Les ambitieux

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Daniel est le Président-Directeur général d’une entreprise que possède sa femme. Plus préoccupé à séduire ses employées que par la gestion de la société, il se retrouve vite pris au piège de ses infidélités. Sa maîtresse exige qu’il licencie sa rivale. Cette dernière devient alors la nouvelle obsession d’Antoine, le délégué syndical, toujours prêt à se mettre en grève, surtout si cela lui permet de faire chanter son patron. Quant à Philippe, il pense pouvoir ravir le poste de Daniel, qu’il convoite tant, en devenant l’amant de sa femme.

Avec « Les Ambitieux », Jean-Pierre About tisse une toile de mensonges et de quiproquos pour mieux analyser les cruautés quotidiennes dans le milieu de l’entreprise.

 « Les Ambitieux » a étécréée le 15 septembre 2015, au Théâtre 14,

dans une mise en scène de Thomas le Douarec, avec Thomas Le Douarec, Nathalie Blanc, Marie le Cam, Gautier About, Julien Cafaro.

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Le bureau du président. Il travaille. Il est habillé de façon classique. Béatrice entre sans frapper, furieuse. Elle est habillée avec une certaine fantaisie.

Béatrice. – Quand vas-tu la virer ?

Daniel se lève et la prend dans ses bras. Elle se dégage.

Daniel. – Tout de suite.

Béatrice. – Comment ça, tout de suite ?

Daniel. – Fais-moi confiance.

Béatrice. – Ça fait des semaines que tu me demandes de te faire confiance. Alors ? C’est pour quand ?

Daniel. – Je te l’ai dit ! Tout de suite ! Et ce soir on fête son licenciement.

Béatrice. – C’est vrai ?

Daniel. – Puisque je te le dis ! (Il l’embrasse, elle se laisse faire.) Tu ne veux pas y assister ?

Béatrice. – Non.

Daniel. – Je t’appelle quand c’est fait.

Il prend des papiers sur son bureau et passe dans le bureau des employés. Béatrice sort par une autre porte.

 

 

 

 

 

Anne et Philippe sont dans le bureau des employés. Anne est jolie, réservée ; elle est élégante mais classique. Philippe a une apparence timide, mais il est en même temps très décontracté. Ils sont sur le point de sortir.

Daniel entre.

Daniel. – Vous partez ?

Philippe. – Non, on va au pot de départ d’Yvette.

Daniel. – J’y passerai tout à l’heure.

Anne. – Vous vouliez quelque chose, monsieur le président ?

Daniel. – Oui, c’est vous que je venais voir. J’ai lu votre rapport, il est sans intérêt, il est bâclé. (Il jette les papiers.) J’ai perdu mon temps à lire ce torchon. (Un silence.) Ça ne peut plus durer. Vous ne foutez plus rien ! Vous êtes nulle, vous êtes paresseuse ! (Un silence. Philippe regarde Daniel avec étonnement. Anne bougonne quelque chose.) Qu’est-ce que vous dites ?

Anne, à mi-voix. – Espèce de cocu.

Daniel. – Quoi ?

Anne, avec véhémence. – Je dis que vous êtes un… un cocu.

Philippe regarde Anne d’un air ahuri et inquiet.

Daniel. – Vous insultez votre président ! Philippe ! Vous êtes témoin ? C’est une faute professionnelle très grave. (Un silence.) Bon, vous êtes virée. Vous ferez votre préavis et vous quitterez l’entreprise. (Un silence. Puis, à Philippe.) Allez au pot d’Yvette, je retiens encore un peu Anne. J’ai autre chose à lui dire. (Philippe sort, ahuri. Un silence.) Tu vois, ça s’est bien passé.

Anne. – Pour toi !

Daniel. – Oui… Non, pour nous. Tu m’as insulté devant témoin, ça me permet de te licencier avec tes indemnités. C’est ce qu’on voulait ?

Anne. – Ce que tu voulais ! Je n’ai accepté que pour te rendre service. Moi, je ne vois pas ce que je gagne dans cette histoire.

Il la prend dans ses bras.

Daniel. – Merci, tu as été parfaite… Pourquoi « cocu » ? C’est curieux comme insulte.

Anne. – Au moment de t’insulter, j’étais paniquée, je ne trouvais plus rien, c’est tout ce qui m’est venu à l’esprit. Tu trouves que c’est ridicule ?

Daniel. – Non, c’est très bien. Et c’est tellement improbable ! (Il éclate de rire. Un silence.) Bon, voilà une affaire réglée. Il n’y a plus de danger.

Anne. – Danger de quoi ?

Daniel. – D’être découverts. J’aurais été viré immédiatement.

Anne. – Il vaut mieux que ça soit moi ? (Mimique exaspérée de Daniel. Un silence.) T’as qu’à démissionner.

Daniel. – Tu plaisantes ?

Anne. – Non. Tu trouverais un autre boulot, et on pourrait vivre ensemble sans se cacher.

Daniel. – Il n’en est pas question !

Anne. – Pas question de quoi ?

Daniel. – De… trouver un autre travail.

Anne. – Pourquoi ?

Daniel. – Je ne retrouverai jamais une place de président.

Un silence.

Anne, inquiète. – Qu’est-ce que je vais devenir ?

Daniel. – Ne t’inquiète pas pour ça. Je vais te trouver une place intéressante, j’ai beaucoup de relations.

Anne. – Ça te permet de ne pas tenir ta promesse.

Daniel. – Quelle promesse ?

Anne. – T’as déjà oublié que tu t’étais engagé à me nommer directrice de la communication ?

Daniel. – Je vais te trouver l’équivalent ailleurs.

Anne. – Tu penses toujours que j’en ai les capacités ?

Daniel. – Évidemment !

Un silence.

Anne. – C’est fini nous deux ?

Daniel. – Bien sûr que non !

Un silence.

Anne. – Tu me vires pour en trouver une autre ?

Il la prend dans ses bras, elle se dégage.

Daniel. – Ne dis pas de bêtises !

Anne. – Tu l’as peut-être déjà trouvée ? (Le téléphone sonne. Elle répond.) Allô !… Oui, il est là, je vous le passe. (À Daniel.) Monsieur le président, c’est votre secrétaire.

Daniel, exaspéré, prenant le téléphone et répondant sèchement. – Oui… J’avais demandé qu’on ne me dérange pas !… Ah ! c’est ma femme ! Évidemment, vous me la passez ! (Il prend une voix doucereuse.) Allô ! Chérie… Non, je vais rentrer tard, j’ai un dîner avec des clients… Eh oui, je travaille trop, mais c’est pour toi. (Il raccroche.) Qu’est-ce que tu disais ?

Anne. – Tu l’as peut-être déjà trouvée ?

Daniel. – Qu’est-ce que j’ai trouvé ?

Anne. – Ma remplaçante.

Daniel, avec agacement. – Écoute, si je voulais me débarrasser de toi, ça serait simple. Je te dirais : « On a été heureux ensemble mais ça ne colle plus entre nous, il vaut mieux se séparer. » C’est pas ce que je te dis ? Alors arrête de gamberger ! Va au pot d’Yvette, je te rejoins.

Anne. – On se voit ce soir ? C’est ça le dîner avec les clients ?

Daniel. – Non, ce soir j’ai une vraie obligation. Et puis il vaut mieux qu’on ne se voie plus jusqu’à ce que tu aies quitté l’entreprise. C’est plus prudent.

Anne, résignée. – Si tu veux.

Elle paraît déçue.

Elle sort.

Daniel sort son portable et compose un numéro.

Daniel. – Allô ! Béatrice ? Ça y est, je m’en suis débarrassé. Tu vois, il faut me faire confiance !… Oui, ça s’est très bien passé. Elle a essayé de s’accrocher, mais j’ai été impitoyable. À ce soir… Oui, comme d’habitude. Je t’embrasse.

 

NOIR

 

La même pièce. Anne, Béatrice et Philippe sont assis à leur bureau. Béatrice s’exprime toujours à la limite de la moquerie ou de l’agressivité.

Anne et Béatrice bavardent, Philippe essaie de se concentrer sur son travail.

Béatrice. – T’as essayé de le draguer et tu t’es plantée ?

Anne. – Je te dis que non.

Philippe. – Parlez moins fort !

Béatrice, indifférente à la remarque de Philippe. – Alors, pourquoi tu l’as insulté ?

Anne. – Il m’avait agressée. (Béatrice fait un geste montrant qu’elle n’y croit pas. Anne montre Philippe.) Demande-lui, il était témoin.

Béatrice. – Philippe !

Philippe, rogue. – Quoi ?

Béatrice. – Elle a eu raison de l’insulter ?

Philippe, agacé, levant la tête de ses dossiers et la replongeant immédiatement. – Oui ! Maintenant, fous-moi la paix !

Béatrice. – Il paraît que tu l’as traité de cocu ? (Anne fait oui.) Pourquoi cocu ?

Philippe regarde Anne avec inquiétude.

Anne. – J’ai dit n’importe quoi, il m’avait énervée.

Rassuré, il se replonge dans ses papiers.

Béatrice. – C’est vraiment n’importe quoi. T’as vu la gueule de sa femme ? Qui peut en avoir envie ?

Philippe a un regard irrité vers Béatrice.

Philippe, à Béatrice. – Bon, tu vas la fermer ?

Béatrice. – Non !

Philippe. – Tu me déranges !

Béatrice fait un geste montrant qu’elle s’en moque.

Béatrice, à Anne. – Tu sais ce que j’ai entendu dire ? (Anne fait non.) Il aurait une maîtresse dans l’entreprise.

Anne, inquiète. – Qui c’est ?

Béatrice. – On ne me l’a pas dit. Mais j’ai l’impression qu’il y en a qui le savent. On ne va pas tarder à la connaître.

Anne. – Tu crois que ça intéresse les gens ?

Béatrice. – Ça les passionne. Toi, ça ne t’intéresse pas ?

Anne. – Non.

Philippe a des mouvements d’impatience.

Béatrice. – Tu t’en fous de savoir qui est sa maîtresse ?

Anne. – Complètement.

Béatrice. – Tu sais peut-être qui c’est.

Anne. – Pas la moindre idée.

Philippe. – Béatrice ! T’as fini de jacasser ? Je ne peux pas travailler !

Béatrice. – Je t’emmerde !

Philippe. – Quand tu sauras qui c’est, tu le diras ! En attendant, tu me fous la paix avec ces conneries.

Béatrice. – Évidemment, t’es jamais là. Tu ne peux pas t’intéresser à la vie de l’entreprise… Toutes ces rumeurs, ça nourrit les conversations.

Philippe. – Les histoires de cul ?

Béatrice. – Oui ! Il n’y a que ça qui passionne les gens.

Philippe. – C’est parce qu’il n’y a aucune discipline dans cette boîte. Ça va mal finir. Tu t’en fous ? Ça ne te gêne pas qu’il s’intéresse plus aux filles qu’à la gestion ?

Béatrice. – Il est cool, il est bien dans sa peau.

Philippe. – C’est pas ce qu’on demande à un président. (Il se remet au travail.)

Béatrice. – Si, c’est important. Il est épanoui. C’est pas comme d’autres ! (Un silence. Elle le regarde. Il s’aperçoit qu’elle le regarde. Étonné, il lève la tête.) Regarde-toi, t’as l’air d’un pisse-froid, d’un coincé du cul !

Philippe. – Toi, de ce côté-là, t’es pas coincée. (Anne sourit, Béatrice approuve en riant.) Oh ! tu peux rigoler, mais t’as pas compris qu’une entreprise c’est pas un club de rencontres, c’est un endroit où on travaille.

Béatrice. – Tu ne peux pas t’empêcher de donner des leçons !

Philippe. – Si ça continue comme ça, on va se casser la gueule et on va tous se retrouver au chômage. Cette boîte aurait besoin d’un président sérieux.

Béatrice, moqueuse. – Toi ?

Philippe hausse les épaules.

Philippe. – En tout cas, moi, je ne mélange pas le boulot et le plaisir. Ici je veux bosser et avec le vacarme que tu fais je n’arrive pas à me concentrer.

Béatrice. – Pour une fois que monsieur travaille, il faudrait que tout le monde se taise.

Philippe. – Je fais moins de présence que toi, mais je ne passe pas mon temps à raconter des conneries.

Béatrice. – Si je te gêne, t’as qu’à demander à changer de bureau. Pour les rares fois où t’es là, on va bien te trouver un placard où tu seras tranquille.

Philippe. – Je ne vois pas pourquoi je changerais de bureau, je suis très bien ici.

Béatrice. – Alors, t’as qu’à supporter nos bavardages. Nous, on s’accommode de tes absences. On ne te les reproche pas. D’ailleurs, tu peux nous dire pourquoi t’es jamais là ?

Philippe. – Non !

Béatrice. – Tu ne diras pas la même chose quand ça sera le président qui te demandera de t’expliquer sur tes horaires.

Philippe. – Je ne risque rien.

Béatrice. – Pourquoi ?

Philippe. – Quand je ne suis pas là, je suis encore au service de l’entreprise.

Anne. – Au service de l’entreprise ?

Philippe. – Absolument.

Béatrice. – Qu’est-ce que tu fais ?

Philippe. – Ça ne te regarde pas !

Anne. – C’est du travail ?

Philippe. – On peut le dire comme ça.

Béatrice. – C’est quoi ?

Philippe. – Je te dis...

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