Les Cachottiers

Attention : Un cachottier peut toujours en cacher un autre !
Depuis que sa femme l’a quitté pour un médecin humanitaire… Étienne se morfond à ressasser ses souvenirs. Alors tous les vendredis… ses deux amis Bernard et Samuel viennent lui remonter le moral et en profitent ensuite pour passer la soirée avec des maîtresses cachées. Sauf que ce week-end là…
Une voisine affolée veut accoucher chez lui…
Un chasseur de Montauban menace de le tirer comme une perdrix…
Bernard revient avec un bébé dans les bras. Et Samuel débarque aussi, bien décidé à assumer un amour interdit !
De “Cachotteries” en “Cachotteries”, ce week-end, loin d’être un long fleuve tranquille risque de se révéler, pour Étienne, le week-end le plus pourri de sa vie… ou qui sait, le plus beau !

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LES

« CACHOTTIERS » DE LUC CHAUMAR

Attention un cachottier peut toujours en cacher un autre.

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DÉPÔT SACD 876309

1

LES CACHOTTIERS

ACTE 1 : L’ACTION SE SITUE DANS UN APPARTEMENT.
IL Y A UN SALON AVEC UN CANAPÉ ET PLUSIEURS PORTES : UNE DONNE SUR LA CUISINE, UNE AUTRE SUR LA CHAMBRE ET ENFIN LA TROISIÈME DONNE SUR UNE CHAMBRE D’AMIS. COTE COUR, UN BAR AVEC BOUTEILLES ET CAFETIERE.

TROIS AMIS : SAMUEL ET BERNARD, LA QUARANTAINE, BOIVENT L’APÉRITIF ET MANGENT DES CACAHUETES. LE MAITRE DES LIEUX, ÉTIENNE, PORTE UN TABLIER DE CUISINE UN PEU RIDICULE. ON SENT ÉTIENNE DEPRIME.

ÉTIENNE

D’après les psychologues, il faut la moitié du temps d’une liaison pour se remettre d’une rupture.

SAMUEL Il a raison.

ÉTIENNE

Et comme, Sonia et moi on est restés ensemble 7 ans, et qu'elle est partie que depuis 9 mois, c’est pas ce soir que je vais arrêter ma dépression. (IL RENIFLE UNE ODEUR QUI VIENT DE LA CUISINE) Zut, les pâtes crâment, j’ai oublié de mettre de l’eau ! Je les voulais « à la Carbonara » » et je les aurais à la « Carbonisata ».

SAMUEL
ÉTIENNE, Tu fais des pâtes à quoi ?

ÉTIENNE
Lardons Prozac ! Avec beaucoup de Prozac !

BERNARD (A SAMUEL) Il a dû les goûter...

ÉTIENNE VA À LA CUISINE ET FERME LA PORTE.

BERNARD (SUITE) Sa femme : elle était chiante.

SAMUEL C’est vrai, mais il l’aimait !

BERNARD

Et alors ! Ma femme aussi, je l’aime, mais l’amour ça ne justifie pas tout... C’est un moyen l’amour, pas un but en soi.

2

SAMUEL
S'ils avaient eu un enfant, ça ne serait pas arrivé.

BERNARD

Mais si ! Les emmerdes en plus, c'est tout. Un enfant, la mère, elle l'a 9 mois dans le ventre et le père... toute la vie sur le dos. Franchement, j'ai jamais compris Sonia, belle femme, dentiste conventionnée, quitter Étienne du jour au lendemain pour aller soigner les caries du tiers-monde...

SAMUEL
Bernard, le Tiers-monde aussi a le droit d’avoir de bonnes dents.

BERNARD
Ça leur sert à quoi des tout dentiers neufs... ils n’ont rien à bouffer.

SAMUEL
Plus tu vieillis, plus tu deviens réac.

BERNARD

Lucide, nuance ! Remarque, tomber amoureuse d’un “Médecin du Monde” qui était juste venu pour un détartrage, c'est pas banal.

SAMUEL
Ça a commencé par un coup de roulette et ça a fini...

BERNARD

... par un coup de langue ! L’amour c’est le bordel, il faudrait l’interdire. Avec le prix que coûtent les tentatives de suicides par amour, je suis sûr qu’on arriverait à combler le déficit de la sécurité sociale.

SAMUEL

Tu ne crois vraiment en rien. On te parle sentiments, tu donnes ton 06 et si on te parle d’âme sœur...

BERNARD

Je sors mon hameçon !!! On est d'accord. Alors c'est quoi la conclusion du grand psychologue, SAMUEL BEGOVSKY ?

SAMUEL
Ton sexe est le maître étalon de tes émotions ! C'est une théorie à Lacan...

BERNARD

C'est surtout une théorie à la con ! Désolé, mais Pierrette est très heureuse avec le commercial que je suis. Et je m’occupe autant d’elle...

3

SAMUEL (LE COUPANT) ...Que de tes maîtresses, on sait.

BERNARD Affirmatif !

SAMUEL

Ça fait des années que tu cherches à t’en convaincre. Mais t'es bien sûr qu'elle est heureuse !

BERNARD
Re, affirmatif ! Je pense même que c'est une femme épanouie.

SAMUEL
Ah oui ? C’est quoi ta dernière preuve d'amour pour elle ?

BERNARD : Une machine à laver !

SAMUEL
C'est sûr que c'est le comble de l'épanouissement.

BERNARD

Que veux-tu, y’en a c’est les bijoux, d’autres les dessous coquins, Pierrette son fantasme, faire l'amour chez Darty.

SAMUEL
Ça c'est Freudien. Elle lave ses désirs et elle essore ses pulsions.

BERNARD
Au moins, j’en bave pas comme Étienne.

SAMUEL
Mais tu en fais baver aux autres. Et tu te sers de nous.

BERNARD (MONTRANT LA CUISINE)
Arrête, tu fais quoi, toi, avec Étienne ? Tu t'en sers d'alibi autant que moi...

SAMUEL

Moi ? C'est pas pareil. Si je dis à ma mère que j’aime une “Goy”, elle meurt sur place. Alors je la prépare !

4

BERNARD

Trois ans que tu la prépares ! Faut vraiment qu’elle t’aime pour supporter ça... Fatima !

SAMUEL

De son côté, c’est pas mieux, elle a des principes : elle refuse de m’épouser tant qu’on n’a pas rendu tous les territoires occupés ! Alors c’est pas demain qu’on passe à la mairie ! Moi, je mens par amour, mais toi... c’est par lâcheté !

BERNARD

Par indécision ! J’aime ma femme et j’adore DAISY ! Je suis un homme partagé, alors je me partage. (baissant la voix) D'ailleurs à ce sujet, il faut que je te parle. Je peux te faire confiance ?

SAMUEL Pas du tout !

BERNARD
Très bien on est fait pour s'entendre.

SAMUEL Je t'écoute...

BERNARD
C'est pas à l'ami que je vais me confier, c'est au psy.

SAMUEL
Alors c'est 100 euros... en liquide. Allonge-toi !

BERNARD S'ALLONGE SUR LE CANAPE.

BERNARD

A ton avis, un bébé qui a un père qui a un double foyer et qui ne vient le voir que le Vendredi soir... ça peut lui laisser des séquelles plus tard ?

SAMUEL T'as fait un bébé à Daisy ?

BERNARD Une fille ! Deux mois...

SAMUEL De toi !

5

BERNARD
Deux mois, c'est son âge ! Et bien sûr qu'elle est de moi !

SAMUEL
Oh là là... et tu vas le dire quand à Pierrette ?

BERNARD SE RELEVE.

BERNARD

Mais jamais, t'es con ou quoi ? Si elle apprend ma double vie, elle me carbonise ! Plutôt mourir que de me faire tuer ! Et pas un Mot à Etienne non plus, sinon on n'a pas fini.

SAMUEL OK...

ÉTIENNE ENTRE.

ÉTIENNE :

Qu'est-ce que vous foutez, je ne vous entends plus vous engueuler tous les deux, vous me faites des cachotteries ??

BERNARD ET SAMUEL

NON !

BERNARD
Pour qui tu nous prends, on te dit toujours tout, pas vrai Samuel ?

SAMUEL
OUI ! Tu penses. Bon, ben... c'est pas tout ça, Étienne, Je vais y aller.

BERNARD

Moi aussi. Daisy m’a préparé une paella avec des gambas ! Et moi, les gambas de Daisy, je ne peux pas résister ! En plus, elle habite à deux rues, la vie est bien faite. C'est bon, tu ne vas t'ennuyer sans nous ?

ETIENNE

Oh que non ! J'ai un projet de déco à finir pour un appel d'offre et j'ai promis à mon patron de le terminer pour Lundi.

BERNARD C'est bien...

SAMUEL Ça va t'occuper...

6

ILS POSENT LEURS VERRES ET SE DIRIGENT VERS LA SORTIE.

SAMUEL
Bon, Étienne, on fait comme d’habitude ? Et puis vendredi c’est...

ETIENNE (NE VOIT PAS) C’est... c’est...

BERNARD
Allons Étienne, Vendredi c’est... c’est...

ETIENNE C’est ravioli...

SAMUEL Mais non, c’est Alibi !

ÉTIENNE

Ah oui, bien sûr, alibi ! Si ta mère ou Pierrette appellent je dirais que vous êtes avec moi. Mais faites attention quand même... un soir ça risque de mal tourner.

SAMUEL
Mais pourquoi ça tournerait mal, ça fait des mois que ça marche.

BERNARD

On ne change pas une équipe qui gagne. Allez... (positif) Allez, on y va ! Et toi prends des vitamines.

ILS SORTENT. ÉTIENNE EST UN PEU TRISTE.

ÉTIENNE
Ah je les hais les vendredis, je les hais !

ON SONNE À LA PORTE.

ETIENNE
C'est quoi encore le problème ?

ÉTIENNE OUVRE. UNE JEUNE FEMME, LISA, ENTRE AVEC UNE VALISE SANS LUI LAISSER LE TEMPS DE PRONONCER UN MOT. ELLE EST ENCEINTE ET SEMBLE SUR LE POINT D’ACCOUCHER. LES SPASMES L’OBLIGENT À RESPIRER PAR PETITS COUPS.

LISA
Je suis votre voisine... Celle d’en haut.

7

LISA ENTRE.

ÉTIENNE
Oui je sais ! Que puis-je pour vous ?

LISA
Il faut que j’aille à... à...

ÉTIENNE (POLI) A la cave !

LISA
Non ! Aaaa... accoucher tout de suite !

ÉTIENNE
Ah non mais là, vous vous êtes trompée d’étage. Le Gynéco c’est au premier.

LISA
Je sais, mais il est en vacances.

ÉTIENNE (AFFOLE)

Désolé, moi, je suis décorateur et émotif, très émotif : Une goutte de sang, 3 jours de calmants. Au revoir...

LISA
Non, je reste. Il faut m’aider ! VITE... ah ah... là là.

ÉTIENNE
Ah là là... c'est vite dit ! Allez sonner chez le barbu du sixième...

LISA C’est un con ! Aie !

ÉTIENNE
C’est vrai, mais il a six enfants.

LISA J’ai pas confiance.

ÉTIENNE
Bon, et la mémé du second ?

LISA
Elle est sourde, elle ne répond pas.

8

ÉTIENNE
Il faut insister, c’est une infirmière à la retraite...

LISA
... Et aussi en fauteuil roulant... (elle souffle).

ÉTIENNE
Pour accoucher les gens, on n'a pas besoin de pieds !

LISA Aidez-moi, je vous en prie !

ÉTIENNE
Vous ne pouvez pas rester ici, vous allez finir par perdre les eaux.

LISA
Ah là là les eaux ! Elles sont perdues depuis longtemps.

ÉTIENNE
Ah là là. Où est le père de l’enfant ?

LISA Il est absent !

ÉTIENNE Pour longtemps ?

LISA Pour toujours !

ÉTIENNE PREND SON PORTABLE.

ÉTIENNE
Bon, restons positif ! Je vais appeler un Taxi.

LISA
C'est déjà fait ! Mais ils refusent les chiens et les femmes enceintes !

ÉTIENNE FAIT UN NUMÉRO. LISA S'ASSEOÎT SUR LE CANAPÉ.

ÉTIENNE

Allo “Taxi paris service”, je voudrais une voiture au 25 rue des acacias. Dites, vous acceptez bien les chiens ? Super ! Parce que, figurez vous qu’une femme est en train d’accoucher chez moi et... Allo ? Allo ?

9

LISA
Je l'avais dit. On perd du temps. Houla la là aie aie... j'ai mal !!

ÉTIENNE
Les pompiers. C’est fiable le pompier. C’est quoi le nom de votre clinique ?

LISA
Il faut aller à Rome !

ETIENNE
Dans votre état, c'est pas conseillé...

LISA 'ENERVEE)
Non... Rome, c'est le nom de la clinique, clinique de Rome, 25 rue de Rome.

ÉTIENNE (REFAIT UN NUMERO)

Bonjour, les pompiers ! Il faut amener une personne à la clinique de Rome... rue de Rome. Quoi ? Elle brûle ? ? Et vous transportez les malades vers d’autres hôpitaux... Bon, Monsieur le pompier, j’ai une femme qui accouche chez moi... alors je fais quoi ? Je fais quoi ? Des prières ? D'accord. (IL RACCROCHE)

LISA
Il faut que je m’allonge, c'est où est la chambre ?

ÉTIENNE :
Oui mais non pas la chambre, c’est pas possible.

LISA Pourquoi ?

ETIENNE ... Elle n'est pas rangée.

LISA :

Mais on s'en fout. Ça vient et j’ai peur de rester toute seule. Aie, aie, le bébé, il veut sortir tout seul !!!!

ÉTIENNE :
Ah non, je lui interdis de sortir tout seul... il est trop petit !

LISA VA DANS LA CHAMBRE. ÉTIENNE DÉCROCHE À NOUVEAU LE TÉLÉPHONE.

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NOIR.

ÉTIENNE :

“Sos médecins” ? Venez vite, une femme est en train d’accoucher dans ma chambre ! Non, ce n’est pas ma femme ! Non, Je ne suis pas le père non plus. Comment elle s’appelle ? Je ne sais pas ! C’est compliqué ? Je sais. Alors envoyez une ambulance... Envoyez une ambulance !! (Il entend les cris d’un nouveau né). Trop tard... Envoyez une couveuse !

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ACTE 2

LA LUMIÈRE SE RALLUME QUELQUES HEURES PLUS TARD. ÉTIENNE EST A LA PORTE AVEC UN DOCTEUR QUI EST DEJA SORTI. ÉTIENNE EST FATIGUÉ.

ÉTIENNE

Ok docteur : du repos, encore du repos, toujours du repos. Mais pourquoi elle doit rester chez moi ? Il n'y a plus de place en clinique ? Bon, oui, je comprends Docteur, allez au revoir.

IL FERME LA PORTE.

ÉTIENNE (POUR LUI)

Mais quelle nuit ! Bon, je la laisse dormir avec son bébé et après direction son appartement !

IL VA VOIR SI LISA ET LE BÉBÉ DORMENT BIEN. ON SONNE À LA PORTE.

ÉTIENNE
Si c’est encore pour un accouchement, on est complet !

IL OUVRE. UN HOMME DE 68 ANS, PHYSIQUE IMPOSANT, ENTRE : ADRIEN ! ADRIEN

Pardon de vous déranger si tôt mais je suis inquiet. Je viens de faire tout l'immeuble. Je cherche LISA LAFARGE, votre voisine. C'est une belle jeune femme qui attend un petit.

ÉTIENNE
Ah ! Vous ne pouvez pas savoir comme je suis content de vous voir.

ADRIEN C'est bien !

ÉTIENNE
Quand je pense qu'elle m’a dit qu'elle était toute seule...

ADRIEN (RASSURE)

C’est bien elle ça ! Elle m’appelle hier soir pour me dire qu’elle part à la clinique. Alors, hop, ni une ni deux, je prends le train de nuit : direction Paris ! Malheur, quand j'arrive la clinique est en train de brûler ! Alors je m’affole, Par chance, pas de blessé, mais pas de Lisa. Je cours à son appartement, j’arrive, je frappe chez elle, encore personne. Vous comprenez, voisin, je ne sais pas où elle est et je commence à angoisser. En plus, en ce moment, j'ai un problème de cœur !

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ETIENNE Ah ça, l'amour.

ADRIEN

Non, je ne suis pas amoureux, je suis cardiaque. Alors les émotions, c'est pas bon !

ÉTIENNE Ah non, c'est pas bon.

ADRIEN
J'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Je l'aime tellement vous savez.

ETIENNE
Tout va bien ! Asseyez-vous, je vais tout vous expliquer.

ADRIEN VOIT LE SAC DE LISA SUR LE CANAPÉ.

ADRIEN
Mais c’est le sac de la petite, je le reconnais.

ÉTIENNE C'est ça, c'est le sien.

ADRIEN Elle est ici ?

ÉTIENNE
Dans la chambre, ils dorment. Tout va bien...

ADRIEN (S'ILLUMINANT) Ah d'accord, je comprends tout.

ETIENNE

Figurez-vous qu'elle n’a pas eu le temps d'aller à la clinique alors on a préféré rester chez moi... enfin surtout elle !

ADRIEN
Mais alors... mais alors... c'est vous le père ! Dans mes bras mon garçon !

ADRIEN HEUREUX PREND ÉTIENNE DANS SES BRAS ET L’ÉTREINT.

ETIENNE (AFFOLE)
Ah mais non, pas du tout ! C'est pas du tout ce que vous croyez...

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ADRIEN

Ta ta ta ! Je ne me formalise pas. Vous ne pouvez pas savoir le bonheur que vous me faites. Ah si ma femme était encore là, la pauvre est morte quand Lisa était encore une enfant, mais elle a dû souvent vous en parler.

ÉTIENNE (PERDU)
Attendez ! Juste une question : Mais vous êtes qui ?

ADRIEN

Papounet ! Je suis son père ! Comment ça, elle ne vous a jamais parlé de moi, non plus ?

ÉTIENNE
Bon que ce soit très clair, Monsieur !

ADRIEN

PAPOUNET ! Moi c'est Papounet. C'est comme ça qu'on m'appelle quand on rentre dans la famille. Et on se tutoie aussi. Tu as fait un enfant à ma fille, tu es de la famille.

ÉTIENNE Ah mais non.

ADRIEN
Mais si ! De la famille ! C’est quoi ton prénom ?

ÉTIENNE Étienne...

ADRIEN

Et bien Étienne, je vais te dire : tu me plais ! Je sens que tu vas rendre ma fille heureuse.

ÉTIENNE

S'il vous plaît, écoutez-moi juste une minute : votre fille et moi on se connaît juste depuis...

ADRIEN (LE COUPANT)

Deux ans ! Ou presque, on ne va pas chipoter. Elle m'a tout raconté ! J’ai même cru pendant un moment qu’elle ne voulait pas te présenter à moi à cause... (Il est ennuyé) c’est idiot, mais j’ai cru qu’elle avait honte.

ÉTIENNE
Mais non c’est beaucoup plus simple ! En fait...

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ADRIEN (LE COUPANT)

Depuis qu’elle travaille dans la publicité, qu’elle côtoie des vedettes, des « people » comme on dit, je comprends bien qu’un papa retraité PTT, ça fait tâche.

ÉTIENNE Monsieur...

ADRIEN Papounet, j’ai dit !

ÉTIENNE
Monsieur Papounet : Lisa et moi...

SOUDAIN ADRIEN LE FIXE MENAÇANT.

ADRIEN
Regarde-moi ! Tu sais un moment, j'ai même imaginé que t'étais juste...

ETIENNE Un voisin...

ADRIEN ...un enfoiré !

ÉTIENNE (INQUIET) Pardon ?

ADRIEN

Le genre à ne pas vouloir reconnaître mon petit-fils. Ah ça, celui qui n'assumerait d'avoir fait un enfant à ma fille, je ne le supporterais pas, je te préviens : on a de l’honneur dans le Tarn et Garonne !

ETIENNE
Et vous réglez ça au tribunal ?

ADRIEN
Non, au fusil à pompe ! Comme les perdrix : Poum Poum !

ÉTIENNE (APEURE) Vous feriez ça ?

ADRIEN :

Sans hésiter, Poum Poum ! Mais avec toi, j'en aurai pas besoin, t’es un mec bien, je le sens.

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ÉTIENNE
Ah oui, surtout depuis 10 secondes.

ADRIEN
Le petit tu vas bien t’en occuper ?

ÉTIENNE Ah oui !

ADRIEN Et de ma fille aussi ?

ÉTIENNE Aussi ! Vous pensez bien.

ADRIEN (RASSURE)

A la bonne heure ! Tu sais, le fusil à pompe, c’est le seul moyen qu’on a trouvé dans le Midi pour ne pas encombrer la DASS...

ÉTIENNE S'ASSEOIT ET IL EST BLEME.

ADRIEN Ça ne va pas ?

ÉTIENNE
SI ! Je vais me réveiller ! Et vous pétez les plombs souvent contre les gens ?

ADRIEN Qu’avec les cons...

ÉTIENNE
Ça me rassure qu'à moitié.

ADRIEN

Sinon je suis une pâte. Un vrai "Chamalow". Ah, au fait, autre chose, un détail, une broutille : tu es écologiste ?

ÉTIENNE Ah oui !

ADRIEN (ENNUYE)
Ça ne m’arrange pas, mais alors pas du tout. Tu peux me rendre un service ?

ÉTIENNE Au point où on en est...

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ADRIEN

Quand vous viendrez à Montauban, avec le petit, tu ne dis rien. Je t'explique : je suis trésorier de l’amicale de chasse Montalbanaise, et si les copains apprennent que j’ai un gendre écologiste, on va se foutre de ma gueule dans tout le canton ! Tu l’aimes vraiment ?

ETIENNE L’écologie ?

ADRIEN
Mais non, ma fille... Alors ?

ÉTIENNE Oui !

ADRIEN
Oui, qui ? (Étienne ne trouve pas) Oui, qui ?

ETIENNE (PERDU) Wikipedia...

ADRIEN (AGAÇE)
Mais non... Oui « Pa », oui « pou », (montrant son nez) Nez !

ETIENNE Papounet !

ON SONNE A LA PORTE ET ÉTIENNE NE BOUGE PAS. IL ANGOISSE.

ADRIEN (SUITE) On a sonné.

ÉTIENNE Hé oui...

ON SONNE A NOUVEAU.

ADRIEN On a Re... sonné.

ETIENNE C'est pas de veine....

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ADRIEN

Va ouvrir. (pour lui) Il est croisé avec une limace, lui, c’est pas possible. Ah, ça me fait un drôle d’effet d’être Grand-père, j’en pleurerai presque...

ETIENNE SE LEVE ET VA OUVRIR. ADRIEN ENTRE DANS LA CHAMBRE.

ADRIEN (OFF)
Et elle est où ma palombe, et il est où mon petit canari ?

ÉTIENNE VA OUVRIR LA PORTE. PIERRETTE, LA QUARANTAINE, LE LOOK BOURGEOISE (LA FEMME DE BERNARD) ENTRE AFFOLÉE.

ÉTIENNE Ah, PIERRETTE ?

PIERRETTE
Désolé de te réveiller... où est passé Bernard ?

ÉTIENNE Où est passé Bernard ?

PIERRETTE

Ben oui, il n’est pas rentré de la nuit. J'ai essayé de t'appeler mais ton portable était coupé. Et le sien aussi ! Dis-moi, hier soir, il est bien parti de chez toi comme d’habitude ?

ÉTIENNE
Ah ça oui ! Bernard part de chez moi tous les Vendredi à la même heure...

PIERRETTE Alors il a eu un accident !

ÉTIENNE (PERDU) Mais non, il a dû avoir un problème...

PIERRETTE Quel problème ?

ÉTIENNE
Ben un... un... (Il cherche) Un ralentissement sur le périph !

PIERRETTE (SUSPICIEUSE)

Un ralentissement toute la nuit ? Pourquoi pas une prise d'otage pendant que tu y es ? Dis donc, depuis que Sonia t’a quitté ça ne va pas bien toi. Ah là la... Mais où il est ? C’est pas son style de disparaître comme ça.

18

ÉTIENNE
Il a dû finir la soirée avec Samuel.

PIERRETTE C’est pas possible !

ÉTIENNE Pourquoi ?

PIERRETTE

Parce que...tu connais la mère de Samuel, elle ne s’endort jamais si son fils n'est pas rentré. Alors, elle serait déjà là avec le Rabbin.

ÉTIENNE
T'as appelé le commissariat ?

PIERRETTE

Trois fois ! (un temps) J’ai peur tu sais. En plus, j'ai pris une grande décision et il faut que je lui parle : Sérieusement !

ADRIEN REVIENT DANS LE SALON. IL EST HEUREUX.

ADRIEN
Ma fille est réveillée et elle te demande. Bonjour, Madame...

PIERRETTE Monsieur...

ADRIEN
Étienne, tu ne fais pas les présentations ?

ÉTIENNE (MAL)

Si ! Adrien je vous présente Pierrette la femme de mon ami Bernard et Pierrette voilà Adrien Papounet !

ADRIEN Je suis son beau-père...

PIERRETTE EST ÉPOUSTOUFLÉE. ÉTIENNE PERDU.

PIERRETTE
Ah bon ? Ravie de vous rencontrer.

ADRIEN
Petit, ta “Femme” te demande. (ÉTIENNE NE BOUGE PAS) Tout de suite.

19

ÉTIENNE Je reviens.

IL VA DANS LA CHAMBRE.

ADRIEN (POUR LUI)
C’est fou, même quand il marche, il est lent !

PIERRETTE (ETONNEE) Ah bon ? Sa femme est là ?

ADRIEN
Dans la chambre, elle se repose ! Leur nuit a été agitée...

PIERRETTE
Ah, d'accord, je comprends, c’est pour ça qu’il est tout drôle ce matin !

ADRIEN On le serait à moins.

PIERRETTE :

Ah la là ! Je suis heureuse que ça se termine bien. Le pauvre Étienne, ça n'a pas été facile pour lui.

ADRIEN :

Et à elle, vous y pensez un peu à elle. Dans cette histoire, c’est quand même elle qui a tout fait !

PIERRETTE :

C’est vrai, dans leur couple c’est elle qui a toujours pris les décisions. Bon vous êtes son père et elle je l’aime bien au fond... mais il y a 9 mois, elle a quand même fait son coup en douce.

ADRIEN
Ah bon ? Il n’a pas eu son mot à dire ?

PIERRETTE

Non, il a été mis devant le fait accompli ! Et pour tout lui dire, elle n’était même pas là...

ADRIEN Non ?

20

PIERRETTE
Si, elle a laissé un mot ! Ah ça, pour Étienne, elle a eu du mal à passer la pilule.

ADRIEN (RELEVANT)
Ah oui ça... la pilule, elle n'est même pas passée du tout !! (Pierrette ne

comprend pas). Pas vrai ? PIERRETTE (PERDUE)

Eh oui...

ADRIEN (INSISTANT)
Sinon on n’en serait pas là ! La pilule ? Hein ?

PIERRETTE Eh non...

ADRIEN

Bon, laissez tomber pour la pilule ! Enfin, je suis d'accord avec vous, c’est pas bien de la part de la petite d’avoir agi de cette façon ! Je ne l'ai pas élevé comme ça...

PIERRETTE

Allez, si ce matin elle est dans la chambre... c'est que tout est bien qui finit bien. Et vous, vous êtes là depuis longtemps ?

ADRIEN

Ce matin. Ma fille m’a appelé juste au moment où elle était en train de le faire avec lui !

PIERRETTE (ÉTONNEE)
Ah bon ? Elle vous appelle dans ces moments-là ?

ADRIEN Normal, je suis son père.

PIERRETTE

Oui mais quand même ! Moi, dans ces moments-là, je n'appelle jamais ma famille. Sauf la première fois, j’ai crié Maman mais depuis...

ADRIEN
Alors j’ai pris le train et me voilà pour les féliciter !

PIERRETTE
Mais c’est arrivé quand exactement ?

21

ADRIEN
Cette nuit, dans leur chambre !

PIERRETTE
Je me doute bien qu'après 9 mois, on ne fait pas ça dans un taxi.

ADRIEN :
Ça a failli, mais le taxi n'a pas voulu !

PIERRETTE
Hé oui ! Remarquez, un lit, c’est quand même mieux pour ce genre de chose.

ADRIEN :

Moi et ma femme, comme on n'avait pas trop confiance...on a choisi une chambre d’hôpital !

PIERRETTE NON ?

ADRIEN

Si en plus, le docteur était un ami. Comme ça, si ça se passait mal, il pouvait venir tout de suite et donner un coup de main.

PIERRETTE
Je comprends, remarquez, chacun ses goûts.

ADRIEN
Personnellement, pour ce genre de chose, c'est bien d'être à plusieurs.

PIERRETTE (PAS CONVAINCUE) C’est une vision des choses, je ne juge pas.

ADRIEN
Et ça a quand même duré 8 heures avant qu'on y arrive !

PIERRETTE
Ah ça, je vous comprends, quand ça veut pas, ça veut pas.

ADRIEN
Mais après on ne l’a jamais regretté.

PIERRETTE (COMPLICE)

Confidences pour confidences, Bernard et moi, la première fois, c’était dans l’ascenseur !

22

ADRIEN
Normal ! Quand on ne peut pas se retenir.

PIERRETTE
Hop hop, au cinquième : emballé, pesé, terminé !

ADRIEN
L’important, c’est de ne pas souffrir.

PIERRETTE
Ah ça, j'ai rien senti ! Ni la première fois ni les autres fois d'ailleurs.

ADRIEN (RASSURE) Tant mieux !

PIERRETTE

Si on veut, personnellement j'aurai préféré que ça dure un peu plus longtemps. Mais bon...

ADRIEN
La nature, c'est la nature.

PIERRETTE

Et Bernard, c'est Bernard ! C’est curieux, on se parle comme si on se connaissait depuis toujours. D’habitude, c’est un sujet que je n'aborde jamais avec les étrangers ! Ah la là, je change, moi, en ce moment, c’est fou !

ADRIEN
L’important c’est que tout se soit bien passé. “Ils vécurent heureux”...

PIERRETTE
“Et ils auront beaucoup d’enfants !”.

ADRIEN
C’est bien parti, le premier, il est déjà fait...

PIERRETTE (ETONNEE) Comment ça, "il est déjà fait” ?

ADRIEN
Ben oui, il est dans la chambre.

PIERRETTE Ils ont déjà un enfant ?

23

ADRIEN
Enfin ! On en parle depuis 5 minutes.

PIERRETTE Monsieur Papouno...

ADRIEN Né, Papounet !

PIERRETTE
Je ne comprends rien, mais alors rien, de ce que vous me dites.

ADRIEN
Venez, je vais vous montrer le bébé est dans la chambre.

PIERRETTE Mais il est né quand ?

ADRIEN Cette nuit, je vous dis !

PIERRETTE
Mais enfin, de nos jours, on ne fait pas un bébé à domicile.

ADRIEN
Vous avez bien fait ça dans l’ascenseur, vous ! Allez venez voir le colibri...

PIERRETTE (PERPLEXE)
J'arrive. Je vous rejoins, le temps d’appeler chez moi.

ADRIEN ENTRE DANS LA CHAMBRE. PIERRETTE FAIT SON NUMÉRO SUR SON

PORTABLE.

PIERRETTE

(Pour elle) Cette homme-là est très sympathique, mais très bizarre. Ah zut, le portable de Bernard est toujours coupé... mais il est passé où ?

TOUT À COUP, LISA SORT DE LA CHAMBRE, TRAVERSE LE SALON ET SE DIRIGE VERS LA CUISINE.

LISA Madame.

PIERRETTE (ÉTONNEE) Madame...

24

LISA ENTRE DANS LA CUISINE. ÉTIENNE SORT DE LA CHAMBRE ET VA VERS LA CUISINE.

PIERRETTE
Étienne... une femme vient de sortir de la chambre de Sonia.

ÉTIENNE
C’est une amie ! Elle est de passage.

PIERRETTE Étienne... elle est en pyjama !

ETIENNE
Ah oui ! J'aime bien mettre les gens à l'aise.

ÉTIENNE SE DIRIGE VERS LA CUISINE.

PIERRETTE Étienne...

ÉTIENNE (MIELLEUX)

Oui ?

PIERRETTE
Il y aurait aussi un bébé dans ta chambre d'après Monsieur Papouasie.

ÉTIENNE (SANS SE DEMONTER) Papounet ! C'est vrai, mais lui aussi, il est de passage.

ADRIEN SORT LA TÊTE DE LA CHAMBRE.

ADRIEN Alors vous venez le voir ?

PIERRETTE J'arrive...

PIERRETTE ENTRE DANS LA CHAMBRE AU MOMENT OU LISA SORT DE LA CUISINE.

ÉTIENNE
Lisa, ça suffit. Cette situation est intenable, il faut lui dire la vérité...

LISA
Je ne peux pas. Je bloque.

25

ÉTIENNE
Si c’est moi qui lui parle, il va me tirer comme une perdrix : Poum Poum !

LISA(AVEC HUMOUR)
Impossible, c'est pas encore l'ouverture de la chasse.

ETIENNE

En plus, je suis écologiste, alors il ne me fera aucun cadeau et je vais finir en carpaccio.

LISA Laissez-moi du temps.

ÉTIENNE C’est idiot de lui mentir...

LISA

Mais ça fait des années que je lui mens. Il croit que j’ai un Master et que je bosse dans la pub. Tu parles, le seul job que j’ai décroché, c’est caissière à Auchan ! Et le seul test que j’ai réussi, c’est le test de grossesse !

ÉTIENNE Le père, c'est qui ?

LISA

Un connard marié, qui a filé à l'autre bout du monde quand il a appris la nouvelle.

ÉTIENNE
Ce n’est pas un monstre votre père, il comprendra.

LISA

Un jour, j’ai essayé de lui parler, mais j’ai crû que son cœur allait exploser. Alors depuis je ferme ma gueule. C’est pour ça que je ne vais jamais à Montauban, j’ai toujours peur de faire une boulette.

ÉTIENNE

Lisa, il n’y a aucune honte à rater ses études. Moi-même, si j'ai eu le bac c'est parce qu'on m'avait envoyé les réponses par avion...

LISA Par avion ?

26

ETIENNE
... en papiers ! Avec les solutions sur les ailes. Merci mon ami Bernard !

LISA

Aidez-moi. Ce soir, il reprend le train, je remonte chez moi et avec le bébé on ne vous embête plus. Promis.

ÉTIENNE

Non. J’ai horreur de mentir et depuis ce matin je n'arrête pas. Tenez, La femme qui est dans la chambre avec votre Père... elle cherche son mari qui est chez sa maîtresse et moi je le couvre depuis 6 mois. Du coup, j'ai l'air d'un con et elle me prend pour un débile. Alors chacun ses emmerdes et les moutons seront bien gardés.

LISA
Vraiment... vraiment... comme voisin, vous n'êtes pas serviable.

ÉTIENNE
Et ben, allez-vous plaindre au syndic.

A CE MOMENT ADRIEN ET PIERRETTE REVIENNENT.

ADRIEN Alors, qui avait raison ?

PIERRETTE

Désolé, mais personne ne m’avait prévenue. Étienne, c’est super ce qui t’arrive, je suis vraiment contente pour vous deux !

ADRIEN

Dis “petit” ! Pierrette : c’est une amie de la famille et c’est la dernière prévenue. Remarquez, moi en deux ans, pas une visite à Montauban.

PIERRETTE

Et Bernard, qui avait peur que tu te suicides, et qui mettait un point d'honneur à venir te voir tous les vendredis !

ETIENNE
Ah ça, quelle fidélité ce Bernard !

PIERRETTE

T'es vraiment un cachottier toi ! Bon, elle est où est la maman que je l’embrasse ?

27

ETIENNE
Et ben elle est... elle est...

ADRIEN
... Elle est devant vous ! Elle est là.

PIERRETTE Mais où ça ?

ADRIEN LÀ ! (Il montre Lisa)

PIERRETTE C'est pas elle !

ADRIEN Ah si... c’est ma fille...

PIERRETTE
Votre fille... d'accord... mais pas SA femme !

LISA
Pierrette... on va vous expliquer... vous allez voir que c’est très simple !

PIERRETTE Ça n'a pas l'air...

ADRIEN ET PIERRETTE LES REGARDENT ET ATTENDENT.

LISA
Papa, tu vas voir, c'est très simple.

ADRIEN (SE TENANT SOUDAIN LE COEUR)

J'espère. Vous m'expliquez et après je vais me reposer. Parce que, j'ai vraiment le cœur qui commence à jouer des castagnettes.

ÉTIENNE REMARQUE QU’ADRIEN VACILLE. IL SE TIENT LE CŒUR.

ÉTIENNE (AFFOLE)
Pitié : Allez vous reposer, il ne faut pas mourir... ou alors pas chez moi.

ADRIEN
C'est rien, je vis un moment palpitant, alors je palpite !

28

PIERRETTE
Étienne, réponds : ta femme est revenue ?

LISA
Non, c’est moi sa femme.

PIERRETTE Depuis quand ?

LISA Deux ans !

PIERRETTE Ah bon ?

LISA
En fait : Étienne et moi, on se croisait souvent dans l’escalier.

ÉTIENNE

Et puis un jour... à force de se croiser... on a compris qu'on était fait pour être ensemble !

PIERRETTE
Ah d'accord ! Et c’est pour ça que ta femme t’a quittée...

ÉTIENNE V oilà...

LISA

Mais Étienne est superstitieux. Pour vivre heureux, vivons cachés. (jouant) Hein mon chéri ?

PIERRETTE `
Ça se tient ! Au fond, tout ça, c'est qu'une banale histoire de cul.

ADRIEN

Comment ça ! Une banale histoire de cul ! Vous avez quand même fait un enfant à ma fille entre deux étages !

LISA J’étais d’accord !

ADRIEN
Encore heureux. Et donc, ta femme t'as quitté à cause du bébé ?

29

ÉTIENNE Voilà, aussi !

PIERRETTE
Mais alors pourquoi faire croire que t'es malheureux ?

ÉTIENNE
Et ben... parce que... La dépression attire l'affection !

PIERRETTE
“Dépression, affection”... ça se tient. On en parlait justement hier sur le

canapé avec Samuel. (Elle a trop parlé) ETIENNE

Attends ! Qu'est-ce que tu viens de dire, là ?

PIERRETTE (MAL) Samuel ?

ETIENNE

Et Canapé ? Pierrette ! Explique-moi : quel rapport tu as eu hier avec Samuel sur le canapé ?

PIERRETTE
Ah mais, c'est pas du tout ce que tu crois...

ÉTIENNE Vous faisiez quoi ?

PIERRETTE

Une thérapie ! Depuis quelques temps, je n'allais pas bien mais alors pas bien du tout...

ÉTIENNE : Et t'es allée voir Samuel ?

PIERRETTE

Quelquefois pour être heureuse, on ne peut pas toujours se contenter de changer de machine à laver. Pas vrai Adrien ?

ADRIEN :
Vous savez moi je suis "Chasse et Pêche"... pas "Psychologie magasine".

30

ÉTIENNE Bernard est au courant ?

PIERRETTE :
Surtout pas ! (Se reprenant) Et je préfère aussi que ça reste entre nous.

LISA D'accord !

ÉTIENNE D'accord !

ADRIEN :
D'accord ! En plus, je m’en fous complétement...

PIERRETTE

Bon, ben moi je vais nous faire un bon café ! Je m'inquiète, il est passé où Bernard ?

ELLE SORT. ON SONNE À LA PORTE.

LISA
Va ouvrir “mon trésor” !

ÉTIENNE J’y vais... mon amour.

ADRIEN (SOUS LE CHARME) Mais quel beau couple...

ÉTIENNE OUVRE. BERNARD ENTRE ET SE RUE SUR LUI DE DOS. IL NE VOIT PERSONNE SAUF... ÉTIENNE. IL EST AFFOLE. IL VOIT ADRIEN ET LISA.

BERNARD :

Bonjour ! (À Étienne) Étienne, c'est la cata. Le réveil n'a pas sonné ! C’est la première fois que je “découche”... tu te rends compte. QUE JE DÉCOUCHE ! (à Adrien et Lisa) Messieurs Dames...

ÉTIENNE LUI FAIT SIGNE DE SE RETOURNER. BERNARD AFFOLÉ VOIT PIERRETTE QUI EST REVENUE AVEC UNE CAFETIERE.

BERNARD PIERRETTE ?

31

PIERRETTE
Bernard enfin, je te retrouve... Mais tu viens de dire quoi, là ?

BERNARD (MAL)

Moi ?

PIERRETTE
Le dernier mot, c’était quoi ?

BERNARD (MAL) Découche !

PIERRETTE Des couches ?

ÉTIENNE (SAUVANT LA SITUATION)

Hé oui Bernard ! Les couches ! Les couches de la pharmacie... de la pharmacie de garde que tu as cherchée toute la nuit. Et Monsieur se retrouve coincé sur le périph et il revient les mains vides... sans des couches.

BERNARD (PERDU) Oui... c'est ça.

PIERRETTE (ATTENDRIE)

C'est pour ça : tu as découché, à cause des couches ? Enfin, Étienne pourquoi tu ne m'as rien dit...

BERNARD (FAUX CUL)
Ben oui, Étienne, pourquoi tu ne lui as pas dit ?

ETIENNE

Ça m'était complétement sorti de la tête. Il faut dire qu’avec tous ces événements. J'avoue que depuis hier soir, je suis un peu dépassé.

PIERRETTE

Je te comprends ! Bon, Bernard : il va faire comment le bébé ? Tu y penses un peu à ce bébé ?

BERNARD (STUPEFAIT) Ah bon ? Tu es au courant pour le bébé ??

PIERRETTE
Mais mon chéri, on est tous au courant, pour qui tu nous prends ?

BERNARD SE TOURNE VERS ÉTIENNE, ADRIEN ET LISA.

32

BERNARD Tous ? Vous aussi ?

ADRIEN ET LISA FONT OUI DE LA TETE.

BERNARD (COUPABLE)

Pierrette... tu... enfin comment dire... tu sais, je voulais tout te dire, t’en parler et pas que tu l’apprennes comme ça ! Je te demande pardon !

PIERRETTE (TENDREMENT)

C'est pas grave ! Mais tu aurais pu me prévenir parce que je me suis inquiétée toute la nuit pour rien. Allez oublions ! Bon, les couches, c’est une affaire de femme. Laissez-moi faire, je reviens !

PIERRETTE PREND SON MANTEAU ET SORT.

LISA
Bon, je vais me reposer ! Parce que là, j'en peux plus...

ADRIEN

Moi aussi je vais mettre la viande dans le torchon : Dans mon cas, la solution c’est le roupillon ! Pour se reposer, c'est où ?

ÉTIENNE

Au fond du couloir, il y a une chambre d'amis... mais vous pouvez y aller quand même !

ADRIEN Merci !

LISA VA DANS LA CHAMBRE. ADRIEN VA VERS LA CHAMBRE D’AMIS.

BERNARD
Là, il faut qu'on m'explique... Mais comment Pierrette a su pour le bébé...

ÉTIENNE
Bernard, la situation est très compliquée !

BERNARD

Cette femme m'épate. Elle est formidable ! T'as vu cette tolérance à mon égard.

ÉTIENNE (INTRIGUEE) Mais toi, comment tu sais pour ce bébé ?

33

BERNARD
Moi c’est normal : je suis le père !

ÉTIENNE QUOI ! C’est toi ?

BERNARD
Bien sûr qui veux-tu que ce soit ?

ÉTIENNE
Je croyais que tu passais tes vendredis à manger des gambas...

BERNARD
Ben oui ! Je ne vois pas le rapport ?

ÉTIENNE

Je ne savais pas que Monsieur se faisait aussi des Tapas chez la voisine du dessus !

BERNARD (INQUIET) T'es sûr que ça va toi ?

ÉTIENNE

Non, ça ne va pas, mais alors pas du tout. Bon, cette fille, je m'en fous. D'accord, elle est très jolie mais elle ne m'intéresse pas du tout, en plus, c'est pas mon genre. N'empêche, c'est chez moi qu'elle vient accoucher alors que toi, on ne sait même pas où t'étais passé... Alors comme je te l'ai déjà dit cette fille, je m'en fous...

BERNARD ...Et elle ne t’intéresse pas !

ETIENNE
C'est ça, mais tu vas me faire le plaisir d'assumer ta paternité.

BERNARD Avec Daisy ?

ÉTIENNE Non, avec Lisa !

BERNARD (PERDU) C'est qui Lisa ?

34

ÉTIENNE La voisine du dessus !

BERNARD

Mais de quoi tu me parles, je ne la connais, moi, pas ta voisine du dessus... moi, j'ai fait un bébé à Daisy !

ÉTIENNE C'est pas vrai !

BERNARD

Si ! Samuel est au courant, mais comme je sais que toi t'as un côté moraliste, j'avais peur de t'en parler. Le plus barge c'est que Pierrette soit au courant. Quelle femme !

ÉTIENNE

Mais elle ne sait rien ! Rien du tout ! Tu te trompes de bébé... Alors quand elle revient, tu prends tes couches et tes claques et vous dégagez.

ADRIEN REVIENT EN CALEÇON ET UN MARCEL DE TREILLIS. IL PREND UNE BROSSE À DENTS DANS SON SAC.

ADRIEN
Non, il laisse les couches ici. On en a besoin pour le bébé...

BERNARD Quel bébé ?

ADRIEN Le sien !

BERNARD Un enfant, toi ? Avec qui ?

ADRIEN Avec ma fille !

ÉTIENNE Compliqué... très compliqué.

ADRIEN
Une vraie réussite, tout le portrait de son grand-père.

35

ADRIEN SORT.

ETIENNE
Pierrette, elle est au courant pour mon enfant, pas le tien !

BERNARD Oh là la, le merdier !

ÉTIENNE
C'est un bon résumé de la situation.

ADRIEN :

Mon gendre, je vais faire une sieste. Quand le petit se réveille, vous venez me prévenir ! Que j’en profite un peu avant de repartir...

ÉTIENNE OK « Papounet » !

BERNARD (ATTERRE) Il sort d’où lui ?

ÉTIENNE De Montauban.

BERNARD Il a l'air à l'Ouest ?

ETIENNE Non du Sud-Ouest !

BERNARD
J'avoue que je suis un peu largué...

ÉTIENNE : Franchement... Moi aussi...

BERNARD LE REGARDE ET PREND SOUDAIN UN AIR COMPLICE.

BERNARD
Et ce bébé... il vient d'où ?

ÉTIENNE Du dessus...

36

BERNARD

Sacré Étienne. Alors, pendant qu’avec Samuel on s'inquiétait pour toi, Monsieur se tapait la jolie voisine !

ÉTIENNE :
Mais non, cette fille, je ne la connais pas, juste bonjour bonsoir.

BERNARD
C’est ça, bonjour bonsoir, et hop hop un couffin !

ÉTIENNE :
Enfin ! Cet enfant n’est pas de moi...

BERNARD : C’est vrai ?

ÉTIENNE Juré !

BERNARD

Alors Bravo ! Reconnaître l’enfant d’un autre... là je dis “Chapeau Étienne”. Moi je ne pourrais pas. Déjà que j’ai du mal à reconnaître les miens...

ÉTIENNE
C’est pas par amour que je fais ça... cette fille c'est pas... c'est pas !

BERNARD C'est passionnel...

ÉTIENNE

... Pas mon genre ! Elle a débarqué hier soir et elle a accouché chez moi. Ce matin, son père débarque et il me prend pour son gendre.

BERNARD Dis-lui la vérité !

ÉTIENNE

Je ne peux pas ! C'est un malade mental. Il a un club de chasseurs derrière lui, et il va me tirer comme un lapin... Poum Poum ! Il faut m’aider.

BERNARD

Toi aussi ! Depuis qu’elle a son bébé, Daisy a pété un câble. Elle veut que je quitte Pierrette pour aller vivre avec elle. Je vis un enfer...

37

ÉTIENNE Va vivre avec Daisy...

BERNARD
Mais j’aime Pierrette et je ne veux pas la quitter !

ÉTIENNE
Une seule solution : la bigamie.

BERNARD

Moi j'aimerais bien, mais si j'en parle à Pierrette elle risque de mal le prendre. Elle pourrait même péter les plombs...

ETIENNE
Et aussi péter ta gueule !!!

LE PORTABLE DE BERNARD SE MET À SONNER. BERNARD

C'est Daisy. (Ton mielleux) Non ma chérie je n’ai encore rien dit. Comment ? Non je t’interdis ! Tu te calmes et tu ne bouges pas. Et surtout tu ne laisses pas la petite toute seule... j'arrive.

BERNARD RACCROCHE.

BERNARD
Elle veut aller tout dire à Pierrette !

ÉTIENNE
C'est bien ! Ça va éclaircir la situation !

BERNARD

Pas du tout, c'est la cata. Bon, je file chez Daisy. Quand Pierrette revient, tu me la renvoies à la maison. D’accord ?

ÉTIENNE D'accord !

BERNARD OUVRE LA PORTE POUR SORTIR. IL CROISE SAMUEL QUI ENTRE. IL EST MAL.

SAMUEL
Salut ! J’ai apporté des chouquettes. Au fait, Bernard, faut con... faut con...

38

BERNARD

Plus tard les "faut con" ! J’ai pas le temps de t'expliquer, Étienne va tout te dire.

BERNARD SORT.

SAMUEL C'est quoi le problème ?

ÉTIENNE
Bernard a fait un enfant à Daisy !

SAMUEL

Ah c'est que ça ? Je le savais déjà ! Dis, j’ai croisé Pierrette qui se gare et elle m’a dit qu’elle venait d’acheter des couches pour le bébé ! Je crois qu'elle sait tout aussi...

ÉTIENNE

En fait, entre ce que Pierrette croit et ce qu'elle pense croire de ce qu'elle croit... et bien, elle ne voit pas du tout que ce qu'elle croit n'est pas vraiment ce qu'elle devrait croire mais que pourtant qu'elle a cru. Parce qu'en fait, tout ça c'est pas...

SAMUEL C'est pas croyable !

ETIENNE
Voilà ! C'est bon, t'as compris ?

SAMUEL

Pas du tout ! La seule chose que je vois, c'est Pierrette qui achète des couches pour l’enfant de Bernard ! Quelle grandeur d'âme...

A CE MOMENT LISA ENTRE EN PYJAMA.

LISA
Étienne, il faut que je change le bébé sinon il va pleurer ! Monsieur...

SAMUEL (ÉTONNE) Madame...

LISA Les couches sont là ?

39

ÉTIENNE
Elles sont en train de se garer !

LISA
Quand elles auront payé le parcmètre, tu me préviens ?

LISA RETOURNE DANS SA CHAMBRE.

SAMUEL
T'as raison, j’ai raté la saison 1...

ÉTIENNE
Je t'avais prévenu. Mais entre ce que tu crois et ce que tu pourrais croire...

SAMUEL

Pitié, Étienne arrête, on s'en fout de ce que je crois, et là tu me fais mal à la tête. Si je suis venu c'est que j’ai besoin de ton avis.

SAMUEL TOURNE UN MOMENT DANS LA PIÈCE SANS OSER PARLER.

ÉTIENNE
Bon accouche ! Enfin, vas-y.

SAMUEL C’est... pas facile à dire.

LISA ENTRE AFFOLÉE.

LISA :
Étienne... le bébé... il bave en dormant.

ÉTIENNE
C’est rien, il doit rêver d’escargots !

LISA Ça m’inquiète...

ÉTIENNE
Bon, Samuel, tu ne bouges pas... je reviens.

ÉTIENNE SUIT LISA DANS LA CHAMBRE.

40

SAMUEL (SE PARLE A LUI MEME)

Que fait l’enfant de Bernard chez Étienne ? On ne me dit jamais rien à moi... Bon Samuel, c'est pas grave, concentre toi sur ton gros problème ! Parce que tu as un gros problème ! Tu as un aveu difficile à faire à Étienne et tu dois trouver les mots justes sinon tu vas te barrer en vrille. Le tout c'est d'être précis et Lacanien. Allez, je me lance : ”Étienne" Oh c'est bien ça pour un début. Je reprends : Étienne aide moi, et laisse-moi parler ! Je dois dire à Bernard que je suis l’amant de sa femme depuis trois mois ! J’aime Pierrette et tu ne peux pas savoir comme on est amoureux tous les deux ! (Enflammé) Ah là la... Pierrette, c’est le feu sous la braise, quand on est tous les deux sur le canapé : c’est plus un canapé c’est un hors-bord ! (Il se calme) Bon, ce n'est pas très Lacanien... mais c'est très précis. J'avoue même que j'ai été plutôt bon sur ce coup là... sauf qu'Étienne, il n'est pas là.

ÉTIENNE REVIENT.

ÉTIENNE

C'est rien, on nous a donné un bébé baveux. C'était en option ! Alors c’est quoi le problème ?

SAMUEL Ben... je...je...

ÉTIENNE Tu...tu... Quoi ?

SAMUEL
Je dois parler avec Bernard.

ÉTIENNE

Déjà, tu ne dis rien à Pierrette pour l’enfant de Bernard... elle ne sait rien. Bon, tu veux me dire quoi ?

SAMUEL
C'est au sujet de Pierrette. Enfin, comment te dire, elle et moi, le canapé !

ÉTIENNE
Ah c’est pour ça... Rassure toi, je sais tout.

SAMUEL Ah bon ?

ETIENNE
Pierrette m'a tout dit pour vous deux.

41

SAMUEL C'est vrai ? Quand ça ?

ÉTIENNE
Tout à l’heure. Franchement, il n’y a “aucun” problème !

SAMUEL
Ouf, je suis rassuré, tu ne peux pas savoir ! Vraiment, c'est pas choquant ?

ÉTIENNE

Pas du tout ! Même je vais te dire : Je la comprends. La vie avec Bernard, c'est pas rigolo tous les jours.

SAMUEL Intenable même.

ÉTIENNE
Par chance, tu étais là, et avec toi, elle va aller beaucoup mieux.

SAMUEL (ADMIRATIF)
C’est vrai, et puis elle a de la ressource Pierrette.

ÉTIENNE

Fallait pas t'angoisser pour ça. C'est rien... mais même je crois qu'au fond, tu leur as rendu service !

SAMUEL

C'est ça ! J'étais mal à l'aise. Mais tu sais, j’ai rien dit au sujet de Bernard et de Daisy, et du bébé... une tombe.

ÉTIENNE Normal, c’est leurs affaires.

SAMUEL Tout à fait !

ÉTIENNE
Et puis pour toi c’est une question de déontologie.

SAMUEL
Et d’amitié. J'aime beaucoup Bernard.

ÉTIENNE :
Mais je sais idiot ! On s’engueule mais on s’aime !

42

SAMUEL
Dis Étienne, comment il va réagir quand je vais lui dire pour Pierrette et moi ?

ÉTIENNE :
Mais bien ! Si tu as fait ça, c’est pour le bien de sa femme !

SAMUEL
D'accord ! Mais imagine qu'il me frappe ?

ÉTIENNE

Mais non ! Et puis si ça n'avait pas été avec toi, ça aurait été avec quelqu’un d’autre.

SAMUEL
Ah non, c’est moi qu'elle a voulu !

ÉTIENNE
Il va te remercier d'avoir fait ce que tu as fait, j'en suis sûr.

SAMUEL
Non, je pense qu'il va vraiment me massacrer !

ÉTIENNE
Mais enfin, les femmes d’amis sont des femmes comme les autres.

SAMUEL

Hé oui ! Mais quand même : dire à Bernard que je me tape sa femme depuis trois mois et qu’elle a décidé de le quitter pour vivre avec moi ! C’est pas facile à dire...

ÉTIENNE QUOI ?

SAMUEL

Alors cette nuit, j’ai rompu avec Fatima et de son côté, Pierrette va annoncer à Bernard qu’elle veut divorcer.

ÉTIENNE (ÉBAHI)
C’est pas possible ? T'as pas pu faire ça, pas avec Pierrette, pas toi !

SAMUEL
Mais on en parle depuis trois minutes !

43

ÉTIENNE
Mais je parlais de vous deux sur le canapé !

SAMUEL

Mais moi aussi. On a toujours fait ça sur le canapé ! Parce que, jamais, jamais on a fait ça chez Bernard. Ah non ! Respect !!

ÉTIENNE :
Quand tu m’as parlé de Pierrette et toi, moi je croyais...

SAMUEL

... Que je n'allais pas assumer. Et bien détrompe-toi, A la fin du SHABBAT, je dis tout à ma mère ! J'assume...

ÉTIENNE
Pitié, assume, mais en secret.

SAMUEL
Impossible, Pierrette et moi on veut faire le tour du monde en voilier.

ÉTIENNE Mais tu as le mal de mer...

SAMUEL
Pierrette a promis de me tenir la main.

ÉTIENNE
Enfin ! Mais tu as pensé aux enfants ?

SAMUEL
On va attendre un peu avant d’en faire un !

ÉTIENNE
Mais non, je parle des enfants de Pierrette et de Bernard !!

SAMUEL

AH... pas de problème. Il pourra les voir quand il voudra. Bernard sera chez nous comme chez lui.

A CE MOMENT PIERRETTE REVIENT AVEC LES COUCHES.

PIERRETTE Me revoilà !

ELLE VOIT SAMUEL ET PARAIT GÊNÉE. ÉTIENNE PREND LES COUCHES.

44

ÉTIENNE Merci Pierrette !

SAMUEL Il sait tout !

PIERRETTE Tout ? Tout ?

ÉTIENNE Toutou !

PIERRETTE
Très bien ! Bon, dès que Bernard arrive, on lui dit.

ÉTIENNE

Pas question ! Tes problèmes de foyer tu les règles dans ton foyer ! En plus, il m’a dit qu’il retournait directement chez toi et que tu devais le rejoindre.

PIERRETTE
Viens Samuel, on va chez moi tout dire à Bernard !

SAMUEL (PEUREUX)
J’aurai bien besoin d’un bon café fort avant de partir moi !

PIERRETTE
Le café, je vais aller en refaire... Mon lapinou !

PIERRETTE VA À LA CUISINE.

ETIENNE Lapinou ?

SAMUEL (SOUS LE CHARME) "Lapinou", c'est pas casher mais j'aime bien.

ÉTIENNE
Comment t'as pu faire ça à Bernard !

SAMUEL

C’est pas ma faute ! Elle est venue me voir pour une psychothérapie. Pierrette voulait se guérir de sa jalousie maladive... elle croit toujours que Bernard la trompe.

45

ÉTIENNE
Elle est pas jalouse, elle est réaliste !

SAMUEL
Mais ça je ne pouvais pas lui dire : je ne trahirai jamais un ami de trente ans !

ÉTIENNE
Tu as quand même un sens très personnel de l'amitié.

SAMUEL

Alors j’ai commencé avec elle une fausse thérapie puisqu’elle n’était pas vraiment malade. Alors elle a fini par s'allonger sur le canapé...

ÉTIENNE Et toi aussi ?

SAMUEL En gros, c’est ça.

ÉTIENNE Et Fatima ?

SAMUEL

On a rompu ! En plus, elle est tombée amoureuse d’un Bouddhiste ! Ils vont vivre ensemble et elle va l’aider à reconquérir le Tibet

ÉTIENNE Vaste programme...

ÉTIENNE PREND LES COUCHES.

SAMUEL Il est sage ton bébé...

ÉTIENNE
Mais ce n’est pas mon bébé, comment de fois je vais devoir le répéter !

SAMUEL

C'est bon c'est bon, chacun ses névroses ! Je vais voir si Pierrette a bien dosé le café. Je sens que je vais me faire toute la cafetière, moi.

SAMUEL REJOINT PIERRETTE DANS LA CUISINE. LISA ENTRE.

LISA Ça va ?

46

ÉTIENNE
Il est sympa le bébé : il bave mais il ne pleure pas !

LISA Il tient de moi...

ÉTIENNE
Vous aussi vous en avez bavé ?

LISA

Quand je vous croisais dans l'escalier, je me disais : quel tristounet ce type, à mon avis il doit bosser aux pompes funèbres. Et puis là... vous êtes drôle au fond.

ÉTIENNE
Et moi je vous trouvais distante, hautaine, toujours avec des lunettes noires...

LISA
Les lunettes, c'est la conjonctivite. Pour un oui pour un non je gonfle.

ÉTIENNE
Ah ça oui... enfin je veux dire... c'est ennuyeux les allergies.

LISA
Je peux vous faire un aveu ?

ÉTIENNE Au point où on en est ?

LISA
Votre femme et vous, vous n'étiez pas fait pour être ensemble. C'était voyant.

ÉTIENNE (LE PRENANT MAL) Ah mais pas du tout... on était un couple super !

LISA

Si ça avait été aussi super, comme vous dites, elle serait toujours là. Et si vous voulez ma façon de penser...

ÉTIENNE

Non, franchement... c'est bon ! Et si vous me trouvez aussi repoussant, vous prenez votre bébé et vous vous démerdez.

47

LISA
Arrêtez un peu, j'ai pas dit ça ! Mais que vous êtes susceptible...

ÉTIENNE Et vous ?

LISA Quoi moi ?

ÉTIENNE

Vous vous êtes regardée niveaux mecs ? Tous ceux que j'ai vu défiler en 3 ans ils étaient aussi nazes les uns que les autres. Entre le "grand lévrier à bretelles" et le " gros Pittbul survitaminé"... vous draguez dans les chenils ou quoi ?

LISA
C'était juste des relations...

ÉTIENNE (PIQUANT) ... Sexuelles...

LISA
... Amicales ! Juste amicales !!

ÉTIENNE
C'est ça ! Et dans votre appart, vous faisiez quoi ? Des soirées pyjamas ?

LISA
Contrairement à ce que vous pensez : je ne suis pas une fille facile !

ÉTIENNE
Ah ça non, vous êtes même très compliquée... très très compliquée...

LISA
Non, je suis juste une fille complexe !

ETIENNE C'est ce que je dis...

LISA

Pas du tout ! Une fille compliquée on la fuit, alors qu'une fille complexe... on craque et on tombe amoureux ! Enfin, quelques fois... mais bon, je ne vous permets pas de vous mêler de ma vie privée !

48

ÉTIENNE

Fichu caractère ! Pas étonnant, qu'on se casse à l'autre bout du pays pour ne plus vous avoir sur le dos.

LISA (BLESSEE)
Vous... vous pensez vraiment ce que vous dites ?

ÉTIENNE (MENTANT) Totalement !

LISA
C'est pas cool, ça ! Pas cool du tout...

D'UN SEUL COUP LISA A LES LARMES AUX YEUX.

ÉTIENNE (CULPABILISANT)

Attendez ! Désolé, Lisa, là j'ai dit n'importe quoi... Je ne le pensais pas du tout... je ne voulais pas vous faire pleurer.

LISA (MENTANT)

Vous ? Me faire pleurer ? Vous plaisantez, c'est le baby blues ! Parce que le mec qui me fera pleurer et ben, il n'est pas encore né.

ETIENNE

Je suis stupide. En fait, vous êtes très séduisante et je vous avais souvent remarquée dans l'ascenseur. Mais je suis un peu timide et j'ai jamais osé vous aborder...

LISA

Bon, de mon côté, je m'excuse aussi, je pars au quart de tour. (avec humour) Mais j'ai bien vu dans le hall que je ne vous déplaisais pas. Et de mon côté je vous avoue que...

ETIENNE Que ?

LISA HESITE. A CE MOMENT ON SONNE D’UNE MANIÈRE CONTINUE.

LISA Que... on a sonné !

ÉTIENNE Zut ! C'est ouvert !!!

BERNARD ENTRE AFFOLÉ. IL PORTE UN COUFFIN AVEC UN BÉBÉ QUI DORT.

49

BERNARD (PANIQUE)

C’est toujours la cata ! Je n'ai pas réussi à calmer Daisy. Cette fille est une furie, elle a tout cassé dans l'appart et elle m’a volé les clefs de la voiture. Tu te rends compte, elle est allée chez moi pour tout dire à Pierrette !

ÉTIENNE
Chut ! Bernard : Pierrette n’est pas chez toi.

BERNARD Je suis foutu...

ETIENNE C’est quoi ça ?

BERNARD
C’est mon bébé... (Soudain baba) Elle est mimi hein ?

ÉTIENNE
Mais t’es fou de l’amener ici !

BERNARD

J’allais pas la laisser toute seule quand même. En plus, j’ai un rhumatisme, et je souffre comme tu ne peux pas savoir. Tiens...

BERNARD LUI MET DE FORCE LE COUFFIN DANS LES BRAS.

ÉTIENNE
Ah non ! Les bébés, c’est pas mon truc, en plus, j’ai peur de les abîmer.

LISA (A ÉTIENNE)
Vous avez raison Étienne, vos amis ne sont pas de tout repos.

ELLE S’APPROCHE DU BÉBÉ ET LA REGARDE DORMIR.

LISA Comment elle s’appelle ?

BERNARD Alexia !

LISA Elle est jolie.

BERNARD (FIER) Normal, c'est tout moi !

50

LISA
Moi le mien, je vais l’appeler “Jules”.

BERNARD (ATTENDRI)
C’est joli Jules. Vous avez choisi le prénom tous les deux ?

ÉTIENNE
Bernard, Lisa et moi on ne se connaît pas.

BERNARD Ok Ok !

ETIENNE
Bon, tu prends “Cosette” sous ton bras et au revoir Bernard.

BERNARD Je ne peux pas...

ÉTIENNE Pourquoi ?

BERNARD (ENNUYE) Je ne sais pas où aller !

ÉTIENNE Rentre chez toi...

BERNARD
Avec le bébé ? T'es con ou quoi ?

ÉTIENNE (INSISTANT) Ne reste pas ici... tu ne peux pas !

BERNARD
Ah bravo les potes ! Au premier coup dur, il n’y a plus personne...

LISA

Bernard, je n’ai pas bien compris toutes les subtilités de votre situation de famille, mais si vous restez ici... vous allez avoir une grosse surprise.

LISA PREND LE BEBE DES BRAS DE ÉTIENNE ET MET LE COUFFIN SUR LE CANAPE.

ÉTIENNE
Elle a raison ! Pitié barre toi.

51

SAMUEL (OFF)
Étienne, tu veux du lait avec ton café ?

ÉTIENNE Non merci...

BERNARD
Moi si ! Et avec deux sucres... c'est sympa Samuel !

ON ENTEND LA CAFETIÈRE QUI TOMBE. PUIS PLUS AUCUN BRUIT DE LA CUISINE.

BERNARD (SUITE)
Samuel est là. Il va m’aider... lui. C’est un ami de confiance... Lui !

ÉTIENNE
Rentre chez toi ! Dernier avertissement !

LISA
Faites ce qu’il dit, conseil de femme !

BERNARD
Non ! Je vais mettre le bébé dans la chambre et attendre Pierrette !

BERNARD POSE LE COUFFIN SUR LE CANAPE.

ÉTIENNE Elle ne va pas revenir.

BERNARD Pourquoi ?

ÉTIENNE Parce qu'elle est déjà là !

BERNARD QUOI ?

PIERRETTE ET SAMUEL ENTRENT AVEC UNE THEIERE ET UNE TASSE

LISA (STOÏQUE) Trop tard !

ILS SE POUSSENT L’UN ET L’AUTRE POUR SE DONNER DU COURAGE. GÊNE GÉNÉRALE.

52

PIERRETTE Bernard, tu es revenu ?

BERNARD
Ben oui ! Et toi tu n'es pas partie ?

PIERRETTE : Ben non !

SAMUEL Je t’ai fait un « Voluto ».

SAMUEL RESTE AU MILIEU DE LA PIÈCE AVEC LE PLATEAU. IL EST TERRORISÉ. PIERRETTE VOIT LE COUFFIN ET EN PROFITE POUR FAIRE UNE DIVERSION.

PIERRETTE
Ah, enfin, il est réveillé le petit trésor. Lisa comment vous allez l’appeler ?

LISA “Jules” !

PIERRETTE Comme c'est mignon !

PIERRETTE S’APPROCHE DU COUFFIN MAIS BERNARD LUI BARRE LE PASSAGE JUSTE AU MOMENT OU ELLE VA VOIR LE BEBE.

BERNARD
C’est pas tout ça mais on va rentrer, nous. Tu viens Pierrette ?

PIERRETTE

Attends ! Bernard il faut que je te dise quelque chose... enfin qu’on te dise quelque chose avec Samuel.

ÉTIENNE Ça ne peut pas attendre ?

PIERRETTE
Non ! (Elle hésite)... Je... Je... Samuel parle lui.

SAMUEL Moi ?

PIERRETTE Oui toi !

53

BERNARD Parle Samuel...

LISA Courage !

SAMUEL
Tu... tu préfères un « Ristreto » ?

BERNARD Vite on est pressés !

SAMUEL (BREDOUILLANT)
Je... enfin nous...Toi ! Putain, c’est dur ! Pierrette... Pierrette.

SOUDAIN PIERRETTE VOIT LE BEBE.

PIERRETTE (SURPRISE)
Tiens ! C'est curieux ! Le bébé... c’est pas le même que tout à l’heure.

MOMENT DE GÊNE DE TOUT LE GROUPE.

BERNARD Ah bon ?

ÉTIENNE Mais si ! Mais si !

PIERRETTE :
Mais non ! Mais non ! Vous voyez bien que ce bébé est... il est noir !

ETIENNE (FAUX CUL) T'es sûre ?

PIERRETTE Certaine ! Venez voir...

BERNARD (FAUX CUL) Montre... Bof ! T'en penses quoi Étienne ?

ETIENNE VA DERRIERE LE CANAPE ET REGARDE.

ETIENNE
Alors là Pierrette, tu chipotes...

54

BERNARD
Et puis blanc, noir, ou jaune... un bébé c'est un bébé !

ETIENNE
Mais oui ! Sauf s'il est bleu, là, c'est un Schtroumpfs ! Samuel, vient voir.

SAMUEL LES REJOINT, MAL A L'AISE.

SAMUEL C'est vrai qu'il est noir !

PIERRETTE
Ah merci ! Lisa, vous ne trouvez pas ça inquiétant ?

LISA

Non ! En fait, le fait qu'il soit comme ça... c’est... c’est normal ! Il... il ... il a...

PIERRETTE Il a quoi ?

LISA ... une allergie.

PIERRETTE Et avec l'allergie, il noircit ?

LISA
C’est pas courant mais ça arrive...

PIERRETTE
Bon : Il faut arrêter de me prendre pour une quiche ! Qui est ce bébé ?

LISA
Bon, Étienne je capitule...

LISA PREND LE SAC DE COUCHES ET VA VERS DANS LA CHAMBRE.

ÉTIENNE Où tu vas ?

LISA
Relire Françoise Dolto...

LISA SORT.

55

PIERRETTE
Bon, j'exige une explication... alors ?

SAMUEL
Je ne sais pas vous mais moi je ne me sens pas bien...

BERNARD Moi non plus.

SAMUEL
Je crois que je vais rentrer !

BERNARD Moi aussi...

LES DEUX VONT VERS LA PORTE DE SORTIE.

ÉTIENNE
Non, personne ne bouge ! Ok Pierrette, on va tout t'expliquer ! D'accord ?

TOUS D'accord !

ÉTIENNE
Mais je vous demanderai de ne pas hurler car 2 bébés dorment dans la maison.

TOUS (CHUCHOTANT) D’accord !

ÉTIENNE
Pierrette, tu as raison : cet enfant de couleur n’est pas à moi il est de ...

(montrant Bernard)... de ? BERNARD (MAL)

...de...de... deDaisy!

PIERRETTE (ÉTONNEE) Daisy ? C’est qui cette Daisy, Bernard ?

BERNARD Ben... C’est... C’est...

PIERRETTE C'est ?

56

BERNARD C’est... pas facile à dire !

ÉTIENNE
Je vais t'aider : Daisy, c'est une hôtesse de l’air qui fait escale à Paris.

SAMUEL Tous les “Vendredi” !

PIERRETTE
Et alors, en quoi ça me concerne, le planning d’une hôtesse de l’air ?

ÉTIENNE
Bernard... Daisy elle est ta ? Elle est ta ? Elle est ta ?

BERNARD

Ben elle est... elle est... (S’exclamant) Elle est Africaine ! C’est ça ! (Se justifiant) Voilà c'est ça ! Ce qui explique pour la couleur. Allez Pierrette, maintenant que tu sais tout, on rentre à la maison.

PIERRETTE
Mais enfin Bernard, cette enfant, c'est qui le père ?

ETIENNE Bonne question, Bernard ?

BERNARD

Ah non il faut arrêter un peu, pas toujours moi ! (Se reprenant) Et bien, en fait... il est de... il est de...

ÉTIENNE Il est de ?

PIERRETTE De qui ?

BERNARD
Il est de ... de... DE SAMUEL !

Quoi ?

SAMUEL (CRACHANT LE CACHET)

BERNARD (LUMINEUX)

Et comme il ne pouvait pas aller à l’aéroport à cause de sa mère, j'y suis allé pour lui. C'est ça l'amitié ! Ce qui explique mon retard pour les couches !

57

SAMUEL (AFFOLE) C’est faux mais c’est faux...

PIERRETTE (COLERE) Tu as osé faire ça ? Toi ?

SAMUEL
Pas du tout ! C'est une méprise ! Attends... je vais tout te dire !

PIERRETTE
Ah tu cachais bien ton jeu, espèce de gros enfoiré !

PIERRETTE GIFLE SAMUEL. ELLE SORT. BERNARD

Mais attends-moi mon amour... (aux autres) Mais pourquoi elle a fait ça ? IL SORT... NOIR.

58

ACTE 3

UN MOMENT PLUS TARD. SAMUEL EST ASSIS SUR LE CANAPE. IL SAIGNE DU NEZ. CE QUI LUI DONNE UNE DICTION NASALE CURIEUSE...LISA EST AVEC UNE TROUSSE DE SECOURS ET LE SOIGNE. ÉTIENNE PORTE LE BEBE DE BERNARD DANS SES BRAS ET LE BERCE.

LISA
Tenez bien votre nez en arrière.

SAMUEL
J’ai mal ! Pourquoi il est allé dire à Pierrette que le bébé était de moi ?

LISA
Vous étiez le seul célibataire !

SAMUEL C’est pas une raison.

LISA
Il a eu peur des représailles...

SAMUEL Et moi donc.

ÉTIENNE (LE BEBE DANS LES BRAS)
En plus, il en a profité pour nous refiler son bébé... C'est vrai qu'elle est mimi.

LISA REGARDE ÉTIENNE AVEC TENDRESSE.

SAMUEL (SE TENANT LE NEZ AVEC SON MOUCHOIR) Moi, je vous le dis, on va vers le psychodrame et ça va très mal finir !

ÉTIENNE (CRAQUANT)

Franchement, j’en peux plus de vos histoires ! Alors Lisa : vous et Papounet, vous rentrez à Montauban... et toi tu retournes chez ta mère.

SAMUEL Je ne bouge pas.

LISA (A ETIENNE) Égoïste !

ÉTIENNE Pardon ?

59

LISA

Je dis égoïste...vous n'arrêtez pas de vous plaindre. Je vous signale que j’ai fait un bébé dans la nuit et qu’à aucun moment je ne me suis plainte. Et là, au lieu de me reposer et de m’occuper de mon bébé, je soigne les plaies de votre copain...

SAMUEL (PLAINTIF)

Merci !

LISA De rien...

JULES PLEURE DANS LA CHAMBRE.

LISA
Mais restez pas planté là, vous voyez bien que Jules pleure.

ÉTIENNE Ça va... ça va... j'y vais.

ÉTIENNE ENTRE LA CHAMBRE AVEC DEJA UN BEBE DANS LES BRAS.

SAMUEL

Si encore je pouvais demander conseil à Maman. Je suis devant un choix cornélien ! Soit je dis la vérité et Bernard me tue...Soit c’est Pierrette qui dit la vérité et, Bernard me tue !

LISA
Rentrez chez vous et Étienne parlera à Bernard.

SAMUEL
Alors je reste ! Je veux le soutenir quand il lui parlera...

LISA
Enfin un homme courageux.

SAMUEL
Non... mais si Étienne est là, il l’empêchera de me molester.

ÉTIENNE REVIENT AVEC DEUX BEBES DANS LES BRAS.

ÉTIENNE
Ça y est... ils dorment tous les deux.

ADRIEN SORT DE LA CHAMBRE.

60

ADRIEN
C'est pas comme moi. Remarquez, c’est normal avec tous ces

chamboulements... (Il voit Samuel) Tiens un nouveau ! Ça va pas fort vous ? SAMUEL

Pierrette m’a frappé...

ADRIEN
Ah ça, quand on est un peu soupe au lait... forcément un jour ça déborde !

ADRIEN VOIT ÉTIENNE AVEC DEUX BEBES.

ADRIEN (SUITE)

Oh les "babilous" ils sont réveillés et on ne m'a rien dit ! Pourquoi il y en a deux ?

LISA
Celui-la, c’est pas le mien !

ADRIEN Il est à qui ?

ÉTIENNE Pour l’instant, à Samuel.

ADRIEN
Il n'est pas très ressemblant...

SAMUEL Normal, il est de Bernard !

ADRIEN (PERDU)

Dites, je suis fatigué d'accord, mais j'ai l'impression que c'est le gros bordel ici ! Alors le mieux ça serait qu’on me dise, qui est avec qui, une bonne fois pour toutes.

ÉTIENNE C'est pas gagné...

ADRIEN
Déjà, une chose est sûre : Étienne est avec ma fille !

LISA (PRENANT DES GANTS)
A ce propos, pour Étienne et moi, il faut qu'on te parle.

61

ÉTIENNE Au sujet du bébé !

ADRIEN J’écoute.

LISA :
C’est à dire que...Étienne n’est pas...

ÉTIENNE
Non, je ne suis pas... mais alors pas du tout.

LISA Non, il n’est pas...

ADRIEN D'accord ! Il n’est pas quoi ?

ÉTIENNE
En fait, la vérité c'est que je ne suis pas...

LISA (LE COUPANT)
... Très chaud pour que le bébé reste à Paris ! Alors on va venir à Montauban...

ETIENNE REGARDE LISA.

ADRIEN (SOUDAIN GENE)
Ah bon, oh là la, bien sûr... et vous voudriez venir quand ?

LISA
Quand le docteur donnera son feu vert. Et Étienne nous rejoindra plus tard.

ÉTIENNE
Voilà ! Beaucoup plus tard...

JULES PLEURE.

LISA :
Oh mon bébé, je crois qu'il a faim.

LISA PREND SON BEBE ET VA DANS LA CHAMBRE. ADRIEN EST AFFOLE.

ADRIEN
Étienne, il faut m'aider : C’est pas possible !

62

ÉTIENNE Pardon ?

ADRIEN
Il ne faut pas que Lisa vienne à Montauban avec moi ! Enfin pour l'instant !

ÉTIENNE

Attendez, vous vous plaignez de ne jamais voir votre fille et quand j’arrive à la convaincre d’aller chez vous... vous ne voulez plus ?

ADRIEN
Si ! Mais en ce moment, c’est pas le moment !

SAMUEL
A mon avis, il ne t’a pas tout dit...

ADRIEN
C'est vrai, j’ai fait une “cachotterie”.

SAMUEL
Bienvenue au club ! C'est quoi votre problème ?

ÉTIENNE On s'en fout...

ADRIEN
En fait, j’ai quelqu'un dans ma vie !

SAMUEL

Il a une maîtresse cachée ! Et comme il n'assume pas du tout, ça doit être la femme d’un ami ! J'ai toujours eu le pif pour ça...

ADRIEN
On s’est mariés, il y a six mois et j’ai peur de le dire à Lisa.

ÉTIENNE
Mais enfin, c’est normal de refaire sa vie, pas vrai Samuel ?

SAMUEL
Oui ! Et puis, avec la femme d’un ami, on n'a pas de surprise !

ÉTIENNE
Arrête Samuel, vous n'avez pas piqué la femme d'un ami... Hein Adrien ?

63

ADRIEN NON !

ÉTIENNE Ah, tu vois ?

ADRIEN
Il est mort avant ! Et je me suis marié avec sa veuve ! Mais après...

SAMUEL Bingo ! Le pif, je vous dis !

ADRIEN

Il m’avait fait jurer sur son lit de mort de m’occuper d’elle... Alors vous savez ce que c’est...

SAMUEL
Oh là la, oui. Le lit de mort c'est comme le canapé : idéal pour les confidences.

ADRIEN

On s’est rendu visite et je ne pensais pas à mal... enfin, au début. On parlait de lui et puis, peu à peu, on s’est mis à parler de nous. A la fin, au lieu de se raconter nos malheurs, on s’est mis à se faire du bonheur !

SAMUEL Moi, je vous comprends...

ÉTIENNE

Moi aussi ! Et puis c’est pas parce que votre ami a poussé son dernier soupir... que sa femme ne doit pas en pousser d’autres !

ADRIEN

Voilà ! Quand c'est arrivé, je n'ai pas osé en parler à ma fille et puis après, j’ai plus osé de peur qu’elle m’en veuille de ne pas avoir osé...

SAMUEL
Ah ça : Les situations simples c’est jamais simple !

ADRIEN

(à Étienne montrant Samuel) Il est bien lui ! Alors que, par contre, avec JOSÉE, j’osais...

ÉTIENNE ET SAMUEL Pardon ?

64

ADRIEN
Non, je dis que ma femme sait tout sur ma fille...

ÉTIENNE C’est bien.

ADRIEN Et avec Josée, j’osais !

ÉTIENNE ET SAMUEL Pardon ?

ADRIEN
Je dis : avec Josée j’osais !

ÉTIENNE ET SAMUEL LE REGARDENT TOTALEMENT PERDUS.

SAMUEL (A ÉTIENNE) C'est peut-être un langage codé ?

ADRIEN
Josée...ée, c’est le prénom de ma femme, Elle s’appelle JOSÉE.

ETIENNE

Ah d'accord ! Ne vous inquiétez pas, repartez à Montauban... et pour Lisa, je préparerais le terrain !

ADRIEN
Attendez, j’ai une autre cachotterie à avouer.

ÉTIENNE Ah bon, c'est pas fini ?

ADRIEN MONTRE LA PORTE DE LA CHAMBRE DU DOIGT.

ADRIEN J’ai le même modèle...

ÉTIENNE
Ah ça "LAPEYRE... ON FAIT PAS MIEUX" !

ADRIEN
Mais non pas la porte ! Le même bébé... Une fille 6 mois, 8 Kilos 2 !

ON SENT SAMUEL INTERLOQUE PAR LE POIDT.

65

SAMUEL Non ? 8 kilos...

ADRIEN

2 ! Josée est encore jeune et de mon côté je pensais que c’était impossible à cause de mon âge ! Grossière erreur.

SAMUEL 8 kilos 2...

ADRIEN
Il faut dire que j'ai toujours eu beaucoup de "Tempérament" !

ÉTIENNE
Il faut vraiment tout dire à votre fille !

SAMUEL 8 kilos 2...

ADRIEN

(à Étienne et regardant Samuel) Il est bien mais il n’est pas vif non plus ! Pas question, elle va se sentir trahie. Elle était ma fille préférée et maintenant, elles sont deux !

ÉTIENNE

Adrien enfin Papounet ! Repartez par le premier train et promis je parlerais à Lisa. A mon tour, je vais vous faire un aveu, mais promettez-moi de ne pas vous fâcher.

ADRIEN
Enfin ! Vous me connaissez...

ETIENNE Justement !

SAMUEL Je vais t’aider.

ÉTIENNE Non, toi tu te tais.

SAMUEL
C’est juste pour t'éviter un coup de fusil...

66

ÉTIENNE
Voilà, Lisa et moi c’est pas comme Bernard et Pierrette.

SAMUEL (RECTIFIANT) ...Ou Pierrette et moi.

ÉTIENNE ...Ou Daisy et Bernard.

SAMUEL ...Ou vous et Josée.

ADRIEN C’est quoi alors ?

ÉTIENNE

C’est un concours de circonstances qui ont amené à croire à une histoire qui n’est pas la bonne histoire. Parce que... entre ce que vous croyez et ce que vous avez cru croire de ce que vous avez cru...

SAMUEL
Étienne, stop ! Tu vas l'énerver !

ADRIEN (PERPLEXE)
Je ne comprends pas bien : Procédons par étape. Qui est le père de cet enfant ?

(Il désigne le bébé de Daisy).

SAMUEL
C’est Bernard et pas moi ! Il faut le dire à Pierrette !!!!

ÉTIENNE (EXCEDE) Samuel, on parle de mon bébé !

ADRIEN
Ah tu vois bien qu’il est de toi !

ÉTIENNE
Mais non, (Justifiant) J’ai fait ça pour rendre service !

ADRIEN
Tu as fait un enfant à ma fille pour rendre service...

ÉTIENNE Mais non plus...

67

SAMUEL

Vous ne pouvez pas comprendre la situation, si Étienne ne vous raconte pas son histoire depuis le début.

ADRIEN Ça va être long ?

ÉTIENNE
Je vais faire des phrases simples.

ÉTIENNE POSE LE BEBE DANS SON COUFFIN ET REVIENT.

ADRIEN J'écoute...

ÉTIENNE

Bon ! Sonia, mon ex femme, est partie depuis 9 mois et c’est pour ça que Lisa est venue accoucher chez moi. Parce que, Bernard, qui est marié avec Pierrette, devait passer la soirée chez Daisy !

SAMUEL
Pendant que Pierrette était avec moi...

ÉTIENNE
Alors que Samuel, devait normalement être avec Fatima !

ADRIEN Dans le dos de Bernard ?

ÉTIENNE Non de sa mère juive...

SAMUEL
Parce qu’elle n’est pas juive !

ADRIEN (PERDU) Votre mère juive n’est pas juive ?

ÉTIENNE :
Non ! C’est Fatima qui n’est pas Juive...

ADRIEN (A ÉTIENNE)
On s’en fout puisque qu’il est avec Pierrette !

68

SAMUEL
Qui n’est pas Juive non plus. Mon problème reste entier !

ADRIEN (ENCORE PERDU) Stop ! Qui est marié avec Pierrette ?

ÉTIENNE Bernard !

SAMUEL Plus pour longtemps !

ADRIEN

Stop ! Attendez, je prends des notes. (Il sort un carnet et un stylo). Donc Bernard est avec Pierrette ?

SAMUEL (RECTIFIANT) Il est avec Daisy !

ADRIEN
Et Samuel, il est avec qui ?

ÉTIENNE Il est avec Fatima !

SAMUEL
Non ! Fatima, elle est avec un Bouddhiste.

ADRIEN
Ah, je ne l’ai pas le Bouddhiste ! Donc, Samuel était avec Sonia ?

ÉTIENNE
Non, c'est moi, j'étais avec Sonia !

SAMUEL
Moi, je veux être avec Pierrette !

ADRIEN (A ÉTIENNE)
Bon, cette Sonia : elle n’est plus avec vous ?

ÉTIENNE :
Non, elle est avec un médecin humanitaire.

69

ADRIEN

Ah je ne l’ai pas non plus, lui ! Bon, récapitulons. Si Bernard est avec Pierrette, qui est avec Samuel, qui est avec Fatima, qui est avec un Bouddhiste, pendant que Bernard est avec Daisy... il reste qui pour ma fille ?

SAMUEL (LUMINEUX) Étienne !

ADRIEN :

Tout juste ! Allez mon vieux, n’essayez pas de vous défiler...vous êtes avec Lisa, c’est Mathématique.

ÉTIENNE :
“Papounet” vous faites une grosse erreur.

ADRIEN

Je vais te la dire moi la vérité : tu continues à faire un baby blues. Moi, ça m’a fait pareil à la naissance de ma petite caille. Pendant quelques heures j’ai eu envie de foutre le camp à l’autre bout du monde. Mais je me suis ressaisi et j’ai posé un acte fort... Alors, fais comme moi ?

ÉTIENNE Je fais quoi ?

ADRIEN Pose un acte fort !

ÉTIENNE
Pas trop fort quand même !

ADRIEN Allez, on y va...

ÉTIENNE : Où ça ?

ADRIEN :
A la mairie, déclarer le petit !

ÉTIENNE (AFFOLE) Ah non, je ne bouge pas d’ici.

ADRIEN Ne fais pas l’enfant...

70

SAMUEL Il est déjà fait...

ADRIEN

Ah là là : entre toi qui fais l'autruche, ma fille qui joue les bécasses et tes amis qui se la jouent perdreaux de l'année... il est temps de mettre un peu d'ordre dans la basse cour.

SAMUEL

Vous êtes vraiment très branché volatile, vous. A mon avis, ça cache une névrose. Vous devriez aller consulter.

ÉTIENNE
Pitié, partez tous. Je vis un cauchemar...

ADRIEN (VIOLENT)

Maintenant ça suffit ! Soit on va tous les deux à la Mairie soit j’y vais seul et en revenant j’achète un fusil à pompes !

ÉTIENNE Vous feriez ça ?

ADRIEN
On a de l’honneur dans le Tarn et et Garonne... je te l'ai déjà dit !

ÉTIENNE (RESIGNE)
Bon, je viens... mais c'est pas de bon gré.

ADRIEN

Allez viens couillon, après tu me remercieras (Amical) T’es un mou, toi, si on ne te pousse pas au cul... Tu fais rien de ta vie !

ÉTIENNE ET ADRIEN VONT VERS LA PORTE. A CE MOMENT LISA REVIENT.

LISA :
Je viens d'avoir le docteur au téléphone, on pourra venir dans 3 jours.

ADRIEN (TRES ENNUYE)

C’est à dire qu’en ce moment... C’est pas le moment ! Dans ma situation, ça se prépare...

LISA Tu prépares quoi ?

71

ÉTIENNE (SAUVANT LA SITUATION)
La chambre du bébé ! Il te prépare une chambre pour le bébé !

ADRIEN (MAL) Voilà, merci Étienne.

LISA C’est vrai ?

ÉTIENNE

Alors il vaudrait mieux retarder ton départ de manière à ce qu’il passe une dernière couche !

SAMUEL
En ce moment, votre père est en plein dans les couches... (Il voit Étienne et

Adrien qui le regardent agacés)... D’accord je me tais. LISA

Alors, je vais où moi ?

ÉTIENNE Mais ici, "Ma chérie"...

LISA
Bon d'accord. Mais vous... vous allez où vous ?

ÉTIENNE (RESIGNE) A la mairie...

ADRIEN Donner un nom à l’enfant...

LISA
Ah non, c’est à moi d'y aller.

ADRIEN
Laisse faire ton homme... allez... on est partis.

LISA Attendez !!

LISA PREND LE COUFFIN SUR LE CANAPE.

72

LISA (SUITE)

Ne partez pas les mains vides ! Le bébé de Daisy ! Elle va se réveiller et elle va se mettre à pleurer si elle ne voit pas sa Maman.

ETIENNE
Ça tombe bien... c'est à deux rues.

ADRIEN LA PREND DANS SES BRAS.

ADRIEN (ÉMU)

C’est beau un oisillon, vous ne trouvez pas ? Ok on va faire un détour par chez cette Daisy.

ADRIEN ET ÉTIENNE SORTENT. SAMUEL ET LISA RESTENT SEULS.

LISA
Ouf... enfin un peu de calme.

SAMUEL

C'est le calme qui précède le Tsunami ! Dites ça fait longtemps que Étienne et vous vous êtes ensemble, parce que moi je suis totalement à la ramasse.

LISA

Ensemble, Étienne et moi ? Mais jamais de la vie. Il ne m'intéresse pas mais alors pas du tout. En plus, c'est pas mon genre ! Mais alors pas du tout !

SAMUEL
Alors pourquoi vous avez fait un enfant avec lui ?

LISA
Samuel, je suis d'accord avec vous... vous êtes à la ramasse.

LISA

(Pleurs de bébé) Si vous avez besoin de moi, je suis dans la chambre comme d’habitude.

SAMUEL
Et moi je vais boire un verre d'eau...

ELLE SORT. SAMUEL VA A LA CUISINE. BERNARD ENTRE EN FURIE.

73

BERNARD (ÉFFONDRE)

Je suis cocu, cocu, moi. (Un temps, il n’y a personne sur scène) Tout le monde s’en fout ! C'est pas vrai, c'est pas possible ! Je ne le crois pas ! Pierrette qui me trompe, Pierrette qui a un amant... et en plus c'est avec mon meilleur ami ! J'aurais jamais cru qu'il aurait pu me faire une chose pareille... mais quel enfoiré cet Étienne ! Coucher avec ma femme, il les lui faut toutes ! Quelle trahison, je suis déçu mais alors déçu... (il se reprend) Ah mais ça ne va pas se passer comme ça, ah non alors ! Bernard reste zen... c'est ça : je vais le massacrer mais "Zénement" !

SAMUEL REVIENT.

BERNARD
Samuel ! Je sais tout ! Pierrette vient de tout m’avouer.

SAMUEL
Ah bon ? Attends, je vais t’expliquer.

BERNARD :

Il n’y a rien à expliquer. C'est dégueulasse ! Me faire ça à moi, un ami de trente ans.

SAMUEL
Si tu crois que j’ai bonne conscience.

BERNARD :
Faut être vraiment un salaud pour me faire ça.

SAMUEL
Pour moi aussi ça a été un calvaire.

BERNARD :
Mais pour toi c’est quand même plus facile.

SAMUEL : Ne crois pas ça...

BERNARD Enfoiré !!!

SAMUEL Calme-toi.

74

BERNARD (ÉNERVE)

Quoi ? Ma femme m’annonce qu’elle couche avec mon meilleur ami... et tu veux que je sois calme ?

SAMUEL
S’il te plaît, ne me frappe pas !

BERNARD (ÉTONNE) Pourquoi veux-tu que je te frappe ?

SAMUEL A cause de Pierrette ?

BERNARD
Oh toi, ce n’est pas de ta faute.

SAMUEL Quand même...

BERNARD
C’est pas ta faute... C’est la sienne !

SAMUEL La faute à Pierrette ?

BERNARD Non plus...

SAMUEL (PERDU) Alors c'est la faute à qui ?

BERNARD A Étienne !

SAMUEL Pardon ?

BERNARD Il s'est tapé Pierrette.

SAMUEL Impossible.

75

BERNARD Elle vient de me le dire...

SAMUEL
Quoi ? Pierrette t’a dit qu’elle couchait avec Étienne ?

BERNARD Depuis des mois...

SAMUEL (EFFONDRE) Oh là la...

BERNARD

Comme tu dis. Tu vois, je me suis tellement farci de gonzesses depuis mon mariage que je savais qu’un jour Pierrette me le ferait payer. Mais jamais je n’aurais imaginé qu’elle me quitterait pour Étienne.

SAMUEL Et moi donc...

BERNARD :
Tu aurais vu ses yeux : elle était amoureuse ! La traitresse !

SAMUEL Ah ouais... la salope !

BERNARD (CHOQUE)
Oh, s'il te plaît, tu parles de ma femme... là

SAMUEL
Quand même, se taper 3 mecs en même temps !

BERNARD
Non 2, arrête de dire n'importe quoi. 2, c'est déjà assez humiliant.

SAMUEL (DOUTANT) Attends. Mais elle t'a dit quoi au juste ?

BERNARD

On rentrait en voiture et d’un seul coup, elle me lance en pleurant : « Bernard je couche depuis des mois avec ton meilleur ami et on voulait faire le tour du monde en bateau » Et elle est sortie de la voiture...

SAMUEL
Donc, elle n’a pas dit que c’était Étienne...

76

BERNARD
Non ! Mais mon meilleur ami c’est Étienne !

SAMUEL (MARMONNANT) Mais, il y a moi aussi !

BERNARD Toi ? Pas possible...

SAMUEL Et pourquoi ?

BERNARD

Parce que tu as le mal de mer ! Non, CQFD, c’est Étienne son amant. Ah le salaud, quand je pense à tout ce qu’on a fait pour lui venir le soutenir tous les vendredis. ...

SAMUEL (LACHE) Ça c'est sûr...

BERNARD Il est où ?

SAMUEL
A la mairie ! Déclarer l'enfant.

BERNARD :

Quand je pense aussi qu’il me soutenait, il y a moins d’une heure, qu’il n’était pas le père... Quel enfoiré ! J’y vais et je vais me le faire...

BERNARD SORT UNE ARME DE SA POCHE.

SAMUEL
Mais c'est quoi ça ? D’où vient cette arme ?

BERNARD De chez Daisy !

SAMUEL
Daisy est armée ? Ne commets pas un acte gratuit...

BERNARD Non, crois-moi, il va payer !

BERNARD SORT. LISA REVIENT.

77

LISA
Dites Samuel, ça ne vous gêne pas de faire accuser un innocent ?

SAMUEL
Ho si, mais je suis un faible !

LISA
Il faut aider Étienne.

SAMUEL

Pas d’affolement, on est Samedi et la mairie est fermée. Je ne l’ai pas dit à votre père pour ne pas le contrarier... c'est vrai quoi... en ce moment tout le monde est sur les nerfs.

LISA
Le tout c'est qu’ils ne se croisent pas dans l’escalier...

ON ENTEND UN COUP DE FEU.

LISA
Ils se sont croisés dans l’escalier !

ÉTIENNE ENTRE, AFFOLÉ, POURSUIVI PAR BERNARD. BERNARD TIENT TOUJOURS UNE ARME À LA MAIN.

BERNARD Salaud ! Enfoiré ! Faux frère !!

ÉTIENNE Mais ça va pas non ?

BERNARD
Tu vas payer pour ce que t'as fait... fumier !

ÉTIENNE
Mais j’ai rien fait... et d'abord, pose cette arme tu vas nous blesser !

BERNARD Pierrette a tout avoué...

ÉTIENNE Elle a eu raison !

BERNARD Elle m’a tout dit...

78

ÉTIENNE C'est bien !

BERNARD Pour vous deux !

ÉTIENNE Quoi ?

BERNARD
Piquer la femme d'un ami... c'est pas bien... t'es vraiment un pourri.

ÉTIENNE Alors là, tu te plantes grave.

LISA
Bernard, ça suffit ! Étienne n’y est pour rien.

BERNARD (PETANT LES PLOMBS)

Tenez, je l’abats en premier et je vous laisse la dernière balle. Comme ça, vous pourrez l’achever !

LISA
Mais arrêtez, c'est pas Étienne l’amant de Pierrette !

SAMUEL DISCRÈTEMENT ESSAYE DE QUITTER LA PIÈCE.

LISA Mais dites lui Samuel.

SAMUEL
Je...enfin... il a raison ! C’est pas lui.

BERNARD Mais c'est qui alors ?

SAMUEL VA REPONDRE MAIS ADRIEN RENTRE. IL VOIT L'ARME DE BERNARD.

ADRIEN

Non mais ça ne va pas ? Vous êtes tous une bande de malades ! Lisa prend le bébé et tes affaires : tant pis pour les conséquences : on rentre à Montauban...

BERNARD POINTE SON ARME SUR ADRIEN.

79

BERNARD Personne ne bouge !

ADRIEN (PRENANT PEUR)
Mais mon billet de train n’est pas remboursable !

ÉTIENNE
Bernard, arrête, ça va mal finir...

SAMUEL
Je l’avais dit ! Mais personne ne me croit...

ÉTIENNE Samuel, tais toi !

LISA
Non, parlez Samuel ! Dites-lui tout !

ADRIEN

Ah oui. Parlez qu’on en finisse. De toutes façons, il faudra bien une victime alors autant que ce soit vous...

SAMUEL C’est dégueulasse...

BERNARD :
Bon, si Étienne n’est pas l’amant de Pierrette, il est où l’amant de Pierrette ?

SAMUEL C’est moi !

BERNARD Quoi !

LISA
Ils voulaient vous le dire tout à l’heure, mais ils se sont dégonflés.

ADRIEN
La vie parisienne, je ne m'y fais pas.

BERNARD POINTE SON ARME SUR SAMUEL, MAIS IL CRAQUE ET IL LE RANGE DANS SA POCHE.

80

BERNARD

Je ne peux pas ! Pierrette qui veut me quitter pour toi quelle humiliation. Avec Étienne, bon je l’aurais massacré mais j’aurais compris... Mais toi ! C'était pas possible... inimaginable !

SAMUEL

Je m'en veux terriblement, mais ça a été plus fort que nous, et nos corps ont exulté !

BERNARD
Ah oui quand même... Quand je pense qu’on m’avait toujours dit que...

SAMUEL Que quoi ?

BERNARD

Ben, que t'étais pas un bon... enfin un coup... enfin bref que t'étais un peu mou du 3 pièces !

SAMUEL
Enfin ! Mais c'est quoi ce n'importe quoi ? T’entends ça Étienne ?

ÉTIENNE
Oh moi, tu sais les ragots...

BERNARD
Enfin, mais c’est toi qui me l’as dit.

ÉTIENNE (MAL A L’AISE)
Mais bon avec le temps il a peut-être fait des progrès.

ADRIEN
Pour le savoir, il faudrait demander à Pierrette !

LES DEUX AUTRES LUI FONT DES SIGNES RÉPROBATEURS. BERNARD CRAQUE A NOUVEAU.

BERNARD Qu’est ce que je vais devenir ?

SAMUEL
Il te reste tes amis... (Bernard le regarde avec un regard noir). J’ai rien dit.

ADRIEN (A LISA ET ÉTIENNE) Ils n’arrêtent jamais eux.

81

LA PORTE S’OUVRE C’EST PIERRETTE QUI ENTRE AVEC UNE VALISE.

BERNARD Mon amour !

SAMUEL Mon coeur !

PIERRETTE Mon cul...

ELLE FAIT QUELQUES PAS ET REJOINT LE GROUPE.

PIERRETTE

J'ai bien réfléchi ! Et si je suis revenue... c'est pour vous dire que je dois assumer qui je suis... avoir la vie que je veux... et surtout avec qui je veux !

SAMUEL D'accord avec toi, mon amour.

BERNARD Moi aussi, ma chérie !

PIERRETTE
Bernard, j'ai quelque chose à te demander.

BERNARD (MAGNANIME) Tu veux un sèche-linge ?

PIERRETTE Non, une pension alimentaire !

BERNARD Quoi ?

PIERRETTE
Je me barre, je divorce et je vais refaire ma vie avec...

SAMUEL Avec moi !

PIERRETTE

Non plus ! Toi, on s'oublie et tu t'occupes de "ton bébé" que tu as eu avec "ton hôtesse de l'air". Et je ne veux plus jamais mais alors jamais te revoir de ma vie. Et puis j'ai réfléchi, tu n'as été qu'un "Pis aller" !

82

PIERRETTE REPREND SA VALISE ET SE DIRIGE VERS LA SORTIE.

SAMUEL

Mais attends, laisse-moi tout te dire, tu fais fausse route : cet enfant c'est l'enfant de... de...

BERNARD

... de l'amour ! (il va vers Samuel) N'oublie pas que j'ai une arme dans ma poche et elle peut encore servir... alors Motus !

SAMUEL (IL A PEUR) D'accord...

BERNARD

Enfin Pierrette, ça ne pas finir comme ça toi et moi... Tiens, on va acheter un grille-pain !

PIERRETTE
Et pourquoi pas une friteuse ?

BERNARD Je peux aussi !

ÉTIENNE (ECLATANT)

Bon ça suffit ! Alors maintenant vous êtes bien sympas mais je viens d'être papa alors Lisa et moi on aimerait un peu d'intimité : alors Samuel, tu prends Pierrette... enfin façon de parler... et vous allez vous expliquer ailleurs. Adrien sauf votre respect : direction Gare d’Austerlitz. Quant à toi Bernard...tu vas directement chez Daisy...(Il s’arrête net ennuyé) Chez des italiens... des italiens en banlieue.

ÉTIENNE MONTRE LA PORTE.

ETIENNE

Je vous aime beaucoup, vous êtes mes amis... mais c'est par là la sortie. D'accord Lisa ?

LISA D'accord Étienne.

PIERRETTE, BERNARD ET SAMUEL VONT VERS LA SORTIE.

SAMUEL (A BERNARD) T’as des amis italiens en banlieue toi ?

83

ILS SORTENT.

BERNARD (PITEUX)
Ben non... il va falloir que je m’en fasse !

SAMUEL

Si tu veux, en attendant, tu peux venir habiter chez moi... en plus, ça fera plaisir à ma mère...

BERNARD
Oh non, pitié ... pas ta mère !

SAMUEL
En plus, elle est célibataire...

PIERRETTE

Ah ça m'a fait du bien de me lâcher un peu... je change moi, je change c'est fou et je sens que je vais m'éclater dans ma nouvelle vie ! Carpe Diem !

PIERRETTE SORT.

ÉTIENNE
Bon, on commence à y voir un peu plus clair.

ADRIEN
Allez, il faut que j’y aille aussi si je ne veux pas rater mon train.

LISA
Mais j'avais plein de choses à te dire.

ADRIEN
On fera ça la prochaine fois.

ÉTIENNE À Montauban...

ADRIEN
C’est ça ... (Ils s'embrassent) Je t’aime ma fille alors prends soin de toi.

LISA
Moi aussi, je t’aime mon Papounet !

ILS SE SERRENT DANS LES BRAS ET ON SENT ADRIEN EMU. IL VA PRENDRE SA V ALISE.

84

ADRIEN (BAS)

Prends soin de lui aussi. C’est un drôle d'oiseaux... le tout c'est d'arriver à l'apprivoiser. (à Étienne) Salut mon gendre. Une dernière chose... si j'osais...

ÉTIENNE

JOSÉE... Embrassez la pour moi ! (il sent qu'il a gaffé)... enfin, je veux dire osez... osez...

ADRIEN
Ça serait bien de passer noël ensemble... comme une vraie famille.

LISA C'est que...

ÉTIENNE
C'est que... c'est une très bonne idée !!!! Je suis partant...

ADRIEN

Super... vous verrez...on se serrera bien ! Enfin je veux dire, on sera... Bien ! Allez au revoir ! (à Lisa) Il s’améliore de minutes en secondes.

ADRIEN SORT. UN TEMPS. ILS SE REGARDENT.

LISA
Et voilà c'est fini... vous allez retrouver votre tranquillité.

ÉTIENNE Et mes pâtes froides !

LISA
Vos amis, qu’est ce qu’ils vont devenir ?

ÉTIENNE

Bernard va pleurer Pierrette quelques jours puis il va aller habiter chez Daisy et dans quelques mois il prendra une nouvelle maîtresse. Le plus terrible c'est pour Samuel...

LISA
Il va être malheureux ?

ETIENNE
Pire ! Il va devoir tout raconter à sa mère.

LISA
Bon, on vous a assez embêté avec Jules ! On remonte chez moi.

85

ÉTIENNE
Oh vous savez, on n'est plus à une minute.

LISA

Je voulais vous dire... enfin... cette nuit, c’était la première fois qu’un homme se démenait autant pour moi, ne me laissait pas tomber... alors merci !

ETIENNE

Et moi, c'est le premier Week-end depuis des mois... où il m'est enfin arrivé quelque chose de pas banal !

ELLE VA DANS LA CHAMBRE ET REVIENT IMMEDIATEMENT AVEC LE COUFFIN.

LISA
Bon ben, rendez-vous dans l'ascenseur.

ÉTIENNE
Vous voulez que je vous aide ?

LISA :

Non, il est temps que j'apprenne à me débrouiller un peu toute seule. Allez... à un de ces jours.

ELLE SORT. ÉTIENNE RESTE SEUL. ON SENT QUE LISA LUI MANQUE DEJA. IL HESITE PUIS VA PRENDRE SON TELEPHONE ET FAIT UN NUMERO. IL EST DE DOS ET NE VOIT PAS LISA QUI REVIENT POUR PRENDRE UN BIBERON SUR LA TABLE. ELLE ENTEND ÉTIENNE ET L'ECOUTE.

ÉTIENNE

Allo Lisa, c'est Étienne, le voisin... celui que vous venez de quitter. Je voulais vous dire que...enfin... qu'est ce que je voulais dire ? Ah oui, il bave vraiment beaucoup ce bébé et je pense que ce serait bien d'appeler un pédiatre. Et aussi... si vous avez besoin de moi pour le garder Jules n'hésitez pas... Et pour Noël, j'ai rien de prévu alors je pourrais venir à Montauban si vous voulez. Voilà, c'est tout... (sincère) Ah oui, j'allais oublier... quand j'ai dit qu'il valait mieux se casser à l'autre bout du pays pour ne pas vous avoir sur le dos... et ben c'était vraiment n'importe quoi... quand on a la chance de tomber sur une femme "complexe" comme vous... on ne la laisse pas partir et on la serre dans ses bras. Voilà c'est tout... prenez soin de vous et j'espère que j'aurais la chance de vous... enfin de te revoir.

IL SE RETOURNE ET VOIT LISA. UN TEMPS. ILS SE REGARDENT EMUS TOUS LES DEUX.

ÉTIENNE
Ça te dirait des pâtes froides ?

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LISA J'en rêverais !

LISA SOURIT. ELLE LUI PREND LA MAIN. RIDEAU. FIN

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