ACTE I
Scène 1
Mme Bordeaux, Simon.
Avant et pendant l’ouverture du rideau, on entend les bruits d’atelier (machines outils et coups divers.) L’ingénieur est assis à sa table à dessin face au public. Des fleurs fanées ornent un vase rempli d’un liquide bleu. Le bureau du patron est vide. La porte de communication entre le bureau du patron et celui de l’ingénieur est close, celle de l’atelier est ouverte.
Mme BORDEAUX (entrant avec un dossier et se dirigeant vers le bureau du patron) - Bonjour Simon. Monsieur Sicard n’est pas encore là ?
SIMON - Bonjour madame Bordeaux. Non, il ne devrait pas tarder, je pense…
Mme BORDEAUX (entre et dépose le dossier sur le bureau du patron, puis revient. Elle avise le vase où trônent les fleurs fanées) - Décidément, vous n’avez pas la main verte ! Vous voulez que je les change ?
SIMON (arrêtant le geste de madame Bordeaux) - C’est inutile. Je vais les jeter !
Mme BORDEAUX - C’est bizarre, elles durent à peine vingt-quatre heures vos fleurs ! Vous devriez changer l’eau !
SIMON (prestement) - Surtout pas ! (Radouci.) Vous ne trouvez pas ça joli, cette couleur bleue ?
Mme BORDEAUX (pas convaincue) - Euh… Si, si… (Elle sort en direction du secrétariat.)
Simon jette les fleurs dans sa corbeille à papiers.
ACTE I
Scène 2
Simon, Monsieur Sicard
Monsieur Sicard fait son entrée côté jardin, dans son bureau. Il se débarrasse de son manteau sur un perroquet (ou une patère), pose sa mallette et va ouvrir la porte de communication.
M. SICARD - Simon, vous êtes là ?
SIMON - Oui patron. Bonjour monsieur Sicard !
M. SICARD (froidement) - Bonjour. Fermez la porte voulez-vous ? (Simon s’apprête à fermer celle du patron. Celui-ci s’impatiente.) Non, pas celle-là ! L’autre !
SIMON - Ah, oui ! (Expliquant, tout en allant fermer la porte de l’atelier.) Quand je suis concentré, je n’entends même plus le bruit de l’atelier !
M. SICARD (maussade, entrant tout à fait dans le bureau de l’ingénieur) - A ce rythme là, bientôt on ne l’entendra plus du tout !.. Comme on ne nous achète rien, il n’y aura plus rien à fabriquer !
SIMON (se voulant rassurant) - Ne dites pas ça, on a eu deux commandes cette semaine.
M. SICARD - Il en faudrait au minimum dix par semaine pour sortir de la zone rouge !
SIMON - Nos groupes électrogènes souffrent de la concurrence étrangère. Il faudrait se diversifier.
M. SICARD - Faudrait ! Faudrait ! C’est vous l’ingénieur, non ?
SIMON - Justement, je planche sur un ou deux trucs !
M. SICARD (intéressé, il s’approche de la table à dessin) - Faites voir ?
SIMON (s’interposant) - J’aime autant pas ! Je suis superstitieux !
M. SICARD (bousculant Simon) - Oui, mais moi je suis votre patron ! (Découvrant le travail de Simon.) Cela ne ressemble à rien !
SIMON - Forcément, c’est quelque chose de totalement nouveau. Mais ce n’est qu’une ébauche !
M. SICARD (soulevant le plan et regardant dessous) - Et ça ? (Admiratif.) Pas mal ! Pas mal ! C’est déjà plus précis ! (Redescendant sur terre, mécontent.) Une femme nue : vous rigolez ou quoi ?
SIMON (ennuyé) - Cela me détend entre deux croquis…
M. SICARD - Oui, bon, confisqué ! (Avisant le vase avec suspicion.) C’est quoi ? Du Curaçao ? Vous picolez au bureau Simon ?
SIMON - Non, c’est un vase avec de l’eau colorée : purement décoratif !
M. SICARD (humant tout de même le vase avec une mine dégoûtée) - Votre eau est croupie mon vieux !
SIMON - Je vais la changer…
M. SICARD - Bon alors, votre projet, c’est quoi au juste ?
SIMON - C’est l’invention du siècle !
M. SICARD - J’espère que c’est l’invention des siècles à venir, parce que si c’est celle du siècle passé, je vous dis tout de suite que cela ne m’intéresse pas du tout !
SIMON (amusé) - Vous êtes d’humeur taquine !..
M. SICARD (agacé) - Pas du tout. Je serais plutôt d’une humeur massacrante, alors ce n’est pas le moment de me raconter n’importe quoi !
SIMON (pincé) - Ah, mais ce n’est pas n’importe quoi ! Il s’agit en gros d’un
générateur d’énergie propre, d’un rendement exceptionnel…
M. SICARD - Mais encore ? Il marche à quoi votre truc ? Pas au pétrole j’espère ?
SIMON - Ben non ! L’intérêt de ma découverte réside dans la grande diversité de carburants possibles et d’un rendement de l’ordre de un pour mille.
M. SICARD - Carburant, carburant ! Oui, mais quoi ?
SIMON - …Et bien, il peut s’agir d’électricité, de carburants fossiles classiques, de bois, mais aussi de déchets organiques, ou même d’eau…
M. SICARD (ahuri) - Non ?
SIMON - Si. Par exemple : pour un kilowatt d’électricité, la machine en restitue mille. Pour le bois, l’eau et les déchets, le calcul est plus compliqué, mais le rendement reste élevé.
M. SICARD - Admettons. Admettons. Remettez-vous au boulot : je veux du concret et pas de simples théories !
SIMON - Oui, bien sûr. (Désignant son croquis.) Je vais voir à l’atelier ce qu’on peut en tirer. On fera un prototype à l’échelle 1/50ème dans un premier temps…
(Il sort en direction de l’atelier.)
M. SICARD - C’est ça ! C’est ça !
Le téléphone sonne, monsieur Sicard se précipite dans son bureau.
M. SICARD - Allô ? Oui madame Bordeaux. (Un temps.) Madame qui ? Articulez madame Bordeaux ! Madame Richou ? Connais pas ! (Un temps.) Ah ? La banquière ? Oui, faites-la entrer. (Il planque le dessin de femme nue sous des documents et va ouvrir.)
ACTE I
Scène 3
Monsieur Sicard, Madame Richou
La banquière entre, elle est du genre pète-sec.
M. SICARD (exagérément affable) - Bonjour madame Richou ! C’est le Bon Dieu qui vous envoie !
MME RICHOU (très froidement) - Non, c’est la banque.
M. SICARD - Oui, bien sûr… C’était une façon de parler… Je plaisantais…
MME RICHOU - Ah, bon ? Parce que vous trouvez que votre situation prête à la plaisanterie ?
Ils se dirigent vers le bureau de monsieur Sicard.
M. SICARD - Euh… Non… J’imagine… Alors, comme ça, c’est vous qui avez pris la succession de monsieur Gontard ? On s’entendait très bien lui et moi. Il connaissait bien l’entreprise, son fonctionnement, ses besoins… Sacré monsieur Gontard !
MME RICHOU (Enigmatique) - Oui, oui… Monsieur Gontard, bien sûr… (Un temps.) Tout ça c’est de l’histoire ancienne.
M. SICARD - Ce n’est pas si ancien, je lui ai fait une demande de prêt il y a un mois. Voyez, j’ai rempli les documents…
MME RICHOU (posant ses clefs de voiture et prenant le dossier que lui tend monsieur Sicard) - Justement, c’est moi qui reprends le dossier. Vous devez comprendre que pour l’obtention d’un prêt, il faut des garanties et la santé financière de votre entreprise laisse à désirer.
M. SICARD - Allons, donc ! On croule sous les commandes !
LABANQUIERE - Ah, bon ? C’est nouveau ça !
M. SICARD - Vous savez, il s’en passe des choses en un mois. (Eludant.) Alors ? Mon prêt ?…
MME RICHOU - Combien de commandes exactement ?
M. SICARD - Plus d’une par semaine !
MME RICHOU - Soyez précis. Je n’aime pas les comptes évasifs !
M. SICARD (penaud) - Deux. (Agacé.) On peut dire que vous êtes rabat-joie !
MME RICHOU (feuilletant le dossier) - C’est malheureusement conforme à mon analyse. Votre prévisionnel est fantaisiste et vos courbes aléatoires !
Tiens ? (Tombant sur le dessin de femme nue.) Quelque chose de plus précis… (Outrée.) Un dessin de femme nue ! Vraiment ! Vous n’avez que ça en tête ?
M. SICARD (ennuyé) - C’est pas moi, c’est mon employé !
MME RICHOU (pas convaincue) - Ben voyons !
M. SICARD - Mais si, je vous assure ! (Invitant la banquière à le suivre dans l’atelier et lui enlevant le dessin des mains.) Suivez-moi. (Hélant son employé.) Simon !
ACTE I
Scène 4
Les mêmes, Simon
SIMON (revenant de l’atelier) - Oui monsieur Sicard ?
M. SICARD (faisant les présentations) - Madame Richou de la banque, Simon.
SIMON - Bonjour madame Richou d’labank.
M. SICARD (agacé) - Mais non ! madame Richou qui travaille à la banque !
SIMON - Pardon ! (Serrant la main de la dame.) Simon Brossette, je suis l’ingénieur maison et…
M. SICARD (le coupant) - Oui, bon, on n’a pas le temps de faire des salamalecs ! (Montrant le dessin.) Dites plutôt à madame que c’est bien vous qui avez dessiné ça.
SIMON (embarrassé et ne souhaitant l’avouer) - Qui, moi ? Quoi… Ça ? Je ne me souviens pas !
M. SICARD - Vous rigolez ou quoi ?
SIMON - Non, non ! Je ne sais pas qui a dessiné ce truc, mais ce n’est pas moi !
M. SICARD (prenant sur lui) - Ecoutez Simon : je viens de dire à madame Richou que c’est vous qui aviez dessiné cette femme nue, alors ne me faites pas passer pour un imbécile doublé d’un obsédé !
SIMON - Je ne vois pas pourquoi je passerais pour un obsédé à votre place !
M. SICARD - Parce que le dessinateur ici, c’est vous !
SIMON (buté) - Je dessine des plans ! Je ne voudrais pas que madame Richou s’imagine des choses et qu’elle ait une mauvaise opinion de moi !
M. SICARD (à lui même) - Y m’énerve ! Y m’énerve ! (Vivement à Simon.) Ça va bien maintenant ces gamineries ! Vous n’allez pas laisser croire à madame Richou que j’ai fait ce dessin inconvenant, alors que c’est vous qui en êtes l’auteur !
SIMON (buté) - Vous êtes bien libre de dessiner ce que vous voulez. Je vous rappelle que j’ai des plans à réaliser pour le générateur du futur.
M. SICARD - Mais je n’ai rien dessiné du tout ! Et ne noyez pas le poisson !
MME RICHOU - Arrêtez, vous êtes grotesques ! (S’adressant à Simon.) Vous travaillez sur un nouveau générateur ?
SIMON (enthousiaste) - Tout à fait ! Il s’agit d’un générateur révolutionnaire à très haut rendement ! Tenez, voici les plans…
M. SICARD (s’interposant) - Ne le prenez pas mal madame, mais je préfère garder cela secret pour le moment ! Je me méfie de l’espionnage industriel !
MME RICHOU - En ce qui me concerne, je n’y connais rien en technique…
M. SICARD (en rogne après Simon) Vous ne voulez pas mettre ces plans sur votre blog aussi, tant que vous y êtes ? On sera bien si les Chinois s’emparent de notre idée !
SIMON - C’est surtout la mienne !
M. SICARD - Je suis votre patron, vos idées m’appartiennent ! (Rendant le dessin.) Et reprenez votre dessin ! Puisque c’est le vôtre ! (S’adressant à la banquière.) Veuillez me suivre, je vais vous montrer l’outil de production. (Ils sortent côté cour, en direction des ateliers.)
SIMON (soufflant) - Pfff ! (Il va s’asseoir à sa table et pose le dessin sur le bord.) Cette invention est prometteuse, mais je ne sais pas si monsieur Sicard la mérite ! Ah ! S’il n’y avait pas sa fille !… Alice ! (Il pose sa tête sur sa main et se met à rêvasser d’un air très niais.)
ACTE I
Scène 5
Simon, Madame Sicard-mère et Miss Prentiss
Surgit madame Sicard-mère dans son fauteuil poussé par miss Prentiss. Simon sursaute.
Mme SICARD-MÈRE (hélant) - Chéri ? (Un temps.) Mais où est-il encore passé ?
SIMON - Bonjour madame Sicard, votre fils est dans l’atelier…
Mme SICARD-MÈRE (interloquée) - Mon fils ? Quel fils ? (Se tournant vers la dame anglaise.) Dites-moi miss Prentiss : ai-je un fils ?
MISS PRENTISS - Oui madame a un fils…plutôt.
Mme SICARD-MÈRE - Il s’appelle Pluto ?
MISS PRENTISS - Non…Désolée ! Je voulais dire « indeed »
Mme SICARD-MÈRE - C’est guère mieux !
SIMON (venant en aide à l’Anglaise) - Miss Prentiss faisait une traduction littérale. « Indeed » signifie « vraiment ». En clair, elle affirme que vous avez bien un fils.
Mme SICARD-MÈRE - Je ne m’en souviens pas du tout ! Il doit être insignifiant ! Comment s’appelle-t-il ?
MISS PRENTISS - Raoul, Madame…
Mme SICARD-MÈRE - Bon. (Un temps.) De toute façon je ne cherche pas mon fils, je cherche mon époux ! (Hélant.) Fernand ? Fernaaaaannnnnd ?
MISS PRENTISS (prenant un ton et une mine effondrés) - Hélas madame !
Mme SICARD-MÈRE - Vous avez perdu quelque chose ?
MISS PRENTISS - Non madame, c’est vous… vous avez perdou votre mari…
Mme SICARD-MÈRE - C’est bien pour ça que je le cherche ! (A Simon.) Il y a des moments, je me demande si elle a toute sa tête ! C’est vrai qu’elle est Anglaise, mais cela n’excuse pas tout !
SIMON - Madame Sicard, miss Prentiss essaye de vous dire que votre mari est décédé.
Mme SICARD-MÈRE (horrifiée) - Pourquoi fait-elle ça ? C’est très cruel !
SIMON - Parce que c’est la triste vérité madame. (A part.) Cela remonte à vingt ans, il doit être faisandé le vieux !
Mme SICARD-MÈRE (sanglotant) - Nous les veuves, on est toujours les dernières informées ! Tout comme les cocus ! (Elle pleure.)
MISS PRENTISS - Votre mari est mort depouis vingt ans madame…
Mme SICARD-MÈRE (cessant de pleurer brusquement) - Depuis vingt ans ? Et c’est seulement maintenant que vous me le dites ?
MISS PRENTISS - On vous avait tenou informée à l’époque, madame, mais vous avez oublié, je le crains…
Mme SICARD-MÈRE (balayant la phrase) - Remarquez, si je l’ai oublié, c’est qu’il ne devait pas être très important ! (Un temps.) Alors, comme ça, j’ai un fils ? Je suis si vieille que ça ? (Devançant les réponses.) Ne répondez pas ! (Un temps.) Mais alors, si mon mari est mort : c’est terrible ! (Un temps.) Qui va me donner de l’argent ?
MISS PRENTISS - Nous allons voir cela avec votre fils, madame.
Mme SICARD-MÈRE (satisfaite) - J’ai eu raison de fabriquer un fils : il va me donner de l’argent pour aller faire les boutiques ! Nanananère ! Vous devriez avoir un fils miss Prentiss ! Comment s’appelle-t-il déjà ?
MISS PRENTISS - Raoul Madame…
Mme SICARD-MÈRE (apercevant le vase) - Oh , comme c’est joli ! Qu’est-ce que c’est ?
MISS PRENTISS - Oune vase avec du liquouide blou dedans, madame.
Mme SICARD-MÈRE - Pourquoi n’y a-t-il pas de fleurs dans votre vase ?
SIMON (perdant patience) - C’est juste pour la déco ! Les fleurs ne tiennent pas dedans, elles crèvent tout de suite…
Mme SICARD-MÈRE - Comme mon mari : il est crevé ! Heureusement, il me reste un fils ! (Hurlant vers les coulisses.) RAOUL ! RAOUL !
SIMON (se levant et faisant tomber son dessin) - Je vais le chercher ! Ne touchez à rien ! (Il sort vers l’atelier.)
MISS PRENTISS (ramassant le dessin) - Vous avez fait tomber oune papier ! (Apercevant le dessin de femme nue.) Oh ! shocking ! Disgusting ! Awfull ! (Tel un gallinacé, elle hoche de la tête et trépigne avec ses jambes en répétant ces mots plusieurs fois.)
Mme SICARD-MÈRE - Allons bon ! Que vous arrive-t-il ? Vous avez attrapé la grippe aviaire ? Arrêtez, c’est ridicule !
MISS PRENTISS (désignant la feuille à madame Sicard-mère) - C’est cette trouc horribeul !
Mme SICARD-MÈRE - Cette feuille ? Qu’est-ce qu’elle a cette feuille ? Montrez-moi !
MISS PRENTISS - Je ne sais pas si je dois ! C’est trop affreux ! Choquante ! Dégoûtante !
Mme SICARD-MÈRE (tendant la main avec impatience) - Oui, on a compris ! Donnez-moi ça !
MISS PRENTISS (donnant le dessin) - Vous l’aurez voulou !
Mme SICARD-MÈRE (observant le dessin) - Une femme nue ! C’est de très mauvais goût !
MISS PRENTISS - Je vous avais prévenou ! Oune femme noue ! Oune femme toute noue !
Mme SICARD-MÈRE - Votre réaction était tout de même exagérée. Je me suis imaginée le pire ! Je suis presque déçue…
ACTE I
Scène 6
Les mêmes, Monsieur Sicard et Madame Richou
Entrent monsieur Sicard, suivi de Simon et de la banquière.
M. SICARD (contrarié) - Et bien maman ? Que fais-tu ici ?
Mme SICARD-MÈRE - …Demander de l’argent pour aller faire les boutiques. Ainsi, c’est toi Raoul ? Je t’imaginais plus grand, plus distingué…
M. SICARD (tendant un billet de cinquante euros à sa mère) - Voilà.
Mme SICARD-MÈRE - …Et plus généreux !
M. SICARD - Tu ne peux pas débarquer à l’usine comme ça, à l’improviste ! Je te l’ai déjà dit ! (A miss Prentiss.) Vous le savez bien vous !
MISS PRENTISS (pincée) - Je souis aux ordres de Madame votre mère !
M. SICARD - Vous savez bien qu’elle est atteinte d’Altzheimer ! Ne me dites pas que c’est contagieux et que vous avez oublié !
MISS PRENTISS - Il faut bien la distraire ! Cela loui fait beaucoup de bien de rencontrer du monde, cela la stimoule.
M. SICARD - Il me semble qu’il y a du monde aussi dehors ! Ici ça nous enquiquine !
Mme SICARD-MÈRE - Raoul, approche !
M. SICARD (obtempérant) - Quoi encore ?
Mme SICARD-MÈRE (impatiente) - Plus bas ! Mets-toi à ma hauteur voyons !
M. SICARD (se baisse à hauteur de sa mère) - Bon, je t’écoute…
Mme SICARD-MÈRE (tirant l’oreille de son fils de la main gauche et montrant le dessin) - Petit galopin ! Tu n’as pas honte de dessiner des cochonneries ?
M. SICARD - Aïe ! Aïe ! Aïe ! Ce n’est pas moi ! (Désignant Simon.) C’est lui !
Mme SICARD-MÈRE - Ce n’est pas très joli d’accuser ses petits camarades Raoul ! Je ne t’ai pas élevé comme ça !
M. SICARD (se tordant de douleur) - Aïe ! Aïe ! Aïe ! Lâche-moi maman, ça fait très mal ! J’ai les lobes très sensibles ! (Aux autres.) Faites quelque chose !
MME RICHOU - Nous ne saurions intervenir dans un différend familial !
Mme SICARD-MÈRE - Raoul, qui est cette dame ? Tu pourrais faire les présentations !
M. SICARD - Aïe ! Il s’agit de madame Richou…
Mme SICARD-MÈRE (tendant la main droite restée libre) - Bonjour Madame, enchantée !
MME RICHOU - Bonjour Madame, de même !
Mme SICARD-MÈRE - Vous êtes une amie de mon fils ?
MME RICHOU - Pas du tout, nous sommes en affaires. Je suis conseillère à la banque.
Mme SICARD-MÈRE - Comme c’est intéressant !
M. SICARD - Maman lâche-moi ! J’ai l’air de quoi devant ma banquière ? Tu m’enlève tout crédit !
MME RICHOU - C’était déjà fait.
M. SICARD - …et toutes mes illusions !
Mme SICARD-MÈRE (lâchant l’oreille de son fils) - Bon, et que je ne t’y reprenne plus ! (Déchirant le dessin en quatre et le jette au sol.) Voilà ce que j’en fais de cette saleté !
SIMON (outré) - Mon dessin !
Mme SICARD-MÈRE - Ha ! Ha ! Ainsi c’était vous ? Approchez ! Pornographe !
SIMON (se glissant derrière le table) - Non, non, je ne préfère pas !
Mme SICARD-MÈRE - Il se rebelle ? Miss Prentiss poursuivez-le ! (Miss Prentiss entame une course poursuite en poussant le fauteuil de madame Sicard-mère devant elle tandis que Simon tourne autour de la table à dessin.)
M. SICARD (s’interposant) - Cela suffit ! Miss Prentiss, raccompagnez immédiatement ma mère chez elle !
Mme SICARD-MÈRE (battant des mains de manière enfantine) - Encore ! Encore !
MISS PRENTISS - Je souis fatiguée… (Elle sort en poussant le fauteuil.)
Mme SICARD-MÈRE (sortant et en off) - Youpi ! Plus vite ! Plus vite !
Simon s’empresse d’aller ramasser les morceaux de son dessin et il va recoller les morceaux avec du scotch.
ACTE I
Scène 7
Monsieur Sicard, Madame Richou et Simon
M. SICARD (à la banquière) - Je suis désolé ! Vous comprenez, elle n’a plus toute sa tête… Mon père dirigeait l’entreprise auparavant et depuis qu’elle a contracté cette maladie, elle éprouve le besoin de revenir ici… Le problème c’est qu’elle est assez imprévisible, comme vous avez pu le constater.
LE BANQUIERE - Je ne suis pas venue ici pour débattre de la santé de votre mère, mais de la santé financière de votre entreprise et cette dernière n’est pas fameuse ! Votre mère avait raison de vous tirer les oreilles !
M. SICARD - C’est justement pour ça que j’ai besoin de financement…
MME RICHOU - Soyez réaliste monsieur Sicard, vous savez bien qu’on ne prête qu’aux riches ! Une banque, ce n’est pas une œuvre sociale ni une association philanthropique !
M. SICARD - J’avais remarqué !
MME RICHOU - Prouvez-moi que la nouvelle invention de votre ingénieur est viable et je suis prête à réviser ma position. Fabriquez un prototype par exemple.
M. SICARD - C’est prévu. N’est-ce pas Simon ?
SIMON (sursautant, car il était concentré sur son travail de recollage) - Hein ? Euh, oui monsieur Sicard, on aura un prototype réduit d’ici une semaine ou deux…
M. SICARD (sèchement) - Vous avez une semaine !
MME RICHOU (amorçant une sortie) - Au revoir monsieur Sicard… (En direction de Simon.) Au revoir Monsieur…
SIMON (se levant) - Au revoir madame ! (Il abandonne provisoirement son collage.)
M. SICARD (l’accompagnant jusqu’au seuil) - Je vous raccompagne. Au revoir madame Richou, je vous appelle dès qu’on est prêts !
MME RICHOU (sortant) - Oui, oui…
M. SICARD (revenant sur ses pas et tournant le dos à la porte) - Pfff ! Quelle teigne ! Quelle bourrique ! Elle ne lâchera pas un centime ! Vous avez vu comme elle pavoisait ? Trop heureuse de faire plier un homme ! (La banquière entre et reste sur le pas de la porte, droite comme un « i ». Simon ouvre la bouche horrifié.) On les connaît ces bonnes femmes aigries qui ne loupent pas une occasion de se venger des hommes ! Il faudrait sans doute lui passer sur le corps pour obtenir des faveurs ? Qu’est-ce qu’elle s’imagine ? Elle n’a pas vu sa tronche la mère Richou ! Pas étonnant qu’elle soit vieille fille ! (Voyant le visage de Simon.) Quoi Simon ? Pourquoi vous faites cette tronche ? Vous savez que vous avez l’air parfaitement abruti ?
SIMON (très embarrassé et désignant la banquière du doigt) - Euh… Là… derrière vous…
MME RICHOU (glaciale) - Je ne suis pas vieille fille, je suis mariée et j’ai deux enfants.
M. SICARD (se retournant. Surpris, puis faussement enjoué) - Ah ? Madame Richou ! Déjà de retour ? Moi aussi j’en ai deux figurez-vous… Deux enfants je veux dire…
MME RICHOU (ignorant monsieur Sicard) - J’ai dû laisser mes clefs de voiture.
M. SICARD (embarrassé et cherchant à rattraper le coup) - C’est le problème des relations d’affaires, voyez-vous, on ne sait rien les uns des autres !
MME RICHOU (se dirigeant vers le bureau) - Vous saurez à l’avenir que je n’ai pas besoin qu’on me passe sur le corps !
M. SICARD - C’est évident ! Rien ne vaut une relation franche et sans arrière pensée !
MME RICHOU (ayant récupéré ses clefs et se dirigeant vers la sortie) - Avec vous, pas de relation du tout, cela me convient tout à fait !
M. SICARD (mielleux) - Ne dites pas ça, voyons ! Vous oubliez la relation d’affaires… (Faisant des courbettes.) Mon petit prêt de rien du tout !
MME RICHOU (elle sort) - C’est peut-être vous qui devriez l’oublier !
M. SICARD (s’apprêtant à hurler des invectives) - AAAAAAH ! Saleté de bonne f…
MME RICHOU (refaisant irruption) - …Et inutile de m’invectiver en mon absence, cela n’améliorera pas votre cas ! (Elle ressort aussitôt.)
ACTE I
Scène 8
Monsieur Sicard et Simon
M. SICARD (la chique coupée) - Ah ? Euh… Bon… (s’adressant à Simon en se retournant régulièrement vers la porte d’entrée.) Elle… Elle est pas bien cette bonne femme ! Vous l’avez entendue ?… Pas bien… Pas bien du tout !… Pfff ! Pour le prêt, je crois que c’est plutôt mal engagé ! (Il s’approche de la table de Simon qui s’est remis à ses collages.)
SIMON (distraitement) - Mmmh ?… Oui… sans doute…
M. SICARD - Vous vous en foutez carrément ! (Intrigué par l’occupation de Simon.) Qu’est-ce que vous fabriquez ?
SIMON (gêné) - Et bien… C’est à dire… je recolle mon dessin…
M. SICARD (exaspéré) - Il n’y a que ça qui vous intéresse ? La boîte risque de couler et vous, vous recollez votre dessin de femme à poil ! Vous êtes un malade ! Un grand malade !
SIMON - Vous n’avez pas tout vu !
M. SICARD - Au contraire, j’en ai assez vu ! (Un temps, calmé et apparemment intéressé.) Pourquoi, vous en avez d’autres ?
SIMON - Non, je voulais dire que ce dessin est un subterfuge.
M. SICARD (interloqué) - Comment ça ?
SIMON - Au dos, j’ai inscrit mes formules et mes plans à l’encre sympathique.
M. SICARD - Je vous pensais moins futé, mais je croyais qu’on avait déjà déposé le brevet ?
SIMON - Du générateur oui, mais pas de ça !
M. SICARD - Ah bon ? Il s’agit d’une autre invention ?
SIMON (comme une évidence) - Ben oui !
M. SICARD - De quoi s’agit-il ?
SIMON - D’un carburant particulièrement puissant, mais malheureusement très polluant. C’est pour ça qu’il ne faut pas que ça tombe entre n’importe quelle main.
M. SICARD (balayant l’objection) - On s’en fout que ça pollue, du moment que ça
rapporte ! S’il fallait avoir des scrupules pour faire du commerce, ça se saurait ! (Un temps.) Vous l’avez testé ?
SIMON - Oui, sur mon Solex.
M. SICARD - Ça existe encore ces machins là ?
SIMON - Je ne sais pas, en tout cas le mien a littéralement explosé…
M. SICARD (dépité) - Votre invention n’est pas viable quoi !
SIMON - Ah, mais si ! Avant qu’il explose, j’ai fait des temps canons ! J’ai doublé plusieurs voitures sur la quatre voies ! (Un temps.) Pour être honnête, je me suis fait
un peu peur !
M. SICARD - Affinez-moi ce projet, il y a quelque chose à creuser.
SIMON - Oui, oui, dès que j’en aurais fini avec le prototype de générateur : je vous rappelle que vous ne m’avez laissé qu’une semaine !
M. SICARD - Alors évitez de vous disperser et attelez-vous à la tâche !
SIMON (se dirigeant vers l’atelier) - Bien sûr, bien sûr ! (Il sort.)
ACTE I
Scène 8
Monsieur Sicard, Madame Vogels, puis Madame Sicard
M. SICARD (se frottant les mains) - Bon, tout s’arrange ! Dans une semaine on aura un prototype à montrer à madame Richou qui ne pourra plus nous refuser un prêt et dans la foulée j’évoquerai ce nouveau projet… On va rouler sur l’or !
Madame Vogels entre côté jardin par le bureau du patron sur la dernière réplique.
Mme VOGELS - Tu es là mon poulet ? Tu vas rouler sur l’or ? (Elle apparaît dans le bureau de l’ingénieur.) Tu vas enfin pouvoir m’offrir une nouvelle voiture, j’en ai marre de la Porsche, c’est pas logeable du tout !
M. SICARD - Béatrice ! Je t’ai dit cent fois de ne pas débarquer ici à l’improviste !
Mme VOGELS - Oh, mais tu es tout tendu ! (Elle lui fait des papouilles.) Gouzi, gouzi, gouzi !
M. SICARD (gloussant en se tortillant) - Ha ! Arrête ! Tu me chatouilles ! Ha !
Mme VOGELS (forçant monsieur Sicard à s’asseoir sur un siège) - Allons, allons ! Le vilain garçon ! Il avait besoin de se détendre ! Gouzi, gouzi, gouzi ! (Elle s’assoit sur les genoux du patron.) C’est la p’tite bête qui monte, qui monte, qui monte !
M. SICARD (se tortillant) - Ha ! Je n’ai pas le temps, de jouer à la petite bête qui monte voyons !
Mme VOGELS - C’est pas grave, on va jouer à celle qui descend ! (Elle passe sa main dans les cheveux du patron.) C’est à qui ça ?
M. SICARD (se prêtant finalement au jeu) - C’est à moi !
Mme VOGELS (touchant le nez du patron) - Et ce petit bout de nez, c’est à qui ?
M. SICARD - C’est à moi !
Mme VOGELS (pinçant les joues du patron) - Et ces joujoues, c’est à qui ça Madame ?
M. SICARD - C’est à moi !
Mme VOGELS (palpant le torse et dégrafant la chemise du patron) - Et ça, c’est à qui ?
M. SICARD - C’est à moi ! (A part.) C’est vrai que ça détend, la petite bête qui descend !
Madame Sicard a fait son entrée en fond de scène par le secrétariat et découvre la scène. Madame Vogels s’est relevée prestement.
Mme SICARD - Et bien ! C’est du joli ! Raoul ! Tu n’as pas honte ? Qui est cette femme ?
M. SICARD (se relevant) - Ma secrétaire figure-toi ! Elle me retirait un truc que j’avais dans l’oeil ! N’est-ce pas madame Vogels ?
Mme SICARD - Tu me prends pour une dinde ? Je viens de la croiser ta secrétaire !
M. SICARD - Non ? Vraiment ? (Faussement indigné.) Elle pousse ! Elle est en arrêt maladie ! (Il hèle.) Madame Bordeaux vous êtes encore là ?
ACTE I
Scène 9
Les mêmes, Madame Bordeaux
Mme BORDEAUX (surgissant surprise) - Oui monsieur Sicard, toujours fidèle au poste.
M. SICARD - Vous êtes en arrêt maladie je vous signale ! Vous êtes quasiment mourante, alors vous n’avez rien à faire ici !
Mme BORDEAUX (abasourdie) - Pas du tout ! Je vais très bien !
M. SICARD - C’est ce que vous croyez ! Vous êtes en rémission, mais cela ne va pas durer : vous avez une tumeur au cerveau !
Mme BORDEAUX (horrifiée) - Mais non ! Je le saurais si j’avais une tumeur enfin !
M. SICARD - Vous avez oublié ! C’est le problème avec la tumeur, ça vous flingue le cerveau !
Mme BORDEAUX (atteinte et prenant une chaise) - C’est affreux, je ne me souviens de rien ! J’ai pourtant dû rencontrer des spécialistes ! Un cancérologue !…
M. SICARD - Oui, bon ! On n’a pas le temps de s’étendre sur vos petits problèmes de santé ! Rentrez chez vous, madame Vogels est là pour vous remplacer ! Vous vous souvenez de madame Vogels quand même ?
Mme BORDEAUX - Ah oui, je me souviens de madame Vogels ! Elle n’est pas secrétaire, c’est votre…
M. SICARD (coupant la parole et empoignant Madame Bordeaux) - Bon allez ! Hop ! Maintenant vous rentrez mourir chez vous !
Mme BORDEAUX - Mais je n’ai pas envie de mourir !
M. SICARD (sortant madame Bordeaux par le bras) - Faudra bien que ça arrive un jour ! Vous en faites bien des histoires ! En attendant moi j’ai une entreprise qui tourne et je ne peux pas me permettre de faire du social ! Allez crever chez vous !
Mme SICARD - C’est affreux ce que tu dis ! Tu pourrais avoir un minimum de compassion !
M. SICARD (sortant avec madame Bordeaux) - On lui enverra des fleurs ! (En off.) On mettra une jolie couronne sur votre tombe, madame Bordeaux ! (Revenant illico.) Une bonne chose de faite !
Mme SICARD - Pauvre madame Bordeaux ! (Un temps.) Elle au moins, j’étais sûre de ne pas la retrouver sur tes genoux !
M. SICARD - J’avais une brindille dans l’œil !
Mme SICARD (montrant la chemise ouverte) - C’est pour ça que tu es débraillé ?
M. SICARD (reboutonnant sa chemise) - Faut croire que la brindille a volé ! Bon, tu n’es pas venue ici pour faire des histoires ? On a du boulot figure-toi ! (S’adressant à madame Vogels.) Et vous, ne restez pas plantée là ! (L’entraînant vers le secrétariat.) On n’a pas les moyens d’avoir des emplois fictifs !
Mme VOGELS (sortant) - Pourtant ça y ressemble drôlement !
ACTE I
Scène 10
Monsieur Sicard, Madame Sicard
M. SICARD - Bon, qu’est-ce que tu veux ? On a du travail ici je te signale !
Mme SICARD - Je viens te parler ici, vu que tu n’es pour ainsi dire jamais à la maison.
M. SICARD - Qu’est-ce que tu imagines ? Gérer une entreprise c’est un boulot à plein temps !
Mme SICARD - Je n’ai pas envie d’entendre tes jérémiades. Je suis venu te parler de l’avenir d’Alice. Si toutefois ta fille fait encore partie de tes préoccupations.
M. SICARD - Je ne suis pas un monstre ! On parlait justement d’Alice avec madame Bordeaux ce matin… (Hélant vers le secrétariat.) N’est-ce pas madame Bordeaux ? (Réalisant sa bourde.) Suis-je bête : elle est morte madame Bordeaux !
Mme SICARD - Tu enterres madame Bordeaux avant qu’elle soit morte et tu n’es
pas monstrueux !
M. SICARD - J’y peux rien si j’ai l’esprit pratique ! Bon : qu’y a-t-il avec Alice ?
Mme SICARD - Elle a enfin un prétendant figure-toi !
M. SICARD - Tu veux dire qu’elle va se marier ?
Mme SICARD - A court terme, oui.
M. SICARD (enchanté) - C’est une excellente nouvelle ! Je suis drôlement content !
Mme SICARD - Oui, moi aussi ça me fait plaisir !
M. SICARD (réjoui) - Une bouche de moins à nourrir !
Mme SICARD - J’aurais dû me douter que ta joie était purement égocentrique !
M. SICARD - Il a du pognon au moins son futur mari ? Parce que j’ai pas envie d’entretenir leur ménage moi !
Mme SICARD - Mais oui ! Enfin, je crois ! Il s’appelle Eudes Soulaire de Martignac. Avec un nom pareil, il doit avoir de la fortune non ?
M. SICARD - Je vais faire une enquête ! Je n’ai rien contre les familles à courant d’air, mais il y circule souvent plus de courants d’air que de valeurs mobilières !
Mme SICARD - Ce que tu peux être rabat-joie ! (Un temps.) Bon Alice va passer t’annoncer la nouvelle, je compte sur toi pour être un peu diplomate !
(Elle déplace machinalement des papiers sur la table de Simon.)
M. SICARD - Mais oui !…
Mme SICARD (apercevant le dessin de femme nue) - Qu’est-ce que c’est ? (Montrant le dessin à son mari.) Une femme nue ! Effectivement vous êtes très occupés !
M. SICARD - C’est Simon : il paraît que ça le détend ! (A part.) Il commence à m’agacer ce dessin !
Mme SICARD - Ben voyons ! (Reposant le dessin avec mépris.) J’y vais, je m’en voudrais de te détourner de tes grandes entreprises ! (Elle sort.)
M. SICARD (resté seul) - Heureusement que je ne suis pas dépressif, parce qu’avec toutes les contrariétés qui m’accablent, il y a longtemps que je me serais flingué !
ACTE I
Scène 11
Monsieur Sicard, Madame Vogels
Mme VOGELS (réapparaissant) - On est seuls ? (Collante.) On va pouvoir reprendre nos activités !
M. SICARD (agacé, repoussant les avances de madame Vogels) - Je ne suis plus d’humeur et je n’ai pas le temps ! Ce que tu peux être obsédée ! Tu ne penses vraiment qu’à ça !
Mme VOGELS (apercevant le dessin) - C’est vrai que tu n’es pas du tout obsédé toi, avec tes dessins de femmes à poil !
M. SICARD (arrachant le dessin des mains de madame Vogels pour le reposer sur le bureau) - Vous commencez à m’emmerder tous autant que vous êtes avec ce dessin ! (Poussant madame Vogels vers la sortie secrétariat.) Bon, écoute : va faire des papouilles à ton mari : ça lui rappellera peut-être des souvenirs !
Mme VOGELS (en sortant) - Espèce de mufle !
M. SICARD (allant reprendre son manteau dans son bureau) - Je vais faire un tour, ça me défoulera ! (Il sort côté jardin.)
ACTE I
Scène 12
Simon, Alice
SIMON (de retour en scène et découvrant la pièce vide) - Tiens ? Plus personne ! (Il s’assoit à sa table.) Bon, je vais en profiter pour retranscrire mes notes sur un autre dessin !
Alice fait son entrée.
ALICE - Bonjour Simon ! Comment vas-tu ?
SIMON (sursautant et cachant son dessin sous une pile de papiers) - Alice ! Bonjour ! Bonjour !
ALICE (s’approchant de Simon) - Et bien, qu’est-ce que tu caches ?
SIMON (mal à l’aise) - Rien ! C’est top secret !
ALICE - Tu as des secrets pour moi Simon ? Depuis le temps qu’on se connaît !
SIMON (rendu idiot par l’extase) - Bah… beuh… bi… bo !
ALICE (riant) - Hi ! Hi ! Hi ! Tu es drôle Simon ! Toujours aussi timide ! Je me souviens quand tu avais onze ans, tout le monde t’appelait « tomate » car tu rougissais pour un rien !
SIMON (honteux) - Bah… Beuh… Non.. Je… C’était il y a longtemps… J’suis plus un môme !
ALICE - Mais oui, je sais ! Je suis contente de te voir Simon. On a toujours été si proches tous les deux !
SIMON - Bah… Beuh…Bouh… (S’énervant après ses problèmes d’élocution.) Raaah ! Ça m’agace ! (Un temps.) Moi aussi je suis content.
ALICE - On en a fait des trucs ensemble !
SIMON (sans réfléchir) - Pas autant que je l’aurais souhaité, hélas !
ALICE (surprise) - Comment ça ?
SIMON (embarrassé) - Bah… Boh… Buh… On n’a jamais fait l’am… l’am… l’Amazonie par exemple !
ALICE - L’Amazonie ? Tu voudrais partir en Amazonie avec moi ?
SIMON - Non… Oui… Bah… Peut-être…
ALICE - Ah Simon ! C’est si bon d’avoir un ami tel que toi ! Je me sens en confiance avec toi ! J’ai quelque chose à te dire, mais je ne sais pas par où commencer !
SIMON - Par le début par exemple… Bah… Beuh… Bouh… C’est idiot ce que je dis là !
ALICE - Tu vas être le deuxième à l’apprendre après maman !
SIMON - Pour une fois que je ne suis pas le dernier informé !
ALICE - Je t’aime vraiment beaucoup Simon… Il n’y a qu’à toi que je puisse le dire…
SIMON - Beuh… Boh… Buh… A moins de connaître un autre Simon ! Je suis drôlement ému ! Moi aussi je t’aime ! Beuh… Bah… Bih… Bih… Bouh !…
ALICE (contrariée) - Arrête de faire le pitre ! C’est important ce que je dis là ! C’est de mon avenir qu’il s’agit !
SIMON - Ah, ben boui ! Euh : oui ! Excuse-moi de bafouiller, c’est l’émotion : mon avenir aussi est en jeu !
ALICE - Oui, forcément, d’une certaine façon… Je ne serai bientôt plus mademoiselle Sicard, mais madame…
SIMON (coupant la parole) - Holà ! Habituellement c’est l’homme qui demande la main à sa future épouse, non ?
ALICE - Naturellement ! Je n’attends que cela ! Mais c’est une question de minutes…
SIMON (surpris) - Là ? Maintenant ? (Ravi.) Je suis le plus heureux des hommes !
ALICE (se jetant dans les bras de Simon) - Je savais que tu serais ravi d’apprendre la nouvelle !
SIMON - Les mots me manquent, tellement je suis content !
ALICE (se défaisant de l’étreinte) - Eudes ne devrait pas tarder, j’espère que vous deviendrez de bons amis !
SIMON - Ah bon ? Pourquoi ? C’est ton témoin ?
ALICE - Mais non, gros bêta ! C’est mon futur époux !
SIMON (anéanti, il s’effondre dans son fauteuil) - C’était trop beau !
ALICE - Et bien Simon, que t’arrive-t-il ? Tu n’as pas l’air bien tout à coup ?
SIMON (écœuré) - Si, si, c’est l’émotion : je cache ma joie ! Elle me submerge littéralement !
ALICE (apercevant le vase) - Oh ? C’est joli ! Qu’est-ce que c’est ?
SIMON - Trois fois rien : de l’eau colorée dans un vase. C’est histoire de mettre un peu de gaieté dans mon gourbi. (A part.) Il commence à m’agacer ce vase !
ALICE (amusée) - Tu as toujours été un original ! (Changeant de sujet.) Au fait, papa n’est pas là ? Eudes doit faire sa demande officielle !
SIMON - Ben non, ton papa n’est pas là. (Hypocrite.) Ah, là, là ! C’est dommage tout de même ! Ta main va rester en jachère…
ALICE - C’est agaçant ! D’habitude, il est tout le temps fourré à l’usine et, bien entendu, aujourd’hui il n’est pas là !
SIMON (hypocrite) - Comme c’est triste !
ACTE I
Scène 13
Les mêmes, Eudes de Martignac
Eudes fait son entrée par la porte du secrétariat.
ALICE - Ah ! Voilà Eudes ! (se précipitant dans les bras d’Eudes.) Bonjour mon chéri !
EUDES (antipathique au possible) - Re-bonjour tu veux dire : on s’est déjà vu ce matin.
ALICE (présentant Simon) - Je te présente Simon, mon ami d’enfance. Il travaille pour papa.
EUDES (s’étant débarrassé de son manteau et le mettant dans les mains de Simon qui en reste coi) - Bien. (Se tournant vers Alice.) Ton père n’est pas là ?
SIMON (pincé) - Moi aussi, je suis enchanté ! (Il pose le manteau sur un dossier de chaise.)
ALICE - Non, je ne sais pas ce qu’il fait, habituellement on est sûr de le trouver à son bureau vu qu’il y passe le plus clair de son temps…
EUDES (contrarié) - Je n’ai pas que ça à faire ! J’ai horreur d’attendre ! (Un temps. Il va s’asseoir dans le fauteuil de monsieur Sicard.) Tu crois qu’il va me prendre comme associé ?
ALICE - C’est un peu tôt pour en parler à papa… Tu sais, il est quand même un peu méfiant !
EUDES - J’apporte mon nom illustre, des meubles d’époques et quelques vieilles pierres, il est naturel que ton père te dote ou, qu’au moins, il m’associe à ses affaires.
SIMON (scandalisé) - J’ai peut-être aussi mon mot à dire !
EUDES (tranchant) - Je ne crois pas, non ! De toute façon, je ne vous ai pas invité à participer à la conversation. Retournez travailler, vous n’êtes pas payé à ne rien faire que je sache !
ALICE - Eudes ! Sois gentil avec Simon : c’est un ami d’enfance !
EUDES - Je n’ai pas de temps à perdre avec des sottises ! Il faut que tu grandisses un peu Alice ! S’attacher à de vieux souvenirs ne permet pas d’avancer !
SIMON (en grommelant, allant reprendre la copie de ses formules) - Le vieux souvenir, il va finir par t’en coller une ! Quel corniaud ! Pourquoi les nanas préfèrent-elles toujours les sales types ?
ACTE I
Scène 14
Les mêmes, Monsieur Sicard
M. SICARD (revenant en scène côté jardin et découvrant Eudes assis à son bureau) - Faut pas se gêner !
ALICE (intervenant) - C’est rien papa !
EUDES (se levant, outré) - Rien ? Je suis tout sauf rien, au contraire ! (S’adressant à M. Sicard.) Vous devez être monsieur Sicard je présume ?
M. SICARD - Vous présumez bien, vous présumez bien ! A qui ai-je l’honneur ?
EUDES - Je suis Eudes Soulaire de Martignac Duprès de Vaufleury.
M. SICARD - Mon pauvre !
EUDES (désarçonné, tout en vérifiant sa mise) - Pourquoi dites-vous cela ?
M. SICARD - On a un peu envie de bailler à l’énumération de votre patronyme, figurez-vous !
ALICE - Papa ! Eudes est venu demander ma main !
M. SICARD (faussement outré) - Ah non mon vieux ! Vous prenez ma fille en entier, pas en pièces détachées !
EUDES - Pardon ?
M. SICARD - Si vous prenez la main de ma fille, vous prenez le reste ! C’est un lot ! Un joli petit lot ! (Un temps. Il observe la tête d’Eudes abasourdi.) Je rigole ! J’ai besoin de me détendre… (S’adressant à Alice, en lui indiquant de s’éloigner.) Va voir Simon deux secondes, veux-tu ? (Alice obtempère et quitte le bureau.)
EUDES (reprenant ses esprit) - Alors, voilà : je souhaite épouser votre fille, sachant que j’ai un château et une centaine d’hectares de terre… Pour ma part, je suis très intéressé par vos affaires…
M. SICARD (ironique) - Je vois, vous êtes intéressé…
EUDES - Disons que c’est donnant-donnant : j’apporte mon nom illustre, mon château, mes terres et vous, vous me prenez comme associé.
M. SICARD (froidement) - En gros, ce mariage est une transaction commerciale…
EUDES - Je ne crois pas aux mariages d’amour, rien ne vaut des intérêts qui convergent…
M. SICARD - Je veux bien que vous me débarrassiez de ma fille, mais je ne suis pas certain de vouloir un associé, sauf s’il m’apporte du numéraire en quantité intéressante… Vous devriez discuter avec ma femme, c’est de sa fille qu’il s’agit…
EUDES - C’est un peu la vôtre aussi, j’imagine ?
M. SICARD - Pour être honnête, je l’ai faite par distraction. Les enfants, c’est pas mon truc, je préfère les chiens : c’est beaucoup moins contrariant et ça coûte moins cher à entretenir.
EUDES - Je vois. Bon, si je comprends bien, il faut que je négocie avec votre femme ?
M. SICARD - Oui, j’aime autant, mais que les choses soient claires : je veux que cela me coûte un minimum.
EUDES - Je vais réfléchir de mon côté, j’ai d’autres pistes… (Il sort sans formalité.)
ACTE I
Scène 15
Monsieur Sicard, Alice, Simon
M. SICARD - Tu parles d’un goujat ! (Il entre dans le bureau de l’ingénieur.)
ALICE - Alors papa ? C’est réglé ?
M. SICARD - Oui, on peut dire ça…
ALICE - Ce que je suis contente ! Eudes est par là ?
M. SICARD - Non, il vient de partir…
ALICE (surprise) - Ah ? (Se reprenant.) Il est tellement occupé ! Bon, je vais prévenir maman ! Tu comprends : il y a tous les préparatifs…
M. SICARD - Oui, bien sûr… Amusez-vous bien ! (Distrait.) Allez, donne-moi la papatte !
ALICE - pardon ?
M. SICARD (même jeu) - La patte ! Donne la papatte !
ALICE - A quoi tu joues ?
M. SICARD - T’auras pas de susucre si tu donnes pas la papatte !
ALICE - Mais je ne veux pas de susucre !
M. SICARD - Bon, alors ouste ! A la niche !
ALICE - Mais je ne suis pas un chien ! Je suis ta fille !
M. SICARD (revenant à la réalité) - Hélas oui, c’est bien ce que je constate ! Bon alors va t’en, je n’ai pas que ça à faire. (Faisant mine de jeter quelque chose au loin.) Va chercher la baballe !
ALICE (sortant un peu déconcertée) - Franchement : on se sent aimée !
ACTE I
Scène 15
Monsieur Sicard, Simon
M. SICARD (se dirigeant vers Simon) - Alors, Simon, vous avancez ?
SIMON (grognon) - Si j’étais moins souvent dérangé, j’avancerai encore plus vite !
M. SICARD (conciliant et retournant à son bureau) - Bon, bon, je ne vous dérange plus !
Noir
ACTE II
Scène 1
Monsieur Sicard, Simon
A l’ouverture, monsieur Sicard est au téléphone dans son bureau.
M. SICARD - Allô ? Madame Bordeaux ? Qu’est-ce que vous foutez ? On vous attend au bureau figurez-vous ! (Un temps.) En arrêt maladie ? Vous n’êtes pas malade voyons !.. Et vous êtes encore moins mourante ! On se demande qui vous a fourré des idées pareilles ! (Un temps.) Moi ? Comment ça moi ? (Un temps.) Oui, vous avez raison, mais j’ai eu une conversation avec votre chirurgien, vous êtes en rémission. Vous pouvez donc revenir travailler avant une rechute éventuelle ! Allez, allez ! Ne pleurez pas et revenez vite au bureau, il y a du pain sur la planche ! (Un temps.) Oui, c’est ça, à tout à l’heure… (Il raccroche.) Pfff ! Les hypocondriaques, faut se les faire ! (Entrant dans le bureau de l’ingénieur.) Alors Simon ? Tout est prêt ?
SIMON - Oui monsieur Sicard (Il montre une console où trône le prototype qui ressemble furieusement à un presse agrume électrique.) Voyez plutôt !
M. SICARD - Un presse fruits ! Vous rigolez ou quoi ?
SIMON - Non, non ! Il s’agit bien du prototype !
M. SICARD - Il faut que cela fonctionne, car la banquière (il regarde autour de lui afin de s’assurer qu’elle n’est pas encore arrivée.) N’a aucun sens de l’humour et j’ai besoin de ses subsides !
SIMON - Je l’ai testé ce matin avec une pelure de pomme de terre…
M. SICARD (ahuri) - Une pelure de pomme de terre ?
SIMON - Oui : il faut l’alimenter un peu si on veut restituer de la puissance au bout…
M. SICARD - Ah ? Bon, admettons…
SIMON - Bref, j’ai relié la machine à la photocopieuse et j’ai réussi à lui faire cracher cinq cents feuilles à la minute.
M. SICARD (abasourdi) - Non ? Sans blague ? Notre vieille bécane ? Cinq cents feuilles à la minute ? On perdra moins de temps à l’avenir !
SIMON - Bon, évidemment la photocopieuse a fini par rendre l’âme… Il faudra songer à investir dans une nouvelle…
M. SICARD (contrarié) - Si ça flingue le matériel, je ne vois pas l’intérêt !
SIMON - C’était juste une question de réglage : j’avais mis trop de puissance. A présent c’est résolu, on pourra faire une démonstration à Madame Richou.
M. SICARD - Bon, bon, tant mieux… Que personne ne touche à rien, je vais me dégourdir les jambes avant l’arrivée de Madame Richou. (Il sort.)
SIMON - Bien, bien… (Se tenant le ventre tout à coup.) Holà ! Je crois qu’il y a
un truc qui n’est pas passé ! (Se précipitant vers les coulisses.)
ACTE II
Scène 2
Madame Sicard-mère, Miss Prentiss
Scène vide. Madame Sicard-mère et miss Prentiss refont leur apparition.
MISS PRENTISS (poussant le fauteuil roulant, réticente) - Je ne sais pas si monsieur Sicard sera d’accord que nous venions encore le perturber…
Mme SICARD-MÈRE - Mais non, mais non ! C’est l’anniversaire de Raoul, je ne vois pas pourquoi son père ne serait pas d’accord ! (Hélant.) Raoul ? Raoul ? (Un temps.) Flûte ! J’ai un truc coincé dans une dent ! Donnez-moi un cure dent voulez-vous ?
MISS PRENTISS - Je n’ai malheureusement pas ce genre d’accessoire sur moi, Madame…
Mme SICARD-MÈRE (impatiente) - Et bien cherchez ! (Miss Prentiss obtempère et fouine un peu partout, tandis que madame Sicard-mère s’approche du générateur, elle finit par le tripoter dans tous les sens et en arrache finalement un petit bout de métal en forme de cure dent.) Voilà ! Miss Prentiss ! Vous pouvez revenir, j’ai trouvé une sorte de cure dent ! (Elle entreprend un curage de dents.)
MISS PRENTISS (revenant auprès de sa patronne) - Great ! (Apercevant le « cure-dent ».) Mais ? C’est quoi ce trouc ?
Mme SICARD-MÈRE - Je ne sais pas, je l’ai prélevé sur cet appareil…
MISS PRENTISS - Ah ? Le presse froute ?
Mme SICARD-MÈRE (elle range machinalement la pièce métallique dans son sac à main) - Un presse-fruits, ce truc ?
MISS PRENTISS - Oui, je crois…
ACTE II
Scène 3
Les mêmes, Simon
SIMON (réapparaissant avec une étoffe rouge à la main et inquiet de voir madame Sicard-mère) - Oh ! Ah ! Euh…
Mme SICARD-MÈRE (moqueuse) - …U, I et I grec !
SIMON - Bonjour mesdames… Je crains que vous ne puissiez rester : monsieur Sicard attend du monde.
Mme SICARD-MÈRE - Mon mari ? (se tournant vers miss Prentiss.) Fernand n’est pas à la maison ?
MISS PRENTISS (prenant une mine d’enterrement) - Hélas Madame !
Mme SICARD-MÈRE (se méprenant) - Ce n’est pas si grave, puisqu’il est ici !
SIMON (inquiet, tournant autour de son appareil) - Vous n’avez touché à rien, j’espère !
Mme SICARD-MÈRE - Mais non ! Je cherchais un cure-dent et je l’ai trouvé… Quelque part dans cette pièce… Je ne me souviens plus ! C’est sans importance !
SIMON (vaguement soulagé) - Un cure-dent ? Bon… (S’adressant à miss Prentiss.) Je suggère que vous rameniez madame à la maison.
Mme SICARD-MÈRE - Je n’ai pas envie de rentrer à la maison non d’une pipe !
SIMON - Mais si, voyons ! Votre mari vous attend avec un gros gâteau !
MISS PRENTISS - Pas dou tout, Monsieur est parti hélas !
SIMON - Chhhut !
Mme SICARD-MÈRE - Avec mon gâteau ?
MISS PRENTISS - Il n’y a pas de gâteau voyons, c’est ridiculous !
SIMON - La ferme !
Mme SICARD-MÈRE - Zut alors ! Mon gâteau !
SIMON - Mais si ! Mais si ! Il y a un gros gâteau qui attend madame à la maison !
MISS PRENTISS - Tout de même, je le saurais s’il y avait un gâteau !
SIMON (à part) - Je vais me la faire ! (Haut.) C’est une surprise ! Le principe d’une surprise, c’est d’ignorer qu’il y en a une !
Mme SICARD-MÈRE et MISS PRENTISS (ensemble) - Une quoi ?
SIMON - Une surprise !
Mme SICARD-MÈRE - Chouette ! Une surprise !
MISS PRENTISS - Je ne comprends pas ! Il y a une surprise avec le gâteau ?
SIMON (exaspéré) - Non ! Oui ! Je n’sais plus ! (Les poussant vers la sortie.) De toute façon, c’est par là que ça se passe !
Mme SICARD-MÈRE - Chouette ! Un gâteau surprise !
Les deux femmes sortent.
ACTE II
Scène 4
Simon, Madame Bordeaux
SIMON (soufflant) - Pfffff ! Difficile de rester concentré avec tout ce remue-ménage
! (Il inspecte son invention.) Voyons… tout a l’air d’être en place… encore une veine, elles n’ont touché à rien ! (Il cache son invention sous l’étoffe.)
Mme BORDEAUX (entrant. Elle a l’air déprimé) - Bonjour Simon…
SIMON - Bonjour madame Bordeaux. Pouvez-vous me donner un coup de main ? On va dresser un buffet…
Ils font des allers-retours entre scène et coulisses avec table, nappe blanche, verres etc. tout en parlant.
Mme BORDEAUX (obtempérant. Sèchement) - Merci, je vais mieux !
SIMON (distraitement) - Tant mieux, tant mieux !
Mme BORDEAUX - Au fond, si j’étais morte, personne ne l’aurait remarqué !
SIMON - Ne dites pas ça… (Un temps.) Je vous trouve un peu déprimée ce matin !
Mme BORDEAUX (continuant sa pensée) - …On préfère les gens bien portants, on n’a pas besoin de les plaindre !
SIMON (quittant provisoirement la pièce) - Cela tombe sous le sens…
Mme BORDEAUX - Dans ce monde, il n’y a pas de place pour les malades et les gens malheureux ! C’est le diktat du bonheur ! (S’emparant du vase au liquide bleu.) J’en ai marre de ce vase plein d’eau putride ! (Elle sort avec le vase et croise Simon qui revient.)
SIMON - Il est évident que l’on préférera toujours rire avec quelqu’un plutôt que de le consoler !
Mme BORDEAUX (revenant) - Si vous croyez que j’ai envie de rire avec tout ce qui m’arrive !
SIMON - Allons, allons ! Il ne faut pas s’apitoyer sur son sort ! Il y a toujours plus malheureux que soi !
Mme BORDEAUX - Vous croyez qu’il y a pire que la phase terminale ? (Elle sort en direction du secrétariat en sanglotant.)
SIMON (interloqué) - Qu’est-ce qu’elle a ? Qu’est-ce que j’ai dit ? (Hélant en direction du secrétariat.) Je vous trouve en petite forme madame Bordeaux, vous devriez prendre un congé maladie !
On entend les sanglots de madame Bordeaux qui redoublent d’intensité.
ACTE II
Scène 5
Simon, Monsieur et Madame Sicard, Madame Richou,, puis Alice et Eudes
Monsieur et madame Sicard entrent, suivis de madame Richou, puis d’Alice et Eudes.
M. SICARD (parlant fort) - Nous voilà ! Tout est prêt, j’espère ? (Observant les lieux.) Oui, apparemment… Il manque des chaises Simon ! (S’adressant à madame Richou de façon mielleuse.) On va vous faire asseoir !
Simon hoche la tête et sort en direction du secrétariat.
Mme RICHOU (perfide) - Pourquoi ? Vous avez une mauvaise nouvelle à m’annoncer ?
M. SICARD (forçant un rire) - Ha ! Ha ! Ha ! Très drôle ! (Un temps.) C’est pour que vous soyez plus à l’aise pour la démonstration…
Simon revient en compagnie de madame Bordeaux qui renifle. Ils apportent et placent des chaises.
Mme SICARD (perfide) - Ah ? Parce que tu fais ton numéro de chaise en public, maintenant ?
M. SICARD - Qu’est-ce que tu me chantes ?
Mme SICARD - Et bien : le coup de la brindille dans l’œil et de la secrétaire sur les genoux, la petite bêbête qui monte et qui descend…
M. SICARD - Tais-toi voyons ! Madame Richou va s’imaginer des choses !
Mme RICHOU - Plus rien ne m’étonne ! Après les allusions déplacées et le dessin de femme nue !
Mme SICARD - Il vous a montré son dessin ?
Mme RICHOU - Oui, et il a eu le toupet de me dire que c’était son employé qui l’avait dessiné !
M. SICARD - Evidemment, puisque c’est lui ! (S’adressant à Simon.) N’est-ce pas Simon ?
SIMON - Je n’ai pas de temps à perdre avec ces enfantillages !
M. SICARD - Vous rigolez ou quoi ? Vous étiez en train de le recoller votre foutu dessin tout à l’heure !
SIMON - Pas du tout ! Il s’agissait de mes plans !
EUDES - De quoi s’agit-il ?
M. SICARD - Mais rien ! Mais rien !
ALICE - Rassure-moi, papa : tu n’es pas devenu pornographe ?
M. SICARD (agacé) - Tu n’es pas au courant ? J’ai décidé de lancer une nouvelle édition du Kamasutra ! (Soufflant d’exaspération et se passant une main sur le visage pour se détendre) - Bon ! Asseyons-nous !
ACTE II
Scène 6
Les mêmes, Madame Bordeaux, Monsieur et Madame Vogels
Madame Bordeaux introduit monsieur et madame Vogels en reniflant.
M. SICARD (se relevant) - Ah, monsieur et madame Vogels ! Il ne manquait plus que vous ! (Faisant les présentations.) Je vous présente notre maire et son épouse. Madame Richou du Crédit Général de France…
M. VOGELS (saluant avec une courbette) - Mes hommages madame.
Mme RICHOU - …Monsieur…
Mme VOGELS - Madame…
Mme RICHOU - …Madame…
M. SICARD - …Mon épouse…
Mme SICARD - Nous nous connaissons déjà ! C’est ta secrétaire intérimaire, non ?
M. SICARD
Mme VOGELS (ensemble) - Pas du tout !
M. VOGELS
Mme SICARD (s’adressant à madame Vogels) - Mais si ! La semaine dernière, vous remplaciez madame Bordeaux qui était souffrante…
Mme BORDEAUX (corrigeant de façon agressive) - …Mourante !
M. SICARD - Oui, bon ! Vous : crevez en silence ! (Madame Bordeaux part en direction du secrétariat en pleurant.)
Mme SICARD (insistant auprès de madame Vogels) - …Vous étiez sur les genoux de mon époux… Il avait un truc dans l’œil et vous lui enleviez sa chemise pour y voir plus clair !
Mme VOGELS - Mais pas du tout !
M. VOGELS - Une secrétaire ne fait pas des trucs pareils !
Mme SICARD - C’est aussi mon avis !
M. SICARD - Bon alors ? Tu vois ? Ce qui prouve bien que madame Vogels n’est pas ma secrétaire !
Mme SICARD - Je suis bien d’accord.
M. SICARD - Pourquoi tu nous enquiquines, si tu es d’accord ?
Mme SICARD - Je suis d’accord pour dire que ce n’est pas ta secrétaire, par contre il est évident que c’est ta maîtresse !
M. SICARD (très fort) - Mes tresses ? Mes tresses ? Qu’est-ce qu’elles ont mes tresses ?
M. VOGELS - Vous n’avez pas de tresses monsieur Sicard !
M. SICARD - Ah ? Tu vois ? J’en n’ai même pas des tresses ! (Continuant rapidement les présentations.) …Et voici ma fille Alice et son prétendant Eudes Soulaire de…quelque chose…
EUDES (offusqué) - Soulaire de Martignac !
M. SICARD (balayant la remarque de la main) - On n’a pas le temps de faire des chi-chis mon vieux !
ALICE (outrée) - Papa !
Mme SICARD (perfidement à madame Vogels) - …Et à part ça ? La Porsche, elle roule bien ?
M. VOGELS - A ce propos, elle a un de ces pots ma femme, elle arrête pas de gagner des trucs !
M. SICARD (à part) - Tu m’étonnes !
Mme SICARD - Vous l’avez gagné où la Porsche ?
M. VOGELS - Aux Trois Suisses, pourquoi ?
Mme SICARD - Parce que je gagne des sorties de bain ou des mouchoirs, moi, quand je gagne aux Trois Suisses !
Mme RICHOU - Pour ma part, mon plus beau cadeau c’était à la Redoute : des assiettes en plastique !
M. VOGELS - Vous devriez demander conseil à ma femme, elle a un truc !
Mme SICARD - Oui (Un temps.) Un amant.
Mme RICHOU - Ou même plusieurs !
M. SICARD - N’exagérons rien !
M. VOGELS - Vous ne seriez pas en train de faire des allusions là, par hasard ?
Mme SICARD - Non, pas du tout.
Mme RICHOU - On était plutôt sur le mode affirmatif.
M. VOGELS - Alors là, je vous arrête tout de suite : ma femme est Balance et les Balances sont d’une fidélité à toute épreuve ! C’est quelqu’un qui me l’a dit !
Mme SICARD - Ah, oui ? Qui ça ?
M. SICARD - Oui, bon ! Cela n’intéresse personne ! (Désignant la machine.) Ce qui nous intéresse…
M. VOGELS (coupant la parole) - Je crois bien que c’est votre mari qui m’a affirmé ça. N’est-ce pas monsieur Sicard ?
M. SICARD - Qui moi ? Vous croyez ? Oh, vous savez moi, l’astrologie !
Mme SICARD - Ne sois pas si modeste mon chéri ! Quelque chose me dit que si madame Vogels avait été Gémeaux, tu l’aurais également trouvée très fidèle !
M. VOGELS - Pas du tout ! Il paraît que les Gémeaux sont versatiles ! Ils papillonnent, tout ça ! Ma femme est Balance : je n’ai donc pas de soucis à me faire…
Mme SICARD (soufflant d’atterrement) - PFFFFF !
Mme RICHOU (à part) - En voilà un qui mérite d’être cocu !
M. SICARD - On ne va pas passer la nuit sur votre femme non plus !
Mme SICARD - Surtout que c’est déjà fait !
M. SICARD - Oh ! S’il te plaît ! Si j’avais su que tu me pourrirais la démonstration de ma nouvelle machine !
SIMON - C’est mon invention !
M. SICARD - La ramenez pas vous ! Avec vos dessins de femmes à poil !
M. VOGELS (intéressé) - Ah bon ? Il sait dessiner autre chose que des plans ? On peut voir ? (Se justifiant bêtement.) Je suis amateur d’art !
M. SICARD (exaspéré) - Mais oui ! Bien sûr ! On doit pouvoir trouver ça quelque part ! (Il farfouille un peu partout dans les papiers et trouve le dernier dessin de Simon.) Ah ! Voilà ! (Il tend le dessin à monsieur Vogels.) Tenez, cadeau ! On va peut-être pouvoir avancer un peu là ?
SIMON (inquiet) - Houlà ! Je ne suis pas d’accord ! Cela m’a pris un temps fou !
M. SICARD - Vu le temps que vous perdez avec vos turpitudes, vous allez pouvoir vous asseoir sur vos heures sup’ mon vieux !
SIMON (consterné) - Il va falloir que je reprenne tout à zéro ! Je vais être obligé de travailler de mémoire… Je ne sais pas si je vais me souvenir de tous les détails !
M. SICARD - Epargnez-nous les détails ! (Poussant Simon vers la machine.) Allez ! Au boulot !
M. VOGELS (enchanté en regardant le dessin) - Moi, j’apprécie tout particulièrement les détails !
M. SICARD - Allons, asseyons-nous ! (D’un signe autoritaire en direction de Simon.) Simon, la démonstration !
Tout le monde prend place comme au spectacle.
SIMON (enlevant l’étoffe rouge) - Voici le générateur du futur…
Mme RICHOU - Un presse-fruits !
M. VOGELS - Pas terrible le design mon vieux !
Mme SICARD - C’est une blague ?
M. SICARD (agacé) - C’est un prototype ! On ne s’est pas penché sur l’aspect, mais sur l’efficacité ! N’est-ce pas Simon ?
SIMON - Absolument ! (Très content de lui.) L’intérêt de mon invention réside premièrement dans son rendement exceptionnel, deuxièmement dans l’utilisation de carburant très variés, troisièmement dans sa compacité, quatrièmement…
M. SICARD (impatient) - Oui, bon ! Trêve de discours ! Faites le marcher votre bazar !
SIMON (pincé) - Il est important d’expliquer ! (S’entêtant.) …Quatrièmement dans sa simplicité de fonctionnement.
Mme RICHOU - Faites le marcher que diable !
EUDES - Oui c’est vrai, vous êtes pénible ! (A part.) J’aimerais savoir si l’affaire est rentable, auquel cas, je continuerai ma cour auprès d’Alice !
SIMON (sortant une orange de sa poche, puis un couteau, avec mystère ) - Voici une orange… Voici un couteau…
M. VOGELS (sortant un mouchoir de sa poche, hilare) - Voici un mouchoir !
ALICE - Chut !
SIMON - Vous noterez que le générateur est relié à ce vulgaire aspirateur… Je coupe l’orange en deux. J’introduis la moitié d’orange dans l’appareil. Je presse. J’appuie sur l’interrupteur ici et… (Il ne se passe rien, Simon vérifie l’interrupteur de l’aspirateur.) …Et… (Il s’affaire sur ses branchements.) Et… Et…
M. VOGELS (chantant, moqueur) - …Zorro est arrivé hé, hé ! Sans se presser hé, hé ! (Riant.) Comme votre orange ! Hé ! Hé ! Hé !
M. SICARD (hors de lui) - Oh ! Vous le cocu, la ferme !
M. VOGELS (outré) - Oh ! C’est impossible, ma femme est Balance !
Mme VOGELS - C’est de mon mari dont vous parlez !
M. SICARD - Justement ! Vous êtes bien placée pour le savoir !
Mme VOGELS - Oh ! (Entraînant son mari vers la sortie.) On ne va pas se laisser insulter ! Sortons d’ici !
M. VOGELS - Ne venez jamais faire une demande de subvention ou de permis de construire auprès de la mairie, tant que je serai Maire, j’y ferai obstruction !
Monsieur et madame Vogels sortent.
M. SICARD - C’est ça ! C’est ça ! Moi je vais venir récupérer la Porsche !
Mme VOGELS (en off) - Cela m’étonnerait : elle est à mon nom la Porsche !
ACTE II
Scène 7
Monsieur et Madame Sicard, Madame Richou, Simon, Alice et Eudes
M. SICARD (à part) - Zut ! On fait n’importe quoi, quand on est amoureux !
Mme RICHOU - Quel crétin ! On se demande comment il a réussit à se faire élire Maire !
Mme SICARD - Dans ces trous de campagne, ce n’est pas bien compliqué ! Il suffit de picoler avec les uns et les autres et de faire semblant de s’intéresser à leurs problèmes.
Mme RICHOU - Ah ? Parce qu’ailleurs, c’est différent ?
M. SICARD (s’étant approché de Simon) - Bon alors quoi ? Que se passe-t-il ?
SIMON - Je ne comprends pas, il marchait très bien tout à l’heure !
EUDES (s’étant approché également) - …En tout cas, il y a du jus…
SIMON - Evidemment qu’il y a du jus ! Tout est branché correctement !
EUDES - …Du jus d’orange, je voulais dire… On peut le boire ?
SIMON - On s’en fout !
EUDES - Simple curiosité ! Bon, si ça ne fonctionne pas, je n’ai plus rien à faire ici !
ALICE - Restons un peu s’il te plaît !
EUDES - Tu peux rester, je n’ai plus besoin de toi.
ALICE (minaudant) - Si, tu m’aimes, tu restes un peu ! Dis-moi que tu m’aimes !
EUDES (sèchement) - Non. Et je m’en vais. (Il sort sans formalité.)
ACTE II
Scène 8
Monsieur et Madame Sicard, Madame Richou, Simon et Alice
ALICE (éclatant en sanglots) - Beuuuh ! Eudes ne m’aime plus ! Beuuuuh ! C’est affreux ! Beuuuuuh !
M. SICARD (se bouchant les oreilles) - La ferme ! C’est épouvantable !
Mme RICHOU - Il faut admettre que c’est insupportable !
ALICE - Beuuuuh ! Qu’est-ce que je vais devenir ! Beuuuh !
Mme SICARD - Déjà, toute petite, elle avait de la voix !
ALICE - Beuuuh ! Je vais finir vieille fille !
SIMON (s’approchant d’Alice) - Moi, je veux bien la consoler !
M. SICARD (attrapant Simon par le col) - Il y a des choses plus importantes à gérer par ici !
ALICE - Beuuuh ! J’aurais mieux fait d’être une chienne !
Mme SICARD (se levant et emmenant sa fille par le bras) - Allons, viens, on rentre à la maison !
M. SICARD - Oui, c’est ça : à la niche !
ALICE - Beuuuh ! Je préfère mourir ! Beuuuh !
M. SICARD - Ça nous fera des vacances !
Mme SICARD (Saluant madame Richou avant de sortir) - Au revoir Madame, excusez-nous !
Mme RICHOU - Je comprends ! Au revoir Madame !
Madame Sicard et sa fille sortent.
ACTE II
Scène 9
Monsieur Sicard, Madame Richou, Simon
M. SICARD - Ça fait du bien quand ça s’arrête !
Mme RICHOU (se levant) - Je ne vois pas l’intérêt de rester plus longtemps…
M. SICARD (il rassied de façon autoritaire madame Richou, estomaquée) - Attendez encore un instant, voulez-vous ? Simon va le faire fonctionner mon super générateur ! (Sur un ton menaçant.) N’est-ce pas Simon ?
SIMON - Je ne comprends pas ! Tout est bien branché !
M. SICARD (avec une tonalité inquiétante) - On le saura que tout est bien branché, maintenant il faut que ça marche sacré nom d’une pipe ! (Il s’empare d’un fil.)
Mme RICHOU (s’étant relevée) - Cela devient grotesque ! Vous m’appellerez quand ça marchera !
SIMON - Il vaut mieux éviter de toucher à ce fil monsieur Sicard, il est mal isolé !
M. SICARD - C’est moi le patron ! Alors, je fais ce que je veux ! (Il va rasseoir madame Richou de façon autoritaire.) Et vous assis ! (Il reprend le fil à pleine main et reçoit une décharge. Il fait des soubresauts ridicules.) Oh putain ! Les plombs ! Les plombs ! Les plombs ! (Il continue de « danser » pendant la conversation suivante.)
Mme RICHOU - C’est certain ! Vous avez pété les plombs !
SIMON - Non, je crois qu’il veut dire qu’il faut couper l’alimentation générale.
Mme RICHOU - Ah bon ? Vous croyez ?
SIMON - Oui. (Hélant en direction du secrétariat.) Madame Bordeaux ?
ACTE II
Scène 10
Les mêmes, Madame Bordeaux
Mme BORDEAUX (en off et peu amène) - On se souvient que je suis encore vivante ?
SIMON - Pourriez-vous couper momentanément le compteur s’il vous plaît ?
Mme BORDEAUX - Quel compteur ?
SIMON - Le compteur électrique.
Mme BORDEAUX - Pourquoi ?
SIMON - J’ai pas le temps de vous expliquer, c’est urgent !
Mme BORDEAUX - Je suis trop bête pour comprendre ? (Surgissant dans la pièce.) J’en ai assez d’être traitée par dessous la jambe ! Vous pourriez m’expliquer pourquoi je dois couper le courant, c’est quand même pas un secret d’état ?
SIMON (désignant M. Sicard) - C’est pour monsieur Sicard. Il passe un mauvais quart d’heure !
Mme BORDEAUX (méprisante) - Encore en train de faire le guignol ! Vous m’avez fait venir pour vous regarder vous tortiller ? Vous n’aviez pas assez de spectateurs ?
Mme RICHOU - En fait, il est en train de s’électrocuter gentiment, alors si vous pouviez couper le courant, je pense qu’il vous en serait reconnaissant.
Mme BORDEAUX (paniquée et courant dans tous les sens) S’électrocuter ! Holà, là, là, là ! Quelle horreur ! Holà, là ! Où est le compteur ? Là ! Non, là ! Plutôt par là ! (Elle sort, puis en off.) C’est bon, j’ai coupé ! (Monsieur Sicard tressaute toujours.)
SIMON - Non, ce n’est pas le bon compteur madame Bordeaux !
Mme BORDEAUX (en off) - Si, si ! J’ai fermé le robinet !
M. SICARD (dans un spasme) - Tuer ! Je… vais… la… tuer !
SIMON (sortant prestement) - Je crois que je vais le faire moi-même !
M. SICARD (se méprenant) - …La tuer ?… merci !…
SIMON - (En off.) Vous avez coupé l’eau madame Bordeaux. Le compteur électrique c’est par ici !
Noir fugace et retour de la lumière. monsieur Sicard qui a lâché le fil, titube légèrement puis se vautre dans une chaise, hagard.
ACTE II
Scène 11
Monsieur Sicard, Madame Richou, Simon
SIMON (revenant) - Voilà ! Tout va bien ?
Mme RICHOU - Il n’est pas mort en tout cas… Bon, écoutez : je ne vois pas l’intérêt de rester plus longtemps, il est évident que votre machine ne fonctionne pas. Vous direz à votre patron qu’il serait temps qu’il songe à une reconversion !
SIMON - Mon invention fonctionne, je vous assure !
Mme RICHOU - Allons, allons ! Ne vous donnez pas tout ce mal ! Il ne le mérite pas ! (Elle sort.)
SIMON - Mais ? Je vous assure ! (Hélant vers les coulisses.) Elle marchait très bien tout à l’heure !
M. SICARD (revenant à lui) - Je vais me la faire !
SIMON - Cela ne servirait à rien, elle ne vous accordera jamais de prêt !
M. SICARD - Pas madame Richou, madame Bordeaux ! Elle m’a laissé grésiller sur mon fil délibérément ! La garce ! (Il se lève.)
SIMON (retenant monsieur Sicard) - Elle ne l’a pas fait exprès, elle est un peu gourde, vous savez ! (Hélant vers les coulisses.) Madame Bordeaux ! Partez vite ! Monsieur Sicard est très fâché après vous !
ACTE II
Scène 12
Monsieur Sicard, Simon, Madame Bordeaux
Mme BORDEAUX (entrant furieuse) - Comment ça : je suis gourde ?
M. SICARD (se précipitant sur elle) - Vous serez bientôt morte !
Mme BORDEAUX (courant vers la sortie) - Au secours !
M. SICARD (partant à la poursuite de madame Bordeaux) - Revenez tout de suite ! Aux pieds ! Aux pieds !
SIMON (resté seul) - Pffffff ! Quelle journée ! (Il prend le presse fruit et vide le contenu dans un verre qu’il porte à ses lèvres.) Il fait du bon jus d’orange, c’est toujours ça ! (Il s’assoit, désabusé.)
Noir.
ACTE III
Scène 1
Monsieur Sicard, Simon
A l’ouverture, monsieur Sicard et Simon sont assis et sirotent le Champagne.
Monsieur Sicard a un gros sparadrap sur le front. Il y a des cartons de déménagement près de la table de Simon.
M. SICARD (il se frotte le front) - …Je l’ai ratée, par contre le haut de la poutre, je l’ai prise en pleine poire !
SIMON - Pauvre madame Bordeaux !
M. SICARD - Elle a quand même failli me tuer à deux reprises ! Vous serez gentil de lui remettre ses affaires et son dernier bulletin de paie : je l’ai virée !
SIMON - Elle ne risque pas de vous attaquer aux prud’hommes ?
M. SICARD - Pensez-vous ! Elle est de droite : elle ne va pas attaquer son patron, ça la foutrait mal !
SIMON - Parce que vous, vous ne votez pas à droite ?
M. SICARD (se levant) - Oh, moi, vous savez, la politique ! Je suis pragmatique, je sais bien qu’on ne change ni les gens, ni le monde. En gros, on est de gauche quand on est pauvre et on vote à droite dès qu’on commence à payer des impôts !
SIMON - C’est un peu réducteur, non ?
M. SICARD (il regarde par la fenêtre) - On s’en fout ! (Un temps.) Vous avez vu la rivière ? C’est curieux tout de même : tous ces poissons le ventre à l’air !
SIMON (allant voir à la fenêtre) - Une pollution massive ! Regardez ! Même les canards sont crevés !
M. SICARD - Merde alors ! Je n’aurai pas le plaisir de les flinguer !
SIMON - Je me demande ce qui a pu provoquer ça…
M. SICARD - Peu importe ! Il y a des choses qui me touchent davantage : la société sera bientôt en liquidation je vous signale !
SIMON - C’est bête, si vous n’aviez pas donné mon dessin à monsieur Vogels, on était tiré d’affaire !
M. SICARD (énervé) - Ah ? Parce que vous pensez qu’en vendant vos dessins de femmes à poil, on aurait sauver la mise ?
SIMON - Non, mais j’avais une formule au dos du dessin que vous avez donné à Monsieur Vogels.
M. SICARD (inquiet) - Une formule ? Comment ça une formule ?
SIMON - La formule de mon carburant révolutionnaire.
M. SICARD (rassuré) - Mais non ! Il était sur l’autre dessin : celui que ma mère avait déchiré et que vous recolliez l’autre fois !
SIMON - Je l’ai brûlé celui là. J’avais tout retranscrit sur celui que possède dorénavant monsieur Vogels.
M. SICARD (horrifié) - Non ? C’est pas possible ? Fallait m’empêcher de lui donner ce dessin !
SIMON - J’ai essayé, mais vous n’étiez pas vraiment à l’écoute !
M. SICARD - Je suis dégoûté ! Non seulement ce corniaud possède ma Porsche, mais il a aussi mon invention de carburant révolutionnaire ! Heureusement qu’il n’en sait rien cet abruti !
SIMON - Mais, j’y pense !
M. SICARD - Quoi ?
SIMON - Je n’ai plus la formule, mais il me reste un échantillon ! (Il se précipite vers sa table à dessin.)
M. SICARD (tout guilleret) - A la bonne heure ! Il y a plus qu’à en foutre dans le réservoir de la bagnole de madame Richou, et quand elle aura fait du 300 à l’heure avec sa Clio, on aura notre prêt direct !
SIMON - Ce n’est peut-être pas la meilleure façon d’aborder les choses !
M. SICARD (Il va vers son bureau) - Je rigole ! N’empêche qu’une petite démonstration s’impose ! J’appelle madame Richou !
SIMON (resté seul) - C’est ballot, tout est rangé dans les cartons !
M. SICARD - Allô ? Madame Richou ? Monsieur Sicard ! J’ai une bonne nouvelle, on a le carburant révolutionnaire ! Si, si ! Simon va vous faire une démonstration ! (Un temps.) Oui, elle sera plus probante que la dernière fois ! (Un temps.) Venez quoi ! Mais non, ce n’est pas un stratagème ! Ecoutez, si rien ne fonctionne comme prévu et que vous vous déplacez pour rien, je vous fais le serment que je me lance dans une carrière de dragqueen ! Si, je le jure ! Sur la tête de ma fille ! (Un temps.) Comment ça : choisissez quelqu’un d’autre ? (Un temps.) Je ne tiens pas assez à elle ? Bon, sur ma tête alors ! (Un temps.) A tout de suite ! Merci madame Richou ! (Revenant dans le bureau de Simon.) Voilà, elle arrive ! Bon, il est où votre carburant miracle ?
SIMON (déballant ses cartons) - Je le cherche… Mes affaires sont rangées dans ces deux cartons. (Voyant que monsieur. Sicard commence à ouvrir le deuxième carton.) Faites attention, c’est fragile !
M. SICARD - Pas de blague Simon ! J’ai fait un pari à la con moi ! Bon, ça ressemble à quoi votre truc ?
SIMON - C’est un petit vase avec du liquide bleu à l’intérieur…
M. SICARD - Non ? Le vase qui trônait en permanence sur votre table ?
SIMON - Je me suis dit qu’en le mettant à la vue de tous, il y aurait moins de risque qu’on le convoite.
M. SICARD - Dire que j’ai failli le bazarder votre vase à la noix ! Il était moche et il chlinguait ! Elle est bien bonne !
Ils rient tous les deux.
SIMON - Il commençait à m’agacer aussi : il intriguait tout le monde !
M. SICARD - Ce que je suis content moi !
SIMON - Il n’est pas dans ce carton. Et dans le vôtre ?
M. SICARD (finissant de vider le carton frénétiquement) - Non ! Vous êtes sûr de l’avoir mis là-dedans ?
SIMON - Non, j’ai rempli ces cartons rapidement… Il est peut-être ailleurs ?
ACTE III
Scène 2
Les mêmes, Madame Bordeaux
Mme BORDEAUX (faisant son entrée. Froidement) - Je viens chercher ma paie et mes affaires.
SIMON - Bonjour madame Bordeaux. (Il lui tend un petit carton et une enveloppe.) Tenez. Vous n’auriez pas vu mon vase par hasard ?
Mme BORDEAUX - Le vase avec de l’eau bleue et qui sentait mauvais ?
SIMON
(ensemble, très excités) - OUI ! C’est ça !
M. SICARD
Mme BORDEAUX - …Dans la kitchenette…
M. SICARD (ravi) - Ahh ! Génial ! (Il enlace madame Bordeaux qui en lâche son carton, pendant que Simon part en direction de la kitchenette.) Veuez que je vous embrasse ! (Il la bécote frénétiquement.) Cette brave madame Bordeaux qui nous a retrouvé notre beau vase bleu ! Je vous augmente !
Mme BORDEAUX (se débattant) - Lâchez-moi, vous m’étouffez ! Vous ne pouvez pas m’augmenter, je ne fais plus partie du personnel !
SIMON (en off, catastrophé) - OH NON !
M. SICARD (relâchant madame Bordeaux) - Qu’est-ce qu’il y a Simon ? Il est cassé ?
SIMON (revenant, le vase vide à la main) - Pire que ça ! Il est vide et propre !
M. SICARD (prostré et livide) - J’y crois pas !
Mme BORDEAUX - Evidemment qu’il est propre ! C’est moi qui l’ai lavé, il empestait, c’était une horreur ! Ce n’est pas pour rien que j’ai suivi une formation hygiène et sécurité !
M. SICARD (même jeu) - J’y crois pas !
SIMON (s’adressant à madame Bordeaux) - Vous l’avez vidé où ce vase ?
Mme BORDEAUX - Dans l’évier bien sûr !
M. SICARD (même jeu) - J’y crois pas !
SIMON - Je comprends mieux pourquoi les poissons ont le ventre à l’air !
M. SICARD (reprenant ses esprits et sautant sur madame Bordeaux pour l’étrangler) - AAAAH ! Je vais vous tuer !
Mme BORDEAUX (bêtement) - Encore ?
ACTE III
Scène 3
Les mêmes, Madame Richou
Mme RICHOU (entrant avec un sac de grand magasin - Galerie Lafayette - à la main) - Et bien ? Que se passe-t-il ?
Mme BORDEAUX (essayant de répondre alors que monsieur Sicard l’étrangle) - Gaaaarglglgl !
M. SICARD (lâchant madame Bordeaux et soudain très affable) - Ah, madame Richou ? Vous êtes déjà là ? Comme c’est gentil !
Madame Bordeaux s’éclipse après avoir ramassé son carton.
ACTE III
Scène 4
Monsieur Sicard, Madame Richou, Simon
Mme RICHOU - Alors ?
M. SICARD - Alors notre projet est tombé à l’eau figurez-vous ! A cause de cette fichue madame Bordeaux !
Mme RICHOU - Vous m’avez fait déplacer pour rien ? Je m’en doutais !
SIMON - Mes deux inventions : foutues !
Mme RICHOU (triomphante) - Ha ! Ha ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire monsieur Sicard ! (Elle lui tend le sac.)
M. SICARD (prenant le sac machinalement) - Qu’est-ce que c’est ?
Mme RICHOU - Les accessoires pour entamer votre nouvelle carrière.
M. SICARD (ouvrant le sac) - Vous rigolez ?
Mme RICHOU - Pas du tout. Une parole est une parole monsieur Sicard !
M. SICARD - Oui, oh ! C’était des paroles en l’air !
Mme RICHOU - Vous voulez dire que vous êtes un escroc et que vous n’avez aucune parole ?
M. SICARD (embarrassé) - C’est pas ça… Mais…
Mme RICHOU (montrant l’atelier) - Allez hop ! Allez vous changer ! Je ne bouge pas tant que vous n’êtes pas revenu.
M. SICARD (sortant furieux) - On peut dire que j’ai l’art de faire des paris à la con, moi !
ACTE III
Scène 5
Simon, Madame Richou
SIMON - C’est quoi cette histoire de pari ?
Mme RICHOU - Soyez patient, vous verrez bien !
SIMON - Je ne sais pas si je vais rester plus longtemps… Entre mon générateur qui n’a fonctionné qu’une seule fois et mon carburant miracle qui a disparu dans les égouts… (Il s’empare du presse fruits et le lance par la fenêtre.)
Mme RICHOU - Que faites-vous ?
SIMON - Je le bazarde dans la rivière ! Un peu de pollution en plus ou en moins ! (Il prend ses cartons.) Au revoir madame Richou.
Mme RICHOU - Ne partez pas, voyons ! Monsieur Sicard va revenir : vous allez le trouver transformé !
SIMON (s’apprêtant à sortir) - Non, non, ça ne m’intéresse pas !
ACTE III
Scène 6
Les mêmes, Madame Sicard-mère et Miss Prentiss
Miss Prentiss et madame Sicard-mère font leur apparition.
Mme SICARD-MÈRE - Houhou ? Raoul ? Je cherche ton père avec le gâteau, tu ne l’aurais pas vu ?
MISS PRENTISS - Hélas Madame !
Mme SICARD-MÈRE - Vous n’avez que ce mot à la bouche ma pauvre fille !
MISS PRENTISS - …Il nous a quitté il y a fort longtemps…
Mme SICARD-MÈRE - Qui ça ?
MISS PRENTISS - Votre mari, Madame.
Mme SICARD-MÈRE - Avec mon gâteau ?
MISS PRENTISS - Non, mais…
Mme SICARD-MÈRE - Alors ce n’est pas si grave ! (Hélant.) RAOUL ? RAOUL ?
SIMON (intervenant) - Il ne va pas tarder Madame…
Mme RICHOU (amusée) - Elle risque de le trouver changer !
SIMON - De toute façon, elle ne reconnaît plus personne…
Mme SICARD-MÈRE - …En Harley Davidson ! (A l’attention de Simon.) Tiens vous êtes là vous ? (Fouillant dans son sac à main.) J’ai un truc pour vous, je ne sais pas à quoi ça sert, mais comme vous aimez bien bricoler… (Elle lui tend le « cure dent » en métal.)
SIMON (atterré) - C’est pas vrai ?
Mme SICARD-MÈRE - Ne me remerciez pas, c’est peu de chose ! (Elle avise le Champagne.) Miss Prentiss, servez-moi une coupette ! Oh ? Il y a aussi des petits gâteaux !
MISS PRENTISS - Great Madame !
Miss Prentiss et madame Sicard-mère boivent et mangent avec entrain.
Mme RICHOU - Que se passe-t-il Simon ? Vous êtes tout pâle !
SIMON - Ce bout de métal ! C’est la pièce manquante !
Mme RICHOU (ne comprenant pas) - La pièce manquante ?
SIMON - La pièce qui aurait pu faire fonctionner mon générateur du futur ! Dire que je ne m’en suis pas aperçu ! Je suis dégoûté !
Mme RICHOU - Ne vous donnez pas tout ce mal, vous êtes ridicule !
SIMON - Vous ne me croyez pas ?
Mme RICHOU - Bien sûr que non ! Vous et votre patron, vous êtes des charlots ! D’ailleurs, que devient monsieur Sicard ? (Hélant.) Monsieur Sicard ? Vous êtes prêt ? Venez vite nous voir !
ACTE III
Scène 7
Les mêmes, Monsieur Sicard
M. SICARD (en off) - J’arrive ! Si vous croyez que c’est facile d’enfiler ces trucs !
Mme SICARD-MÈRE (désignant les coulisses) - Mon mari est par là ? Dites-lui d’apporter le gâteau !
MISS PRENTISS - Hélas Madame !
Mme SICARD-MÈRE - Il a oublié mon gâteau ?
MISS PRENTISS - Non, c’est votre fils !
Mme SICARD-MÈRE - Mon fils est un gâteau ?
MISS PRENTISS - Non : monsieur Sicard est votre fils !
Mme SICARD-MÈRE - Mon mari est mon fils ? C’est un inceste !
MISS PRENTISS - Non madame, quelle horreur ! Votre mari est décédé et il vous a laissé un fils…
Mme SICARD-MÈRE (boudeuse) - J’aurais préféré qu’il me laisse un gâteau !
(Elle retourne à ses petits fours.)
ACTE III
Scène 8
Les mêmes, Madame Sicard
Monsieur Sicard fait son entrée déguisé en dragqueen au moment où sa femme entre dans la pièce.
Mme SICARD - Et bien ? C’est du propre ! Mon mari fait venir des entraîneuses à l’usine maintenant ?
M. SICARD - C’est moi chérie ! C’est la conséquence d’un pari débile !
Mme SICARD (surprise) - Ah ? (Un temps. Puis, se reprenant) Il y a d’autres conséquences à l’ensemble de tes agissements : je te quitte ! On fixera les modalités du divorce plus tard, je vois que tu es très occupé !
Mme RICHOU - Restez chère madame ! Cela promet d’être distrayant ! Votre mari va nous faire une petite démonstration… une de plus !
M. SICARD (s’adressant à son épouse) - Tu me quittes au moment où tout s’effondre autour de moi ? C’est élégant !
Mme SICARD - Il est vrai que toi, tu es le roi de l’élégance !
Mme SICARD-MÈRE - Mais qui est cette femme très vulgaire ?
MISS PRENTISS - Votre fils, je le crains, madame !
Mme SICARD-MÈRE - Mon fils est une fille ?
MISS PRENTISS - Je crois que votre fils se travesti et qu’il se prostitoue !
M. SICARD (intervenant) - Vous l’angliche frigide, la ferme !
MISS PRENTISS - Oh !
Mme SICARD-MÈRE - Ce n’est pas parce qu’elle est vieille fille qu’il faut l’accabler !
SIMON (s’adressant à son patron) - Monsieur… ou dois-je dire… Madame Sicard ?
M. SICARD - Monsieur bien entendu ! Ce n’est qu’un déguisement !
Mme SICARD-MÈRE - Ah bon ? Tu me rassures ! Je tiens à avoir des petits enfants moi !
M. SICARD - Maman, ce n’est pas le moment ! Tu as déjà une petite fille qui s’appelle Alice !
Mme SICARD-MÈRE - Alice ? Celle qui court après un petit lapin ?
M. SICARD (désignant la sortie, agacé) - Oui, c’est ça ! D’ailleurs ils sont partis par là. Toi et miss Prentiss, vous devriez aller les chercher !
Mme SICARD-MÈRE - Allons-y Miss Prentiss ! (S’adressant à son fils.) Merci beaucoup Madame !
Miss Prentiss et madame Sicard-mère sortent.
ACTE III
Scène 9
Monsieur et Madame Sicard, Madame Richou, Simon
SIMON (brandissant la pièce métallique) - …Monsieur Sicard, j’ai retrouvé la pièce manquante ! Celle qui permet de faire fonctionner le générateur !
M. SICARD - Formidable ! (Il embrasse Simon, lui laissant une belle trace de rouge à lèvres) Que je vous embrasse ! (Se reprenant.) Bon, alors, replacez cette foutue pièce dans votre appareil et faites-le fonctionner ! Tout n’est pas perdu ! N’est-ce pas madame Richou ? Vous ne pourrez plus nous refuser notre prêt ?
Mme RICHOU - Vous ne savez plus quoi trouver tous les deux ! C’est pathétique ! De toute façon, votre presse-fruits a fait un plongeon dans la rivière…
M. SICARD - Comment ça ?
SIMON - Hélas ! Dans un moment de désespoir, je l’ai jeté dans la rivière ! Mais c’était avant que je retrouve la pièce ! (Il va ranger ses affaires dans les cartons.)
M. SICARD - Je suis vraiment maudit ! (Un temps. Ayant une illumination.) On a le brevet déposé avec les plans, il suffit de reconstruire un prototype ! N’est-ce pas Madame Richou ?
Mme RICHOU - Vous faites ce que vous voulez, mais ce sera sans moi et sans le financement de ma banque ! (Elle sort.)
ACTE III
Scène 10
Monsieur et Madame Sicard, Simon
M. SICARD (douché) - PFFFF ! (Se tournant vers sa femme.) Dis-moi ? Tu as de l’argent de côté, je crois ? Tu n’as pas envie d’investir dans les énergies d’avenir ? Tu auras des parts dans l’entreprise !
Mme SICARD - Non. Mes projets ne se feront plus avec toi désormais, tu es vraiment impossible ! (Elle sort.)
ACTE III
Scène 11
Monsieur Sicard et Simon
M. SICARD - Elle n’est vraiment pas compréhensive ! Je n’avais eu que deux maîtresses avant madame Vogels : pas de quoi fouetter un chat ! Et puis, ne dit-on pas : jamais deux sans trois ? Après, c’était fini !
SIMON (ayant récupéré ses cartons) - Pour nous aussi, c’est fini… On va être en liquidation judiciaire sous peu… Vous permettez que je rentre chez moi ?
M. SICARD - Oui, Simon… Allez-y… Il n’y a plus grand chose à faire ici… A
part vos dessins de femmes nues !…
SIMON - Oh ! Monsieur Sicard !
M. SICARD - Oui, bon, allez, filez !
Simon sort en haussant les épaules.
ACTE III
Scène 12
Monsieur Sicard
M. SICARD (ôtant sa perruque) - Pfou ! Ça tient chaud cette saleté ! (Un temps.) Bon, je crois que j’ai touché le fond là… Je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver de plus… (Le téléphone sonne, il va répondre dans son bureau.) Allô ? Monsieur Vogels ! Vous me ramenez ma Porsche ? (Un temps.) Vous l’avez vendue ? (Un temps.) Vous ne pouviez plus la voir ? (A part.) Tu m’étonnes ! (Un temps.) Un procès ? Pourquoi un procès ? (Un temps.) Pour pollution industrielle ? (Un temps.) Ah ? La rivière bien sûr ! Oui, j’ai vu les poissons qui faisaient la planche : c’est leur droit après tout ! Je ne sais pas moi,
ils préparent peut-être les olympiades ! Je n’y connais rien en poisson ! (Un temps.) Je rigolerai moins au tribunal ? (Un temps.) Il faudrait d’abord prouver que la pollution vient de chez moi Monsieur Vogels ! (Un temps.) On voit une traînée bleue qui sort des égouts de l’entreprise et des analyses sont en cours ? (Un temps.) Plusieurs millions d’euros ? (Un temps.) La prison ? (Il raccroche et s’affale dans son fauteuil.) Cette fois, j’ai vraiment touché le fond !
NOIR
FIN