Récitant :  (Le Récitant et Dieu seront joués par la même personne, accessoire en plus )

Je me suis souvent demandé ce qu’était l’éternité. Un jour quelqu’un m’a répondu : imagine un oiseau géant qui frôle la Terre avec son aile une fois tous les 100 ans. Pour que la Terre soit complètement usée par l’aile de l’oiseau, il faudrait une éternité…. Oui, même avec une aile en acier, …. et même en frôlant la Terre une fois par jour, il faudrait aussi une éternité.

Eh bien non, je ne crois pas que ce soit ça l’éternité !

L’éternité, c’est une absence de temps. Elle n’a ni commencement ni fin.

Vivre éternellement c’est le rêve de la plupart d’entre nous. Mais nous savons bien que…

 

Le rideau s’ouvre sur une très belle musique. Marie-Louise joue au chef d’orchestre. Elle y croit vraiment. Dos au public puis face au public.

Le téléphone du bureau sonne, elle va s’asseoir et décroche. La musique s’arrête…

Marie-Louise : Service après -vie, bonjour, en quoi puis-je vous aider ? ... Non, il n’est pas disponible actuellement……. Non, non, ça n’est pas possible, je ne peux pas vous le passer…Essayez d’attendre quelques jours. … Rappelez ultérieurement. Elle raccroche sèchement.

Même morts, les gens sont chiants, euh … impatients, il n’y a plus de respect… C’est vrai quoi ! Bon, où en étais-je ?

La musique reprend et Marie-Louise reprend son rôle de chef d’orchestre. Dieu, arrivant côté cour, arrête la musique d’un geste énergique.

Dieu : Allons, allons Marie-Louise, que vous arrive-t-il ?

ML : Excusez-moi maître, je ne sais pas ce qui m’arrive. Je rêvais … en musique…

Dieu : On rêve toujours d’être quelqu’un d’autre. Une star, une étoile peut-être…. Une étoile filante….

ML : Oui, une étoile filante… Peut-être… Je file alors…. Excusez-moi encore…

Dieu : Allez, ce n’est pas grave, il est permis de rêver… Mais revenons sur Terre, euh, revenons à nos moutons. Au travail, allez accueillir nos derniers arrivés.

 

Une salle d’attente, à gauche de la scène principale.

ML un peu triste : Monsieur VALENTIN, c’est à vous…

Fernand tout cabossé : Bonjour Madame, vous êtes….

ML : Je suis sa secrétaire particulière… Entrez…. N’ayez aucune crainte…

Dieu : Ah Monsieur VALENTIN, je vous attendais…

Fernand dépité : Moi je ne m’attendais pas à venir vous voir aussi rapidement.

ML : On ne choisit pas ces choses-là.

Dieu : Marie-Louise, s’il vous plaît, cessez ces commentaires. Laissez-nous.

Fernand : Comment dois-je vous appeler ?

ML : Marie-Louise tout simplement…

Fernand : Je m’adressais à ….

Dieu : Elle, c’est elle… Appelez-moi Seigneur, Maître, l’Eternel ou encore….

Fernand : …Mon Dieu, ça irait aussi ?

Dieu : Si vous voulez… Je peux vous appeler Fernand ?

Fernand : Oui si vous voulez… Et puis c’est comme ça que je m’appelle… Je vous imaginais très vieux, avec une barbe blanche très longue…

Dieu : Oui, bon… Parlons de votre vie. Vous voulez bien ?

Fernand : Si vous voulez, de toute façon je n’ai pas grand-chose d’autre à faire.

Dieu : Alors, avant ce terrible accident, racontez-moi.

Fernand : Je menais une vie tranquille, enfin tranquille : métro, boulot, dodo, comme beaucoup de gens. Une femme extraordinaire, la pauvre qu’est-ce que je dois lui manquer…

Dieu : Non, non rassurez-vous, elle a vite repris le dessus. Poursuivez…

Fernand : Déjà… La bougresse… Elle n’a perdu de temps…

ML : Maître, je ne voudrais pas vous presser, mais deux nouvelles personnes viennent d’arriver.

Dieu : Monsieur… Euh Fernand, nous allons arrêter là notre conversation.

Fernand : Déjà…Ça n’a pas été long…

Dieu : Chut…Taisez-vous… Passez dans la pièce d’à côté, La Source, là où tout est beauté, silence, paix. Eternité.

Fernand : Tout coule de source ?

Dieu : Oui, pour ainsi dire…

Fernand : Mon Dieu… Nous nous reverrons ?

Dieu : Sans aucun doute…

 

Dans la salle d’attente, deux personnes discutent entre elles :

Léa : Il paraît qu’on passe un entretien.

Martin (solitaire) : Un entretien ? C’est une blague ? Mais je n’ai rien préparé moi.

Léa : C’est peut-être un entretien d’embauche.

Martin : Ce n’est pas un entretien d’embauche puisque tout est fini.

Léa : T’en sais rien, tu n’es jamais venu ici.

Martin : Il paraît qu’il est drôlement sympa.

Léa : De qui parles-tu ?

Martin : Du maître des lieux, du Tout Puissant.

Léa : Méfie-toi, il est capable de rentrer dans de grandes colères… Tu te rappelles des Marchands du Temple ?

Martin : Et moi qui étais commerçant, faut peut-être pas que je lui cause de mes petites combines.

Léa : C’est ça, évite de le provoquer. Tu sais on a tous dans nos vies des choses pas très nettes.

Martin : Alors qu’est-ce qui t’amène ?

Léa : Moi, j’ai glissé d’une falaise. Regarde les bleus que j’ai partout…. J’ai glissé, j’ai glissé, disons, on m’a poussé d’une falaise. J’ai bien une petite idée de celui qui m’a fait ça…

Martin : De toute façon, c’est trop tard.

Léa : Il l’emportera pas au paradis celui qui a fait ça.

Martin: Si si, d’après la chanson, on ira tous au paradis. « Même les voleurs, même les requins. Même les assassins, même les trafiquants… »

Léa : Tiens justement je connais un ami, un peu…trafiquant. Il devait livrer 5 kg de cocaïne. Il a eu un peu de retard. Eux, ils avaient un peu d’avance, ils ne l’ont pas loupé. Il s’appelle Eric, il ne devrait pas tarder à nous rejoindre.

Martin : Lui trafiquant, moi commerçant. Crise cardiaque, dans ma supérette. Je suis tombé dans les pommes… enfin plus que ça, puisqu’ ils n’ont pas réussi à me réanimer. Et me voilà !

Marie-Louise surgissant :  Léa MIDAL, et  Martin TAMAR. Le maître veut vous recevoir tous les deux. Entrez…

Dieu : Mes amis, bienvenue dans ma Maison. Je vous accueille tous les deux. Bien sûr je préfère les entretiens individuels quand c’’est possible. Mais avec toutes ces catastrophes naturelles en ce moment, je ne sais plus où donner de la tête.

Martin : Nous c’est pas ça Monseigneur…

Dieu : Appelez-moi Seigneur…. Oui je sais un cœur fatigué, une chute de falaise. Et Eric PETEU qui va nous arriver bientôt, un coup de fusil !

Léa : Mais vous savez tout sur tout ! Vous devez avoir une tête comme ça !

Dieu : Oui, je suis bien renseigné… Et vous là… Quelle diversité ! Quelle imagination ! Aucune fin n’est banale. Vous ne trouvez pas ? Je ne m’ennuie jamais…

Martin : Seigneur, nous nous n’avons pas la tête à plaisanter !

Dieu : Allons, allons, ne faites pas cette tête-là. Ici tout n’est que joie, réconciliation, partage.

Léa : Qu’allez -vous faire de nous ?

Dieu : Mais vous êtes libres mes amis. Une fois passés cette porte que j’ai appelé La Source, vous pourrez vaquer à vos occupations.

Martin :  A la Source comme vous dites, je pourrais continuer à vendre mes salades ?

Léa : Je pourrai continuer ma randonnée ? Eric pourra continuer son petit trafic ?

Dieu : Le Mal n’aura plus d’emprise sur vous. Des randonnées sans pousse-pousse, du commerce oui, mais sans argent, de la poudre, oui mais uniquement de la farine.

Martin : On va s’ennuyer non ?  Tout ça risque d’être bien fade…

Dieu : Mais non… Passez cette porte. Vous ne regretterez pas. Allez en paix mes amis.

Tous ensemble : Merci… Seigneur !

ML : Maître, encore une sacrée équipe !

Dieu : De grâce, Marie-Louise, ne dites pas une sacrée équipe. Dites une équipe du tonnerre, … euh non, non plus… Une équipe d’enfer ! Mais que dis-je, je déraille moi aussi.

ML : Il faut vous reposer Seigneur. Je vois bien, vous êtes surmené.

Dieu : Mais non, ça va. Quelle équipe encore aujourd’hui ! Sympa ce Fernand, charmante cette randonneuse, cool ce commerçant... Non, vraiment !

 

Fernand, Léa, Martin, sont ensemble dans une barque.(espace à côté)

 

Fernand : Moi, j’ai raté ma vie.

Léa : Moi, on m’a écourté la vie.

Martin : Qu’est-ce qu’on va faire jusqu’au bout de l’éternité ?

 

Fermeture du rideau, grande musique.

 

Récitant :

Ils pensent avoir raté leur vie. Mais non, enfin, que veut dire rater sa vie ? Je vous l’demande !

En tout cas, ils ne souhaitent visiblement pas… rater leur mort !

A la Source, il paraît qu’on se ressource.

A la Source, on n’est plus des ours ! Autrement dit, l’homme n’est plus un loup pour l’homme.

A la Source, plus de bourses, plus de courses. La vie est toute douce…

Plus de soucis, plus de sursis ! Pas d’ennui…

L’enfer, les flammes ? Que nenni ! Une source a éteint le feu qui voulait partir.

La Source a jailli, tu entends son glouglou, son guiliguili ? (bruit d’une cascade)

Les cœurs qui s’égaraient, usés par l’errance,
S’abreuvent ici d’une paix immense.

Immensité … Beauté … Eternité !


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