L’ange Gardien

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Lucie attend avec anxiété Julien son mari qui passe un entretien d’embauche. C’est à ce moment-là que lui apparaît son ange gardien qui, pour lui prouver son existence, va déclencher un événement cocasse dont sera victime Denise, la sœur ainée de Lucie.

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Décor (1)

Chez Lucy et JulienUn salon avec un canapé au centre. Une table avec une lampe sur la gauche de la scène. Fenêtres au fond avec un long rideau. Une porte à droite menant à la chambre. Deux portes sur la gauche, une pour la salle de bain, l'autre étant la porte d'entrée (la disposition peut-être modifiée selon la mise en scène).

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Lucie est seule dans son salon et s'agite de droite et de gauche, un petit peu nerveuse.

LUCIE : Reste calme, Lucie, reste calme. Julien est en train de passer son entretien d'embauche pour le poste le plus important de sa carrière, tu dois rester calme....

À ce moment entre sur scène une femme toute de blanc vêtue qui regarde autour d'elle comme si elle découvrait le lieu, Julie continue son monologue sans la voir.

LUCIE: ….Tu ne dois pas être nerveuse..Il a besoin de ton soutien...Envoie-lui des ondes positives... (Elle parle tout en rangeant des affaires, remett ant les coussins sur le canapé dans une position, puis dans une autre et encore une autre. L'ange la regarde faire et s'en amuse. Lucie s'est installé sur le canapé, en position de yoga, les yeux clos.)

LUCIE : Des ondes positives... (Elle souffle lentement et profondément)

L'ange profite de cet instant de calme pour s'adresser au public.

L'ANGE : Elle, c'est Lucie. Je la connais bien et pour cause, je suis son ange gardien. Si, si ça existe, j'en suis la preuve. Par contre, elle ne peut pas me voir (elle passe devant Lucie, fait des gestes, gesticule sans que celle-ci réagisse). Mais, elle peut m'entendre, c'est comme ça que nous communiquons. Elle n'en est pas vraiment consciente, mais je lui parle régulièrement. Vous ne me croyez pas ? Vous allez voir.

À ce moment Lucie abandonne sa position de yoga et se lève d'un bond.

LUCIE: Des ondes positives...Tu parles. Tiens, je te les envoie (elle fait un grand moulinet avec son bras et fait comme-ci elle envoyait quelque chose très loin).Là, tu les as bien reçues .

L'ANGE: En pleine poire.

Lucie s'arrête de bouger un instant comme si elle avait entendu quelque chose, puis en haussant les épaules, elle recommence à arpenter la scène. L'ange la suit comme son ombre.

LUCIE: Pourvu que tout se passe bien..Je le connais, mon Julien, il est si émotif qu'il pourrait bien se répandre sur la moquette si on lui fait une remarque....Oh la la, je suis inquiète !

L'ANGE: Ca se voit !

LUCIE: (machinalement) : Tant que ça ! (elle a un moment de surprise, elle se retourne) Il y a quelqu'un ? (Un peu inquiète).

L'ANGE : (discrètement vers le public) Vous voyez ? Elle m'entend, mais elle n'y croit pas.

 

N'entendant pas de réponse, elle reprend sa marche.

LUCIE: Le téléphone, où ai-je mis le téléphone ? S'il m'appelle...Il va m'appeler, c'est sûr, dès la fin de son rendez-vous..Il me l'a promis.( Elle soulève à nouveau les coussins, ouvre des tiroirs, réfléchit )..Il doit être dans la chambre (elle se dirige d'un côté de le scène, puis part dans l'autre sens) Non, dans la salle de bains (elle fait ce numéro une ou plusieurs autre fois ) La chambre, la salle de bains. ( À la fin, elle décide) La chambre. (et elle sort de scène).

L'ANGE : C'est une vraie girouette, elle m'épuise (elle sort un appareil de sa poche, une sorte de télécommande) Mais, aujourd'hui, c'est un grand jour pour elle. Elle va pouvoir me voir..Pour la première fois.... Ça risque de lui faire un choc...

( Lucie réapparaît sur scène toujours aussi agitée)

LUCIE: Je ne l'ai pas trouvé..Il doit être dans la salle de bain (Elle traverse la scène, passe devant l'ange qu'elle ne voit toujours pas. Celle-ci appuie sur son appareil en direction de Lucie qui stoppe net. L'ange tend le téléphone vers elle)

L'ANGE: Il est là !

LUCIE : (encore dans ses pensées, va pour prendre le téléphone) Merci. (à ce moment, elle se rend compte de la présence de l'ange. Elle pousse un cri énorme) AH !

L'ange surpris fait un bond et lâche le téléphone.

LUCIE: (affolée) Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ? Par où êtes-vous entrée ?

L'ANGE: J'étais déjà là

LUCIE : Déjà là ? Mais comment ça, déjà là ? Depuis quand ?

L'ANGE: Depuis le début

LUCIE: Le début . Mais quel début ? Comment ça le début ?

L'ANGE ( agacée): Oh, c'est fini ces questions ? J'étais là depuis le début, c'est tout. On ne va pas y passer la journée.

LUCIE : ( tout d'un coup abattue) Je ne comprends pas.

L'ANGE (se rapprochant d'elle) : Tu ne vois pas qui je suis ?

LUCIE: Non, on se connaît ?

L'ANGE: Moi, je te connais, toi, pas vraiment encore.

LUCIE: Ah, je ne me connais pas

L'ANGE: Non, tu ne me connais pas.

LUCIE: Ah ??!!

L'ANGE: Je suis ton ange gardien (annonce-t-elle triomphante)

LUCIE: Ah ??!!

L'ANGE: C'est tout l'effet que ça te fait ?

LUCIE: (reprenant peu à peu ses esprits) Parce que vous croyez que je vais vous croire ?

L'ANGE: Je me disais aussi.

LUCIE : (haussant le ton) Vous allez me faire le plaisir de déguerpir d'ici. ( la repoussant vers la porte d'entrée) Je ne sais pas comment vous êtes entrée chez moi, mais je sais comment vous allez en sortir.

L'ANGE : Mais, écoute-moi pour une fois.

LUCIE: Si vous ne dégagez pas dans les secondes qui suivent, j'appelle la police. ( en disant cela, elle cherche le téléphone)

L'ANGE: D'accord, il te faut une preuve ?

LUCIE: Je n'ai pas besoin de preuve, je sais reconnaître un escroc quand je le vois. Fichez moi le camp !

L'ANGE: Tu vas avoir de la visite.

LUCIE: Je n'attends personne.

L'ANGE: Ta sœur

LUCIE: Quoi, ma sœur ?

L'ANGE : Elle va venir te rendre visite.

LUCIE: ça m'étonnerait. Ma sœur est trop occupée avec les sans-abris, elle est dans l'humanitaire, ma sœur. Elle ne risque pas de venir me voir.

L'ANGE : Elle va venir.

LUCIE: Impossible.

L'ANGE: Elle vient t'annoncer une grande nouvelle.

LUCIE : Il ne lui arrive jamais rien à ma sœur. Elle n'a jamais de grandes nouvelles à annoncer. C'est une vieille fille, une bigote, qui passe son temps à remplir celui des autres, surtout s'ils sont pauvres, abandonnés. Je ne vois vraiment pas ce qu'elle pourrait m'annoncer comme nouvelle extraordinaire.

Ma sœur avec son dévouement c'est comme si elle était l'incarnation de Marie sur terre, c'est une sainte.

L'ANGE: Justement.

LUCIE: Quoi justement ?

L'ANGE : Tu vas comprendre, elle arrive

Au même moment, on entend la sonnette d'entrée. Lucie hésite.

LUCIE : Ce n'est pas possible ! Planquez-vous quelque part, je ne veux pas qu'on vous voie ici.

L'ANGE: ça ne risque pas.

Lucie allait répondre quand la sonnette retentit à nouveau. Elle va ouvrir en faisant signe à l'ange de se cacher derrière les rideaux. Il obéit en riant.

Denise, la sœur de Lucie, entre en scène. Elle porte un long manteau très ample. Elle fait vieille fille dans son allure et dans son physique. Elle paraît abattue, complètement désemparée.

DENISE : Je suis désolé de te déranger. Tu ne t'attendais pas à me voir.

LUCIE: On m'avait prévenue (lâche-t-elle sans y penser en regardant vers le rideau)

DENISE: Ah bon ? Mais, qui pouvez savoir...

LUCIE: Laisse tomber, c'est difficile à expliquer. Qu'est-ce qui me vaut le plaisir de ta visite ? Ce n'est pas souvent que tu passes par ici. La dernière fois, c'était quand ?

DENISE: Il y a neuf mois.

LUCIE: Ah oui, déjà. Et donc ?

DENISE : (ouvrant son manteau et laissant apparaître un ventre d'une femme enceinte prête à accoucher) Regarde !

LUCIE: ( ne pouvant cacher sa surprise) Mais, comment t'as fait ça ?

DENISE: Comment ça, comment j'ai fait ça ?

LUCIE: Qu'est-ce qui t'arrive ?

DENISE : ça ne se voit pas, peut-être ?

LUCIE: Où tu as attrapé ça ?

DENISE: Mais, tu le fais exprès ou quoi ?

LUCIE: Je n'ai jamais vu une telle prise de poids en si peu de temps. Fais attention à toi, tu manges trop. .

DENISE: ( en pleurs) Tu n'es pas charitable. Te moquer de moi.

LUCIE (toujours aussi incrédule) Je ne moque pas de toi, je suis étonné. Toi, qui passes ton temps à donner à manger aux SDF, je ne pensais pas que la soupe était aussi nourrissante.

DENISE: (éclatant en sanglots) : Je suis enceinte !

LUCIE: Qu'est-ce que tu dis ?

DENISE: Je suis enceinte !

LUCIE: (sidérée) Mais, ce n'est pas possible...Enfin, je veux dire ..A ton âge ?

DENISE: ( toujours pleurant) C'est un miracle !

LUCIE: Un cauchemar oui....Mais, dis-moi, c'est arrivé quand ?

DENISE: Hein ?

LUCIE: Je veux dire...ça fait un moment..Tu es enceinte de combien là ?

DENISE : Je ne sais pas.

LUCIE: Comment ça, tu ne sais pas ?

DENISE: C'est la première fois.

LUCIE: Je sais que c'est la première fois. Mais, tu dois bien savoir quand tu as... enfin, tu as....Tu me comprends.

DENISE: Non

LUCIE: Mais enfin, Denise, tu n'as pas fait ça toute seule.

DENISE: Je ne sais pas.

LUCIE: Tu dois bien savoir qui t'a mis dans un tel état?

DENISE: je ne sais pas.

LUCIE: Denise, réponds-moi franchement. Réfléchis bien. Je ne t'ai jamais vu fréquenter le moindre garçon. Jamais. Maman était persuadée que tu allais te faire nonne. Jamais, tu n'as eu la moindre relation avec un amant quelconque, et là tu viens me dire que tu ne sais pas qui...Alors, il y en a, peut-être, plusieurs ?

DENISE: Je ne sais pas.

LUCIE: Mais enfin Denise, fais un effort. Ça ne doit pas être si difficile de te rappeler.

DENISE: Je ne peux pas te dire. Je viens juste de m'en rendre compte.

LUCIE: Quoi ??!!

DENISE: Ce matin, je me réveille comme chaque jour, rien de bien extraordinaire. Un petit peu mal au ventre peut-être, mais rien d'alarmant. Puis, tout d'un coup, je ne me sens pas bien, je vais m'allonger quelques minutes et quand je me relève, je me sens un peu lourde. Je me regarde dans la glace et paf ! Je vois mon ventre comme tu le vois à présent.

LUCIE: Tu veux dire qu'avant ce matin tu n'étais pas enceinte ?

DENISE; Je te l'ai dit, un vrai miracle. C'est comme si le doigt de Dieu s'était posé sur moi.

LUCIE: Crois-moi, ce n'est pas le doigt....( réagissant tout d'un coup) Attends ! Attends un peu !

Elle se dirige vers le rideau qu'elle repousse. L'ange est toujours là, souriant. Elle lui parle doucement, alors que Denise reste prostrée sur le canapé, perdue dans ses pensées.

LUCIE: C'est vous qui avez fait ça ?

L'ANGE: Il te fallait une preuve.

LUCIE: Vous allez me réparer ça ! Me la remettre dans son état d'origine.

L'ANGE: Je ne peux pas

DENISE (dans ses pensées, elle n'entend pas leur dialogue) : Je ne peux pas rester comme ça.

LUCIE (parlant toujours à l'ange, n'entendant pas sa sœur) : Comment ça, vous ne pouvez pas ?

DENISE: C'est vrai. Personne ne va croire que je puisse être enceinte.

L'ANGE: Ce qui est fait est fait.

LUCIE: Mais, pas du tout. Il faut changer ça, je vous l'ordonne.

A cet instant Denise se retourne et voit Lucie qui parle.

DENISE: Mais, à qui parles-tu ?

LUCIE: (d'abord surprise, elle prend l'ange par le bras et l'amène près de Denise) Je te présente la responsable de ton état.

DENISE (totalement incrédule) : Qui ça ?

LUCIE: Celle qui a trouvé drôle de te mettre enceinte.

DENISE: Mais où ?

LUCIE : Je ne sais pas où, ni comment elle a fait, mais il l'a fait.

DENISE: Tu te sens bien Lucie ?

LUCIE: Parfaitement bien.

DEN ISE: Je comprends que cette nouvelle que je viens de t'annoncer t'ait perturbé, mais quand même...

LUCIE: Quoi, mais quand même ? Tout est clair, le responsable est là et il va tout arranger.

DENISE : De qui parles-tu ?

LUCIE: (montrant l'ange à côté d'elle) De lui.

DENISE: Lucie, il n'y a personne à côté de toi.

LUCIE:( un moment d'hésitation) Tu ne vois personne debout près de moi ?

DENISE: Non, Lucie.

LUCIE: (éclatant de rire) ça y est, j'ai compris, vous me faites marcher. C'était une blague. C'est un copain à toi et vous m'avez fait un tour.

DENISE: Je n'ai pas de copain et je ne t'ai pas joué un tour. C'est à moi qu'on en a joué un et je m'en serais bien passé.

LUCIE: (complètement désorientée) Denise, dis-moi que c'est une blague ?

DENISE: Je suis désolé Lucie, ce n'est pas une blague, j'attends un bébé et il n'y a personne à côté de toi.

LUCIE: (s'adressant à l'ange) Mais, parlez-lui, vous. Elle va comprendre.

L'ANGE: Elle ne me voit pas et elle ne peut pas m'entendre.

LUCIE: Mais moi, je vous vois bien et je vous entends.

L'ANGE: Parce que je suis ton ange gardien et pas le sien.

LUCIE: Il est où le sien ?

L'ANGE: Je n'en sais rien, je ne m'occupe pas du boulot des autres.

DENISE: Voilà, que tu parles à nouveau toute seule. Je vais appeler un médecin. (elle va vers le téléphone)

LUCIE : J'ai un ange gardien

DENISE: (s'arrêtant dans son élan) Qu'est-ce que tu dis ?

LUCIE: J'ai un ange gardien

DENISE: (revenant près de Lucie) Mais, moi aussi, j'ai un ange gardien. Tout le monde a un ange gardien.

LUCIE : Ah ! Et tu l'entends?

DENISE: Tout le temps. Il me parle tout le temps. Quoique aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi, il est muet.

LUCIE: Il s'est peut-être fait la malle.

DENISE: Qu'est-ce que tu racontes ? Un ange ne part jamais, il est là toute la vie.

LUCIE : Tu es sûre ?

DENISE: Mais oui, je suis sûre.

LUCIE: (regardant vers l'ange) Eh bé, ça promet !

DENISE: (en extase): Moi, le mien, je me l'imagine..

LUCIE: Ah, parce que tu ne le vois pas ?

DENISE: Non, on ne les voit pas les anges. Pourtant, ça doit être beau un ange.

LUCIE: Pas tant que ça (l'ange râle).

DENISE: J'aimerais bien, rien qu'une fois, qu'il entre là d'un coup et qu'il me dise...

À cet instant, la porte s'ouvre d'un coup et Julien apparaît.

JULIEN: Champagne ! Petits gâteaux ! Apéro ! J'ai le poste!

Lucie sort de sa léthargie et se précipite vers Julien, joyeuse.

LUCIE: C'est vrai, mon chéri, ils t'ont embauché ?

JULIEN: Comme tu me vois mon amour, tu as devant toi le nouveau responsable marketing de la société : « Vos sous sont à nous ».

LUCIE : Oh comme je suis contente !

JULIEN (apercevant enfin Denise) Oh Denise, pardonne-moi, je ne t'avais pas vu. Tu vas trinquer avec nous. (il s'approche d'elle et remarque son état. Pendant ce temps l'ange est venu s'asseoir sur le canapé). Dis-moi, tu vas bien ? Tu me parais....ballonnée. Tu ne ferais pas un peu d'aérophagie?

LUCIE: Elle est enceinte.

JULIEN: (ne faisant pas attention à ce que viens de lui dire Lucie). Ah, très bien ! Une bonne nouvelle en amène toujours une autre...Hein??!! (se rendant compte de ce que vient lui dire Lucie)

LUCIE: Dis Julien, est-ce que tu remarques quelque chose de particulier ici ?

JULIEN (encore sous le choc) Je ne sais pas. À part ta sœur.

LUCIE: Laisse ma sœur de côté un instant. Là, sur le canapé, tu ne vois rien ?

JULIEN: À part ta sœur.

LUCIE: C'est pas vrai (s'adressant à l'ange) Alors, personne ne vous voit ?

L'ANGE: Je te l'ai dit. Il n'y a que toi qui peux me voir.

A cet instant, Julien s'apprête à s'asseoir sur le canapé juste où se trouve l'ange. Lucie s'en rend compte.

LUCIE: Ne t'assoies pas là.

JULIEN: (faisant un bond pour se redresser): Pourquoi ? C'est contagieux ?

LUCIE: La place est prise.

JULIEN (regardant et ne voyant personne) La place est prise ?

LUCIE: (se rendant compte de sa gaffe, se précipite pour s'asseoir poussant l'ange au bout du canapé) Par moi, elle est prise par moi. Voilà, je me mets à côté de ma sœur. La pauvre dans son état, je me dois de la réconforter tout près.

JULIEN: Ce n'est pas grave, je vais me mettre à tes côtés. (il fait mine de s'asseoir. A cet instant, Lucie donne une bourrade à l'ange qui se retrouve assis par terre permettant à Julien de s'asseoir.)

Ils restent un instant tous les trois comme ça sans rien dire, alors que l'ange se relève en se frottant les fesses.

L'ANGE : Je ne sais pas si j'ai bien fait d'agir ainsi .

LUCIE : À qui le dites-vous ?

JULIEN: Tu nous parles ?

DENISE: Elle parle toute seule depuis que je lui ai annoncé mon Immaculée Conception.

JULIEN: Denise, je sais bien que tu es un peu catho, mais Immaculée Conception tout de même...

LUCIE: Ce matin, quand elle s'est levée, elle n'était pas enceinte.

JULIEN : Ah !!??

LUCIE: Et maintenant, elle est prête à accoucher

JULIEN: Ah !!??

DENISE: (posant ses mains sur son ventre) Ah !!

LUCIE: Qu'est-ce qui t'arrive ?

DENISE: Je l'ai senti bougé. Il m'a donné un coup.

JULIEN: Déjà ? Alors que ce matin, il n'existait pas ! Il ne traîne pas celui-là !

DENISE: Ah !!

JULIEN: Remarque vu ton âge, je comprends qu'il soit tenté de faire vite. Il a sûrement peur de ne pas pouvoir sortir.

LUCIE : Déjà, qu'on ne sait pas comment il est entré?

JULIEN : (parlant à Denise) Tu crois que je peux le sentir ?

Lucie se lève d'un coup et entraîne l'ange de l'autre côté de la pièce, alors que Julien pose sa main sur le ventre de Denise.

LUCIE: Je peux vous parler là ?

L'ANGE; Une minute. (il attrape sa télécommande et appuie sur un bouton. Aussitôt, Denise et Julien se figent dans leur attitude).

LUCIE: (montrant la télécommande) C'est quoi ce truc ?

L'ANGE: Ça modifie le temps. Comme ça, on peut discuter tranquillement sans qu'ils s'en aperçoivent. Quand je les réveillerai, ils n'auront rien remarqué.

LUCIE: (tout d'un coup intéressée) Je peux essayer ?

L'ANGE: Ah non ! Il n'y a que moi qui peux m'en servir.

LUCIE: (déçue) C'est pas prêteur, un ange.

L'ANGE: (coupant court) Tu voulais me parler ?

L'ange appuie par mégarde sur la télécommande ce qui fait réagir Julien et Denise.

JULIEN : C'est vrai il bouge !

L'ange appuie à nouveau. Denise et Julien se figent

LUCIE : (énervée) Alors, il bouge !

L'ANGE (surpris) C'est comme ça que ça se passe, non ?

LUCIE: Vous voulez dire qu'il y a un bébé là-dedans ?

L'ANGE: Mais évidemment qu'il y a un bébé. Elle est enceinte.

LUCIE: (en colère) Mais, je croyais que c'était une grossesse nerveuse ou quelque chose de ressemblant. Que quand j'aurais cru à votre existence, elle se serait dégonflée aussi vite qu'elle a gonflé.

L'ANGE: (choquée) Dégonflée ? Mais qu'est-ce que tu crois, je ne fais pas les choses à moitié.

LUCIE: Je le vois bien. Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On ne va pas la garder comme statue jusqu'à ce que vous trouviez une solution.

L'ANGE: Je ne sais pas. Je n'ai pas le pouvoir de changer cela.

LUCIE: Bravo, vous auriez dû y penser avant. J'ai une sœur enceinte à plus de cinquante piges, qui ne sait même pas comment ça lui est arrivé et qui va rentrer directement dans le livre des records.....(elle s'empare brutalement de la télécommande) Et la zap, elle ne peut rien faire ? (Elle appuie sur les boutons malgré les protestations de l'ange. A ce moment-là, Denise et Julien s'agitent comme s'ils étaient en accéléré. Ils bougent et parlent très vite).

LUCIE: C'est quoi ce bazar ? (elle appuie encore alors que l'ange essaie de lui reprendre. Maintenant, après quelques secondes d'immobilité, ils bougent à nouveau, mais cette fois au ralenti, geste et paroles. L'ange finit par récupérer sa télécommande et les fige à nouveau.)

L'ANGE : Je vais voir ce que je peux faire.

LUCIE: C'est ça.

L'ange s'apprête à sortir. Lucie le retient.

LUCIE: Eh ! Vous ne me les laissez pas comme ça.

L'ange appuie une nouvelle fois, réveille les deux et sort en râlant.

JULIEN : Lucie, mets ta main. Tu vas voir, on le sent bouger. C'est incroyable.

LUCIE: (renfrognée) C'est dingue !

JULIEN: (s'adressant à Denise) Tu peux nous dire maintenant qui est le père ?

DENISE: Je ne sais pas.

JULIEN: Tu nous avais bien caché ton jeu. Je ne pensais pas que tu avais une vie ...Sentimentale..aussi...fournie..

LUCIE : Elle te dit qu'elle ne sait pas.

Julien se lève et va rejoindre Lucie à l'autre bout de la scène.

JULIEN: Mais quand même, je sais bien qu'elle est un peu coincée ta sœur, mais elle sait bien comment ça se passe.

LUCIE: Elle ne sait pas qui est le père parce qu'elle n'a jamais couché avec un homme.

JULIEN: Arrête, tu me fais marcher. Ce n'est pas possible autrement.

LUCIE : (ironique) Non ?

JULIEN : À moins que...Insémination ?

LUCIE: Non

JULIEN: (cherchant encore) Fécondation in vitro ?

LUCIE: Non

JULIEN : (triomphant) Je sais, adoption ?

LUCIE: Mais t'es dégénéré ou quoi ? Adoption. Elle a adopté un fœtus, puis on lui a ouvert le ventre, on l'a mis à l'intérieur et on a refermé.

JULIEN (songeur) Ah oui ! Ce n'est pas facile à faire.

LUCIE: C'est impossible !

JULIEN : Alors, elle nous fait un déni de grossesse.

LUCIE : Un déni de grossesse ?

JULIEN: Mais oui, il paraît que c'est courant. Il y a des femmes qui refusent de se voir enceintes ou qui ne savent même pas qu'elles sont enceintes. Elles accouchent sans savoir qu'elles ont porté un bébé.

LUCIE: Je connais. Tu crois que...?

DENISE: (s'énervant) Je ne fais pas un déni de grossesse. Je suis enceinte, je le sais. Je sais comment on fait les bébés. Mais, moi ça ne s'est pas passé comme ça. Ça ne s'est pas passé du tout.

JULIEN: (s'approchant de Denise) écoute, on va essayer d'y voir clair. Rappelle-toi, tu as dû fréquenter un garçon...Même que quelques jours (elle fait non de la tête)..Quelques heures (même mimique) quelques minutes..(toujours pareil).

DENISE: (se levant et déclarant solennellement) Il faut se rendre à l'évidence. J'ai un petit Jésus dans le ventre.

JULIEN: C'est ça ! Ça n'a été essayé qu'une fois ça. Ça c’est mal terminé, du reste. Et tu crois que la deuxième fois, ça serait tombé sur toi ?

DENISE: ( redevenant naturelle) Je ne vois pas d'autres explications.

JULIEN: Pardonne-moi Denise, mais en vierge Marie, t'es pas vraiment crédible.

LUCIE: Julien a raison. Et puis, tu n'as pas eu la visite d'un ange ?

DENISE: Moi non, mais toi peut-être.

LUCIE: (balbutiant) Moi ? Mais pourquoi, moi ? C'est toi qui es enceinte.

DENISE: Il y a peut-être eu un transfert.

JULIEN: Un transfert ? Mais on raconte n'importe quoi, là. Il faut trouver autre chose.

A cet instant, l'ange réapparaît et appelle Lucie. Elle lui fait signe de zapper les deux autres, puis, une fois qu'ils sont figés, elle s'approche de lui.

LUCIE: Alors ?

L'ANGE: Je me suis fait engueuler !

LUCIE: (impatiente) Alors ?

L'ANGE: Ils ont trouvé une solution.

LUCIE: Laquelle ?

L'ANGE: Ils ont réussi à dégoter un père.

LUCIE: Hein ? Mais elle n'a jamais....

L'ANGE : ...ça passera quand même.

LUCIE: C'est possible ?

L'ANGE: Tout est possible !

LUCIE : Surtout le pire. Il est où ce père providentiel ?

L'ANGE : Il devrait être là.

Il réveille Denise et Julien au moment où la sonnette se fait entendre.

JULIEN: Qui ça peut-il bien être ?

DENISE (qui repart en extase) Mon ange gardien, peut-être.

LUCIE: Tu ne crois pas si bien dire.

Julien va ouvrir en haussant les épaules. Il laisse entrer sans rien dire un pauvre type, mal coiffé, mal habillé, gauche. En le voyant, Lucie s'adresse à l'ange à part.

LUCIE: C'est tout ce que vous avez trouvé ?

L'ANGE: Il y avait urgence. Ils n'ont pas eu le choix. Mais, il paraît qu'il est très bien.

ETIENNE: (parlant timidement) Bonjour, je viens voir Denise, si c'est possible.

JULIEN: (éberlué) Denise ?

ETIENNE: Oui. On m'a dit qu'elle était ici. J'aimerais lui parler. Si c'est possible.

DENISE : (l'apercevant et avançant vers lui) Étienne ?

LUCIE (parlant à l'ange) Ils se connaissent ?

L'ANGE: Je ne sais pas. On ne m'a pas donné les détails

LUCIE : (s'avançant vers sa sœur) Tu nous présentes ?

DENISE: C'est Étienne. Il est ...

ETIENNE: Ne dites rien Denise. Pas encore.

DENISE: Je vous présente Lucie et Julien, ma sœur et mon beau-frère.

ETIENNE: Ah, je suis ravi...ravi (il sert la main de Julien qu'il ne lâche plus et qu'il secoue fébrilement)

JULIEN : Je peux récupérer ma main ?..Si c'est possible.

Étienne s'apercevant de son geste se fond en excuse. Il se courbe plusieurs fois devant Julien en reculant manquant de faire tomber une lampe qu'il récupère au dernier moment et qu'il lance dans un même élan vers Julien qui s'en empare in extrémiste. Étienne se prend les pieds dans la table et va atterrir sur le canapé où il s'assoit comme si de rien était.

JULIEN: (reposant la lampe sur la table) Je vous en prie, asseyez-vous. Et ne bougez plus surtout.

Denise vient s'asseoir à ses côtés.

DENISE: ça me fait vraiment plaisir de vous voir. Mais comment m'avez-vous trouvée ?

ETIENNE: J'étais inquiet, je vous cherchais

DENISE: Si vous saviez ce qu'il m'arrive

LUCIE: Je suis sûr qu'il va être ravi de l'apprendre

DENISE : ( se tenant à nouveau le ventre) Ah !!

JULIEN : Il bouge encore ?

ETIENNE : Qu'est-ce qui bouge ?

LUCIE: (s'adressant à l'ange) : Il n'est pas au courant ?

L'ANGE : Je te l'ai dit, je ne connais pas les détails.

ETIENNE: (inquiet) Qu'est-ce qui bouge ?

JULIEN : Le bébé

ETIENNE: Le bébé ? Quel bébé ?

DENISE : Ce n'est pas le bébé !

JULIEN : Ce n'est pas le bébé ?

ETIENNE: Il y a autre chose qui bouge ?

DENISE : Si, c'est le bébé, mais ce n'est pas ça.

ETIENNE : Je ne comprends pas

JULIEN: Faut avouer...

DENISE : (se met à crier) J'ai une contraction !

ETIENNE et JULIEN : Hein ??!!

LUCIE : (à l'ange) ça ne va pas un peu vite, là ?

L'ANGE : Je ne suis pas très au courant de ces choses là

DENISE : Une autre !

JULIEN : Mais qu'est-ce qu'elle nous fait ?

LUCIE : Elle accouche !

JULIEN : (affolé) Mais pas maintenant ! ….Pas là !...Pas sur le canapé!

ETIENNE : (s'approchant de Denise et lui prenant la main) Vous êtes enceinte ?

JULIEN : (toujours aussi affolé et impatient) ça se voit, non ?

ETIENNE: Mais, comment vous avez fait ?

JULIEN : On lui a déjà posé la question. Elle ne sait pas, c'est venu comme ça. Ce matin, elle était comme vous et moi et ce soir elle va accoucher sur mon canapé. (s'adressant à Lucie) Mais, fais quelque chose !

LUCIE: Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

JULIEN : Mais, je ne sais pas, moi. Tu es une femme...Tu dois savoir ce qu'il faut faire.

LUCIE: Mais, c'est idiot comme réflexion. C'est comme si je te demandais de réparer notre voiture parce que tu es un homme.

ETIENNE : (comme en extase. Ces interventions à venir seront avec ce même air. Les autres ne l'écoutent pas): Elle est enceinte.

JULIEN : ça n'a rien à voir !

LUCIE : Alors, que tu ne sais même pas où se trouve le moteur.

JULIEN : (excédé) Mais tu ne vas pas comparer la naissance d'un bébé avec la réparation de ta voiture .

Lucie allait répondre quand Denise intervient.

DENISE : Arrêtez de vous disputer, sinon je ne contrôle plus rien!

JULIEN : (toujours aussi affolé ) Contrôle, Denise ! Contrôle, je t'en supplie !

ETIENNE: Elle est enceinte !

JULIEN : Il faut l'amener à la clinique !

LUCIE : Mais, on ne peut pas !

JULIEN : Pourquoi ?

LUCIE : La voiture est en panne !

JULIEN : Mais, c'est pas vrai ! C'est pas vrai !

LUCIE : (s'approchant de l'ange, menaçante) Il va falloir vous remuer un peu...parce que c'est vous le responsable de cette pagaille.

L'ANGE : Attends ! Ne t'affole pas, sois patiente.

ETIENNE (d'une voix forte) Je vais être papa !

JULIEN : (qui s'agitait dans tous les sens stoppe immédiatement) Qu'est-ce que vous dites ?

ETIENNE (maintenant euphorique) C'est merveilleux, je vais être papa (il embrasse Julien, puis il revient tout près de Denise) Mais, pourquoi ne m'avez-vous rien dit ?

DENISE: (entre deux respirations) Je ne savais pas.

LUCIE: Etienne, lui semble savoir. Il va t'expliquer.

JULIEN (gardant toujours ce temps impatient et affolé) C'est ça, il va tout expliquer, mais pas ici. En allant à la clinique.

Il essaie de faire bouger tout le monde, mais personne ne l'écoute et Etienne parle, dans la même position, à Denise.

ETIENNE: Rappelez-vous, à cette soirée...Pour récolter des fonds... Nous sommes restés que tous les deux..Une seule fois..Il y a neuf mois.

DENISE: (tout d'un coup comme illuminée) Mais oui, ça me revient ! Mais alors, nous avons vraiment fait....

ETIENNE: Oui, Denise

DENISE : Moi, qui croyais que c'était un rêve. (ils s'enlacent)

L'ange se rapproche de Lucie

L'ANGE : Tu vois, rien n'est impossible. Il suffit d'y croire.

LUCIE: Vous voulez dire que son rêve s'est concrétisé...pour de vrai ?

L'ANGE : En quelque sorte.

JULIEN : (toujours impatient) Puisque vous voilà réunis, il ne vous reste plus qu'à aller à la clinique. Vous allez voir, à pied, ce n'est pas trop loin.

ETIENNE: Ne vous inquiétez pas Julien, j'ai une voiture.

JULIEN : (étonné) Ah bon !

ETIENNE : Oui, ne vous fiez pas à mes habits. Je suis en fait le mécène qui a créé la fondation dont s'occupe Denise. Je reviens d'une soirée de charité que j'ai organisée où chacun devait s'habiller ainsi. Denise devait être présente à cette soirée, c'est pour ça que ne la voyant pas arriver, je l'ai cherchée. Près de chez elle, j'ai croisé un homme toute de blanc vêtue qui m'a dit qu'elle était chez sa sœur. Il m'a donné votre adresse et je suis arrivé ici.

LUCIE : (parlant à l'ange) Vous pouvez faire ça ?

L’ANGE: C'est exceptionnel. L'urgence de la situation l'imposait.

DENISE: (respirant fortement): Étienne les contractions se rapprochent.

JULIEN: Il faut y aller, je crois que ça urge.

ETIENNE :(aidant Denise à se relever) Venez, ma chérie, je vous conduis à la meilleure maternité de la ville, elle m'appartient. Mon chauffeur nous attend en bas.

Ils se dirigent vers la porte. Avant de sortir, Étienne se retourne, met Denise dans les bras de Julien et va vers Lucie

ETIENNE : Merci, de vous être occupée d'elle.

LUCIE: Oh, vous savez je n'y suis pas pour grand-chose (répond-elle en regardant l'ange)

ETIENNE: Maintenant, que nous faisons partie de la même famille, vous permettez que je vous embrasse ?

LUCIE : Avec plaisir

Ils s'embrassent. Pendant tout ce dialogue Julien semble encombré de soutenir Denise, impatient de voir Étienne la récupérer. Quand celui-ci revient vers lui, il la lui colle dans les bras.

ETIENNE: Merci à vous Julien. Pour votre patience et votre compréhension. Et puis, nous allons être appelés à nous revoir. Il paraît que vous venez d'être embauché dans une de mes sociétés.

Julien reste dans voix alors que Lucie se rapproche.

LUCIE; Et surtout, prévenez-nous dès que le bébé sera né.

ETIENNE: Vous serez les premiers avertis.

Il sort soutenant Denise. L'ange en profite pour s'éclipser discrètement. Lucie revient s'asseoir sur le canapé, alors que Julien n'a pas bougé.

LUCIE : Quelle merveilleuse journée ! Tu te rends compte, tu as trouvé un travail, ton patron va devenir ton beau-frère, ma sœur va accoucher d'un bébé qui est le fils d'un milliardaire et moi, j'ai rencontré un ange.

JULIEN : (qui réagit enfin et qui n'a pas fait attention à ce que disait Lucie. Il vient s'asseoir à ses côtés) Je crois que je n'ai pas tout compris.

À ce moment, Lucie porte ses mains à son ventre.

LUCIE: C'est bizarre, j'ai mal au ventre d'un coup.

JULIEN (de nouveau inquiet) : Qu'est-ce que tu dis ?

LUCIE: J'ai mal au ventre !

JULIEN : Ah non ! Ça ne va pas recommencer.

LUCIE: Je crois que j'ai envie de vomir.

Elle se lève précipitamment et sort de scène, Julien la suit.

JULIEN: Tu me fais marcher ? Hein, tu me fais marcher ?

RIDEAU


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