revu ensuite jusqu’à la découverte du corps

Harry : ne ravivez pas ce souvenir, s’il vous plaît

Arthur : ce que veut vérifier l’Inspecteur c’est que Robert n’est pas redescendu ?

Esther : non, il avait du courrier urgent à faire, oui, il a marmonné cela et il est monté.

Blackburn (soudainement pensive) : avait-il l’habitude de s’enfermer dans sa chambre ?

Esther : il a dû le faire après que Miss Egan ait débarrassé le plateau. Il voulait sans doute ne plus être dérangé.

Blackburn : je vois. (Elle prend des notes).

(Entrée de l’agent Barnes, Blackburn s’isole avec lui tandis qu’Arthur réconforte Esther)

Agent Barnes : Chef Inspecteur, voici la liste que vous m’avez demandée.

Blackburn : Lisez-la moi

Agent Barnes : du papier à lettres vierge, des enveloppes, un stylo plume, un encrier rempli, un buvard avec des traces de lettres dessus, des lettres commerciales, un livre de comptes et une copie du testament mentionnant Esther comme seule héritière.

Blackburn (pensive) : le buvard, on l’a négligé

Agent Barnes : j’ai pris l’initiative de regarder. Ce ne sont que des termes commerciaux, je les ai retranscrits.

(Il tend une feuille à Blackburn)

Blackburn : Bonne initiative, mais décidemment ça ne nous avance pas...

(Noir).

 

 

Scène 11

Chez les Griffon.  Harry, Hugo et Caroline.

Harry : je reviens vous rendre visite Hugo car j’ai découvert ceci.

(Il tend un journal intime à Hugo)

Caroline : et qu’est-ce que c’est ? On dirait un vieux bouquin ?

Hugo : j’ai une petite idée

Harry : rien de moins que le journal intime de Robert.

Caroline : il n’a pas été pris par la police ?

Harry : la police a perquisitionné la chambre de Robert, mais pas le reste de la maison. Robert le rangeait entre deux livres dans la bibliothèque. Il était ainsi à la vue de tous mais pour ainsi dire invisible…je l’ai trouvé par hasard en rangeant la bibliothèque.

Hugo : et alors Harry, tu es parti si vite l’autre jour…

Caroline (regarde tout à tour fixement son mari puis Harry) : tu as d’ailleurs oublié ton écharpe, tiens, la voilà, elle sent bon…

Harry : je suis au courant

Hugo : de quoi au juste ?

Harry : Robert, ton grand ami, t’a spolié, …et tu as perdu beaucoup

Caroline : on se demande pourquoi tu as continué à le fréquenter…

Hugo : alors tu sais. Très bien. Ce que tu ignores pourtant c’est que je me suis volontairement installé ici avec ma femme. Je voulais qu’il puisse me voir, le plus régulièrement possible et chaque fois je ne manquais pas de lui rappeler ce qu’il était devenu et ce que j’étais resté.

Harry : j’ai la preuve de sa trahison. Des pages entières d’aveux, de remords déguisés en victoire. Ecoute p. 45 : « Hugo ne se remettra jamais d’un tel revers de fortune. Je suis en train de remonter une affaire, et cette fois sans lui. Je compte bien lui montrer quel homme puissant je suis devenu, seul, à force de travail et d’acharnement. Il n’a pas la carrure suffisante, il s’apitoie sur son sort. Moi je n’ai pas d’état d’âme, il n’en faut pas pour avancer. »

  1. 102 : « Hugo est venu s’installer près de chez moi. Je ne pensais pas le revoir si vite. Il me rappelle sans cesse des souvenirs passés. Il veut me culpabiliser. »

p.143 : « Hugo est encore venu ce soir. Son attitude me gêne, il joue à être mon ami, alors qu’il sait que je l’ai trahi. Je ne sais pas ce qu’il cherche. »

« Nous avons beaucoup bu ce soir avec Hugo … »

Caroline : mais c’est affreux, arrête de lire ce chiffon ! C’est dégoûtant !

Hugo : oui, je suis venu ici, j’ai fréquenté Robert jusqu’à l’écœurement, il m’a entendu chaque fois, lui rappeler quel ami j’étais resté pour lui. J’ai brisé sa carapace d’homme fort, jusqu’à ce qu’il soit rongé par le remord. Il s’enfermait le soir dans sa chambre pour écrire son journal. Oui, il était à bout, et moi je commençais tout juste à jubiler !

Caroline : mais qu’est-ce que tu racontes Hugo ?

Hugo : tu vois Harry, la vie ici avec ma femme, n’a rien de bien distrayant, c’est même d’un ennui mortel. J’en suis réduit à m’occuper de mes plantes le plus clair de mon temps. Mais avec Robert, je m’amusais un peu.

Harry : j’essaie de comprendre, tu savais que Robert était un salaud mais tu prenais plaisir à le fréquenter ?

Hugo : oui, beaucoup de plaisir, car je le dominais à ma façon. Je lui ai conseillé de se laisser aller un peu plus, de rompre lui aussi avec la monotonie de sa vie.  Je le faisais boire, et il se laissait faire…

Caroline (à Hugo) : mais tu es monstrueux… (à Harry) Harry qu’avez-vous fait, je ne reconnais plus Hugo, partez, quittez cette maison avec votre torchon. Vous êtes une famille de malades. Regardez ce que vous avez fait !

Harry : Hugo, Robert était votre jouet, c’est cela ? Vous l’avez mis dans les bras de Linda, c’est ça ? Jusqu’où avez-vous été ?

(Noir).

 

 

Scène 12

Manoir des Margery. Miss Egan et Miss Lestrade

Miss Egan : ils m’ont enfin relâché. Cette garde à vue a duré plus qu’elle n’aurait dû. Je n’ai jamais subi une humiliation pareille.

Linda : Tant mieux pour vous si la police vous a relâché.

Miss Egan : je quitte enfin cette maison.

Linda : ha, ça y est. Enfin.

Miss Egan : je suis libérée, de tout apparemment.

Linda : formidable

Miss Egan : je ne suis plus une « domestique ». Nous pouvons discuter un peu, entre Miss.

Linda : je n’y tiens pas particulièrement.

Miss Egan : je sais que vous m’en voulez d’avoir laissé les lettres sous le nez de Harry. Mais c’était un mal pour un bien. Regardez maintenant il sait, tout le monde sait, et vous pouvez enfin revivre normalement.

Linda : normalement, vous plaisantez ?

Miss Egan : vous aimez Harry, non ? Il est à vos côtés ? Tout est bien qui finit bien ! Je ne peux pas en dire autant.

Linda : ce n’est pas si simple Miss Egan, et vous le savez.

Miss Egan : ma petite, je vais vous dire une chose, et même deux. D’abord Robert, sous des dehors calmes, était une cocotte-minute prête à exploser. Je le sais, j’ai subi ses foudres dans le temps. Deuxièmement, il a essayé de me réduire en poudre moi aussi.

Linda : comment cela ?

Miss Egan : J’étais très jeune lorsque je suis entrée à son service, j’aimais Robert, pas comme un patron, comme un homme. Il m’a vite fait comprendre que je resterai à jamais la gouvernante, alors j’ai fini par me faire une raison…et puis longtemps après j’ai rencontré Maître Fairley…je ne me remets pas de sa mort ! Vous savez, j’étais enfin sur le point d’être heureuse…

Linda : pourquoi est-ce que vous me confiez votre vie Miss Egan ?

Miss Egan : pour que vous vous libériez un peu de votre fardeau, et que vous sachiez que je vous comprends.

Linda : c’est très gentil à vous.

Miss Egan : vous en avez bavé avec Robert ?

Linda : un peu oui. Surtout à la fin.

Miss Egan : parce que vous vouliez lui résister,

Linda : oui, il n’a pas supporté que je veuille mettre un terme à notre relation.

Miss Egan : de toute façon, ça n’aurait pas pu aller bien loin. Il n’aurait jamais divorcé. Les conventions sont ce qu’elles sont. Un homme de son rang ne pouvait pas être avec une gouvernante, ni même avec une fille comme vous

Linda : oui certainement, mais vous pensez que j’en avais après son argent ?

Miss Egan : oh, vous auriez été bête de ne pas y penser

Linda : évidemment

Miss Egan : sans Robert, vous êtes tranquille maintenant, pas vrai ?

Linda (soulagée) : je suis libérée d’un poids

Miss Egan : et le poison est une bonne manière d’en finir avec un homme devenu encombrant

Linda : quoi ? Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Miss Egan : vous avez peut-être bien fait, pour vous je veux dire et pour votre histoire avec Harry

Linda : mais, mais …Miss Egan, je n’ai pas tué Robert, non ce n’est pas moi…le poison, non, je n’ai pas pu faire une telle chose…vous voulez me piéger, c’est ça ?

Miss Egan : adieu Miss Lestrade. Tâchez de ne pas le rester, Miss, comme moi…

(Noir).

 

 

Scène 13

Esther et Harry. Au salon, sur le canapé, Harry a la tête sur les genoux de sa mère, comme un enfant. Sa mère lui caresse les cheveux et le visage dans une pose lascive.

Esther : je suis lasse, si lasse

Harry : oh mère, moi aussi vous savez

Esther : quand est-ce que tout cela va finir ?

Harry : quand le méchant meurtrier sera démasqué

Esther : ou la meurtrière, Harry, il ne faut exclure aucune hypothèse, comme dirait madame la policière !

Harry : elle est partout, tout le temps…la vision de cette femme commence à devenir un véritable cauchemar, et ne parlons pas du son de sa voix…j’ai parfois l’impression qu’elle chuchote dans mes oreilles

Esther : nous sommes tous les deux Harry, comme avant

Harry : avant Robert

Esther : oui, et tu vois, il me manque… mais j’ai tant souffert à cause de lui…

Harry : Robert n’était pas un saint homme…

Esther : ce drame nous aura permis de nous retrouver mon fils.

Harry : j’en suis si heureux maman.

Esther : mon petit, mon tout petit…tu m’as manqué.

Harry : je t’aime maman, je t’aime plus que tout.

Esther : plus que ta Linda ?

Harry : ne gâche pas tout maman…

(On sonne)

Esther : Miss E…ha j’oubliais, nous sommes seuls à présent

Harry : j’y vais maman

(il va ouvrir)

Harry : Linda ? Qu’est-ce que…tu fais là ? Je ne m’attendais pas à te voir

Linda : tu m’as envoyé une invitation Harry

Harry : je ne crois pas non, mais entre. Je suis avec ma mère.

Linda : pour changer

Harry : c’est ainsi

(on sonne)

Harry : Bonsoir Hugo, Caroline, vous non plus je ne m’attendais à vous voir, entrez, je suis avec ma mère…et Linda

Caroline : bonsoir, Miss Egan n’ouvre plus ?

Harry : elle nous a quitté

Linda : et je ne crois pas que nous la reverrons

Hugo : Harry ! Ravi de te revoir ! Esther, vous êtes resplendissante ! Mais pas autant que vous chère Linda. Nous avons reçu votre invitation avec une sorte de stupeur, et nous n’avons pas pu résister à l’envie de venir. J’ai néanmoins dû traîner Caroline, qui n’est pas dans sa meilleure forme, n’est-ce pas chérie ?

Caroline : non, en effet

Esther : vous êtes les…bienvenus alors, mais je ne vous ai nullement invité. J’avais plutôt prévu une soirée tranquille avec mon fils. Miss Egan ne vous servira plus. Alors si vous le voulez bien, je ne vous propose rien.

Harry : maman, je peux recevoir nos invités surprise,

Esther : Linda, vous êtes toute défaite, qu’est-ce qui vous arrive ?

Linda : je suis fatiguée madame, fatiguée de vos sarcasmes permanents

Esther : la Miss est mal lunée, houhou !

Caroline : je vois que vous êtes tous fous, j’ai soif

Harry : du Whisky pour Caro ! C’est ma tournée

Hugo : tiens, je m’en jetterai bien un petit aussi !

Harry : ça roule Hugo !

Esther : quel barman ! Mon fils est surprenant, vous ne trouvez pas Linda ?

Linda : si si, surprenant

Esther : alors qui a tué Robert ?

Harry : au moins ce n’est pas Fairley, et ben non, il est mort (il rit)

Caroline : vous êtes…irrespectueux (elle avale son Whisky cul sec)

Hugo : détends-toi chérie, détends-toi, tu es si sérieuse. Harry plaisante

Esther : sers-moi donc un verre aussi

Harry : à vos ordres mère

Linda : ta vraie nature se dévoile Harry

Harry : la tienne est déjà à nue

Linda : tu es le bon fiston à sa maman

Hugo : vous ne pouvez pas lui jetez la pierre, vous vous êtes tapé Robert

Harry : ça rime

Esther : ah oui, pierre et Robert

Linda : c’est la débandade

Harry : il ne nous reste que cela chérie

(ça sonne encore mais personne ne répond)

(Blackburn entre suivi d’Arthur, ils restent dans l’entrée et observent la soirée décadente et déconcertante qui se tient devant eux. Un spectacle mi pathétique, mi farcesque où plus personne n’a aucune retenue, entre insultes et bons mots) 

Arthur : regardez-moi ce travail, votre petite fête surprise a mis une sacrée pagaille !

Blackburn : ils ont des choses à se dire

Arthur : bientôt, ils vont se jeter des couteaux au visage !

Blackburn : et bien au moins, on sera fixé

Arthur : vos méthodes laissent à désirer

Blackburn : et bien que préconise notre Arthur plein de bon sens et de bon sentiment ?

Arthur : de revenir aux fondamentaux,

Blackburn : qui sont ?

Arthur : un examen plus raisonné de l’enquête comme nous l’avons fait chez le notaire.

(Blackburn se raidit, elle reste silencieuse et concentrée)

Arthur : vous faites une drôle de tête

Blackburn : vous avez raison, il faut revenir aux basiques, une nouvelle perquisition s’impose dans le manoir.

(elle téléphone) Allo, oui, envoyez moi l’agent Barnes pour une nouvelle perquisition, oui, au manoir. Tout de suite oui.

Arthur : permettez que j’aille au petit coin

(il se retire un instant)

Blackburn : allez-y, en attendant, je vais essayer de faire sortir cette assemblée…je vous prierai de quitter les lieux au plus vite,

(personne ne l’entend)

s’il vous plaît, il faut que vous sortiez, nous allons procéder à une nouvelle perquisition

(personne ne répond)

Je vous ai demandé de sortir ! elle hurle DEHORS !

Tout le monde la regarde interloqué, et se fige

Esther (un peu ivre) : faut pas s’énerver madame la policière, faut garder son self control, on vous apprend pas ça dans la police

Harry : allez maman, tu as assez bu

Linda : vous êtes lente, lente à trouver le coupable

Harry : je ne suis pas sûr que vous soyez à la hauteur

Hugo : à vrai dire, vous êtes en dessous de tout

Caroline : les femmes ne sont pas faites pour ce genre de métier

Blackburn : dehors, tous

Arthur (revient) : je crois qu’ils ne vous aiment pas beaucoup

Blackburn : je m’en moque

(l’agent Barnes entre pour la perquisition, pendant ce temps Arthur et Blackburn devisent)

Blackburn : Alors Arthur, selon vous qui est-ce ?

Arthur : c’est…Linda, le poison est une arme féminine, et puis elle savait qu’à vouloir croquer deux hommes d’une même famille, elle risquait de tout perdre.

Blackburn : ouais

Arthur : rappelez-vous qu’elle a précisé qu’à la suite de sa rupture avec Robert, ce dernier avait menacé de déshériter Harry. Elle devait éliminer Robert avant qu’il ne passe à l’acte.

Blackburn : ouais, ça se tient…

Agent Barnes : Chef Inspecteur, regardez ce que nous avons trouvé caché sous des vêtements dans une commode de la chambre d’Esther Margery

(il lui tend une planche de timbres)

Arthur : des timbres ? Mon dieu pourquoi n’y avait-on pas pensé avant, ce sont les timbres...

Blackburn : ... qui ont empoisonné Robert. Rappelez-vous il avait du courrier urgent à rédiger, il a léché les timbres ...

Arthur :  ... et il est mort

Blackburn : élémentaire mon cher Arthur

Arthur : mais alors ça veut dire que c’est…oh non, je ne peux pas le croire, c’est Esther qui a fait le coup ! C’est elle la coupable !

Blackburn : agent Barnes, rappelez tout le monde, nous sommes prêts pour le dénouement

Agent Barnes : entrez, allez dépêchez-vous, l’Inspecteur Chef Blackburn vous convoque, c’est un ordre

Esther : oh, il plaisante pas celui-là

Harry : maman, je crois que nous y sommes

(tout le monde entre en silence et s’assoit, l’atmosphère est lourde, seule Blackburn sourit)

Blackburn : voilà, je peux à présent prétendre avoir résolu cette enquête, pleine de surprises et de rebondissements. Nous venons de trouver l’arme du crime. (elle montre les timbres).

Ce sont ces timbres qui ont empoisonné Robert. Le meurtre s’est opéré par le truchement des timbres que possédait Robert. Du poison a été déposé sur la partie collante, et le pauvre homme a léché la fatale paroi pour faire son courrier.

Linda : C’est diabolique !

Blackburn : Ils ont été laissés par l’assassin lors de sa dernière visite, il n’avait donc pas besoin d’être présent pour que le crime se commette. Ceci explique que Robert soit mort seul dans sa chambre alors que la porte et la fenêtre étaient fermées de l’intérieur.

Esther : oh !

Blackburn : tôt ou tard Robert Margery utiliserait un timbre pour adresser un courrier. A ce moment-là, le poison ferait son office.

Harry : Mais qui a fait ça ? Allez-vous enfin nous le dire ?

Blackburn : Patience, je vais vous dire comment j’ai découvert qui se cache derrière ces deux meurtres, car nous avons bien affaire à un seul et unique assassin.

Tous vous aviez un mobile pour tuer Robert. Vous Esther d’abord, la femme humiliée par la liaison de Robert avec Linda, et effrayée à l’idée de perdre son héritage, peut-être pas tant pour vous que pour votre fils.

Esther : Non Inspecteur, vous vous trompez. Robert m’a secouru par le passé lorsque j’étais veuve de mon premier mari, complètement démunie. Je lui en serai toujours reconnaissante. Jamais je n’aurais pu le tuer.

Blackburn : Harry ensuite, vous avez aussi un mobile puissant : la jalousie.

Harry : Jaloux oui je l’ai été, mais je n’allais pas fonder notre amour avec Linda sur un crime.

Blackburn : Peut-être que Linda a eu moins de scrupules. Robert avait menacé de ne pas donner un sou à Harry.

Linda : Inspecteur, je vous ai raconté comment j’avais rompu avec Robert. C’est moi qui l’ai décidé ; si j’avais été intéressée par l’argent je serais restée auprès de lui.

Blackburn : Et puis il y a Hugo, l’ami – si peu ami en réalité – spolié, avec un mobile évident, la vengeance.

Hugo : Robert et moi nous étions comme des frères et c’est vrai qu’il m’a trahi de façon terrible en me ruinant. Alors oui j’ai voulu me venger, mais je n’avais aucun intérêt à le tuer, au contraire je voulais lui faire payer le plus longtemps et le plus durement possible.

Blackburn : Enfin reste Caroline. Et si le mobile était de sauvegarder à tout prix un rang auquel vous aspirez plus que tout ?

Caroline : Comment pouvez-vous me croire capable d’un meurtre ? C’est insensé. J’ai des valeurs et le crime n’en fait pas partie !

Blackburn : Tous vous aviez un mobile pour tuer Robert Margery, mais ce qui ne collait pas, c’est le meurtre du notaire. Je suis persuadée que l’assassin n’avait pas prévu dans son plan initial de tuer Maître Fairley, mais il a été contraint de le faire et ... c’est ce qui l’a perdu.

Arthur : Que voulez-vous dire Inspecteur ?

Blackburn (d’un ton accusateur après un silence) : Vous le savez parfaitement, car c’est bien vous, Arthur Helm, l’assassin que je recherche depuis le début !

Esther : non ! Pas vous Arthur ! Mais pourquoi ?

(Réactions incrédules des uns et des autres, réaction mélange de stupeur et d’ironie d’Arthur)

Blackburn : l’assassin est celui qui avait un mobile pour les deux meurtres. Pour celui de Robert, c’est l’argent : vous vouliez empocher la fortune d’Esther. Vous saviez que Robert laissait tout à sa femme. Si elle venait à être désignée coupable, comme vous l’aviez prévu, c’est vous et vous seul qui toucherait la fortune de Robert. Car vous êtes le dernier parent de cette famille. Nous savons qu’Harry n’est pas du même sang que Robert.

Caroline : Mais Arthur était toujours prêt à défendre Esther, à la protéger.

Hugo : Oui quand les relations entre Esther et Harry se sont tendues à cause de Linda et de sa liaison avec Robert, Arthur a agi comme un fils pour Esther.

Blackburn (se tournant vers Arthur) : Oui,  vous avez été habile. Mais dans l’ombre vous étiez en train de veiller à ce qu’elle se fasse accuser.

Arthur (ironique) : pure spéculation. Qu’est ce qui le prouve ?

Blackburn : c’est simple : seul l’assassin savait que l’arme du crime était les timbres. Et en annonçant une nouvelle perquisition, je vous tendais en fait un piège.

Arthur (surpris) : comment cela un piège ?

Blackburn : dans la liste des objets retrouvés dans le bureau de Robert Margery, il manquait une chose pour faire son courrier : les timbres ! Je pense que vous avez profité de la proximité qui s’était instaurée avec moi pendant l’enquête, pour récupérer dans mon bureau ces timbres.

Esther (suffoquée) : et il les a cachés dans ma chambre ...

Blackburn (s’adressant à Arthur) : oui, vous vous êtes éclipsé un instant avant l’arrivée de l’agent Barnes et vous avez caché les timbres empoisonnés dans la chambre d’Esther. Mais ce que vous ignoriez c’est que la maison avait déjà été fouillée et nous n’avions rien trouvé de particulier dans la chambre d’Esther, mais cela je ne vous l’avais pas précisé, Arthur Helm.

Arthur (lentement, d’un ton vaincu) : je vois, Chef Inspecteur Blackburn. Qu’est-ce qui vous a mis sur ma piste ? Je pensais mon plan parfait.

Blackburn : c’est le meurtre du notaire qui a été le grain de sable. Pour Fairley, vous avez en effet gaffé. Oui lorsque le notaire est mort, et que j’ai évoqué les papiers qui l’accusaient de détournements de fond, vous avez fait allusion à « un ordre de vente ». Souvenez-vous. (Blackburn et Arthur peuvent rejouer un extrait de la scène passée).

Harry : c’est vrai, Maître Fairley a fait signer le papier à ma mère de façon si rapide que personne n’a eu le temps de voir de quoi il s’agissait.

Blackburn (insistant sur le mot personne) : personne n’était au courant de la nature de ce document, sauf le meurtrier de Maître Fairley, qui avait vu cet ordre de vente, à son domicile, avant de l’assassiner.

Arthur : et mon mobile ?

Blackburn : il n’était pas question pour vous de laisser la fortune d’Esther s’envoler si facilement. En tuant le notaire vous protégiez vos arrières. Une solution radicale pour être sûr de devenir riche.

Arthur : bravo Inspecteur Blackburn, je vous avais sous-estimé. J’y étais presque.

Blackburn : moi aussi cher Arthur, je vous avais sous-estimé. J’ai eu du mal à admettre que c’était vous. J’ai presque cru que vous auriez pu faire un bon flic.

 

(Noir final).


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