Acte 1 scène 1 : Ludovic
Un type assis sur un banc en train de lire un journal, et découpe du saucisson...
Ludovic (Au téléphone) : Allo, Juliette ? Je passerais plus tard au bureau. Je suis au
parc. Non, le rendez-vous a été annulé. J'en profite pour prendre le bon air... Oui,
pour ce matin, c'est signé avec Bertin, pour deux romans ! Je vous confirme, on fait
jackpot ! Y'a pas un seul de ses livres qui n'ai pas été un bestseller !!! Bon, je vous
laisse, à tout à l'heure »
Il reprend la lecture de son journal.
Acte1 , Scène 2 : Ludovic Benjamin
Un deuxième arrive, il tourne étrangement autours du premier, après quelques
tergiversations il finit par l'aborder
Benjamin : Bonjour Monsieur, ça vous dérange que je m’installe là ?
Ludovic ne réagit pas
Benjamin s'installe
Benjamin observe Ludovic qui l'observe à son tour et retourne sur son journal et son
sandwich
Benjamin : On n'a pas à se plaindre du temps, hein ?
Ludovic : Non !
Benjamin : Vous avez de la veine, si vous étiez venu hier, y'avait des Nuages,
Ludovic : Ravi de le savoir !
Benjamin : Surtout là-bas, y'avait de gros nuages ! Plein de formes bizarres, Vous
avez déjà remarqué, les nuages, ça fait des formes qui ressemblent à des trucs qu'on
connait...Hier, Y'en avait un en forme de merveilleux à la chantilly !!! (Silence) Vous
aimez les merveilleux ?
Ludovic : Pardon ?
Benjamin : Les merveilleux, ce sont des gâteaux avec de la meringue et de la crème
fouettée
Ludovic : Oui, je sais ce que c'est merci
(Silence)
Benjamin : Si ça tombe, je dis ça, mais dans les merveilleux, ce n’est pas de la crème
fouettée ! (Ludovic ne réagit pas, il le tapote d'un coup de coude) Je dis si ça tombe
c'est pas de la crème fouettée dans les merveilleux. Je ne m'y connais pas bien en
crèmes... Vous en pensez quoi ?
Ludovic : Rien strictement rien !
Benjamin : Remarquez, moi, je préfère les glands !
Ludovic : Hein ?
Benjamin : Les glands, vous savez ce gâteau un peu ovale avec de la pâte à choux, du
glaçage vert et des pépites de chocolat au-dessus et fourrée de crème pâtissière à la
vanille légèrement relevée au kirch... enfin, y'avait pas de nuage en forme de gland !
Ludovic (Observant Benjamin) : A mon avis, les glands, ce n’est pas dans les nuages
qu'il fallait chercher !
(Long silence) Benjamin part en rires
Ludovic : Qu'est ce qui se passe ?
Benjamin : je viens de comprendre votre plaisanterie sur les glands, c'est drôle !
Ludovic : Hilarant !
Silence
Benjamin : remarquez, l'éclair c'est assez proche du gland, mais j'aime moins, allez
savoir pourquoi ?
Ludovic(soupir) : Je ne sais pas, Le chocolat peut-être
Benjamin : Peut-être, oui ! (Silence) En même temps y'a aussi des éclairs au café !
(Silence) Remarquez, si j'avais vu un éclair dans le ciel à la place du merveilleux, ça
voulait dire qu'il y avait de l'orage... (il se met à rire à nouveau) Vous avez compris ?
Ludovic : Hein, quoi donc ?
Benjamin : Les éclairs dans le ciel ! Le gâteau et l'orage !
(Excédé, Ludovic change de banc, Benjamin le suit)
Benjamin : Ça vous dérange si je m'installe là ?
Ludovic : Oui, ça me dérange, il y a de la place partout, pas besoin de me coller !
Benjamin : D'accord (il s'installe quand même)
Ludovic : Je vous dis que ça me dérange, alors pourquoi vous vous installez quand
même ?
Benjamin : Ben, c'est juste pour vous faire chier !
Ludovic : Ah, justement, je me disais, je suis bien, là ! Manque juste un emmerdeur
pour venir gâcher cet instant ! (Ludovic replonge dans son journal)
Benjamin : Vous lisez le journal ?
Ludovic : (silence consterné) Non, je suis en communication avec l'au-delà, je suis en
train d'essayer d'entamer une conversation télépathique avec le fantôme d'Hölderlin,
il paraît qu'il lui arrive régulièrement de déambuler dans les allées de ce parc. Mais
voilà, la communication vient d'être parasitée par un emmerdeur !
Silence
Benjamin : Non !!! Vous lisez le journal !
Ludovic : Et ben, On ne peut rien vous cacher, vous !
Benjamin : En même temps, ça se voit un peu que vous lisez le journal ! Et puis votre
Hölderlin, je ne vois pas bien ce qu'il viendrait foutre ici !
Ludovic : Ah parce que vous connaissez Hölderlin ?
Benjamin : Pas du tout, c'est pour ça, justement, je connais tout le monde ici !
Ludovic : Mais moi, vous ne me connaissez pas !
Benjamin : C'est bien pour ça que je viens vous emmerder !
Ludovic : Je m'appelle Ludovic ! Ben voilà, c'est fait, vous me connaissez !
Maintenant, Vous me lâchez ? (Il retourne à l'autre banc)
Benjamin : Et vous faites quoi ici ?
Ludovic : Mais vous êtes un emmerdeur de haut niveau, vous !
Benjamin (se rapprochant à nouveau) : Vous n'avez pas idée ! Emmerder le monde !
C’est ma spécialité !
Ludovic : Marrant que vous en soyez à ce point lucide !
Benjamin : Ah bon ? Pourquoi ?
Ludovic : Et bien parce qu’en général, un emmerdeur ne se rend pas compte qu'il
casse les pieds ! Il n'en a pas conscience ! C'est d'ailleurs pour ça que c'est un
emmerdeur !
Benjamin : Eh bien oui, moi c’est différent, Je le sais, j'emmerde le monde parce que
j'aime ça... Des fois, je peux mettre les gens à bout !
Ludovic : Ça je n'en doute pas... Et vous ne vous faites jamais casser la gueule ?
Benjamin : Ah non, j'ai ma petite technique à moi !
Ludovic : Ah bon ?
Benjamin : Les impulsifs, les violents, je les repaires, je les sens !
Ludovic : Et alors ?
Benjamin : Ben alors, j’évite de les emmerder !... Sauf quand ils sont moins costauds
que moi !
Ludovic : Et après, on va me dire que la violence ne résout rien...
Benjamin : Sinon, c'est qui Hölderlin ?
Ludovic : C'est un Allemand
Benjamin : Un nazi ?
Ludovic : Pas du tout... parce qu’il est allemand, vous voudriez qu'il soit nazi ?
Benjamin : Ben je ne sais pas... il y a quand même eu des Allemands nazis
Ludovic : Mais pas tous, et puis d'abord, il était mort quand le nazisme est arrivé. Il
était poète !
Benjamin : Poète et allemand ? (Il fait la moue) Vous avez déjà entendu parler
allemand ? C'est tellement dégueulasse comme langue que j'ai du mal à croire qu'on
puisse faire de la poésie avec
Ludovic : Et pourtant :
« Froh kehrt der Schiffer heim an den stillen Strom,
Von Inseln fernher, wenn er geerndtet hat ;
So käm auch ich zur Heimath, hätt ich
Güter so viele, wie Laid, geerndtet. »
Benjamin : Je ne comprends rien !
Ludovic : Vous parlez allemand ?
Benjamin : Ben non !
Ludovic : Alors, c'est normal ! (Il replonge dans son journal)
Benjamin : Ben oui, forcément ! Et de quoi il parle ?
Ludovic (soupir) : D'un marinier qui rentre chez lui ! Et Hölderlin aimerait comme
lui, revenir au pays... s'il avait, moissonné autant de douleurs que de richesses.
Benjamin : Ouais, ça a l'air chiant, votre truc. Sinon, ils parlent de quoi dans votre
journal ?
Ludovic : Bah, rien de réjouissant. Le début de la campagne. Les engagements du
président pour redresser le pays.
Benjamin : En même temps, c'est lui qui était là... Et il parle de régler le bordel qu'il a
lui-même foutu ?
Ludovic : 42% des Français sont prêts à revoter pour lui dès le premier tour
Benjamin : Je vois le genre, c'est les gens qui retournent voir « Titanic » en se disant
« cette fois ci, je suis sûr que le bateau ne coulera pas » !
Ludovic : On peut voir ça comme ça ! Mais qui voulez-vous comme président ? À
part lui, je ne vois pas !
Benjamin : Ben en fait, je m'en fous un peu, je ne vote pas !
Ludovic : Eh bien, ne vous plaignez pas
Benjamin : Je ne me plains pas, je dis juste que je ne l’aime pas !
Ludovic : Je peux lire ?
Benjamin : Je vous en prie…(silence) De toute façon, dans les journaux, tout ce qu'on
raconte c'est des conneries ! La réalité, ils ne veulent pas nous la dire !
Ludovic : Ah, ça y est ! Je sens poindre l'instant complotiste !!!
Benjamin : Avouez qu'ils disent que des mensonges !
Ludovic : Vous n'aimez pas non plus les journalistes
Benjamin : Non, les journalistes, je les connais pas, mais ils racontent des mensonges,
peut-être parce qu’on les oblige !
Ludovic : Mais de toute façon, tout le monde ment et tout le monde reproche à l'autre
d'en faire autant ! et vous savez, le mensonge, ce n’est pas toujours nuisible ! On peut
mentir pour faire le bien !
Benjamin : Mentir pour faire du bien ?
Ludovic : Imaginez, vos amis ont eu un bébé, vous le trouvez moche... que dites-vous
aux parents ?
Benjamin : Ben que leur bébé est moche !
Ludovic : Et vous les blessez gratuitement
Benjamin : Mais je ne vais pas leur dire que leur bébé est beau si c'est pas vrai
Ludovic : Et bien ne leur dites rien !
Benjamin : Mais si c'est eux qui me demandent ?
Ludovic : Justement, leur mentir est la solution pour éviter la discorde !
Benjamin : N'empêche que ce n’est pas ça qui rendra beau leur bébé... de toute façon,
tous les bébés sont toujours moches ! C'est tout fripé, tout rouge, tout chauve et ça
bave du lait ! On dirait des furoncles !
Ludovic : Eh bien, dites-leur ça, c'est une solution, vous noyez dans une
considération générale, une critique désobligeante de leur enfant
Benjamin : Ben je leur dis quand même que leur gamin est moche !
Ludovic : Oui, mais comme vous leur précisez que vous trouvez tous les bébés
moches, Ça n'a plus rien de personnel
Benjamin : Donc, y'a pas besoin de leur mentir !
Ludovic : En même temps, je pense qu’ils auraient préférés que vous leur mentiez.
Mais bon... Prenons autre exemple, quand le poisson rouge est mort et que les
gamins reviennent de l'école... on n'est pas obligé de leur dire, alors on invente une
histoire, on leur dit qu'il est retourné à la rivière ! On leur ment, juste pour ne pas leur
faire de peine !
Benjamin : Mais un poisson rouge n'a jamais vécu dans une rivière, c'est des merdes
qu'on élève en bassins pour les foutre dès leur plus jeune âge dans un bocal où ils
vont crever dans le mois
Ludovic : Peu importe, ce sont des mômes ! On peut leur dire que le poisson rouge
est parti dans une rivière !
Benjamin : Et ils avalent ce genre de truc ?
Ludovic : Oui, Heureusement !
Benjamin : C'est con, un gosse !
Ludovic : Pareil, quand un très vieil oncle de mes proches a été atteint d'une maladie
grave, on a préféré lui cacher ! A quoi bon lui dire ?
Benjamin : Donc il avait des perfusions plein le corps, et vous, vous lui avez dit que
c'était un rhume !! Ou peut-être que vous lui avait dit qu'il allait retourner, lui aussi, à
la rivière ? Mais finalement, peut-être que vous avez raison...C'est un signe de
délicatesse pour les gens que de leur mentir parfois. Moi, ça a été pareil, avec ma
copine... à chaque fois que je l'ai trompé, je ne lui ai pas dit pour pas lui faire de
peine !
Ludovic : Je vois, on sent que vous êtes délicat, vous !
Benjamin : Ben oui, faut que je le sois sacrement sympa pour pas lui faire mal
Ludovic : Votre bonté vous perdra !
Benjamin : Vous trouvez aussi, hein !!! Mais pour en revenir à votre journal, y'a que
des conneries là-dedans, comment peut-on croire de telles sornettes ?
Ludovic : Croire de telles sornettes ? Mais, je ne lis pas le journal pour croire mais
pour comprendre une réalité, pour savoir ce qui s'est passé dans le monde, bref pour
apprendre des choses,... Tiens, en parlant de croire à des conneries vous je suis sûr
que vous croyez que la terre est plate !
Benjamin : Non, je ne crois pas...
Ludovic : Ha quand même
Benjamin : Je ne crois pas puisqu'elle est plate ! C'est prouvé !
Ludovic : C'est prouvé ?
Benjamin : Ben oui !
Ludovic : Quelle preuve vous avez ?
Benjamin : Ben elle est là, sous nos yeux !
Ludovic : Sous nos yeux ?
Benjamin : Oui, regardez, la pelouse qui est devant nous, le terrain est bien plat,
non ?
Ludovic : Oui et ?
Benjamin : Ben si la terre était ronde comme vous dites, le terrain il serait bombé
Ludovic : Bombé ?
Benjamin : Ben oui, arrondit !
Ludovic : Mais enfin, c'est absurde...Je peux vous prouver le contraire ! Vous êtes
déjà allé à la mer ?
Benjamin : Ben oui, et alors ?
Ludovic : Et bien face à vous quand vous avez l'horizon, vous voyez bien qu'il fait un
arc de cercle !
Benjamin : Et alors ?
Ludovic : Eh bien, c'est bien la preuve qu'elle est ronde !
Benjamin : Ah oui, tiens, elle est ronde !
Ludovic : Eh bien voilà !
Silence
Benjamin : Elle est ronde mais elle est plate ! Et puis de toute façon, les journalistes
quand ils mentent, c'est pas pour nous faire du bien ! Ça n’a rien à voir avec des
histoires de poisson rouge qui ont le cancer !
Ludovic : Oh mais vous êtes fatiguant, vous
Benjamin : Ben c'est fatigant un emmerdeur ! Donc vous vous informez pour
apprendre des choses !
Ludovic : Oui
Benjamin : Et vous avez appris quoi, dans ce journal ?
Ludovic Quand vous aurez fini de m'emmerder, je pourrais peut-être vous le dire !
Benjamin : Donc vous n'avez rien appris !
Ludovic : Merde ! … Le problème, c'est que les gens comme vous ne croient que ce
qui les arrangent...
Benjamin : C'est à dire ?
Ludovic : Et bien dans toute info que vous recevez, la priorité n'est pas de savoir si
l'info est vraie, mais de savoir si elle va dans le sens de ce que vous pensez... Par
exemple, je parie que vous, vous n'aimez pas non plus le maire de cette ville ?
Benjamin : Cette vieille ordure ? Certainement pas
Ludovic : Eh bien, si je vous balance comme ça qu'il séquestre sa fille dans une cave,
vous allez le croire sans hésiter ! Juste parce que vous pensez que c'est une vieille
ordure !
Benjamin : Non ???? (Il sort son téléphone)
Ludovic : Qu'est-ce que vous faites ? (Benjamin fait un signe de la main, Ludovic
replonge dans son journal)
Benjamin : Allo, Régis... tu es au courant ? Le maire... il garde sa fille enfermée dans
une cave...sa fille, oui. Quand je te disais que c'était un fumier !... et attends, c'est pas
tout ! Il prostitue sa femme... si, si, C'est un type qui lit le journal dans le square qui
me l'a dit, tu vois comme c'est sérieux ! Allez, je te laisse !
Ludovic : Non mais ça ne va pas ? qu'est-ce qui vous a pris de raconter ça ?
Benjamin : Ben fallait que Regis le sache !!
Ludovic : Mais, savoir quoi ? Dans ce que vous avez dit, rien n'est vrai !
Benjamin : Ben fallait pas le dire alors !
Ludovic : En plus, je n'ai rien dit pour sa femme...
Benjamin : mais sa fille, vous me l'avez bien dit ?
Ludovic : Je l'ai dit, je l'ai dit !!!! oui, mais......
Benjamin : en même temps une histoire pareille ça ne s’invente pas !
Ludovic : Mais si, ça s'invente ! la preuve, je viens de le faire
Benjamin : Ben n'y croyez pas, si vous voulez ! Moi je suis sûr que c’est vrai !
Ludovic : Nom de dieu de nom de dieu !
Benjamin : Et évitez de jurer, s'il vous plaît !
Ludovic : Pourquoi ? Vous croyez en dieu aussi ?
Benjamin : Non, pas vraiment mais, disons qu’on n’est jamais trop prudent...
Ludovic : Trop prudent ?
Benjamin : Ben oui, si jamais c'était vrai, leur truc...
Ludovic : Quoi, si c'était vrai ?
Benjamin : Je préfère assurer ma place au paradis !
Ludovic : Ah !!!Catoseptique
Benjamin : Hein ?
Ludovic : C'est une contraction de catholique et septique
Benjamin : Et vous, vous êtes croyant ?
Ludovic : Et bien, j'ai grandi dans une tradition chrétienne, donc...
Benjamin : C'est pas une réponse ça ! Vous croyez en Dieu ?
Ludovic : Je ne sais pas ! Mais j'ai eu une éducation catholique et je trouve ça
important
Benjamin : En gros, vous y croyez parce qu’on vous a dit d'y croire !
Ludovic : Non, c'est parce que j'attache de l'importance à certaines valeurs
Benjamin : Mais savoir si Dieu existe concrètement, vous en êtes convaincu ?
Ludovic : Je n'en sais rien
Benjamin : Donc, c'est comme moi, vous n’êtes pas sûr que Dieu existe mais vous
êtes prudent
Ludovic : Non, ce n’est pas ça ! C'est juste que j'attache une importance à la religion
dans notre évolution civilisationnelle !
Benjamin : Je ne comprends rien à votre charabia !
Ludovic : Eh bien, la religion a été un rempart contre la barbarie, elle nous a permis
d'évoluer dans une société où on a su séparer le bien du mal. Donc, c'est pour ça que
je suis croyant !
Benjamin : En gros, vous êtes croyant pour éviter qu'Attila nous envahisse à
nouveau ?
Ludovic : Oui, on va dire ça !
Benjamin : Mais, finalement, vous voyez, vous aussi, vous croyez à des trucs qui ne
sont peut-être pas vrais !
Ludovic : Si vous voulez !
Benjamin : On ne devient pas croyant à cause des barbares. On répond juste à cette
question : Dieu existe, oui ou non ?
Ludovic : Mais vous même vous l'avez dit, vous n'avez pas la réponse !
Benjamin : Ben non, et c'est ça qui m'emmerde !
Ludovic : C'est marrant, vous qui semblez avaler toutes les conneries complotistes,
que pour la religion, vous ayez un doute !
Benjamin : Vous avez déjà vu Dieu faire une vidéo sur YouTube ?
Ludovic : Non
Benjamin : Ben quand il l'aura fait, j'y croirais ! Par contre, ce qu'il y a de bien avec
les croyances religieuses, C'est que ça me donne un bon argument pour coucher avec
un max de jeunes filles que je rencontre !
Ludovic : Ah bon, pourquoi ?
Benjamin : Ben si c'est vrai ce qu'on raconte pour les terroristes qui se font sauter
dans les attentats, ils ont droit à 72 vierges !
Ludovic : C'est ce qu'on leur dit !
Benjamin : Ces vierges, faut bien qu'elles sortent de quelque part.… donc, c'est mon
argument pour les jeunes filles encore vierges qui me plaisent, je leur dis si vous ne
voulez pas passer l'éternité avec un connard fanatique que dieu vous aura imposé, ne
restez pas vierge, si vous voulez, je peux rendre service !
Ludovic : Et ça marche ?
Benjamin : Parfois...
Ludovic : Bon après, on parle de deux religions différentes, là...
Benjamin : Les religions, c'est comme l'alcool, vaut mieux éviter les mélanges !
Ludovic : Mais en termes de vierges, il ne va pas leur rester grand-chose, ces vieilles
filles qu'on a jamais su marier...
Benjamin : Ou mère Thérèsa...
Ludovic : Ils se seront bien fait rouler, ces cons.
Benjamin : Finalement, la religion, c'est comme les engagements pour les
téléphones !... Ça a l'air vachement intéressant mais faut bien lire les trucs écris en
tout petit, si on ne veut pas se faire avoir ! Mais sinon, vous qui disiez que la religion
a été un rempart à la barbarie... La religion, c'est aussi le terrorisme, et avant, si je me
souviens de ce que j'ai appris à l'école, y'a eu l'inquisition, le massacre de la Saint
Barthelemy... vous êtes sûr que c'est un si bon rempart ?
Téléphone sonne
Ludovic : En parlant de téléphonie (Il décroche) Oui, Juliette, toujours au parc... Non,
je repasse après 14h. Le manuscrit de Létuvier... Non, je n’ai pas accroché, trop fleur
bleue, pas envie de publier ça, ce n'est pas l'esprit maison ! Moi, je veux les 3 S !!! du
sombre, du sordide et du sanglant. Oui, Juliette, à tout à l'heure
Benjamin : Vous travaillez dans les livres ?
Ludovic : Oui, je suis éditeur !
Benjamin : quel genre de livres ?
Ludovic : Du polar
Benjamin : Ah ben ça tombe bien, vous allez pouvoir m'aider, alors
Ludovic : Vous écrivez ?
Benjamin : Pas du tout !
Ludovic : Ah, je me disais aussi, mais alors comment je peux vous aider
Benjamin : eh bien, je suis serial Killer
Ludovic (inquiet) : Quoi ? Mais vous avez tué beaucoup de monde ?
Benjamin : Ben en fait, j'aimerais être serial killer... c'est plus un projet ! Disons que
je compte me lancer !
Ludovic : Et vous confiez ça au premier venu ?
Benjamin : Pas au premier venu, au premier éditeur de polars venu !
Ludovic : Non, mais, on ne projette pas sciemment de devenir tueur en série !
Benjamin : Et pourquoi pas ?
Ludovic : On le devient par une série de concours de circonstances, un passé
traumatique, un drame personnel... je ne sais pas, mais on ne le devient pas après en
avoir discuté au collège avec le conseillé d'orientation !
Benjamin : Ben on devrait, ça lancerait des vocations !
Ludovic : Mais de toute façon, pourquoi m'en parler à moi ?
Benjamin : Ben à force de lire des trucs de meurtre, vous pourriez me conseiller un
petit peu. Comme qui dirait me mettre le pied à l’étrier ?
Ludovic : Non, mais excusez-moi, mais on ne forme pas des tueurs en série.
Benjamin : Ben comment fait-on pour devenir tueur ?
Ludovic : Je ne sais pas, ça doit être une résultante de névroses, des actes impulsifs,
un instinct morbide... On ne devient pas sérial killer comme on devient comptable !
Benjamin : Faut quand même être un peu morbide pour vouloir être comptable !
Ludovic : Peu importe ! Ce n’est pas la même chose ! Mais vous êtes habité de
pulsions de meurtres ?
Benjamin : Oui, envie de tuer les emmerdeurs !
Ludovic : Ah ben je vous recommande de commencer par un suicide ! Vous en tuerez
un sacré !
Benjamin : Un serial killer qui se suicide, c'est quand même un sacré frein à sa
carrière ! En même temps, si je veux tuer les emmerdeurs, ce n’est peut-être pas un
hasard, on m'a dit une fois que ce qu'on ne supporte pas chez les autres, c'est une part
de nous-même !
Ludovic : Tuer tous les emmerdeurs, c'est un sacré chantier !!!Mais sinon, vous avez
un boulot ?
Benjamin : Ben en fait, j'ai été surtout assisté social, chômeur et au RSA... moi la fée
qui s'est penchée sur mon berceau, elle m'a dit : « Toi, t'es né pour faire chier le
MEDEF!!! »
Ludovic : je vois, jamais foutu grand-chose ?
Benjamin : Non, c'est le drame de ma vie, tous les profs m'ont toujours reproché
d'être paresseux... mes parents aussi ! « Benjamin, t'es un fainéant, fais donc un
effort ! » Ils sont cons ou quoi ? Demander à un fainéant de faire des efforts !
Ludovic : Et alors ? Ça vous choque ?
Benjamin : Ben c'est justement parce que t'es fainéant que tu ne sais pas faire
d'effort... ça ne viendrait à l'idée aux gens de demander à un cul de jatte de courir
vite ?
Ludovic : Euh, non bien sur
Benjamin : Et ben pour moi, c'est pareil... je suis amputé de la capacité à faire un
effort !
Ludovic : Vu comme ça... Mais vous savez, commettre un homicide va sans doute
vous demander un certain sens de l'effort
Benjamin : Ah bon ?
Ludovic : Eh bien oui, ne serait-ce que pour masquer vos crimes, sinon vous allez
vous faire piquer au premier crime, ce serait fâcheux pour un tueur en série
Benjamin : C'est vrai qu'un tueur en série qui ne tue qu'une fois, c'ets plus un tueur en
série, ou alors un tueur en série limité (Benjamin part en éclats de rire, Ludovic est
consterné) Et c'est quoi le dernier roman que vous avez publié ?
Ludovic : Le tueur du 29...
Benjamin : C'est son adresse, le 29, comme l'assassin qui habite au 21 ?
Ludovic : Non, c'est un assassin qui tue tous les 29 février
Benjamin : Les 29 février, il tue tous les 4 ans... ben vous voyez qu'il y a des tueurs
paresseux ! S’il commence à 20 ans et qu'il finit à 64 ; il n’aura jamais tué que 12
personnes. Il n’aura pas la prime pénibilité ! Et entre deux crimes, qu'est-ce qu'il
fait ?
Ludovic : Et bien c'est un petit fonctionnaire qui tous les 4 ans assassine la personne
qui lui a été le plus nuisible. Lors de l'année bissextile qui arrive, à la suite d’un
décret ministériel, il a vécu de nombreuses contrariétés, il décide donc d'assassiner
son ministre de tutelle.
Benjamin : Ah bon, et il va y arriver ?
Ludovic : Ah ben, si vous voulez savoir, il faut acheter le bouquin !
Benjamin : Mais vous êtes chié, vous... vous mettez l'eau à la bouche et après vous
forcez à l'achat. Tiens, je vous note pour le prochain 29 février !
Ludovic : Eh bien, voyez, je vous donne des idées !
Benjamin : Et si je devenais un tueur plagiaire !!! c'est original, ça !
Ludovic : Non, ça existe déjà, on appelle ça un copy cat ! Il imite d'autres tueurs !
Benjamin : Ah bon ? Il imite d'autres tueurs, C'est un Nicolas Canteloup du crime
alors ?
Scène 3 :
Catherine (entre téléphone collé à l'oreille, elle tient un sac de courses) : Allo ? Quoi ?
Oui ? Ce n’est pas vrai ? Dis donc ? Mais quel salopard ce type ! Tout maire qu'il est,
avec moi, ce serait en taule, et vite fait ! En tout cas, je te remercie de m'avoir
prévenu, oui, à tantôt !! (Elle raccroche)
Ludovic : Ne me dites rien, on vous a dit que le maire séquestrait sa fille et prostituait
sa femme
Catherine : Ah, vous le saviez déjà... et en plus, il a tué sa tante !
Benjamin : Même sa tante ! Décidément, il ne respecte rien !
Ludovic : Mais enfin, cette rumeur, elle est née ici, entre nous deux, tout le reste n'est
qu'extrapolation et amplification par le bouche à oreille
Catherine : Quoi ? C'est vous qui avez lancé cette rumeur ? Vous n'avez pas honte ?
Benjamin : Mais c'est lui qui l'a lancée... et puis ce n’est pas une rumeur !
Ludovic : Si, c’est une rumeur et je ne l'ai pas vraiment lancée !
Catherine : Ce n’est pas clair, c'est vous ou ce n’est pas vous ?
Ludovic : Disons que je voulais lui présenter un exemple de propagation de rumeur
Catherine : Ben c'est réussi ! Tout le monde en parle en ville !
Ludovic : Oui, mais l'intention n'était pas de nuire, juste de lui expliquer... je n’ai pas
eu le temps de finir ma phrase que cet ostrogoth avait déjà alerté son entourage !
Catherine : (Rires) l’arroseur arrosé ! Ça vous apprendra à vouloir avoir raison !
Ludovic : Mais je ne veux pas avoir raison, je veux juste qu'on préserve la vérité
Catherine : Préserver la vérité en propageant un mensonge ? En même temps, une
vérité, quand on est le seul à croire, est-elle encore une vérité ?... Et donc avoir raison
tout seul, ça ne sert à rien... si ce n'est à faire des frustrés ! Si un jour, la majorité des
gens décrètent qu’on n’a jamais marché sur la lune, et bien, la vérité sera qu’on n’a
jamais marché sur la Lune
Ludovic : Mais ON A marché sur la lune !
Catherine : On s'en fout, la vérité, ce n'est pas ce qu'il s'est vraiment passé, c'est ce
que croient majoritairement les gens
Ludovic : Mais c'est faux ! Et je fais partie de ceux qui se battront toujours pour que
la vérité perdure !
Catherine : Oui, dans des livres que personne ne lit, dans des émissions que personne
ne regarde ? Vous serez bien avancé !
Benjamin : De toute façon, y'a personne qui a été sur la Lune. C'est bidonné ! toutes
les images, ça avait été tourné en studio
Ludovic : Mais tu racontes des conneries ! C'est du délire de complotiste !
Benjamin : Et tu y étais sur la lune, toi ?
Ludovic : Non. Mais...
Benjamin : Ben alors qu'est-ce que tu la ramènes ? Il n’a jamais été sur la lune et il
sait qu'on a déjà marché dessus !
Ludovic : Mais avec ce genre de raisonnement, je n'étais pas non plus à Waterloo, à
Marignan, je n'ai pas personnellement côtoyé Vercingétorix ni Bonaparte, donc selon
toi, si ça tombe, tout cela n'a pas existé ?
Benjamin : Ben ouais, Si ça tombe !
Catherine : Et ben, il a de l'aplomb ce petit !
Ludovic : Mais dites-lui vous qu'il se trompe, vous !
Catherine : Ah non, moi, je ne rentre pas dans vos débats !
Ludovic : Mais enfin, vous savez qu'il dit des conneries !
Catherine : Et alors ? Il fait ce qu'il veut, je m'en fous moi !
Ludovic : Mais, c'est avec ce genre de théories, qu'on fout en l'air notre société
Catherine : On peut bien la foutre en l'air, ce n’est pas mon problème ! Pour ce qu'elle
me rapporte, votre société ? Un minimum vieillesse et des bons alimentaires des
services sociaux... vous pensez bien que je vais voler à son secours, à la société ?
Ludovic : Je vois, la vieille anarchiste revancharde !
Catherine : C'est une manie chez vous de mettre les gens dans des cases ? Je ne suis
pas anarchiste... Est-ce que j'ai l'air d'un punk à chien ?
Benjamin : Attendez, je reviens, y'a un nouveau à emmerder, là-bas !
Scène 4 :
Catherine : Ah, il est très con ce petit mais qu'est-ce qu'il y met comme conviction !
Ludovic : Et ce n’est pas tout, il rêve de devenir tueur en série... Alors comme je suis
éditeur de romans policiers, il s'est dit que je pouvais lui mettre le pied à l'étrier.
Catherine : Un jeune qui a des projets, c'est beau !
Ludovic : Mais ce n’est pas un projet, c'est un délire de schizo !... Et pourquoi vous le
laissez partir dans ses délires complotistes, vous savez qu'on lui bourre la tête avec
des inepties ! On ne peut pas le laisser se complaire dans des théories fumeuses !
Catherine : C'est votre problème. Moi, j'en n'ai rien à foutre de savoir si Vercingétorix
a vraiment existé !
Ludovic : Vous voyez bien qu'il est dans l'erreur et vous décidez de le laisser s'y
enliser.
Catherine : Convaincre un type qui est sûr qu'il a raison, ça ne sert à rien, c’est
comme jouer aux échecs avec un boxeur, Si vous maitrisez la parte, il va vous mettre
son poing dans la gueule, et c'est lui qui a gagné la partie ! Le Ko contre le
Mat.…Même Kasparov ne peut rien contre ça !
Ludovic : Mais ça ne veut rien dire
Catherine : Si que parfois, l'intelligence et les arguments, ça n'a aucune utilité. Et
puis, les gens crédules, ça peut toujours servir
Ludovic : Mais à quoi ?
Catherine : Ben à être manipuler, pardi
Ludovic : Vous voudriez le manipuler ?
Catherine : Ben on ne sait jamais... Y'a peut-être quelque chose à en tirer
Ludovic : Mais vous êtes pire que lui ! Lui propage des inepties par bêtise, vous, le
laissez faire parce que c'est bassement calculé
Catherine : Oh vous me lâchez ? et puis vous êtes qui pour juger de la crédulité des
autres ? Je suis sûr que vous avez voté pour le président sortant à la dernière élection.
Ludovic : Absolument et je l'assume !
Catherine : et vous pensiez qu'il allait améliorer notre quotidien ?
Ludovic : Eh bien oui
Catherine : Et ben, si ça ce n’est pas être crédule !
Ludovic : Mais ça n'a rien à voir et puis, moi, je n'ai pas à me plaindre, son
programme m'a permis de bénéficier de nombreux avantages.
Catherine : Ce qui n'est pas le cas de tous les gens qui ont voté pour lui.
Ludovic : Ah ! forcément ! Dans un programme y'a toujours des déçus !
Catherine : Et ces gens-là, vous n'avez pas cherché à les convaincre de ne pas voter
pour lui ?
Ludovic : Et bien non, Ils avaient qu'à mieux regarder pour qui ils votaient, lire le
programme ! Ce n'est pas à moi de le faire !
Catherine : Pourtant vous saviez qu'ils allaient se faire enfumer, eux ? (Ludovic reste
silencieux) Et bien voilà, leur crédulité vous a été utile et vous n'avez pas cherché à
les convaincre de faire ce qu'il y avait de mieux pour eux. Vous êtes aussi pourri que
moi ! Sinon, que venez-vous faire dans ce parc ?
Ludovic : Je venais faire ma pause déjeuner quand ce jeune homme est venu
m'emmerder
Catherine : Vous ne vous en êtes pas débarrassé ?
Ludovic : J'avoue que j'ai du mal à me dépêtrer des casse-pieds
Catherine : C'est vrai que c'est plus simple avec les mouches, on n'a pas encore
inventé le pulvérisateur à emmerdeurs !
Ludovic : Ça pourrait être une invention salutaire ! Ce serait tellement plus simple
sans les emmerdeurs
Catherine : C'est l'avis de tous !!! Mais, en y réfléchissant bien, on est toujours
l'emmerdeur d'un autre !
Ludovic : Oui, mais lui, c'est l'emmerdeur de beaucoup de monde !
Catherine : Mais en même temps, vous êtes bizarre, vous !
Ludovic : Moi ?
Catherine : Oui, Vous tenez absolument à ce qu'il vous lâche la grappe et quand vous
réalisez qu'il ne pense pas comme vous, vous voulez absolument le convaincre qu'il
se trompe et c'est vous qui vous mettez à emmerder tout le monde à vouloir penser
comme vous !
Ludovic : Parce que je vous emmerde, là ?
Catherine : A vous de voir !
Ludovic : Ah mais, ‘fallait le dire que je vous emmerdais !!!Je ne vais pas vous
importuner plus longtemps ! Je vous laisse !!! (Il s’éloigne) C'est la meilleure celle-
là ! Je viens écouter le piaillement des oiseaux et c'est moi l'emmerdeur
Catherine : A Paris, les oiseaux ne piaillent pas, ils toussent !
Scène 5 :
Retour de Benjamin :
Catherine : Vous avez fini d'emmerder le nouveau venu ?
Benjamin : Oui, il était chiant à mourir ! Il avait l'air d'apprécier ma conversation !
Aucun intérêt !
Catherine : Tu as raison, emmerder le monde, c'est pareil que pour n'importe quelle
autre contamination, l'idéal pour que ça marche bien, c’est de trouver un corps saint
Benjamin (observant Ludovic) : Tiens, vous avez bougé, vous ?
Catherine : Oui, Monsieur est susceptible
Benjamin : Susceptible ?
Catherine : Oui, je lui ai dit qu'il m'emmerdait, il a pris la mouche !
Benjamin : Ah ben vous aussi, vous êtes un emmerdeur, alors !
Ludovic (Revenant) : Non, je n'ai aucune raison d'emmerder le monde, moi !
Benjamin : Mais c'est vous qui le disiez, un emmerdeur ne se rend pas compte qu'il
emmerde le monde !
Ludovic : Mais c'est pas possible, vous vous liguez contre moi ! Je n’avais rien
demandé à personne. Je voulais prendre le frais, en solitaire ! Vous investissez ma
sphère intime et au final, vous me reprochez de vous faire chier !
Catherine : C'est un bon résumé ! En même temps, si vous voulez être seul, ne venez
pas manger dans un jardin public, faites ça dans votre jardin !
Ludovic : Je n’ai pas de jardin ! J'ai un duplex !
Catherine : Ben voilà, c'est pété de thunes mais ça vient bouffé son sandwich sur un
banc public comme un SDF parce que c'est trop crevard pour se payer un bout de
terrain !
Benjamin : Allez ! Revenez ! On s'excuse !
Ludovic : Non, je veux déjeuner en paix ! Et je ne voudrais surtout pas vous
emmerder !!!
Benjamin : et pourquoi vous lui avez dit que c'était un emmerdeur ?
Catherine : Il voulait me convaincre de te convaincre...
Benjamin : De me convaincre de quoi ?
Catherine : D'arrêter de croire à certains trucs ?
Benjamin : Certains trucs ?
Catherine : Oui, les trucs complotistes !
Benjamin : Et pourquoi qu'il voulait te convaincre de me convaincre
Catherine : Il pense que de croire des trucs différents c'est dangereux
Ludovic : Mais c'est dangereux !!!
Benjamin : Ben en quoi, c'est dangereux ?
Ludovic se rapproche
Catherine : Tiens, l'emmerdeur est de retour ! (Regard noir de Ludovic)
Ludovic : Tu connais la rumeur d'Orleans ?
Benjamin : Je ne sais pas, je n’y suis jamais allé ! C’est quoi la rumeur d'Orleans
Catherine : Ce sont des magasins de vêtements ou dans les cabines d'essayage on
kidnappait les jeunes filles
Ludovic : Mais non, il n'y a jamais eu de kidnappings ! Tout a été inventé !
Catherine : Que vous dites ! Moi, je n’en sais rien !
Benjamin : Mais pourquoi ils faisaient un truc pareil ?
Catherine : Ben pardi ! La traite des blanches !
Benjamin : La traite des blanches ?
Ludovic : Mais non ! On cherchait à nuire aux commerçants, juste parce que ceux-ci
étaient juifs !
Benjamin : Sinon, pour votre histoire, on a eu le même truc dans le quartier, sauf que
c'était un commerçant chinois et que lui c'était vrai !
Ludovic : Qu'est ce qui te fait croire que c'était vrai ?
Benjamin : Ben parce que … avec les Chinois faut se méfier. Et puis, j'ai connu une
fille qui a été enlevée !
Ludovic : Ah bon qui c'était ?
Benjamin : Ben c'était la cousine de la tante à la voisine de palier d’une amie à la
concierge de la résidence à côté d'où vit ma grand-mère...
Ludovic : Quelqu'un de très proche dites moi
Benjamin : Vous la connaissez aussi ?
Ludovic : Ben oui, tout le monde connait la cousine de la tante à la voisine de palier
d'une amie de la concierge de la résidence à côté d'où vit votre grand-mère !
Catherine : Ah non, moi, je ne la connais pas !
Ludovic : Ben vous voyez... à Orléans, c'était pareil, tout le monde connaissait la
cousine de la tante à la voisine de palier d’une amie à la concierge de la résidence à
côté d'où vit ma grand-mère qui avait été enlevée... personne ne l'a jamais vue, mais
tout le monde la connaissait ! Et surtout, tout le monde savait qu'elle avait disparue
dans un de ces magasins, et pas qu'elle, des tas d'autres ! C'est fou le nombre de
cousines des tantes aux voisines de paliers des amies aux concierges des résidences à
côté d'où vivent nos grand-mères. C'est comme ça que se construit l'histoire...
Benjamin : Et bien moi, je suis sûr que cette histoire est vraie !
Catherine : Bien d'accord avec toi ! ! On kidnappe des jeunes filles et puis après on
dit que c'est une rumeur... et puis ça permet aux coupables de se faire passer pour des
victimes ! Et à ceux qui dénoncent ces faits pour des salauds ! Ils sont malins !
Benjamin : Absolument !
Ludovic : Mais non, qu'allez-vous chercher ? Cette histoire est montée de toutes
pièces par des gens qui cherchaient à nuire à ces commerçants !
Catherine : Si ça tombe, ce sont les commerçants eux-mêmes qui lancent ces rumeurs
pour ensuite se faire dédommager ! Ça se voit tout le temps, ce genre d'arnaque !
Benjamin : Et ben voilà !
Ludovic : Mais puisque je vous dis que tout a été démenti finalement et il ne s'est rien
passé ! Jamais aucune femme n'a disparue.
Catherine : Si ça, ce n’est pas effacer efficacement des preuves...
Benjamin : Je n’aurais pas mieux dit
Ludovic : J'ai compris, vous êtes antisémite !
Catherine : Y'a 5 minutes vous m'accusiez d'être anarchiste... maintenant de nazi...
faudrait savoir
Ludovic : Oh les extrêmes se rejoignent
Catherine : Ce n’est pas comme les connexions de votre cerveau !
Ludovic : En attendant, le problème de ce jeune homme, c'est qu'il ne retient que les
conneries qui lui sont balancés par les courants malveillants de pensée.
Benjamin : Pas du tout, je peux retenir beaucoup de choses ! Tenez, votre poème tout
à l'heure :
Froh kehrt der Schiffer heim an den stillen Strom,
Von Inseln fernher, wenn er geerndtet hat ;
So käm auch ich zur Heimath, hätt ich
Güter so viele, wie Laid, geerndtet.
Ludovic : Impressionant !
Catherine : Mais, c'est du Hölderlin
Ludovic : Vous connaissez Hölderlin ? C'est fabuleux !
Catherine : Oui, enfin, un type vénéré par les nazis !
Benjamin : Ben voilà, j'en étais sûr ! Et lui qui me disait que ce n’était pas vrai !
Ludovic : Mais arrêtez donc ! Hölderlin n'a rien à voir avec le nazisme... qu'est-ce
qu'il y peut si quelques abrutis ont glissé quelques-uns de ses vers dans la musette des
soldats de la Wehrmacht ?
Benjamin : Il aurait pu refuser !
Ludovic : Mais il était mort depuis un siècle !
Catherine : Ce n’est pas une excuse !
Benjamin : Enfin, bref, vous avez les mêmes gouts que les nazis !
Catherine : Et après, c'est moi qui suis antisémite !!!!
Ludovic : Merde, le municipal...
Catherine : Qui ?
Ludovic : Y'a un type qui verbalise. A force de me prendre la tête avec vous, j'ai
oublié de remettre une pièce dans l’horodateur, il va m'aligner... Je reviens. (Il sort)
Scène 6 :
Benjamin : Ben, il ne va pas y échapper !
Catherine : Qu'est-ce que tu dis ?
Benjamin : Le flic qui verbalise... vous savez comment on l'appelle ici ?
Catherine : Non
Benjamin : Monsieur « j'veux pas l'savoir », c'est ce qu'il répète tout le temps quand
les gens viennent le supplier de pas mettre de PV...
Catherine : Dis-moi, c'est quoi ton prénom ?
Benjamin : Benjamin, et vous ?
Catherine : Catherine... enchantée, Benjamin
Benjamin : Euh, de même !
Catherine : C'est vrai que tu veux devenir tueur ?
Benjamin : C'est lui qui vous l'a dit ?
Catherine : Oui
Benjamin : Ben, faut pas lui confier un secret à celui-là ! Il va te le raconter à tout le
monde
Catherine : Donc, c'est vrai ?
Benjamin : Oui, pourquoi ? Ça vous intéresse ?
Catherine : Non, je dois savoir, tu es sérieux ? Où tu dis juste ça pour plaisanter ?
Benjamin : Ben, non, j’aimerais bien... mais c'est quand même vachement difficile de
trouver des gens pour vous aider ou vous conseiller
Catherine (énigmatique) : Vraiment ?... Tu sais garder un secret ?
Benjamin : Bien sûr, je ne suis pas comme l'autre, là. Pourquoi ?
Catherine :(guettant Ludovic) Je ne voudrais pas que l'autre revienne de suite, je lui
fais moyennement confiance
Benjamin : Pas de soucis, il se prend le chou avec « J'veux pas l'savoir », on les
entend gueuler d'ici
Catherine : Tiens, c'est vrai (ouvrant son sac) Alors, regarde !
Benjamin (penche la tête) : Mais, y'a une tête là-dedans !
Catherine : Tout juste ! Une vraie tête de con !
Benjamin : Mais c'est la tête de qui ?
Catherine : Je te présente mon mari
Benjamin : Enchanté, Monsieur ! Il n’a pas l'air bien en forme...mais vous avez juste
la tête ?
Catherine : Ben, c'est à dire que je me débarrasse de son cadavre progressivement...
aujourd'hui, je fais la tête !
Benjamin : Oh, ben merde ! Je n’en reviens pas. Mais alors, IL EST MORT ?
Catherine (consternée) : Non, il est tellement souple qu'il sait séparer la tête de son
corps ! .... Mais bien sûr qu'il est mort ! Gros malin !
Benjamin : Mais de quoi il est mort ?
Catherine : Un arrêt cardiaque ! (Silence) enfin, le cœur s'est arrêté après que je lui ai
fracassé le crâne avec un buste en bronze !
Benjamin : Comment vous y êtes arrivé ?
Catherine : Arrivée à quoi ?
Benjamin : Ben le tuer !
Catherine : Je te l'ai dit, je lui ai fracassé le crane avec …
Benjamin : Non, je veux dire comment vous avez su passer à l'acte ?
Catherine : Ah ça ! Ben au final, c'est assez simple ! Tu penses au nombre de fois où
il t'a emmerdé ! Et puis tu te rends compte que ça fait 30 ans que ça dure, 30
interminables années, qu'en plus avec les résultats de son dernier Checkup, il a un
cœur de sportif et une santé de jeune homme, il ne fume pas, il boit pas, tu vois
comme il peut être chiant, que donc, ça peut encore durer 30 ans ! 30 ans ferme... Et
puis tu te dis que si tu te fais condamner pour crime conjugal, au pire, tu prends 20
ans, t'en fais 10... Il m'a juste fallut 20 secondes de calcul mental pour me dire lui
fendre la tête en deux, c'était le meilleur choix de vie !
Benjamin : J'aimerais savoir le faire ! C'est à cause de ça que je n’ai toujours pas
réussi à passer à l'acte ! Tuer quelqu'un comme ça... ça demande de la préparation
Catherine : En fait, j'ai laissé libre court à mes instincts ... à ces instincts qu'on a
tous !
Benjamin : Qu'on a tous ?
Catherine : Eh bien oui, la pulsion, l'instant de vérité, après tout, on passe notre vie à
nous contenir contre notre vraie nature, parce qu’on est bouffé par les codes sociaux
et ces idées à la con du vivre ensemble, et puis surtout la peur d'aller en prison, et des
fois simplement parce qu’on vous dit depuis votre plus tendre enfance que c’est mal
de tuer. Là j'ai fait abstraction de tout ça... Si je devais te donner un conseil, je te
dirais : « laisse monter en toi, un sentiment fort, la colère, la rage, la cruauté ou le
sadisme... et surtout ne rate pas ce rendez-vous avec toi-même !
Benjamin : Avec moi-même ?
Catherine : Oui, ce moment où la pulsion est tellement forte que tu es prêt pour le
point de non-retour, que le besoin d'agir te fait oublier les conséquences de ton geste.
Là, tu passes à l'acte, mais attention ! C’est un instant très bref, si tu le laisse passer,
c'est foutu ! Tu ne le feras plus !
Benjamin : Et pour les meurtres suivants faut refaire la même chose ?
Catherine : Je ne sais pas, j'en suis resté à mon premier ! Laisse-moi le temps !
Benjamin : Mais le fait de supprimer une vie, ce n’est pas gênant ? On ne vit pas avec
le remord après ?
Catherine : T'as déjà écrasé un moucheron ?
Benjamin : Oui
Catherine : Tu as eu des remords ?
Benjamin : non
Catherine : et bien dis-toi que c'est pareil, j'ai écrasé un moucheron de 80 kilos ! Quoi
que quand j'y pense, pour mon mari, J’aurais plutôt dit un cafard !
Scène 7
Ludovic (De retour) : Il n’a rien voulu entendre, cet abruti ! ! Juste là à répéter en
boucle : « Je veux pas le savoir » ! Quelle tête de con !!! Ce n’est vraiment pas ma
journée !
Catherine : Ben c'est vous qu'on entendait gueuler d'ici ?
Ludovic : Probablement, je me suis un peu emporté.
Catherine : Pour sûr, vous avez emmerdé tout le parc !
Benjamin (s'emparant du couteau à saucisson de Ludovic) : Je reviens !
Ludovic : Où vas-tu ?
Benjamin : Ce n’est rien, j'ai juste un petit rendez-vous avec moi-même ! (Il sort)
Scène 8
Ludovic : Ben lui, il n’a pas inventé l'eau tiède !
Catherine : Bah, il est attachant...mais c'est vrai, qu'est-ce qu'il est con !!!
Ludovic : Si la connerie devenait discipline olympique, il nous ramènerait des
médailles. Mais comme y'a pas...rien à en tirer
Catherine : Attendez un peu, je suis sure il va peut-être vous surprendre
Ludovic : Qu'est-ce que vous voulez dire ?
Catherine : Rien, une intuition...
Ludovic : Enfin, il est parti... (il reprend son sandwich) ça va me faire des vacances !
(Il s'arrête de mastiquer) Dites, vous pensiez sincèrement ce que vous avez dit à
propos de la rumeur d’Orléans.
Catherine : Absolument pas, je connaissais l'histoire
Ludovic : Pourquoi alimenter le doute alors ?
Catherine : Ça m'amusait.
Ludovic : Ça vous amuse qu'il puisse croire à toutes ces balivernes ?
Catherine : Absolument … La capacité de certaines personnes pour avaler des
énormités est fascinante !
Ludovic : Mais c'est ça qui est très dangereux, certains savent exploiter cette
crédulité !
Catherine : Vous parlez des gourous de secte ?
Ludovic : Entre autres. Vous pensez que c'est bien pour lui d'être manipulé de la
sorte ?
Catherine : Je n’en sais rien mais vous, en cherchant à le contredire vous ne faites que
vous opposer à lui, Bref, vous le braquez ! Il n'aura pas envie de vous écouter ! Moi,
je ne lui donne que ce qu'il veut entendre !
Ludovic : Mais je ne fais que lui dire la vérité !
Catherine : La vérité ! C'est quoi la vérité ? Chacun à la sienne ! Vous savez, je crois
que tout le monde s'en fout un peu de la vérité... il y a deux façons de la voir, soit elle
va dans votre sens et vous l'adoptez ou bien au contraire, elle va à contre sens et dans
ce cas, elle devient un mensonge, ou pire, un complot... la vérité, pour ce qu'elle est,
plus personne n'y croit ! Après tout, vous y êtes allé dans les cabines d'essayage
d'Orléans ?
Ludovic : Non
Catherine : Alors qui vous dit que ce n'est pas vrai !
Ludovic : Mais enfin, toute personne sensée et qui a suivie l'affaire sait bien que...
Catherine : Toute personne sensée, oui... Vous voyez ou vous en êtes ? À une estime
de vous-même qui vous donne la certitude d'être sensé... Lui aussi est persuadé d'être
sensé, la seule chose qui vous oppose se sont les certitudes ! Vous, la vérité, vous la
voulez universelle... en fait, vous voulez nous l'imposer, moi, je m'en accommode,
elle devient un outil de transaction.
Ludovic : Mais vous savez ce que vous êtes ? Vous vous comportez comme une
populiste !
Catherine : Vous savez le mot qu'elle a en tête quand elle pense à vous la populiste ?
Ludovic : Oh surement une insulte, j'imagine !
Catherine : Non, même pas, juste une cavité naturelle de notre corps
Ludovic : Pardon ?
Catherine ; Je pense que vous êtes un trou du cul ! Et sans doute, le pire. Les autres
trous du cul sont toujours coincés entre deux fesses, vous vous êtes un trou du cul en
liberté, qui peut propager ses pets sans garde-fou, qui exhibe fièrement ses
hémorroïdes sans jamais revêtir le slip de la dignité... Quant à votre égo, c'est un
énorme polype du colon ! Vous êtes un vrai cas d'école pour proctologue !
Ludovic : Ça a le mérite d'être clair, nous allons en rester là ! Il ne va pas vous
ennuyer plus longtemps le trou du cul... Ça vous gêne qu'il puisse s'exprimer le trou
du cul !
Catherine : En même temps, l'expression d'un trou du cul, c'est toujours gênant, ça
s'appelle un pet !
Scène 8 :
Benjamin revient, couteau en main et taché de sang, il l'essuie
Benjamin (tendant le couteau à Ludovic) : Tenez, je vous le rends !
Ludovic : Mais, c'est mon couteau ! Qu'est-ce que vous foutiez avec ?
Benjamin : Trois fois rien !
Ludovic : Et c'est quoi, ces taches ? Du sang ? Vous vous êtes coupé ?
Catherine : Tu l'as fait ?
Benjamin : Oui !
Catherine : ça y est le petit est dépucelé !
Ludovic : Mais il a fait quoi ?
Catherine : Son premier homicide !
Ludovic : Pardon ?
Catherine : T'es long à l'allumage, dis-moi ! Il a enfin tué quelqu'un !
Benjamin : Ben au final, on s'en fait tout un monde, mais ce n’est pas si compliqué !
Ludovic : Mais vous avez tué qui ?
Catherine : Oh mais laissez-le... il a à peine réussi sa première que vous l'embêtez
déjà avec des questions techniques !
Ludovic : Non mais, ça ne va pas ! Qui avez-vous tué ?
Benjamin : Ben monsieur « je veux pas le savoir » !
Ludovic : Celui qui vient de me mettre une amende ?
Benjamin : Lui-même ! Votre amende, je viens en quelques sorte de vous la faire
sauter
Catherine : Comme ça, d'un coup ?
Benjamin : En fait non, son couteau était un peu juste, y'a fallu que je m'y reprenne à
plusieurs fois !
Ludovic (effaré) : Mon couteau ? Mais, je ne vois pas le cadavre !
Benjamin : Une chance que vous soyez distrait, vous n'aviez pas fermé le coffre de
votre voiture
Catherine : Et il a pensé à tout ! Bravo !
Ludovic : Vous l'avez mis dans mon coffre de voiture ?
Benjamin : Oui, oui, il est à vous. Vous pouvez en faire ce que vous voulez !
Ludovic : Bon, s'en est trop ! (Il décroche son téléphone)
Catherine : Mais qu'est-ce que vous faites !
Ludovic : Ce que je fais ? J'appelle la police !
Catherine : Ah bon ? Pour leur dire quoi ? Qu'il y a un cadavre dans votre voiture, tué
avec un couteau qui porte vos empreintes ?
Ludovic (Raccrochant brutalement) : Mais, enfin, vous ne pouvez pas... vous avez
bien vu que...
Catherine : Ah mais je n’ai rien vu moi ! Juste comme tous les gens de ce parc que
vous étiez passablement énervé et qu'il y a un cadavre dans votre voiture ! Le cadavre
du type avec lequel vous vous êtes fâchés !
Benjamin : Quand je pense que je lui ai fait économiser une amende 35 € et voilà
comment il me remercie ! Tiens, vous devriez aussi lui mettre sur le dos le meurtre de
votre mari
Ludovic : Quel mari ? Quel meurtre ?
Catherine : Ce n’est rien ! Mais quel monstre êtes-vous ? Ce gamin réussit enfin à
accomplir son destin, il trouve sa vocation et vous voulez le détruire ?
Ludovic : Mais quelle vocation ? Il a tué un homme ! Et puis c'est quoi cette histoire
de mari tué ? Encore des boniments ?
Benjamin (Il ouvre le sac en direction de Ludovic) : Regarde la gueule du boniment !
(Ludovic hurle)
Ludovic : C'est monstrueux ! Quelle horreur !!
Benjamin (menaçant) Arrêtez de gueuler comme ça ! Vous allez donner l'alerte ! Je
vous rappelle que vous aurez plus de mal que nous à vous justifier ! (À Catherine)
Tout de suite, il voit une tête, il perd son sang froid ! Quelle chochotte !
Catherine : En même temps, c’est dû à mon mari, cette habitude qu'il a toujours eu
d’énerver tout le monde !
Ludovic : Mais, je suis tombé sur deux grands malades ! On devrait vous enfermer !
Bande d'anormaux ! Je vais vous dénoncer !
Benjamin : Ben voilà, dès que les gens ne lui semblent pas normaux, il faut les
dénoncer ! Et après, il va nous dire qu'il n'est pas nazi ?
Ludovic : Mais vous êtes des assassins ! Et puis, je ne suis pas nazi, je pense que les
nazis aussi, il faut les enfermer !
Catherine : Il est tellement nazi, qu'il veut éliminer aussi les autres nazis ! C'est le
pire de tous !
Ludovic : Bon, je m'en fous, j'appelle les flics, ce sera ma parole contre la vôtre !
Après tout, ce n’est pas moi qui me ballade avec un morceau de mon mari dans un
sac.
Catherine : Et bien je dirais que vous nous avez séquestré, vous m'avez persécuté et
que vous avez tué mon mari. Que vous m'obligez à aller enterrer des bouts de son
cadavre partout dans Paris !
Ludovic : Mais pourquoi je ferais ça ?
Benjamin : Je sais pourquoi ! Parce qu’à force de lire des romans de meurtre, ca vous
est monté à la tête, vous avez décidé de passer à l'acte. Vous avez donc tué par simple
instinct de mort et vous vous amuser comme vos sérials killers à persécuter cette
vieille dame sans défense et le policier dans votre coffre a découvert l'horreur, vous
avez su l'éliminer juste avant !
Catherine : Quelle imagination ces complotistes !
Benjamin : Ce n’est pas du complotisme, c'est la vérité !
Catherine : Mais bien sûr que c'est la vérité !
Ludovic : Mais enfin non ! Vous savez bien !
Catherine : La parole d'une vieille dame et d'un jeune homme un peu candide, face à
un prédateur dans la force de l'âge. Je vous l'ai dit, la vérité, quand vous êtes seul à la
détenir, elle ne sert à rien !
Ludovic : Bon, on va se calmer et faire le point. J'étais venu pour ma pause déjeuné,
le temps était beau, le parc tranquille sous la brise douce amer d'un printemps
avancé !
Catherine : Ah vous savez bien planter le cadre ! L'histoire commence bien !
Benjamin : On sent le passionné de littérature
Catherine : C'est vrai qu'il a la digression lyrique ! Le type est sur le point d'être
accusé de deux meurtres et il nous présente la situation avec un onirisme, certes un
peu pompeusement classique mais tellement authentique... Voyez, je vous fais déjà la
critique littéraire !
Ludovic : Je suis tombé de deux malades... non désolé, mais je n'ai rien fait, je saurais
le prouver !
Catherine : Banco !!!
Ludovic : (Regarde son téléphone, hésite et sombre en larme) Je suis dans la merde !
Benjamin : Ben, vous seriez nul vous au Poker !
Catherine : Et ben voilà, monsieur devient coopératif !
Benjamin : En même temps, on n’est pas des vaches, on peut vous aider à vous
débarrasser de vos victimes.
Ludovic : Mais je n'ai tué personne ! je suis innocent !
Benjamin, allons, allons, pas à moi ! Ils disent tous ça !!!
Ludovic : Mais... Vous m'avez bien roulé, les deux psychopathes
Benjamin : C’est bien résumé !
Catherine : Non, techniquement, je ne suis pas une psychopathe !
Ludovic : Mais alors qu'est-ce que vous êtes ?
Catherine : Eh bien, mon mari est mort, je suis...une veuve !
Ludovic : Une veuve qui se promène avec la tête de son mari dans un sac, ça porte
quand même un nom
Catherine : Oui, une veuve... qui n'a pas su faire son deuil !
Ludovic : Mais, votre mari ? Pourquoi vous l'avez tué ?
Catherine : Oh, c'est toute une histoire
Ludovic : Eh bien, comme je suis impliqué dans ce meurtre, j'aimerais savoir !
Catherine : C'est vrai, je vous dois bien une explication, Voilà, Il n'était jamais
d'accord avec moi. Toujours, il me contredisait... ça devenait énervant. Il est de ces
cuistres qui veulent toujours avoir raison en vous prenant de haut
Ludovic : et c'est juste pour ça ? Si on se met à tuer les gens qui sont pas d'accord
avec nous...
Catherine : Et ben au moins, on est sûr d'avoir raison ! (Elle prend le sac et sort la
tête) Tu ne dis plus rien, hein maintenant ?
Ludovic : Mais lâchez ça, c'est ignoble !!! Mais comment que vous l'avez tué ?
Catherine : En fait, on discutait d'un bronze.
Ludovic : Un bronze ?
Catherine : Une statue en bronze ! Une statue de Thémis
Benjamin : Thémis ?
Ludovic : Une déesse grecque... la déesse de la justice... on en aura bientôt tous
besoin !
Catherine : Ben en fait, ce bronze, je l'ai eu de ma grand-mère. C'est un Henri Chapu.
Sauf qu'Emile, mon mari, il me soutient mordicus que ce n’est pas du Henri Chapu, et
il en profite pour dire du mal de ma grand-mère et de toute ma famille : « Une famille
de bons à rien qui aurait les moyens de se payer une œuvre d'art, laisse-moi
rire ! » ...Alors Bing !
Ludovic : Quoi, bing ?
Catherine : Je lui ai éclaté le bronze sur le crâne ! Ça doit bien peser 20 kilos un
machin comme ça ! (Elle tend le doigt sur la tête) Regardez, on voit le coup-là ! Il n’a
pas aimé, il est presque mort sur le coup... enfin, il gémissait un peu !
Ludovic : Et vous n'avez pas appelé les secours ?
Catherine : Ben non, j'ai remis un second coup de Chapu, c'est celui-là qui a été
fatal !
Ludovic : Mais pourquoi vous avez fait ça ?
Catherine : Je ne sais pas, s'ils l'avaient sauvé, il aurait fallu que je donne des
explications, et comme je m'exprime assez mal, c'était un truc à finir devant un
tribunal... et puis, les secours, ils sont long à arriver, j'ai voulu abréger ses
souffrances ! Je me suis dit que c'était mieux pour lui aussi !
Ludovic : Et ensuite ?
Catherine : Ben, c'est là que je l'ai coupé en morceau !
Benjamin : Vous l'avez fait comme ça ? À l'instinct ?
Catherine : Ben non, j'ai trouvé un tutoriel sur YouTube qui expliquait comment
couper une pintade... j'ai fait pareil ! J'en ai fait 15 morceaux... Je me suis dit ensuite
que le mieux, pour pas qu'on retrouve son cadavre, c'était de l'éparpiller dans tous les
coins de Paris... J’ai laissé sa cuisse droite au parc Montsouris, le lendemain, les
intestins aux buttes Chaumont, vous n’avez pas idée comme c'est long un
intestin ! Et hier le bras droit au bois de Vincennes ! Ah c'est fou ce qu’il y a comme
espaces verts à Paris, je n’avais jamais réalisé, sinon, j'aurais fait des plus petits
morceaux.
Ludovic : En fait, vous l'avez tué juste parce que vous n'étiez pas d'accord avec lui ?
Catherine : Ce n’est pas vous qui voulez passer votre temps à convaincre les gens qui
ne sont pas d'accord avec vous ? Ben je vous assure, pour avoir raison dans une
conversation, un bronze de Chapu, ça met votre interlocuteur à court d'arguments !
Benjamin : Mais, excusez-moi, mais un cadavre, depuis 3 jours ? Ça ne commence
pas un peu à sentir le faisant ?
Catherine : Non, mais c'est qu'il me prendrait pour une souillon ? Et les congélateurs,
c’est fait pour les chiens !
Ludovic : Pauvre homme ! Finir au milieu de plats cuisinés et de crêpes surgelées.
Catherine : D'ailleurs, à ce propos... (elle semble hésiter) Non, je ne sais pas si je
peux vous raconter ça... j'ai un peu honte !
Ludovic : Au point où on en est !
Catherine : Ben en fait, au début, je comptais le faire disparaître autrement ! Donc,
après l'avoir découpé, j'ai eu une première idée, m'en débarrasser par la digestion...
Ludovic : Vous voulez dire que vous vouliez le manger ?
Catherine : Ça ne va pas non ? vous me prenez pour un monstre ? Non, en fait, je
voulais le donner à mon entourage. Je suis allé chez ma belle-mère, avec une cuisse
d’Émile. Je lui ai fait croire que c'était un gigot... elle l'a servi le soir même !
Ludovic : Mais c'est monstrueux ! Pensez à cette pauvre dame ! Ce que vous lui avait
fait faire ! Du cannibalisme... avec son fils en plus !
Benjamin : Ben non, c'est comme les musulmans avec le cochon, si t'en mange sans
le savoir, ca compte pas !
Ludovic : Mais elle ne s'est pas étonnée que vous veniez sans son fils ?
Catherine : Non, ils ne se parlaient plus depuis des années... Vous voyez je leur ai en
quelques sortes permis de se rapprocher à nouveau !
Ludovic : Et pourquoi vous avez changé de méthode ?
Catherine : Ben que je distribue autant de viande alors que mon mari a disparu, ça
aurait fait suspect ! Un truc à finir sur le carnet de rendez-vous d'un avocat !
Ludovic : Et d'ailleurs, comment avez-vous justifié son absence ? On doit bien vous
demander des comptes !
Catherine : Oh, il ne sortait plus, ne voyais jamais personne, il était chiant, je vous
dis. Remarquez, pour une fois que ça m’a rendu service
Ludovic : Des collègues
Catherine : Non, il était à la retraite... il trainait à la maison toute la journée !
Silence Catherine rit.
Ludovic : Qu'est-ce qui vous fait rire ?
Catherine (Hilare) : Dire que l'activité qu'il préférait, c’était de faire des puzzles !
Finalement, l'éparpiller par pièces dans ces parcs, c'est une sorte d'hommage !
Ludovic : Bon, Ecoutez, voilà ce qu'on va faire ! On va se quitter comme ça. Pour le
cadavre dans mon véhicule, je me débrouille. Vous, vous continuez abandonner votre
mari sous les parterres floraux... et vous jeune homme, vous faites ce que vous
voulez !
Catherine : Ah non, pas d'accord ! Vous allez faire n'importe quoi, vous faire piquer et
finalement, on va payer, tous les trois, vos maladresses ! Maintenant on est unis !
Comme les doigts de la main !
Ludovic (Abattu) : Comme les doigts de la main ? Le seul doigt que je perçois, c'est
un majeur énorme qui est en train d'investir mon fondement
Catherine : Même vulgaire, il reste poétique
Benjamin : Je crois que madame a raison ! Ce n’est pas le moment de faire n'importe
quoi ! Je vous rassure, monsieur ! On ne va pas vous laisser tomber
Ludovic : Mais, moi, je veux que vous me laissiez tomber ! merde !!!
Benjamin : Fallait y penser plus tôt !
Ludovic : Y penser plus tôt ? Mais quand ? Vous vouliez dire qu'il aurait fallu qu'à
l'instant ou vous êtes arrivé sur mon banc, j'aurais dû me dire : il a tout à fait la gueule
du type qui va buter un flic et le foutre dans mon coffre ? Désolé, j'ai manqué
d'anticipation.
Benjamin : Pas grave, on va rattraper votre boulette !
Le téléphone de Ludovic sonne
Ludovic : Merde, Berthelot, c'est mon associé, désolé, je dois prendre !!! Allo ? Oui,
Francis c'est un peu compliqué ! Non, je ne pense pas que je repasserais au bureau de
suite...quand ? Eh bien, si ça se passe bien, demain... sinon, pas avant 20 ans... oui, je
me comprends, ce n'est pas grave ! Oui, je suis sur une lecture de polar ! L'histoire ?
Eh bien, un innocent pris dans une terrible machination ou deux criminels l'obligent à
devenir leurs complices... oui, au début je ne trouvais pas ça très crédible et disons
que les deux auteurs ont su se montrer convaincants ! Très convaincants ! Disons un
peu étrange mais trépidante, c'est bien simple, j'ai l'impression d'y être, S'ils se font
prendre à la fin ? Je ne sais pas, je n'y suis pas encore arrivé mais je n'espère pas...
l'aspect narratif ? eh bien, on est, enfin, je suis en totale empathie pour ce type Je
vous raconterai plus tard
Catherine : Mais ce génie !!! dans mes bras ! (Elle enserre Ludovic)
Ludovic : Non mais ça ne va pas ! Qu'est-ce qui vous prend !
Benjamin : Ben oui, qu'est ce qui te prend !
Catherine : Mais tu ne comprends pas ?
Benjamin : Mais comprendre quoi ?
Catherine : On vient de faire publier notre roman ! Notre polar à nous !
Benjamin : Hein ?
Catherine : Mais il va publier notre histoire ! L'innocent prit dans la tourmente, c'est
lui ! Les tueurs machiavéliques, c'est nous !
Ludovic (Ulcéré) Non, mais ça ne va pas ! Vous ne pensez quand même pas que je
vais servir cette histoire ?
Benjamin : Mais c'est génial ! On vous a écrit toute la trame ici même ! Y'a plus qu'à
recopier ! C'est un plagiat de la réalité !
Ludovic : Oh !!!On arrête et on oublie tout ! Non, mais vous êtes complètement
malades ! Raconter une histoire de meurtre ou nous sommes réellement impliqués ?
Faudrait être inconscient !
Catherine : Mais non, justement ! Qui penserait qu'on puisse être assez fou pour
avouer ses propres crimes dans un roman ! C'est l'idée géniale ! Non, vous allez le
publier !
Ludovic : Jamais de la vie !
Catherine : Sinon, je raconterais mon propre roman, celui ou vous êtes le seul
coupable mais faute d'éditeur, je devrais le raconter à la police !
Ludovic : Votre chantage est odieux !
Benjamin : Qu'est-ce que ça veut dire ?
Catherine : Ça veut dire qu'il vient de valider, à contre cœur mais il valide !
Benjamin : Génial ! Il faut prévoir la suite, maintenant !
Catherine : Pour ça on a la journée !
Ludovic : Mais il faudra que je convainque mon associé de la qualité de ce roman !
Catherine : Vous venez de lui mettre l'eau à la bouche !
Ludovic : C'est à dire que je lui mentais, je cherchais un prétexte qui m'évite de lui
dire pourquoi je ne pouvais pas passer au bureau, cet après-midi !
Benjamin : Ah ben là, votre prétexte s'est matérialisé... Vous n'avez fait que lui dire la
vérité ! Vous voyez, vous qui l'aimez tant cette vérité ! On la fait naitre d'un
mensonge !
Catherine : En plus, votre livre, c'est l’antithèse absolue du complotisme !
Ludovic : Quoi ?
Catherine : Ben oui, le complotisme c'est raconter des histoires fausses en cherchant à
faire croire qu'elles sont vraies... Nous, on va raconter une histoire vraie en faisant
croire qu'elle est fausse !
Ludovic : C'est du délire !
Catherine : Mais pourquoi vous avez choisi d’être éditeur ?
Ludovic : Parce que j'adore la littérature !
Catherine : Alors pourquoi n'avez-vous pas voulu être écrivain ?
Ludovic : Par manque de talent sans doute !
Catherine : Oh, je vous prie, tout le monde écrit aujourd'hui ! Si y'avait besoin d'avoir
du talent ça se saurait
Ludovic : En fait... voilà, j'ai toujours eu peur d'un truc. Écrire un livre, c'est long
et...je vous préviens, vous allez trouver ça idiot
Benjamin : Ben avec vous, on a l'habitude !
Ludovic : En fait, je manquais singulièrement d’imagination. Le style sans les idées,
c'est comme le désir sans l'érection, on risque de décevoir son lectorat. Donc, je vis
en publiant les livres des autres.
Benjamin : oui, mais voilà, ce ne sont pas vos livres ! Vous n'avez jamais pris le
risque ! Mais quand on y pense, votre vie est une œuvre inachevée.
Catherine : En fait, on est un peu l'imagination qui manquait dans votre vie ! Vous
pouvez nous remercier ! On vous a fait franchir un cap !
Benjamin : Moi, y'a un truc qui me gêne dans notre histoire !
Catherine : Quoi donc ?
Benjamin : Ben en fait, y'en a un des trois qui n'est jamais passé à l'acte !
Catherine : Tu as raison, il faut remédier à ça !
Ludovic : Attendez, je discerne ce qui semble émerger de vos esprits tordus ! Alors je
vous préviens tout de suite ! C'est hors de question !
Catherine : Mais on n’a encore rien dit
Ludovic : Si vous croyez que je ne vous vois pas venir ! Vous voulez que je devienne
un meurtrier !
Catherine : Pas un meurtrier.... Un assassin !
Benjamin : C'est quoi la différence ?
Catherine : La préméditation ! Un meurtrier l'est parfois sur un malentendu, pas un
assassin !
Ludovic : Mais meurtrier ou assassin, de toute façon, c'est non !
Catherine : Les apparences font déjà de toi un assassin. Alors à toi de choisir ! Ou tu
es condamné pour un meurtre que tu dis ne pas avoir commis !
Ludovic : Mais je ne l'ai pas commis
Benjamin : C'est ce que disent tous les mecs qui sont en taule !
Catherine : Ou alors, tu commets le tien, bien à toi et on t'aide à le camoufler !
Benjamin : C'est vrai que maintenant pour camoufler des crimes, on est devenus des
pointures !
Ludovic : Mais c'est odieux !
Benjamin : Mais on veut juste que tu deviennes comme nous !
Ludovic(hurlant) : Mais je ne suis pas comme vous !!!!
Benjamin : Ben voilà, ça se dit tolérant et ouvert. Mais ça vit dans son petit monde,
que pour sa petite gueule ! (Il pleure)
Catherine : Mais quel genre de salaud êtes-vous ! Ce jeune homme se confie à vous,
s'ouvre sur ses pensées les plus intimes ! Il vous aide à franchir le cap, à devenir enfin
l'auteur de vos propres romans, Il vous révèle et vous faites montre à son égard d'un
tel mépris !
Ludovic : Mais il ne m'a rien révélé
Catherine : Bien sûr que si ! Il vous révèle d'arrêter de vivre par procuration du travail
des autres, de produire enfin par vous-même et vous, vous le rejetez ! Mais vous
n'avez aucun cœur ! Je suis très déçue !
Ludovic : Non, mais....
Benjamin : Laissez-le donc ! Ce mec-là a toujours eu ce qu'il voulait dans la vie ! Il
est né au bon endroit et ne s'est jamais soucié des gens comme nous.
Catherine : je vous garantis que votre attitude ne restera pas impunie !
Ludovic : Non, attendez !!! D'accord ! D'accord ! Mais je ne peux tuer quelqu'un
comme ça. Je n'ai pas votre talent ! Vos aptitudes !
Catherine : Mais on va vous aider, on est là pour rendre service !
Benjamin (revenant) je peux vous prendre dans mes bras ?
Ludovic : On est obligé ? (Regard sombre de Catherine) Allez, viens faire un câlin à
tonton Ludovic !
Benjamin : Et tu vas le faire ton petit meurtre ?
Ludovic : assassinat !
Benjamin : Hein ?
Ludovic : Si c'est prémédité, c'est un assassinat pas un meurtre !
Catherine : C'est ça, mais autant que vous le sachiez, c'est une circonstance
aggravante !
Ludovic : Bah au point où en est...
Catherine : Bon, ce n’est pas tout mais on va s'y mettre !!!
Ludovic : Oui, comment on s'y prend ?
Catherine : Je suis sûr qu'il y a quelqu'un que vous détestez plus que tout !
Ludovic : Non !
Catherine : Cherchez bien ! Faut y mettre du votre aussi !
Ludovic : Vraiment, non... ne me regardez pas comme ça,
Catherine : On va finir par croire que vous êtes un emmerdeur, si vous voyez ce que
je veux dire ! Hein, Benjamin ?
Benjamin : Oui, même que dans le coffre de votre voiture, y'a encore plein de place !
Catherine : Cherchez bien, je vous dis, quelqu'un que vous souhaiteriez voir mourir !
Ludovic : Mais Non (son visage s'éclaire) ah si ! Le petit vieux de la boulangerie
Benjamin : Qui ?
Ludovic : Un petit vieux, tapi dans l'aurore qui me fout ma journée en l'air... c'est à
chaque fois pareil, je me lève, je suis en retard, une journée monstre m'attend et je ne
peux pas partir le ventre vide ! Mais moi, je suis comme ça, j'aime le pain frais... ce
n’est pas un crime d'aimer le pain frais ?
Benjamin : Euh, non !
Ludovic : Et c'est parce que j'aime le pain frais que je ne l’achète jamais la veille !
Au réveil, Je prépare le café, je sors la tasse, le beurre la confiture... et je fonce à la
boulangerie chercher ma baguette... et il est toujours là ! Cette manie systématique de
me précéder, de précéder tout le monde ! Je suis sûr qu'il attend des heures devant la
porte close pour être sur d'être le premier à l'ouverture... Il n’a pas loin de 90 balais !
Sa petite moustache et son gilet de flanelle, ses charentaises et la casquette, Il a au cul
toute la file d'attente, tous les travailleurs engourdis, habités de l'angoisse d'être à la
bourre, de subir la réprimande du patron, toute cette France qui se lève tôt... mais
jamais assez tôt pour le devancer, lui, l'inutile en fin de cycle. Et il est là ! Devant !
De sa voix chevrotante, il réclame son pain coupé ! Le même pain que lui tronçonne
chaque matin, la boulangère... et là, vous vous dites, il va prendre son pain et
s’éclipser après un merci bougon comme le fait n'importe quel client matinal ! ET
BEN NON ! Le salopard ! Il est souriant, enjoué, Il entame une conversation à n'en
plus finir sur le temps qu'il fait ! Tous les matins, le même rituel, il amorce la même
discussion... le climatologue insignifiant qui prend à témoin la boulangère des états
du ciel... dans une logorrhée improbable, il va bifurquer sur les enfants et le
programme télé de la veille, et vous savez ce qu'elle fait, la boulangère ?
Catherine : Non
Ludovic : Elle lui répond, cette salope ! Pire, elle le relance ! Et on observe
stoïquement ces deux abrutis, dans leur échange stérile, foutre les travailleurs en
retard... Ils sont là, s'oubliant ensemble, pendant qu'on fulmine, le nez sur la montre,
réalisant que la crainte d'arriver à la bourre devient une certitude... Et quand ils ont
fini avec tous les thèmes de conversations possibles, Il s'en va après avoir mis 3
plombes à dégainer sa petite monnaie et attention, c'est de la ferraille cuivre, des
pièces de 1, 2 ou 5 centimes... vu qu'il les garde dans un pot et qu'elles lui servent
pour le pain et le lait... Ah, ca, on le sait vu qu'il le répète chaque matin, cet
enculé !!!! Pendant l'interminable moment où il paye son bâtard en tranches ! J'ai à
chaque fois la même envie folle de lui faire bouffer le contenu de son porte-monnaie
en espérant qu'il se mette à chier des billets ! Chaque matin, dans la tête, je le torture,
je le massacre dans d'abominables supplices, chaque matin, je l'anéantis... dans ma
tête, je lui arrache les yeux, les ongles, je l'émascule, je le décapite... Et puis, je
reviens à moi, Il s'en va doucement... et vous savez ce qu'il fait quand il arrive à mon
niveau dans la file d'attente ?
Benjamin : Non
Ludovic : Il me lance un petit sourire aimable et poli en me disant bonjour. À l'heure
où tout le monde fait la gueule, il nous provoque avec sa bonne humeur
Benjamin : Oh, l'ordure !
Ludovic : Et moi, je lui rends son sourire, ponctué d'un bonjour... incapable
d'esquisser le moindre geste pour lui faire payer le calvaire qu'il m'a fait endurer... et
puis je me rends compte que je n'ai plus le temps pour le café, plus le temps pour le
pain, plus le temps pour rien... juste le sermon de mon associé et de mes clients pour
mes retards répétitifs... pendant que la vieille retourne tranquillement vaquer à son
inutilité ! Putain, mais il n’a rien à foutre, il peut pas faire la grâce mat ?
Catherine : Un gars comme ça, moi, je dis que ça mérite la mort !
Benjamin : Oui !!!!
Ludovic : Vous croyez ?
Catherine : Bien sur quand je pense à toutes ces souffrances qu'il vous fait subir ! Ça
mérite la peine capitale ! Et cette boulangère... il faudrait la tondre en place
publique !!! Collabo !!
Ludovic : Vous avez peut-être raison ! Mais ça me pose une question... si chacun se
met à tuer ses emmerdeurs... Comme vous le disiez, on est tous l'emmerdeur d'un
autre ? Alors, il serait légitime qu'on soit mis à mort, nous aussi !
Benjamin : C'est vrai, moi qui suis un emmerdeur de vocation, c'est pour ça que je
veux devenir serial killer... une sorte de légitime défense par anticipation...
Catherine : Et puis nous ce n’est pas pareil !
Ludovic : Mais pourquoi ?
Catherine : Parce que l'idée d'exterminer les emmerdeurs, c'est nous qui l'avons eu,
donc ça nous immunise enfin jusqu'au jour bien sur un de nos emmerdés aura la
même idée que nous
Ludovic : Mais dans ce cas, on sera dans la merde ?
Catherine : Ben, c'est pour ça qu'il faut qu'on se dépêche
Benjamin : C'est vrai, ça ! Il est ou votre petit vieux ?
Ludovic : A côté de chez moi, deux rues derrière ! Pensez que j'ai pris le temps de le
localiser
Catherine : Voilà, vous étiez un assassin latent !
Benjamin : C'est loin ?
Ludovic : Pas très non ?
Catherine : Vous êtes encore bien énervé quand vous pensez à lui ?
Ludovic : Oui, bien sûr !
Catherine : Alors, il faut battre le fer quand il est encore chaud
Ludovic : Mais attendez ! Je n'ai pas prévu de modus operandi !
Benjamin : De quoi ?
Ludovic : De mode opératoire
Benjamin : Ah, alors parle normalement, si tu ne veux pas finir sur ma liste
Catherine : C'est qu'il a son caractère, le petit !!!(A Ludovic) Sinon, pour la méthode,
vous verrez sur place ! Ça bricole toujours, un vieux ! Je suis certaine qu'il a plein
d'outils à la maison !
Ludovic : Ben oui, mais je n’aime pas les trucs de dernière minute !
Benjamin : Bon alors, vous voulez le buter, votre vieux, oui ou non ?
Ludovic : Oui, mais attendez, on ne peut pas faire ça... pas comme ça !
Benjamin : Moi, Monsieur « J’veux pas l'savoir » ... je l'ai fait comme ça ! A l'impro !
Catherine : Ben voyons, on hésite, on perd de son assurance, on oublie ce que votre
bourreau vous a fait subir et vous allez voir que vous allez finir par l'excuser de
pourrir vos matinées !! Et lui recommencera... y'a pas plus récidiviste qu'un
emmerdeur !
Ludovic : Mais c'est bien aussi le pardon
Catherine : C'est bien, c'est bien !! mais vous ne pensez qu'à votre pomme, ma
parole... vous oubliez toutes les autres victimes !
Ludovic : Les autres victimes ?
Catherine : Oui, les autres gens dans la file ! Livrées à eux-mêmes subissant les
mêmes humiliations et les mêmes brimades de leur tortionnaire, sans pouvoir agir par
incapacité à outrepasser les lois merdiques de ce pays qui autorisent les emmerdeurs à
se balader en toute liberté et à proliférer alors qu'on sait que ce sont des nuisibles !
Alors, on le laisse sortir en toute impunité de la boulangerie dans un sentiment de
frustration générale. Et on sait que ça se reproduira ad aeternam. Sauf si enfin,
quelqu’un s'élève contre cette injustice. Vous êtes l'espoir de toutes les files d'attentes
de la planète !
Ludovic : Et si on se contentait de lui expliquer qu'il emmerde le monde ? Peut-être
que ça solutionnerait le problème !
Catherine : Un petit vieux ? Mais vous rêvez... admettons que vous le fassiez, qu'il y
ai de sa part, une prise de conscience... ca tiendrait... 2 jours, peut-être 3... chassez le
naturel, il revient au galop, il recommencera... pire, il aura tout ce temps perdu à
rattraper ! Ces deux jours sans échanger avec cette gourde de boulangère, et là, ça
durera peut-être toute la matinée ! Combien d'employés virés par sa faute ? De
rendez-vous ratés ? de vies brisées ? !... Croyez-moi ! La seule solution qui soit
efficace est une solution définitive ! Et puis 90 ans, vous me dites ? On le prive de
quoi ? Quelques années ? Peut-être quelques mois ! Et pas les meilleurs ! Si ça
tombe, on lui rend service à lui aussi ! Non, vraiment, c'est mieux pour tout le
monde !
Ludovic : Vu comme ça !
Catherine : Bon, on y va ?
Ludovic : Au fond, vous avez raison ! On y va !
Catherine : Attendez ! Je reviens !
Ludovic : Ben pourquoi donc ?
Catherine : J'allais oublier d'enterrer la tête ! Ou avais-je la mienne ?
Noir
Epilogue
Scène 1
Catherine assise sur un banc, Ludovic arrive
Ludovic (De retour sur le banc au téléphone) : Francis, non, je ne veux pas retoucher
ce roman ! Qu'est ce qui t'apparait incohérent d'imaginer qu'un éditeur puisse devenir
tueur sous l'influence de deux nécessiteux ?
Catherine : Merci pour les nécessiteux
Ludovic : Quoi ? D'accord, pour toi, ce qui n'est pas crédible ? c'est que ce type
derrière puisse assassiner 5 personnes juste pour des futilités ? Tu trouves que c'est
une futilité, le vieux qui paralyse toute une file d'honnêtes travailleurs à la
boulangerie ? Futile, le bricoleur egocentrique qui fait gueuler sa perceuse le
dimanche matin à 7H ?
Catherine : Lui, à force d'en faire, il a fini dans un trou !
Ludovic : Futile, l'employée de sécu qui refuse de prendre ton dossier sous prétexte
qu'il manque un récépissé de merde qu'il est trop tard pour aller chercher ?
Catherine : Tiens, c'est vrai, celle-là, je l'avais oubliée... Pourtant y'a sa cage
thoracique là-bas sous le tobogan des tout petits !
Ludovic : Bon, on en rediscute mais je t'assure que cette histoire tient la route ! Non,
je ne dis pas ça, évidement, toute ressemblance avec des faits ou des personnes
existant ou ayant existé serait tout à fait fortuite ! (Catherine tousse) Mais, bon, je
trouve que ça garde une certaine crédibilité. Quoi « Y'a aussi le climat ? » Est ce que
c'est ma faute, si y'a toute cette série de meurtres en ce moment ?
Catherine : Ben un peu quand même !!!
Ludovic : Bon, on en rediscute !
Catherine : Votre associé ?
Ludovic : Oui
Catherine : Il n’a pas l'air chaud pour le roman ?
Ludovic : Non, il ne trouve pas l'histoire crédible !
Catherine : Faudrait qu'il vienne un jour déjeuner ici, on pourrait surement le
convaincre... Sinon, il est associé à combien ?
Ludovic : à 50 !
Catherine : Ça vous dirait de passer à 100% ?
Ludovic : Oui, faut y réfléchir ! Benjamin n'est pas là ?
Catherine : Le voilà !
Benjamin : Bonjour
Catherine : Fais une bise à ta tante Catherine
Ludovic : Salut Benjamin
Benjamin : Ben dis-moi, ça n'a pas l'air d'aller
Ludovic : Non, ce n’est rien, la publication du bouquin ce n’est pas gagné !
Benjamin : Mais c'est dégueulasse ! Ce livre, on a tout mis dedans ! On l'a écrit avec
nos tripes nos victimes !
Ludovic : Ecoutez, pour le contenu, je saurais convaincre Berthelot... par contre, il
n’a pas tort sur un point ! Ce genre de livre se vend mal dans un contexte anxiogène...
avec toute cette série de meurtre, les gens veulent se changer la tête !
Benjamin : En gros c'est la première partie de notre travail qui gâche la deuxième ?
Ludovic : C'est ça ! Va falloir qu'on calme un peu notre activité première... pendant
quelques temps, au moins !
Benjamin : Ben ça m'embête ! J'avais prévu un truc ce soir
Catherine : Quel truc ?
Benjamin : Monsieur Scipion, mon prof de math de 4eme, c'est à cause de lui que j'ai
repiqué !
Catherine : Ah, là, je dis, face à la frustration d'un échec scolaire, on ne peut pas
laisser le petit sans solution !
Ludovic : Faut savoir ce que vous voulez ?
Benjamin : Juste celui-là... après on calme le temps de la parution !
Ludovic : Vous êtes pénibles, aussi !!! Bon on dit après Scipion, on fait une trêve !
Benjamin : Merci !
Ludovic : Non, en fait c'est moi qui vous remercie !
Catherine : Ben de quoi ?
Ludovic : de m'avoir révélé le monde et ma vocation au sein de celui-ci !
Catherine : Mais nous, on n'a rien fait
Benjamin : C'est vrai, on est plutôt nuls niveau connaissances !
Ludovic : Les gens qui m’ont le plus appris ne sont pas ceux qui m’ont révélé les
complexités que je ne connaissais pas mais ceux qui m’ont permis de découvrir les
évidences qui m’avaient échappées... donc demain, on commence le mois sans
macchabés !
Benjamin : Ben si c'est pour la bonne cause !
Catherine : Et moi, à force de faire des trous dans tous les jardins de Paris, je
commence à me faire repérer
Benjamin : En parlant de ça, ils ont retrouvé des ossements humains sous la gloriette
des buttes Chaumont !
Catherine : Ça c'est l'employé des postes qui ne sonnait jamais quand il livrait le colis
et me laissait toujours un avis de passage !
Benjamin : Ah, il l'avait bien cherché, ce salaud !
Ludovic qui s'est remis à la lecture de son journal
Catherine : Les nouvelles ?
Ludovic : Rien, Ah si !!!le maire remet sa démission !
Catherine : Faut dire, ce scandale avec sa fille séquestrée ! Sa position n'était plus
tenable
Ludovic : Dire que ce scandale est né ici !
Catherine : Si ça tombe, c'était vrai
Benjamin : Ben oui, ça l'était, la preuve, il a démissionné !
Catherine : Il a quand même toujours démenti !
Benjamin : Bah de toute façon, y'a pas de fumée sans feu !
Catherine : Ça a du bon, la rumeur... c'est vrai, y'a pas de raison que les honnêtes gens
puissent échapper à la vindicte populaire... ce serait trop facile ! C'est toujours aux
crapules qu'on s'en prend !
Benjamin : C'est vrai qu'on rétablit un peu la balance ! Marre de l'arrogance des
incorruptibles, des intègres, des immaculés, des vertueux...
Catherine : Sale race !!
Ludovic : Ah, l'enfoiré !
Catherine : Ben qu'est ce qui se passe ?
Ludovic : Encore une idée à la con de notre cher président... écoutez moi ça !
« Devant la recrudescence des crimes dans la capitale, Le président de la république
en concertation avec le ministre de l'intérieur, envisage des mesures radicales. Celui-
ci a déclaré : « L'influence dans notre société des fictions violentes soumet notre
population à des pulsions macabres, les psychologues sont unanimes sur ce sujet,
j'envisage donc de censurer toute création qui valoriserait le meurtre que ce soir dans
le domaine de l'audiovisuel, du numérique mais aussi de la littérature... »
Benjamin : Qu'est-ce que ça veut dire ?
Catherine : Qu'il veut nous gâcher le métier ! Nous priver de notre activité
principale !
Benjamin : Mais c'est dégueulasse !!! quel enfoiré !
Ludovic : Merde, ma boite risque de ne pas s'en remettre !
Benjamin : Je suis sûr que tous ces crimes, en fait, c'est un truc du pouvoir pour nous
faire oublier les scandales qui éclaboussent le ministre des Finances
Ludovic : Mais enfin, ne dis pas de conneries ! Ces crimes, c'est nous !
Catherine : Ben il a peut-être raison. Ils nous envoient des ondes qui nous rendent
agressifs
Benjamin : He mais ouais !!!C'est ça !!! Avec les caméras de surveillances qu'ils
mettent un peu partout, en fait ce sont des canons à ondes agressives... ces cameras
soi-disant faites pour lutter contre la délinquance, en fait, elles fabriquent des
assassins
Ludovic : Mais...
Catherine : Quoi, mais ? Tu vas le contredire ?
Ludovic (soupirant) : Non, c'est bon. Si ça tombe, c'est ça !
Benjamin : Bon, je vous laisse, je dois retrouver monsieur Scipion pour refaire le
conseil de classe du 24 mai 2015.
Benjamin s'en va
Scène 2 :
Ludovic : Tu sais y faire avec le petit !
Catherine : N'oublie pas, si tu abondes dans son sens, il te le rendra au centuple ! Il
faut toujours raconter aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre ! C'est comme ça que tu
fédères !
Ludovic : je sais, profiter de l'ignorance pour renforcer les croyances
Catherine : Et ainsi fabriquer de l'obéissance ! On n’a pas fini d'en faire ce qu'on veut
du gamin !
Ludovic : Tu sais que tu devrais faire de la politique, toi ?
Catherine : Tu penses ?... A la réflexion, Je ne suis pas sûre que j'aimerais ça, la
notoriété... là, avec tous ces meurtres, tous les journaux parlent de nous, sans qu'on
sache vraiment qui on est... S'effacer pour laisser la place à son œuvre uniquement,
c'est ca la vraie grandeur. Et puis moi, je préfère continuer à faire mes petits
découpages et mes petits trous dans les parcs !
Silence
Scène 3 :
Benjamin de retour
Ludovic : Ben t'as déjà fini ?
Benjamin : Non, y'a un gros problème.
Ludovic : Lequel ?
Benjamin : le parc est bouclé par les flics !
Catherine : Les flics ?
Voix Off : Ici la police ! Le parc est cerné, vous n'avez aucune chance de vous
échapper. Rendez-vous !
Benjamin : Qu'est-ce que je vous disais !
Ludovic : Ben finalement, je pense que vous aurez droit à votre moment de célébrité
Catherine : Zut ! Je m'en serais bien passée !
Ludovic : Vous avez quoi dans le sac ?
Catherine : La jambe de la caissière du Franprix qui refusait de prendre les bons
alimentaires du CCAS.... (Elle regarde à l'intérieur) ça va être compliqué de faire
passer ça pour un cuissot de chevreuil, elle venait de se faire épiler !
Ludovic : Eh bien voilà ! Notre œuvre ne restera pas apocryphe !
Benjamin : Qu'est-ce que ça veut dire ?
Ludovic : Qu'il n'y aura aucun doute sur les auteurs des faits !
Catherine : Mais niveau célébrité, on va faire le journal et c'est tout... je ne nous vois
pas sur le divan de chez Drucker !
Ludovic : Mais voyez les choses en grand ! On va défrayer la chronique, On va avoir
une émission de « Faites entrer l'accusé » qui va nous être totalement consacrée ! !
Benjamin : Ah, la classe ! L'émission préférée de ma mère. Elle va être fière de moi !
Catherine : Oui, mais c'était mieux avec Hondelatte ! Par contre, pour notre polar,
c'est foutu !
Ludovic : Vous plaisantez ! C'est le triomphe garanti... vous le voyez, le bandeau
autours du livre ? : Inspiré d'une histoire vraie écrite par les authentiques assassins...
c'est le jackpot garanti ! Et là, je vais demander un maximum à Berthelot ou je le
vend à la concurrence !
Benjamin : En plus, on pourra vendre notre témoignage à Paris Match
Catherine : Surtout quand ils vont se rendre compte que sous les pelouses des Paris,
y'a presque autant de Maccabées qu'au Père Lachaise !
Ludovic : N'exagérez quand même pas !
Catherine : Ben si justement, faut exagérer. Ils seraient déçus les gens, la vérité c'est
souvent si triste... Nous on offre du rêve, Monsieur !
Benjamin : Mais on va rester longtemps en prison ?
Ludovic : Ah ça, c'est la contrepartie de la gloire ! Mais avec ce qu'on va ramasser
comme argent, ne t’inquiète pas, on va pouvoir négocier les loges VIP, les espaces
conforts ! T'aura un jacuzzi dans ta cellule !
Benjamin : Va falloir nous trouver un surnom ! Y'a eu « l'étrangleur de Boston » ...
« Jack l'éventreur »...
Catherine : si on se faisait appeler » les dépeceurs des parcs et jardins » ?
Ludovic : Non, trouver un nom, faut laisser ça aux journalistes, si on leur pique leur
bout de gras, ils risquent de nous faire la gueule !
Benjamin : Bon ben ce n’est pas tout ça mais faut y aller, ils ont l'air de s'impatienter
Ludovic : Bon et bien messieurs Dames, cette collaboration aura été un instant
particulier ! Merci encore pour tout.
Catherine : Attendez, je vous rejoins
Ludovic : Que faites-vous ?
Catherine : Ben je vais enterrer les restes de ma caissière !
Ludovic : Mais y'a plus besoin, on est refait
Catherine : Je sais mais c’est un peu comme les œufs de Pâques ! Même quand on a
découvert que c'est papa ou maman qui les planquent, on prend malgré tout
beaucoup de plaisir à aller les chercher au Jardin... Les policiers sont de grands
enfants et seront ravis d'en retrouver un de plus !