Les battantes

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Catherine Gaillard, femme de ménage, découvre en arrivant chez sa patronne Joëlle Le Guenec que celle-ci vient d’être très durement frappée par son mari ! Le hasard veut que quelques instants plus tard, Sylvie Renaud, la meilleure amie de Joëlle et chez laquelle Catherine fait également des ménages, débarque à l’improviste, fuyant un mari qui vient également de la frapper. Grâce à la cocasserie du personnage de Catherine qui va d’une façon irrésistible prendre en main le destin de ces deux femmes, le rire sera au rendez-vous du début à la fin de la représentation, mais également l’émotion quand on découvrira ce qu’a été la vie de Catherine pendant des années, elle aussi anciennement femme battue et comment elle a réussi à sortir de cet enfer ! Une pièce où les femmes triomphent en donnant aux hommes une belle leçon de savoir-vivre avec une bonne humeur et une joie de vivre qu’elles communiquent sans aucun mal aux spectateurs !

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Le rideau se lève sur un salon dans lequel règne un désordre indescriptible. On a l’impression qu’une véritable tornade est passée par là. Livres, brochures, journaux, revues, objets d’art, coussins du canapé… tout est renversé.

Joëlle, la propriétaire des lieux, est debout, dos au public, face à la porte d’entrée qui est ouverte. Quelques secondes de silence et Joëlle s’adresse en criant à quelqu’un qui vient de sortir…

Joëlle - Et ne remets plus jamais les pieds ici ! Fumier… Salaud… Pauvre con !

Elle claque la porte, se retourne et contemple longuement les dégâts. Elle porte sur le visage les traces d’un coup qui a dû être assez violent. Elle descend lentement à l’avant-scène et vient s’asseoir sur le canapé en repoussant les objets qui l’encombrent… Elle a du mal à retenir ses larmes. Elle cherche un Kleenex sur la table basse, ne le trouve pas, se lève en reniflant et se dirige vers la salle de bains… Quand elle y est entrée, le téléphone sonne. Joëlle ressort de la salle de bains avec une boîte de Kleenex à la main et revient s’asseoir en se mouchant. Elle décroche. On sent qu’elle fait un gros effort pour retrouver son calme et pouvoir parler sans que son interlocuteur se doute de quelque chose.

Joëlle - Allô !… Mais oui c’est moi… Mais… Parce que je suis un peu enrhumée… Attends… Excuse-moi… (Elle se mouche.) Voilà… Ça va… Mais si ça va, puisque je te le dis… (On sonne à la porte.) Attends une seconde, tu veux… On sonne. Ce doit être Catherine, la femme de ménage… C’est ça…

Elle pose le récepteur et va ouvrir. Catherine entre sans la regarder.

Catherine - Bonjour Madame. (Elle voit les dégâts.) Ouh… La merde… (Elle se retourne vers Joëlle qui ferme la porte. Elle voit son visage tuméfié.) Ouh… La vache !

Joëlle - Oui… Comme vous dites… Asseyez-vous.

Catherine - Où ça ? Par terre ?

Joëlle - Si vous voulez… Excusez-moi, je suis à vous tout de suite… (Elle retourne au téléphone.)

Catherine - Je vous en prie… Ouh… La merde…

Joëlle - Ça va, vous l’avez déjà dit… Allô !… Oui c’est Catherine… Mais si… Je te répète que tout va bien…

Catherine (en aparté) - Qu’est-ce que ce serait si tout allait mal !

Joëlle (au téléphone) - Alors, qu’est-ce qui t’arrive encore ?… Pourquoi ?… Ah bon… Oui… Si c’est trop long en effet je préfère que tu viennes… Mais pas tout de suite… Enfin… Je veux dire… Dans combien de temps ? Ah bon… Alors là, ça ira, parce que j’ai un travail urgent à finir… Non… Non… Dans une heure ça ira… Tu me raconteras tout ça… À tout de suite… (Elle raccroche.) Ah là là ! Celle-là… Le jour où elle n’aura pas un gros problème…

Catherine - C’est qu’elle sera morte ! C’était Mme Renaud ?

Joëlle - Oui… Comment l’avez-vous deviné ?

Catherine - Une femme qui a toujours des problèmes et qui ne trouve jamais une seule solution ce ne pouvait être qu’elle !

Joëlle - Vous connaissez vraiment bien toutes mes amies !

Catherine - Depuis quinze ans, c’est normal ! Bon, eh bien, il serait peut-être temps que je m’y mette… (Elle montre le salon.)

Joëlle - Non… Faites d’abord la chambre de mon fils.

Catherine - Ah bon ! Vous ne croyez pas que ce serait mieux que je commence par ici ?

Joëlle - Non ! Il faut d’abord que je m’occupe des bouquins. Vous ne sauriez pas dans quel ordre et sur quelles étagères je les range. Commencez par la chambre de mon fils, ça ira plus vite !

Catherine - Ah non ! Ce sera beaucoup plus long !

Joëlle - Plus long ?

Catherine - Ah oui ! Si vous arrivez à ouvrir sa porte, jetez-y un coup d’œil, vous comprendrez !

Joëlle - C’est à ce point-là ?

Catherine - Ah oui ! Si au moins je pouvais y passer l’aspirateur !

Joëlle - Qu’est-ce qui vous en empêche ?

Catherine - Je ne voudrais pas réveiller Monsieur !

Joëlle - Il est réveillé depuis longtemps…

Catherine - Ah bon ! Pourtant à cette heure-ci, d’habitude, il dort encore.

Joëlle - Pas aujourd’hui. Non seulement il est réveillé, mais en plus il est parti ! Et il n’est pas près de revenir !

Catherine - Ah… Compris… (Elle montre le salon.) C’est lui qui…

Joëlle - Non… Ça, c’est moi !

Catherine - Ah… (Elle montre le visage de Joëlle) Et ça, c’est…

Joëlle - Ça, c’est lui…

Catherine - Ah…

Joëlle - Oui… C’est pour ça que j’ai tout cassé : pour éviter de le tuer…

Catherine - Dommage ! J’aurais préféré le contraire. Bon, eh bien, je vais vider la chambre de votre fils dans le couloir et enfin y passer l’aspirateur. Ça fait bien deux ans que j’attendais ce moment-là !

Joëlle - Deux ans sans pouvoir passer l’aspirateur ?

Catherine - Non… Deux ans que j’attendais le jour où vous auriez enfin le courage de le virer votre bonhomme ! Quant à la chambre de votre fils, ça ne fait peut-être pas deux ans, mais pas loin ! Bon, j’y vais et je reviens vous donner un coup de main.

Joëlle - Merci Catherine… Vous pouvez rester une heure de plus ?

Catherine - Aucun problème ! Aujourd’hui, ça tombe bien, je ne vais pas chez les Perrez…

Joëlle - Ah bon !

Catherine - Non. Ils sont partis dix jours faire une croisière dans l’Antarctique. Ah ! ils ne s’emmerdent pas ces deux-là !

Joëlle - Catherine !!!

Catherine - Oui ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Joëlle - Je ne sais plus combien de fois je vous ai demandé d’éviter de dire tout le temps des mots grossiers !

Catherine - C’est vrai… Excusez-moi… J’ai oublié…

Joëlle - Mais vous oubliez tout le temps…

Catherine - C’est vrai… C’est chiant… Pardon… C’est embêtant ! Je vais faire gaffe.

Joëlle - Merci.

Catherine - Comment vous faites, vous ?

Joëlle - Moi ?

Catherine - Oui… Pour ne jamais en dire ?

Joëlle - Mais, j’en dis comme tout le monde, mais pas tout le temps comme vous ! Tout à l’heure, quand mon mari est parti, je n’ai pas pu me retenir. Je lui ai dit : « Fous le camp et ne remets plus jamais les pieds ici… »

Catherine - Oh là là ! Vous lui avez dit ça ?

Joëlle - Mais oui…

Catherine - Ça alors ! Une grossièreté pareille dans votre bouche… Je ne vous aurais jamais crue capable de ça. Que ça ?

Joëlle - Non… C’est vrai que j’ai rajouté « fumier, salaud, pauvre con » !

Catherine (soulagée) - Ah bon ! Quand même, vous me rassurez ! Mais vous avez attendu qu’il soit sorti pour lui dire ça ?

Joëlle - Ben oui…

Catherine - Mais c’était trop tard !

Joëlle - Trop tard ?

Catherine - Mais oui ! C’est quand il vous a frappée qu’il fallait pousser une bonne gueulante, ça vous aurait évité de tout casser et on aurait pas tout ce boulot à se farcir…

Joëlle - Oui… Peut-être.

Catherine - Ah non ! Pas peut-être… C’est sûr ! Quel sac à merde ce type !

Joëlle - Catherine !

Catherine - Excusez-moi… J’en profite pour me défouler un peu !

Joëlle - Ben oui… Je vois !

Catherine - De savoir qu’il a osé vous frapper ce salaud, ça me… ça me… Vous ne pouvez pas savoir ce que ça me fait !

Joëlle - Merci Catherine. Ça me touche beaucoup…

Catherine - C’est vrai, vous savez. Quelle saloperie ce type !

Joëlle - Bon, ça va… On arrête maintenant.

Catherine - Je veux bien, mais quand même, quand je pense à tout ce qu’il vous fait subir depuis des années et en plus il a le culot de vous frapper !

Joëlle - Mais qu’est-ce que vous en savez de ce qu’il me fait subir depuis des années ? Je ne vous ai jamais fait de confidences !!!

Catherine (montre ses oreilles) - Et ça, à quoi croyez-vous que ça me sert ? À faire la vaisselle ?

Joëlle - Ah… Bien sûr… Si vous écoutez aux portes…

Catherine - Pas besoin… Même quand je suis au bout du couloir avec l’aspirateur qui ronfle comme c’est pas permis, j’entends tout. Entre parenthèses, il faudrait voir à le faire réviser ou même à le changer ce qui serait encore mieux, parce qu’il ronfle de plus en plus.

Joëlle - Je vais m’en occuper.

Catherine - Merci. Ça m’arrangerait. Quelle merde quand même !

Joëlle - Catherine, ça suffit. Vous voyez, même pour un aspirateur vous ne pouvez pas vous empêcher d’être grossière !

Catherine - Ah ! mais je ne parlais pas de l’aspirateur Madame, je ne me le permettrais pas ! Je parlais de votre mari. C’est un vrai furoncle ce type !

Joëlle - Catherine, maintenant on arrête, d’accord ?

Catherine - Excusez-moi… Fini… Terminé… Plus un mot…

Joëlle - Merci.

Catherine - Vous savez bien que ce n’est pas mon genre de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Vous l’avez remarqué ça, quand même, depuis le temps que vous me connaissez, non ?

Joëlle - Mais oui, c’est vrai ! C’est pour ça que ça m’étonne un peu qu’aujourd’hui…

Catherine - Aujourd’hui est un jour exceptionnel, voilà pourquoi ! Des années que j’attendais ça… Ah ! je suis vraiment contente !

Joëlle - Contente… Mais pourquoi ?

Catherine - Pourquoi ? Mais parce que… Parce que… Je ne devrais pas vous le dire ça… Ça ne se dit pas ça…

Joëlle - Qu’est-ce qui ne se dit pas ?

Catherine - Mais ce que je pense de vous !

Joëlle - Qu’est-ce que vous pensez de moi ?

Catherine - Mais que du bien justement. C’est pour ça que c’est difficile à dire, et c’est aussi pour ça que je suis tellement contente de voir qu’aujourd’hui vous avez enfin osé. Une femme comme vous ne méritait pas d’être emmerdée à ce point-là !

Joëlle - Catherine !!!

Catherine - Pardon… Maltraitée, si vous préférez…

Joëlle - Oui, je préfère.

Catherine - Eh bien pas moi. Je ne le supportais pas que vous soyez traitée comme ça… Pas une femme aussi formidable que vous… Que je ne pourrai jamais assez remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi !

Joëlle - Mais qu’est-ce que j’ai fait ?

Catherine - Vous m’avez toujours traitée comme une femme et pas comme une boniche comme toutes mes autres patronnes. Surtout, c’est tout ce que vous avez fait pour ma fille que je n’oublierai jamais !

Joëlle - Mais qu’est-ce que j’ai fait pour elle ?

Catherine - Vous lui avez toujours parlé comme si vous parliez à la fille de n’importe laquelle de vos copines et pas comme à la fille de la femme de ménage. Et vous m’avez permis de l’amener ici quand j’avais des problèmes pour la faire garder les jours où il n’y avait pas école. Et vous lui avez toujours permis de jouer avec votre fils comme si elle était votre propre fille. Et les cadeaux que vous lui faisiez pour Noël et pour ses anniversaires ! Jamais moins beaux que ceux que vous faisiez à votre fils. Et vous me demandez ce que vous avez fait pour elle ! Ben merde alors !

Joëlle - Catherine !!!

Catherine - Excusez-moi… C’est l’émotion ! Vous ne pouvez pas savoir le bonheur que ça m’apportait quand je vous voyais la traiter comme ça… Et je ne savais pas comment vous remercier ! Tout ce que je pouvais faire, c’était vous proposer de vous faire quelques heures de ménage supplémentaires gratuitement… Mais vous avez toujours refusé. Voilà ! C’est pour ça que je vous aime Madame, et moi je ne supporte pas que l’on emmerde les gens que j’aime ! Et surtout pas vous. Alors, vous pouvez me demander de vous rendre n’importe quel service, je vous le rendrai, parce que ça me ferait drôlement plaisir de pouvoir à mon tour faire quelque chose pour vous qui vous fasse vraiment plaisir, mais vraiment plaisir vous voyez ! Alors allez-y. Demandez-moi. Allez… Demandez-moi, que je puisse enfin faire quelque chose pour vous !

Joëlle - Mais Catherine, rien ne peut me faire plus plaisir que tout ce que vous venez de me dire !

Catherine - C’est vrai ?

Joëlle - Ah oui ! C’est vrai ! Et vous ne pouvez pas savoir à quel point. Je me sens tellement nulle depuis quelque temps… Depuis même très longtemps pour être tout à fait honnête, tellement inutile, que d’entendre tout le bien que vous pensez de moi, ça m’a procuré un plaisir intense… Ça m’a même bouleversée, je vous assure… Vraiment bouleversée… Merci Catherine…

Catherine - À ce point-là ?

Joëlle - Oui… À ce point-là !

Catherine - Eh ben, dites donc, si ça vous a fait plaisir à ce point-là, ça me fait drôlement plaisir de savoir que je vous ai fait plaisir à ce point-là ! Si c’est vrai !

Joëlle - Quoi ?

Catherine - Que ça vous a fait plaisir à ce point-là !

Joëlle - Je vous le jure.

Catherine - Alors là, je suis vraiment contente parce que, vous savez, tout ce que je vous ai dit, je le pense vraiment… Vous l’avez senti ça ?

Joëlle - Mais oui… C’est pour ça que ça m’a tellement touchée…

Catherine - Eh ben… Si j’avais su que ça vous ferait cet effet-là, il y a longtemps que je vous aurais dit tout ça ! Mais c’était pas possible ! J’en avais envie, mais je n’y arrivais pas… Il a fallu une circonstance exceptionnelle comme aujourd’hui pour que j’y arrive… C’est dingue, non ?

Joëlle - Oui… C’est vraiment dingue, comme vous dites !

Catherine - Finalement c’est grâce à l’autre con…

Joëlle - Catherine !!!

Catherine - Pardon… C’est grâce à l’autre… à l’autre… enfin à l’autre quoi… que nous avons pu nous parler un petit peu… C’est chouette, non ?

Joëlle - Oui, c’est chouette… Mais il y a quand même quelque chose qui m’étonne un petit peu.

Catherine - C’est quoi ?

Joëlle - Que vous ne soyez pas aussi bien traitée chez les autres que chez moi. On n’est tout de même plus au Moyen âge !

Catherine - Ah ! mais attention… Je ne vous ai jamais dit que j’étais maltraitée. Ah non ! Ça je ne l’aurais pas supporté… Je me serais barrée. Non, c’est pas ça… C’est comment vous dire… C’est leur ton.

Joëlle - Leur ton ?

Catherine - Oui… Le ton qu’elles emploient toutes quand elles me parlent… Pour bien me faire sentir la différence de classe, vous voyez ? Un ton un peu condescendant, si vous connaissez ce mot-là !

Joëlle (riant) - Oui, quand même… Je ne suis pas analphabète…

Catherine - Je sais. Je vous charriais un peu…

Joëlle - Ah bon !

Catherine - C’était de l’humour…

Joëlle - Oui, oui… Je vois…

Catherine - Pas tellement… Parce que vous en manquez un petit peu quand même…

Joëlle - De quoi ?

Catherine - D’humour… Vous en manquez un petit peu…

Joëlle - Ah bon !

Catherine - Ah oui ! Depuis le temps que je vous connais, je m’en suis aperçue quand même. Vous n’êtes pas fâchée que je vous dise...

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