Riche Comme Crésus… Ou Pas !

Imaginez un braquage de banque… déjà ça, ce n’est pas simple! Ensuite, imaginez que deux cambrioleurs, très amateurs, débarquent en pleine nuit dans le salon du banquier, s’invitent au p’tit déj et embarquent toute la famille, pour forcer le coffre de la banque.

Naturellement, dans cette mécanique déjà rouillée, s’immisce un grain de sable nommé Trudi. Elle fait perdre la tête à l’un des deux braqueurs qui finit par enfermer toute l’équipe dans le coffre, ils sont donc condamnés à  attendre en huis clos l’ouverture officielle de la banque!

Un banquier cupide, une femme faire-valoir, un fils qui a un gros secret à cacher, un bandit avec une idée derrière la tête, tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette nuit la plus explosive des réunions de famille !

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Liste des personnages (7)

Charles Crésus Homme • Adulte/Senior
Directeur de la banque du même nom fondée par son grand-père, Charles Crésus est un homme que les affaires et une éducation stricte ont rendu dur et fermé. Plus occupé à développer son business et à tracer le chemin de son fils qu’à veiller au bien être de la famille, il les néglige et ne s’y intéresse plus depuis des années. Il croit fermement que l’argent fait le bonheur.
Ariane Crésus Femme • Adulte/Senior
Femme du directeur de la banque, elle aspirait autrefois à aider les autres et à être indépendante. Séduite par le luxe, cela fait 25 ans qu’elle a épousé Charles et qu’elle s’ennuie. Pour compenser, elle achète toutes sortes de bibelots plus inutiles et hors de prix les uns que les autres et tente de ne pas vois qu’en choisissant Charles, elle avait fait le mauvais choix.
Junior Crésus Homme • Jeune adulte/Adolescent/Adulte
Fils de Charles et Ariane Crésus, il est désigné comme héritier de la banque familiale et devra succéder à la tête de cette dernière lorsque son père prendra sa retraite. Même s’il a l’air plus effacé que Charles, il ne semble pas avoir moins de caractère et a un gros « quelque chose » à cacher.
Serge/Lionelle (H/F)Indifferent/Homme/Femme • Adulte
Serge/Lionelle est un/e braqueur/se de banque qui semble n’avoir aucun scrupule. Endurci/e par les méandres d’une vie tout sauf facile, il/elle gère avec une main de fer son frère aîné Dominique. Ce rôle peut être interprété soit par un homme, soit par une femme. Les modifications relatives au changement de sexe du personnage sont en rose dans le texte.
DominiqueHomme • Adulte
Frère aîné de Serge/Lionelle, Dominique est quelqu’un de simple, heureux de profiter des bonnes choses de la vie. Il suit son frère/sa sœur cadet/te car il/elle est la seule personne qui lui reste, sa vie n’a pas été simple non plus, mais il demeure profondément gentil.
Trudi Duchausson Femme • Adulte
Trudi est également une personne assez simple, mais consciente de son état. Elle cherche à trouver l’amour sur internet, mais risquerait facilement de se faire avoir par des personnes mal intentionnées, car trop naïve pour s’en rendre compte. Elle a 35 ans et s’habille comme sa tante chez qui elle vit, qui elle, en a 65.
Virginia Maille Femme • Adulte
Virginia Maille est une femme d’affaires stricte et stressée par le rythme que lui impose son travail. Elle pianote sans arrêt sur son téléphone pour répondre à de multiples emails. C’est le genre de personnes avec qui on n’a pas le droit à l’erreur et qui n’a absolument aucune pédagogie.

Décor (3)

Salon de la famille CrésusUn salon bourgeois, un canapé, une table basse, des petites étagères au mur avec des bibelots inutiles et des livres anciens. Le papier peint, le tapis, les coussins et les rideaux sont couverts de signes $.
Hall d'entrée de la banqueUn guichet de banque à cour, la scène est séparée en deux par une paroi. A jardin, on voit un bureau, celui du directeur. Tout est bleu et vert, avec le logo de la banque. Grosse plante verte dans un coin, deux chaises pour que les clients attendent.
Scène partagée en deux: d'un côté le hall de la banque, de l'autre, l'intérieur du coffre.A jardin le coffre de la banque, une paroi, puis le vestibule à cour. On comprend que la porte du coffre sépare les deux espaces. La plante verte est maintenant en avant-scène Alternance de lumière plus forte sur jardin et faible sur cour et ainsi de suite.

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ACTE I – Scène 1

Noir. La lumière s’allume. Un salon bourgeois, un canapé, une table basse, des petites étagères au mur avec des bibelots inutiles et des livres anciens. Le papier peint, le tapis, les coussins et les rideaux sont couverts de signes $.

Coups de sonnette espacés, puis rapprochés.

Le directeur de la banque traverse son salon en pyjama avec des signes $ partout.

Charles :         Voilà, voilà, j’arrive… Qui est-ce que ça peut bien être à 2h du matin… Il se cogne l’orteil contre un meuble. Aïe aïe nom de D…

Il termine le chemin en boitillant et sort à cour. Il revient à reculons, les mains l’air.

Dominique :   une arme à la main Haut les mains !! C’est un hold up ! (prononciation à la française). Si vous ne nous faites aucun mal, nous allons coopérer.  Attention je sais charger et il est visé !

Serge :            Non, non, non !! Mais c’est pas vrai !! On l’a répété 100 fois. Tu nous fais passer pour quoi là! T’es complètement à la masse !

Dominique :   Excuse-moi ! C’est le stress, je mélange tout !

Serge :            Mouais, je vois ça. Bon on va refaire l’entrée. Non parce que la première impression est super importante ! Bougez pas, on revient !

Charles :         Ne sachant que faire. Euh… Faites… faites…

Ils ressortent. Le directeur de la banque reste stoïque au milieu de son salon.

Dominique :   enjoué. Re bonjour ! Sérieux, c’est un hold up ! (prononciation à la française) Si vous coopérez, nous ne vous ferons aucun mal. Attention, il est chargé et je sais viser ! Un temps, puis se détend. C’était bien hein ? Avec un sourire bête.

Serge :            Parfait, on dirait presque qu’on l’a répété dehors y a cinq minutes !

Dominique :   dansant. Yes ! J’ai réussi, j’ai réussi !

Serge :            secouant la tête. Bon, je prends le relai, on ne va pas y arriver sinon ! Monsieur, comme vous l’avez constaté, nous venons pour vous dévaliser.

Charles :         J’avais cru comprendre… même si ce n’est pas évident… Bredouille. Votre collègue n’est pas facile à suivre… Euh… et vous êtes ?

Dominique :   Alors moi, c’est Dominique et lui/elle, Serge/Lionelle…

Serge :            Chuuuut ! Non mais dis-lui d’où on vient pendant que t’y es !

Dominique :   Ah pardon, on vient des Molards sur le Brassus.

Charles :         Des Molards sur le Brassus… ?

Dominique :   Ouais, c’est à la Vallée de Joux. Joli, mais perdu. On est…

Serge :            …pressé d’en venir au fait ! Foudroie Dominique du regard. Voilà comment ça va se passer…

Ariane :          off. Charles, que se passe-t-il ? J’entends des voix… Entrée de la femme du banquier, portant des bijoux en or et la tête couverte de bigoudis. Ah mais tu n’es pas seul !

Charles :         Visiblement pas… Tu es très perspicace !

Ariane :          elle se dirige vers Serge/Lionelle. Mais nous n’avons pas été présentés. Je suis Ariane Crésus. Elle lui tend la main pour un baisemain, il la lui serre énergiquement. /Elle lui tend la main pour qu’elle la lui serre et elle la regarde, surprise de sa réaction.

Serge :            agacé/e. Bonjour, bonjour ! Madame, comme je l’expliquais à votre mari, nous venons pour…

Ariane :          Charles, tu n’as aucun savoir-vivre enfin ! Fais asseoir tes invités ! Est-ce qu’un café vous ferait plaisir, je viens d’en recevoir de Colombie, vous m’en direz des nouvelles !

Dominique :   Oh ben c’est pas de refus. C’est dur de tenir debout au milieu de la nuit. D’autant plus qu’on a une heure de route derrière nous.

Ariane :          Oh comme vous devez être fatigués ! Venez vous installer confortablement sur le canapé, nous venons de le changer, vous verrez, il est moelleux à souhait ! Et sentez ces coussins… ils sont en plumes d’oies bio !

Charles :         les séparant. M’enfin Ariane, ça ne va pas ? Tu es réveillée en pleine nuit parce que tu entends des voix, tu viens voir et aperçois deux étrangers armés dans le salon et tout ce qui te vient à l’esprit, c’est de leur faire du café ?!

Ariane :          Oh Charles, tu n’as aucune fantaisie ! Et ce n’est pas ma faute si tu donnes rendez-vous à tes amis à cette heure-ci ! Je tâche d’être une bonne maîtresse de maison… à défaut d’être une maîtresse tout court…

Charles :         agacé. Mais ce ne sont pas mes amis voyons ! Ces gens sont des cambrioleurs ! Ils sont venus nous voler.

Serge :            Merci, ça fait une heure que j’essaie de le dire !

Ariane :          Oh que c’est excitant…

Charles :         Ariane, je crois que tu ne te rends pas bien compte de la situation !

Ariane :          C’est toi qui ne t’en rends pas compte ! Tu devrais être flatté… des cambrioleurs qui se déplacent chez toi au milieu de la nuit, cela signifie que ta banque est digne d’être braquée ! C’est un grand compliment. À Dominique et Serge/Lionelle. Et vous faites ça depuis longtemps ?

Dominique :   Ben Serge/Lionelle, il/elle fait ça depuis longtemps, mais moi, je suis en plein apprentissage. Aujourd’hui, c’est mon premier essai sur le terrain. J’espère que ça va marcher et que j’obtiendrai mon CAC.

Ariane :          Votre ?

Dominique :   Mon CAC, Certificat d’aptitude au cambriolage.

Ariane :          Ah ?

Serge :            Bon, trêve de bavardages. On a du boulot. Madame et Monsieur, nous allons rester avec vous, jusqu’au petit matin et nous irons ensemble…

Junior :           off Maman ? Y a quelqu’un ?

Serge              Oh, mais c’est pas vrai…

Entrée du fils dans le salon. Look très ressemblant au père. Pyjama identique, mais cheveux plus long, un peu négligé.

ACTE I – Scène 2

Junior :           Mais heu... hein ? Oh merde, je rêve encore… bon, je vais me recoucher…

Serge/Lionelle le bloque et l’invite à s’asseoir sur le canapé.

Junior :           Quoi ? Mais lâchez-moi… Oh non, on est en train de se faire braquer ?

Charles :         Au moins toi, tu ne tiens pas de ta mère !

Serge :                        Comme j’essayais de le dire, pour la millième fois : à 6 heures nous irons ensemble à la banque, une heure avant l’ouverture officielle et vous ouvrirez le coffre. Mon collègue restera ici avec votre femme et votre fils et n’hésitera pas à faire feu si les choses dérapent à cause de vous. Ensuite…

Charles :         Ah mais…

Serge :            Laissez-moi finir ! Ensuite, nous reviendrons ici et vous retrouverez votre petite vie de banquier bien rangée. Ça vous va comme ça ?

Charles :         Je peux parler ? Le code fonctionne avec signature ADN, scan rét…

Serge :            Signature ADN ? Vous voulez dire « empreinte digitale » ?

Charles :         Non non, signature ADN… il faut cracher dans un bocal…

Dominique :   Wah eh… trop dégueu !

Charles :         Je disais donc : signature ADN, scan rétinien, empreinte digitale et commande vocale de TOUTE ma famille. Ma femme et mon fils doivent aussi venir.

Serge :            Ha ha ! Elle est bien bonne… Et ils viennent tous les jours avec vous pour l’ouverture ? Vous me prenez pour un/e con/nne ou bien ? Je le saurais…

Charles :         Ah oui et comment le sauriez-vous donc ?

Serge :            Heu… enfin je veux dire que… « Ça se saurait » si vous deviez vous déplacer chaque matin avec toute la smala !

Charles :         Non, mais c’est lorsqu’on veut ouvrir le coffre en dehors des horaires, c’est une sécurité en cas de plans foireux… comme le vôtre…

Dominique :   Tu peux m’expliquer, j’ai pas compris…

Serge :            lève les yeux au ciel. Monsieur le directeur ici présent a programmé son coffre avec un code.

Dominique :   hoche lentement la tête Ok…

Serge :            Et ce code spécial fonctionne avec l’identification de toute la famille.

Dominique :   hoche lentement la tête Ok…

Ariane, Junior et Charles hochent la tête lentement en même temps que Dominique.

Serge :            En temps normal, seul le directeur est nécessaire, mais pour l’ouvrir dans la nuit, il faut les trois.

Dominique :   hoche lentement la tête Ok…

Ariane, Junior et Charles hochent la tête lentement en même temps que Dominique.

Serge :            Arrête de dire tout le temps ok !

Dominique :   hoche lentement la tête Ok…

Serge :            Raaaaa ! Fais mine de lui mettre une baffe.

Dominique :   se protégeant le visage derrière ses bras. Pas taper, pas taper ! Maman a toujours dit que tu n’avais pas le droit de me taper !

Ariane :          Ah, vous êtes deux frères/frère et sœur ? Oh comme c’est attendrissant ! N’est-ce pas Charles ? Une entreprise familiale, comme ta banque.

Dominique :   Bah oui, c’est lui/elle le/a cadet/te pourtant. Mais il/elle a toujours été en avance.

Ariane :          Ça doit être génial d’avoir une activité à partager comme ça. Un peu comme un « hobby » (prononciation du H).

Charles :         Ariane, je ne suis pas sûre que tu réalises vraiment la gravité de la situation…

Ariane :          Oh Charles, arrête de me prendre pour une cruche s’il te plaît ! J’ai très bien compris et je trouve que ce genre de petits imprévus pimente la vie.

Charles :         Ces « petits » imprévus… il lève les yeux au ciel.

Junior :           Bon, heu… c’est pas que je m’ennuie, mais on fait quoi jusqu’à 6 plombes du mat’ ?

Ariane :          Rhô et si je faisais le petit déjeuner ? Je fais les œufs brouillés au fromage comme personne.

Dominique :   Mmmmh, j’en ai l’eau à la bouche.

Ariane :          Allez, venez m’aider. Oh, comme c’est excitant !

Serge :            Ben on n’est pas sorti de l’auberge… il/elle se laisse tomber sur un fauteuil.

Ariane et Dominique sortent en direction de la cuisine.

ACTE I – Scène 3

Charles :         Ah non, je dirais même qu’on vient d’y entrer… On peut dire que vous choisissez votre jour vous ! Juste quand je dois rencontrer de futurs associés et signer un contrat d’une importance capitale ! J’ai besoin de leur aide pour faire le poids contre ces énormes banques qui bouffent tout le marché. S’ils apprennent que je me suis fait dévaliser cette nuit, plus aucun d’eux ne voudra marcher dans la combine, c’est clair… En plus, mon fils a son examen final aujourd’hui. Il termine ses études pour me succéder à la tête de l’entreprise familiale. C’est un jeune homme brillant, qui ira loin…

A  ce moment, Junior se cure le nez avec son doigt. Lorsqu’il comprend qu’on parle de lui, il cesse, gêné.

Junior :           Oui, bon ça va…

Charles :         Si, si, j’insiste. Il a grand potentiel et deviendra quelqu’un.

Junior :           Papa…

Charles :         Ne soit pas si modeste ! Je suis fier de toi, fils.

Junior va pour parler, puis se ravise. Cela ne sert à rien, de toute évidence.

Charles :         Ah, l’avenir des Crésus est tout tracé ! Notez notre nom, c’est dire si nous étions prédestinés à être riches. Quand la vie veut quelque chose, rien ne sert de lutter. N’est-ce pas fiston ?

Junior :           Oui papa…

Serge :            Effectivement, comme on dit chez moi, faut être né à la Vallée pour y rester… Résultat des courses, à force de bassiner les enfants avec cette expression, y en a pas un seul qui part et les gens finissent par se marier entre eux… Y a qu’à regarder la tronche de mon frère pour se faire une idée des répercussions… La cambriole, avec Dom, c’est carrément plus dur ! Il a du mal à se concentrer. Quand il s’entraînait à dévaliser des épiceries, il oubliait ce qu’il devait faire dès qu’il apercevait les glaces et ressortait m’apporter une fusée… qu’il avait payée ! Pourtant, je lui avais répété des dizaines de fois que le voleur ne paie pas !

Charles :         Effectivement… et ce soir, il a l’air au sommet de sa forme ! Sur ce, excusez-moi, mais il faut que j’aille aux toilettes.

Serge/Lionelle se lève vivement pour aller lui bloquer le passage.

Serge :            Je vous accompagne.

Charles :         Plaît-il ?

Serge :            Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous laisser la possibilité d’aller prévenir la police depuis les WC, non ?

Charles :         A moins qu’on ait trouvé une technique pour parler aux policiers directement à travers la cuvette des toilettes, je ne vois pas comment je m’y prendrais.

Junior :           Essaie de gueuler « aux chiottes les flics »…

Charles :         ne relevant pas. Mon téléphone portable est ici au salon, tout comme le fixe.

Serge :            Pas de discussion, je vous suis ! Junior, à la cuisine avec Dominique !

Junior :           sans grand enthousiasme. Bonjour la Gestapo…

Junior sort par la porte de la cuisine, Serge l’observe. Puis lui et Charles sortent également en direction des toilettes. Cinq secondes de silence. Junior revient discrètement en s’assurant que la voie soit libre. Il s’avance jusqu’au milieu du salon et sort son téléphone portable de la poche de son pyjama, il compose un numéro et attend que son correspondant réponde.

ACTE I – Scène 4

Junior :           Hello, c’est moi. Ouais, désolé de t’appeler au milieu de la nuit, mais là, y a urgence… je ne vais pas pouvoir venir tout à l’heure. Non, je sais. Oui, oui, je sais ! Mais c’est trop long à t’expliquer, là, j’ai vraiment pas le choix. (…) Tu ne crois pas qu’on pourrait repousser un peu l’heure ? Oui, mais si tu lui expliques. Allez, tu peux bien me rendre ce service non ? Pour info, c’est quand même grâce à moi qu’on a décroché ce rendez-vous. Alors ne fais pas le boulet, ok ? Ouais, t’essayes de repousser un maximum. Normalement le braqu… heu le truc que j’ai aujourd’hui devrait être terminé d’ici 10h. Enfin j’espère.

Charles entre dans le salon.

Junior :           Non, mais oublie, je te dis que je ne peux pas t’en parler… Bon, oui, c’est ça. C’est à cause de mon père que je ne peux pas venir, il ne comprendrait jamais. Lui en parler ? Ah, tu plaisantes ?! C’est tout juste s’il a accepté l’idée que les femmes aient le droit de vote… alors imaginer que deux hommes puissent faire ça ensemble… et surtout son fils…

Mimique de Charles, Junior l’aperçoit.

Junior :                       bégayant Ha heu, non non très cher ami, non, cela ne conviendrait aucunement à la conjoncture économique actuelle et d’ailleurs, une OPA serait largement préférable à un démantèlement partiel ou total de la société. C’est ça, on verra tout ça au « team meeting » (prononciation anglaise). Allez, bye !

Charles :         méfiant A qui parlais-tu ?

Junior :                       A un a… un collègue… on a un projet d’examen ensemble. Il est vraiment incroyable, c’est un véritable leader, un fonceur. C’est un peu bizarre de l’appeler au milieu de la nuit… hein ? Euh… ben à cause du cambriolage, j’ai peur de ne pas arriver à l’heure à le… à l’examen… alors je voulais le prévenir… tu vois ?

Charles :         Mmmmh… Et ça fait longtemps que tu le connais ?

Junior :                       Oh oui, depuis 3 ans, depuis le début de l’uni. On a fait des tas d’expériences ensemble ! On a essayé plein de choses. Et puis il est fantastique. C’est vraiment quelqu’un de très gai, tu sais. Mais pas du tout dispersé, ce qui l’intéresse, c’est les « MEC ».

Charles :         tout rouge Pardon ?

Junior :           Ben oui… les MEC. Voyant les yeux exorbités de son père, il comprend le malentendu. Enfin… euh, les MEC, c’est un acronyme dans notre jargon universitaire : Mécanismes économiques concrets… Les MEC quoi…

Charles va pour poser une autre question, toujours très méfiant, mais Serge/Lionelle entre en se séchant les mains sur son pantalon.

Serge :                        Bon, désolé/e, mais là, il fallait vraiment que j’y aille aussi. J’espère que vous n’avez pas été déraisonnable pendant ce temps.

Charles :         dépité en regardant Junior en train de se recoiffer dans le miroir du salon, il a tout d’un coup une posture très gay. Croyez-le ou non, mais j’ai visiblement un problème encore plus gros que votre cambriolage à régler…

Entrent Ariane et Dominique, chacun tenant la poignée d’un énorme plateau recouvert de nourriture.

ACTE I – Scène 5

Ariane :          Voilà, voilà, c’est prêt !

Charles :         Mais vous avez dévalisé le frigo !

Dominique :   Ben il fallait bien commencer par quelque part hein ? Et il était nettement moins compliqué à ouvrir que votre coffre, hé hé hé ! Les autres le regardent.

Ariane :          Dominique m’a dit que de manger autant de choses différentes sans les payer, ça lui donnait l’impression d’être un vrai voleur. Je n’ai pas pu résister, j’ai tout ouvert pour qu’il ait un maximum de points à son « CAC ». Oh, que c’est excitant !

Charles :         Je t’en prie, Ariane, veux-tu bien arrêter de tout trouver excitant s’il te plaît ?

Ariane :          Ah, mais je ne trouve pas « tout » excitant, rassure-toi… dit-elle en le regardant de haut en bas. Mais quand on compare nos éternels plateaux télé avec un cambriolage, mon pauvre ami, tu ne fais pas le poids. Depuis combien de temps ne m’as-tu pas emmenée quelque part ?

Charles :         Je t’ai dit que j’avais beaucoup de travail ces temps. Avec la fusion, c’est à peine si j’ai le temps de dormir… Tu n’as qu’à aller au restaurant avec tes copines. Moi, elles me sortent par les yeux de toutes manières.

Ariane :          Pour qu’elles me disent toutes que leur mari les couvrent de visons ? Merci bien…

Charles :         Si tu recommences à me casser les pieds avec ta Caroline qui reçoit une fourrure tous les mois, je file au jardin assommer le renard et je t’en fais une toque ! Comme ça, ce sera ton sur ton… sourire mauvais.

Dominique vient de donner son pistolet à Junior, assis à côté de lui à table. Junior saisit l’occasion pour pointer le pistolet sur Dominique en s’exclamant « Ah ah ! », mais avant de pouvoir faire quoi que ce soir, Serge/Lionelle lui l’arrache des mains.

Ariane :          Mais c’est vrai, sais-tu au moins depuis quand tu ne m’as rien offert ?

Junior :           Et c’est parti… J’espère que vous n’êtes pas pressés. Parce que quand elle commence avec les « depuis quand ? », elle en a pour un moment… soupir.

Dominique :   l’air niais. Alors, depuis quand ?

Charles :         Vous, mêlez-vous de ce qui vous regarde !

Ariane :          Bon, je vous propose de manger les œufs, avant qu’ils ne refroidissent complètement.

Charles :         Oui, ce serait dommage… tu les réussis tellement bien d’habitude !

Ariane :          le foudroyant du regard. Et ça paie bien ça, voleur ?

 Serge :           Ben c’est un métier d’indépendant, donc y a des mois avec et des mois sans. L’avantage, c’est qu’on n’a pas à faire de facturation. Il/elle rit de sa blague. Hum… l’embêtant, c’est quand on tombe sur de mauvais contribuables.

Junior :           C’est quoi ça ?

Dominique :   C’est des gens qui ne paient pas leurs impôts.

Serge :            Tu veux bien arrêter de dire des conneries ? C’est des gens qui vivent au-dessus de leurs moyens. Alors en apparence, ils ont l’air pété de tunes, on a l’impression qu’on va réussir à pêcher un gros poisson et en réalité nada ! On n’a que les arrêtes… et encore… C’est des gâche-métier ça !

Junior :           Mais, vous faites quoi ?

Dominique :   Ben je mange un yogourt.

Junior :           C’est pas un yogourt, c’est de la mayonnaise…

Dominique :   Ah oui, je me disais aussi que je ne connaissais pas ce parfum. Il continue à manger.

Junior :           Hé ben… ses papilles ont l’air aussi alerte que son cerveau…

Ariane :          C’est tout de même agréable un petit déjeuner en famille.

Dominique :   Oh, vous nous considérez déjà comme de la famille ? Alors c’est bien vrai que les valaisans sont très chaleureux !

Junior :           Génial… j’ai toujours rêvé d’avoir deux frangins/une frangine et un frangin… à moitié consanguins…

Serge/Lionnelle se dirige en courant la main levée en l’air en direction de Junior pour réagir à sa remarque.

Junior/Dom. :            se protégeant le visage Pas taper, pas taper !

Charles :         Ariane, tu es toujours obligée de tomber dans l’excès…

Ariane :          ça vaut mieux que le contraire… Je n’accuse personne, suivez-mon regard.

Charles :         Oh ça va, hein ?!

Ariane :          C’est vrai Charles, plus tu as et moins tu donnes.

Charles :         Alors là, c’est le comble ! Comme si tu manquais de quelque chose. Tu n’as pas tout ce qu’il te faut, tu n’es pas gâtée ?

Ariane :          Ah c’est vrai, pour ce qui est de l’électroménager, je suis une petite reine. J’ai déjà la couronne d’ailleurs, dit-elle en montrant sa coiffe de bigoudis.

Serge :            Arrêtez, ça suffit ! Vous me cassez les burnes !

Dominique :   (Si c’est une femme qui fait le rôle de Lionelle) Ben… t’en as pas !

 Serge :           Je comptais attendre une heure avant l’ouverture officielle de la banque pour y aller, afin que ça paraisse moins suspect, mais vous me les brisez tellement qu’on va y aller maintenant. Plus vite on est parti et moins longtemps j’aurai à vous supporter.

Ariane :          Tout-à-fait d’accord avec vous !

Serge :            Je m’adressais à vous aussi ! Non mais, vous n’avez jamais pensé à consulter ? Les thérapies de couple ça existe.

Junior :           Au point où on en est, c’est moi qui en aurais besoin d’une… de thérapie…

Ariane :          Alors laissez-moi juste aller faire pipi…

Charles :         Et moi je vais vite m’habiller…

Serge :            les coupant, fort. Stop ! Prenez-vos manteaux les richtos ! On s’arrache ! Dominique, lâche-ça, c’est du ketchup et lève-toi. On a du pain sur la planche !

Dominique :   Du pain ? Où ça ?

NOIR

ACTE I – Scène 6

Pleins feux sur un guichet de banque à cour, la scène est séparée en deux par une paroi. A jardin, on voit un bureau, celui du directeur. Tout est bleu et vert, avec le logo de la banque. Grosse plante verte dans un coin, deux chaises pour que les clients attendent. On entend des pas à cour. On s’attend à voir débarquer la famille du directeur et les cambrioleurs, mais apparaît une femme d’environ 35 ans, vieille mode, les cheveux blonds-paille, raie au milieu, une barrette passée de mode, jupe à carreaux jusque sous les genoux, collants beiges opaques, fard à paupières vert sur les yeux. Elle jette des coups d’œil furtifs dans tous les coins pour s’assurer qu’il n’y ait personne. Elle avance lentement, son parapluie sur le bras.

 

Trudi :             zozotant Ouf, c’est bon, la voie est libre ! Elle enlève son trench coat grisâtre et le pose sur une chaise. Non parce… faut le faire quand même de venir ici au milieu de la nuit… c’est pas comme si j’aimais mon travail à ce point-là ! Y en a quand même qui ont des fantasmes assez bizarres. Non, mais il faut que je vous explique. J’ai rencontré Giuseppe74 sur www.donnemoitamainetprendslamienne.com. Ça a l’air d’être un homme très bien, bonne famille, situation stable et tout et tout. Alors que j’étais en train de lui faire la liste des perruches de ma tante par ordre d’ancienneté sur le « chat » (prononciation « chatte »), il me dit : « Et si on se rencontrait » ? (accent style mexicain, voix grave). Là, je devine hein, l’accent qu’il a… je ne l’ai jamais entendu, mais s’il s’appelle Giuseppe, il doit forcément avoir un petit accent quand même. Et là, heureusement que je n’avais pas branché la « webcam » (prononciation « vèbecam »), parce que je suis devenue rouge, mais rouge ! Sérieusement, un homard aurait eu l’air pâlichon à côté… Donc je prends mon courage à deux mains, mon clavier, ma souris et je lui dis « oui ». Après, j’ai un peu regretté de l’avoir écrit en majuscule, avec 16 points d’exclamation… bref ! Après que je lui aie dit où je travaillais, je lui demande où est-ce qu’il aimerait qu’on se donne rendez-vous et il me répond : « Sur ton lieu de ton trrrravail, en plein milieu de la nouit ». Même si l’idée m’a parue un peu bizarre, je ne peux pas dire que ça m’ait déplu… ça m’a même… hum hum… titillée… ! Elle rougit, gênée.

Et en plus… ça a l’air d’être un sacré fripon… parce qu’il m’a demandé d’installer des caméras ! Alors avant-hier, j’ai attendu que tous mes collègues soient occupés et je suis allée les mettre en place. Il en voulait aussi une dans le coffre… alors je l’ai installée aussi, mais je ne lui ai pas dit… la nuit, je ne peux pas l’ouvrir, moi, le coffre… Donc voilà… j’espère qu’il ne sera pas en retard, parce…

 

Elle est interrompue par des bruits de pas. Elle rajuste sa tenue, pensant que c’est Giuseppe qui va arriver. Quand elle entend des voix, elle réalise qu’il y a plusieurs personnes et que peut-être, ce n’est pas son bien aimé. Elle cherche vite un endroit pour se cacher et aperçoit la plante verte, suffisamment grande pour la dissimuler. Elle court se glisser derrière les feuilles et oublie son trench coat sur la chaise.

Le directeur apparaît, poussé par Serge/Lionelle et suivi par sa femme et son fils.

ACTE I – Scène 7

Serge :            C’est bien, je constate que vous ne m’avez pas désobéi et que vous n’avez prévenu personne. Bon point pour vous !

Charles:           Mais tout le plaisir est pour moi…

Serge/Lionelle voit le trench coat sur la chaise et se précipite pour le prendre. Une fois qu’il/elle l’a dans les mains, il/elle se rend compte que son comportement est louche et que les autres le/a regardent.

Serge :            Hum… j’aime bien… ramener des trophées de mes casses… hum… Bon, maintenant, à la salle des coffres. Dominique ?

Junior:            Il s’est arrêté dans le vestibule pour s’acheter à boire. Il a dit que les œufs brouillés lui avaient donné des brûlures d’estomac.

Charles :          Ah pour une fois que ce n’est pas moi qui dit que la cuisine d’Ariane est immangeable !

Ariane :           Charles, c’est toi qui me reste sur l’estomac là, tout de suite. Alors arrête d’être imbuvable et rends-toi utile pour changer.

Serge :            Oui, concentrons-nous sur notre objectif : le coffre !

Ils se dirigent vers le fond de la scène, vers une énorme porte grise avec un cadre sur lequel figure une empreinte de main en relief négatif, et un boîtier avec un écran.

Serge :                        Allez, au boulot ! Poussez votre chansonnette.

Ariane :          Bon, moi si ça ne vous dérange pas, je file aux toilettes.

Charles :         Non, tu restes là ! Ouvrons ce satané coffre, tu iras après. Y en a pour deux minutes. Je dois m’identifier en premier, parler et poser ma main sur l’empreinte, ensuite Junior et après, Ariane.

Ariane :          Tsss… misogyne.

Charles :         Tu peux déjà t’estimer heureuse de faire partie de la combinaison ! Je continue : vous devez dire vos nom et prénom. Ensuite, vous mettez votre main là, vous regardez là et vous crachez là. Il désigne l’endroit. Quand le boîtier devient vert, c’est que ça a fonctionné. D’accord ?

 

Junior :           Oui papa, d’accord. En même temps, un singe aveugle et sourd saurait le faire…

Serge :                        Bon, on ne va pas y passer le réveillon ! Allez-y, avant que j'en prenne un pour               taper sur les autres !

 

Charles :         J'y vais. Il s'avance vers le micro et prononce lentement «Crésus Charles». Le boîtier émet un « bip ». Puis il pose sa main sur l'empreinte, regarde dans le trou, crache dans le bocal et une lumière verte clignote trois fois. Il se tourne vers Junior. A toi, fils.

 

Junior :           « Junior Crésus », Le coffre fait « Biiinnnnp » !

 

Charles :          Non, nom et prénom !

 

Junior :           « Crésus, Crésus Junior » « Biiiinnnp » !

 

Charles :          Non, nom et prénom !

 

Junior :           Ben oui, tu m'as dit deux fois nom et prénom.

 

Charles :          Non ! Prononce les mots de manière détachée. Nom et prénom. Name und Vorname !

 

Junior :           Euh....

 

Charles :          On va faire plus simple : comment tu t'appelles ?

 

Junior :           Crésus Junior « biiip »

 

Charles :          Voilà, la suite maintenant.

 

Junior s’exécute.

 

Charles :          à Ariane. A toi…

 

Ariane :           «Crésus Ariane». Elle pose sa main sur l'empreinte, regarde dans le trou et essaie de cracher dans le bocal. Peuh ! « Biiiiinnnp »

 

Serge :            C'était quoi ça ?

 

Ariane :           Ben... j'ai craché...

 

Serge :            Mais c'est pas cracher ça !

 

Ariane :           Bon, excusez-moi, mais je n'ai pas l'habitude. Une femme, ça ne crache pas !

 

Serge :            Ben là, va falloir y arriver ma p’tite dame.

 

Ariane recommence de la même manière.

 

Serge :            Super, on est encore là demain ! Un temps. Réfléchissez, vous faites comment, quand vous vous brossez les dents ?

 

Ariane :           Ah, mais quand je me brosse les dents, ça n’est pas pareil. Déjà y a pas de public… enfin, c’est pas pareil ! Elle recommence, sans y arriver.

 

Junior :           exaspéré. Mais non maman, comme ça. Il crache.

 

Charles :          Noooon !

 

La machine émet un gros « biiiinp » et une voix électronique dit : « Identification invalide. Veuillez répondre chacun à votre question secrète. »

 

Serge :            Super... Et ça se passe comment ?

 

Charles :          La machine nous pose la question secrète pour laquelle on a enregistré une réponse et on doit y répondre à haute voix.

 

Ariane :           A haute voix ? Ah bon ? Euh… je… je croyais qu'on devait les taper sur le clavier moi…

 

Charles :          Non non, c'est pour la reconnaissance vocale.

 

Ariane :           Ah oui... vocale...

 

Machine :       Crésus Charles : Quel est le plus beau jour de votre vie ?

 

Charles :          Le jour où j'ai eu mon premier million.

 

Machine :       Correct.

 

A./J. :              C'est agréable...

 

Charles :          Ben quoi ? C'est grâce à ça que vous avez une vie parfaite non ? !

 

Machine :       Crésus Junior : Quel est votre plus grand rêve ?

 

Junior :           ostensiblement dépité. Devenir banquier...

 

Charles :          Ah, c'est bien mon fils !

 

Machine :       Correct. Un temps. Crésus Ariane... un temps

 

Ariane :           gênée Non, mais moi, il n'y a pas besoin.

 

Charles :          Chuuuut !

 

Machine :       Que prenez-vous toujours dans le bain ? TOUJOURS ?

 

Ariane rougis et chuchote quelque chose d'incompréhensible.

 

Machine :       Plus fort.

 

Ariane rechuchote un peu plus fort.

 

Machine :       Encore plus fort.

 

Ariane :           Mon canard vibrant !

 

Tous la regardent choqués.

 

Junior :           Merci pour l’image que j’ai dans la tête maintenant…

 

Machine :       Correct. Ouverture du coffre.

 

Serge :            Ben au moins une chose de bien que vous faites en famille !

 

Charles :          à Ariane. Intéressant !

 

Ariane :           Charles, arrête s’il te plaît ! Il n’y a rien d’intéressant dans le fait que je t’aie remplacé par un canard en plastique !

 

Serge :            On continuera le débat sur les sex toys plus tard… On organisera même une soirée Fuckerwear mercredi prochain, mais en attendant, on y va ! Après vous...

 

Charles est sur le point d'entrer, mais se retourne le doigt levé.

 

Charles :          J'ai oublié de vous prévenir, surtout ne fermez pas la porte. Il n'y a aucun moyen de l'ouvrir depuis l'intérieur. Et depuis l’extérieur sans nos trois voix, etc… impossible !

 

Serge :             en jetant un coup d’œil discret à Junior. Bon à savoir…

 

Junior hausse les épaules. Charles entre, suivi de Junior, d'Ariane et de Serge/Lionelle qui prend une chaise pour bloquer la porte, puis disparaît.

 

Charles :          off Alors allez-y, servez-vous... c’est journée portes ouvertes !

 

Serge :            off Oh vous, ça va hein ! De toutes manières, c'est les assureurs qui auront à casquer. Bien fait pour eux, bande de vampires…

 

Junior :           off Et vous allez faire quoi de tout cet argent ?

 

Serge :            off Un Monopoly géant !

 

On les entend parler en off et entre Dominique, une bouteille de Coca à la main.

 

Dominique :   Pfff... Ça va un peu mieux, mais vraiment, je sais pas si c'est le sixième ou le septième croissant, mais là, j'ai quelque chose qui me reste sur l'estomac. Ou alors le mélange du fromage et de la confiture. C'est vrai que j'ai peut-être un peu abusé avec le deuxième pot de mayonnaise... mais bon, déjà petit, on m'appelait « Ochsner»...  J'ai jamais aimé ça, j’aurais préféré « Monsieur Poubelle » ! Mon problème, c'est que quand ça me tombe dessus comme ça, ça me coupe complètement les jambes. Le mieux, c'est que je m'assoie un moment.

Serge :            passe la tête discrètement par la porte. Dominique ! tapote sur la chaise qui maintient la porte ouverte.

 

Dominique :   Ah, merci !

 

Il se dirige vers la porte et enlève la chaise qui la bloque. On voit la porte se refermer lentement et on entend alors crier à l'intérieur du coffre.

 

Les quatre :    Noooooonnnn !

 

Charles :          Il ne faut pas qu'elle se referme ! Bruits de pas.

 

Dominique saute en direction de la porte, mais arrive juste après un grand « blam ! ». La porte est verrouillée.

 

Dominique :   regarde en direction du public, une moue dépitée. Oups... ça va mailler…

 

NOIR

 

ACTE I – Scène 8

Lumière sur le plateau, à jardin le coffre de la banque, une paroi, puis le vestibule à cour. On comprend que la porte du coffre sépare les deux espaces. La plante verte est maintenant en avant-scène et Trudi se retrouve face public. Dominique tourne en rond. Lumière plus forte sur jardin et faible sur cour. Charles a tenté de maintenir la porte ouverte et du coup, le haut de son pyjama est resté coincé dedans. Il est donc plaqué contre la paroi du coffre et ne peut pas bouger.

 

Charles :          Non, mais c'est pas vrai ! Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?

 

Ariane :           Ah, ça c’est facile ! J’ai des tas d’exemples !

 

Charles :          Oh toi, au lieu de te foutre de moi, tu n’aurais pas pu me tromper plutôt, non ?

 

Ariane :           Mais... pourquoi ?

 

Charles :          Ben pour que j’aie au moins la moitié du bol d’un cocu ! Merde, mon pyjama est coincé dans la porte !

 

Junior :           Bon papa, zen ! Ça sert à rien de te faire péter une durite maintenant. Si ça se trouve, la porte est à peine crochée et si on pousse tous dessus, on arrivera à l’ouvrir et à te dégager. Allez, un… deux…

 

Ils s'exécutent. Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin.

 

Dominique :   Oh non, mais j’ai encore rien compris… oh je suis désolé, vraiment... pfff... oh là là... je sers à rien moi... faut être con pour être con comme je suis con !

 

Trudi :             Mais non, dites pas ça !

 

Dominque :    en la voyant sortir de nulle part. Aaaaaaah !

 

Trudi :             Aaaaah ! Mais arrêtez, vous m'avez fait peur !

 

Dominique :   Mais non, c'est vous qui sortez de nulle part comme ça ! Z'êtes pas un peu                    malade ? Heureusement que je ne suis pas cardiaque !

 

Trudi :             pathétique. Ah, parce que rien que de me voir, ça fait battre votre cœur plus                  vite ? Hi hi hi

 

Dominique :   Mais vous êtes qui ? Et vous faites quoi là ?

 

Trudi :             Ben en fait... oh j'ai un peu honte quand même... bon, allez, à vous, je peux                   bien vous le dire. J'ai un rendez-vous avec mon petit ami. Rire niais. Je l'ai                  rencontré sur le site www.donnemoitamainetprendslamienne.com!

 

Dominique :   Oh oui, je connais ce site ! J'y vais souvent. C'est sympa, y a même des groupes qui sont faits pour que les gens qui aiment les mêmes choses s’y retrouvent. Et j’ai fait un concours « online » (prononciation française) de celui qui réussirait à mettre le plus de raviolis chinois d’un coup dans sa bouche ! Hé hé hé, j’ai gagné ! J’en ai mis 37 !

 

Trudi :             C'est fabuleux ça ! Mais avec ce site, on est parfois déçu... moue attristée.

 

Dominique :   Pourquoi vous dites ça ?

 

Trudi :             Parce que ça arrive de nouer des liens avec quelqu'un qu'on croit vraiment                    être spécial et dès le moment où je propose une rencontre, plus rien... Je n’ai             pourtant jamais envoyé ma photo à personne... air bête.

 

Dominique :   Vous savez, c'est peut-être que la personne a eu le trac... et qu'elle s'est dit

que si vous la voyiez en vrai, je veux dire physiquement... hé ben ça changerait pas mal...

 

Trudi :             C'est justement pour pallier à ce genre d’apriori que mon pseudo est                              « beauté_intérieure3000 » !

 

Dominique :   Ben faut croire que ce n'était pas suffisant...

 

Trudi :             Oh, à propos de mon rendez-vous avec mon bel hidalgo... qui sent bon le sable              chaud... hi hi hi Il faut que je lui dise que c'est annulé. Je ne peux pas le faire              venir ici, maintenant, alors qu'il y a le directeur et toute sa famille.

 

Dominique :   Oui, c'est vrai que c'est un peu tôt pour le présenter directement à toute la                    famille !

 

Trudi :             Rit en ronflant. Hi hi hi, vous êtes drôle !

 

Dominique :   ne comprenant pas pourquoi. Ah… merci… Mais attendez... vous ne l'avez jamais vu ?

 

Trudi :             Non.

 

Dominique :   Et il vous a donné rendez-vous toute seule dans la banque au milieu de la nuit ?

 

Trudi :             Oui.

 

Dominique :   Dans une banque ?

 

Trudi :             Oui.

 

Dominique :   Alors que vous êtes toute seule ?

 

Trudi :             Oui.

 

Dominique :   Au milieu de la nuit ?

 

Trudi :             Oui.

 

Dominique :   Et vous n'avez pas trouvé ça louche ?

 

Trudi :             Ben, pourquoi ?

 

Dominique :   l’air très bête. Je sais pas… y a rien à manger ici…

 

Trudi :                         rougit. Oh, on n’aurait pas forcément mangé, vous savez… hi hi hi... Elle sort son téléphone portable et se met à composer sur le clavier.

 

Lumière plus forte sur jardin et plus faible sur cour.

 

ACTE I – Scène 9

Charles :          Bon, ça suffit, ça ne sert à rien ! C'était évident. Une porte Secure X22 37 toute neuve... résistant à un tremblement de terre de 7 sur l'échelle de Richter... nous quatre en train de la pousser...

 

Serge :            Autant pisser dans un violon...

 

Charles :          Même une contrebasse oui !

 

Serge/Lionelle sort son portable de sa poche et consulte l’écran. Il/elle pianote rapidement sur le clavier.

 

Junior :           Oh non… ça pue ça ! On va devoir attendre que les employés arrivent pour ouvrir le coffre et le temps de tout leur expliquer… pfff… je ne vais jamais être à l’heure à mon rendez-vous…

 

Charles :          Oh ben tu rateras pas grand-chose, va !

 

Ariane :           Comment ? Mais tu parles de ses examens à l’université là…

 

Charles :          Mais bien sûr… et fais semblant de ne rien savoir en plus toi ! J’aurais dû le voir… j’aurais dû  comprendre qu’il n’était pas… normal.

 

A./J. :              Quoi ?

 

Charles :          Arrête ton petit jeu, tu veux ? Je sais très bien ce que tu allais faire ce matin… et dire que ça me déplaît, c’est le paroxysme de l’euphémisme… c’est…

 

Junior :           Mais, mais comment tu l’as su ? J’avais pourtant tout fait pour que…

 

Charles :          Quoi qu’il en soit, saches que tu me déçois Junior. Tu me déçois énormément.

 

Ariane :           Charles, s’il te plaît arrête ! C’est ton fils et…

 

Charles :          la coupant. Ça, c’est discutable !

 

Serge :            Non, mais ça va pas de dire des choses pareilles ?

 

Charles :          Oh vous, mêlez-vous de ce qui vous regarde ! Vous ne savez même pas ce qu’il a fait !

 

Serge :            fort. Mais peu importe ! Nom de Dieu ! Même s’il avait commis les pires atrocités, ce serait encore votre fils ! Vous avez un cœur de pierre ou quoi ?

 

Charles :          Je suis un homme, moi. On ne m’a pas appris à faire de chichi et à m’apitoyer sur mon sort, moi !

 

Ariane :           Et qu’est-ce que tu attends pour ça, un Oscar ?

 

Charles :          à Ariane. Oh toi, hein ! A Serge/Lionelle. Je m’attends juste à ce que mon fils rentre dans le rang. La vie n’est pas une partie de plaisir, il y a des pièges à chaque étape, personne ne vous fait de cadeau !

 

Serge :            Vous pensez que c’est à moi que vous allez l’apprendre ?

 

Charles :          Tss… vous ? Vous pensez être un bon exemple, alors que vous vous contentez de voler ce que les autres ont durement gagné à la sueur de leur front ?

 

Serge :            ça n’a pas toujours été comme ça, je vous signale ! Avec Dominique, on a ramé. Et on rame encore. Vous croyez que c’est un choix ? Ce n’est ni plus ni moins une solution de survie… La vie ne nous a pas fait de cadeau à nous non plus !

 

Charles :          Vous m’en direz tant…

 

Serge :            Vous voulez qu’on compte les points, c’est ça ? Alors essayez donc de faire le poids avec un père qui s’est tiré quand il a réalisé que Dominique n’était pas « normal ». Quand il a réalisé qu’il allait avoir besoin de plus d’attention qu’un bibelot qu’on pose sur la cheminée ! J’avais à peine 2 ans et « pft », envolé ! Envolé l’exemple paternel… et envolé avec tout le reste hein ? Plus d’argent, plus rien… et c’est notre mère qui a dû chercher un emploi, avec deux gosses à charge… « Mais non, pardon Madame, vous êtes trop vieille et vous n’avez plus rien à faire sur le marché du travail ! Vous êtes dans la merde ? Ah oui, mais ça… on s’en fout ! »

 

Charles :          Et vous allez me faire croire que c’est parce que votre mère avait dépassé sa date de péremption que vous êtes ici aujourd’hui, dans ma banque ?

 

Serge :            fort. Taisez-vous ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez…

 

ACTE I – Scène 10

Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin.

 

Trudi :             Sonnerie du téléphone de Trudi. Ah c’est bon, il a répondu.

 

Dominique :   Et qu’est-ce qu’il dit ?

 

Trudi :             Il me demande si c’est une excuse et qu’en réalité, je suis trop timide…

 

Dominique :   Wah hé le naze…

 

Trudi :             Puis alors moi, timide ? Hi hi hi, non mais comme si j’avais encore ce luxe-là ! A un moment donné, il faut y aller franco et renoncer à ses principes… non, sinon, je ne suis pas prête de me trouver quelqu’un moi !

 

Dominique :   Oh arrêtez de dire ça…

 

Trudi :             Mais c’est vrai, je passe souvent pour la bobette du coin…

 

Dominique :   Mais non, vous n’êtes pas bobette, vous êtes comme moi. On ne peut pas toujours être à son maximum… Moi, je vous ai tout de suite trouvée sympathique et j’ai remarqué que nous avions plein de points communs !

 

Trudi :             Mais comment pouvez-vous dire ça, vous me connaissez à peine… répondant au message sur son téléphone.

 

Dominique :   Heu… oui…. Mais c’est un sentiment, c’est  comme ça.

 

Trudi :             Oh, vous êtes un chou ! Mais à part ça, on parle toujours de moi, mais vous, qu’est-ce que vous êtes venu faire ici ? Et avec toute la famille du directeur ?

 

Dominique :   Euh… c’est assez compliqué à expliquer… en fait, on faisait un brunch (prononciation à la française) chez eux, avec de la mayonnaise, tout ça… et il… euh… il… a décidé de nous montrer son coffre, tellement il est plus mieux bien que les autres.

 

Trudi :             Ah oui, c’est vrai qu’il est bien ! Et impossible à ouvrir en dehors des horaires d’ouverture de la banque sans le directeur et sa famille, hein ? L’autre jour, j’en suis sortie à 11h59 et ma jupe est restée pincée dans la porte. 12h00 « biiiip », elle s’est verrouillée ! Du coup, j’ai dû attendre la fin de la pause à 14h00 pour pouvoir bouger !

 

Dominique :   Mais il fallait enlever votre jupe !

 

Trudi :             Rhô grand fripon ! Mais ce que vous ne savez pas… chuchote. C’est que je n’avais pas de culotte !

 

Dominique :   Ah non ?

 

Trudi :             Jamais le mercredi, c’est jour de lessive !

 

Dominique :   Hé hé hé…

 

Trudi :             Quoi ?

 

Dominique :   Et on est mercredi … !

 

ACTE I – Scène 11

Lumière plus forte sur jardin et plus faible sur cour.

 

Charles :          Mais alors dites-le moi, de quoi on parle ! Après tout, c’est à cause de vous qu’on est enfermé dans ce satané coffre, alors comme on a le temps, causons ! Qu’est-ce qui a bien pu faire que vous tourniez aussi mal ? De mauvaises fréquentations ? Comme celles que semble avoir mon fils ?

 

Serge :            Un cancer ! Voilà… la « mauvaise fréquentation » qu’on a eue ! Mais ça, on l’a pas choisi… Après que notre mère ait été rongée par le chagrin et que la vie ne lui ait rien épargné jusque-là, il a fallu que ce soit autre chose qui la ronge. Un matin, elle s’est sentie mal alors je l’ai emmenée à l’hôpital. Là, ils ont découvert une tumeur inopérable… trop grosse… seule solution : chimio et tout le bordel. Seulement avec ces saloperies, quand c’est pas le cancer qui vous détruit, c’est le traitement. On l’a vue pleine de tuyaux, on l’a vue vomir ses tripes et souffrir le martyr… et vous savez quoi ? Malgré tout ça, elle arrivait encore à puiser dans le peu de force qui lui restait pour nous regarder… et sourire… Et ce sourire… d’une personne que vous aimez et que vous voyez décliner… ce sourire, il vaut plus que votre putain de coffre et tout son contenu !

 

Ariane :           Oh mon Dieu… et maintenant, votre mère… ?

 

Serge :            Un jour, elle nous a demandé de venir vers elle. Elle n’était plus le quart de la femme qu’elle était avant. Elle nous a dit qu’elle nous avait appris tout ce qu’elle savait et qu’on allait devoir se débrouiller sans elle. Elle ne voulait pas que les frais médicaux continuent à creuser nos dettes et qu’elle veillerait mieux sur nous depuis là-haut. Dans la nuit, elle était partie… Donc voilà notamment ce qui a fait qu’on se retrouve dans cette situation… pas mal secoués. Parce que je peux dire que ce genre d’histoires, ça vous change à l’intérieur. Quand vous avez prié pour qu’un membre de votre famille guérisse du cancer, vous comprenez que plus jamais, vous ne prierez pour gagner au loto…

 

Ariane :           Oh mon/a pauvre ami/e…

 

Junior :           à son père. Ça te la coupe ça, hein ?

 

Charles :          Arrête, je ne pouvais pas savoir…

 

Junior :           le coupant. C’est pour ça que « quand on ne sait pas, on se tait » !

 

Charles :          Et tu vas peut-être me dire que pour toi, « je ne sais pas » ?

 

Junior :           Non, tu ne sais pas ! Et je pense même que tu ne sais RIEN. Tout ce qui t’intéresse, c’est que je reprenne un jour ta banque, mais ça, c’est TON rêve papa, pas le mien.

 

Ariane :           attendrie. Oh mon fils, c’est beau comme tu parles !

 

Serge/Lionelle reçoit un message sur son téléphone (pas de sonnerie), consulte son écran et répond à nouveau.

 

Charles :          Ecoute, je veux bien comprendre que tu sois un peu jeune pour réaliser l’importance de mes affaires et le potentiel de notre entreprise, mais si tu ne me parles pas de tes doutes, je ne peux pas…

 

Junior :           Mais c’est impossible de te parler ! Depuis que je suis gamin, tu as instauré un climat de non-dits dans notre famille. Faut pas parler de ça, faut pas parler de ci, « Junior, change de sujet ! Et quand tu verras ta tante, tu tâcheras de mieux te comporter que la dernière fois… tu m’as fait tellement honte ! »

 

Charles :          Je ne fais que te donner les enseignements que j’ai moi-même reçus de mon père…

 

Junior :           Oh ça va, hein maître Yoda, on n’est pas chez les Jedis, hein! Ces « enseignements » ont tellement bien marché sur toi ! Maman m’a dit un jour que dans ta jeunesse, tu voulais devenir fleuriste…

 

Ariane :           J’aurais peut-être reçu des fleurs plus souvent…

 

Charles :          Oui, j’étais jeune et insouciant. Mais grâce à mon père, je suis rentré dans le rang et j’entends bien faire pareil avec toi ! Pas question que tu continues dans cette voie de débauche !

 

Ariane :           Charles, si c’est pour l’insulter comme ça, tu pourrais au moins avoir la décence de le regarder en face !

 

Charles :          Mais j’aimerais bien t’y voir toi, à tourner la tête comme ça… si je ne finis pas avec un monstrueux torticolis, j’aurais de la chance ! Si seulement j’arrivais à m’extirper de cette chose… Il essaie de se dégager en poussant contre la porte avec ses bras en émettant des gémissements.

 

Ariane :           Mais tu t’y prends n’importe comment Charles ! Il faut que tu te glisses vers le bas.

 

Junior :           chantonnant Il va pas arriver, la brioche va pas passer !

 

Charles :          Et puis je ne vais pas rester à torse nu tout la nuit…

 

Ariane :           Allez, tes poils te tiendront chaud.

 

Junior :           On pourrait te couvrir de billets, comme dans Lucky Luke, le goudron et les plumes…

 

Serge :            Il nous manque le goudron…

 

Charles :          Ah non, j’ai une idée… bon, aidez-moi à me glisser dehors de ce satané pyjama !

 

Ils se mettent à trois pour le sortir du haut de pyjama.

 

Charles :          Ah ! Mes oreilles, attention !

 

Serge :            On fait ce qu’on peut !

 

Charles :          Une fois qu’il a péniblement passé la tête dans le pyjama. Aïe aïe aïe, j’ai des cheveux pris dans une boutonnière, arrêtez de tirer.

 

Ariane :           Mais non, tirez au contraire. Tu avais justement besoin d’une coupe !

 

Serge :            Mon pied ! Vous êtes sur mon pied !

 

Les trois luttent pour extraire Charles du pyjama et y arrivent enfin.

 

Charles :          Ouf, je commençais à devenir claustrophobe là-dedans…

 

Junior :           Oui et c’est pas comme si on était toujours enfermé à quatre dans un espace clos…

 

Ariane :           Et… c’est quoi ta merveilleuse idée pour te vêtir ? Un uniforme d’homme de ménage ?

 

Charles :          Absolument pas, tu vas voir. Passe-moi tes clefs.

 

Ariane :           Pour quoi faire ?

 

Charles :          Oh s’il te plaît, pour une fois dans ta vie, obéis sans toujours demander « pourquoi » !

 

Aniane :          Alors ça, c’est pas prêt d’arriver ! Ça fait 25 ans que je me demande pourquoi je t’ai épousé !

 

Charles :          Eh bien moi, ça fait 25 ans que je me demande pourquoi je te l’ai proposé… donc 1 partout !

 

Ariane :           soupire et se met à chercher dans son sac à main. Où est-ce qu’elles sont… ?

 

Junior :           Là aussi, j’espère que vous n’êtes pas pressés !

 

Ariane :           Ecoutez, c’est un sac de dame. Et dans un sac de dame, il y a toujours beaucoup de choses très importantes.

 

Charles :          Oui… et le fait que nous, les hommes, nous puissions faire les mêmes choses, voire des choses bien plus « importantes » que vous et que nous n’ayons pas besoin de traîner une demi-caravane derrière nous, ça n’a rien à voir ?

 

Ariane :           d’un air de dédain. La bave du crapaud très cher… la bave du crapaud ! Bon, je vais tout sortir, car décidément, je ne les trouve pas. Elle commence à vider son sac et en sort un énorme portefeuille de marque, de la crème solaire et un appareil photo jetable.

 

Serge :            Pourquoi trimballez-vous de la crème solaire en cette saison ?

 

Ariane :           (appuie sur les « au cas où ») C’est au cas où on part tout d’un coup quelque part où il y a du soleil… oh ce serait excitant ça… !

 

Charles :          Donc toi, tu prends de la crème solaire, mais tu n’as pas de parapluie ?

 

Ariane :           Si, justement ! Elle le sort de son sac et l’ouvre brusquement, en faisant sursauter les autres. En plus, il change de couleur quand il pleut !

 

Junior :           Fantastique…

 

Serge :            Et l’appareil photo jetable ?

 

Charles :         Surtout que tu as un Smartphone tout neuf que je viens de faire mettre sur les frais de l’entreprise !

 

Ariane :          Oui, mais au cas où il tombe en panne et que je dois photographier quelque chose ? Eh bien j’ai de quoi faire !

 

Ariane sort son canard vibrant de son sac.

 

Charles :          Et ça, c’est « au cas où… »

 

Ariane :           Au cas où tu n’assures pas… et au vu des probabilités, il y a bien des chances ! Ah, les voici ! Elle tend un énorme trousseau de clefs à Charles.

 

Junior :           Hé ben… le père Fouras à côté, c’est un rigolo…

 

Charles sort par une petite porte à jardin.

 

Ariane :           sortant une petite peluche de son sac. Oh regarde Junior, Choupinou ! Tu te souviens, quand on roulait en voiture, que tu étais malade dans les virages… que tu allais vomir ? Y avait choupinou !

 

Junior :           Ouais ouais, ben range ça, on a compris…

 

Serge rigole.

 

Junior :           Oh non… me dis pas que c’est ce à quoi je pense…

 

Ariane :           On peut savoir ?

 

Junior :           Quand il m’a fait visiter le nouveau coffre, papa m’a dit qu’il s’y était réservé un compartiment spécial pour y ranger des objets de collection.

 

Ariane :           Mais je n’ai pas les clefs pour l’ouvrir, moi…

 

Junior :           Si, tu te souviens que papa a récemment fait changer les serrures à la maison ?

 

Ariane :           Oui.

 

Junior :           Eh bien c’était pour que la clef de notre maison ouvre aussi ce compartiment.

 

Ariane :           Ah, je comprends. Et il aurait pensé à y laisser un costume de rechange ? Ça m’étonne…

 

Junior :           Non, non, c’est bien pire que ça !

 

Serge :            C’est quoi alors ?

 

Charles revient vêtu du haut d’un smoking de James Bond, chemise, veste et nœud papillon.

 

Charles :          Le smoking original qu’a porté Roger Moore dans un James Bond.

 

Ariane :           Et tu n’as pas jugé utile de mettre également le bas ? Tu es pour le mix des styles ? (prononciation à l’anglaise)

 

Charles :          Non… j’ai loupé l’enchère du pantalon sur Ebay… j’ai pu avoir que le haut !

 

Ariane :           Eh bien on a au moins la preuve que le ridicule ne tue pas !

 

Junior :           Et c’est quel James Bond en particulier ?

 

Charles :          Ah, il faut deviner… Prenant une voix de séducteur.

- J'ai une formalité à remplir.

- Tiens tiens, et elle est jolie votre formalité ?

 

Serge :            L’homme au pistolet d’or !

 

Charles :          Gagné !

 

ACTE I – Scène 12

Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin.

 

Dominique :   Ecoutant à la porte du coffre. J’ai l’impression que ça discute pas mal là-dedans.

 

Trudi :             Et qu’est-ce qu’ils se racontent ?

 

Dominique :   Je crois qu’ils font un concours de répliques de film. Vous savez, quand on lance une phrase connue et que les autres doivent deviner de quel film ça vient ?

 

Trudi :             Oh oui, c’est trop génial ça ! Allez, c’est moi qui commence : …

 

Dominique :   Attendez, on prend quoi, les films français ?

 

Trudi :             Oui oui, bien sûr ! Donc : théâtrale à l’excès « Voilà ! Vois en moi l’image d’un humble Vétéran de VaudeVille. Distribué Vicieusement dans les rôles de Victime et de Vilain par les Vicissitudes de la Vie. Ce Visage, plus qu’un Vil Vernis de Vanité est un Vestige de la Vox populi aujourd’hui Vacante, éVanouie. Cependant cette Vaillante Visite d’une Vexation passée se retrouve ViVifiée et a fait Voeu de Vaincre cette Vénale et Virulente Vermine Vantant le Vice et Versant dans la Vicieusement Violente et Vorace Violation de la Volition ! Un seul Verdict : la Vengeance. Une Vendetta telle une offrande VotiVe mais pas en Vain. Car sa Valeur et sa Véracité Viendront un jour faire Valoir le Vigilant et le Vertueux. En Vérité ce Velouté de Verbiage Vire Vraiment au Verbeux alors laisse-moi simplement ajouter que c’est un Véritable honneur de te rencontrer. Voix grave pour conclure. Appelle-moi V !

 

Dominique :   abruti Heu… La bible… ?

 

Trudi :             Mais non !

 

Dominique :   Heu… c’est vraiment une réplique de film ?

 

Trudi :             Ah ben oui, ce n’est pas le contenu de ma page Facebook…

 

Dominique :   Je sèche là… ce ne serait pas dans les Ch’tis ?... Parce que j’ai rien compris…

 

Trudi :             hi hi hi non, allez, cherchez encore !

 

Dominique :   Ah, mais c’est dur… Non, je ne trouve pas, je donne ma langue au chat.

 

Trudi :             hi hi hi, j’ai gagné ! C’était « V pour Vendetta », avec Nathalie Portmann.

 

Dominique :   Ah non, mais ça, c’est américain ! On avait dit des films français !

 

Trudi :             Aaah, j’avais compris des films EN français… Mais ça compte quand même ?

 

Dominique :   Non, on annule le point ! Forcément, moi je cherchais si un Galabru ou un De Funès avait dit ça… j’aurais jamais pu trouver… Bon allez, à moi ! Il joue deux personnages, une femme et un homme :

 

Genièvre : Vous avez gagné votre bataille aujourd’hui ?

Arthur : Oui.

Guenièvre : Ca pas été trop dur ?

Arthur : Nouvelle technique : on passe pour des cons, les autres se marrent et on frappe, c’est nouveau !

Guenièvre : Et c’est répandu ça, comme technique ?

Arthur : Ah non ça c’est que nous, il faut être capable de passer pour des cons en un temps record ! Et là-dessus, on a une avance considérable !

 

Trudi :             Facile, facile ! Tais-toi !

 

Dominique :   Toi-même !

 

Trudi :             Mais non, je veux dire le film « Tais-toi » !

 

Dominique :   Ah, non, bien essayé, mais c’est pas ça ! D’ailleurs, vous avez déjà vu des batailles dans « Tais-toi » ? Y en a pas !

 

Trudi :             C’est pas faux… Euh… je sais pas… je sais pas… Ah si si ! « Kaamelott » !

 

Dominique :   Oui, bravo !!

 

Trudi :             Yes ! J’ai gagné ! Sonnerie du téléphone de Trudi. Ah, il a de nouveau répondu !

 

Dominique :   Qu’est-ce qu’il dit ?

 

Trudi :             Qu’il espérait quand même me rencontrer bientôt, parce que ça lui avait beaucoup coûté de se mettre à nu avec moi.

 

Dominique :   Oh le cochon… il s’est mis nu avec vous ?

 

Trudi :             Oui, mais façon de parler… A propos de ça, vous ne voudriez pas faire la même chose ? hi hi hi

 

Dominique :   Vous avez envie de rigoler ?

 

Trudi :             Heu… pourquoi ?

 

Dominique :   Parce que tout nu, je ne suis pas beau… mais je suis très rigolo ! hé hé hé

 

 

ENTRACTE

 

 

ACTE II – Scène 1

Lumière plus forte sur jardin et plus faible sur cour. Ariane est assise parterre, Junior contre elle. Serge/Lionelle a l’oreille plaquée contre la porte du coffre.

 

Serge :            Et allez donc… Dominique recommence à parler tout seul.  Et il imite une voix de femme en plus… Et je crois qu’il essaie de se faire deviner des répliques de film à lui-même…

 

Ariane :           C’est bien que vous restiez avec votre frère. Vous avez du courage ! Vous avez une grande différence d’âge ?

 

Serge :            Presque quinze ans. C’est assez drôle comme les choses s’inversent. Quand j’étais petit/e, c’est lui qui s’occupait de moi. Mais je le rattrapais tellement vite qu’à un moment donné, c’est moi qui ai commencé à prendre soin de lui.

 

Ariane :           C’était mon rêve… de travailler dans un institut qui accueille ce genre de personnes. Mais voilà… j’ai rencontré Charles, extrêmement séducteur, beau parleur, habitué à obtenir ce qu’il voulait… j’ai été charmée par le luxe et toutes les possibilités que cela offrait… Ne voyant pas que cette vie que je choisissais me reléguait au rang de faire-valoir… éternel second rôle dans la pièce de ma vie pour les répétitions d’une représentation qui n’aura jamais lieu…

 

Charles :          Oh là là, à t’écouter, on croirait que tu es la plus à plaindre sur terre… Arrête ce mélodrame Ariane s’il te plaît !

 

Ariane :           Mais ce n’est pas un mélodrame Charles ! C’est comme ça que je me sens. S’il y a quelque chose de bon dans ce cambriolage, alors c’est qu’au moins nous nous serons tout dit ! Quitte à ce que la vie ne soit plus jamais la même après… je préfère mille fois se dire des horreurs une fois pour toutes, plutôt que de vivre avec ce masque que tu nous fais porter !

 

Charles :          Mais tu me fais rire Ariane, on dirait que c’est moi qui t’ai forcé la main. Mais à ce que je sache, tu n’as pas tellement essayé de te défendre durant les vingt-cinq dernières années !

 

Ariane :           Je t’ai regardé vieillir et devenir de plus en plus cupide. De plus en plus froid et distant. La seule chose qui importe, c’est ta banque, tes fusions, tes associés ! La seule chose que tu m’aies donné sans contrepartie, c’est un fils. Que je ne te laisserai pas briser pour tout l’or du monde.

 

Serge :            Si je n’avais jamais rien donné, aujourd’hui, je serais extrêmement riche… mais extrêmement seul aussi…

 

Junior :           Qui a dit ça ?

 

Serge :            Euh… ben moi.

 

Charles :          Oui, ben le/a « saint/e Lao Tseu », on a compris. Vous ne croyez pas avoir suffisamment foutu le bordel dans ma vie là ? Non, faut en remettre une petite couche ? Ben je vous en prie, c’est pas comme si j’avais mon mot à dire après tout ! En attendant, je suis dans le pétrin jusqu’ici… A l’ouverture de la banque, j’ai rendez avec Virginia Maille…

 

Serge :            Virginia Maille, LA Virginia Maille ? Des Banques Réunies ?

 

Charles :          Oui ! C’est avec elle que je suis sensé passer un accord…  ça fait des mois que j’attends ce rendez-vous et sans elle, je suis mort ! Et si elle vous trouve ici, elle ne voudra jamais signer… j’ai passé des heures à lui raconter que mon coffre était inviolable, à l’épreuve de toute effraction et même des bombes… Oui, là, j’ai un peu exagéré… mais bon ! Autant dire que si elle me trouve enfermé dans mon propre coffre avec mes propres cambrioleurs…

 

Ariane :           Et que tu as entraîné ta propre famille là-dedans…

 

Charles :          Bref ! Autant dire que je vais passer pour…

 

Junior :           Un con…

 

Ariane :           Junior !

 

Junior :           Ben quoi ? On a dit qu’on se balançait les pires horreurs… moi je me lâche !

 

Ariane :           ironique. Je trouvais juste que le mot n’était pas assez fort.

 

Serge/Lionelle et Junior rigolent et Charles leur fait signe d’arrêter.

 

Ariane :           Hum… hum… Messieurs…

 

Charles :          Quoi encore ?

 

Ariane :           Hum… Je vous rappelle que j’ai très envie de faire pipi…

 

C./S. :              Il fallait y aller avant de partir !

 

Ariane :           Alors ça, c’est la meilleure !

 

Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin. Dominique est assis sur une chaise et est en train de raconter sa vie à Trudi.

ACTE II – Scène 2

Dominique :   …puis alors ce jour-là, comme j’étais malade, je ne suis pas allé à l’école. Ma maman était encore à la maison et on a regardé la télévision toute la journée. Elle avait fait de la soupe. J’aime bien ça, moi la soupe. Et puis surtout celle avec des lettres dedans. Comme ça, on peut écrire des trucs. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai appris à écrire. Mais bon, comme y avait pas de point et pas de virgule, ben maintenant… je ne mets jamais de ponctuation ! Oh pis comme on n’avait pas de sous, ma maman allait toujours à l’Armée du Salut et elle m’a ramené un tableau Fisher Price (prononciation Fichet-Prisse).

 

Trudi :             C’est qui ça, un peintre connu ?

 

Dominique :   Mais non, vous connaissez pas ? C’est les jouets pour les mouflets. Vous savez, y en a toute les sortes, des petits pianos, des boîtes avec des trous où il faut enfiler les objets qui ont la bonne forme. Ceux-ci, j’ai jamais aimé, je ne sais pas pourquoi…

 

Trudi :             Haaaa, Fisher Price !

 

Dominique :   Ben c’est ce que je j’ai dit… Fichet-Prisse…

 

Trudi :             Bon, à part ça, quand j’avais dit « racontez-moi votre vie en détail »… je ne voulais pas vraiment dire « en détail »…

 

Dominique :   Oh ben faudrait savoir ! Surtout que les moments que j’ai passé avec ma mère… ce n’est pas des « détails ». Elle est plus là maintenant, ma maman. Alors chaque chose qu’on a fait ensemble, chaque fois qu’elle m’a dit « Dom, ta vraie valeur, nous on la connaît. Les autres, on s’en fout ! » et bien tout ça, c’est là-dedans et ça y reste. Je sais bien que je suis un boulet pour Serge/Lionelle… la vie serait plus facile sans moi. Je suis un peu lent et pas toujours très rapide… mais j’essaie de faire de mon mieux dans ce monde où tout va de plus en plus vite. Je fais ce que je peux pour suivre le mouvement. J’essaie, vraiment. Mais ça file et les gens se retournent jamais sur un pauv’ gars comme moi. On m’a vu et on m’oublie tout de suite après. A part Serge/Lionelle. Lui/elle, il/elle ne m’a jamais oublié… il/elle pense à moi avant de penser à lui/elle. Des comme lui/elle, ça se croise pas à tous les coins de rue, vous savez.

 

Trudi :             Oh, c’est beau comme tu parles…

 

Dominique :   Ah, on se dit « tu » ?

 

Trudi :             Je sais pas… j’avais envie… Je te trouve chou… (prononce « saoul »)

 

Dominique :   Mais j’ai rien bu !

 

Trudi :             Non, pas saoul ! Chou ! (prononce les deux la même chose)

 

Dominique :   Ah, chou !

 

Trudi :             Oui, c’est ça, chou. Tu es gentil de ne pas te moquer de moi. Parce que depuis l’école, j’ai toujours été appelée « Captain Zozote »… même les profs me faisaient répéter « les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches » devant toute la classe. J’en avais pour des heures… J’avais pas un seul ami, alors je passais mon temps à faire des sculptures avec des bâtonnets de glace, tu sais, les fusées.

 

Dominique :   Ah oui, les fusées ! C’est mes glaces préférées ! J’en mangeais souvent avec ma maman. Et si je me faisais mal à un doigt, elle allait en acheter une et elle me faisait une attelle avec le bâtonnet. Ça allait beaucoup mieux après… Bon, c’est pas tout ça, mais tu me donnes faim à force de parles de bouffe là… bouge pas, je vais nous chercher du ravitaillement au distributeur.

 

ACTE II – Scène 3

Lumière plus forte sur jardin et plus faible sur cour. Serge/Lionelle, Charles et Junior sont face public et forment un mur. On comprend qu’Ariane est derrière eux et fait pipi.

 

Serge :            Bon, vous avez bientôt terminé ?

 

Ariane :          Mais je n’y arrive pas…

 

Charles :         Ah ben il va falloir y arriver toute seule. Cette fois, c’est pas Junior qui pourra pisser à ta place !

 

Ariane :          Oh, mais je suis gênée, ça me bloque…

 

Junior :           En même temps, dans des toilettes étrangères, c’est déjà pas facile pour elle, alors dans une poubelle, au milieu d’un coffre et avec du public…

 

Charles :         C’est vrai que même au restaurant, si tu ne sais pas où sont les WC, tu es capable d’attendre de rentrer à la maison pour y aller…

 

Ariane :           Ben il fallait me laisser y aller la maison justement ! Non, je n’y arrive pas !

 

Serge :            Pensez à une petite cascade…

 

Junior :           …ruisselant à travers les montagnes…

 

Charles :          …faisant des glou glou glou…

 

Il continue à faire « glou glou » et les deux autres s’y mettent aussi. Ils continuent un moment.

 

Ariane :           ça ne marche toujours pas !

 

Serge :            Essayez les « psss psss psss psss ». Les deux autres reprennent en cœur.

 

Ariane :          C’est bon, j’ai fini ! elle se relève et les trois autres se déplacent. Derrière eux, une poubelle.

 

Serge :            Pas trop tôt… Bon, je vais mettre ça dans un coin, avant que quelqu’un ne le renverse et qu’on se fasse un bain de pied…

 

Ariane :          La prochaine fois, dans ton coffre « inviolable », pense à installer des toilettes !

 

Charles :         Ben oui, comme ça, tous mes employés, à chaque fois qu’ils devront aller au petit coin, ils iront dans le coffre. Ils se sentiront en sécurité !

 

Serge/Lionelle va écouter à la porte du coffre et entend Dominique manger.

 

Serge:                         J’hallucine, Dominique est en train de sa taper un gueuleton… ça me donne faim…

 

Charles :          Quoi, après tout ce que vous vous êtes enfilé ?

 

Junior :           Bon, on n’a pas eu le temps de manger grand-chose. L’autre bobet, c’est limite s’il n’a pas avalé la vaisselle.

 

Serge :            Après les toilettes, un frigo et une machine à café, ce serait pas mal aussi.

 

Charles :         Mais oui, et pourquoi pas un fitness et des danseuses nues ? Quoi que les danseuses nues ne plairaient pas à tout le monde… jette un coup d’œil à son fils.

 

Junior :           ça y est…

 

C./A./S. :         Quoi ?

 

Junior :           Maintenant… c’est moi qui ai besoin de pisser…

 

 

ACTE II – Scène 4

Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin. Dominique revient du distributeur, avec plein de nourriture et des boissons.

 

Dominique :   Ah ah ! J’ai pris tout ce que j’ai pu ! Y avait même de la mousse à raser… ça, j’ai pas pris, j’ai pas mon rasoir…

 

Trudi :             Oh, des fraises tagada ! J’adore ça !

 

Dominique :   Et regarde, des caramels au beurre salé !

 

Trudi :             Ah non, ça pas pour moi. Ça colle aux dents et après, j’arrive plus à parler… on me comprend encore moins bien que maintenant. Oh et alors les marshmallows, j’en ai beaucoup trop mangé il y a quelques années, je peux plus en avaler un seul !

 

Dominique :   Moi, je commence par des rondelles aux pommes. Elles rendent la langue toute verte ! Trop marrant.

 

Trudi :             Ils doivent s’ennuyer dans le coffre depuis tout ce temps… Mais bon, maintenant, il ne reste plus beaucoup de temps avant l’ouverture officielle. Après, je pourrai ouvrir le coffre moi.

 

Dominique :   Oh j’aimerais bien savoir qui a gagné le jeu des répliques de films. Serge/Lionelle est assez fort/e en général.

 

Trudi :             ça m’étonnerait que le directeur soit un grand joueur… c’est pas un rigolo tu sais…

 

Dominique :   C’est vrai qu’il n’en a pas l’air… Ils ne doivent pas se marrer tous les jours sa femme et son fils.

 

Trudi :             Probablement qu’il veut tellement bien faire les choses qu’il en devient maladroit. J’ai pas beaucoup de contact avec lui. Il est toujours dans son bureau et moi, au guichet. L’année passée, il m’a offert une calculatrice, parce que j’avais du mal à faire des additions. Il l’avait entourée de ruban et me l’a donnée en souriant et moi j’ai pensé en dedans que j’étais vraiment trop nulle. Je pense qu’il ne voulait pas me blesser, mais c’est quand même l’effet que ça a eu. Avec les gens comme ça, il faut prendre d’où ça vient et surtout comprendre qu’on ne peut pas tirer du sac plus qu’il n’y en a à l’intérieur. Elle remarque que Dominique est en train de tirer la langue et de regarder vers le bas pour la voir. Dis, tu m’écoutes ? Tu fais quoi ?

 

Dominique :   Tu as déjà remarqué que quand on tend la langue, c’est impossible qu’elle reste complètement immobile ? Elle bouge forcément un peu.

 

Trudi :             Mais c’est n’importe quoi, regarde. Elle tire la langue et reste dans cette position un moment. Dominique vient tout près et la regarde.

 

Dominique :   Si, si, elle bouge ! Je t’assure. Tiens, regarde la mienne. Il tend sa langue complètement verte à cause des bonbons.

 

Trudi :             Toi, tu bouges, mais moi non. Regarde ! Elle retend la langue et ils restent quelques instants face à face, la langue à l’air et les yeux croisés pour la regarder.

 

Entrée de Virginia Maille par la porte de la banque. Une belle et grande femme, look très strict avec un tailleur-jupe et une chemise blanche, chaussures en cuir noir à talons assez fins, un attaché-case à la main. Elle les observe en se posant des questions.

 

Virginia :         Je vous dérange ?

 

Trudi :             Quoi ? En la voyant. Ah non non, Madame Maille, pas du tout. En fait, c’est assez drôle, je vais vous expliquer…

 

Virginia :         Peu importe. Trudi, apportez-moi un café s’il vous plaît, mon petit. Elle enlève son manteau, le jette dans les bras de Dominique et prend place sur une chaise en se frottant la tempe. J’ai un mal de crâne moi… in-fer-nal ! Trudi sort chercher un café. Ça doit être cette piquette qu’ils ont servie hier soir…

 

Dominique :   On s’est pas présentés en fait, moi c’est Dominique. Il va pour lui serrer la main.

 

Virginia :         le regardant avec incompréhension. Tant mieux pour vous.

 

Dominique range sa main dans sa poche et se renfrogne en grommelant. Il prend une chaise et s’assied le plus loin d’elle possible. Un temps.

 

Virginia :         Bon Trudi, ce café ? Vous êtes allée le chercher jusqu’en Colombie ?

 

Dominique :   Vous voulez un bonbon en attendant ? J’en ai au café justement.

 

Virginia :         Non… sans façon.

 

Dominique :   Une fraise tagada alors ?

 

Trudi :             Voilà, voilà… il est là ! Tout beau, tout chaud Madame Maille ! Vous êtes bien matinale Madame Maille… en tous cas… aujourd’hui.

 

Virginia :         Ne m’en parlez pas… l’hôtel dans lequel j’ai dormi était épouvantable ! Un vrai trou à rats… Et ils ont osé lui donner une note de 10 sur Ebookers ! Never again ! Depuis quatre heures que je suis debout ! Quand ce n’est pas le robinet de la baignoire qui goutte, c’est la ventilation qui vibre. J’avais sans cesse l’impression d’être dans avion qui n’arrivait pas à décoller ! Ensuite, deux imbéciles dans la chambre d’à côté ont joué à se faire deviner des répliques de film…

 

Dominique :   Ah ben justement…

 

Trudi lui fait signe de se taire (comme on demande à un DJ d’arrêter la musique).

 

Dominique :   essayant de trouver autre chose à dire. Euh… euh… justement… ça me fait penser… heu… que je n’ai jamais vu de bébé girafe… ça doit être joli ça… un bébé girafe…

 

Virginia :         le fixe sans comprendre, puis détourne le regard. Donc j’ai décidé de quitter ma chambre et de marcher jusqu’ici. Evidemment, je ne me souvenais pas que la ruelle était pavée… J’ai complètement griffé le cuir de mes chaussures à cause de ça… une journée qui commence fort ! Mais en fait, vous aussi, vous êtes bien matinale Trudi… Comme se fait-il que vous soyez déjà là ?

 

Trudi :             Eh bien… comme le directeur avait rendez-vous avec vous ce matin, je suis venue plus tôt pour être… sûre que tout soit en ordre… Il y a toujours des imprévus vous savez…

 

Virginia :         Je vois… et « Monsieur », qu’est-ce qu’il fait là ?

 

Dominique :   Je suis le frère de Serge/Lionelle qui est enfermé dans le c…

 

Trudi :             le coupant en l’embrassant. C’est mon petit ami ! Oh oui, Dom et moi, c’est une longue longue longue histoire… Une histoire d’amour véritable, comme on n’en fait plus que dans les contes de fées, comme la Belle et la « Bête » ! Je vous la raconterai bien, mais elle est tellement longue…

 

Virginia :         expéditive Effectivement, Trudi, vous me la raconterez une autre fois. Vous savez à quelle heure Charles doit arriver ?

 

Dominique et Trudi se regardent, ne sachant quoi répondre. Ils se contentent de faire un « euh….. ».

ACTE II – Scène 5

Lumière plus forte sur jardin et plus faible sur cour. Junior est debout sur un tabouret en fond de scène, le bras tendu vers le plafond avec son portable en main, tentant de prendre du réseau. Serge et Charles sont en avant-scène, un gros sac de sport plein à leurs pieds.

 

Serge :            Bon, on y est presque ! Dans un moment vos employés ouvriront le coffre et je pourrai sortir. Par contre, je compte sur vous ! Pas un mot ! N’oubliez pas que mon arme restera pointée sur vous tout du long. Au moindre geste déplacé, à la moindre parole équivoque, je ferai feu ! Quand nous serons dehors, je prendrai votre femme avec moi…

 

Charles :          lui coupant la parole Mais gardez-la !

 

Serge :            …et vous devrez attendre qu’elle vous appelle pour prévenir la police. Comme ça, ça nous donnera de la marge pour filer. J’espère que Dominique n’a pas fait de conneries là-dehors… Bon, vous avez tout compris ?

 

Charles :          Oui oui, compris… de toutes manières avec mon rendez-vous de ce matin, je ne pourrais pas signaler le vol tout de suite. Il ne faut surtout pas que Virginia apprenne que j’ai été braqué ! Bon, ça devrait juste aller. Le coffre sera ouvert à sept heures, j’ai rendez-vous à huit… et comme elle a toujours minimum une demie heure de retard… ça devrait me laisser juste assez de temps pour tout remettre en ordre et reprendre le dossier de fusion.

 

Ariane :           Charles, tu comptes la recevoir à moitié en pyjama ?

 

Charles :          Ah merde ! Mes habits… Bon, alors il faudra que je fasse le trajet jusqu’à la maison en vitesse avant… Sinon elle va tiquer, forcément…

 

Ariane :           C’est sûr qu’il y a plus sexy…

 

Charles :          Hé ho, c’est toi qui me l’a offert à Noël celui-là !

 

Ariane :           Je me suis juste dit que tu dormirais tellement bien dans ce paquet de dollars, que tu en oublierais de ronfler pour une fois ! Junior, descends, tu vas finir par te casser la figure.

 

Charles :          Ou pire, casser ton téléphone…

 

Junior :           Mais non, je suis agile comme un chat !

 

Charles :          Pour lui-même. Comme un phoque oui…

 

Junior :           Je cherche du réseau… à Serge/Lionelle. Comment vous avez réussi à en avoir, vous ?

 

Serge :            Ben j’ai Swisscom, alors je pense que même dans un bunker dans un trou où la main de Dieu n’a jamais foutu les pieds, j’ai du réseau… tu as quoi, toi ?

 

Junior :           Sunrise… fait une grimace. Faut absolument que j’arrive à passer un message… Il est bientôt sept heures et je ne vais jamais être à l’heure… Sans parler du temps qu’il faut pour aller jusqu’à la gare et tomber sur un train pour Genève.

 

Ariane :           Genève ?

 

Junior :           Euh… Lausanne… je voulais dire Lausanne !

 

Serge :            Une grosse épreuve en perspective ?

 

Junior :           Oui… je n’ai jamais autant stressé de ma vie ! C’est hyper important et ce sera déterminant pour toute ma carrière…

 

Charles :          Puisque c’est si important, je demanderai à Trudi de te déposer à l’université. Comme ça, ce sera plus rapide et je serai sûr que tu seras à bon port.

 

Junior :           Euh non, non, c’est gentil, mais je préfère le train… je pourrai mieux… réviser encore pendant le trajet…

 

Charles :          J’insiste, c’est important pour moi de savoir que tu es entre de bonnes mains et que tu arriveras à temps à ton examen !

 

Junior :           Papa…

 

Charles :          ça suffit Junior, c’est comme ça et pas autrement !

 

Junior :           Papa, laisse-moi…

 

Charles :          Tais-toi ! Il est temps de prendre ta vie en mains !

 

Junior :           Mais je ne veux pas devenir banquier !

 

Charles :          Quoi ? Désarçonné Bon… mais… c’est… c’est pas parce que tu ne veux pas devenir banquier que tu dois virer ta cuti !

 

Junior :           Quoi ?

 

Charles :          Tu n’as pas encore compris que je suis au courant de tout ?

 

Junior :           Mais…

 

Charles :          le coupant. Laisse-moi parler ! Tout à l’heure, je t’ai entendu au téléphone avec ton petit copain dans le salon ! Je me disais bien parfois : « Méfie-toi, il a les cheveux un peu longs et ce regard douteux, c’est bizarre… et il voit tout le temps le fils du voisin, ça m’a l’air louche » Ah et aussi le coup des comédies musicales ! Non, mais sérieusement, quel homme normalement constitué est capable de faire autant de kilomètres pour aller voir le truc d’Abba ou Starmania, hein ?… Donc je fermais les yeux et essayais de ne pas y penser. Mais maintenant, j’en ai la confirmation ! Mais enfin Junior, qu’est-ce qu’on a fait de faux ? Hein ?

 

Ariane :           Charles, je t’en prie, arrête ! Et puis, pour savoir ça, il suffit de te regarder !

Junior le regarde, le bras croisés, un sourire en coin.

 

Charles :          Arrête de me fixer comme ça et parle !

 

Ariane :           Charles !

 

Junior :           J’hésite…

 

Charles :          A faire quoi ?

 

Junior :           J’hésite à te dire que tu es un beau salopard, parce qu’à ce que tu dis, si j’étais de la jaquette, tu ne l’accepterais jamais… Belle preuve d’un amour inconditionnel supposé exister entre un père et un fils… M’enfin l’absence de cet amour justement, je m’en doutais déjà un peu… et j’hésite à te dire la vérité, parce que ce n’est pas en parlant comme ça que tu la mérites, la vérité !

 

Charles :          Junior, si la vérité est autre que ce que j’ai cru, alors tu dois me la dire ! Tu n’as pas le droit de me mentir !

 

Junior :           Mais j’ai le droit de faire ce que je veux et surtout, après avoir entendu tout ça de ta part… « Dire que tu me déçois, c’est le paroxysme de l’euphémisme »… fin de citation. Eh bien papa, désolé de te décevoir, mais je ne suis pas homo… j’aime les femmes… et même beaucoup ! Signe de tête de Junior en direction de Lionelle, si c’est une femme qui tient ce rôle.

 

Charles :          Mais tu ne me déçois pas alors, tout va bien !

 

Junior :           Tout va bien pour moi ! Parce que je vais enfin pourvoir t’avouer sans le moindre scrupule que je ne vais jamais te succéder à la tête de la banque, papa. Je ne suis pas à l’université, que j’ai d’ailleurs quitté après le premier semestre tellement c’était emmerdant…

 

Ariane :           Quoi ?

 

Junior :           Oui, je suis navré d’avoir à te le dire, mais malgré tous tes efforts, tu n’as pas réussir à faire de moi un banquier… mais un artiste !

 

Ariane :           Oh comme c’est merveilleux Junior ! Et dans quelle branche es-tu ? Tu peins ? Ah non, non tu écris ? C’est ça ? Tu écris ? Oh que c’est excitant !

 

Junior :           Amusé. Non, ce n’est pas ça maman. J’ai bien essayé d’écrire, mais je n’arrivais qu’à produire des tragédies mi- grecques, mi- modernes et re- mi- grecques derrière… ironique à son père. Peut-être le cadre familial qui n’aidait pas… je ne sais pas… J’avais envie de tout dénoncer, la politique, la mort, la pollution, les déos à l’aluminium, l’homosexualité… ah tiens ?… puis je me disais qu’attaquer les gens avec des phrases cinglantes, les faire se tortiller sur leur siège car trop mal à l’aise, ça les marquerait le temps du spectacle… et qu’une fois dehors, tout s’envolerait et rien n’avancerait… Du coup, je me suis lancé dans un autre domaine, une branche méconnue de tous et je compte bien la ramener sur le devant de la scène !

 

Ariane :           Le Yoddle ?

 

Junior :           Non.

 

Serge :            Les courts-métrages ?

 

Junior :           Non.

 

Charles :          L’origami ?

 

Junior :           Non, le mime !

 

C./S. :              Oh nooooon….

 

Ariane:            Oh ouiiiiiiiiiiiiii!!! (en même temps que Charles et Serge/Lionelle)

 

ACTE II – Scène 6

Lumière plus forte sur cour et plus faible sur jardin.

 

Virginia :         J’espère qu’il sera à l’heure… j’ai rendez-vous chez l’acupuncteur après et ce n’est pas la porte à côté !

 

Trudi :             Pourquoi vous n’iriez pas en face, au tea room pour l’attendre ? Ils ont des petits pains au chocolat à tomber… comme on les imagine dans la chanson de Joe Dassin…

 

Dominique :   se met à chantonner. Tous les matins, il achetait son p’tit pain au chocolat, ya ya ya ya, la charcutière lui souriait, il ne la regardait pas, ya ya ya ya… Trudi se met à se dandiner et fait la musique. Et pourtant, elle était belle… les patients… ne voyaient qu’elle…

 

Virginia :         les interrompt. STOP !!! En effet, je vais aller au tea room, mais surtout pour échapper à ça… Dominique, mon manteau !

 

Dominique va chercher le manteau de Virginia sur la chaise. Il l’aide à l’enfiler maladroitement.

 

Virginia :         Mais attention, je ne vous ai pas demandé de me briser les côtes au passage… empoté… Trudi, venez me chercher quand Charles sera là.

 

Trudi :             Oui, bien sûr Madame Maille.

 

Virginia prend son sac et sort de scène.

 

Dominique :   Hé ben… elle non plus, c’est pas une commode…

 

Trudi :             Un vrai tabouret, oui ! Je ne l’ai jamais aimée… toujours sèche… jamais contente… En plus, si « Madame » a abîmé ses belles chaussures… pfff… C’est elle qu’on devrait utiliser pour en faire du cuir… peau de vache va !

 

Dominique :   Moi, j’ai bien aimé chanter avec toi ! Tu aimes les karaokés ?

 

Trudi :             Oh oui, j’adore ! Et tu ne le croiras pas, mais je fais une Céline Dion formidable ! Relevant sa jupe au-dessus d’un genou et se dandinant comme Céline Dion, elle chante « J’irai où tu iras, na na na na, mon pays sera toi ! »

 

Dominique :   Wahou ! Alors quand tout sera fini, on pourra y aller ensemble… J’aimerais bien te revoir…

 

Trudi :             Moi aussi… elle le prend dans ses bras et pose sa tête contre lui.

 

Dominique :   Mais… pour Giuseppe74, tu vas faire quoi… ?

 

Trudi :             Oh ben… je vais lui dire que j’ai trouvé un autre hidalgo… qui sent bon le sable chaud…  hi hi hi… même si t’es plutôt un bon vaudois… qui sent bon la fraise tagada !

 

Dominique :   Je me réjouis de te présenter à Serge/Lionelle ! Je suis sûr que tu vas lui plaire ! Et puis comme ça, on repartira chacun avec son trésor !

 

Trudi :             Rhô… t’es chou…

 

Une pendule sonne sept coups.

 

Trudi :                         Ah, c’est sept heures ! On peut les délivrer ! Elle se dirige vers le coffre pour l’ouvrir. Elle s’annonce : « Duchausson Trudi », pose sa main sur l’empreinte, regarde dans le trou et crache avec énergie dans le bocal.

 

Machine :       Ouverture du coffre.

 

NOIR

ACTE II – Scène 7

Plein feu sur Le vestibule de la banque. La porte du coffre est à nouveau en fond de scène, grande ouverte, maintenue par une chaise. Trudi et Dominique se tiennent devant l’ouverture et attendent que Serge, Charles et Ariane sortent. Junior sort en courant.

 

Junior :           Attention pipi !!! il sort de scène en courant.

 

Trudi :             Monsieur le directeur, il faut que je vous dise…

 

Charles :         Plus tard Trudi, plus tard, je suis pressé !

 

Trudi :             Non, mais c’est que Madame…

 

Charles :         Il essaie d’enfiler son manteau. Je n’ai pas le temps Trudi !

 

Dominique :   Vous allez laisser parler la p’tite dame, oui ? Charles s’arrête net, si bien qu’il reste en pyjama. Sinon je vous casse en deux moi !

 

Tous le regardent avec de grands yeux.

 

Trudi :                         Merci mon chou ! Monsieur le directeur, Madame Maille est déjà là ! Elle est arrivée tôt, parce qu’elle ne dormait plus. On a réussi à l’envoyer au tea room d’en face pour qu’elle ne vous voit pas sortir du coffre…

 

Serge :            Dominique, tu as passé beaucoup de temps avec euh… Trudi ?

 

Dominique :   Oh oui ! Elle est sortie de la plante juste après que vous soyez entrés dans le coffre.

 

Serge :            Mais tu ne lui as parlé de rien j’espère…

 

Dominique :   Oh si, on a parlé de plein de choses !

 

Trudi :             Bien sûr, je suis au courant de tout ! Serge/Lionelle laisse tomber sa tête dans ses mains. Du brunch chez le directeur, de la soupe aux lettres et des bâtons de glace ! Pourquoi ? Fallait pas ?

 

Serge :            soulagé/e. Si, si… c’est très bien…

 

Charles :         Bon ben, Serge/Lionelle, vous me déposez ? Je sors par la porte de derrière, comme ça ni vu ni connu. Trudi, quand Virginia revient, vous la faites patienter et quand j’arrive, j’inventerai une excuse abracadabrante pour expliquer mon retard.

 

Junior :           Ah, ça va mieux… Dites, Serge/Lionelle, vous ne me déposeriez pas à la gare par hasard ? C’est sur votre passage.

 

Serge :            Hé, je ne suis pas taxi moi !

 

Charles :         Allez, et on dira que le contenu de mon coffre, c’est le prix de la course !

 

Serge :            Mouais… vu comme ça, je ne peux pas refuser…

 

Dominique :   Trudi, tu me donnes ton numéro ? Comme ça, je t’appelle pour aller faire un karaoké.

 

Ariane :          Oh un karaoké ! J’adore ! Je peux venir avec vous ? Je fais une Edith Piaf du tonnerre ! Que c’est excitant !

 

Junior :           Et moi aussi ? J’adore Florent Pagny…

 

Serge :            Oui, oui, tout le monde viendra. Mais peut-être une prochaine fois, hein ? On y va ?

 

Entrée de Virginia.

 

Virginia :         Où ça ?

 

Charles :         Euh… vous chercher très chère…

 

Virginia :         Mais qu’est-ce qui se passe ici ? C’est… c’est un braquage ?

 

Charles :         Non, écoutez-moi Virginia, je vais tout vous expliquer…

 

Virginia :         parlant de plus en plus fort. Il n’y a rien à expliquer ! C’est très clair… vous êtes un incompétent Charles ! « Inviolable, hein ? », « Dieu lui-même ne pourrait pas l’ouvrir, hein ? » N’importe quoi ! Et qu’est-ce que vous attendez pour prévenir la police ? Il faut que je le fasse pour vous ?

 

Dominique lui flanque un coup sur la tête, Virginia arrête aussitôt de hurler et tombe en arrière dans ses bras. Tous le regardent ébahis.

 

Dominique :   haussant les épaules, calme. Ben quoi… ? Elle m’énervait…

 

NOIR

ACTE II – Scène 8

Charles tourne en rond. Virginia est affalée sur une chaise, les bras ballants, la bouche ouverte et ronflotant par moment. Tous sont sur scène.

 

Charles :         Aïe, aïe, aïe… là, je suis dans la merde jusqu’au cou…

 

Ariane :          Calme-toi Charles, il y a bien une solution, non ?

 

Charles :         Non, il n’y en a pas ! On est foutu ! Là, je n’ai plus qu’à mettre la clef sous la porte tout de suite, j’ai pas d’autre choix… quand elle va se réveiller, elle va appeler la police, elle va nous dénoncer pour vol, coups et blessures, elle va prévenir tous les autres banquiers que je suis un grand malade incompétent et c’en sera fini de moi… de toutes façons, il n’y a rien d’autre à faire… il faut que je me saborde moi-même… au moins, je coulerai avec un minimum de dignité !

 

Ariane :          Tu veux bien arrêter de tout voir en noir, oui ? Je veux bien que tu sois un piètre capitaine, mais de là à couler ton propre bâtiment, il y a des limites ! Aies un peu de poils où je pense, bon sang !

 

Charles :         Non, mais ça ne va pas ?

 

Ariane :          C’est vrai, on n’a pas idée d’être aussi négatif, franchement ! A cause de toi, nous avons été tirés du lit en pleine nuit, nous avons passé des heures sous la menace d’une arme, enfermés dans un espace clos, j’ai même dû me soulager dans une poubelle, alors maintenant, tu vas me faire le plaisir d’être un homme et d’avoir des couilles ! Charles ne sait quoi répondre et reste ébahi. Puis, si ça se trouve, elle ne se rappellera de rien à son réveil. Et on sera sauvé !

 

Charles :         C’est beau de rêver…

 

Trudi :             On peut lui dire qu’on fêtait Halloween !

 

Junior :           Sauf qu’on est au mois de mars…

 

Trudi :             Ah oui…

 

Ariane :          Non, mais l’idée d’une farce n’est pas mauvaise… si on lui dit que vous êtes des amis qui avez voulu nous faire une blague ?

 

Junior :           Ah là, elle va vraiment tous nous prendre pour des glands…

 

Ariane :          Junior, s’il te plaît ! Cherche au lieu de dire des âneries !

 

Junior :           Mais je cherche, je cherche… t’es marrante toi ! On ne va quand même pas lui dire qu’on faisait des petits tests au milieu de la nuit…

 

Serge :            Et pourquoi pas ? Non, je veux dire, on peut toujours dire qu’on a procédé à un exercice de braquage pour lui prouver que le coffre était vraiment à toute épreuve ! Si des cambrioleurs étaient restés coincés dans votre coffre, ils auraient forcément été cueillis le matin par la police. Vos employés auraient vu la lumière rouge allumée, signifiant que quelqu’un s’était introduit dans le coffre et ils auraient prévenus les flics!

 

Trudi :             A propos Monsieur le directeur, quand je suis allée faire du café pour Madame Maille, j’en ai profité pour avertir mes collègues de ne pas venir aujourd’hui, que vous leur offriez leur journée. Comme ça, on ne risquait pas de les avoir dans les pattes…

 

Charles :         Bien Trudi, j’aime ce genre d’initiatives ! Bravo ! Par contre, il n’y avait pas moyen de leur demander de prendre ça sur leurs vacances… ?

 

Ariane :          Mais quel radin, vraiment…

 

Serge :            Qu’est-ce que vous pensez de mon plan, alors ?

 

Charles :         Pas mauvais… mais alors, vous allez remettre le contenu de votre sac dans le coffre ?

 

Serge :            souriant. Oui, mais ne vous en faites pas, j’ai une petite idée de la façon dont vous allez me rembourser…

 

Charles :         Vous rembourser… ? Ah, elle est forte celle-là !

 

ACTE II – Scène 9

Virginia est au centre de scène, toujours sur sa chaise. Les autres sont autour d’elle, attendant qu’elle se réveille. Elle commence à émerger et sursaute en voyant Dominique l’observer à quelques centimètres seulement de son visage.

 

Virginia :         Aaah !

 

Dominique :   C’est marrant que je fasse cet effet à tout le monde aujourd’hui…

 

Virginia :         Qu’est-ce… qu’est-ce qu’il se passe…

 

Charles :         Vous vous êtes évanouie ma chère.

 

Virginia :         Oh j’ai mal à la tête… se prend la tête dans les mains.

 

Ariane :          ça, c’est le coup quand votre tête a heurté le sol… ma pauvre, on a cru que vous étiez bonne pour vous faire refaire le nez !

 

Virginia :         Mais… mais… maintenant je me souviens ! Nous étions au milieu d’un cambriolage !

 

Charles :         Pas du tout, laissez-moi vous expliquer chère Virginia. Pour vous prouver à quel point mon coffre est fiable, nous avons organisé un test tout-à-fait réaliste ! De faux bandits sont venus me chercher à la maison pour que j’ouvre le coffre. Et là, surprise ! Il fallait emmener ma femme et mon fils ! Expérience faite, cela n’a pas été facile de réunir et de canaliser tout le monde… Aussi simple qu’un dîner de famille…

 

Serge :            Je ne te le fais pas dire, sacré Charles va !

 

Charles :         Oui, oui… sacré/e Serge/Lionelle aussi ! Hem, donc nous sommes arrivés et comme nous étions tous là, aucun problème pour ouvrir le coffre, évidemment ! Par contre, les bandits n’étaient pas au courant que la porte se refermerait automatiquement et les enfermerait jusqu’à l’heure de l’ouverture officielle de la banque. C’est à ce moment-là que Trudi entre en scène… elle verrait la lumière rouge dès son arrivée et préviendrait la police immédiatement. Là, bien sûr, nous ne l’avons pas fait, comme il s’agissait d’un test. Inutile de déranger ces braves agents pour ça…

 

Serge :            Pensez donc, ils sont tellement mieux à amender des voitures mal stationnées…

 

Ariane :          Et je vous assure, nous avons vraiment été coincés dans le coffre pendant plusieurs heures… le seul bémol du plan, c’est qu’il n’y a pas de toilettes dedans… je vous épargne les détails… Sinon, le séjour a été très excitant… n’est-ce pas ?

 

C./J./S. :          Oui oui…

 

Virginia :         Donc tout ça, c’était une mise en scène ?

 

Trudi :             Oui, absolument tout.

 

Virginia :         Au fait, vous dites « les » bandits »… mais je n’en vois qu’un seul !

 

Charles :         Oui, hem…

 

Virginia :         Ah moins que Dominique… non, ce ne peut pas être un bandit, lui ?...

 

Dominique :   Et pourquoi pas ?

 

Charles :         Non, je voulais dire « le » bandit, c’est tout… ma langue a fourché…

 

Virginia :         à Serge/Lionelle. Et donc, vous, vous êtes ?

 

Charles :         Oh lui, rien… c’est une vague connaiss…

 

Serge :            Je suis le/la nouvel/le associé/e de Charles. En regardant fixement Charles pour lui faire passer le message. C’est moi qui vais lui succéder à la tête de la banque, une fois que Charles aura opté pour un repos bien mérité et qu’il m’aura transmis toutes les ficelles du métier. N’est-ce pas Charles ?

 

Virginia :         Comment ? Mais je croyais que c’était Junior qui…

 

Ariane :          Ah non, notre fils a décidé de consacrer sa vie à l’art, tu nous montres ce que tu sais faire Junior ?

 

Junior :           Alors attention, faites-moi de la place ! Il fait une démonstration de mime.

 

Ariane :          Oh oui et je mets de la musique ! Elle sort ton téléphone portable et met une musique de cirque.

 

Virginia :         le regarde avec des yeux ronds. ça, c’est de l’art ?

 

Junior :           Je veux ! Même que je vais créer la première fédération suisse de Mime ! Et nous allons envahir petit à petit le marché artistique national. Dans quelques années, on ne parlera plus de cinéma, de danse ou de théâtre ! Fini ces conneries, ce sera le mime !

 

Trudi :             Ah ben on se réjouit en tous cas…

 

Junior :           J'en étais sûr ! Faudra que je vous donne des flyers, j'ai organisé un grand rassemblement de mimes dans quinze jours. Ils viendront des quatre coins de l'Europe pour participer à mon concours !

 

Virginia :         Eh bien ça va faire du bruit…

 

Ariane :          Mais au fait, ton rendez-vous ? Tu vas être en retard, non ?

 

Junior :           Non, quand j’étais aux toilettes, j’ai réussi à prendre du réseau et à écouter un message vocal de mon pote. Il se trouve que la personne avec qui nous avions rendez-vous pour obtenir une bourse à la création de notre fédération de mime voulait justement repousser notre rencontre à demain matin. Donc cool, je vais avoir une journée de plus pour répéter mon numéro de mime !

 

Virginia :         Bon, plus tard le mime Junior, plus tard ! Donc Charles, si je vous suis bien, nous allons traiter cette affaire tous les trois ?

 

Serge :            Absolument ! C'est ce qui est prévu.

 

Virginia :         Alors ne perdons pas de temps, passons dans votre bureau !

 

Charles :         Virginia, ma chère, ne voudriez-vous pas retarder quelque peu notre rendez-vous ? Je vous propose que nous allions tous à mon domicile, Ariane nous concoctera un petit plat dont elle a le secret. Sourire hypocrite à Ariane. Vous vous remettrez de vos émotions, vous vous êtes tout de même cogné la tête ! Rien ne sert de se précipiter et je ne voudrais surtout pas qu'il y ait le moindre risque que vous signiez des papiers aussi importants, alors que vous n'êtes pas en pleine possession de vos moyens !

 

Virginia :         Mais tout va très bien, je vous assure.

 

Ariane :          Si vous le permettez, j'insiste. Il y a tellement longtemps que j'entends parler de vous à travers mon mari, je voudrais vraiment vous garder à dîner. J’ai justement un canard…

 

Charles :         lui coupe la parole. Evidemment !

 Ariane :         ne relevant pas l’allusion de Charles. …qui n’attend que nous pour être laqué et un fabuleux service chinois que je me réjouis d’inaugurer. Et cela vous permettra d'en connaître davantage au sujet de Serge/Lionelle.

 

Charles :         Euh... oui, mais pas trop quand même...

 

Virginia :         C'est vrai que mon mal de tête ne semble pas passer... quelques instants de repos ne me feraient pas de mal... après tout, j'ai extrêmement mal dormi la nuit dernière.

 

Ariane :          Vous voyez ! Allez, laissez-vous faire, nous vous emmenons ! Oh que c’est excitant !

 

Virginia :         Soit ! Je passe dans la pièce d'à côté annuler mon rendez-vous avec l'acupuncteur et je reviens.

 

Dominique :   Et moi, je vais faire chauffer la voiture. J'espère qu'il n'a pas encore neigé.

 

Trudi :                        Je viens avec toi mon gros minet.

 

Dominique :   Oui, je vais te montrer notre gros pick-up (prononciation française) de la mort !

 

Virginia, Trudi et Dominique sortent.

 

ACTE II – Scène 10

Charles :         Non, mais ça va pas ? Qu'est-ce qui vous prend de vous faire passer pour mon associé/e comme ça ? Maintenant, je vais devoir inventer je-ne-sais-quelle excuse pour vous faire disparaître !

 

Serge :            Tssss.... Charles... mon bon vieux Charles... n'oublie pas qu'on se tutoie maintenant ! Et je t'avais dit que j'avais une idée de la façon dont tu allais me faire rembourser ! Tu vois, tout est bien qui finit bien !

 

Charles :         Quoi ? Tout est bien qui finit bien ? Mais vous êtes gonflé/e vous !

 

Serge :            Ta ra ta ta ! « Tu » ! Tu dois me dire « tu » maintenant ! Mon cher associé... tu vois, durant ces quelques heures passées ensemble, je t'ai observé. Tu peux être beaucoup de choses : un homme qui a réussi, le directeur d'une banque en vue, un beau parleur... mais un bon père et un bon mari... ? Je ne crois pas, non... Alors voilà le deal : tu fous la paix à ton fils. Qu'il aille danser le mambo en string, peindre des masques traditionnels africains ou faire du oula up, c'est lui qui voit ! Ta femme mérite qu'on prenne soin d'elle et tu vas désormais t'y appliquer, n'est-ce pas ? Je pense par exemple à des fleurs tous les jours et un petit week-end en amoureux dans un chalet sur les pistes à Verbier, cosy sous le soleil…

 

Ariane :          Oh mon Dieu, ça fait vingt ans que je ne suis pas remontée sur des skis ! Que c’est excitant !

 

Junior :           ça promet…

 

Serge :            Quant à moi, eh bien je deviens ton/ta nouvel/le associé/e. Tu me formeras et je t'assisterai de mon mieux. Tu me reprochais de voler le bien d'autrui et de ne pas gagner ma vie dignement ? A toi de m'offrir cette chance. On parlera de mon salaire à quatre zéros plus tard.

 

Charles :         Quoi, quatre ?

 

Serge :            L'important Charles, c'est que tu te souviennes que je suis là. Que je serai toujours là et que je t'aurai à l’œil. Tu devras devenir un homme meilleur, sous peine que je ruine le contrat d'accord avec Virginia en lui racontant toute la vérité.

 

Charles :         Vous n'oseriez tout de même pas ?

 

Serge :            Je vais me gêner, tiens ! On ne récolte que ce que l'on sème... alors avec la merde que tu as laissé derrière toi, bien du plaisir !

 

Charles :         Bon bon... je vois que je n'ai pas le choix... Allez, ne traînons pas. La situation est déjà assez ridicule comme ça, sans que je reste en plus en pyjama !

 

Il sort.

 

ACTE II – Scène 11

Ariane :          Oh Serge/Lionelle, comment vous dire merci ? Même si Junior et moi allons évidemment profiter de ces changements dans les agissements de Charles, c'est avant tout à lui-même que vous allez rendre service. Au vu de ce qu’il est à l’extérieur, à l’intérieur, ça ne doit pas être beau à voir non plus !

 

Serge :            Dites-vous que dans cette histoire, tout le monde aura fini par trouver son compte. Domino a rencontré sa Trudette, j'ai trouvé du boulot, Junior a pu sortir du placard, dans lequel il n'était jamais vraiment entré d'ailleurs, vous allez hériter d'un mari pas neuf, mais lavé avec Mir laine... non, je crois qu'on a tous eu notre part du gâteau…

Ariane :          Oui, vous avez raison. Bon, allons-y... avant que j'aie de nouveau besoin de faire pipi.

 

Junior :           Passe aux toilettes avant de partir s'il te plaît... on ne sait jamais, des fois qu'on se fasse carjacker la bagnole et qu’on doive rentrer à pied !

 

Ariane et Junior se dirigent vers la porte.

 

Serge :            Junior, attends une seconde s’il te plaît.

 

Ariane sort, Junior vient vers Serge/Lionelle. Serge/Lionelle regarde autour de lui/d’elle et s’assure qu’il n’y ait personne.

 

ACTE II – Scène 12

Serge :                        Va chercher la caméra du coffre.

 

Junior entre dans le coffre et en ressort avec une caméra. Pendant ce temps, Serge/Lionelle se dirige vers la plante verte et en ressort également une caméra.

 

Junior :           Alors, tu avais toutes les infos nécessaires ?

 

Serge :                        Ben pas tout-à-fait, non ! Tu aurais pu me dire qu’on devait forcément vous emmener, ta mère et toi !

 

Junior :           Ah, ouais… j’ai dû oublier… en même temps, je ne pensais pas que vous veniez ce soir, on n’avait pas convenu ça !

 

Serge :            Oui, mais le rendez-vous avec Virginia Maille a été avancé, alors pas le choix. Si tu voulais que ton père se trouve un autre successeur, pas d’autre moyen… Et avec ces enregistrements, il ne pourra jamais nier tout ce qui s’est passé.

 

Junior :           Mais d’ailleurs, comment tu as fait pour les installer ?

 

Serge :            Grâce à celle qui deviendra probablement ma belle-sœur…

 

Junior :           La vieille folle de Trudi ? Sérieux, comment tu as fait ?

 

Serge :            Oh là là… je te raconte pas… ça se lit sur sa tronche qu’elle est célibataire… alors je lui ai glissé un flyer pour un site de rencontre une fois que je suis passé/e à la banque en repérages incognito. J’étais sûr/e qu’elle allait se connecter et bingo ! Le jour même, elle apparaissait sur le chat.

 

Junior :           Oh merde, avec une photo, et tout, et tout ?

 

Serge :            Non, mais tu sais, le site t’envoie des pubs pour les nouveaux arrivants. Et au vu de sa page profil, y avait aucun doute à avoir ! A la rubrique « nommer 3 choses que vous aimez dans la vie », elle a répondu : « les perruches, collectionner les points Mondo et faire des sculptures avec des bâtonnets de glace… ». Une bonne femme comme ça, t’as carrément envie de l’inviter à souper un mercredi soir !

 

Junior :           Enorme le plan !

 

Serge :            Bon… et toi, t’es sorti d’affaires maintenant !

 

Junior :           Oui, visiblement… merci en tous cas !

 

Serge :                        Merci à toi, t’as fait du bon boulot. Mais rends-moi un dernier service s’il te plaît…

 

Junior :           Le quel ?

 

Serge :                        Surtout, ne m’offre jamais de pyjama !

 

Alternative, si le rôle de Serge/Lionelle est tenu par une femme :

 

Lionelle :        S’approche de Junior et l’enlace. Ne porte plus jamais ce pyjama… ils s’embrassent.

 

NOIR

 

 

 

FIN


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