La nuit d’octobre

Le sketch fini en playback de la chanson de Gainsbourg

Textes déposés à la SACD / dépôt 116808

https://www.claude-gisbert.com/

https://www.youtube.com/watch?v=OP7Gpfpetk0

 

 Quatre hommes assis, face à une caméra. Un peu nerveux.

 L’un d’eux, Mathias porte un masque de petite fille.

Ce sont 4 très bons potes, même s’ils se chicanent souvent.

 

Fabrice, « le leader » aime à parler en public, il est le porte-parole du groupe

Mathias, « le poète maudit » c’est le plus grave et souvent le plus torturé

Jacques, « Le simplet » bonne volonté mais assez maladroit

Hubert. « Le prolo » aime bien la provoque, surtout si cela agace Mathias.

 

Fabrice :(Assis au centre, il tient un papier, prêt à le lire et une télécommande pour la caméra : il click): Mesdames, Mesdemoiselles… Surtout Mesdames et Mesdemoiselles d’ailleurs et éventuellement heu…Messieurs

 

Mathias : Très éventuellement même, parce que cette vidéo n’est en fait destinée qu’aux personnes du beau sexe…

 

Jacques : Aux gonzesses, quoi !

 

Fabrice :(Soudain choqué. Il click off) : Qu’est-ce qui te prend ? Calmos là ! Le mot que tu viens d’utiliser, excuse-moi…mais non ! C’est d’un rétrograde !

 

Jacques : Rétrograde ?

 

Fabrice : Et pas qu’un peu !

 

Mathias (Choqué idem) : Holà la, Moi, je suis carrément choqué, j’hésite même à quitter le plateau. Rester ne serait-ce pas là justifier l’emploi de ce mot inqualifiable.

 

Hubert : Mot inqualifiable ? Hé, c’est un contre-sens là, ben ouais, un mot ça qualifie, donc c’est pas inqualifiable… CQFD !

 

Jacques (Se justifiant) : Excusez… mais pour moi « beau sexe » comme c’était pas très clair, j’ai voulu … clarifier...

 

Fabrice : Ok ! Jacques, si tu veux clarifier encore quelque chose fais-le, mais de façon mutique.

 

Jacques : Mutique ?

 

Fabrice : Oui

 

Hubert : Ça veut dire de fermer ta gueule

 

Fabrice : Pas que ! (A Hubert) T’es un peu brut de décoffrage toi. Ce que je veux dire c’est que puisqu’on a écrit le texte ensemble, on s’y tient. Et si vous voulez intervenir, vous le pouvez… par des expressions physiques : regards, gestes, mouvement de tête… Hein Jacques ?

 

Jacques : J’ai pigé

 

Fabrice à Mathias : Qu’est-ce que c’est que tu nous as sorti-là… « Beau sexe »

 

Mathias : Une petite note de galanterie…

 

Fabrice : On s’en tient à ce qu’on a écrit : point final.

 Bon, on va la refaire, silence et laissez-moi parler. Action !

 

(Il click off, la vidéo reprend)

 

Voix d’Hubert : Pourquoi c’est lui qui parle ?

 

Fabrice : Mesdames et pour ainsi dire Mesdemoiselles…

 

Mathias : (Vif, bas, soudain paniqué) Faut pas dire Mesdemoiselles

 

Fabrice : Hein ? (Il click off)

 

Hubert : Qu’est-ce qu’elle a la belle au bois dormante ?

 

Mathias (A Hubert, agacé) : Si je porte un masque c’est pour l’anonymat. Si tu avais mes responsabilités…

 

Hubert : Ça nous déconsidère !

 

Jacques : Grave ! Grave de grave même !

 

Hubert : Tu imagines si les gars d’ETA, du Ku Klux Klan ou des indépendantistes Corses faisaient leurs revendications avec un masque de la belle au bois dormant sur la tronche.

 

Jacques : Sûr ! Le message ne passerait pas pareil ! Sûr !

 

Mathias : Je n’avais que celui de ma fille … et puis qu’est-ce qu’on en a à fiche, de toute façon y’a plus de genre, c’est fini ça. Plus d’hommes, plus de femmes, y’a que des humains, on est plus que des humains.

 

Fabrice : Ok !!! Tu voulais nous dire quoi sur les demoiselles ?

 

Hubert : (Bas, à Jacques) Plus de genre…pfeu…Moi j’me sens pas trop fille

 

Jacques : (Bas à Hubert) T’as pas encore trouvé ta part féminine, pour ça

 

Hubert : Ah ?

 

Mathias : (A Jacques et Hubert) Je peux ? (Ils acquiescent)

On ne peut plus dire Mesdemoiselles, on doit juste dire Mesdames.

 

Fabrice : Pourquoi ?

 

Mathias : Parce que dire Mesdemoiselles, c’est trop discriminant, trop violent.

 

Jacques : Ah bon ?

 

Mathias : Oui, ça veut dire qu’elles ne sont pas mariées, qu’elles sont seules, qu’elles sont…

 

Jacques : Moches ?

 

Fabrice : Mais non !!!

 

Mathias : T’es fou de dire ça !

 

Mathias:(Au caméraman) : Tu ne filmes pas au moins !

 

Fabrice : Jacques, bon dieu ! Mutique, reste mutique !

 

Jacques : Je posais une question !

 

Mathias : Penser qu’une femme puisse être mo… enfin disgracieuse

 

Fabrice :(Faux jeton 1) Moi j’en ai jamais vu !

 

Mathias : (Faux jeton2) Ni moi

 

Hubert : (Faux jeton 3) Ni moi

 

Jacques : Ni moi… heu…peut-être, une fois (Les trois autres sont outrés) mais de loin et puis maintenant, je n’en suis plus si sûr… (Criant presque) elle était de loin.

 

Fabrice : Ok, on oublie. Mathias, merci de nous avoir évité cette sacrée bourde, (Prenant un bic, il raye) exit mesdemoiselles

 

Mathias : (A Fabrice) Si je porte un masque c’est pour conserver mon anonymat

 

Fabrice : Oui ?

 

Mathias : Alors arrête de me nommer, hum?

 

Hubert : T’es tout le temps avec nous, par déduction, les gens vont deviner.

 

Jacques : Change de voix, (Parlant haute-contre) t’as qu’à parler comme ça

 

Hubert : Ah non ! Déjà qu’il a l’air con avec son masque

 

Mathias : Quoi, j’ai l’air con… (S’énervant) et toi avec ta tête t’as pas l’air con ?

 

Fabrice : Oh ! Calmos les mectons! Oh ! C’est pas le moment de nous les briser avec vos petites animosités de cours d’école. On a un message à faire passer. Ça vous évoque quelque chose : Un message. Pigé ?

 

Hubert : Il m’a attaqué sur mon physique !

 

Jacques : Quand même ! Ça ne se fait pas ! Quand même !

 

Fabrice : Laisse pisser.

 

Hubert : Si je résume : Moi on peut dire que je suis moche mais pas les filles. Et ben tu vois Jacques, ça y’est, je revendique mon côté féminin. Je veux être considéré illico. Que la belle au bois dormant me fasse ses excuses sinon je crise, là, maintenant (il commence à pousser des petits cris aigus)

 

Fabrice : Arrête tes conneries

 

Mathias : Réponse de la belle au bois dormant : va chier !!!

 

Hubert : Waouh ! Miss France se sent pousser des coucougnettes. Hé ! Va donc chercher un fouet ou une cravache pour que tu puisses nous corriger comme les vilaines friponnes que nous sommes, hein vicieuse !

 

Fabrice : Mais, qu’est-ce que tu nous chantes, il n’est pas gay

 

Mathias : Ben non, j’suis pas gay…enfin c’est pas parce que je porte … heu…le masque de ma fille que je suis gay, franchement…le rapport n’est pas…

 

Hubert : Ouais, explication vaseuse, tu t’embourbes, accroche toi et rame

 

Jacques : Hé ! C’est normal qu’il rame… s’il est pas gay ! (Pagaie)

 

Hubert et Jacques rigolent

 

Fabrice :(Accablé) : Oh là là !

 

Mathias (Dans sa barbe… merci Musset) :

Les plus désespérants sont les cons en duos.

 Et j’en sais des modèles qui sont de purs idiots.

 

Hubert : (Jouant au snob » Oh, Monsieur nous « vilipende », mais attention en vers et en alexandrin, oh ! (Il applaudit, faisant le précieux)

 

Jacques : (Qui n’a rien compris) Ouais ? Bof…  Ma blague est plus drôle, quand même, hein ? (La répétant, lourd dingue) C’est normal qu’il rame s’il est pas ….

 

Fabrice : Hé les gars ! Ça vous emmerderait de la fermer un peu ! Plus vite j’aurai lu mon texte, plus vite on aura …

 

Hubert : Ton texte ?!? Notre texte !

 

Fabrice : Oui, oui, évidemment, notre texte, mais comme c’est moi qui le lis…

 

Hubert : Tu veux te l’approprier ?

 

Jacques : Alors qu’on est copains ? Quel coup de vache !

 

Fabrice : Oui. Pour mieux le restituer

 

Hubert : Ah ? C’est un truc de théâtre ça, non ?

 

Fabrice : Le comédien doit si bien incarner le texte joué qu’on doit lui supposer la paternité des propos qu’il débite. Cela lui permet de transcender le sentiment à travers les mots. C’est un métier.

 

Jacques : (Perplexe) Alors là évidemment… s’il faut transcender … hein ?

 

Hubert : Moi je dis : ne transcende pas qui veut. Sans expérience, bonjour le gadin !

 

Jacques : J’en connais qui veulent transcender, comme ça, tout de suite, à la va vite…  que des vaniteux.

 

Hubert : Y’en a tout de même qui sont plus doués que d’autres.

 

Jacques : Toi Hubert, tu serais un «transcendanteur » au poil !

 

Hubert : Tu dis ça (Il soupire) C’est parce que tu me regardes avec les yeux de l’amour

 

Jacques : Me voici découvert. Embrasse-moi grand fou !

 

Fabrice : Vous êtes lourds, putain que vous êtes lourds

 

Hubert : Viens nous rejoindre Fabrice, toi aussi Mathias, puisque y’a plus de genre, hein ?

 

Jacques : (A Mathias) Mais garde ton masque. Une p’tite touche de féminité, ça aide !

 

Mathias : Vous rigolez, mais quand il fallait écrire le texte pour dénoncer les injustices que nous avions subies, là, ça se bidonnait moins. On s’est tous fait laminer, massacrer, on a pu l’exprimer par écrit et maintenant qu’on est arrivé presqu’à terme, vous sabotez la dernière étape. Une caméra et c’est la gaudriole à tout va ! Si on se débine maintenant on ne se le pardonnera jamais. Alors qu’est-ce qu’on fait ? On continue à se poiler comme des ringards ou on y va ?

Silence

Fabrice : On y va

 

Hubert : On y va Mathias, on y va !

 

Mathias : Evitez de me nommer aussi

 

Jacques : On y va ! Y’a pas à se triturer l’ciboulot : Tous ensemble tous ensemble, ouais ! Ouais !

 

Fabrice : Parfait. (Il click) Action ! (Voix de Jacques : Tous ensemble, tous ensem… Fabrice lui fait signe de se taire) Mesdames et pour ainsi dire mes…mesdames

 

Hubert : Et messieurs aussi … un peu…quand même…

 

Jacques : Mais pas mesdemoiselles, parce que… nous, on ne vous juge pas sur votre physique… hein Mathias ? (Mathias est accablé) Même si vous êtes moche de loin…

 

Fabrice : (Sec pour couper Hubert) Mesdames donc, depuis trois, quatre ans, de nombreux mouvements ultra féministes gangrènent notre sociét…

 

Mathias : Gangrène ? T’es sûr que c’est ce qui est écrit ?

 

Fabrice : (Relisant) Etreignent, c’est étreignent…évidemment ça ne veut pas dire la même chose. (Il click off)

 

Mathias : (Paniquant un peu) Si tu veux nous faire tuer, c’était le mot à utiliser…

 

Hubert : (Paniquant beaucoup plus)Nous faire tuer, nous faire tuer, pourquoi « nous » ? C’est lui qui l’a dit !

 

Jacques : (Montrant Fabrice) Me llamo Rodriguez, y no lo conozco ! No lo conozco !

 

Mathias : Pas la peine de paniquer, on va juste coup…

 

Hubert : Et moi, me llamo Sanchez, y también no lo conozco ! No lo conozco du tout !

 

Fabrice : Pour un petit plantage vous me lâchez illico ! Belle Solidarité !

 

Hubert : (Criant presque) T’as vu à qui on s’adresse ! ? !

 

Jacques : (A Fabrice) Moi je suis solidaire … mais avec ceux qui ne sont pas solidaires avec toi, c’est tout. (Face caméra) Me llamo Rodriguez y no lo conozco, no lo ...

 

Mathias : Oh !!! C’est bon, au montage, on va simplement couper le passage. Ni vu, ni connu.

 

Soudain calmés

 

Hubert : Face à la caméra, on prend conscience d’un coup qu’on est vulnérable

 

Jacques : Moi c’est pareil, j’ai pris conscience aussi…d’un coup… surtout quand Mathias a dit qu’on allait se faire tuer. Là j’ai super bien pris conscience, fort, très fort !

 

Mathias : C’est une métaphore, on ne tue pas les gens pour quelques désaccords sociologiques, religieux ou autre, enfin.

 

Hubert : (Perplexe) Hum, hum…Est-ce que les fanatiques sont au courant ?

 

Jacques : Ils ne le savent peut-être pas ? Les pauvres.

 

Hubert : Si on faisait une annonce avant ?

 

Jacques : Cool (A Fabrice) Action !

 

Hubert : J’improvise… heu… Monsieur ou madame le fanatique, (A Mathias et Fabrice) écriture inclusive, j’ai dit madame.

Assassiner pour un oui ou pour un non, heu, n’est-ce pas un peu excessif ?

 

Jacques : Bien dit ! Poser une question, ça interroge.

 

Hubert : Car enfin, soyons cohérent, monsieur ou madame le fanatique, si vous tuez tous les gens qui ne pensent pas comme vous, vous allez vous retrouver qu’avec des gens qui ne pensent que comme vous. Et là…

 

Jacques : Là… Vous allez vous faire bien suer !

 

Hubert : Et d’un ! Et de deux, une pensée fixe …heu… c’est un peu comme de l’eau, si elle ne se renouvelle pas régulièrement, elle croupit

 

Jacques : Et les petits poissons qui sont dedans croupissent avec !

 

Hubert : Et à force, vous allez sentir mauvais du cerveau

 

Jacques : Une horreur !

 

Hubert : Qui dit cerveau pourri dit action dégueulasse

 

Jacques : CQFD

 

Hubert : Alors je vous le dis solennellement : Arrêtez d’être con !

 

Jacques : Ou conne, (A Fabrice et Mathias) écriture inclusive.

 

Hubert : Comment s’en sortir … heu…faites de la poésie comme Mathias… (bas) mais c’est chiant

 

Jacques : Faites du théâtre comme Fabrice, (bas) mais c’est chiant aussi

 

Hubert : Découvrez l’amour, nous sommes quatre beaux célibataires fougueux et (bas, se voulant sensuel) si vous êtes une jolie p’tite fanatique bien coquine à forte poitrine, inutile d’aller en Toscane pour découvrir ma tour de Pise.

 

Fabrice : (Montrant Hubert, calme) Me llamo Cortes y no lo conozco ! No lo conozco !

 

Hubert : Pourquoi tu dis ça ?

 

Fabrice : Tu veux montrer ta tour de Pise à des ultras féministes, elles vont te la ratiboiser fissa

 

Mathias : Bof, Un édifice croulant, c’est un mal pour un bien.

 

Hubert : (A Mathias, commençant à paniquer) Ecrase ! De toute façon il n’enregistre pas, (A Fabrice, soudain inquiet) t’enregistre pas, hein ?

 

Mathias : A propos d’enregistrer puisqu’on est là pour ça, on pourrait peut-être s’y mettre ?

 

Hubert : Oui, mais t’enregistrais pas ce que je disais, hein ?

 

Jacques : (Très inquiet) Moi j’ai pas parlé de la tour de Pise, d’ailleurs je ne sais même pas où elle est cette tour ?

 

Fabrice : A Pise

 

Jacques : Ah ? Eh bien maintenant je le saurai

 

Hubert : Alors, on coupe bien ce que j’ai dit, hein ?

 

Mathias : Oui !

 

Hubert : C’est mieux de rester sur le texte que tu as superbement rédigé… avec Fabrice.

 

Mathias : Merci

 

Hubert : Chut Jacques

 

Jacques : Je ne disais rien

 

Hubert : Chut !

 

Jacques : Mais puisque je ne dis…Ah ? Là maintenant oui, t’as raison, je parle. Chut !

(A Fabrice) Je m’auto-chut !

 

Fabrice : (Lisant) Mesdames et… que mesdames d’ailleurs, depuis trois, quatre ans, de nombreux mouvements ultra féministes étreignent notre société, l’enlaçant de ses slogans les plus vifs, saisissant nos lèvres effarouchées pour y déposer un baiser aussi intrépide que vivifiant….

 

Hubert (Vif, bas) : Oh ça c’est bien écrit

 

Jacques (Vif, bas) : C’est Mathias qui l’a trouvé. Bravo Mathias

 

Mathias (Vif, bas) : Arrêtez de me nommer !

 

Fabrice : (Lisant, un peu pompeux) Baiser fougueux soit, et vigoureusement appliqué mais peut-être, parfois, je dis bien parfois, un tout petit peu étouffant…

 

Jacques : (Vite à Hubert) D’avoir dit deux fois parfois c’est bien, ça souligne que c’est pas tout le temps, hein ?

 

Hubert : (Vite à Jacques) Ça indique sans critiquer

 

Fabrice : (Lisant) Soit, n’en disconvenons pas, jusqu’à peu, nous autres hommes mal dégrossis, n’étions pas à même de concevoir la substantifique moelle qui caractérisait la spécificité du génie féminin…

 

Jacques : Parce qu’on nous le disait pas !

 

Hubert : Alors on ne le devinait pas !

 

Mathias :(A Jacques et Hubert, irrités) Oh les blaireaux ! Pour reconnaitre le génie encore faut-il en avoir !

 

Hubert : Hou, le sous-entendu…

 

Jacques : On l’a bien entendu !

 

Fabrice : Oui mesdames, nous n’étions encore que des butors mais grâce aux nouveaux mouvements néo féministes qui depuis peu emplissent la sphère politique et sociale, nous sommes désormais enclins à comprendre enfin le juste combat qui vous anime depuis si longtemps… Enfin grâce à vous, nos yeux se dessillent et nous restons fascinés, oui fascinés devant les perfections que vous nous exposez quotidiennement…

 

Jacques : Matin, midi et soir !

 

Hubert : (Enthousiaste, il lève le pouce vers Jacques)

 

Fabrice : Comment pouvions-nous vivre autrefois auprès de vous sans distinguer les sublimes vertus qui jalonnaient à chaque instant notre sinistre ordinaire …

 

Hubert : Soir, matin, midi

 

Jacques content lève un pouce

 

Fabrice :(Reprenant, un regard agacé vers Hubert) … Notre sinistre ordinaire à nous autres, pauvres mâles sans relief, sans consistance, sans saveur. Qu’étions-nous alors, si ce n’est de pitoyables béotiens aveuglés par notre fatuité de primitifs …

 

Jacques : (Qui ne sait pas ce que ça veut dire) Fatuité ? Heu… hein ? Est-ce que ça me désigne bien en fait ?

 

Mathias : Non, mais primitif, oui

 

Jacques : (Satisfait) Ah !

 

Fabrice : Mesdames les ultras féministes : Laideur, nous sommes, beauté, vous êtes !

Tels d’épouvantables furoncles sur la fesse gauche d’une Monica Bellucci …

 

Jacques : Sur la fesse droite, ça marche aussi !

 

Hubert : Aussi

 

Jacques : Ça a été une longue discussion

 

Hubert : Finalement on a joué ça à pile ou face

 

Mathias : Vos gueules !

 

Hubert : Mais… Je dis ça… pour le bonus de la vidéo

 

Jacques : Que les gens sachent !

 

Fabrice : (Reprenant) Tels d’épouvantables furoncles sur la fesse gauche d’une Monica Bellucci, nous ne sommes auprès de vous, Mesdames les ultras féministes, que nécroses purulentes et infectieuses…

 

Hubert : Pfeu… Là, je n’valide pas trop

 

Jacques : (Bas à Hubert) Bof… Comme je ne comprends pas tout…

 

Fabrice : Comment vous définir sans être subjugué, sans être en extase.

Extase si délicieusement dépeinte par le poète :

« Et quand on vient à voir vos célestes appâts

Un cœur se laisse prendre et ne résonne pas ! »

 

Jacques : Chut !

 

Hubert : Quoi ?

 

Jacques : Non ! J’allais dire un truc alors je m’auto chut ! Chut !

 

Fabrice : Laissez-moi vous adresser spontanément quelques adjectifs définissant vos innombrables perfections et qui me viennent à l’esprit, tel un bouquet de roses que l’on jette à une divinité inaccessible : Mesdames les ultra féministes, vous êtes gentilles !

 

Jacques : Très !

 

Fabrice : Vous êtes, vous êtes…oh mon Dieu, vous êtes généreuses, bienveillantes, compréhensives, subtiles… (Il perd sa ligne et cherche son texte)

 

Hubert : (Venant au secours de Fabrice) Heu… Vous sentez bons !

 

Jacques : Très !

 

Fabrice : Impartiales, justes, pertinentes, avariées…

 

Jacques : Très !

 

Mathias : Fabrice !!!

 

Hubert : Avariées ?

 

Fabrice : Avenante !!!

 

Jacques : (Parlant bas, rapide). Ça commence pareil !

 

Fabrice : (Soudain conscient de la bourde) Avenante !!! Avenante !!! Alors, Grand Dieu ! Pourquoi nous vous sommes si inférieurs, pourquoi deux êtres si proches sont pourtant si dissemblables, pourquoi à tant de perfections répond tant d’infamie ? Pourquoi ??? La réponse nous fut délivrée par un journal dit féminin.

Tout cela s’explique à cause de la testostérone.

 

Mathias : Notre appareil génital est donc la source de notre bestialité.

 

Fabrice : A la découverte de cette sinistre vérité, Nous fûmes anéantis.

Aussi dans un premier temps, de dépit, nous décidâmes de nous émasculer sur le champ

 

Hubert : Dans un second temps, on a changé d’avis

 

Mathias : Mais pas sans débattre, pas sans débattre du tout !

 

Jacques : Faut nous comprendre aussi. On a nos coucougnettes depuis tellement d’années. Ça nous désemparerait trop.

 

Hubert : Si on était plus jeune…

 

Jacques : Oui, dans ce cas, ce serait moins désemparant, hein ?

 

Fabrice : Puisque nous ne pouvons pas aller jusqu’au sacrifice ultime, nous avons décidé de nous fustiger symboliquement, là, maintenant, ici même et devant vous. Oui, Mesdames les ultras féministes devant vous.

Sans atermoiement, sans aménité, sans indulgence

 

Mathias : Flétrissons-nous !

 

Fabrice : (Sortant une baguette en bois) Que cette sainte baguette en bois vous venge des imperfections que vous dûtes supporter tant et tant

 

Mathias : Que vous éprouvâtes jusqu’à la lie !

 

Fabrice : Tout cela à cause de cette maudite testostérone !

 

Mathias : Pénis ! Pénis ! Tu ne m’imposeras plus ta tyrannie.

 

Fabrice : Pénis ! Pénis ! Je ne serai plus ton esclave

 

Mathias : Pénis ! Pénis ! Je te proscris à tout jamais, va ! Hors de ma vue !

 

Hubert : Surtout ma belle, si je te le carre dans ton bon gros c…

 

Jacques : (Vif ! A Hubert) Auto-chut toi ! Auto-chut-toi !

 

Hubert : Ah putain, pardon les gars, pardon. Réflexes pourris de vieux macho.

 

Jacques : T’inquiète Hubert, moi aussi avant je regardais les derrières mais maintenant que je sais que c’est mal, je me prohibe les yeux et pour les roploplos, pareil ! Je me prohibe aussi.

 

Hubert : Faudrait qu’elles nous fassent une liste, pour savoir ce qu’on peut regarder ?

 

Jacques : Qu’elles nous envoient un schéma corporel, avec des flèches, des parties coloriées.

 

Mathias :(Très grave) Hubert, Pour tuer l’homme phallocrate que tu fus, il est temps, va, flétris-toi.

 

Hubert : Ok, mais on avait dit chacun notre tour ?

 

Jacques : Comme on a fait aux répètes, sinon je me paume moi.

 

Mathias : Oui. Allons, fustigation collective !

 

Les quatre hommes se lèvent. Ils se placent les uns derrières les autres.

D’abord Fabrice, Hubert, Mathias et Jacques en dernier.

Hubert tient une baguette et se place derrière Fabrice.

 Fabrice est donc devant, Hubert derrière lui, la baguette à la main.

 

Fabrice :(Face caméra, grave) Vil Pénis, tu ne me domineras plus car je te désavoue et te récuse ad vitam aeternam. (Petit silence, Fabrice dit tout bas) Vas-y, c’est le moment

 

Hubert : Ah ? (Hubert donne un petit coup de baguette dans le dos de Fabrice, puis Fabrice passe à l’arrière et Hubert se retrouve devant la caméra. Hubert donne la baguette à Mathias).

Vil Pénis, Arrête de…non c’est pas ça, ah oui ! Tu ne me domineras plus, déjà, et d’un ! Et de deux heu… (Bas à Mathias) Le truc latin ? Mathias !

 

Mathias : (Soufflant à Hubert, bas et énervé) Je te désavoue et te récuse ad vitam aeternam et arrête de m’appeler Mathias merde !

 

Hubert : Je te désavoue et te récuse ad vitam et … miam miam…on aurait pu faire plus simple

 

Jacques : Je trouve aussi !

 

Mathias donne un léger coup de baguette dans le dos d’Hubert qui ne sent rien, il reprend un second coup.

 

Hubert : T’as pas tapé là ? Tape plus fort, on sent rien avec ta baguette de tafiot… avec cette baguette. Cogne !

 

Mathias : Hubert (Mathias frappe un peu plus fort, Hubert passe derrière Fabrice, Mathias donne la baguette à Jacques)

 

Jacques : (A Hubert) : Tu t’auto-chutes pas assez !

 

Mathias :(Face caméra, exalté) Vil Pénis, Non !!! Tu ne me domineras plus car je te désavoue et te récuse ad vitam aeternam. (Mathias hurle les deux derniers mots, Jacques pétrifié ne réagit pas).

 

Fabrice : (Soufflant à Jacques) C’est le moment

 

Jacques : Hein ?

 

Hubert : Vas-y, cogne ! Cogne !!!

 

Jacques frappe comme une brute ! Mathias hurle en s’écroulant à moitié

 

Mathias : Mais t’es complètement con ou quoi !!!

 

Jacques : (Complètement désolé) On m’a dit de cogner

 

Mathias : (Furieux) Symboliquement, connard !

 

Jacques : Symboliquement ?

 

Mathias : Evidemment, tu ne sais pas ce que ça veut dire ? (Allant vers Jacques qui fuit) Attends je vais te montrer la différence, donne-moi la canne.

 

Jacques : (Commençant à fuir avec la canne) Je ne te sens pas amical, je te sens pas amical du tout

 

Fabrice : Calme-toi Mathias

 

Mathias : Arrêtez de me nommer, putain !!!

 

Hubert : La belle au bois dormant c’est mieux ?

 

Mathias : Tu me cherches là ?

 

Fabrice : Non, personne ne te cherche

 

Jacques : (Fuyant) Moi non plus je te cherche pas, c’est même plutôt l’inverse, je préfère ne pas te trouver.

 

Hubert : (Voulant calmer le jeu) Tu t’es fait fustiger plus fort que prévu, bon, ben…elles vont y être sensibles les poulettes féministes. (A la caméra, avec un clin d’œil) Hein les filles ! (A Mathias) Tu vas avoir une cote d’enfer. Veinard !

 

Mathias : (Menaçant) Qu’est-ce que la gloire, si on ne la partage pas avec ses bons copains ?

 

Jacques : (A Hubert) Là t’aurais dû t’auto chuter, t’aurais dû !

 

Mathias : (Hurlant) Fustigation générale !!!

 

Bagarre générale quelques secondes puis noir

 

Quelques secondes de noir puis on retrouve les quatre gaillards assis à leur place initiale, quelques gnons mais l’humeur est apaisée, ils se sont repris.

 

 

Fabrice : Mesdames et… Ah oui, que mesdames d’ailleurs…

 

Hubert : (A Mathias, lui cherchant des poux) Ça va « Mesdames » ? Ça ne va pas les outrager ces pauvres cocottes ?

 

Mathias : (A Hubert, fielleux) Va les appeler cocotte lorsqu’elles sont en amphithéâtre. Avant d’être plumé, le vieux coq que tu es, va se faire transformer en chapon.

 

Jacques : Chapon ?

 

Mathias : C’est mettre en pratique ce que ton ex-femme faisait symboliquement avec toi

 

Hubert : Ça t’a éclairé ?

 

Jacques :(Qui n’a rien compris) Beaucoup !

 

Fabrice : Bien ! Après ce pertinent aparté, on s’y remet ?

(Les autres font oui de la tête).

Mesdames les ultras, comme je vous l’ai indiqué il y a quelques instants, vous êtes quasiment sublimes. Et nous autres, sinistres vieux mâles blancs décatis, ne sommes même pas dignes de baiser jusqu’à vos délicats petits petons… (Hubert va pour parler) tu as quelques chose à ajouter Hubert ?

 

Hubert hésite à parler

 

Mathias : (Chantant sur l’air de Chapi-chapo en fixant Hubert) Chapon, chapon,chapon

 

Jacques : C’est chapi-chapo ! La chanson du générique… quand on était petit.

 

Mathias :(Sinistre) Tu m’en diras tant..

 

Jacques commence à chanter la chanson, Fabrice le foudroie du regard, Jacques s’arrête

 

Fabrice : On va arriver à la partie délicate, alors soyez sympa les gars, « no comment » (Ils acquiescent)

Oui Mesdames les ultras, comme vous avez pu vous en rendre compte, nous avons désormais bien pris conscience de vos perfections mais, si pour l’ensemble, nous constatons en effet que vous êtes le couronnement de l’évolution la plus achevée, il existe néanmoins quelques heu...comment dire…quelques-unes d’entre vous qui ne répondent pas tout à fait à ...heu…

 

Mathias : Le terme n’est pas aisé à trouver

 

Fabrice : (Les ignorant et continuant sa litanie) A l’image, voilà, à l’image que nous aurions pu supposer être la vôtre. Nous ne faisons pas une généralité, bien sûr…

 

Mathias : Fi donc ! Partir d’un cas unique pour l’étendre à tout un pan de la société

 

Hubert : Pouah !

 

Jacques : Méga pouah !

 

Mathias : Nous prendriez-vous pour des enragés dégénérés ?

 

Hubert : Pouah !

 

Jacques : Méga pouah !

 

Fabrice : Il ne s’agit là que de cas rarissimes.

 

Jacques : Ah oui ! Une sur…Heu…

 

Hubert : Mille ?

 

Jacques : Au moins !

 

Fabrice : Cependant, mes amis et moi-même avons fréquenté des divinités féminines qui ne se sont pas toujours révélées …heu…

 

Mathias : Divines ?

 

Fabrice : Voilà ! Nous sommes quatre divorcés et nos ex-femmes nous ont bien fait quelques brins de petites misères. La mienne, par exemple, taquine, a vidé mon compte en banque et m’a jeté à la rue

 

Mathias : La mienne me méprisait et prenait un plaisir sadique à m’humilier publiquement

 

Hubert : La mienne, jalouse comme une furie, me harcelait, me faisait une vie de chien !

 

Jacques : La mienne, buvait toutes mes bières que je m’étais acheté et après elle rotait !

 

Hubert : Pouah !

 

Jacques : Méga pouah !

 

Fabrice : L’époque est à la glorification de la gent féminine mais mes amis et moi-même ne participerons pas à cette bacchanale de louanges dithyrambiques car nous fûmes trop meurtris si ce n’est dans notre chair, du moins dans notre âme.

Et qui mieux que le grand Poète Alfred de Musset pour dépeindre nos malheurs et nos chagrins. « La nuit d’octobre » sur une musique de Serge Gainsbourg, que j’aurais pu vous chanter

 

Les 3 : NON !!!

 

Fabrice : (Vexé) Mais que je ne chanterai pas, parce que je suis trop timide

Cependant, je vais vous l’interpréter quand même… en play back

 

Fabrice fait du play-back, Hubert, Jacques et Mathias, interprètent une petite chorégraphie :

 

Honte à toi qui la première

M’as appris la trahison,
Et d’horreur et de colère

M’as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l’œil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l’ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C’est ta voix, c’est ton sourire,
C’est ton regard corrupteur,
Qui m’ont appris à maudire
Jusqu’au semblant du bonheur ;
C’est ta jeunesse et tes charmes
Qui m’ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C’est que je t’ai vu pleurer.
Honte à toi, j’étais encore
Aussi simple qu’un enfant ;
Comme une fleur à l’aurore,
Mon cœur s’ouvrait en t’aimant.
Certes, ce cœur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l’innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d’une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,

Et j’y laisserai, j’espère,
Ton souvenir abhorré !


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