Le bonheur au travail

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Des lundis heureux, est-ce possible ? Pour le directeur de “Publipresse” ce n’est pas la question. Ni pour Martine (commerciale) qui attend sa promotion , ni pour Hubert (comptable) qui calcule ses RTT pour faire du théâtre, et encore moins pour Lucie (standardiste) qui est dépressive. D’autant que le directeur met la pression, car le Hollandais, patron d’un grand groupe, envisage de placer des capitaux dans l’entreprise. Mais le futur investisseur impose une condition : “Que chaque salarié soit heureux au bureau !” “Heureux au boulot ? Eh ben… On n’est pas parti à 18 heures !” Travailler pour être heureux tout en travaillant à être heureux… Un vrai embrouillamini et surtout… encore du boulot !Vont-ils y arriver ? Premier réflexe : changer l’autre ! Après une formation « bonheur et rendement », le directeur utilise l’élixir d’un marabout d’entreprise pour désenvoûter Hubert de l’esprit fonctionnaire. A la complexité des relations de travail, s’emmêlent les désirs les plus secrets… Que ce soit Martine qui cherche l’amour auprès du plus gros client, ou Hubert qui se croit autorisé à jouer du théâtre avec le patron … Tous cherchent le bonheur en réalisant leurs désirs. Mais le directeur, lui, envisage son bonheur en virant toute l’équipe avec l’aide du marabout… Les événements comiques se succèdent, et il perd le contrôle. Alors que le vent de folie souffle au plus fort, il fait une syncope. Face à cet événement, tous se posent la question du vrai bonheur et s’orientent vers des valeurs humaines…. Une comédie très actuelle avec une mécanique de vaudeville. « Feydeau au bureau, que du bonheur ! »

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Le matin, dans les bureaux open space du journal de presse gratuite « Publipresse ».

Martine arrive de l’extérieur, pose ses affaires sur son bureau et s’adresse au directeur qui est dans son bureau en coulisses.

Martine - Bonjour monsieur le directeur, c’est Martine. C’est pour vous dire que je suis arrivée. J’ai encore travaillé après votre départ.

Lobun (off) - Excellent !

Martine - Je pense qu’on a bien avancé, cette nuit, tous les deux.

Martine attend une réponse qui ne vient pas. Lucie arrive de l’extérieur.

Lucie - Bonjour.

Martine - Bonjour Lucie. Ça va ?

Lucie - Je ne pars pas après dix-huit heures aujourd’hui. (Embarrassée.) Il faudrait même que je parte avant dix-huit heures. J’ai le petit qui fait une otite, je l’ai laissé en pleurs à Gérard ce matin.

Martine - Et qui fera le standard pendant ce temps ? (Lucie désigne Martine du regard.) Désolée, j’ai pas fait Bac +4 pour ça.

Lucie installe les cadres des photos de sa famille sur son bureau. Hubert arrive de l’extérieur.

Hubert - Bonjour.

Lucie - Bonjour Hubert.

Hubert - Vous allez bien ?

Lucie - Comme un lundi.

Martine - Moi, ça va très bien.

Lucie - Forcément, t’as pas de famille !

Hubert - Vous avez passé un bon week-end ?

Lucie - Faudrait des week-ends de quatre jours.

Hubert - Pour t’éclater ?

Lucie - Non, pour faire toute la lessive, le repassage, le ménage, les courses…

Martine - Sympa la famille !

Hubert - Vous avez vu le temps superbe qu’il fait, alors qu’on a eu un temps pourri tout le week-end ? Dieu fait partie du MEDEF, c’est pas possible. En parlant de dieu, il est là ?

Martine - Bien sûr ! Depuis six heures ce matin.

Hubert - Il nous donnerait des complexes !

Hubert se précipite pour ouvrir sa sacoche mais en sort un journal et le lit.

Lucie - Hubert, tu peux me remplacer au standard, ce soir ?

Hubert - Pas question, ce soir je pars tôt, je vais au théâtre.

Lucie (regardant le mannequin en couverture du journal) - Ouah ! La classe ! (Hubert prend le compliment pour lui.) Pas toi, la femme en couverture. J’aimerais bien me coiffer comme elle.

Martine - Fais-le !

Lucie - Gérard ne voudra jamais. J’aimerais bien porter une robe comme elle…

Martine - Perds trois kilos et fais-le !

Hubert (avec autorité) - Arrêtez vos papotages, j’arrive pas à me concentrer ! (Il calcule sur une feuille de papier.) Ça fait trois fois que je recompte mes RTT. C’est bien ce que je pensais : il m’en a squeezé quatre ! (Il reprend sa lecture en prenant un certain plaisir à diffuser ses commentaires négatifs.) Que des catastrophes ! Le monde du travail est pourri. On va de plus en plus vers le chaos, les lois économiques se cassent la figure, le cynisme gagne du terrain… Va falloir s’y habituer… À moins que la planète explose avant…

Martine (voulant stopper l’hémorragie) - Si le groupe de presse hollandais fusionne avec notre journal comme il en est question, ça devrait s’arranger pour nous.

Hubert - Ou empirer. On a des nouvelles ?

Martine - Aucune.

Lucie - J’étais bien ce week-end avec Gérard, dans notre jardin, avec notre barbecue à roulettes, on a fait griller des saucisses, on était heureux. Pourquoi faut-il travailler ?

Martine - Pour payer les saucisses de Gérard !

Martine va à l’imprimante, côté jardin.

Lucie - Elle ne marche pas l’imprimante.

Martine - Encore ?

Hubert - Rien ne marche ici. Vous voyez dans quelles conditions nous travaillons ?

Lucie (allant à l’imprimante) - C’est un problème qui vient de l’intérieur. Faut examiner à l’intérieur, voir ce qui bloque, nettoyer à fond et ensuite changer quelque chose ; enfin bon, c’est tout un travail d’introspection. Si le cœur vous en dit, y’a de l’essence de térébenthine.

Martine - Je vais être nommée directrice commerciale, ce n’est pas pour faire du nettoyage !

Lucie - Ah bon ?

Hubert - Quand ?

Martine - Ce soir à dix-huit heures. Nous avons travaillé tout le week-end avec le directeur sur des dossiers qu’il voulait boucler. De ce fait nous avons parlé de ma promotion.

Hubert - Évidemment !

Martine - Le moment était propice. J’étais fatiguée, y’avait encore des propositions commerciales à mettre en forme. Lobun, qui est intelligent, a senti qu’il était temps de parler de ma promotion.

Hubert - Évidemment ! Et qu’est-ce qu’il en dit ton mec ?

Martine - Rien.

Lucie - Il boit ! (Martine lui jette un regard noir.) En parlant de ça… Je vais chercher la bouteille d’essence.

Lucie sort en coulisses.

Martine - Quelle conne ! C’est de sa faute en plus, elle est incapable de se servir du logiciel de l’imprimante.

Hubert - On a l’imprimante et la déprimante qui va avec !

Lucie revient avec une bouteille d’essence de térébenthine.

Lucie - Voilà !… Attention, le produit est très dangereux !

Hubert - Pose ta bombe !

Hubert arrache la bouteille des mains de Lucie et la pose sur le bureau de celle-ci.

Lucie - Ça va s’encrasser.

Martine - Je réitère : je vais être directrice commerciale, pas femme de ménage !

Lucie - J’espère que quelqu’un va venir s’en occuper, parce que je vous préviens, je ne pars pas après dix-huit heures.

Hubert - Tout le monde s’en fout ! C’est la débâcle, on a du matériel pourri !

Martine (haussant le ton) - C’est pas parce qu’on a du matériel pourri qu’il faut nous pourrir la vie qui va avec ! C’est suffisamment difficile de ne pas connaître son avenir !

Lucie - Oh ! moi, si ça se complique trop, je fais une dépression et je me mets en arrêt maladie !

Hubert - Encore ?!

Lucie (au bord des larmes) - Je ne supporte plus cette ambiance.

Martine - Mais qu’est-ce qu’on a dit ?

Lucie (des sanglots dans la voix) - Des horreurs sur l’imprimante !

Martine - Tu pleures sur une machine ? Et nous ?

Lucie - Nous aussi on devrait se nettoyer de l’intérieur.

Le téléphone sonne.

Hubert - La ferme !

Martine - Tu pourrais nous parler sur un autre ton !

Hubert - C’est pas à vous que je m’adresse mais aux clients !

Lucie répond sous la menace d’Hubert d’écourter la communication.

Lucie - « Publipresse » bonjour ! (…) Oui, nous sommes un journal gratuit d’annonces et de publicité. (…) Nous sommes ouverts du lundi au vendredi jusqu’à dix-huit heures… précises ! (Elle raccroche.)

Hubert (sortant un billet de théâtre de sa poche) - Patience ! Ce soir, je côtoierai le génie. J’ai obtenu ce billet de théâtre en faisant la queue pendant cinq heures…

Lucie - Cinq heures ?!

Hubert - … debout dans un courant d’air ! Juste pour entendre le plus grand shakespearien dire… (Il déclame avec sensibilité comme s’il était sur une scène.)… « Être ou ne pas être, telle est la question ! »

Lucie - Ça me fait penser… T’as fait un avoir à M. Berthaud ?

Hubert - Quel rapport ?

Lucie - Avoir ou pas avoir, telle est la question !

Hubert - Mon dieu, faites que dix-huit heures arrivent vite !

  1. Lobun, le directeur, entre.

Lobun - Quelqu’un peut m’imprimer les chiffres ?

Hubert se précipite à son bureau.

Lucie - La machine ne veut plus marcher, monsieur Lobun.

Lobun - Prenez soin de cette machine, vous devez la traiter avec délicatesse, elle coûte cher et je n’ai pas le budget pour en changer. (Avec un enthousiasme grandissant.) Par contre vous, ça va changer ! À partir d’aujourd’hui, vous allez être des winners ! Des top members… Vous allez adopter la Challenger Attitude ! (Devant l’absence de réaction.) Vous ne comprenez pas l’anglais ? (Traduisant.) Vous allez travailler deux fois plus.

Les autres (comprenant la ruse) - Ah !

Lobun - Le Hollandais est décidé à mettre des capitaux dans la société. « Publipresse » va être affiliée à un grand groupe européen. Imaginez !… Non, vous ne pouvez pas, c’est difficile même pour un patron. Cela dépasse mes rêves pour cette entreprise. « Publipresse », premier journal gratuit européen ! Vous pourrez bien sûr bénéficier des avantages d’un grand groupe… Enfin, nous devons encore en discuter ce soir.

Les autres (ensemble) - À quelle heure ?

Lobun - Quoi ? Quoi ? À quelle heure ? Je vous parle d’Europe, et vous me parlez d’horaires !

Hubert - Justement, on s’inquiète du décalage.

Lobun (regardant sa montre) - Nous avons exactement vingt-quatre heures avant la visite du Hollandais. Il donne des capitaux, en échange nous lui offrons de l’énergie, de l’innovation, de l’intelligence ! Nous allons mettre immédiatement en place un plan de travail : le plan « B ». (Il les interroge.) « B » comme… ? Comme… ? Comme… ?

Lucie - Bébé !

Martine - Bilgat !

Hubert - Bordel !

Lobun (contrarié) - « B » comme Bénéfice ! Enfin, qu’est-ce que vous voulez que ce soit dans une entreprise ? « Bébé », vous m’inquiétez Lucie, vous m’inquiétez !

Lucie - J’ai dit ce que j’avais en tête.

Lobun - C’est bien ce qui m’inquiète ! (Prenant Hubert à l’écart.) Hubert, pour commencer, vous allez relancer tous les impayés pour augmenter les rentrées. Faut les faire payer coûte que coûte !

Hubert - Aujourd’hui ?! Monsieur le directeur, vous m’avez déjà donné trois dossiers en urgence… Et il se trouve que ce soir, j’ai un billet pour « Hamlet »…

Lobun - Eh bien, vous vous ferez rembourser par la SNCF. (Hubert, accablé, retourne à son bureau.) Martine ! Faut faire de la relance téléphonique, grossir le carnet de commandes et contacter notre plus gros client, M. Shalabi.

Martine -...

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