Le Chat à Deux Têtes
comédie féerique
de Alan ROSSETT
4 comédiens qui jouent :
- La Reine. La Tante.
- Valérie. Véronique. Loulou 2.
- Le Prince. Le Prince-Chat.
- Loulou. Ludovic. Vincent.
ou
10 comédiens :
Au Quatre-Péages, petite principauté, monarchie démocratique, sur la Côte d’Azur
(20 mille habitants) :
La Reine Clotilde
La Princesse Valérie, sa fille
Loulou, jeune contestataire
Loulou 2
Véronique, dactylo
La Tante de Véronique
Ludovic, un ami de Véronique
Vincent, l’ami de personne
Au Château-Chat, petite principauté perchée sur une colline face à Quatre-Péages
(423 habitants, 2879 chats) :
Prince Charmant
Le Prince-Chat
Temps : le présent.
Le chat à deux têtes d'Alan ROSSETT
Un prince charmant s'éprend d'une jolie princesse. La mère de celle-ci, reine d'un pays voisin, le n'entend pas ainsi. Pour échapper à ses tueurs à gages, le prince se transforme en chat et part à l'aventure. Commence alors pour lui une nouvelle existence dans le monde moderne, rythmée par des rencontres de hasard… une employée de bureau, sa vieille tante, un commis-voyageur, un loubard… Autant de personnages qui l'adoptent successivement, s'attachent à lui, et pour lesquels il joue le rôle du confident, du psy, du catalyseur. "Le chat à deux têtes" est une comédie féerique pour jeune public (entre 8 à 15 ans). Une version adulte de cette pièce ("Chat qui peut") est également éditée par les Editions Art et Comédie.
AU PALAIS DE « QUATRE-PEAGES »
(La Princesse Valérie entre, tout feu, tout flamme... suivie de la Reine Clotilde.)
REINE Princesse Valérie ! Je suis la Reine-Mère ! Et ta mère tout court. Tu n’épouseras pas le Prince Charmant !
VALERIE Je l’aime, Maman ! ! Je l’aime ! !
REINE Et alors quoi ! La Princesse de Quatre-Péages a d’autre options que l’amour, voyons ! Tu ne vas pas t’emmurer avec un goujat pareil dans un domaine aussi minable que Château-Chat ! Fichtre ! Ce garçon n’est pas possible !
VALERIE C’est toi, Maman, qui a voulu que j’assiste à la fête de la vendange de Château-Chat ! J’y ai revu le Prince Charmant pour la première fois depuis qu’on avait quinze ans... aaah... ! Il était plus nul que jamais ... !
A CHATEAU-CHAT : (Le Prince apparaît dans l’ombre... Verre à vin à la main, pas trop imposant - à part son uniforme royal, embelli de splendides épaulettes.)
PRINCE (il goûte) Miam : Le vin de cette année n’a aucun goût ! Miam ! Il ne se vendra pas. Miam. Le vin de chez nous va rester chez nous ! Princesse Valérie ?
VALERIE (à moitié endormie) Euh ? !
PRINCE Savez-vous que vous êtes la plus belle princesse dans ce jardin ? Savez-vous que vous êtes la seule princesse dans ce jardin ? Tiens, en ce moment, nous n’avons pas de princesse du tout à Château-Chat ? Un pays sans princesse, ne serait-il pas comme un repas sans riz au lait ? Que pensez-vous de tout ça, Valérie, aimable Princesse de Quatre-Péages, notre pays voisin ?
VALERIE (elle rit) Mais je suis la princesse des médias, moi ! Punition sans doute pour être trop photogénique ! C’est fatigant à la longue, toujours surveillée, épiée !... de ne jamais pouvoir, j’sais pas, aller au supermarché sans m’attifer comme... comme...
PRINCE Une princesse ?
VALERIE Oui ! Et suivie de mon garde du corps.
PRINCE Pas vrai. A Château-Chat, je me balade relax... parfois sans avoir fait de shampooing.
VALERIE Je vous envie ! Moi, j’aurais droit à des paparazzis joyeux! Est-ce que les gens comprennent à quel point ça m’effraie ? Mon rêve : vivre dans un château minuscule, oubliée du monde. A l’abri !! Même avec un prince qui descend dans la rue mal rasé...-
PRINCE J’ai dit « sans shampooing » ! J’ai la curieuse impression que vous êtes en train de trouver de bonnes raisons pour me demander en mariage ?
VALERIE Pas du tout !... Mais tiens... Pourquoi pas ? En fait, ici, on me ficherait la paix !
PRINCE Et puis nous sommes de sang royal : donc c’est convenable ! Ah Valérie... ! Nous allons partager le même édredon... ! (Il lui baise la main. Il voit un chat dans l’ombre :) Minou minou, ah les coquins, à Château-Chat, vous aurez des chats à revendre ! Minou minou... (il disparaît dans la direction du chat ...)
De retour avec la Reine et Valérie AU PALAIS DE « QUATRE-PEAGES » :
REINE (à Valérie) C’est bien. T’as eu une petite « aventure » ?... Confidence pour confidence !... Un matin récemment... (coquette) N’oublie pas que ta mère est veuve !
(Valérie s’éclipse...)
L’AVENTURE DE LA REINE (Son : une foule en colère. Loulou - jeune homme du peuple - saute sur scène.)
LOULOU (provoquant et séduisant à la fois) La Reine ! La Reine ! A Bas la Pétasse ! La Reine nous casse les pieds !
REINE (« mal réveillée ») Ah ce boucan ! Tous les matins ! GARDES ! ! JE DESCENDS ! !
LOULOU (il se laisse prendre exprès par des gardes) Zut ! Encerclé !
REINE Pour sûr ! N’aie pas peur, loulou - on se tutoie ? Le couteau dans le dos ? Nôôôôn, on est trop en vue. (tout près de lui) Mais personne ne nous entend ! Ca sert à quoi, de me casser les oreilles à six heures du mat ? Surtout que je suis d’accord avec toi ! Oui, il y a du chômage, oui il y a des SDF, oui nous sommes au bord de la faillite ! Et oui, on a besoin d’un changement ! De nouvelles élections ! Afin de faire élire un premier ministre jeune !!... qui suivra les ordres de la Reine ! ! Et si c’était toi ? Hmmmm ?
LOULOU Tu débloques, Reine, ou quoi ?
REINE Non : si on te servait le pays de « Quatre-Péages » sur un plateau - qu’en ferais-tu ?
LOULOU Enfin voilà : je construirais des piscines. On aime ça, nous les jeunes ! On est en nage et on est en manque. De plus, comme ma famille est dans le bâtiment...
REINE Je vois ! c’est moi qui vais payer vos ouvriers !
LOULOU Mais non ! Pour couper les frais, on remettra le service militaire... et hop, les gars, haut les piscines ! Sinon la taule ! Tiens, on construirait de nouvelles taules aussi. Imaginons les dépliants touristiques : « Piscines - Pension - Prison ! A Quatre-Péages on nage dans la Sécurité ».
REINE Mais tu es un sacré malin, toi !
LOULOU (flirt) On commence à comprendre pourquoi je te réveille chaque matin, petite reine de mon coeur ?
REINE (flirt) Et comment ! Donc, une fois que tu seras marié avec ma fille...
LOULOU Quoi ? Marié ?
REINE Oui ! La Princesse Valérie ! Comme ça , gros malin, tu deviendras la coqueluche de mes royalistes, et moi je serais l’idole des jeunes ! ! Viens ! ce projet, on le peaufinera ensemble !
(Ils sont sortis... Entre Valérie, apportant un service à thé, car c’est l’heure du...
THE AU PALAIS : )
VALERIE Mais ce n’est pas possible ! J’ai donné ma parole au Prince Charmant ! (Le Reine et Loulou apparaissent de nouveau ; elle l’habille d’une veste et d’un large béret « folklorique »...) Comme la parole d’une princesse est irréversible, forcément, j’épouse le Prince Charmant !
REINE (elle jette Loulou sur Valérie) De l’audace, mon chou ! Fonce !
LOULOU (tordant le bras à Valérie) Je vais te montrer ce que c’est que l’amour ! !
VALERIE Maman ! C’est ça que tu as en tête pour ta fille unique ? Mais fichez-moi la paix ! La paix ! La paix ! (elle sort précipitamment...)
REINE Tu vois comme elle est, Loulou !
LOULOU Branchée sur le Prince Charmant !
REINE Qui vient pour prendre le thé...
LOULOU Non accompagné ?
REINE J’ai insisté !
Alors... tout est prêt ?
LOULOU (montrant une seringue dans la poche intérieure de la veste :) La piqûre. (et une grande bague sur un de ses doigts :) Le poison.
REINE
Mais non mais non
Le poison d’abord
« Ensuite » - la piqûre -
Et à la rigueur -
LOULOU (montrant un pistolet niché à l’intérieur de son béret :)
Le pistolet. (il met le béret)
LOULOU ... Mamie... Tuer quelqu’un... Cela t’est déjà arrivé ?...
REINE Quelle reine n’est pas obligée de tuer quelqu’un. Naturellement on essaie de ne pas le faire trop souvent ! Mais si ce garçon me donne du fil à retordre ! ! (chantant) Le poison !
LES DEUX (dansant, de plus et plus endiablés tandis que, sans bruit aucun, entre Prince Charmant, à leur insu :)
La piqûre
A la rigueur
Le pistolet
Le poison
La piqûre
PRINCE (chantant) « Le pistolet ». Entraînante chanson ! C’est un tube chez vous ? Oh ? Je vais descendre chez le disquaire du coin ! Si je le trouve « Le Poison et la Piqûre » en CD, ce sera mon premier cadeau de fiançailles à Valérie !
REINE Prince ! Je ne suis pas contente ! Vous êtes par trop en avance !
PRINCE Non ! à la minute près. C’est dans mes habitudes.
(discrètement à la Reine) Voulez-vous demander à ce paysan qui n’enlève pas son chapeau de se retirer ?
REINE (« énervée ») Je n’ai pas de secrets pour Loulou ! ! Jamais vous n’épouserez ma fille - sans Loulou ! ! Même une reine a droit à un confident ! C’est Loulou ! !
PRINCE Calmez-vous ! J’ai moi aussi un confident !
REINE Ciel, vous avez confié notre rendez-vous secret à quelqu’un ?
PRINCE Ce n’est pas n’importe qui. C’est mon tuteur ! C’est Merlin ! !
REINE Merlin ! Mais il est mort depuis au moins quinze ans ! ?
PRINCE Oui ! Et chaque soir, on papote dans mes rêves ! C’est curieux : hier soir, Merlin m’a déconseillé cette visite !
REINE Nôôôôn...
PRINCE Sur un certain plan ! En même temps il croyait que cela me ferait du bien ! Sur un autre plan ! Enfin avec Merlin il y a tellement de plans qu’on comprend strictement rien ! C’est pour cela qu’il a adoré Château-Chat ! Qu’y-a-t-il de plus incompréhensible qu’un chat ? Et à Château-Chat nous sommes envahis par ces petits coquins ! Même notre château est en forme de chat !... siamois ! Ah ce sont eux, les siamois, qui ont toute ma tendresse ! Normal : je suis le prince de la terre ; les siamois sont les princes des chats. Bien entendu, Merlin m’a appris comment me transformer en chat-siamois.
REINE Bien entendu. Quoi ! ? Vous vous transformer en chat-siamois ?
PRINCE Entre nous , je n’ai jamais réussi son truc. Mais, enfant, qu’est-ce que j’ai pu essayer ! En psalmodiant le mot magique... qui est « Miaou ». Vous le saviez ?
REINE Non, tiens, Miaou.
LOULOU Miaou.
PRINCE (à Loulou) Chut, paysan !
LOULOU (grommelant) Le poison »...
PRINCE (à la Reine) Pendant des heures je miaulais, ensuite je chialais. Merlin me disait : « Petite nouille, quand t’auras besoin de te transformer en chat, tu le feras et pas avant. »
REINE Enfin Loulou, le thé...est... prêt ?
LOULOU (s’énervant avec la bague) C’est coincé ! ?
REINE (fredonnant) « Persistez... »
(Tandis que Loulou arrive à verser le poison dans le thé :)
PRINCE (chantant) « Le pistolet » !
REINE (lui versant du thé) Du sucre, Prince ? Je conseille trois morceaux... quatre ! !
PRINCE Un aveu. Je déteste le thé. Et je n’en prendrai pas.
REINE et LOULOU MAIS ! !
PRINCE La chaleur de votre compagnie m’est largement suffisante.
REINE (sévère) Prince ! un membre de la noblesse est censé boire ce qui le rend malade ! Pour l’exemple ! Buvez ! J’insiste !
PRINCE (sévère) Personne ne m’a jamais oblige à boire du thé ! personne ! ! je suis Prince et je n’en veux pas !
REINE Je suis reine et je le veux ! !
PRINCE J’chais bien, j’chais bien, mais que faire... ?
LOULOU La piqûre ?
REINE Non ! Le poison d’abord !
PRINCE (chantant) « Le pistolet » ! ! (A ce mot Loulou braque son pistolet sur la tête du Prince. La Reine s’approprie la seringue : )
PRINCE ... C’est... pas possible... Ca ne m’est jamais arrivé... A moi...
REINE Il y a toujours une première fois !
LOULOU Et celle-ci sera la dernière ! Pauvre type !
PRINCE SILENCE ! PAYSAN ! (nez à nez avec le pistolet de Loulou, suppliant) Je ne me sens pas très bien ! Y aurait-il un docteur dans le palais... Une, une femme de chambre... Quelqu’un ?
REINE Tous en ville, au match de foot : sur l’ordre de la Reine !
LOULOU Bois.
PRINCE Je n’ai pas soif, merci beaucoup, Monsieur ! J’ai plutôt besoin de me... me... Me... MMM... (D’un coup - cassant le rythme - le Prince se lève : )
M - I - A - O - U
(La Reine et Loulou s’écartent de lui comme s’ils venaient d’être frappés - )
Le comédien «Prince» peut être remplacé par un comédien « Le Prince-en-chat ».
REINE et LOULOU Tiens ! un chat ? ! (Sans se soucier d’eux - la démarche féline - le Prince sort.)
REINE Un siamois ? !... Pas possible ? ! Quand même... attrape ce chat ! (Frénétique - elle sort - suivie de Loulou :) Cherchez le siamois ! Sonnez l’alerte ! Qu’aucun siamois ne quitte le palais !... sous peine de mort !
UNE RUE (Entre le Prince, seul.)
PRINCE Non mais quels gens mal élevés ! (dédaigneux) Miaou ! (il lèche une de ses « pattes »...) ... Charmant, qu’est-ce que vous êtes en train de faire, vieux. Je ne suis quand même pas un chat... pour de vrai ! ? C’est une blague. (il tâte son visage ) Aïe j’ai bien des moustaches... Et... une queue ? Oh là là, je n’aime pas cette queue. Elle est peu en harmonie avec le reste du postérieur royal. (il essaie d’attraper sa queue - il la mord - et miaule !) Ne serais-je alors... qu’un chat ? ! Que faire... (il se met à se «lécher ») Léchez les poils. Oh, Paysage à l’infini ! qu’il faut nettoyer, jusqu’à la fin du monde ! Ce n’est pas si désagréable comme tâche, remarque.. Mais - et je pose la question - est-ce là une occupation digne d’un prince ? Car je suis encore prince et miaôôôu ! ! Attends... il y « a » un truc ! - j’en suis certain - pour redevenir prince. C’est... C’est... Que la mémoire me chatouille aujourd’hui ! Ah... Quelqu’un m’a dit... Ce, ce genre de... « Merlin » ? Oui ! Il m’a assuré que, pour redevenir « Charmant », il faudrait simplement trouver quelqu’un d’humain qui accepterait de mourir à ma place ; Ah oui, oui ! Plus de problème. Tout le monde meurt pour le Prince ! !
(Coup de tonnerre ; le ciel se couvre. Le Prince sautille vers deux personnes qui entrent, la tête cachée par le parapluie qu’ils partagent.)
PRINCE Monsieur-Dame. Une grande joie vous attend ! Vous êtes élus pour mourir à ma place !
(C’est la Reine et Loulou !)
REINE (frénétique) Cherchez le siamois !
PRINCE (il s’esquive et se cache très vite) Aïe ! Chat-qui-peut, Prince !
(La Reine et Loulou disparaissent.)
PRINCE Mieux vaut rester caché... dans ce trou ?... Ce... réverbère ? Serais-je assez petit pour m’y creuser une petite place. Ce n’est pas un réverbère. On dirait la fenêtre d’un appartement... au sous-sol. Que la lumière y est triste, loin des chandeliers flamboyants d’or et de cristal.
(Entre, traînant les pieds, « Véronique » (ex-Valérie peut-être) dans une quelconque robe de chambre...)
PRINCE Il y a une jeune fille. Elle n’est pas mal. Elle ressemble à quelqu’un. A une... princesse. A une... « Valérie » ? Mais cette Valérie-ci ne me dit rien du tout.
(Il entre dans L’APPARTEMENT DE VERONIQUE. Discrètement il l’approche comme un chat. Elle ne le remarque pas. Il la renifle.)
VERONIQUE (parlant à quelqu’un, off) Encore un peu de gâteau, ma Tante ?
TANTE Merci non... (entre la Tante - ex-comédienne « Reine » peut-être : petit chapeau, tablier, serviette, journal à la main :)
PRINCE Les chats ont horreur des gâteaux ! ! C’est pas bon pour eux ! ! Tant pis, j’ai une de ces faims. (Tandis que, d’une manière « féline », il arrive à s’emparer du gâteau qu’il mange par la suite : )
VERONIQUE C’est gentil, ma tante, de faire la vaisselle.
TANTE C’est normal. T’es malade, ma nièce. Tu as été découpée ! C’est terrible ! découpée !
VERONIQUE Bof. L’appendicite n’a rien de bien grave. Et c’est presque du passé.
TANTE (minaudante) Je gage que Ludovic est venu très souvent pour te consoler ! ?
(Le Prince se lèche les babines.)
VERONIQUE Non, il n’est pas là en ce moment. Les commis voyageurs sont rarement là ; De plus, Ludovic... c’est pas sérieux ; Peut-être je dois trouver... chercher... quelqu’un d’autre ? Ce sera mieux. Serait-ce mieux ? Bof, ce serait pareil... Alors, je garde Ludovic. Comme, la semaine prochaine, je vais retourner au bureau...
TANTE Bonne idée. Ca t’occupera. (indiquant le journal) ... Je peux... ?
VERONIQUE Bien sûr... (tandis que la Tante ouvre le journal : son visage est couvert par une grande photo de la Reine, souriante !)
( Presque à elle-même)... D’ailleurs j’ai ma petite idée : changer de boulot. C’est pas que j’y suis malheureuse. Mais si je changeais... ce sera peut-être la même chose. Alors dans ce cas, bof, à quoi bon changer ? Mais si, c’est très très différent... ! Ce sera trop différent peut-être ; Et je serai renvoyée... Alors, bof, je reste où je suis.
TANTE C’est très très intelligent. On ne vit pas sur les cimes.
VERONIQUE On n’est pas dans la misère...
TANTE Lis ce journal. Que de misères ! Ce prince par exemple qui vient de disparaître... et que tout le monde recherche ! Où pourrait-il être ?
PRINCE Mââ-oi ?
VERONIQUE (remarquant le Prince) Tiens un chat.
TANTE Il est mignon !
VERONIQUE Tu trouves ?
PRINCE J’SUIS PAS UN CHAT !
VERONIQUE Il n’est pas beau comme Froufrou était belle !
PRINCE Qui est-ce, cette Froufrou ?
VERONIQUE Bonjour , mon chat ?
PRINCE Mal élevée ! Je ne suis pas à vous !
TANTE Véronique ! C’est peut-être le chat qu’on recherche dans le journal.
VERONIQUE Mais tu disais qu’on recherchait un prince dans le journal ?
TANTE Ma chérie : on recherche les deux. Et la récompense pour qui retrouvera le chat est aussi énorme que la récompense pour qui retrouvera le prince ! Donc - si ce chat devant nous est celui du palais - Véronique ! ! tu es riche ! !
VERONIQUE Oh bof, c’est pas le chat ! Je m’y connais en chats ! Celui-là est vraiment trop moche !
PRINCE Eh ben dis-donc, vous !
VERONIQUE De toute façon, on ne retrouve rien d’intéressant, nous. Ce que je suis triste ! Rien extraordinaire m’arrive, jamais !
TANTE (cherchant) Triste ? Toi ? Petite veinarde ! Combien de jeunes filles peuvent se vanter d’avoir passé cinq jours dans un hôpital ! ? D’y avoir été... découpée ! Oh ma pauvre chérie ! C’est terrible !
VERONIQUE Bof. Ca change. Et puis ça s’en va. Et puis on est guéri. Bof.
PRINCE Elles sont complètement barjos. Je m’en vais !
TANTE (lui barrant la route) Pourquoi tu ne gardes pas ce chat ?
VERONIQUE C’est cruel, les chats d’appart : enfermés, toute la journée.
TANTE Mais ils aiment ça ! , qu’on leur fiche la paix.
VERONIQUE Alors je garde celui-là .
TANTE C’est gentil. (Véronique caresse le Prince. Il n’a pas l’air indifférent.)
PRINCE Ronronronronronron.
TANTE Il est affectueux !
PRINCE (renifle Véronique) Ce n’est pas Valérie.
VERONIQUE (pointant vers les épaulettes du Prince) La couleur sur ses épaules me fait penser, moi, aux épaulettes d’un uniforme royal !
TANTE Quelle imagination !
VERONIQUE Tiens, je l’appellerai... Epaulette.
TANTE C’est mignon.
PRINCE Berk
TANTE Bon ; il faut que je m’en aille.
VERONIQUE Tu ne veux plus de gâteau ?
PRINCE Gât... gât... ? (malin) Ouille ! (il commence à s’esquiver...)
TANTE ... Oh non, chérie, pas vraiment...
VERONIQUE Bon, je le jette ? Mais où est-il, ce gât... (Elle voit que le gâteau a été mangé.) Ooooh ça doit être Epaulette ! J’aime pas ça ! ! Epaulette ! ! Viens ici. (Elle attrape le Prince :) Tu sais très bien que les chats ont horreur des sucreries ! (elle le tape)
PRINCE Miaou !
VERONIQUE C’est pas bon pour eux ! (elle le tape)
PRINCE Miaou !
TANTE Dommage qu’il ne reste pas un bout de gâteau ! Pour lui écraser le nez dedans ! Comme ça, il aurait compris !
PRINCE Des monstres ! !
TANTE Faut que je m’en aille !
PRINCE Moi aussi !
(Le Prince essaie de sortir... Les deux femmes lui barrent la route : )
VERONIQUE Non non pas toi ! (il recule)
TANTE Alors tu gardes ce chat ?
PRINCE J’SUIS UN HOMME ! !
TANTE (pédante) Alors, il ne faut pas le laisser sortir pendant trois jours ! Sinon il se perdra de nouveau.
VERONIQUE Je sais, ma tante ! ! Je m’y connais en chats ! !
TANTE Et samedi matin, je reviendrai. Je t’aiderai à emmener ce chat chez le vétérinaire.
PRINCE (inquiet) ... chez le vét... le vét...
TANTE C’est lui - le vétérinaire - qui s’occupera du reste !
PRINCE Le reste... quel reste...
TANTE Et après le vétérinaire, ce chat devant nous : il ne ressortira plus jamais !
PRINCE Maman !
Changement de lumière. QUELQUES SEMAINES ONT PASSE Le Prince a l’air un peu abruti... les yeux dans le vide. Véronique, dans son lit, a aussi les yeux dans le vide...)
PRINCE Ah quand j’étais prince... je faisais des trucs... sans m’en rendre compte. Est-ce qu’elle se rend compte... que je suis un prince... quelque part ? Est-ce que « moi » je m’en rends compte ? (il renifle) Vaguement... Parce que je sens toujours l’odeur de la chair royale sur moi. Pour nous, les chats, la mémoire se niche à l’intérieur de nos narines ! Je renifle donc je suis. (Il renifle. Et puis il s’immobilise, les yeux dans le vide.)
VERONIQUE Epaulette... ? Epaulette... ? Ce chat ne bouge pas. Viens ! ! Je te ferai des mamours ! ! Tu aimes ça ! !
PRINCE (indifférent) Si ça te fait plaisir. (Elle le caresse négligemment...)
VERONIQUE (à elle-même) Et si... je mettais fin à mes jours ?
PRINCE (alerte !) Quoi ! Mais non ! Qu’est-ce que moi je deviendrai ? ? Hein ? ?
VERONIQUE Personne ne versera une larme pour moi... ce que moi j’appelle une larme ! ! Même moi, je ne verserai pas une larme pour moi. Je vais me tuer !(Le Prince se tourne directement vers elle. Energiquement, avec la tête, il lui caresse la nuque, la tête.) Mais toi, tu me pleureras ! Bruyamment ! Sans moi, hein, il n’y aura personne pour déterrer ton immonde pâtée. Plus ça sent mauvais, plus c’est bon !
(Le Prince délicatement met sa « patte » sur le visage de Véronique et effleure ses traits. Il lèche tendrement sa main - et puis il la mord ! Il rigole, il s’esquive, il roule sur son dos, pieds et bras en l’air !)
VERONIQUE Ah les chats ! Ils vous surprennent ! Tu vois bien : tu m’as surprise !
PRINCE C’est pour cela que je le fais, idiote ! Non non, c’est juste un constat : elle est idiote ! Et jolie ! ! (Elle commence à s’intéresser plus à lui qu’à son projet de suicide. Elle lui jette des bouts de papier... il essaie de les attraper, etc. Il se pavane...)
J’suis beau ! J’suis beau ! (D’un coup, il fait un numéro de music-hall :) « I’m singing in the rain ! I’m singing in the rain !... mmmmiaaaaaaou ! »
VERONIQUE (sombre) Il est beaucoup moins marrant que Froufrou.
PRINCE (sombre) Je commence à haïr cette Froufrou.
VERONIQUE Elle ?... la crème de la crème !
PRINCE (sautant vers elle, plein de rancoeur) Parce que c’était ton « premier » animal, espèce de gourde ! Le premier c’est toujours le mieux ! ! Moi, par exemple, avec la Princesse Valérie, mon premier grand amour ! Et, en fin de compte, toi, tu es aussi belle ! Plus !
VERONIQUE Bon, viens alors... tout près de moi. Ah, j’aime les chats par dessus tout ! ( Ludovic, ex-Loulou peut-être, est entré dans le noir.)
LUDOVIC (type égoïste) Contente de me revoir ? Hein ? Hein ? Petite veinarde !
VERONIQUE (revenant sur terre) Enlève ton chapeau, Ludovic. Tu dois avoir chaud. .
LUDOVIC Eh maintenant elle n’aime pas le chapeau de Ludovic ! Ca, c’est le bouquet ! Le chapeau de Ludovic ! (Il voit le Prince) Mais... Qu’est-ce que c’est que..- ?
VERONIQUE C’est mon chat !
LUDOVIC Eh maintenant elle a un chat ! Véro, Ludovic t’a bien prévenu : il n’aime pas les chats ! Les chats !! Berk, c’est sale !! (Le Prince lui crache à la figure.)
VERONIQUE Sale ! ? Rien n’est plus propre qu’un chat !
LUDOVIC Propre, ça ? (Le Prince attaque Ludovic) Va-t-en ! Ludovic te prévient, Véro : c’est lui ou moi ! Je veux dire « Ludovic » !
VERONIQUE Eh ben...
LUDOVIC Puisque c’est comme ça : je m’en vais !
VERONIQUE Déjà ? Non ! Epaulette : laisse ce monsieur tranquille, veux-tu ? (Elle « jette » le Prince loin d’elle) Un bisou, Ludovic ! Ca fait tellement longtemps !
LUDOVIC (très condescendant) Bon d’accord. Petite veinarde ! Hein ? Hein ? (Le Prince s’assoit très près d’eux et les fixe du regard. S’arrêtant) Mais... est-ce que ce machin va continuer à nous lorgner ?
PRINCE Oui ! !
LUDOVIC Véronique, tu ne veux pas comprendre : cet animal me dérange ! !
VERONIQUE Dors, Epaulette, dors ! ! (Le Prince ferme les yeux) Tu vois, il dort ! Ah Ludovic ! Un bisou ! (Le Prince attaque Ludovic) Non ! Non ! (Elle repousse le Prince, il revient, elle le repousse...)
LUDOVIC Maintenant j’ai le mal de mer ! ! (Le Prince lui crache à la figure - )
VERONIQUE Qu’est-ce que tu as ce soir, mon bébé ? !
PRINCE Il est gonflé, ce bonhomme ! Il est mauvais ! Laisse-le partir ! Toi tu es vulnérable, comme moi ! Je sais, Véro, on se connaît peu, mais je t’aime, Véro, je t’aime ! Tu es idiote et je t’aime. !
LUDOVIC Véronique... !
PRINCE (singeant Ludovic) « Ludovic t’a prévenu !... »
LUDOVIC (« important ») Je m’en vais !
VERONIQUE Attends, juste le temps de mettre le chat dehors !
PRINCE (hystérique, s’accrochant à Ludovic avec ses « griffes » :) Ne me mets pas dehors ! ! Ne me mets pas dehors ! !
LUDOVIC AIEEE ! Tu vas le mettre à la rue ?
VERONIQUE Pourquoi pas ?
LUDOVIC Il va se perdre, ton chat !
VERONIQUE Bof, les chats retrouvent toujours leurs chez-eux. Moi je m’y connais en chats !
(La lumière s’estompe... Le chat se trouve brusquement dans un univers inconnu : « dehors » !) UNE RUE
PRINCE ... On vous corrige, on vous dresse, on vous enferme. Et puis mine de rien, on vous met dehors ! Mmmm je sens la friandise ? Serait-ce des sardines « à la poubelle » ? Miam, des immondices ... ! (Vincent - ex-Loulou-Ludovic peut-être - jeune homme d’aspect sauvage - est entré dans l’ombre)
VINCENT Tiens, tiens, un chat ! ! T’es à moi ! Petit monstre !
PRINCE Lâchez-moi ! Non mais lâchez-moi ! Qu’avez vous, Monsieur ? !
LE PETIT STUDIO DE VINCENT ( Entre le Prince... reniflant, crachant un peu, c’est le chat soupçonneux. Il est suivi de Vincent...)
VINCENT Voilà ton nouveau domicile ! Renifle-le bien... à ta nouvelle vie... ! avec moi ! Vince Le Dur ! Viens près de moi, petit monstre, va...
PRINCE (crachant) CHCHCHCHCH.
VINCENT Pour que je te taille la queue comme s’il s’agissait d’un crayon noir !
PRINCE CHCHCHCH !
VINCENT C’est ça ! CHCHCHCH ! Faut devenir dur ! Comme moi ! Monstre ! C’est ton nom maintenant : Monstre !
PRINCE Chat-qui-peut ! !
VINCENT T’es tellement moche, tu me fais tordre de rire ! (lui donne un coup de pied) Oh ha ha ha ha ! Qu’est-ce que c’est la vie... Si on ne peut pas rire, rire, rire... jusqu’aux larmes !... surtout après que tout le monde vient de claquer la porte ! Plus de famille ! Plus d’amis ! Et alors ? ! J’ai mon petit caractère - sale ! - et j’en suis fier ! Si personne ne le supporte... je m’amuserai avec mon chat ! (lui donne un coup de pied)
PRINCE CHCHCHCH ! !
VINCENT C’est bien : tu es de plus en plus méchant ! (pince le nez) Il est un peu dégueulasse, même pour moi ! Tiens, je vais lui faire couler un bain !
PRINCE (blême, reculant) Un beuh-beuh-beuh ? ? ?
VINCENT (le traquant) Oui ! Rien que pour toi ! Et hop, le chat ! Affriolant dans une mousse d’eau de Javel ! (Le Prince réussit à quitter la scène en reculant) Bravo ! Tout seul, il a trouvé la salle de bain ! (Vincent se précipite après le Prince.)
(APRES LE BAIN : Le Prince saute sur scène, de très mauvaise humeur, portant un collier à pointes.)
VINCENT Oh ho ho ho ! on s’amuse bien ! Bon, bon, d’accord, demain je vais mettre des annonces dans toutes les boutiques du coin disant que je t’ai trouvé ! Ne crois pas que je me lasse de ta compagnie mais il se pourrait que tu appartiennes à un pauvre petit garçon de six ans... Un garçon... aussi gentil que moi je l’étais !
PRINCE Gentil ça ?
VINCENT Un gosse qui pleure-pleure-pleure son chat ! Comme moi j’ai chialé à cet âge ! car... (D’un coup il saisit le Prince dans ses bras. Réellement angoissé :) J’aime les chats ! ! Oh mon chat ! !
PRINCE Ce qu’il est agaçant, ce mec ! (Vincent lui gratte le menton ) Ca, en revanche, pas mal ! Ronronron.
VINCENT Ah oui ronron ! Toi présent, je redeviens un gosse de six ans ! Avec mon chat ! « Rikiki » ! Tout près ! La vie a été si légère ! A sept ans... il s’est barré ! Rikiki ! Sans laisser un mot ! Sans laisser d’adresse ! J’ai compris ! ! Rikiki ne m’aimait pas vraiment ! En ce cas, personne ne m’aimait vraiment ! On est seul dans la vie : ! Seul ! Rikiki ! Pourquoi tu m’as fait ça ! Prends ça ! (coup de pieds)
PRINCE (essayant de se sauver) Rikiki - pas moi - lui -
VINCENT Alors, pour embêter Rikiki, moi, Vincent, le petit doux, est devenu... Vince le Dur ! ! Suis-je dur ? Suis-je doux ? (arrive à s’agripper au Prince) Mais qui suis-je enfin ? Tout ce que je sais : (pleurant) Je suis sêêêêul !
PRINCE Donc, SOS Dr. Chat. Je commence à en avoir l’habitude. (il « lèche » Valentin : ) Mon petit garçon... C’est ton gros matou qui t’aime. J’aime toute l’humanité, quoi. Ronron.
VINCENT (ingénu) Oh oui, Ronron ! Oh « Monstre »... Réflexion faite, j’aime pas ce nom...
PRINCE Moi non plus, figure-toi !
VINCENT Je vais t’appeler... Prince. Toi tu « es » un prince charmant. Celui que tout le monde cherche. Car tu nous écoutes. Tu nous comprends !
PRINCE C’est bien. Maintenant gratte-moi un peu le ventre. (ce que Valentin essaie de faire) On va dormir un coup, veux-tu ? Allez, viens, mon petit, au pays du Dodo. Viens... (Ils sortent, tous les deux.)
LE MATIN SUIVANT
(On frappe à la porte ! Entre Vincent de nouveau : )
VINCENT (au Prince, off) Toi, tu restes là, caché ! (au public) Chut ! (Vincent fait entrer une dame, voilée de noir : c’est la Reine.)
REINE (au public) Chut ! Cherchez le siamois ! (sévère) Je suis bien chez Monsieur Le Dur ?
VINCENT Oui. Et vous ?
REINE Je suis la veuve... qui a vu l’annonce que vous avez mise... au sujet du chat retrouvé ! Vous avez bien un chat ? Ou est-ce que je perds mon temps ? Car, vous voyez, mon petit garçon a perdu son chat ! !
VINCENT Ooohh... Ooohh... rien n’est plus terrible, ooooh...
(Pendant la scène suivante, le Prince entre et sort plusieurs fois, insouciant comme un chat et toujours à l’insu de la Reine :)
REINE Il en souffre ! Il faut que je lui redonne ce chat ! Sinon... Aïe aïe aïe !
VINCENT Oh faites le entrer ! Ce pauvre petit !
REINE Non ! ! Il joue dans la rue ! ! Comme un fou ! ! Trop enjoué pour entrer ! ! Et trop déprimé aussi! Il joue quoi.
VINCENT (soupçonneux) Et le chat ?
REINE Quel chat ?
VINCENT Le vôtre. Il est comment ?
REINE Mais exactement comme le vôtre, vu que le vôtre est le mien ! En plus, ils se ressemblent, tous, ces sales bêtes !
VINCENT (tranchant) Décrivez-moi votre chat, Madame. La couleur des yeux ? La forme de la queue ? Hein ? !
REINE Beuh il est... comme... (voyant le Prince qui, curieux, a fait quelques pas vers elle ) Minou !
VINCENT Prince !
REINE Ah ! Prince ? (elle fredonne :) « Le poison, la piqûre ! ! »
PRINCE (la reniflant) La Reine Clothilde ! ! (il lui crache à la figure !)
REINE (appelant) LOULOU ! ! LOULOU ! !
(Irruption de Loulou ! Ou - si Loulou est joué par Vincent - il ne vient pas, vu qu’il est déjà sur scène ! En ce cas, une comédienne - « Valérie » par exemple - se précipite sur scène, en enfilant le costume de Loulou pour sauver la situation : )
LOULOU 2 Ouais !
REINE Le pistolet ! !
LOULOU 2 (dégaine) Ouais !
REINE Fais ton devoir
LOULOU 2 Ouais !
VINCENT Non ! Non ! Tu ne peux pas tirer sur un chat ! ! (se mettant entre Loulou et le Prince ) Tue-moi plutôt !
LOULOU 2 Ouais ! (Il tire sur Vincent qui s’écroule. Comme un chat effrayé du bruit, le Prince saute dans l’autre chambre. En même temps :)
REINE (à Loulou) Imbécile ! !
LOULOU 2 Ouais !
REINE Tu fais tout ce qu’on te dit ?
LOULOU 2 Ouais !
REINE Tais-toi, tu commences à me taper sur les nerfs ! ! Déguerpissons ! Mais le chat ? Tant pis ! (Ils sortent rapidement... ) On est déjà dans la mélasse !
(Le Prince réapparaît... Il est redevenu homme ! Il regarde Vincent, agonisant...)
VINCENT Je meurs... pour mon prince...
PRINCE Il a offert sa vie pour moi ! Donc - Merlin avait raison - je suis redevenu homme pour de vrai !
VINCENT (faiblement) Mais qui êtes vous, Monsieur ? Où est mon chat... ?
PRINCE (au public) Je suis son chat. Mais c’est le chat à deux têtes ! Une appartenait au Prince Charmant, transformé en félin pour des raisons d’état tellement compliquées que je ne les ai jamais comprises moi-même !
VINCENT Oooh... (il s’immobilise)
PRINCE Tiens, une larme ! Une vraie larme d’homme ! (On frappe à la porte !) Prends tes jambes d’homme retrouvées à ton cou... et tire-toi de là !
(Irruption de Véronique ! Collision des deux personnages : le Prince fuit :)
VERONIQUE AAIEE ! Et ben vous êtes gonflé, vous ! (gaiement) Bonjour bonjour ! Je m’appelle Véronique !J’ai vu l’annonce ! Chez mon pâtissier ! Au sujet d’un chat ! Aux épaulettes militaires ! Qui est sûrement le mien ! Que j’ai perdu ! Epaulette ! Où es-tu ? (Vincent grogne très faiblement et referme les yeux... Véronique croit rêver !) Oh !... Un cadavre ?... ! !... Désolé de vous déranger. Monsieur Cadavre, mais... je suis venue pour le chat ! Les chats, ils sont importants ! ! Le mien, où est-il ?
VINCENT (faiblement) ... J’aime les chats...
VERONIQUE Moi aussi, pardi !
VINCENT (rouvre les yeux) Elle est belle ! ! Ooooh !
VERONIQUE Il est beau ! ! Aïe ! (La tête de Vincent retombe...) Etes-vous bien dans votre assiette, Monsieur ?
VINCENT Ce n’est rien. Un méchant m’a tiré dessus...
VERONIQUE Ooooooh ! Ca sort de l’ordinaire ! Ooooh ! ! Quelque chose d’extraordinaire m’arrive ! ! Enfin ! !
VINCENT Ils ont voulu tuer le chat !
VERONIQUE Les énergumènes ! ! De plus en plus extraordinaire ! !
VINCENT Alors je me suis mis à la place du chat...
VERONIQUE Vous avez bien fait !
VINCENT Maintenant je vais mourir ! (il s’écroule)
VERONIQUE Mais pas du tout, voyons ! A cinq minutes d’ici, il y a un très bon hôpital où on m’a découpée avec le résultat que voilà ! (elle fait une petite révérence) Là-bas on va vous recoudre de fil blanc ! Allez ! Courage ! Appuyez-vous sur moi ! Ne vous gênez pas ! Les amateurs de chats doivent s’entraider ! (Ils sortent tous les deux, péniblement...)
AU PALAIS (Entre le Prince suivi de la Reine...)
REINE Maintenant vous savez tout ! Prince ! Il faut épouser ma fille ! ! Il faut épouser la Princesse Valérie ! !
PRINCE Alors là, vous me perdez ! Toutes ces vilaines magouilles pour empêcher ce mariage ! Et au moment même où je ne voulais plus..-
REINE Mais la situation a changée, Prince ! Depuis votre fuite, les méchantes langues vont bon train ! Il faut étouffer ça vite ! La solution de la Reine Clotilde : « Mariage royal - en grande pompe - entre deux gentils héritiers » - vous et Valérie en l’occurrence - et voilà : la paix restaurée !
PRINCE Mais à présent j’aime Véronique ! Et la Princesse Valérie, je ne l’aime plus de tout !
REINE Les monarques doivent épouser ceux qui leur inspirent du dégoût. Pour l’exemple ! ! Si le peuple cherche une histoire d’amour en tout ça... tiens, c’est moi qui vais le combler en épousant moi-même Loulou le « prolo » ! LOULOU ! !
(Entrée de Loulou et de Valérie)
PRINCE (au public) Donc - sachant que le devoir primait tous les sentiments - nous acceptâmes « le double mariage du siècle »... censé faire la une de la presse et réunir toutes les factions !
(Bruit de foule. Les quatre personnages vont vers le vacarme.)
PRINCE (au public) Les jeunes époux descendirent parmi une foule en liesse ! La populace leur montra son enthousiasme en leur jetant à la figure des oeufs pourris. (Son d’explosions)
REINE (se sauvant) Tiens, ça ne marche pas non plus ?
VALERIE (se sauvant, hystérique) LES INGRATS ! ! MAMAN ! !
PRINCE (au public) Alors, nous, la noblesse de deux pays, nous nous sommes enfuis en direction de la sortie. Nous nous dirigeâmes vers un pays digne de nous ! Une vraie démocratie ! (Loulou, Valérie et la Reine reviennent) Nous allâmes... en France ! Et Marianne nous accueillit, comme tant d’exilés politiques avant nous... en nous prêtant une piaule de banlieue enfermé dans un mur de béton.
VALERIE (hurlement d’hystérique) Dois-je terminer mes jours dans ce maudit taudis ? (Elle se met à hurler de nouveau.)
REINE Oh Valérie tais-toi ! T’as oublié d’être Princesse ou quoi ! ! ? Tu veux une baffe ! : en voilà une..-
LOULOU Et basta les deux gonzesses ! ! Je n’ai rien à faire de vous ! ! On est en France, non ! ? Si on commandait une piscine portative à la Redoute ?
REINE Et comment payer, mon amour ? Nous n’avons plus un sou !
PRINCE Oh Véronique ! ! Oh Vincent ! !
VALERIE (sarcastique) « Oh Véronique » ! !
LOULOU (sarcastique) « Oh Vincent ! !
PRINCE Ah quand j’étais chat ! !
VALERIE Ras le bol ! (coquette) Loulou : si on refaisait notre randonnée habituelle... le tour du béton... au clair de lune...
LOULOU On s’promène ! (ils s’en vont, en jogging)
PRINCE Et toi tu t’en fiches ! !
REINE Pas du tout ! Je m’organise ! On va pouvoir sortir de cette bicoque ! ! On va récupérer les bijoux royaux ! On sera riche de nouveau !
PRINCE J’sais pas, Belle-maman ! Ca me semble tout un programme ! Non ? Finissons nos vies en paix enfin !
REINE La paix, oui ! L’inertie : jamais ! Bon, le double mariage, une catastrophe ! Mon petit droit à l’erreur ! Donc cette-fois-ci je mitonnerai... un double divorce ! Moi et Loulou ! Toi et Valérie ! ! On reparlera de nous dans la presse spécialisée ! Ensuite : double mariage de nouveau - mais au parfum du jour ! Valérie et Loulou - enfin unis - ça, je l’ai toujours voulu -
PRINCE Et l’autre couple ?
REINE Mais toi et moi !
PRINCE (tombe à genoux) Véronique ! !
REINE Toi et moi !
PRINCE Vincent ! !
REINE Toi et moi !
PRINCE (il se transforme en chat) MIAOU ! ! (il essaie de se barrer - elle le pourchasse - )
REINE Ah non ! Pas comme ça ! C’est trop facile ! Prends tes responsabilités pour une fois ! (ils ont disparus tous les deux.)
L’APPARTEMENT DE VERONIQUE (Entre Vincent et Véronique)
VERONIQUE Ah Vincent mon doux époux !
VINCENT ... Ah Véronique ma tendresse ! Tu es extraordinaire !
VERONIQUE Ooh ! Je suis enfin extraordinaire pour quelqu’un ! Et pourquoi ?
VINCENT Parce ce que tu m’aimes !
VERONIQUE Bien sûr que je t‘aime... doux comme tu es ! Embrasse-moi ! Non ? Serais-tu moins content de ta petite Véro que tu le prétends... ?
VINCENT Non. C’est que... je pense... il nous manque... quelque chose !
VERONIQUE Oh ! Une « toute petite » chose ! Tu y penses déjà ?
VINCENT Comment ne pas y penser...
VINCENT et VERONIQUE Un petit chat pour nous deux ! (Entre Prince) Tiens un chat ! !
PRINCE (au public) A travers forêts et rivières... le chat fidèle...
VERONIQUE Mais attends... C’est Epaulette !
VINCENT C’est Prince ! !
PRINCE Courageux, combattant mille dangers pour retrouver sa douce famille !
VERONIQUE (le frappant) Prends ça !
PRINCE Miaou !
VERONIQUE Ca t’apprendra à te sauver ! Prends ça !
PRINCE Miaou !
VINCENT Bon ça suffit, Véro ! Embrassons-le, tous les deux ! J’aime les chats !
VERONIQUE Mais moi aussi pardi ! ! (Bisous à trois)
PRINCE Ronron. (au public) Ainsi le conte de fée se termine dans le luxe, le calme et la paix du dimanche !
(Irruption de la Tante !)
TANTE Véronique ! ! Vincent ! ! Ah les jeunes époux !! Ils n’ont d’yeux que l’un pour l’autre ! Ooh tu as retrouvé ton chat, Véro ! ? Cette fois-ci... il faut l’empêcher de sortir pendant trois jours... Sinon...
TANTE, VERONIQUE, VINCENT (au public) ... Il se perdra de nouveau !
PRINCE (il est d’accord : ) Miaou.
NOIR.