Nuits d’hotêl : six courtes pièces

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Ces courtes pièces ont en commun de se situer dans une chambre d’hôtel et de se dérouler au cours d’une seule nuit. Elles mettent en jeu les destins des individus qui s’y trouvent. Le vecteur de cette dramaturgie est une lettre, ou une simple feuille de papier, laissée sur place.

Les textes ont été écrits par six auteurs différents sans concertations mais qui ont tous respecté les consignes énumérées ci-dessus. Il en résulte une grande variété de situations qui ne ménagent pas les coups de théâtre.

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LA PAGE OUBLIÉE

Claude BROUSSOULOUX

 

Une chambre d'hôtel.

Un lit à deux places, un petit bureau avec, dessus, un téléphone et une feuille de papier froissée mise en boule.

Un homme, en costume gris, neutre, est là, immobile et muet. Lorsqu'il prendra la parole, ce sera d'une voix monocorde et avec une gestuelle réduite jusqu'à l'instant où l'on découvrira "ce" qu'il est.

Une femme, venant du couloir, ouvre la porte et entre dans la chambre. Elle fait preuve d'une certaine vivacité...

La Femme - (apercevant l'homme) Oh, excusez-moi, je croyais que la chambre était libre. J'ai dû me tromper de numéro.

L’Homme - Non. Vous n'avez pas fait d'erreur. La chambre est effectivement libre.

La Femme - Mais vous… ?

L’Homme - Je n'existe pas.

La Femme - (incompréhension totale) Comment, vous n'existez pas ? Vous êtes pourtant bien là ?

L’Homme - Oui et non.

La Femme - (s'énervant légèrement) On est là ou on n'y est pas. En l'occurrence vous êtes bien là !

L’Homme - Je suis là mais pas en tant qu'homme.

La Femme - Vous en avez pourtant l'apparence.

L’Homme - C'est voulu.

La Femme - C'est vous qui l'avez voulu ?

L’Homme - Non, mais on ne m'a pas donné le choix.

La Femme - C'est une histoire de fous. Je n'y comprends rien. Dites moi simplement si cette chambre est libre, oui ou non ?

L’Homme - Elle est libre.

La Femme - Alors, vous allez la quitter pour que je puisse m'y installer.

L’Homme - Malheureusement, je n'en ai pas les moyens.

La Femme - Quels moyens ? Les moyens de payer les nuits que vous y avez passées ?

L’Homme - Je ne suis là que depuis cet après midi.

La Femme - Alors, sauvez-vous discrètement, je ne dirai rien à la direction.

L’Homme - Je vous répète que je ne le peux pas.

La Femme - Qui vous en empêche ?

L’Homme - Lui.

La Femme - Qui lui ?

L’Homme - Celui qui m'a abandonné ici, dans cette chambre.

La Femme - Quel qu'il soit, il n'est plus là pour vous retenir ?

L’Homme - D'une certaine façon, si.

La Femme - (regardant autour d'elle) Je ne vois personne d'autre que vous et moi. (ironique) A moins que, comme vous, il n'existe pas et qu'en plus, il soit invisible !

L’Homme - Oh, si, il existe, lui ! Et sacrément.

La Femme - Et il a le pouvoir de vous retenir à distance ?

L’Homme - Parfaitement !

La Femme - Comment ça ? Un truc informatique ? Un bracelet au poignet, un anneau au pied relié à un ordinateur ? (croyant soudain comprendre) J'ai trouvé ! Vous êtes un de ces nouveaux prisonniers remis en liberté sous contrôle électronique ! C'est cela, n'est-ce pas ?

L’Homme - Rien de tout ça.

La Femme - Décidément, c'est totalement incompréhensible ! Personne ne vous retient et vous restez là ! Ou alors, on vous a abandonné sans argent, vous ne connaissez pas la ville, vous avez peur de vous perdre ? Je ne sais pas, moi… Tenez, je vous paie une autre chambre dans cet hôtel ! Ça vous va ?

L’Homme - Je ne peux pas. Je ne peux rien faire par moi-même… Surtout sans les autres.

La Femme - Quels autres ?

L’Homme - Ceux qui étaient là cet après-midi avec lui. Sans eux, j'existe encore moins.

La Femme - Pourquoi, n'avez-vous pas été emmené vous aussi ?

L’Homme - Je ne sais pas. Peut-être n'était-il pas content de moi. Quelque chose lui a sans doute déplu dans ce que je disais, dans la façon que j'avais de bouger, de me déplacer… Vous savez, il n'avait pas de compte à me rendre, c'est lui qui décide, lui tout seul !

La Femme - Il a un sacré pouvoir, dites-moi, une sacrée emprise sur vous.

L’Homme - Plus que ça. Il a tout pouvoir sur moi.

La Femme - C'est tout de même pas Dieu le Père.

L’Homme - En quelque sorte, si !

La Femme - Vous ne croyez pas que vous y allez un peu fort, que vous poussez le bouchon trop loin ?

L’Homme - Je dis la vérité. Je dépends totalement de lui.

La Femme - Et les autres, ceux qu'il a emmenés sont dans le même cas que vous ?

L’Homme - Absolument, nous sommes tous logés à la même enseigne !

La Femme - Ils étaient nombreux ?

L’Homme - Dix-huit.

La Femme - (s'étonnant) Dix-huit ! Avec lui et vous cela faisait vingt personnes dans cette petite chambre ! C'est impensable !

L’Homme - Les grands nombres ne lui font pas peur. Nous aurions pu être plus nombreux, s'il l'avait voulu !

La Femme - (stupéfaite) Vous êtes en plein délire ! La fascination pour cet individu vous fait perdre la raison.

L’Homme - Vous êtes libre de ne pas me croire.

La Femme - Ce n'est pas une question de liberté mais de bon sens !

L’Homme - Dans cette histoire le sens commun n'a rien à faire. Il s'agit d'un autre registre.

La Femme - Quel que soit le registre, les dimensions de cette pièce existent qu'on le veuille ou non.

L’Homme - Pour vous, oui ! Pas pour lui !

La Femme - Écoutez, avec vous qui n'existez pas et les dimensions de cette pièce qui n'existent pas non plus, il vaut mieux arrêter ce petit jeu… J'ai envie de prendre une douche, de me changer et de me reposer. Ma journée a été assez fatigante et vos élucubrations m'ont achevée. Soyez assez gentil pour quitter cette chambre et aller assumer votre inexistence ailleurs.

L’Homme - Je ne peux pas. Je vous l'ai déjà dit, n'ayant aucune existence je n'ai aucune autonomie.

La Femme - (s'énervant) Autonomie ou pas, je vais demander à la réception de l'hôtel qu'un garçon d'étage vienne vous embarquer. Qu'ils viennent même à deux, car malgré votre inexistence vous avez l'air d'avoir un certain poids !

L’Homme - Ils peuvent venir à plusieurs, appeler une escouade de policiers, ils ne me feront pas sortir de là.

La Femme - C'est ce que nous allons voir !

La femme se dirige vers une petite table où se trouve un téléphone.

Son attention est attirée par une feuille de papier froissée qui se trouve dessus.

La Femme - Tiens, en partant, votre monsieur "tout-pouvoir-sur-vous" a oublié ça !

L'homme a un mouvement de crispation. Il se fige, encore plus tendu.

La femme défroisse le papier.

La Femme - (lisant) ''La femme dit : Vous m'attendiez ?''

L’Homme - (ton déclamatoire) Oui, peut-être, ou une autre, qui sait !

La Femme - (stupéfaite) Incroyable c'est justement la ligne qui vient après. Écoutez ! (lisant) ''L'homme dit : Oui, peut-être, ou une autre qui sait !'' (se reprenant) Je suis bête, vous avez lu cette feuille, avant de la froisser.

L’Homme - (de nouveau tendu) Non, jamais !

La Femme - Alors c'est vous qui avez écrit ce texte ?

L’Homme - (toujours tendu) Encore moins.

La Femme - Alors c'est lui, celui qui a emmené les autres et qui vous a planté là.

L’Homme - (même tension) Oui, mais je vous en prie, continuez à lire.

La Femme - (amusée) Pourquoi pas. ''La femme dit : Une autre ? Plus belle, plus jeune, plus intelligente...

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