Lilie est partie

Marjorie Fabre

Lilie est partie

Pièce jeune public

© Editions Koïnè 2022

979-10-94828-41-0

Un grenier.

Une petite fille, Lilie, et sa poupée, Sophie-Sophie.

Autour de Lilie, bric-à-brac dans lequel elle va puiser, cartable d’où elle sort les affaires de sa poupée. Par son jeu avec Sophie-Sophie et les objets qui l’entourent, Lilie va créer d’autres personnages :  

La maîtresse

Le photographe

Ses copines Neyla et Margaux

Le chauffeur de bus

Papa et Maman

La dame du supermarché

Son ami Noham

Un garçon dans la cour de récré

Lilie est partie est l’histoire d’un jeu : au milieu du bric-à-brac d’un vieux grenier, une petite fille, Lilie, joue avec sa poupée, Sophie-Sophie. Par ce jeu, parfois tendre, parfois cruel, où elle met en scène parents, amis, maîtresse, etc., se racontent les rêves, les peurs, les révoltes de la petite fille, tout ce qu’elle n’a pas pu dire, tout ce que les adultes n’ont pas su voir. Et peu à peu se révèlent les secrets…

Lilie, à sa poupée : Encore tu dors ?

Debout

Allez debout

C’est l’heure

Lève la tête

Penche un peu

La main comme ça

Le bras droit de Sophie-Sophie est levé comme pour danser la valse.

L’autre main, là

Son bras gauche est positionné comme si elle appuyait sa main sur l’épaule d’un danseur.

La tête

Et tu souris

Tu souris

Tiens-toi droite

Plus encore

Tourne un peu maintenant pour voir

Un bal !

Musique !

Tu es au bal, et tu danses… avec le prince ! Le prince il est arrivé, les autres il les a pas regardées, que toi il a vue, elles en crèvent de jalousie les autres, mais toi tu t’en fiches, tu ne regardes que lui, lui ne regarde que toi, même que la musique elle s’arrête et qu’il continue à danser, toi aussi tu continues, la musique s’est arrêtée tu le sais, tu fais comme si t’avais pas entendu. Maline, Sophie-Sophie !

Maintenant ça suffit, assez dansé. On change de robe, il t’a assez vue comme ça le prince, ça va le fatiguer. Robe rouge, chapeau… non pas de chapeau, sac rose, foulard ! Te maquiller aussi, tu ne peux pas sortir comme ça, qu’est-ce qu’ils diraient les gens dehors, elle est malade cette petite, mauvaise mine, ça ne va pas du tout, du tout du tout du tout, fatiguée aujourd’hui Sophie-Sophie, complètement à bout. Rose sur les joues, rouge à lèvres, fais Mmmmmm, voilà. Cette mine ! Ce teint ! Pétillante Sophie-Sophie ! Bravo, toujours superbe ! À croire que vous sortez de votre salle de bain !

Maintenant Sophie-Sophie est prête, elle va parler. Sophie-Sophie a beaucoup de choses à dire, très importantes.

Silence.

Eh bien Sophie-Sophie ? Ça ne veut pas sortir ? Elle est timide, elle ne vous connaît pas bien encore, elle fait toujours ça quand elle ne connaît pas.

Une tape dans le dos de Sophie-Sophie.

Sophie-Sophie, on t’écoute.

On n’entend rien, il faut parler plus fort.

Sophie-Sophie !

Encore une tape dans le dos de Sophie-Sophie. Lilie la secoue.

Plus fort, on n’entend rien ! Aucun effort aujourd’hui ? Tu n’as rien à nous dire ? Tu continues comme ça tu vas dans le coffre avec les autres.

Sophie-Sophie vous prie de l’excuser, elle ne se sent pas très bien, rien de grave, elle va se reposer, vous dit au revoir. Dis au revoir Sophie-Sophie, au revoir… AU REVOIR !

Sophie-Sophie dit au revoir.

Sophie-Sophie, faut qu’on parle toutes les deux, tu m’as fait honte. Tu ne veux rien dire, tu ne veux rien faire, très bien, comme tu voudras. Tu fais la forte tête, tu restes la tête en bas, ça va t’apprendre, tu vas réfléchir, repenser un petit peu à tout ça. Quand Sophie-Sophie sera décidée à parler elle me le dira, que tout le sang lui sera monté à la tête, qu’elle sera rouge comme une tomate, elle n’aura qu’à m’appeler, me faire un signe. Je suis là, juste à côté.

Sophie-Sophie reste la tête en bas, ne bouge pas, ne fait aucun signe. Temps assez long.

Et comme ça ?

Changement de position, plus inconfortable.

C’est mieux ? Et là ?

Pire encore.

Et là ?

Pire encore.

Et là ?

Sophie-Sophie tombe.

Sophie-Sophie ! Tu t’es fait mal ? Tu as mal ? Où ça ? Partout ? Très très très très mal ? Il faut t’amener à l’hôpital, tu ne peux pas rester comme ça. On va s’occuper de toi, ne...