L’enfance Volee

SYNOPSIS

Théo, le frère de Noa, meurt dans un accident de voiture. Noa ne parlait plus à Théo depuis 20 ans. Elle réside en Argentine. Elle décide d’assister à l’enterrement de son frère et de retourner en France. Ce voyage est pour Noa un retour douloureux dans le passé.

Des situations resurgissent progressivement, des images lui reviennent, des sons résonnent. Noa a subi des attouchements de la part de Théo de l’âge de 8 ans à 12 ans. Elle s’est tue. Elle entreprend une psychanalyse qui dure 20 ans. La mort de Théo est également pour Noa le moment d’interroger sa sœur, Cécile. A-t-elle, elle aussi, subi des attouchements ? Cécile le nie. Noa se retrouve seule face à une famille qui garde les yeux fermés devant un fait avéré, mais qui dérange. Personne ne veut ouvrir le débat. Le silence est plus confortable. Théo est mort. La vérité est morte avec lui. Noa repart en Argentine auprès de son mari. Elle ne reverra plus sa famille.

La pièce se construit sous forme de flash-back pour installer progressivement chaque situation, apporter des éléments nouveaux à la compréhension, percevoir progressivement la souffrance de Noa, Ils apportent également un suspens et permettent de dévoiler progressivement les sévices faits sur Noa et de découvrir les dégâts qui en découlent.

L’utilisation de flash-back sonore : une porte qui grince, des chuchotements, un lit qui couine, un morceau des Pink Floyd comme une alerte… Semble indispensable pour renforcer l’angoisse de cette enfant qui ne peut pas dire non.

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1 –LES TOILETTES DU FUNERARIUM

Noa se rafraichît le visage tout en se regardant dans la glace. Elle vient de vomir, elle se sent mal.

 

MONOLOGUE DE NOA

Je n’ai jamais pu te parler. Trop difficile, trop compliqué. Trouver les mots justes, les mots qui détaillent. Impossible. Tu as fui, tu m’as fuie du jour au lendemain. Quand je t'ai appelé ce fameux jour d'angoisse où je voulais me jeter par la fenêtre, tout ce que tu as réussi à me dire c'est : saute. Je ne te pardonnerai jamais. Soi-disant tu me protégeais. J''aurais aimé savoir pourquoi tu es rentré ce jour-là dans ma chambre. J’avais 8 ans, tu en avais 16. J’aurais aimé tes excuses, non pas pour te pardonner, mais ça m’aurait apaisée. J’étais comme enfermée dans un caisson. Je respirais mal, j’étouffais parfois. Sensation de vertige, de déséquilibre. Qui s’en souciait ? Vous viviez tous autour de moi. Tu étais mon grand frère et moi une petite fille incapable de dire non. Tu me faisais peur. Je me sentais tout le temps anormale. Je t'admirais, je pensais pouvoir compter sur toi. Pendant toutes ces années tout a été opaque sauf l'image d'un sexe masculin énorme qui restait présent dans ma tête

 

Une porte s’ouvre. Le père de Noa entre.

 

PERE

Noa, on t’attend.

 

NOA

Papa, ce sont les toilettes des femmes.

 

PERE

Tu es blanche, tu es malade  ?

 

NOA

Non, j'ai du mal avec le décalage horaire.

 

PERE

Tu n'as pas fait 10.000 km pour rester dans les toilettes toute la journée.

 

NOA

Papa,  Vas-y, je vous rejoins.

 

PERE

Dépêche toi, on t’attend.

 

NOA

J'arrive.

 

NOA pour elle-même

Un cadavre peut attendre

 

Noa respire un grand coup et sort.

 

 

2 – FUNENARIUM

Le cercueil de Théo est ouvert au milieu d'une pièce. Ferdinand, le père, Cécile, s'apprêtent à rentrer. Noa reste figée.

 

FERDINAND à Noa

Avance !

 

La famille se dirige vers le cercueil. Noa avance lentement

Le père embrasse son fils.

 

LE PERE

Venez embrasser votre frère.

 

NOA

Je ne peux pas.

 

CECILE

Fais le pour lui.

 

Cécile, ferdinand s'exécute.

Noa ne l'embrasse pas.

 

LE PERE

Pourquoi Sabine n’est pas là ?

 

CECILE

Elle est bloquée par une grève de train.

 

LE PERE

c’est arrivé si vite.

 

Le père perd l'équilibre.

Ferdinand soutient son père.

Le père repousse Ferdinand.

 

LE PERE

Noa.

 

Noa se précipite vers son père et lui prend le bras.

 

LE PERE

C’est moi qui devrais être là.

 

NOA

Non,  papa.

 

CECILE

Ce costume est affreux, qui l’a choisi ?

 

FERDINAND

J’ai pris le premier dans l’armoire.

 

NOA

C’est vrai que ce costume est affreux.

 

Début de fou rire

 

FERDINAND

Ca va, les filles ! Contenez-vous.

 

CECILE

Désolée, c’est nerveux.

 

Ferdinand et Cécile embrassent leur frère. Seule Noa ne s'approche pas.

 

 

 

 

3 - FLASH BACK - CHAMBRE DE THEO.

Elle est dans la pénombre. On distingue à peine des silhouettes. Noa (8 ans) sanglote. Un morceau de Pink Floyd retentit.

 

THEO

Allez, retourne dans ta chambre, ça suffit.

 

NOA

Tu m’aimes plus ?

 

THEO

J’ai horreur des chouinements.

 

NOA

Tu m'as fais mal.

 

THEO

Excuse-moi, ma petite soeur… Allez viens dans mes bras, je ne veux pas que tu sois triste. Je t’aime tu sais, je veux juste que tu me fasses plaisir. Tu peux le faire pour moi ? C'est naturel entre un frère et une soeur. Tu sens je fais un bisou à ton sexe. Allez, à ton tour, fais moi un bisou sur le mien… Allez vas-y ! oui comme ça… C'est bien… continue. Oui comme ça…

 

Elle a des hauts le coeur. Elle éclate en sanglots.

 

THEO

Allez, ça suffit pour aujourd'hui, va dans ta chambre.

 

Noa sort vite du lit

Et ton tintin ?

 

NOA

Tu me le donnes quand même.

 

THEO

Tiens, mais tu ne le mérite pas.

 

Noa repart dans sa chambre avec son tintin.

 

 

4 - RETOUR AU PRÉSENT- FUNERARIUM

Noa est en larme. Le père se retourne vers Noa

Noa ne bouge pas.

 

LE PERE

Vous ne vous êtes pas parlés pendant 20 ans, tu peux lui dire au revoir, au moins, sinon c’était pas la peine de venir.

 

Noa quitte la pièce

 

CECILE à Ferdinand

Elle ne l’a jamais aimé.

 

FERDINAND

Tu n’en sais rien.

 

CECILE

Elle ne nous aime pas. Ca, je le sais.

 

Ferdinand sort du funérarium

 

FERDINAND

Noa, Noa attend !

 

NOA

Laisse-moi !

 

FERDINAND

Il est mort.

 

NOA

Et ?

 

FERDINAND

Ca fait 30 ans, Noa.

 

NOA

Se taire, surtout se taire. Toi, le premier. Tu m’as mis la tête sous l’eau avec tes peurs, tes murmures, tes coups de coude sous la table,

tes « chut » à répétition. La famille doit être épargnée, mais de quelle famille on parle ? Une famille en total disfonctionnement. Tu as laissé  faire. Tu savais, mais tu as laissé faire… C'est parce que je t’ai dit non. Tu crois que je lui ai dit oui, à lui.

 

FERDINAND

Je n’ai pas parlé pour te protéger.

 

NOA

Non, TE protéger.

 

FERDINAND

Personne ne t’aurait crue de toute façon.

 

NOA

Fous le camp. Fous le camp.

 

 

5 - CAFE

Ambiance café

Noa est avec François, un ami d'enfance de  Théo.

 

FRANCOIS

On ne se voyait plus avec Théo, mais je voulais venir à son enterrement. Lui dire au revoir.

 

NOA

Vous étiez inséparables.

 

FRANÇOIS

Jeune oui, mais il avait changé depuis son divorce. Il s’était replié sur lui-même, même sa fille ne le voyait plus. Comment c'est arrivé ?

 

NOA

Accident de voiture… Il prenait des anti-dépresseurs depuis quelques temps, plus l'alcool. Il a dû s'endormir au volant, pas plus de détails et je m'en fous. J'ai tant espéré ce moment là, je l'ai révé même.

 

FRANCOIS

Qu'est-ce qui s'est passé ? Vous étiez si proches.

 

NOA

En apparence.

 

FRANCOIS

Tu étais sa petite soeur adorée, il refusait de te voir grandir. Un peu trop. Je lui disais souvent, laisse-là s'échapper, mais il ne m’écoutait pas.

 

NOA

J'ai été abusé par Théo pendant 5 ans.

Pendant 5 ans, François.

 

Silence.

 

FRANCOIS

J’ai une sœur, on a deux ans d’écart. On a tout découvert ensemble, deux ans, c’est rien. Je me souviens de nos grandes interrogations d’enfant sur la différence de nos corps. On se regardait, on se comparait. Tous les gamins font ça, j’imagine.

 

NOA

Et d'abuser de sa soeur, aussi.

 

FRANCOIS

Bien sur que non.

Vos parents étaient souvent absents, vous vous protégiez entre vous… Théo ? J'ai du mal…

 

NOA

A y croire c'est ça.

 

FRANCOIS

Pas d'excuse, non, pas d'excuse. C'est vrai qu'il prenait son rôle de grand frère trop au sérieux, trop certainement, avec ce côté protecteur, presque jaloux.

 

 

 

NOA

Je me souviens, la seule fois où tu t'es approché un peu trop près de moi, je t'ai repoussé d'un geste brusque.

 

FRANÇOIS

De dégoût même. Tu me plaisais c'est vrai, mais je ne te plaisais pas du tout.

 

NOA

J'en sais rien. J'étais cloisonnée, enfermée dans mon corps.

 

FRANCOIS

Je n'ai pas insisté et puis j'avais un peu peur de Théo, il surveillait, guettait, il me mettait en distance en quelque sorte. Je suis désolée de ne pas avoir vu. J'aurai dû, j'aurai pû.

 

NOA

Personne n'a vu et je ne pouvais pas parler. Le silence me pèse depuis trop longtemps.

 

Un air de pink Floyd retentit.

 

 

6  - FLASH BACK - CHAMBRE DE NOA

Noa (8 ans)  récite une table de multiplication puis la voix de Théo (16 ans). Noa se tait.

 

THEO en off

Noa,  Noa. tu viens ?

 

NOA

Je fais mes devoirs.

 

THEO en off

Je t'ai acheté le nouveau tintin. On va le lire ensemble.

 

NOA

J’ai pas envie.

 

Théo ouvre la porte. Un Tintin à la main.

 

THEO

C’est maintenant,  après ils vont tous rentrer.

 

NOA

J’aime pas ta chambre, il fait noir en plein jour.

 

THEO

Allez ! tu le veux ou pas ton tintin ?

 

NOA

Oui, mais j’aime pas...

 

THEO

Tu sais bien que ce n’est pas vrai…

 

Noa ne bouge pas. Théo s'allonge sur son lit près de Noa, il pose la BD à côté d'elle.

 

NOA se lève

D'accord, d'accord, je viens.

 

 

7 - CHAMBRE – MAISON FAMILIALE

Cecile et Noa sont dans la chambre d'enfant de Noa. Elles ouvrent des armoires, classent des livres…

 

NOA

Rien n’a bougé. Comme ci le temps s’était arrêté.

 

CECILE

Toutes nos chambres d’enfants sont restées intactes. Les parents n’ont jamais voulu les transformer.  C’est comme ça.

 

NOA

Maman surtout. J’ignore ce qu’elle voulait préserver. Notre enfance peut-être.

 

 

 

CECILE

A la fin, avec sa maladie, elle avait des obsessions. Ne rien toucher, ne rien transformer, elle voulait mourir en laissant tout en état et toi pendant ce temps là, tu étais bien planquée en Argentine.

 

NOA

Oui, avec mon mari et mes enfants.

 

CECILE

Qu'on n'a jamais connus.

 

NOA

Tu voulais toujours prendre ma chambre quand tu étais petite.

 

CECILE

Oui, parce que ma chambre était trop claire.

 

NOA

Je trouvais la mienne trop sombre.

 

CECILE

J’ai toujours préféré la pénombre, deviner plutôt que voir et puis la lumière me fait mal aux yeux.

 

NOA

On était si différente, Tu étais toujours entourée, ta chambre ne désemplissait pas. Je me réfugiais dans la mienne. Si j'avais pu m’enfermer, je l’aurais fais, mais notre mère refusait de mettre des clefs sur ma porte, elle avait peur que je m'enferme.

 

CECILE

Elle était secrète, elle aussi.  Elle ne finissait jamais ses phrases. Sa parole était soupesée, sous-tendue.

 

Cecile change de pièce. La voix de la mère résonne dans l'espace.

 

 

 

 

 

8 - FLASH BACK

SALLE D'ATTENTE D'HOPITAL

Noa (30 ans) et sa mère (50 ans) attendent.

 

MERE

… Si mes résultats sont bons, je suis en rémission, le médecin me l'a affirmé.

 

NOA

Si seulement ça.

 

MERE

Attendons les résultats définitifs… Heureusement que tes frères et sœurs sont là.

 

NOA

Maman, je vis en Argentine.

 

MERE

Tu as voulu mettre de la distance entre nous, tu l’as mise.

 

NOA

Pourquoi vous ne venez jamais nous voir ?

 

MERE

13 heures de vol, c’est trop long et puis avec la chimio c'est pas conseillé.

 

NOA

J’aurai pu épouser un italien ou un espanol, mais il se trouve qu’Alexis est argentin.

 

MERE

J’en parlerai avec ton père.

 

NOA

Tes petits enfants seraient ravis de vous connaître autrement que par skype.

 

 

 

MERE

Certainement,  mais tu sais on est bien entouré avec ceux de tes frères et soeurs, on n'est pas en manque.

 

NOA

Mes enfants le sont.

 

MERE

Combien de fois vous êtes venus depuis que tu vis en Argentine…

Noa, ma fille, Ton mari, je l'ai rencontré une fois à ton mariage. Nous assi on t'attend.

 

NOA

Vous n'avez toujours pas fait de travaux dans la maison. Vous pourriez transformer nos chambres d'enfant en bureau, en chambres d'amis…

 

MERE

Pourquoi ? Pour modifier, mais modifier quoi ? Elles servent à vos enfants. On n’a juste changé les draps.

 

NOA

Qu’est ce que tu veux conserver ?

 

MERE

Un peu de vous quatre.

 

NOA

Maman… J'ai quelque chose à te dire…

 

MERE

Tu étais particulièrement soigneuse, c’est rare pour une enfant.

 

NOA

Je n’étais pas une enfant comme les autres, tu me l’as suffisamment répété… Maman, écoute moi.

 

MERE

Tu étais secrète, toujours seule. Tu n’aimais pas la compagnie des autres enfants. Tu n’invitais jamais de copines.

 

NOA

Elles m’ennuyaient.

 

MERE

Ca va bientôt être mon tour. Tu m'attends.

 

 

9 - RETOUR AU PRESENT -CHAMBRE

Noa assise sur un lit. Cécile continue de ranger.

 

NOA

Celle de Théo était là, à côté.

 

CECILE

Comme celle de Ferdinand et la mienne. Toutes les chambres sont à l’étage. Tu le découvres seulement maintenant ?

 

NOA

Sauf celles des parents.

J’ai appris que ton ex-mari a été arrêté.

 

CECILE

Sa nouvelle femme l’a dénoncé.

 

NOA

Pour quelles raisons ?

 

CECILE

Ca ne m’intéresse pas.

 

NOA

Il avait déjà été accusé quand vous étiez ensemble.

 

CECILE

Interpellé pour des soi-disant attouchements sur une copine de Sabine.

 

NOA

Soi-disant ?

 

CECILE

Il n’y a jamais eu de preuve.

 

NOA

13 ans ce n'est plus une enfant.

 

CECILE

Elle sort de l'enfance.

 

NOA

Et sur Sabine ?

 

CECILE

Quoi sur Sabine ?

 

NOA

Il aurait pu avoir des attouchements sur sa fille ?

 

CECILE

Eric ? Enfin, Je l’aurai su, je l’aurai vu. Je suis restée mariée 15 ans avec lui il n’a jamais eu de comportements anormaux…  Reprend ta psy, je t'en prie.

 

NOA

Toi, la pédopsychiatre, tu penses qu’un enfant peut décrire un viol ou des attouchements, si ce n’est pas vrai.

 

CECILE

Il y a toujours des cas extrêmes comme dernièrement un grand-père accusé par son petits fils à tort. C’est le cas de mon ex-mari, il  a été victime d’une affabulatrice. Point à la ligne.

 

NOA

Elle était précise dans ses descriptions.

 

CECILE

Je te rappelle qu'elle n'a pas décrit un viol ni des attouchements. Elle a parlé de gestes significatifs. Tu sais ce que ca veut dire, pas moi.

 

 

NOA

Tu va fermer les yeux encore combien de temps.

 

CECILE

Quand j'étais petite les parents t’interdisaient de me raconter des histoires pour m’endormir, de peur que tu me mettes des idées dans la tête. Tu te souviens ?

 

NOA

Bien sûr, pour vous, j’ai toujours été une affabulatrice. Vous étiez soudés. Moi, je me débrouillais, je m’accommodais, je volais de l’amour à ceux qui m'en donnait. Réponds moi Cécile.

 

CECILE

Sabine te ressemble beaucoup.

 

NOA

Les non-dits sont des vrais bombes à retardement.

 

CECILE

Aide-moi à déplacer ce meuble…. Pourquoi tu me parles de ça.

 

NOA

Je m'intéresse.

 

CECILE

Il est un peu tard, tu ne trouves pas pour t'intéresser à ta famille.

 

Cécile sort

 

 

10 - FLASH BACK – VINGT ANS PLUS TOT

BOITE DE NUIT.

Cecile et Noa ont la vingtaine. Elles boivent un verre, la musique est forte autour d'elle.

 

CECILE

Je les mesure toujours avant.

 

 

NOA

Tu mesures quoi ?

 

CECILE

Leur sexe. Je me frotte à eux et j’évalue.

 

NOA

Et ça marche ?

 

CECILE

Relativement.

 

NOA

Et ils ne s’en rendent pas compte ?

 

CECILE

Tant que je les fais bander.

 

NOA

Tu dois te tromper parfois.

 

CECILE

Rarement. La mesure est mon fort. Et puis, j’ai pas envie de perdre mon temps. C’est juste pour baiser.

 

NOA

Qu'est-ce qui t'es arrivé Cécile ?

 

CECILE

Tu vois l'homme au bar ?

 

NOA

Tu vas l'évaluer.

 

CECILE

Peut-être.

 

NOA

Il n’est pas mal, mais un peu trop alcoolisé.

 

CECILE

Mais, mais, il y a toujours un mais avec toi. Décoince toi. Suis mon conseil, tu danses, t’évalues.

 

NOA

Je ne pourrai jamais faire ça.

 

CECILE

J'y vais. La première impression est souvent la bonne.

 

NOA

Qu'est-ce qui t'es arrivé Cécile ?

 

CECILE

J'aime le sexe.

 

Noa disparaît

 

 

11 - RETOUR AU PRESENT – MAISON FAMILIALE

MONOLOGUE DE NOA

J’entends encore ta voix douce qui m’appelle. Je sens encore tes caresses sur mon corps de petite fille. J’entends encore ta voix me susurrer : « c’est normal entre frères et sœurs ». Non, ce n’est pas normal, mais moi je l’ai cru. Comment as-tu pu ? Je me suis faite avoir pour des tintin. Tout ce travail de psychanalyse, allongée sur un divan, noyée dans mes larmes et mes angoisses inexpliquées pour qu'enfin la porte de ma chambre s’entrouvre et que tu apparaisses, tel que tu es. Je revois la maison vide, ce silence pesant, cette boule dans mon ventre et toujours le même morceau de Pink Floyd comme un signal, comme une alerte. Dés que j'entends le premier accord, je frémis. Je ne veux pas y aller, j’ai peur. j’avais huit ans, huit ans. Tu as amputé mon corps, tu l’as morcelé, brisé en deux. Avant Alexis, je ne supportais pas qu’un homme me touche, je prenais sur moi, je me disais ça va passer, ça va passer. Alexis a été patient, il a su m’approcher. 20 ans pour enfin jouir sans vomir. 20 ans pour ne plus voir ton sexe en érection hanter mes nuits et cette odeur... Je déteste cette odeur ... Cela me donne mal au cœur ... envie de vomir ...

Et la honte ... La honte ... Ce sentiment de faire quelque chose qui est mal, interdit ... Mais toi tu me rassurais, tu me répétais, c’est normal entre un frère et une sœur. J’étais si petite, je t’ai cru. Aujourd’hui, je t’accuse.

 

 

12 - FLASH BACK – MAISON FAMILIALE

Noa (30 ans) et Sabine (13 ans) , la nièce de Noa,  sont assises dans un transat.

 

NOA

Tu es un peu blanche, Sabine.

 

SABINE

Je dors mal. Tu sais tante Noa, je fais un rêve toutes les nuits. Toujours le même. Un homme entre dans ma chambre et se glisse sous mon lit. J’ai peur parce qu’il est sous moi. Tu n’en parles pas à maman, tu la connais elle va appeler le samu.

 

NOA

Je te le promets… Mais… quand tu dis, il est sous moi.

 

SABINE

Oui, sous mon lit.

 

NOA

Tu reconnais l’homme qui entre dans ta chambre ?

 

SABINE

Non, il fait trop noir.

 

NOA

Sa silhouette ?

 

SABINE

Non, je te dis qu’il fait trop noir…J'ai peur de m'endormir…Je ne veux pas qu’il vienne.

 

NOA

Ne t’inquiète pas si c’est un rêve, il va partir.

 

SABINE

Mais c’est un rêve. Quand je me réveille je regarde sous le lit, il est parti.

 

NOA

Tu es encore sous le choc des accusations de ta copine.

 

SABINE

Papa n’a rien fait, c’est elle qui a tout inventé.

 

NOA

Alors, pourquoi elle a accusé ton père ?

 

SABINE

Elle le trouvait sexy. Sa mère ne veut plus qu'on se voit, ça tombe bien, je ne veux plus la voir non plus.

 

NOA

Tu devrais décrire tes cauchemars à ta mère.

 

SABINE

Certainement pas, elle va me traiter de folle comme elle le fait avec toi, il paraît qu'on se ressemble.

 

NOA

Essaye.

 

SABINE

Non.

 

 

13 – RETOUR AU PRESENT - SALLE DE SPORT

Noa se défoule sur un pushing ball. Elle frappe de toutes ses forces comme pour extraire toute sa colère qu'elle a en elle.

 

Un morceau de Pink Floyd résonne

 

14 - FLASH BACK – CHAMBRE DE THEO

Noa (11 ans). Théo (19 ans) La pièce est dans la pénombre. On devine  leur silhouette. Chuchotements. On entend toujours le même morceau de Pink Floyd

 

 

 

THEO

Tu aimes ça, hein, Noa. Allez vas-y,  touche le… N’aie pas peur… Tout le monde fait ça, c’est normal. Tu aimes, dis que tu aimes.

 

NOA

Non, c’est dur et ça sent mauvais

 

THEO

Mais non. Laisse toi faire. Personne ne le saura. Tu aimes ton grand frère ?

 

NOA

Oui, mais pas comme ça.

 

THEO

Je n'ai pas entendu.

 

NOA

Rien.

 

THEO

Si tu n’es pas gentille, tu n’auras plus tes tintin.

 

NOA

Tu me les donne toujours.

 

THEO

Pas si tu refuses… Allez touche le encore…

Oui, là comme ça… Oui… C’est bon… Tu te débrouilles de mieux en mieux… Plus près ma chérie, plus près.

 

NOA

Non. Je veux sortir, laisse-moi sortir.

 

THEO

Tu veux que papa monte et te voit dans ma chambre.

 

NOA

Ouvre, ouvre. Elle tape à la porte

 

THEO

Chut ! chut !

 

Il ouvre la porte calmement

 

Sors. Tu n'es pas prisonnière, mais tu choisis. Je n'aime pas les capricieuses.

 

 

15 - RETOUR AU PRESENT-SALLE DE SPORT

Noa tape toujours sur son Pushing ball. Elle est en sueur. Elle s'arrête.

 

 

16 - RETOUR AU PRESENT

MAISON FAMILIALE

Noa et Sabine sont assises sur des transats comme dix ans auparavant

 

NOA

Tu as monté ta boite ?

 

SABINE

Oui, j'ai trois associées, ça marche plutôt bien.

 

NOA

Rappelle-moi ce que tu fais ?

 

SABINE

Du relooking pour les chefs d’entreprises. Femmes et hommes, mais ce sont surtout les hommes qui consultent.

 

NOA

C’est un bon créneau.

 

SABINE

Et ça paye bien.

 

NOA

Je fais du coaching en Argentine.  Je coache des comédiens espagnols en français.

 

SABINE

J'aimerais bien venir te voir et puis connaître ton mari.

 

NOA

Viens quand tu veux. Nos petites escapades me manquent.

 

 

SABINE

Moi aussi et puis tes conseils aussi.

 

NOA

Tu as résolu tes cauchemars.

 

SABINE

Non, mais ils ont disparus assez vite.

 

NOA

Pas d'analyse ?

 

SABINE

Je n'en ai pas éprouvé le besoin.

 

NOA

Tu devrais peut-être… Pour comprendre, pour…

 

SABINE

Tante Noa, c’est normal d’avoir des peurs nocturnes à 13 ans, non. Tu en as eu toi aussi.

 

NOA

Oui… Mais quand tu peux les identifier, c'est mieux, ça évite que la merde remonte.

 

SABINE

Personne ne rentrait dans ma chambre. J'étais terrorisée à l'idée de coucher avec un garçon, c'est tout. Et puis, j'avais surpris mes parents en train de baiser sur la table de la cuisine. Ca a soudain faussé ma vision de l'amour. C'était le contraire de… C'était brutal, bestial. Pendant une semaine, je ne suis pas rentrée dans la cuisine et je n'ai pas touchée à la table.

 

NOA

Et maintenant ?

 

SABINE

Je suis amoureuse, je vais bien. Qu'est ce qui s'est passé avec Théo ?

 

NOA

Il est mort. J'ai identifié.

 

SABINE

Merci de t'être inquiétée pour moi.

 

 

17 – CAVEAU DE THEO

NOA est seule devant le caveau de Théo.

 

NOA

… J'avais réussi à t'éliminer de ma vie, mais ta mort ravive ton existence… Je n'ai jamais pu le dire à Alexis, je ne voulais pas gâcher, nous gâcher. Pour expliquer quoi, justifier quoi ? Que pour des Tintin, je… Non. Impossible. Le divan du psychanaliste a atténué, mais pas réparé. Je voulais que tu m'aimes comme un frère, mais tu as abusé de moi avec violence et marchandé ma peur. Je refusais, tu me jettais. Avant Alexis, Je n'y croyais plus. Mes relations étaient la suite logique de ce que tu m'a fait subir. Tellement habituée à être traitée comme un objet sexuel, je choississais des hommes me traitant comme tel. Ma rencontre avec Alexis, sa patience, son amour m'a redonné envie de faire l'amour, de prendre du plaisir sans culpabilité même, si j'ai encore des nausées.

J'ai hésité à venir à ton enterrement, mais je ne regrette pas. Je vais tout balancer, j'aurai dû le faire avant, j'ai perdu trop de temps, mais la dernière fois que je suis venue c'était pour l'enterrement de maman, c'était pas le moment. C'est jamais le moment, il faut le trouver le moment, le prendre. Là, je vais le prendre. Il est temps de partager ce poids avec ma chère famille.

Ce dessin est mon épitaphe.

Elle sort un briquet et enflamme le papier.

Je brûle ton sexe qui m'a volé mon enfance, mon adolescence et mon désir.

 

Elle jette le papier en flamme sur la tombe.

 

 

18 - MAISON FAMILIALE

Le père, Cécile et Ferdinand sont assis. Noa, nerveuse, marche dans la pièce.

 

NOA

Sabine n'est pas là ?

 

CECILE

Non, elle travaille.

 

NOA

Papa, c'est pour toi que je suis venue.

 

LE PERE

Merci ma chérie, mais c'est ton frère qui est mort.

 

CECILE

C'est le décalage horaire qui te fait divaguer.

 

FERDINAND

Arrêtez toutes les deux, le corps de Théo est encore chaud.

 

CECILE

Que tu vives en Argentine ou ici, ça ne change rien, on ne se voit qu'aux enterrements.

 

NOA

Vous ne vous êtes  jamais demandé pourquoi ?

 

LE PERE

Si tu habitais moins loin aussi.

 

NOA

Théo, le grand frère protecteur, si doux et si tendre, comme aimait le définir maman, m’obligeait à venir dans sa chambre… ça a commencé à  8 ans.

 

FERDINAND

Noa, s’il te plait.

 

CECILE

Moi aussi il venait dans ma chambre.

 

NOA

C’est pour ça que tu trouvais ta chambre trop claire ?

 

CECILE

La lumière m’agresse.

 

LE PERE

Oui, tu sais bien que ta sœur porte des lunettes teintées à cause de la lumière.

 

CECILE

Il venait m’embrasser tous les soirs. Ferdinand aussi, tu venais.

 

FERDINAND

Oui.

 

CECILE

Sauf  toi, Noa.

 

NOA

Est-ce qu’il t’appelait quand les parents n’étaient pas là ?

 

CECILE

Ils n'étaient pas souvent là.

 

LE PERE

Là, tu exagères.

 

NOA

C'est vrai, vous sortiez beaucoup.

 

LE PERE

On n'a jamais oublié de vous dire bonsoir.Et puis Théo était là.

 

NOA

Oui, Théo était là.

 

FERDINAND

Noa, un minimum de respect pour lui.

 

NOA

Il en a eu pour moi ?

 

CECILE

Est-ce qu’on peut m’expliquer ce qui se passe ?

 

NOA

Entre 8 et 12 ans j'ai subi des attouchements par Théo.

 

Silence

 

 

19 - FLASH BACK

MAISON FAMILIALE

La mère et Noa  boivent un café. Elles sont assises dans des transats.

 

MERE

Pourquoi tu en parles seulement maintenant.

 

NOA

Je ne pouvais pas parler.

 

MERE

Ça se passait quand ?

 

NOA

L’après-midi.

 

MERE

C'est impossible, ton père était là.

 

 

 

NOA

Il était en consultation et tu sais très bien qu’il ne montait jamais dans les chambres l’après-midi, il a toujours séparé son cabinet de la maison.

 

MERE

Tu as pu te marier, avoir des enfants.

 

NOA

Et ?

 

MERE

Et rien. Alexis est au courant ?

 

NOA

Alexis n'a jamais posé de questions. Il a été patient, juste patient.

 

MERE

J’ai perdu ma mère à 8 ans, ton grand père était autoritaire, j’avais peur de lui. Je faisais des cauchemars, je le voyais rentrer avec une arme, il voulait me tuer. Je me suis enfermée dans ma chambre et mes cauchemars se sont arrêtés.

 

NOA

Qu'est ce que tu essaies de me dire ?

 

MERE

Tu étais une enfant inquiète, tu as imaginé des choses.

 

NOA

Maman ça se passait l'après-midi.

Sabine, lorsqu’elle était petite, avait peur d’un homme qui rentrait dans sa chambre et se glissait sous son lit.

 

LA MERE

Tu vois, beaucoup d'enfants ont des peurs nocturnes.

 

NOA

Maman, tu n’entends pas ce que je te dis.

 

MERE

Non parce que tu ne fais que des suppositions, si si si… Je ne veux plus rien entendre Noa. Théo était un être doux et tendre, jamais il n’aurait pu… et puis pourquoi juste toi, pourquoi pas Cécile aussi… Tu te crois si supérieure. Tu étais en admiration devant ton frère. Je n’ai jamais compris pourquoi vous ne vous êtes plus revus.

 

NOA

Tu comprends pourquoi je ne t'en ai pas parlé avant.

 

 

20 -RETOUR AU PRESENT – MAISON FAMILIALE

Même situation.

 

NOA

Je ne me tairai pas et vous m’entendrez tous jusqu’au bout.

 

CECILE

Je vais fumer une cigarette.

 

NOA

Ca te concerne autant que les autres.

 

CECILE

Je ne crois pas non.

 

NOA

Ferdinand nous a surpris, Théo et moi. Il a même voulu faire comme son grand frère, allez dis-le Ferdinand, dis que ça t’excitait.

 

LE PERE

Arrête Noa, tu deviens indécente.

 

FERDINAND

C'est faux, je ne les ai jamais surpris.

 

NOA

Alors pourquoi tu as voulu faire la même chose.

 

 

FERDINAND

Tu inventes.

 

NOA

Tu voulais copier, après tout quand il y en a pour un, pourquoi pas pour deux.

 

FERDINAND

Tu es ma sœur. Est-ce que j'ai eu un geste déplacé, même une fois ?

 

CECILE

Jamais. Je confirme, même pas un regard déplacé.

 

NOA

Tu nous a surpris Ferdinand, je tenais le sexe de Théo dans mes mains.

 

Silence de Ferdinand.

 

CECILE

Ferdinand, regarde moi.  Est ce que c'est vrai ?

 

FERDINAND

Vous voyez bien qu'elle dit n'importe quoi. Qu'elle a juste besoin de témoins.

 

NOA

Cécile, j’avais peur qu’il te fasse la même chose.

 

CECILE

Il ne m'a jamais touchée, jamais. Tu es ignoble, tu es revenue pour salir la mémoire de notre frère.

 

LE PERE

C'est impossible. Je suis médecin, je l'aurais vu.

 

FERDINAND

Tu n'as rien à te reprocher papa. Théo a toujours été précoce, c'est lui qui m'a initié. J'avais 15 ans, mais il m'a initié au sexe pas à l'inceste.

 

 

NOA

Je me souviens parfaitement du jour où ça s’est arrêté… Théo a emmené une fille dans sa chambre et a fermé la porte à clefs comme avec moi… elle s’appelait Florence, vous vous souvenez de Florence, elle avait 16 ans à l’époque. Là, j’ai enfin su que j’étais libérée de lui.

 

NOA

Je vous demande de me croire. Est-ce si compliqué ?

 

CECILE

Oui.

 

NOA

Il en a eu aussi sur Noémie, notre cousine.

 

FERDINAND

Il a essayé, mais elle a refusé.

 

NOA

Tu étais au courant.

 

FERDINAND

Elle avait 16 ans.

 

NOA

Donc consentente, c'est ça.

 

FERDINAND

Tu découvres, tu expérimentes, tu es en pleine adolescence. Entre cousins, c'est moins grave.

 

NOA à Ferdinand

C'est pour ça que tu as continué à te taire.

Tu es un bon frère, un bon fils. Je vous regarde tous et j’ai honte pour vous, honte de votre attitude de planqué.

 

CECILE

Théo était comme moi, il aimait le sexe, mais ça ne fait pas de lui un coupable.

 

NOA

A ce moment là, on va voir les putes on ne tripote pas sa petite sœur.

 

FERDINAND

Il y allait aussi.

 

NOA

C'était un grand malade.

 

LE PERE

Taisez vous !

 

NOA

Ca se passait l’après midi, tu travaillais en bas et puis vous ne vous intéressiez pas trop à nous.

 

LE PERE

Comment tu peux dire ça ?

 

CECILE

On a eu des parents magnifiques

 

NOA

Trop amoureux pour élever des enfants. Trop aveugle pour laisser passer l'inaceptable.

 

LE PERE

On a été heureux de vous avoir tous.

 

CECILE

Tu n'es qu'une provocatrice, une affabulatrice.

 

NOA

J'étais une enfant et je me suis fait avoir pour des Tintins, ça en vaut pas la peine

 

Le père a un malaise

 

 

FERDINAND

Papa, ça va… un verre d'eau, quelque chose.

 

CECILE

Papa, papa.

 

FERDINAND

Aidez moi à le relever.  Papa, ça va ?

à Noa

Toi, je ne veux plus te voir. Jamais tu entends, jamais.

 

 

21- RETOUR AU PRESENT

HOPITAL - CHAMBRE

Cécile et Noa veillent leur père qui est dans le coma.

 

NOA

Je t’en prie, papa réveille toi.

 

CECILE

… Tu ne trouves pas que son souffle est court.

 

NOA

Il est calme…

 

CECILE

Ils l'ont abruti de médicaments.

 

NOA

Crois moi, Cécile je n'ai rien inventé.

 

CECILE

Pour toi la famille est un concept que tu rejettes. Tu règles tes comptes en détruisant ce que tu n’as jamais pu atteindre, ta famille.

 

NOA

On a les mêmes parents, mais c’est tout ce qui nous rattache.

Cecile, pourquoi tu ne veux pas essayer, au moins une fois, de m'entendre.

 

CECILE

Je ne comprends pas ce que tu dis, je ne comprends pas qui tu es. Tu es ma soeur, je suis censée t'aimer, et bien je ne t'aime pas, sache le. Tu cherches une complice, raté ma vieille.

J'aimais Théo et tous tes mensonges ne me feront pas changer d'avis.

 

NOA

J’avais peur de lui, mais devant son lit de mort, je n’ai ressenti que du dégoût, pareil quand il me forçait à lui faire une fellation ou quand il me pénétrait. Je suis enfin libérée de ce poids nauséabond.

 

CECILE

Tu veux me faire avouer quelque chose qui ne s'est pas passé. Désolée ma chère soeur, tu ne saliras pas l'image de Théo.

 

NOA

J'ai toujours été seule face à vous.

 

CECILE

Oui, parce que tu as toujours voulu semer le trouble, c'est pour ça qu'on s'est soudés tous les trois, pour nous protéger. Ton départ a été un soulagement.

 

NOA

Une fois papa parti, on ne se verra plus.

 

CECILE

C’est notre réalité, on n’y peut rien. Je n’ai qu’une fille, je ne lui impose pas de m'aimer, elle inscrit son histoire.

 

NOA

Une image m'obsède et à chaque fois que je la voie je me reveille en sueur. J'ai 8 ans, je suis nue au milieu d'un champ. Vous formez une ronde autour de moi, vous riez, et moi je suis enfermée dans ma nudité, paralysée de peur. Le décor ressemble à un paysage de Watteau.

 

CECILE

Tu es folle. Complètement folle. Tu t'es inventée ta place de victime et bien assume là.

 

Le père ouvre les yeux.

 

LE PERE

Mes filles.

 

CECILE

tu m'as fait peur.

 

LE PERE

Je suis tellement fatigué.

 

NOA

Je pars demain papa.

 

LE PERE

Cécile, tu reviens demain ?

 

CECILE

Bien sûr papa, Ferdinand aussi.

 

LE PERE

Et Sabine ?

 

NOA

Papa, je t'aime.

 

LE PERE

Noa, tu as sali la mémoire de Théo. Est-ce que ta mère savait ?

 

NOA

Elle aussi a refusé d'entendre.

 

CECILE

Ca t'a soulagé de parler, tant mieux, tu peux t'envoler le coeur léger. Mais tes révélations ne changeront rien. A demain papa.

 

Cecile sort.

 

 

NOA

Papa, je voudrais que tu me croies.

 

LE PERE

Tu as été trop loin. Tu aurais du te taire. Mon fils et mort, je ne vais pas tarder à le suivre. Ne reviens plus Noa, même pas pour mon enterrement.

 

NOA

Je me suis tue pendant trop longtemps.

 

LE PERE

La mort réconcilie.

 

NOA

Et bien non, mais le silence est complice.

 

LE PERE

Retourne chez toi et ne reviens plus.

 

 

22 -ANNONCE AEROPORT

Veuillez vous présenter à la porte N°7. Veuillez vous présenter à la porte  N°7 pour le Vol AF 54678 à destination de Buenos Aires.

 

 

 

FIN.

 

 

 

 


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