Rendez-vous au square

Dans un square, des personnages farfelus ou inattendus se croisent, se parlent, se fâchent ou s’apprécient au gré des rencontres.

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Décor (1)

Rendez-vous au squareUn banc. Quelques éléments mobiles.

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1er ACTE

Scène 1 : Mme Espic / Mme Bouchaclac

Mme Espic / Vous pensez bien que je lui ai dit ma façon de penser. Parce que, lorsque l'on tient un commerce, si on n'est pas capable d'avoir un comportement agréable vis à vis de la clientèle, et bien on fait autre chose. J'ai pas raison ?

Mme Bouchaclac / Ah ça oui. Faut toujours dire ce qu'on pense aux gens qu'on n'aime pas.

Mme Espic / Parce que madame Bouchaclac, moi, je ne suis pas obligée d'y aller dans son magasin. Si j'y vais, c'est parce que c'est le plus près de chez moi. Remarquez, y'en a un autre mais c'est à deux cent mètres. C'est loin mais j'y suis allé une fois, pour voir. Et bien je ne suis pas près d'y retourner, dans leur gourbi ! D'ailleurs, je me demande comment ils arrivent à boucler leurs fins d'mois. Ça m'étonnerait pas qu'ils fassent du trafic.

Mme Bouchaclac / Du trafic dans une boulangerie ?

Mme Espic / Moi, on ne me roule pas dans la farine. La dernière fois, j'ai bien vu que je dérangeais. Quand je suis entrée, la patronne discutait avec une cliente. Remarquez, je ne suis pas contre qu'on discute dans un magasin avec des clientes, mais pas quand y'a des gens qu'attendent, parce que moi, j'ai pas que ça à faire ! Déjà qu'à la boucherie, c'est pareil, avec l'autre abruti qui vous parle de ses rognons en faisant des allusions. Tenez, la dernière fois, je lui ai demandé une saucisse. «J'en ai une belle», qu'il me dit.

Mme Bouchaclac / Des belles quoi ?

Mme Espic / Madame Bouchaclac ! Je ne vais pas vous faire un dessin. Encore que si ça s'trouve c'est un vantard. Alors moi, du tac au tac, je lui réponds : J'en ai vu d'autres. «Je vous la découpe en tranches ?» Qu'y m'fait. (Madame Espic continue à parler. Discrètement Mme Bouchaclac s'en va sans que madame Espic ne s'en aperçoive). Il me dit ça à moi ! Alors là, direct, je lui dis : Mon chien préfère les boulettes !

Un homme arrive et s'assoit à côté. Madame Espic ne s'en rend pas compte et continue sa conversation.

Scène 2 : Mme Espic / M Venoul

Mme Espic / Et bien, je peux vous dire il a pas aimé. Ah j'vous jure, si y'avait qu'moi, allez, couic ! Il la ramènerait moins. J't'en ficherais, des saucisses Parce qu'on n'en parle pas dans les journaux mais y'a un sacré paquet d'obsédés dans les charcuteries. (Elle regarde Monsieur Venoul sans se poser de questions sur le changement de personne) Vous n'êtes pas charcutier ?

M Venoul / Vous pouvez parler un peu plus fort ? Je n'entends pas bien de cette oreille.


Mme Espic / (Elle chuchote) Idiot, abruti, patate. Ah ben non, il entend rien. (Elle crie) Remarquez ! Dans les charcutiers, y'en a des biens. J'en ai même un dans la famille. C'est le cousin du beau-frère de la tante à une nièce du côté de la tante de la sœur à mon mari. Enfin, je dis mon mari, mais je devrais dire, mon ancien mari. Il est mort, un suicide. Paraît qu'il en pouvait plus. Qu'est-ce que vous voulez.. Ils sont jamais contents.

M Venoul / Je suis désolé.


Mme Espic / C'était mon troisième. Heureusement que j'ai l'habitude.

M Venoul / Il fait beau ?

Mme Espic / Huit degrés ce matin à sept heures, deux millimètres d'eau au pluviomètre, vent d'Ouest force un et demi, passage nuageux en fin de matinée et risque d'orage en fin d'après-midi. Hier, ils avaient annoncé de la pluie, mais à la météo, ils doivent picoler. Et qui c'est qui paye ? C'est nous ! C'est comme à la mairie. L'autre jour, j'ai attendu dix minutes ! Soit disant qu'ils étaient occupés. Personne ne veut l'dire, mais dans les mairies, c'est pas comme dans les cafés. Dans les cafés, au moins on peut s'asseoir. Mais dans les mairies, qu'est-ce qu'il fait l'maire ? Moi si j'étais maire, j'installerais un bar dans la mairie, les gens râleraient moins.

Elle parle sans s'occuper de lui. M Venoul en profite pour mettre des boules Quiès

Remarquez, le maire, je n'ai pas voté pour lui, parce que moi je fais pas de politique. Dans la politique, ça cause, et ça cause. Est-ce que j'cause moi ? Ça cause et ça n'a rien à dire ! Ah si, des promesses ! En veux tu, en v'là ! Tiens comme mon deuxième mari. Cet abruti m'avait promis de m'emmener à Dunkerque. Et bien moi, Monsieur, j'ai jamais vu Dunkerque ! Vous l'croyez ça ? Vous connaissez Dunkerque ? .. Ca m'étonne pas. Et bien je vais vous dire : Les boulangers, les maires, les charcutiers, tous dans l'même sac ! Vous n'êtes pas d'accord ?


M Venoul / Comment ?

Mme Espic / Bon. J'ai compris. (Elle se lève et part tout en continuant à parler) Pour une fois que j'ai envie d'causer. Bonne journée ! Faut que j'aille chez l'coiffeur. Oh, j'y vais pas souvent. Une fois par semaine, c'est bien assez. Mais alors la coiffeuse, elle arrête pas d'jacasser, et vas-y que j'te jacasse. Faudra bien qu'un jour que quelqu'un lui dise de la fermer. (Elle s'éloigne et parle toute seule) Remarquez, c'est pas moi qui lui dirais, je n'aime pas faire de peine. Et moi, je suis plutôt du genre discrète..

Scène 3 : M Venoul / Parano / Joggeur

On entend les oiseaux dans les branches. M Venoul enlève ses boules Quies, écoute, puis sort un téléphone et appelle.

M Venoul / T'es où ? … Ah, tu va être un peu en retard. … Bon je vais t'attendre. En plus, je suis tombé sur une cinglée. Elle n'arrêtait pas d'baver. … Mais non, elle bavait pas comme une limace. Elle causait ! ….... J'ai fait celui qu'était sourd. C'est dingue ce qu'on entend quand on est sourd. .. Bien sûr que j'la connais pas. .. Mais j'y peux rien si on m'cause ! Et celle-là, j'ai pas envie d'la connaître ! …... Mais oui ! Les autres non plus ! Oui.... Tu l'sais bien. Y'a que toi ! …. D'accord, y'a que toi et ma femme. .. Mais ma femme, elle compte pas. …. Oui, l'autre est partie ! … D'accord.... Tu peux venir. Mais dépêche-toi.

On entend à nouveau les oiseaux puis un homme arrive. Il semble inquiet et regarde partout, puis il s'assoit à côté de lui. (chapeau, lunettes noires, fausse barbe) Pendant quelques instants, ils restent silencieux. On entend toujours les oiseaux puis l'homme ouvre un journal et parle sans le regarder

Parano / Le chat de la bijoutière donnera l'heure à une heure moins l'quart.

M Venoul / Pardon ?

Parano / Le chat de la bijoutière donnera l'heure à une heure moins l'quart.

M Venoul / Il est midi deux.

Parano / Vous êtes seul ?

M Venoul / Ça s'voit pas ?


Parano / Surtout, ne me regardez pas. Continuez à regarder devant vous, faîtes comme si je n'étais pas là.

M Venoul / Pourquoi ?

Parano / Je ne peux rien dire..

M Venoul / (Il demande en parlant la bouche fermée) Qu'est-ce que vous voulez ?

Parano (Il parle également la bouche fermée) Regardez là haut.

M Venoul regarde le ciel.


M Venoul / Où ça là haut ?

Parano / Là haut. Dans l'arbre..

M Venoul / Quoi dans l'arbre ?

Parano / Le nid d'pie !

M Venoul / (Il cherche puis aperçoit le nid de pie) Ah oui, y'a un nid.

Parano / C'est un nid d'pie.

M Venoul / Ah bon ?


Parano / Y'a une caméra dans l'nid..


M Venoul / Une caméra dans le nid d'pie ? Et pis quoi ?


Parano / Dans le nid d'pie, on nous épie.

M Venoul / Vous croyez ?


Parano / Parlez moins fort. Y'a des micros...

M Venoul / Des micros ?


Parano / Dans les arbres, sous la terre. Et y'a des taupes juste en dessous.

M Venoul / Des taupes ?

A ce moment un joggeur passe en petites foulées. Ils cessent de parler et reprennent dès qu'il a disparu.


Parano / Des vraies taupes. Dressées dans le désert pour écouter tout. Elles enregistrent..


M Venoul / (Il parle normalement) Mais pourquoi ?

Parano / Moins fort..

M Venoul / Vous croyez que..?

Parano / J'en ai déjà trop dit..

M Venoul / Mais pourquoi ?

Parano / Chut ! Écoutez ? (On entend le chant des oiseaux) Vous entendez ?

M Venoul / Bien oui. Y'a des oiseaux.


Parano / Que vous dîtes.. Vous avez entendu parler des drones.

M Venoul / Des "trones" ?

Parano / Des petits engins qui volent Ils en font même des tout petits. Tenez, vous voyez la mouche là ?

M Venoul / Je n'vois rien.


Parano / Normal, c'est un drone miniature. Une petite mouche. Ça filme tout, même la nuit. Vous êtes chez vous, au lit, et vous n'vous méfiez pas, et y'a une mouche qui filme tout.


M Venoul / C'est pas possible.

Parano / Faudrait surveiller les mouches.. Seulement, on n'est pas assez nombreux.

M Venoul / Même quand on est couché ?


Parano / Oui. Pendant que vous vous reproduisez, y'a des gens qui regardent le film.

M Venoul / Des gens qui regardent pendant que..?

Parano / (Il regarde le public) Y'en a, on ne sait pas combien, mais je suis sûr que y'a plus de gens qui regardent ce que font les autres que ceux qui font quelque chose sans savoir qu'on les regarde..

M Venoul / Vous croyez vraiment qu'on nous regarde ?

Parano / Moi, je dors dans le buffet. J'ai enlevé les tiroirs. Dans mon lit, c'est trop risqué.

M Venoul / Vous dîtes n'importe quoi ?

Parano / Je sais, c'est difficile à croire, mais quand la vérité a l'air fausse, vous pouvez être sûr qu'il y'a du vrai !

M Venoul / Vous croyez ?

Parano / C'est à cause du complot..

M Venoul / Un complot ?


Parano / Y'a un complot pour dire que des gens comme moi disent n'importe quoi.

M Venoul / Vous exagérez.

Parano / La preuve, vous ne me croyez pas. On veut m'empêcher d'parler, mais tant que je serai sur terre, je parlerai. Tenez, les croissants, vous savez qu'il y'a des boulangers qui ne mettent pas de beurre dans les croissants.


M Venoul / J'aime pas les croissants..


Parano / Moi, j'aime pas les boulangers. Et vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi vous n'aimez pas les croissants ?

M Venoul / Ben non..

Parano / C'est parce que y'a pas d'beurre. C'est comme les femmes...

M Venoul / Une femme, c'est toujours une femme

Parano / Pas toutes ! Moi je fais toujours attention. Les femmes, faut s'en méfier. (Une femme s'approche) C'est pire que les mouches. Tiens, en vlà une.

M Venoul / Ah oui c'est une amie

Parano / Vous êtes sûr ?

M Venoul / Je la connais depuis des années.

Parano / On croit les connaître.. Surtout, ne la regardez pas.. Je suis certain qu'elle m'a suivi.

M Venoul / Mais j'ai rendez-vous avec elle.

Parano / Et ça ne vous étonne pas que je sois avec vous au même moment ? Vous croyez au hasard ?

M Venoul / C'est pas du hasard, c'est de l'amour.

Parano / Y'a jamais de hasard. Même en amour. Alors si j'ai un conseil à vous donner, foutez l'camp.

Le parano part. Madame Gina s'approche.

Scène 4 : M Venoul / Mme Gina / Lapin

Mme Gina / (Elle fait la bise à M Venoul) Désolé pour le retard, j'ai dû accompagner mon mari à la gare

M Venoul / Il ne pouvait pas y'aller tout seul ?


Mme Gina / Je voulais être sûre qu'il prenne le train. Mais c'est fait. Nous avons tout un week-end pour nous.

M Venoul / T'as pas été suivie ?

Mme Gina / Pourquoi veux tu que j'ai été suivie ?

M Venoul / (Il jette un œil autour de lui) T'es sûre ?

Mme Gina / Pourquoi tu dis ça ?

M Venoul / C'est à cause d'un type bizarre.. Y'aurait des micros en dessous.

Mme Gina / Des micros en dessous ?

M Venoul / J'en crois rien du tout. (Il la fouille)

Mme Gina / Qu'est-ce que tu fais ?


M Venoul / Je vérifie si t'as pas été piégée.

Mme Gina / T'es malade ?


M Venoul / Ok. Ca a l'air d'aller.

Mme Gina / Et toi, ça va ?

M Venoul / C'est à cause de l'autre, j'ai bien vu qu'il cherchait à savoir..


Mme Gina / A savoir quoi ?


M Venoul / Ben.. Nous deux... C'est peut-être un détective privé ?

Mme Gina / Un détec.. Oh ! Peut-être que mon mari. Non !

M Venoul / Regarde là haut..

Mme Gina / Pourquoi veux tu que je regarde là haut ?

M Venoul / Regarde comme si tu regardais pas..

Mme Gina / Comment veux tu que je regarde si faut pas que je regarde ?

M Venoul / Tu baisses la tête et tu lèves les yeux.. Comme si tu regardais une fourmi, mais en fait tu observes au dessus.

Mme Gina / Si ça t'amuse.. (Elle regarde comme il le lui demande)

M Venoul / T'as vu.. Y'a un nid..

Mme Gina / Ben oui, je vois bien qu'y'a un nid.

M Venoul / Et bien si ça s'trouve, dans l'nid y'a une caméra qui filme tout ce qu'on dit.


Mme Gina / (Elle crie) T'es malade ! Une caméra ? Là haut ?

M Venoul / Moins fort.. Tu vas nous faire repérer..

Mme Gina / Non mais je rêve !

M Venoul / Peut-être que ton mari aurait mis une caméra..

Mme Gina / Mon mari ? Grimper dans un arbre ? Il n'est même pas foutu de monter sur un escabeau pour changer une ampoule. Mon mari, c'est tout sauf un alpiniste. .

M Venoul / T'es sûre que t'as pas été suivie ?

Mme Gina / Des fois, y'a bien des hommes qui m'suivent, mais c'est rarement pour un interrogatoire !


M Venoul / Si jamais ton mari l'apprenait.. Pour nous deux..

Mme Gina / Aucun danger. Il comprend rien, il est nul.

M Venoul / Ce serait peut-être mieux si on se parlait mine de rien.


Mme Gina / Comment ça ?


M Venoul / Et bien, on se parle comme si on se parlait pas..

Mme Gina / Ça va pas la tête !

M Venoul / Tu restes à côté de moi. On regarde en face et on cause

Mme Gina / Oh la la. Mais bon si ça peut t'faire plaisir..

A ce moment un lapin passe (homme ou femme costumé). Ils le regardent passer sans paraître étonnés.

M Venoul / J'aime bien ta robe

Mme Gina / C'est la même qu'hier.


M Venoul / J'avais pas remarqué

Mme Gina / Tu remarques jamais grand chose

M Venoul / T'es allée chez l'coiffeur !

Mme Gina / Oui. Y'a quinze jours.

M Venoul / Ah. Euh.. Tu es drôlement jolie aujourd'hui.

Mme Gina / Parce que d'habitude, je suis moche ?


M Venoul / Mais c'est un compliment !

Mme Gina / Oui, et bien des compliments comme ça, tu te les gardes.

M Venoul / Mais c'est vrai, t'es jolie. T'es de plus en plus jolie !

Mme Gina / Encore un compliment comme ça et je t'en balance une dans la figure !

M Venoul / Je t'aime..

Mme Gina / Et alors ?

M Venoul / Si on partait..

Mme Gina / Tu veux aller à l'hôtel ?

M Venoul / En Afrique..

Mme Gina / A l'hôtel en Afrique ?

M Venoul / Non. Ici. Mais après l'hôtel, on quitterait tout. On irait en Afrique.

Mme Gina / En Afrique, y'a des bêtes sauvages en liberté. Quand tu te promènes, tu risques ta vie. Tu veux que j'me fasse bouffer par un lion ?


M Venoul / Si t'aimes pas les lions, on peut aller n'importe où .. Même au Groenland..

Mme Gina / Au Groenland ? On va geler ! Pourquoi tu veux aller aux Groenland ?

M Venoul / Y'a pas de taupes au Groenland

Mme Gina / Des taupes ?

M Venoul / Des taupes entraînées à se déplacer dans le noir. Tiens ce matin, est-ce que par hasard t'aurais pas vu une mouche ?

Mme Gina / Une mouche maintenant ? Non Monsieur, je n'ai vu qu'une araignée et j'aime pas les araignées.


M Venoul / Il a pas parlé d'araignées.

Mme Gina / Qui ça ?


M Venoul / L'autre, il a pas parlé d'araignées.


Mme Gina / Mais je n'l'ai pas ratée. L'araignée, terminé !

M Venoul / T'as bien fait. Si ça s'trouve, c'était pas une vraie araignée.

Mme Gina / Allez, on va changer d'air. Et puis, je ne suis pas venue pour discuter. Allez zou, à l'hôtel !

Elle se lève ainsi que M Venoul qui regarde, toujours inquiet, autour de lui

M Venoul / T'es sûre que t'as pas été suivie

Mme Gina / Et toi, va falloir que tu sois suivi ?

M Venoul / Suivi? Mais par qui ?

Mme Gina / Un docteur ! Faut qu'tu sois suivi par un docteur !

Scène 5 : Mme Bouchaclac / Mlle Rami

Un joggeur passe, très en forme. Mme Bouchaclac marche derrière, plus difficilement.

Mme Bouchaclac / C'est vas-y ! Cours ! Est-ce que j'cours, moi ? Avant on n'en faisait pas, du sport ! On était fatigué avant d'faire du sport. On sortait du boulot, c'était pour poser ses fesses. Quand je vois tout c'gâchis. Tiens, mon mari, j'veux pas m'vanter mais y'a que moi qui l'a fait courir. D'ailleurs, j'aurais mieux fait d'rester couchée. Remarquez, c'est c'que j'ai fait. On devrait jamais coucher à deux. Ça m'a pas réussi. Le sport, c'est bon pour la santé, qu'y disent. Tu parles. Paraît qu'faudrait faire au moins cinq kilomètres par jour. Et ben moi, j'en ai fait des kilomètres. J'ai mesuré. De la chambre à la cuisine. Aller et retour plus aller jusqu'aux aux toilettes, depuis que je suis née, rien que pour aller au p'tit coin, j'ai fait au moins dix fois le tour du monde. Alors les coureurs du dimanche, y m'font bien rigoler.

Mlle Rami / Bonjour madame. Est-ce que j'peux m'asseoir ?

Mme Bouchaclac sursaute.


Mme Bouchaclac / Vous m'avez fait peur. J'ai cru que c'était une attaque !

Mlle Rami / Une attaque ? Je peux pas attaquer, je suis non violente.

Mme Bouchaclac / Une attaque du cœur. Vous savez, quand on claque d'un coup.

Mlle Rami / Oh ! Je suis désolée.

Mme Bouchaclac / J'ai cru que c'était l'autre.


M Rami / Vous attendez quelqu'un ?


Mme Bouchaclac / Non. Mais y'en a une, je préférerais éviter. Celle-là, pour s'en débarrasser, faudrait la tuer. Parce que le parc, il est là pour qu'on se repose. Mais quand elle est là, l'autre, on peut pas profiter.

Mlle Rami / C'est qui l'autre ?


Mme Bouchaclac / C'est une vieille qu'arrête pas d'emmerder l'monde. Vous êtes installée là tranquille et y'a la vieille qui s'ramène.

Mlle Rami / Peut-être qu'elle s'ennuie.


Mme Bouchaclac /
C'est pas parce qu'on s'emmerde qu'il faut emmerde les autres. Elle a toujours un truc à dire. Et nous faut qu'on écoute.

Mlle Rami / Est-ce que j'peux m'asseoir ?


Mme Bouchaclac / Le banc est à tout l'monde. Et un banc, c'est fait pour s'asseoir. Et heureusement qu'y'en a. Si fallait se promener avec un banc sous le bras, on serait fatigué avant de s'asseoir. Parce que dans la vie, faut s'asseoir ! Seulement maintenant y'a plus personne qui veut s'asseoir. Faut toujours que ça court.

Mlle Rami / Oh merci. C'est parce que c'est ma place. Enfin presque.


Mme Bouchaclac / Pourquoi ça ?

Mlle Rami / Ben d'habitude, je suis assise à votre place !

Mme Bouchaclac / Oh mais je savais pas que vous aviez réservé. Si ça peut vous plaisir. Si c'est votre place, j'veux bien me mettre à la vôtre. Faut s'entraider dans la vie. Et puis moi, j'ai toujours aimé les voyages.

Mlle Rami / Vous êtes trop aimable

Elles échangent leurs places

Mlle Rami / Ah ça c'est gentil. Qu'est-ce que c'est gentil ! C'est pas souvent que y'a des gens gentils

Mme Bouchaclac / Alors là, je suis bien d'accord avec vous. Y'en a pas beaucoup, des gentils, (Elle regarde le public) surtout par ici..

Mlle Rami / Sur le banc, je veux toujours la place à gauche. Par contre, quand je vais au cinéma, je me mets toujours à droite, à la bibliothèque, je m'installe au bout de l'allée de gauche, dans mon lit, je dors au milieu.

Mme Bouchaclac / Vous dormez au milieu ?

Mlle Rami / Je suis toute seule, j'en profite.

Mme Bouchaclac / Vous avez bien raison, un lit c'est fait pour profiter de la vie.

Mlle Rami / Et quand je suis à table, je suis toujours à la même place.

Mme Bouchaclac / Dans la vie, faut toujours savoir où est sa place.

Mlle Rami / Je quitte jamais ma place. Et vous ?

Mme Bouchaclac / Oh ben moi je me mets n'importe où. Du moment qu'y'a une place.

Mlle Rami / Voilà..

Mme Bouchaclac / Voilà voilà..

Mlle Rami / Voilà..

Mme Bouchaclac / Voilà, voilà.

Il s'ensuit un silence. On entend des oiseaux

Mlle Rami / Il fait beau pour la saison


Mme Bouchaclac / Peut-être un peu chaud.

Mlle Rami / Il ne fait pas trop chaud, il ne fait pas trop froid.


Mme Bouchaclac / Il fait tiède

Mlle Rami / Moi j'aime bien quand c'est chaud


Mme Bouchaclac / C'est toujours meilleur quand c'est chaud que quand c'est froid !

Mlle Rami / Enfin...

Mme Bouchaclac / Et oui...

Mlle Rami / Y'a plus d'saison


Mme Bouchaclac / Y'a plus rien du tout..

Il s'ensuit à nouveau un silence. Mlle Rami soupire

Mlle Rami / Oh ! Vous avez vu là haut ?

Mme Bouchaclac / Le nid d'pie ?


Mlle Rami / Là haut ! L'avion !

Mme Bouchaclac / Ah Oui.. Et bien dîtes donc, il vole drôlement bas. Il doit être plein.

Mlle Rami / C'est le Paris New-York


Mme Bouchaclac / Il doit être plein d'américains. Les américains, ça bouffe trop. C'est pour ça qu'il vole bas.

Mlle Rami / Pourquoi ?

Mme Bouchaclac / L'américain moyen, il fait cent vingt kilos. Rien à voir avec le français moyen. Lui c'est 80 kilos tout mouillé. Et alors, je vous dis pas.. Le français qu'a pas les moyens, il pèse pas lourd.


Mlle Rami / Des fois je ne le vois pas passer.


Mme Bouchaclac / C'est à cause des grèves, ça m'étonne pas. Plus c'est haut, moins ça bosse.


Mlle Rami / Non. C'est les nuages. Ils sont au dessous de l'avion qui voyage dessus. (Elle fait coucou à l'avion)


Mme Bouchaclac / Vous connaissez l'pilote ?

Mlle Rami / Je connais que l'avion.

Mme Bouchaclac / Vous connaissez un avion ?

Mlle Rami / Pas personnellement. Mais ça fait longtemps.


Mme Bouchaclac / Ah bon ?

Mlle Rami / Je n'voudrais pas vous embêter avec mes vieilles histoires.


Mme Bouchaclac / Mais si, faut m'embêter. Si vous savez comme on s'embête quand on vous embête pas.


Mlle Rami / C'est quand j'étais jeune.

Mme Bouchaclac / Quand on est jeune, on a toujours des vieilles histoires.

Mlle Rami / J'avais un p'tit ami..

Mme Bouchaclac / Non ? Moi aussi.

Mlle Rami / Rodolphe qu'il s'appelait

Mme Bouchaclac / Moi, il a pas eu l'temps de me l'dire. Juste au moment où il allait l'faire, je l'ai foutu dehors !


Mlle Rami / On devait s'marier..

Mme Bouchaclac / Pas d'bol.


Mlle Rami / Et puis un jour, je ne l'ai plus revu.


Mme Bouchaclac / Il est mort ?


Mlle Rami / Il est parti. Il m'a laissé tomber

Mme Bouchaclac / J'vais vous dire. Dans ces cas là, faut mieux qu'ils soient morts. Comme ça on n'a pas d'regrets.


Mlle Rami / Il est parti en avion.

Mme Bouchaclac / Moi il est parti en ambulance.


Mlle Rami / Le Paris New-York de douze heures douze.

Mme Bouchaclac / Alors c'est pour ça ! Et bien, un peu plus j'aurais pas vu l'avion.

Mlle Rami / Air France !

Mme Bouchaclac / (Vers l'avion) Salaud !

Mlle Rami / Depuis j'y pense encore

Mme Bouchaclac / Et il n'a jamais donné d'nouvelles ?


Mlle Rami / Je l'ai jamais r'vu. Je sais même pas s'il y'est encore


Mme Bouchaclac / Dans l'avion ?

Mlle Rami / En Amérique.

Mme Bouchaclac / J'vais vous dire, un de perdu, dix de r'trouvés.


Mlle Rami / Ça fait dix ans, j'en ai pas r'trouvé un seul.

Mme Bouchaclac / Les hommes, c'est comme les patates, des fois, on en a trop, des fois on en manque.

Mlle Rami / Pas un ! Même un moche ! Que dalle !

Mme Bouchaclac / Ah l'amour..

Mlle Rami / Et oui..

Mme Bouchclac / Tenez ! Je connais une femme. Elle s'est mariée parce qu'elle était amoureuse. La pauvre.. Vous savez ? Roméo et Juliette, mais en pire !

Mlle Rami / J'adore les histoires d'amour

Mme Bouchclac / Son mari buvait, il fumait, il se droguait, il la trompait à tour de bras et il tapait dessus. Et un jour, comme ça, sans prévenir, elle l'a quitté.


Mlle Rami / Et pourquoi elle est partie ?


Mme Bouchaclac / Alors là ? «Mystère et goule de pomme, il l'a jamais dit.

Scène 6 : Mme Bouchaclac / Mlle Rami / Curé / Exhibitionniste / Femme au landau

A ce moment un voyeur passe et s'arrête devant Mlle Rami. Il ouvre son imperméable. Tranquillement, madame Bouchaclac prend son portable et le prend en photo. L'exhibitionniste repart comme si de rien n'était

Mme Bouchaclac / Et hop ! Une de plus !

Mlle Rami / Une quoi ?

Mme Bouchaclac / Une photo. J'adore prendre des photos.


M Rami / Moi, des fois, je prends des petits oiseaux.


Mme Bouchaclac / Moi aussi.


Mlle Rami / Ou alors je fais des nature morte, ça bouge moins.

Mme Bouchaclac / Moi, c'est pas des nature morte. (Elle ouvre son sac et sort un album) J'en ai plein. Tenez, jetez un œil


Mlle Rami / Mais.. C'est des vraies ?

Mme Bouchaclac / Et attention, y'a aucun trucage !

Mlle Rami / Non ?

Mme Bouchaclac / Si !

Mlle Rami / Vous photographiez des .. ?

Mme Bouchaclac / Ça change des photos de famille.

Mlle Rami / Vous les trouvez où ?

Mme Bouchaclac / Dans les parcs, les squares ; une fois, j'en ai pris une à la gare, mais ici, c'est un bon coin.

Mlle Rami / Et vous en faîtes depuis longtemps ?

Mme Bouchaclac / Ça commence à dater, mais à mon âge, faut bien s'occuper.

Mlle Rami / Celle-là, elle est un peu floue.

Mme Bouchaclac / Je tremblais un peu, c'est dommage.

Mlle Rami / Et celle-là !

Mme Bouchaclac / Celle-là, je dois dire, j'en suis pas mécontente.

Mlle Rami / Oh ben dis donc !

Mme Bouchaclac / J'ai du m'y r'prendre à deux fois, mais ça valait l'coup non ?

Mlle Rami / Oh ben dis donc..

Un curé s'approche.

Curé / Bonjour mesdames

Mme Bouchaclac / Bonjour M le curé ! Alors, on fait son p'tit tour ?

Toutes les deux sourient avec de petits sous-entendus

Curé / Vous êtes bien joyeuses, mesdames ! Mais c'est bien. Notre seigneur était joyeux lui aussi.

Mme Bouchaclac / On ne va quand même pas pleurer par une si belle journée.

Curé / Vous avez raison. Il fait tellement beau. Et puis la nature, les petits oiseaux.. C'est presque le Paradis.

Mme Bouchaclac / Vous avez raison, M l'curé. Les petits oiseaux, c'est presque le Paradis.

Curé / Ah mes sœurs, je vous envie.

Mme Bouchaclac / Faut bien qu'on profite de nos derniers instants.

Curé / Ne vous inquiétez pas, le seigneur n'est pas toujours pressé de recueillir ses ouailles.

Mme Bouchaclac / Tant mieux !

Curé / Alors, je vous souhaite un bon après-midi.. Et... à dimanche ?

Mme Bouchaclac / C'est ça, M l'curé, amusez-vous bien. Et à dimanche !

Mlle Rami / Il est gentil pour un curé

Mme Bouchaclac / Les curés, ils sont obligés d'être gentils. Quand t'es curé, c'est obligatoire.

Mlle Rami / Sinon ils ne vont pas au ciel

Mme Bouchaclac / C'est pas comme les p'tits oiseaux.

Mlle Rami / Oh.

Mme Bouchclac / Il est pas mal pour un curé, c'est quand même bête qu'il soit resté célibataire..

Mlle Rami / Vous avez raison, un vrai gâchis.

Mme Bouchaclac / Remarquez, un curé pas mal, au moins, ça ramène du monde à la messe. (Elle montre une photo) Tenez, et celle-là ?

Mlle Rami / Quand même..

Mme Bouchaclac / (Elle referme l'album) Bon ! C'est pas l'tout, mais faut que j'aille chercher ma petite fille à la sortie de l'école.

Mlle Rami / Vous avez une petite fille ?

Mme Bouchaclac / C'est la fille de ma fille.

Mlle Rami / Vous avez été mariée ?

Mme Bouchaclac / Un mariage clandestin. Pendant cinq minutes.

Mlle Rami / Elle a quel âge ?


Mme Bouchaclac / Trente sept ans.

Mlle Rami / Trente sept ?


Mme Bouchaclac / Ma fille ! Ma petite fille, elle a en quatre, mais ça apprend vite à cet âge là..

Mlle Rami / Elle doit être jolie


Mme Bouchaclac / Elle me ressemble.

Mlle Rami / C'est incroyable !

Mme Bouchaclac / On devrait pas vieillir.

Mlle Rami / Et oui..

Mme Bouchaclac / Et oui...

Femme au landau / A ce moment, une jeune femme (un peu pin-up) passe en poussant un landau. Les deux femmes la regardent passer, puis quand elle s'est éloignée.


Mme Bouchaclac / Faut toujours que ça en rajoute.

Mlle Rami / Vous m'auriez vue y'a dix ans, j'étais dix fois mieux.

Les deux femmes regardent encore l'album puis..

Mme Bouchaclac / Enfin.. Bon, mais ça m'donne faim tout ça. Alors faudrait peut-être que j'me bouge. (Elle se lève) Et bien, à bientôt. Madame ?

Mlle Rami / Mademoiselle.

Mme Bouchaclac / Mademoiselle ? Excusez-moi, ça s'voit pas sur la figure.

Mlle Rami / Julie.

Mme Bouchaclac / Julie c'est joli.

Mlle Rami / Julie Rami ! Comme le Poker.


Mme Bouchaclac / Moi c'est Micheline Bouchaclac. Comme ça s'prononce. Allez ! A la prochaine.

Mme Bouchaclac part. Julie Rami reste.

Scène 7 : Mlle Rami / Mendiant / Garde / Docteur

Elle ouvre son sac et sort une petite serviette, puis du pain, du fromage, un litre de rouge, du saucisson, etc... Elle prépare son casse-croûte puis elle mange en silence en regardant le public. Un mendiant arrive et s'adresse à elle.

Mendiant / S'el vos plaît ?

Elle le regarde sans trop le voir et continue à manger.


Mendiant / S'el vos plaît ? Famille ! Beaucoup famille !

Elle range quelques victuailles dans son sac, puis fouille dans son sac. L'homme attend, certain qu'elle va lui donner quelque chose. Elle en extrait un couteau.

Mendiant / Moi pas manger ce matin.. S'el vos plaît ?

Mlle Rami / Mais faut manger, sinon, c'est pas bon pour la santé

Mendiant / S'el vos plaît ?

Mlle Rami tourne la tête légèrement pour manger sans trop se faire voir.

Mendiant / S'el vous plaît ?

Mlle Rami continue à manger.

Mendiant / Toi, gentille ? Moi pas manger hier non plus.

Le gardien du square arrive.

Gardien / Vous n'avez rien à faire ici !

Mendiant / Moi pas méchant. Moi avoir faim.

Gardien / La mendicité est interdite dans le parc !

Mendiant / Moi famille, beaucoup famille.


Mlle Rami est embêtée. Elle continue à manger en jetant un œil inquiet sur la scène.


Gardien / (Au mendiant) Disparaissez ! Allez, dehors !

Le mendiant regarde où aller, étant donné qu'il est déjà dehors.


Gardien / Allez, rentrez-chez vous.

Mendiant / Moi pas chez moi, moi habiter dehors.

Gardien / Vous pas habiter ici. Parc interdit !

Mendiant / S'el vos plaît ?

Gardien / Dehors ! (Le mendiant part. Mlle Rami continue à manger) Ma pauvre dame.. J'espère qu'il n'a pas abusé de votre gentillesse.

Mlle Rami regarde le gardien en continuant à manger

Gardien / Déjà qu'il faut se méfier des écureuils.. (Mlle Rami mange toujours sans dire un mot) faut se méfier des écureuils.

Mlle Rami regarde le gardien en continuant à manger

Gardien / Les écureuils et les pigeons. On m'laisserait faire, je te zigouillerais tout ça. Seulement, faut pas toucher aux animaux. Alors forcément, ils se croient chez eux.

Mlle Rami regarde le gardien en continuant à manger

Gardien / Bon appétit !

Mlle Rami / Merci !

Gardien / Tout est bon quand ils veulent quelque chose. (il la regarde manger) … Puis il demande. C'est du.. du..

Mlle Rami / Du Roquefort.


Gardien / J'adore le roquefort.

Mlle Rami / Moi aussi.

Gardien / Quand j'étais petit, fallait jamais me laisser tout seul devant un morceau de Roquefort.

Mlle Rami / Vous en voulez un p'tit bout ?


Gardien / Je ne voudrais pas abuser.

Mlle Rami lui propose un morceau de fromage

Mlle Rami / S'il vous plaît ?


Gardien / C'est que je suis en service


Mlle Rami / Y'a pas d'service qui tienne. C'est de bon cœur.

Gardien / Oh et puis zut. C'est pas tous les jours qu'on vous donne un bout d'fromage.

Mlle Rami / Vous allez m'excuser la présentation, mais à la guerre comme à la guerre (Elle lui fait une petite place et lui propose une tartine, puis du vin avec un verre etc...)

Gardien / Ah ça c'est drôlement gentil. Si seulement tous les gens étaient comme vous


Mlle Rami / Et oui.. (Elle lui sert un verre puis ils trinquent) Allez ! Santé !

Gardien / (Il boit un verre) C'est pas d'la piquette.


Mlle Rami / Ah ça jamais ! Le vin ça se respecte ! Un p'tit verre ? (Elle lui propose un autre verre)

Gardien / C'est que je suis en service.

Mlle Rami / Vous servez quoi ?

Gardien / C'est moi qui garde le parc.


Mlle Rami / Et bien comme ça, vous allez me garder.

Gardien / Oh ben elle est bonne celle-là. Vous êtres joyeuse. C'est rare chez une femme.

Mlle Rami / Mais dîtes moi, je ne vous ai jamais vu ici.

Gardien / C'est parce que c'est mon premier jour.

Mlle Rami / Votre premier jour de travail ? Oh mais ça s'arrose.


Gardien / Oh non ! Je ne peux pas ! Je suis à l'essai.

Mlle Rami / Ah mais je ne vais pas vous laisser.

Gardien / Je peux pas accepter. Surtout que c'est interdit de manger dans le parc.

Mlle Rami / Je vais m'fâcher. Allez, on trinque ! Et si c'est pas trop indiscret, vous faisiez quoi avant ?

Gardien / J'étais gardien, mais dans une usine. Je gardais la porte. Seulement l'usine a fermé. Alors, je me suis retrouvé à la porte. Et maintenant je garde un parc. Je dois avoir ça dans l'sang.

Mlle Rami / C'est un beau métier. C'est comme ceux qui gardent les vaches. On les critique, mais faut quand même que les vaches soient gardées.

Gardien / Et vous ? Vous faîtes quoi dans la vie ?

Mlle Rami / Alors, je me lève tous les jours à sept heures, puis je prends mon petit déjeuner, du café avec des biscottes, puis je range, je nettoie la table, ensuite, je regarde par la fenêtre..


Gardien / Et après ?

Mlle Rami / Je regarde pas la fenêtre.


Gardien / Vous ne travaillez pas ?


Mlle Rami / On me l'a interdit. A cause que je fais une dépression.


Gardien / Ah bon ? Je suis désolé.


Mlle Rami / Ça fait trente ans que je fais une dépression. Mais bon, le médecin m'a dit que ça allait mieux. (Elle se sert un verre puis en propose un au gardien. Il le prend)

Gardien / Vous avez raison, faut pas s'laisser aller. Allez, à votre dépression !

Mlle Rami / C'est à cause du Paris New-York.

Gardien / Le Paris New-York ?

Mlle Rami / Il est parti en avion.

Gardien / Qui ça ?

Mlle Rami / Mon fiancé.

Gardien / Vous avez été fiancée ?

Mlle Rami / Pas longtemps.

Gardien / C'est incroyable. Comme moi.

Mlle Rami / Vous étiez dans l'avion ?


Gardien / Non, ma copine. Un jour, elle est partie aussi à New-York.

Mlle Rami / Non ?

Gardien / En avion ! Avec un type. Je l'ai su qu'après..


Mlle Rami / C'était quand ?

Gardien / C'est vieux.

Mlle Rami / C'était quand ?

Gardien / Trente deux ans, six mois, et quatre jours.


Mlle Rami / Non ?

Gardien / En plus on vivait ensemble. Tout allait bien. On s'aimait, je mangeais à ma faim. Et puis un jour, elle est partie, comme ça, sans prévenir.

Mlle Rami / C’est des trucs qui s’fait pas.

Gardien / Même pas un mot d'excuse, rien !

Mlle Rami / Elle est partie avec le chauffeur de l'avion ?

Gardien / Non. Avec un nommé... Ca va me revenir ..

Mlle Rami / Romuald !

Gardien / Non ?

Mlle Rami / La salope..

Gardien / Vous la connaissez ?

Mlle Rami / Votre femme est partie avec le mien. Il l'avait rencontrée dans une exposition sur les papillons. Et hop, envolée !

Gardien / On peut pas leur faire confiance


Mlle Rami / Maintenant, quand j'vois un papillon, je m'jette dessus et je l'bouffe !

Gardien / J'ai jamais mangé de papillon.

Mlle Rami / C'est meilleur que les sauterelles.

Gardien / Vous mangez des sauterelles ?


Mlle Rami / L'été, y'en a plein dans l'parc..

Gardien / Vous devriez essayer les écureuils.

Mlle Rami / Je ne suis pas très viande.

Gardien / Bon. Allez ! Ça s'arrose ! A nos amours ! (Ils boivent à nouveau)

Mlle Rami / C'est incroyable.. On aurait voulu s'rencontrer exprès qu'on n'y s'rait pas arrivé.

Gardien / C'est le destin qui a voulu que l'on se rencontre.

Mlle Rami / C'est incroyable comment le destin ça peut vous jouer des tours.

Gardien / Vous voulez que j'vous dise le fond de ma pensée ?

Mlle Rami / Non.

Gardien / Et bien au point où on en est, on devrait s'marier.

Mlle Rami / Avec qui ?


Gardien / Avec nous.

Mlle Rami / Vous et moi ?

Gardien / Tous les deux, on ferait un malheur.

Mlle Rami / C'est gentil de proposer mais vous n'êtes pas du tout mon type.


Gardien / Comment ça ? Vous m'avez bien regardé ?


Mlle Rami / Oui.


Gardien / Vous êtes seule sur terre, et moi aussi. Et pourtant y'a du monde.

Mlle Rami / Je suis pas tentée..

Gardien / L'appétit vient en mangeant.

Mlle Rami / Ca dépend du menu..

Gardien / Savez combien la terre fait de kilomètres de large ?

Mlle Rami / J'm'en fous.

Gardien / Et bien, c'est énorme. Et autant dire que si on n'habitait pas dans la même région, qu'on n'aille pas dans le même parc, et que je ne me sois pas arrêté pour vous défendre d'un étranger qu'est même pas du pays, on n'avait aucune chance de se rencontrer.

Mlle Rami / C'est pas parce que vous m'avez sauvé la vie que faut vous croire tout permis.

Gardien / Madame !

Mlle Rami / Mademoiselle.

Gardien / Jamais je toucherai à une femme qui s'rait pas la mienne.

Mlle Rami / Moi non plus.

Gardien / Mais quand même, là haut, quelqu'un vous a mis sur mon chemin.

Mlle Rami / Qui ça ?

Gardien / Je sais pas, mais c'est sûr, là haut, y'a quelqu'un qui surveille.

Mlle Rami / Et ben il n'a pas grand chose à faire.

Gardien / Et ça, si c'est pas un signe du hasard du destin.

Mlle Rami / Je lis jamais mon horoscope

Gardien / Votre copain se tape ma copine et ma copine se tape votre copain ! Pourquoi qu'on se taperait pas nous aussi ? S'ils se sont plus, logiquement on devrait y'arriver. L'amour, c'est mathématique.


Mlle Rami / J'ai toujours été nulle en maths.

Gardien / Un plus un ?

Mlle Rami / En s'y mettant à deux, ça fait trois. Non merci.

A ce moment, un homme avance en titubant, visiblement ivre. Le gardien le regarde puis murmure..

Gardien / Pauv' type..

Mlle Rami / Oh mais c'est mon docteur ! Docteur ! Comment ça va docteur ?

Docteur / Bonjour Mesdames..

Mlle Rami / Ah docteur, faut que vous m'auscultatiez.

Docteur / Vous avez rendez-vous ?


Mlle Rami / Ben non..

Docteur / Bon, on va voir ça. Doit bien y'avoir un coin tranquille dans l'coin.

Mlle Rami part avec lui en le soutenant, bras dessus, bras dessous. Le gardien les regarde partir puis lève son verre à leur santé. Ensuite, il semble somnole, puis s'allonge sur le banc et s'endort.

Scène 8 : Couple de touristes et deuxième homme (Peut-être joué avec fond musical style films de Charlot du cinéma muet)

Un homme couple arrive dans le parc. L'homme photographie le banc puis tout ce qui bouge (y compris le public). Puis il entreprend de photographier sa femme qui joue les mannequins.

Enfin, il veut prendre un sel-fie avec elle mais n'y arrive pas.


Un autre homme entre. Le premier lui demande de prendre la photo. L'homme accepte. Le touriste lui explique avec les mains ce qu'il veut comme photo. L'homme les prend en photo puis le touriste regarde ensuite la photo qu'il a prise en leur tournant le dos à la femme et au promeneur. Ce dernier en profite pour partir avec la femme du touriste qui en en très contente. Le touriste se retourne et voyant qu'il est seul, décide de se prendre tout seul en photo puis il s'en va.

2ème ACTE

Scène 1 : Mme Espic / Gardien / Mme Grobol / Joggeur / Joggeuse

Le joggeur passe en petites foulées. Puis madame Grobol avance en essayant de marcher rapidement avec une canne et en regardant le joggeur comme si elle voulait le rattraper. En voyant le banc, elle décide de s'asseoir.

Mme Grobol / (Elle donne des cous de canne au gardien endormi) Il va s'lever ! Oui ! On pourrait quand même avoir de la place. Toujours couché, ça c'est bien un bonhomme. Allez, debout !

Gardien / (Pas réveillé) Qu'est-ce qui s'passe..

Mme Grobol / Ma parole, c'est l'gardien du parc. Ah ben ça, on est bien gardées. C'est sûr qu'on est bien protégées avec des fainéants pareil. Les jeunes aujourd'hui, ça veut pu rien fout'. C'est pas la peine de payer des impôts. (Au gardien) Oh ! C'est ma place ! J'ai mis mon nom dessus. Tiens, je l'ai écrit là avec mon couteau. Allez ! debout là d'dans !

Le gardien se réveille et tout en grommelant, finit par s'asseoir. Il n'a pas l'air dessoûlé.


Gardien / Je m'excuse. J'étais en train de rêver.

Mme Grobol / Est-ce que je rêve moi ? Vous rêviez à quoi ?

Gardien / (Il la regarde) A rien.


Mme Grobol / Il s'endort au boulot. Est-ce que j'm'endors moi ? Et en plus, il a picolé. Comme mon beau-frère ! Mon beau frère c'est pas un pilier de bistrot, c'est carrément les fondations. Plus près du goulot que du boulot.

Gardien / C'est à cause de ma femme, elle m'a quitté

Mme Grobol / Mais j'm'en fous, qu'elle soit partie, votre femme ! Moi, on m'a jamais quittée ! Depuis ma naissance, je suis célibataire ! Et de toutes façons, si jamais j'en avais un, y m'quitterait pas. Ou alors, il me quitterait mort !

Gardien / Je vais peut-être y'aller..

Mme Grobol / Vous allez où ?

Gardien / Au boulot.


Mme Grobol / Et ben c'est pas trop tôt. Allez, au boulot !

Le gardien s'en va. On entend les oiseaux. Puis madame Espic s'approche.

Mme Espic / Bonjour madame.

Mme Grobol / Si c'est pour me vendre du hachis, non merci, j'ai ce qu'y m'faut !

Mme Espic / C'est à cause de mon chat. Vous n'auriez pas vu mon chat.

Mme Grobol / Il est comment, votre chat ?

Mme Espic / Il est blanc avec des tâches noires, trois sur la queue, deux sur le dos, une oreille blanche, pas très gros, et un peu sauvage.


Mme Grobol / Je l'ai pas vu.

Mme Espic / Vous êtes sûre ?

Mme Grobol / Vous êtes sourde ?

Mme Espic / Oh pardon, c'est que j'y tiens tellement.

Mme Grobol / C'est un chat ou c'est une chatte ?


Mme Espic / C'est un chat.


Mme Grobol / Alors là, faut faire gaffe parce que si c'était une chatte, on sait c'que c'est. Elle serait partie se faire.. Comment qu'on dit déjà ? Se faire.. ?

Mme Espic / C'est un chat abandonné.

Mme Grobol / Les chats, c'est comme les hommes, ils ont toujours l'air abandonnés.

Mme Espic / Il adore mes petits plats.

Mme Grobol / Une fois que c'est installé, faudrait les tuer pour qu'ils partent. Il a quel âge, votre chat ?

Mme Espic / Je sais pas trop, mais il est vieux c'est sûr.


Mme Grobol / Oh vous en faîtes pas. Si ça s'trouve il est dans un coin, il est mort.

Mme Espic / Vous croyez ?

Mme Grobol / Si vous saviez le nombre de chats qui meurent avant nous.

Mme Espic / On est peu d'chose..

Mme Grobol / Du moment qu'on n'est pas des chats.

Mme Espic / Elle s'appelle Minette.

Mme Grobol / Elle s'appelait. Quand on est mort, on est à l'imparfait.

Mme Espic / Pardon, je n'sais plus c'que j'dis.


Mme Grobol / Un chien, ça vous intéresse pas ?

Mme Espic / Un chat c'est bien suffisant. Parce que je connais des gens qui ont des chiens, et bien, ils n'ont pas une vie facile. Parce qu'un chien, vous ne pouvez le laisser tout seul, il peut pas s'en sortir. C'est comme un mari ; tout seul, il est foutu ? Remarquez, je n'ai pas de mari non plus. Trop d'nettoyage. C'est vrai, j'en ai eu mais ils avaient pas intérêt à sortir sans ma permission. En plus, je suis un peu jalouse.

Mme Grobol / Les pires, c’est les affectueux.

Mme Espic / faut leur donner des croquettest

Mme Grobol / (Elle l'interrompt) Parce que j'ai un voisin, il a un chien. Il gueule tout l'temps. Pas l'voisin, le chien ! Du matin au soir. Et vas-y que j't'aboie ! Remarquez, bien dressé, y s'rait gentil, le chien. Parce que l'voisin, moi je l'dis, faudrait l'piquer. C'est un allemand, un doberman (prononcé en). Je suis sûre qu'il remplacerait bien votre machin.

Mme Espic / C'est pas demain la veille  qu'on remplacera mon Minou. Personne touche à mon Minou !

Mme Grobol / Je dis ça, moi c'est pour votre bien. Remplacer un minou, ça peut être sympa.

Mme Espic / Non mais de quoi j'me mêle ! Alors, on est là, on essaie d'être gentil avec les gens et on se fait insulter. Pétasse !

Mme Grobol / Pétasse toi-même !

Mme Espic / Comment ? J'ai pas bien compris.

Mme Grobol / Vieille vache !


Madame Espic part

Mme Espic / Et mal polie en plus ! Oh mais j'vais dénoncer. A la mairie. J'vais l'dire à la mairie qu'y'a des vieilles pas polies qui traînent dans l'parc.

Mme Grobol / (Elle crie) Va bouffer ses croquettes ! Ah les jeunes, ça perd tout. Leurs chats, leurs bonhommes, heureusement qu'elle a pas un ch'val !

Un joggeur s'approche et fait des extensions près d'elles. Mme Espic le regarde du coin de l’œil sans rien dire. Cela dure un peu puis une jeune femme apparaît et court également. Le sportif l'aperçoit et se remet à courir.

Mme Grobol / (Elle crie) Ça voit une paire de fesses, c'est prêt à faire le tour du monde.. Tout ça pour une coureuse.. Faudrait les attacher. Ou alors, tiens comme avec les chats, Couic ! Comme ça, on aurait pas besoin d'chercher tout l'temps après. (Elle imite Mme Espic qui se lamente) / «J'ai perdu mon chat.». … C'est bien fait.

Scène 2 : Mme Grobol / M Venoul / Lapin

M Venoul s'approche

M Venoul / Pardon ? Vous n'auriez pas vu une femme ?

Mme Grobol / C'est quoi comme femme ?


M Venoul / Plutôt. Jolie.

Mme Grobol / J'en ai pas vu

M Venoul / Je suis très inquiet.

Mme Grobol / J'en ai bien vu une qu'avait perdu son chat. Ce s'rait pas à vous ?


M Venoul / Ah non. La mienne, elle n'a pas d'chat.

Mme Grobol / La pauvre bête..

M Venoul / Je suis très inquiet. Nous étions ensemble. On s'est disputés. Et elle s'est sauvée.

Mme Grobol / Faudrait les enfermer

M Venoul / Les enfermer ? Les femmes ?


Mme Grobol / Les chats ! Remarquez, y'en a certaines, faudrait aussi les enfermer.

M Venoul / C'est que j'y tiens.


Mme Grobol / Faut pas vous mettre dans un état pareil. Asseyez-vous ! (Il s’assoit) Et un chien, ça vous intéresse pas ?


M Venoul / Merci. Mais j'aime pas les chiens.

Mme Grobol / Moi non plus. Parce que j'ai un voisin, il a un chien. Il gueule tout l'temps. Pas l'voisin, le chien ! Du matin au soir. Et vas-y que j't'aboie ! Remarquez, bien dressé, y s'rait gentil, le chien. Parce que l'voisin, moi je l'dis, faudrait l'piquer. C'est un allemand, un doberman (prononcé en). Je suis sûre qu'il remplacerait bien votre machin.


M Venoul / C'est gentil mais chez moi c'est pas assez grand


Mme Grobol / Z'avez qu'à déménager ! (Il s'ensuit un silence pendant lequel elle sort une paire de jumelles. Elle regarde au lion) .. Oh mais on dirait qu'ça bouge là-bas, dans les fourrés. Ce s'rait p't'être bien des gens qui.. Ou alors, c'est quelqu'un qui nous regarde. Vous savez, un vicieux. C'est que y'en a des vicieux dans l'coin. Vous êtes pas un vicieux au moins parce que un vicieux, quand il voit une femme, hein, par ici la galipette !

M Venoul / Ben non


Mme Grobol / Ah bon.

A ce moment, le lapin passe sans dire un mot

Mme Grobol / (Elle crie) Quand on est poli, on dit bonjour !

M Venoul / Peut-être que c'est un lapin sourd.

Mme Grobol / Avec des oreilles pareilles ! Tenez, jetez moi un œil (Elle lui passe sa paire de jumelles)

M Venoul / (Il regarde avec les jumelles) Ou ça ?

Mme Grobol / Là-bas ! A côté du machin, derrière le truc

M Venoul / J'vois rien


Mme Grobol / C'est pas possible. Vous voyez bien qu'ça bouge ?

M Venoul / Ah si je vois.


Mme Grobol / Et alors, c'est-y un vicieux ?

M Venoul / J'crois bien qu'c'est un animal


Mme Grobol / Un chat ?


M Venoul / Non. C'est un écureuil.


Mme Grobol / (Elle lui reprend sa paire de jumelles et la range) Un écureuil. Plus c'est petit, plus ça enquiquine le monde.

M Venoul / C'est mignon un écureuil.


Mme Grobol / SI jamais le chat à l'autre cinglée tombe dessus, il va bouffer l'écureuil. Comme ç,a on s'ra débarrassé.

Scène 3 : Mme Grobol / M Venoul / Maire

M Venoul / Tiens, voilà monsieur l'maire !

Mme Grobol / Encore en train de traîner dans l'parc.

M Venoul / Bonjour monsieur le Maire.

Maire / Chers amies ! Chers amis !

Mme Grobol / On n'est pas couchés.


Maire / Savez-vous que bientôt nous allons faire un grand complexe ici.

M Venoul / Un complexe ? Y'a des gens complexés ?

Maire / Un lotissement. Le lotissement du parc. Ici on aura la rue du chêne, là, la rue des peupliers, là-bas, l'avenue des mésanges, puis le rond-point du lapin, et même un square avec des jeux pour les enfants.

Mme Grobol / Vous allez faire ça dans la nature ?

Maire / C'est l'endroit idéal.

M Venoul / Fallait y penser !

Maire / Je ne fais que mon devoir.

Le maire part

M Venoul / Je n'y aurais jamais pensé.


Mme Grobol / Lèche-cul.

M Venoul / Vous vous rendez compte, c'est magnifique ! Le lotissement du parc !

Mme Grobol / C'est pas un maire, c'est un bulldozer.

Scène 4 : Mme Grobol / M Venoul / Gardien / Médecin

Le gardien, accompagné du docteur s'approche

Gardien / Elle n'a pas bougé.

Docteur / La pauvre, elle perd la tête.

Gardien / Le parc est tellement grand, elle doit être perdue.


Docteur / Bonjour Madame Grobol.

Mme Grobol / C'est qui cette Grobol ?

Docteur / C'est vous.


Mme Grobol / Moi, je l'saurais. Quand même, j'me connais

Gardien / Voyons Madame..

Mme Grobol / Vous êtes qui, vous ?


Gardien / Le gardien


Mme Grobol / Le gardien d'vaches ?

M Venoul / Le gardien du parc. (Il essaie de la faire lever)


Mme Grobol / Ah toi l'vicieux, tu m'touches pas !

Docteur / Vos enfants s'inquiètent

Mme Grobol / Mes enfants ? J'ai pas d'enfants ? Et c'est qui, celui là ?

Docteur / Je suis votre docteur.

Mme Grobol / Le docteur ? Vous êtes malade ?


Gardien / Non. Pas moi. Vous enfin. Vous vous êtes perdue


Mme Grobol / Perdue ! Vous confondez avec le chat.

M Venoul / La pauvre, elle déraisonne.

Docteur / Vous n'avez pas froid ?

Mme Grobol / Occupe toi d'tes fesses !

Gardien / Allez, madame, maintenant faut rentrer.


Mme Grobol / Rentrer ? Je suis bien là.

Gardien / Madame, faut venir avec nous.


Mme Grobol / T'as vu ta tête ? Si tu crois que je vais aller avec toi !

Gardien / Vous allez rentrer chez vous.


Mme Grobol / Attention ! Je vais app'ler ma mère !

Docteur / C'est bientôt l'goûter.


Mme Grobol / J'aime pas l'écureuil.

Gardien / Allez ! On discute pas.


Mme Grobol / Ah mais j'vais cogner ! (Elle brandit sa canne)


M Venoul la ceinture.

M Venoul / J'la tiens !


Docteur / Allez ! Un coup d'main.


Mme Grobol / Bande de ploucs !

M Venoul / C'est pour votre bien


Mme Grobol / J't'emmerde !

Le docteur et le gardien partent avec la Mme Grobol. M Venoul les suit. Puis la jeune femme revient en poussant un landau. Elle s'arrête et s'assoit sur le banc.

Scène 5 : Femme au landau / Mlle Rami / Mme Bouchaclac / Mme Grobol / Docteur

Elle s'installe confortablement comme si elle voulait prendre une pause. On entend les oiseaux puis le bébé qui pleure. Elle soupire.

Femme au landau / La ferme !

On entend des oiseaux puis le bébé recommence

Femme au landau / Est-ce que j'pleure moi ?

Le bébé continue

Femme au landau / Change de disque !

Le bébé continue

Femme au landau / Qu'est-ce tu veux ? Ah d'accord, t'as soif. Ah ça c'est bien un mec. Elle sort un biberon puis d'une seule main, elle le donne au bébé (qu'on ne voit pas) Allez ! Et glou et glou et glou ! Il est des nôôtres.. Il se saoule la gueule comme les au autres. C'est un ivrogne.. D'ailleurs ça se voit rien qu'à sa tro o gne» (Le bébé se calme)

Mlle Rami arrive

Mlle Rami / Excusez-moi mais j'ai entendu un bébé pleurer.


Femme au landau / Il pleure plus. Là il va faire son rôt. Allez, on fait son rôt. Ca vient le rôt ? (On entend un rôt)

Mlle Rami / Qu'est-ce qu'il est mignon ? C'est une fille ou un garçon ?

Femme au landau / La dernière fois que j'ai regardé, c'était encore un garçon.

Mlle Rami / C'est vrai que ça change vite. C'est quand ils sont grands qu'on s'en rend compte. …. Et il s'appelle comment ?

Femme au landau / Rex !

Mlle Rami / C'est joli, Rex.

Femme au landau / C'est mes grands parents qui ont choisi. C'était ça ou Rintintin.

Mlle Rami / C'est joli aussi Rintintin. Et vos grands parents, ils doivent être contents ?

Femme au landau / Je sais pas, ils sont morts

Mme Bouchaclac arrive

Mme Bouchaclac / Oh ! Un bébé !

Mme Rima / C'est un garçon !

Mme Bouchaclac / Un garçon. J'adore les garçons. C'est à qui ?

Femme au landau / C'est l'mien.

Mme Bouchaclac / Mais ! Vous ne seriez pas la fille de madame Gina ?

Femme au landau / Si. C'est moi.


Mme Bouchaclac / Ça alors ! Je vous ai vu toute petite, quand vous étiez bébé. Vous n'avez pas changé.


Femme au landau / J'ai un peu grossi.


Mme Bouchaclac / En marchant vite, ça s'voit pas. Alors... Oh mais dîtes donc, qu'est-ce qu'il ressemble à sa grand-mère. Vous ne trouvez pas ?

Femme au landau / Je sais pas, je l'ai adopté.

Mme Bouchclac / Ah. (Elle se penche dans le landau et parle comme à un chiot) Il est beau le bébé, Oh qu'il est beau le bébé.. Il s'appelle comment ?

Mlle Rami / Milou ! Euh non..

Femme au landau / Rex !

Mme Bouchaclac / Alors mon petit Rex. Il est content ? Guilguiliguili.. Vous avez vu, il m'a souri.


Femme au landau / C'est parce qu'il a des gaz.

Mlle Rami / Il a l'gaz ?

Mme Bouchaclac / Sûrement pas. Je sais reconnaître un bébé qui sourit.


Femme au landau / Va encore falloir que je change sa couche.

Le gardien passe. Il vient voir aussi

Gardien / Oh mais c'est un beau bébé ça. Areu areu areu. Oh oui ! On dirait qu'il me comprend.

Madame Grobol arrive en trottinant le plus rapidement possible, poursuivie par le docteur qui est bord de la crise cardiaque. Elle aperçoit le landau.

Mme Grobol / Mon bébé ! Mais oui, maman elle est là. Allez on rentre à la maison (Elle veut partir avec le landau)

Mme Bouchaclac / C'est l'bébé d'madame.

Femme au landau / Je l'ai adopté.

Mlle Rami / (A madame Grobol) C'est pas à vous !


Docteur / Excusez là, elle perd un peu la tête


Femme au landau / Ce n'est pas grave.

Mme Grobol / Mon bébé !

Docteur / (Au gardien) Vous pouvez m'aider ?


Gardien / Mais bien sûr. Allez maman ! On va rentrer à la maison


Mme Grobol / Toi ! Va chercher ton p'tit frère !

Femme au landau / Elle se lève. Bon et bien moi je vais y'aller avant qu'il fasse nuit. Allez salut tout l'monde ! Et bon appétit !

Docteur / Madame Grobol ! C'est fini les enfantillages.


Gardien / Allez ! Faut rentrer avant qu'il fasse nuit.

Mme Bouchaclac / Si je peux faire quelque chose..

Docteur / Oui, partez.

Mlle Rami / De nos jours, on ne peut même plus aider

Mme Bouchaclac / Laissez. Venez.

Mlle Rami / Ah non ! Je reste ! Je paye des impôts, j'ai le droit de m'asseoir !

Mme Bouchaclac / Rester assis c'est pas une vie.

Mme Grobol / Où qu'on va ?

Docteur / Acheter des glaces.

Mme Grobol / A la vanille !

Docteur / C'est ça.

Mme Grobol / Bon ! On y va ! Faut pas traîner, sinon ça va fermer.

Le docteur, le gardien et madame Grobol partent.

Scène 6 : Mme Rami / Aveugle

Mlle Rami / Salut les vieux ! (Elle s’assoit)

On entend des oiseaux puis quelqu'un s'approche. Il est aveugle et a du mal à se repérer. Il semble sortir de l'allée. Elle le guide

Mlle Rami / Attention ! Vous n'êtes pas dans la bonne direction


Aveugle / Je suis où là ?

Mlle Rami / Dans le parc. Mais vous êtes en train de sortir de l'allée.


Aveugle / Ah. Et par où faut que j'aille ? Je cherche le cinéma..

Mlle Rami / Le cinéma. Oh c'est simple. Alors, c'est tout droit puis après le portail, vous prenez à droite, puis la deuxième à gauche, ensuite vous faîtes trois cent mètres et dans le carrefour, vous prenez la deuxième rue, puis la première à droite, puis tout droit pendant cent mètres et vous y serez.


Aveugle / Ça va pas être simple.


Mlle Rami / Ah. Alors, laissez moi vous guider. Vous allez vous tourner lentement vers la gauche, puis vous avancerez vers moi. (L'aveugle obéit ensuite à ses paroles selon sa position) Voilà .. Alors tout droit... Stop ! A gauche, ! A droite ! Oui. Non. Pas par là etc... (L'aveugle arrive près du banc). Il touche les cheveux de Mlle Rami puis palpe son visage.


Mlle Rami / C'est pas l'banc, c'est moi.


Aveugle / (Il s’assoit) Excusez-moi, je suis aveugle.

Mlle Rami / On ne dit pas aveugle, on dit mal voyant !

Aveugle / Excusez moi, je suis mal voyant.

Mlle Rami / C'est mieux que d'être mal vu.

Aveugle / Pour aller au cinéma, ça va être dur.

Mlle Rami / Je vais vous faire un plan.

Aveugle / Non merci. Je sais pas lire.

Mlle Rami / Ah ben oui.


Aveugle / C'est calme ici.


Mlle Rami / Faut pas croire. Des fois, il se passe des choses..

Aveugle / Vous êtes très gentille de m'avoir aidé. Des gens comme vous, c'est rare

Mlle Rami / Je sais.. je suis rare.


Aveugle / Mais, laissez-moi deviner.. (Il lui prend la main) Vous ne seriez pas une femme !

Mlle Rami / Mais comment vous savez ?

Aveugle / Je sais reconnaître une femme du premier coup d’œil.

Mlle Rami / Ça alors !


Aveugle / Et.. Une femme... (Il la sent) Une jeune femme.

Mlle Rami / Mais comment c'est possible ?

Aveugle / Votre voix.. Votre odeur.

Mlle Rami / Mon odeur ?

Aveugle / Votre parfum. Quand on est aveugle, on remarque les petits détails. Le parfum.. Et les jeunes femmes belles comme vous, je les repère aussitôt.

Mlle Rami / Alors là, vous êtes drôlement fort.

Aveugle / Jolie !

Mlle Rami / Exact.


Aveugle / Vous devriez faire des concours.


Mlle Rami / Quand j'étais petite, j'ai été élue Miss foie gras dans mon village.


Aveugle / J'adore le fois gras.

Mlle Rami / J'avais gagné mon poids en foie gras. Mais ça m'a gavée. Maintenant, le foie gras, ça m'fait vomir.

Aveugle / Jolie ! Élégante ! Romantique ! Joyeuse ! Sportive ! Drôle ! Intelligente ! Et distinguée !

Mlle Rami / Mais c'est tout moi ça ! Mais comment vous savez ?

Aveugle / Célibataire !

Mlle Rami / Vous savez que je suis célibataire ?

Aveugle / Pour être franc, là, j'y suis allé au pif. Mais bon, je n'ai pas de mérite, j'avais une chance sur deux.

Mlle Rami / Ah moi maintenant ! Vous êtes.. euh.. Un homme ! … Mûr !

Aveugle / Oui. Bien mûr. A point. Limite vert.

Mlle Rami / Gentil ! Sympathique et bien habillé.


Aveugle / Non ? Alors là, je suis content, parce que j'ai toujours un doute.

Mlle Rami / Ça vous va drôlement bien.

Aveugle / C'est parce que je m'habille en solde. J'ai du mal à suivre la mode.

Mlle Rami / Moi aussi.

Aveugle / Vous êtes drôlement gentille pour une femme.

Mlle Rami / Ah mais non. C'est de bon cœur

Aveugle / J'aime bien ce coin là.

Mlle Rami / On s'habitue vite.

Aveugle / Écoutez, là faut que j'y aille. Sinon je vais rater la séance. En plus, y'a une actrice que j'adore. Elle a une voix.. Quand on l'entend, on la voit.

Mlle Rami / Ce s'rait dommage de la rater.

Aveugle / Une blonde. J'adore écouter les blondes.

Mlle Rami / Je suis blonde !

Aveugle / Non ? Je veux absolument vous revoir.


Mlle Rami / Oh mais oui. Alors, je vous donne mes coordonnées. Alors ma carte de visite, mon téléphone fixe, mon portable, ma carte bleue, mon adresse mail, mon profil «Ninternet», mon adresse, mon digicode, et le numéro de mes parents au cas où je serais pas là. Vous pouvez pas m'rater !

Aveugle / Vous en faîtes pas ! Je ne vous raterai pas ! Bon j'y vais. Le cinéma ouvre dans dix minutes.


Mlle Rami / C'est quoi comme film ?

Aveugle / C'est un film d'amour.

Mlle Rami / C'est quoi le titre ?

Aveugle / Massacre au moulin à légumes !

Mlle Rami / Je l'ai pas vu !

Aveugle / Moi non plus.

Mlle Rami / J'y vais avec vous. J'adore les films d'amour.

Aveugle / Alors j'ai du bol d'être tombé sur vous.

Mlle Rami / Et à par le cinéma, vous aimez quoi dans la vie ?

Aveugle / Le choux-fleur.

Ils partent ensemble bras dessus, bras dessous

Scène 7 : Voleur

Un homme (ou une femme entre) Il regarde partout et vérifié qu'il n'est pas observé. (Sur fond musical genre films de du cinéma muet) Il regarde encore, scrute dans le public, puis s'approche du banc et l'embarque.

Scène 8 : M Venoul / Gardien / Parano (arbre) / Manifestants avec des pancartes

M Venoul arrive (il agite une tapette à mouche)

M Venoul / Saletés d'mouches ! Ah mais si elles croient que j'vais me laisser filmer en direct, elles me connaissent pas. Tiens ! Prends ça dans la gueule !

M Venoul cherche le banc partout puis va en coulisses et revient avec, aidé du gardien.

Gardien / Si je tiens l'abruti qui s'amuse à déplacer le banc, je le remets à sa place en moins d'deux.

Venoul / En plus, le banc, il est innocent. Lui il a rien d'mandé

Gardien / Tout à l'heure, monsieur ! Y'a un touriste qui est venu réclamer. Il était avec sa femme et on a essayé de lui voler son appareil photo !


Venoul / On peut plus faire confiance

Gardien / Une seconde d'inattention, on se fait dépouiller vivant

Sans s'en apercevoir ils mettent le banc dans le mauvais sens. Monsieur Venoul s'assoit

M Venoul / C'est joli aussi de ce côté là.

Gardien / Oh la la ! On n'a pas le droit. Le maire l'a dit.

M Venoul / Le merle ? Il a dit quoi, le merle ?


Gardien / Non. Le maire l'a dit.

M Venoul / Parce que les merles, y'en a, ils diraient n'importe quoi.

A ce moment, des gens passent en silence avec des pancartes : «Non au lotissement du parc». «La nature aux écureuils», «Touchez pas aux lapins ? » etc.. Le gardien et M Venoul n'y font pas attention.

Gardien / Faut qu'on regarde de ce côté là.

M Venoul / Et pourquoi ça ?

Gardien / De ce côté là c'est un paysage classé. Par là, c'est pas classé, c'est pas protégé, alors on n'est pas obligé de regarder.

M Venoul / (Il regarde le public) Je vois pas ce qu'il y'a de plus joli par là

Gardien / Moi non plus, mais c'est le maire qui l'a dit et quand le maire dit quelque chose, c'est qu'il a raison.

M Venoul / Au fait, c'est quoi le trou devant.


Gardien / Faut pas toucher au trou ! C'est tout c'qui reste ! Avant, dans l'trou, y'avait un arbre. Seulement, y'en a qui ont volé l'arbre. Les gens volent tout. Regardez c'est pas l'seul trou. Un jour, y'aura plus d'arbres. Vous avez vu, y'a encore un trou là.


M Venoul / (Il s'écrie) Et un trou là itou ! (Il chante) Trou a la itou, Trou la la itou. Trou la la itou ! Dans l'trou !

Gardien / Un de ces jours, ils voleront même le trou.


Ils remettent le banc à la bonne place puis le gardien s'en va

Gardien / Bon. Et bien, bonne continuation, bonne santé, et bonne année !

Scène 9 : M Venoul / Gardien / Parano (Arbre)

M Venoul s'installe puis on entend des oiseaux. Ensuite on voit un arbre apparaître et se déplacer lentement puis se positionner derrière le banc.

Arbre / Alors.. Vous me croyez maintenant ?

M Venoul se retourne et ne voit personne. Il fait à peine attention à l'arbre

M Venoul / Y'a quelqu'un ?

Arbre / Je peux pas répondre..

M Venoul / Ah ! C'est vous ?

Arbre / Je peux rien dire..

M Venoul / Vous êtes où ? (il regarde en l'air)

Arbre / Pas loin..

M Venoul / (Il se retourne) Où ça ?


Arbre
/ Surtout ne vous retournez pas.

M Venoul / Vous êtes où ?

Arbre / Dans l'arbre.

M Venoul regarde en l'air

M Venoul / Dans l'nid ?


Arbre / Dans l'arbre. Derrière vous.


M Venoul se retourne et réagit comme s'il avait une crise cardiaque.

Arbre / Ne me regardez pas, faîtes semblant de parler au banc.

M Venoul / Ah oui ! Les nids d'pie. Qu'est-ce que vous voulez ?


Arbre / Bon,. J'ai pas envie de rester planté pendant des heures. Je voulais vous prévenir.


M Venoul / Le prix du gaz ? Le chômage ? La fin du monde ?

Arbre / Pire.

M Venoul / Pire ?


Arbre / Votre femme.

M Venoul / Laquelle ?


Arbre / Alors là j'en sais rien.


M Venoul / Ça doit être la dernière. On a rompu.

Arbre / Désolé.

M Venoul / Oh y'a pas de quoi ? De toutes façons, elle m'énervait.


Arbre / Er pourquoi ? Pourtant ça avait l'air d'aller.


M Venoul / Madame voulait aller dans la Creuse.


Arbre / Dans la Creuse ?

M Venoul / Est-ce que j'ai une tête à aller dans la Creuse ?


Arbre / La Creuse, c'est pas mal. J'ai plein de copains dans la Creuse.

M Venoul / Des copains dans la Creuse ?

Arbre / Des copains de souche.


M Venoul / Alors, je lui ai dit : C'est l'Afrique ou rien.


Arbre / Et vous l'avez virée ?


M Venoul / J'ai pas eu l'temps, elle est partie avant.


Arbre / Toutes les mêmes

M Venoul / Et sinon ? C'était pour quoi ?


Arbre / Pour rien. Ah si ! Son mari. .


M Venoul / Son mari..

Arbre / Il vous cherche.

M Venoul / Il me cherche


Arbre / Il a raté l'train, mais il va pas vous rater.


M Venoul / Et vous le dîtes que maintenant ?

Arbre / Mais c'est pas grave, vous n'êtes plus ensemble.


M Venoul se lève et s'éloigne rapidement

Arbre / Mais ? Où allez vous ?


M Venoul / En Afrique ! (Il part)

L'arbre s'assoit sur le banc, il se détend. Il sort une cigarette de sa poche et la porte à ses lèvres. Le gardien arrive.


Scène 10 : Arbre / Gardien

Gardien / Vous fumez ?

Arbre / Je m'y mets. J'ai un peu d'mal mais j'en fume une de plus tous les jours.

Gardien / Vous avez que c'est interdit.


Arbre / Bon, je la garderai pour plus tard. J'irai la fumer dehors.

Le gardien s'assoit

Gardien / On est bien là non ?


Arbre
/ C'est pas mal. Mais au bout d'un moment, on a envie de changer d'air

Gardien / Oh ! Vous avez vu ! Le nid d'pie !

Arbre / Sûr que j'l'ai vu (Il sort un revolver)

Gardien / Mais qu'est-ce que vous faîtes. La chasse est fermée


Arbre / Oh pardon ! Je le tuerai cet hiver.

Gardien / Vous n'aimez pas les oiseaux ?


Arbre / J'aime bien les pigeons. Mais tout n'est pas bon dans l'pigeon.

Gardien / C'est pas comme le cochon.

Arbre / Dans l'cochon, y'a moins d'plumes.


Gardien / Avec des petits pois, c'est bon un pigeon.

Arbre / J'aime pas les oiseaux. Les oiseaux, ça vole, et ça vous chie d'ssus tout l'temps, ça fait un boucan pas possible. Et moi, j'aspire au calme.

Gardien / Et puis ici, on voit du monde.

Arbre / C'est pas toujours des gens intéressants, mais c'est le monde

Gardien / C'est pas faux !

Scène 11: Tous

Ensuite, les saluts commencent. Le texte doit être adapté en fonction de la distribution et du nombre de comédies. Certains comédiens peuvent se présenter plusieurs fois selon le nombre de rôles qu'ils ont joué ou le récitant peut donner tous les rôles qu'il ou qu'elle a interprétés.

Arbre / Oh ! Madame Espic !

Tous les comédiens défilent l'un après l'autre. L'arbre et le gardien donnent leurs prénoms au fur et à mesure

Gardien / Celle-là, tellement elle cause elle devrait faire de la radio

Arbre / Celui qui la lui fera fermer il n'est pas encore né.

Gardien / C'est comment votre prénom, madame Espic !

Mme Espic / Josette (donné à titre d'exemple)

Gardien / (Au public) Josette

Arbre / Venez vous asseoir là madame Espic !

Gardien / Madame Bouchaclac ! Ca va bien, madame Bouchaclac !

Mme Bouchaclac / J'te demande si ça va toi ? Non mais de quoi j'me mêle ?

Gardien / Vous voulez pas vous asseoir ?

Mme Bouchaclac / Tu peux t'brosser. (Elle va dans les coulisses)

Arbre / Madame Gina / Venez vous asseoir madame Gina

Gardien / Ça va bien madame Gina. C'est comment au fait votre prénom ? (elle s'assoit)

Mme Gina / Rosie (donné à titre d'exemple)

Arbre / (M Venoul entre) Monsieur Venoul !

Gardien / L'applaudissez pas trop. Il a déjà la grosse tête.


Arbre / Ah ! Des jeunes...

Le joggeur et la joggeuse courent puis s'arrêtent et font face au public en leur demandant de faire les mêmes mouvements de gymnastique qu'eux

Joggeur / On balance le bras vers la droit.

Joggeuse / Puis le bras vers la gauche. (Ils font quelques mouvements. Le joggeur se prend une baffe)

Joggeur / Pourquoi tu m'as frappé ?

Joggeuse / J'en avais envie depuis un moment

Joggeur / T'en avais envie ?

Joggeuse / T'as pas vu comment tu regardes le public ? Elle est où ta copine ?

Joggeur / Mais non ! J't'assure !

Joggeuse / Allez hop ! On rentre

Gardien / Marco et Gaétane ! (donné à titre d'exemple) (Ces derniers partent en coulisses ou restent près du banc)

L'exhibitionniste arrive. Il se met face au public et reste silencieux. Il sourit puis il écarte les bras et salue.


Arbre / Kevin ! (donné à titre d'exemple)

L’exhibitionniste par en coulisses ou reste sur scène.

La femme au landau. Ils donnent son prénom et indiquent éventuellement les autres rôles qu'elle a interprétés.

Le curé entre (il bénit la foule) Sinon idem qu'avec les autres rôles

Le docteur entre (il demande au public si ça va) Sinon, idem qu'avec les autres rôles.

Mlle Rami passe, très mécontente.


Mlle Rami / Aveugle ! Tu parles ! (Elle traverse la scène et sort. L'aveugle lui court après). Je n'veux plus l'voir !


Aveugle / Mais moi si ! Julie ?

Ils reviennent ensuite sur scène. Les prénoms sont donnés à titre d'exemple

Gardien / Aurélie !

Arbre / Yvan !

Gardien / On a oublié personne ?

Mme Grobol / Et moi ? Je sens l'gaz ?

Ils donnent son prénom

Arbre / Et nous ?

Gardien / (Il présente l'arbre) Jacques (Prénom à titre d'exemple)

Arbre / Franck ! (Aà titre d'exemple)

Le lapin fait son entrée

Gardien / C'est qui celui-là ?

Arbre / J'en sais rien.


Gardien / Vous êtes qui ?

Lapin / Un lapin.

Gardien / Mince, on a oublié les touristes. Les touristes ?

Deux comédiens se présentent

Lapin / Et le maire ?

Arbre / Il est parti s'coucher.

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