Version mai 2024
PERSONNAGES par ordre d’entrée en scène
-VICTOIRE fille survoltée / Sandra
-FRANÇOIS mari déjanté / Olivier
-ROMAIN amant déminéralisé / Fabrice
-CORINNE épouse déminéralisée / Julie
-LÉON ovni insensé / Dany
DÉCOR
Toutes les toiles sont accrochées à l’envers. À François Gaudeau, le vrai !
VICTOIRE en pyjama, ordi, maquette d’immeuble
Bon allez ma petite Victoire, le jour de ton examen, faut pas mollir (vers le public) j’imagine que le jury est là, devant moi… (ton exposé) Mes chers examinateurs, vous le savez aussi bien que moi, la phrase la plus prononcée dans tous les théâtres c'est "Veuillez éteindre vos portables « Eh bien d'ici peu cette sommation anti-téléphone s’étendra à TOUS les lieux publics… Actuellement 500.000 français souffrent d’électro-sensibilité… dans cinq ans ils seront dix fois plus. Ces milliers de champs électromagnétiques que dégagent toutes ces tablettes, ordinateurs et autres… déclenchent chez les plus perméables d’entre nous des troubles terrifiants. À la création du monde, l’humanité fut condamnée à souffrir car cet abruti de Adam avait croqué dans une pomme… eh bien aujourd’hui mêmes supplices pour tous ceux qui croquent dans Apple. D’où mon projet : un immeuble ANTI-ALLERGÈNE… il n’est pas bio ? (Montrant sa maquette) À l’intérieur, ni portable, ni fumée, ni déodorant. Aucune électricité donc pas de sonnettes, que des clochettes... (sonnerie porte d’entrée) Qu’est-ce que je viens de dire ? Pas de sonnettes… c’est pas vrai, j'étais si bien partie (à la cantonade) Sur la porte, vous n’avez pas vu le post-it « Sonnette en panne » ?! (Nouvelle sonnette) Mais enfin à huit heures du mat qui peut se pointer ? (Scrutant l’œilleton) Reculez-vous voyons, vous bouchez le Judas
Elle ouvre, apparaît FRANÇOIS en PYJAMA et chaussons.
FRANÇOIS impérial
Et me revoilà !!! Bonjour mon amour…
VICTOIRE abasourdie
PAPA ?! TOI ICI ?! Mais comment tu oses… ?!
FRANÇOIS
Alors ma Victoire ? Heureuse de retrouver son papounet ?
VICTOIRE folle de rage
Dehors !!!
FRANÇOIS
Donc on s’embrassera un peu plus tard (détaillant l’appart) Dis donc, super chouette cette nouvelle déco…
VICTOIRE
J’hallucine ! En SIX ANS, pas un mail, pas un coup de fil, RIEN… et tu te pointes comme une fleur en disant « Et me revoilà « ?! Casse toi Judas !
FRANÇOIS
Chérie, je l’ai déjà fait y‘a six ans ! Pas deux fois la même erreur.
VICTOIRE
Parce que tu appelles ça une "erreur" ?! Jusqu’à la semaine dernière je t’ai cru mort, tu m’entends ? MORT !
FRANÇOIS
Et tu aurais préféré ?
VICTOIRE ne sachant pas quoi répondre
…
FRANÇOIS
Ah… enfin un mot gentil (effet klaxon) Je vais tout t’expliquer mon trésor...
VICTOIRE
Ah non, y’a plus de trésor. Un trésor qu’on abandonne, il est irrécupérable. Mais t’arrives d’où en pyjama ? T’étais comme ça dans la rue ? !
FRANÇOIS
Je me suis enfui de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre.
VICTOIRE
Mais t’es un grand malade, on ne s’échappe pas d’un hôpital…
FRANÇOIS
Ah si ! Vaut mieux en sortir les pieds à la verticale qu'à l’horizontale. Mais tu t’inquiètes pour moi ? Ça me touche beaucoup…
VICTOIRE
Comment faire autrement ? T’as fait la une de tous les médias (montrant un journal avec sa photo) « Crash-aérien : 357 morts - un seul miraculé »
FRANÇOIS dramatique
Ah non pitié, cache-moi ça… c’est trop horrible ! C’est trop horrible… une photo de moi aussi moche ! (affolé) Ah ça y’est !!! T’as redéclénché des images qui me reviennent… Attache ta ceinture. On tombe, on tombe ! Le masque à oxygène, là, il pend sous ton nez !!!
VICTOIRE
Mais arrête, on est aux Invalides…
FRANÇOIS
Oui oui, on finira tous invalides ! Où sont les toboggans ? Oh et puis cette fumée qui… (émergeant) Oh désolé, je te demande pardon …
VICTOIRE
C’est uniquement pour ça que tu me demandes pardon ?! T’es encore sous le choc, retourne à l’hôpital.
FRANÇOIS
Amour, quand l’avion s’est mis à plonger… en trois minutes j’ai revu défiler toute ma vie… comme un film…
VICTOIRE
Je te plains, ça devait être un sacré navet ! Avec toi comme seul rescapé ! Quand on dit qu'il n’y a de la chance que pour la canaille …
FRANÇOIS
Eh bien on a raison. À tous les coups, dans cet avion c’était moi le plus pourri.
VICTOIRE
Allez, fous le camp ! À midi je passe ma maîtrise d’architecture.
FRANÇOIS
T’as repris tes études ?!!! Mais qu’elle est brillante ma fille... Décidément mes racines, c’est ici.
VICTOIRE décrochant le téléphone fixe par derrière le canapé et tu reposes le journal Tu ne veux pas te casser ? Très bien, j’appelle les flics. Alors le 17
FRANÇOIS repris d’un affolement
Mais c’est qu’elle le ferait… Ah c’est atroce, les flammes envahissent la carlingue, sous la chaleur les implants mammaires de l’hôtesse de l’air se mettent à dégouliner … floc, floc… ça colle aux semelles…
VICTOIRE
Hé… là, t'en fais quand même beaucoup.
FRANÇOIS ton normal
Ah tu trouves ? Quand t’étais petite, t’adorais que je fasse le pitre…
VICTOIRE
Eh bien ça ne marche plus. Retente ta chance dans six ans.
FRANÇOIS
Mais qu’est-ce qui m‘a pris de vouloir vivre ma vie… plutôt que de subir celle des autres… ?! Et franchement, si c’était à refaire…
VICTOIRE
Tu le referais. (il va pour protester, elle le regarde…)
FRANÇOIS abdiquant, allant pour sortir
… tu as raison, je suis irrécupérable (mélo) Il ne me reste donc plus qu’à refermer derrière moi la porte du passé. Tu te souviens du poisson rouge que je t’avais offert ? Il louchait… tu l’avais appelé « Dalida »
VICTOIRE éclatant de rire et se jetant dans ses bras
Papa !!!
FRANÇOIS l’enserrant dans ses bras
Dis donc, t’as été longue à la détente… Ma Victoire !!!
VICTOIRE grimace face à une mauvaise odeur
Oh c’est quoi ton parfum pourri ?!!
FRANÇOIS
« Nosocomial n°5 » de chez Hôpital.
VICTOIRE
Toi alors ! Mais t’étais passé où pendant ces six ans, espèce de vieux salopard ?
FRANÇOIS
File moi d’abord cent euros.
VICTOIRE
Tu monnayes ta réponse ?!
FRANÇOIS
Mais non, pour le taxi en bas ! Comme pour t’amadouer ç’a été plus long que prévu… ça risque de douiller.
VICTOIRE
Alors ça c’est le comble. Mais paye le toi-même ton tacot.
FRANÇOIS
Avec quel argent ? Je n’ai plus une tune. J’allais faire les poches des infirmières ? Avec ce qu’elles gagnent ?! Chérie, dans ce maudit avion tout a cramé … papiers, cartes de crédit… Quand on m’a récupéré, j’étais aussi nu qu’à ma naissance.
VICTOIRE
Ce jour là, quelle erreur d’avoir coupé ton cordon ombilical ! Toute ta vie, on aurait dû te garder en laisse ! (coup de klaxon)
FRANÇOIS
Le taxi !!! Son compteur continue à tourner…
VICTOIRE fouillant dans son sac à mains, rageuse
Non mais j’te jure… quelle sangsue… les trois premières années, il nous a laissé crever la dalle… pour maman chaque fin de mois c’était l’apocalypse
FRANÇOIS désignant le salon
Là je ne sais pas ce qui s’est passé mais ça frise l’opulence ! Elle est où ma petite femme, dans notre chambre ? (à la cantonade) Hou hou Corinne ? Coco !!! Elle dort toujours avec des boules ?
VICTOIRE
Les boules c’est moi qui les aie…
FRANÇOIS
Ho, n’exagère pas. Ok, pendant six ans je me suis fait légèrement discret...
VICTOIRE suffoquant
Légèrement ?! Mais une telle mauvaise foi… faut l’exposer au musée de l’Homme (à sa carte de crédit) Ah te voilà, pauvre sacrifiée…
FRANÇOIS prenant la carte
Merci ma princesse. Le code ?
VICTOIRE hésitant
Hein ?
FRANÇOIS
Un… ok… les trois autres chiffres ?
VICTOIRE reprenant vivement sa carte
Ah non, pas le code.
FRANÇOIS
Tu n’as pas confiance en ton père ?!
VICTOIRE
Oh non il a osé ! Trop fort ! (elle se dirige vers l’entrée de l’appart)
FRANÇOIS
Tu ne vas pas sortir comme ça dans la rue… ?!
VICTOIRE
Ben toi, t’en arrives bien. Dans la famille Barjo, après le père, la fille. Tu sais quoi ? Tout à l’heure à mon exam’, je te citerai comme première cause d’allergie !!! (elle claque la porte derrière elle)
FRANÇOIS
Et voilà, retour à la case départ. Tout ça pour ça, c’était bien la peine… (voyant les toiles retournées) Manifestement Corinne peint toujours … mais elle a fait des progrès, elle a enfin compris que ses toiles, valait mieux les accrocher à l’envers (Sonnerie téléphone fixe, regardant l'écran) Un numéro avec quatre zéros ? Aïe, c’est l’hôpîtal (d’une voix féminine) Allô ?... Madame Gaudo ? Oui c'est moi madame... Vous êtes ?... Le Kremlin Bicêtre ? Vous m’appelez de Moscou ?! ... Ah l’hôpital du Kremlin Bicêtre !... François Gaudo, bien sûr que je le connais, c'est mon mari. (Tragique) Oh non, ne me dites pas qu’il est – j’avais un pressentiment – j’enfile une robe noire et j'arrive ! … Quoi ? Il est vivant ?!... Et vous m’annoncez ça, comme ça, sans ménagement ?!... Évidemment que je vous le renvoie s’il se pointe… avec un grand coup dans sa gueule… madame, quand on vous amène un beau salaud, faites votre boulot, achevez-le ! (il raccroche) Voilà. Après ça, elle ne devrait plus rappeler. Oh puis par sécurité, je retire la prise… (retire la prise)
Arrive fond cour Romain, en pyjama, chaussons.
ROMAIN sous calmant, au ralenti
C’est quoi tout ce raffut ?
FRANÇOIS sursautant
Ah !!! Mais d’où il sort celui-là ?
ROMAIN stupéfait en reconnaissant François
Ça alors, si je m’attendais…
FRANÇOIS
Qu’est-ce que vous faites ici en pyjama ?!
ROMAIN
La même chose que toi ! T’as dormi ici ?
FRANÇOIS
Et en plus il me tutoie ?! Vous savez qui je suis ?
ROMAIN
Ben oui, le miraculé ! La chance c’est contagieux, on se fait un bisou ?
FRANÇOIS
Non mais ça va, oui ?! Alors comme ça vous dormez chez moi ?!
ROMAIN
Oui, mais alors pas bien. Vraiment pas bien. Matelas beaucoup trop mous… Oreillers beaucoup…
FRANÇOIS
Trop durs, oui merci je connais…
ROMAIN
Quelle chance que tu sois revenu… tu vas pouvoir faire changer cette literie tellement trop molle !
FRANÇOIS
Non mais c’est surréaliste, vous réalisez ce que… ?!
ROMAIN
Chaque nuit c’est si mou que je me dis « Tu t’enfonces, tu t’enfonces » Toi, t’as réussi à t’en sortir. Respect. C'est quoi tes projets mon François ?
FRANÇOIS
« Mon » François ? Mais je ne suis pas « votre » François…
ROMAIN
Zen stp ! No stress ! c’est quoi tes projets « SON » François ? T’installer chez nous ?
FRANÇOIS
Comment ça chez nous ??!!
ROMAIN allant vers une machine Nespresso
Son François un café ? Je lui fais péter sa petite capsule ?
FRANÇOIS
Monsieur ce sont mes nerfs que vous faites péter ! Mais enfin qui êtes-vous ?
ROMAIN
Zen s-t-p. Moi c’est Romain. Mais comme je suis à la rue, tout le monde m‘appelle ROM… (chantonnant) Donne du Rom à ton Homme !
VICTOIRE réapparaissant, folle de rage
Ton taxi, devine combien ?! Rom t’es déjà debout ? C’est pas raisonnable (à François) Le Kremlin Bicêtre-les Invalides, 297 euros, c’est raisonnable ?
FRANÇOIS
J’ai fait un léger détour…
VICTOIRE remontée
Très léger, oui. Il est passé par où le miraculé ? Par Lourdes ?
ROMAIN à Victoire, voulant la calmer
Zen s-t-p… no stress…
VICTOIRE à bout de nerfs
Je sais Rom, tu me le répètes dix fois par jour…
FRANÇOIS
Parce qu’il squatte ici depuis longtemps ?
VICTOIRE
Trois ans.
FRANÇOIS
Pardon ?!
VICTOIRE
Oui, trois ans. Et toujours dans le même pyjama !!! Il ne t’a rien dit ?
FRANÇOIS
Si… que nos matelas sont trop mous. Alors sachez monsieur que c’est sur l’un de ces matelas que ma Victoire a été conçue. Et là, il ne s’agissait pas d’être mou
VICTOIRE
Papa tu délires, mais quel rapport avec… ?
FRANÇOIS
Tu permets, il couche sur ta mère et moi… enfin sur l’empreinte de notre toute dernière étreinte. Ces matelas monsieur, ils font partie de la famille, ils ont supporté six générations…
ROMAIN
Alors vos acariens, c’est que des cartes vermeilles ?!
FRANÇOIS
Raison de plus, on se doit de respecter nos anciens…
VICTOIRE
Non mais c’est fini ce délire, on en revient à ce qui t’amène ?!
FRANÇOIS s’acharnant sur Romain
Sans parler de sa mère, une sainte, qui a dû subir des traitements acariens- draconiens… pour réussir à tomber enceinte. Et le jour béni où ma fille a poussé son premier cri… ce fut un vrai cri de « Victoire » !
VICTOIRE
Et si j’avais été un garçon ? « Désiré » ?!
FRANÇOIS
Plus subtil… Godefroy
VICTOIRE horrifiée
GODEFROY ?! Je l’ai échappé belle ! Mais pourquoi cette horreur ?
FRANÇOIS
La naturopathe de ta mère lui imposait tous les soirs… deux bouillons.
ROMAIN
Quel rapport ?
FRANÇOIS
Un bouillon, deux bouillons… Godefroy de Bouillon. On vous avait caché que l’école était obligatoire ?
VICTOIRE
Papa, stop !!! Et maintenant tu me dis enfin où t’étais passé pendant six ans
FRANÇOIS
Je préfère attendre que ta mère se réveille, ça m’évitera de rabâcher…
ROMAIN pris subitement d’une idée
J’ai pigé ! Votre fille serait née un jour de pizza, vous l’auriez prénommée Margarita !!!
FRANÇOIS avec rage, prenant Romain au collet
Bon alors lui il va dégager avec son pyjama millésimé...
VICTOIRE au bord de la crise de nerf
Arrêtez !!! Vous voulez que je me plante à mon exam c’est ça ?
ROMAIN
Zen s-t-p ! Un petit café ? Je te perfore la capsule ?
VICTOIRE
Et arrête de me gonfler avec tes capsules !!!
FRANÇOIS
« Je te perfore la capsule » ! Mais d’où il sort ce… prototype ?
VICTOIRE
Rom est traiteur à domicile…
FRANÇOIS
Dis plutôt « sans » domicile…
VICTOIRE
Parce qu’il a fait faillite… et pourtant c'est un super chef.
FRANÇOIS
Je l’ai vu tout de suite. Plat du jour : pomme de terre en robe de chambre.
VICTOIRE
Lâche-le un peu, tu veux… tu n’as pas compris qu’il est en arrêt maladie ?
BURN OUT
ROMAIN
Burn out. Je n’ai plus goût à rien.
FRANÇOIS
Même pour ma fille ? Qui ne cesse de vous prouver son amour ? (À Victoire) Vous deux, dans l’intimité… tout fonctionne normalement ? Tu peux répondre devant lui, il est forcément au courant…
VICTOIRE
Papa, Rom n’est pas du tout…
FRANÇOIS
Présentable, je te le confirme. Heureusement que l’amour est aveugle ! Eh ben tiens, voilà pour vous un métier d’avenir : dresseur de chiens pour non-voyants en amour. Vous en auriez du client.
VICTOIRE
Papa, t’es libre le 19 août ? J’aimerais entrer dans l’église à ton bras…
FRANÇOIS
Quelle église ? Quel bras ? (Réalisant) Non !!! Tu vas te marier ???
VICTOIRE
Le plus beau jour de ma vie.
FRANÇOIS
Oui, on dit ça le jour même… mais le lendemain… dès qu’on a dessaoulé. Ce mariage, qui t’oblige ?
VICTOIRE
Mais personne…
FRANÇOIS
Alors annule !
VICTOIRE
Enfin papa, tout est réservé… le traiteur…
FRANÇOIS
J’ai compris, tu te réserves pour le traiteur. Oh non, t’es enceinte ! Oh le maladroit ! Ne reste pas debout. Mais regarde-le… tu ne trouves pas que sur Terre, y’en a déjà assez d’un comme lui ?
VICTOIRE
Papa, mon chéri se prénomme Sam… et il est pharmacien.
FRANÇOIS
Sam et il est… ? Alors ce n’est pas lui ? (à Rom) Oh monsieur, je ne sais pas comment vous remercier d’avoir épargné ma fille…
ROMAIN
Je fais ce que je peux…
FRANÇOIS
Continuez !... Un pharmacien ! Mon rêve ! Jusqu’à la fin de ma vie, des médicaments gratuits. Mais alors lui, pourquoi on se l’inflige ?
VICTOIRE à Rom
Tu veux bien expliquer à papa ?
ROMAIN perdant ses moyens
Euh… je vous dynamite deux capsules ?
VICTOIRE et FRANÇOIS
Non !!!
FRANÇOIS
Incroyable ! Un pervers de la capsule !
VICTOIRE
Quand il bugue sur les capsules, c’est parce qu’il est très mal dans sa peau. Et là, je le comprends… parce que Rom…c’est le nouveau mec de maman.
FRANÇOIS après un temps
Tu peux me répéter ce qu’il me semble avoir entendu !?
VICTOIRE
Papa, Rom est le nouveau…
FRANÇOIS tragédien à l’ancienne
Rom - l’unique objet de mon ressentiment- ma capsule, vous me l’atomisez ! Donc tout à l’heure, quand je disais que vous couchiez sur ma femme et moi
ROMAIN
T'avais bon à 50 %... c’est déjà bien comme score (tendant une boite) Un anti dépresseur ?
FRANÇOIS
Pour devenir comme vous un légume ? Merci, je ne suis pas végétarien (rire nerveux) Et dire que le ciel m’a épargné pour subir ça… Quel gâchis !
VICTOIRE
T’es jaloux ?!
FRANÇOIS
De quel droit ?! C’est moi le premier qui ai déserté le champ de bataille. Non je suis… pas « agacé », ni « enthousiaste » je suis …
ROMAIN lui apportant son café
« Vexé » ? Une goutte de lait ?
FRANÇOIS
Sans façon. Pour en avoir, il me suffirait de vous presser le nez. Ôte-moi d’un doute, ta mère, quand on lui demande son âge, elle répond bien cougar ?
VICTOIRE rugissant
Une vacherie de plus sur maman et je t’éjecte !!!
FRANÇOIS
Mais c’est que tu montrerais les dents, qui sont fort belles d’ailleurs, comme celles de ta mère, même si ce ne sont plus les siennes (à Rom) Il le sait, ça ?
VICTOIRE
Maman a attendu trois ans pour te remplacer. Ça te va ? Ça calme ton égo ?
FRANÇOIS
Pas du tout. Elle attendait trois ans de plus, on évitait un tel désastre. Elle n’a jamais été patiente. Comment peut-on me remplacer par ce... placebo ?
ROMAIN
Ça veut dire quoi placebo ? Que je suis bien placé pour être beau ?!
VICTOIRE à François
Allez, file dans ta chambre récupérer tes fringues. Oui maman les a conservées religieusement, et repars « vivre ta vie » Dépêche ou je craque !!!
FRANÇOIS
Ok ok j’y vais dans ma chambre… oh plutôt monsieur Rom, dans « votre » chambre. La tête de ta mère quand elle va me voir… rien que pour ça, j’ai bien fait de rester en vie (fort vers la chambre) C’EST MOI MÉMÉ !
ROMAIN
« Mémé » ?! Heureusement qu’elle n’entend pas…
FRANÇOIS à la cantonade
ENLÈVE TES BOULES ET REMETS TON DENTIER !!! (Il sort fond cour)
VICTOIRE
Non mais j’te jure… Si avec tout ça j’obtiens mon diplôme…
ROMAIN
Je te dépucèle une capsule ?
VICTOIRE
Allez soyons fous… déflore ! (Romain actionne la machine) En fait c’est toi qui as raison, la vie c’est comme une capsule de café : faut que ça pète pour en goûter la saveur… même si parfois elle est amère.
FRANÇOIS réapparaissant, un traversin à la main
Ta mère !!!
VICTOIRE
Quoi « ta mère » ?
FRANÇOIS
Sur le lit, je vois la forme d’un corps boudiné, je me dis « elle a morflé » … j’arrache la couette délicatement … et devine qui je trouve en dessous ?
ROMAIN
Mon traversin ! Je me colle toujours contre lui, c’est mon doudou.
FRANÇOIS
Elle a découché ?!
VICTOIRE
Comme chaque nuit depuis deux ans.
FRANÇOIS
Quoi ? Ça fait deux ans qu’elle… ? Et tu trouves ça normal ?!
VICTOIRE terminant son café
Elle est majeure… enfin il me semble.
FRANÇOIS
Et lui ça fait deux ans qu’il se tape un polochon ?! … Oh là là un traversinophile. Et que ma femme… euh… ça ne vous inquiète pas ?
ROMAIN
Du moment que ça lui fait du bien… et qu’elle m’est fidèle...
FRANÇOIS
Bien sûr bien sûr. Très efficaces ses antidépresseurs. Elle vous dit qu’elle dort chez sa maman, c’est ça ? Ça fait dix ans que ma belle-mère dort au Père Lachaise comme une pierre.
VICTOIRE
Oh le duo d’enfer ! (3 coups brefs, 3 coups longs, 3 coups brefs retentissent sur la porte)
FRANÇOIS
C’est quoi, ça ?
ROMAIN
3 coups brefs, 3 coups longs, trois coups brefs… tu ne sais pas ce que c’est ?
FRANÇOIS
Ben si, S.O.S. Oh non Victoire t’as appelé les pompiers ?!
VICTOIRE à la cantonade, actionnant un disjoncteur qui coupe l’électricité J’AI COUPÉ LE COURANT, TU PEUX ENTRER, TOUT EST CLAIR !
FRANÇOIS
Tout est clair ? Mais t’as tout éteint.
Entre Corinne en pyjama, bigoudis sur la tête, avec un sac à dos.
CORINNE voyant François
Extraordinaire… il est enfin là !!! Je le tiens !!!
FRANÇOIS médusé
Corinne !!! Mais t’arrives d’où comme ça, en pyjama ?!
CORINNE grimaçant de douleur
Ah non, ça ne va pas recommencer…
FRANÇOIS
Promis, je ne recommencerai plus.
CORINNE passant côté cour
Victoire, fais quelque chose, je souffre trop…
FRANÇOIS
Mais comment tu peux souffrir alors que je suis revenu ?!
VICTOIRE à Corinne, dans le dos de François, tapotant son écran
Oh c’est ma tablette !!! J’ai oublié de la fermer…
CORINNE haussant le ton, pour Victoire
Tu ne vois pas que j’ai mal ?!
FRANÇOIS s’énervant
Et moi je n’ai pas mal en voyant chez moi ce pré-pubère ?
ROMAIN
Ça veut dire quoi pré-pubère ?
VICTOIRE
Papa, ce qui martyrise maman, pour une fois ce n’est pas toi, c’est ma tablette…
FRANÇOIS
Ta tablette ? Qu’est-ce qu’elle a ? Des virus que ta mère aurait peur d’attraper ?! Dis-moi, les rouleaux qu’elle a sur la tête, elle ne les aurait pas aussi dans le ceveau ?! … (mimant la folie)
CORINNE subitement tout sourire
Ouf c’est fini, quel soulagement … (à François, charmante) Bonjour mon amour. Ton voyage en avion s’est bien passé ?
FRANÇOIS s’étranglant puis allant ouvrir la porte d’entrée
Non mais… tu n’es pas au courant que… crash ?!
CORINNE
Mais si, je te taquine. (Rires moqueurs des deux autres) Tu repars déjà ?
FRANÇOIS après avoir regardé sur le palier et refermé la porte
Ils sont passés où tes infirmiers ?
CORINNE
Quels infirmiers ?
FRANÇOIS
Tu arrives en pyjama de l’extérieur, donc comme moi tu sors d’un hôpital… sauf que le tien… psychiatrique.
CORINNE haussant le ton
Parce que tu me crois folle ? Bien sûr que je suis folle de t’accepter ici, toi le pire des lâches. Seulement j’aimerais enfin comprendre ce qui s’est passé
VICTOIRE
Oh là, brusque réchauffement climatique… ça va péter, ça va péter…
CORINNE
Toi, va bosser ton examen pendant que je fais passer le sien à ton père.
FRANÇOIS
Un examen de quoi ?
CORINNE
De conscience… si elle ne s’est pas fossilisée.
ROMAIN angoissé, ré-avalant un comprimé
Zen, s-t-p. No stress…
VICTOIRE
Papa, en six ans même pas un sms… t’as été vraiment nul à l’écrit. Rattrape-toi à l’oral. En revenant ici, tu fous une de ces merdes, j’adooore !
Victoire sort côté cour
CORINNE
Amour…
FRANÇOIS et ROMAIN ensemble
Oui ?
CORINNE désignant Romain
Non, amour junior… Rom, j’attends ce moment-là depuis si longtemps, laisse-moi le déguster seule… en gastronome. Allez, allez.
FRANÇOIS abasourdi
Parce que tu as toujours cru que j’allais revenir ?!!
CORINNE
L’assassin revient toujours sur les lieux du crime…
FRANÇOIS
Quel crime ? Je n’ai tué personne.
CORINNE
Si, moi tu m‘as trucidée. Trois ans jour et nuit, portable contre l’oreille de peur de louper ton appel, tu réalises l’overdose de rayons que j’ai absorbés ? Je ne vivais plus qu’en 4 G : Gâchis, Galère, Gémissements, Gerber.
ROMAIN
On aurait eu la 5 G, on rajoutait « Grognasse »
CORINNE
Rom, tu me cherches ?
ROMAIN
Inutile Mamour puisque je t’ai trouvée.
CORINNE à François
Résultat : à cause de toi, j’en suis réduite à coucher au deuxième sous-sol.
FRANÇOIS
Deuxième sous-sol… mais c’est le parking…
`
CORINNE
Le soir, quand l’immeuble est plein, ça bombarde à tout va du wifi. Au moins au sous-sol, sous la chape, j’ai un sommeil béton.
FRANÇOIS
Tu dors dans le parking ?!
CORINNE
Dans notre box.
FRANÇOIS
Mais alors ma voiture, elle dort où ?!
CORINNE
Non mais Rom tu l’entends ?! Je passe mes nuits au milieu des gaz d’échappement et des flaques d’huile… avec pour seul paysage deux pneus réchappés… et monsieur, tout ce qui l’angoisse, c’est sa bagnole ? Ta poubelle, je l’ai revendue…
FRANÇOIS
Hein ???
CORINNE
Oui je l’ai revendue pour faire installer un volet roulant. Quand j’étais visible sur mon matelas, tout le monde me klaxonnait. La nuit, les seules étoiles que je voyais… c’était celles des Mercédès.
FRANÇOIS
Mais comprends aussi que je tenais à ma voiture …
CORINNE
Plus qu’à ta femme… comme la majorité des hommes.
ROMAIN
Pas moi… j’ai une trottinette.
CORINNE
Et dire que dans ce crash aérien, tu t’en es tiré sans une égratignure !
FRANÇOIS
C’est agaçant, hein ? Tu sais pourquoi là-haut ils m’ont épargné ? Parce qu’ici-bas il me reste une mission très importante à accomplir…
CORINNE
Ah oui ? Laquelle ?!
FRANÇOIS
… me réconcilier avec toi.
CORINNE finalement amusée
Quel baratineur !!! T’es dangereux tu sais…
FRANÇOIS
Mais j’y pense, on serait restés en couple… dans ce maudit avion tu aurais été assise à mes côtés ! Chérie, en te larguant, je t’ai sauvée la vie !!!
CORINNE
Je vais me le faire ! Rom, cette fois tu t’éclipses.
FRANÇOIS
On a toujours notre vieille gazinière ? Parce qu’amour junior pourrait préparer une collation pour amour senior, toutes ces émotions m’ont creusé.
CORINNE
T’as encore des émotions ?! Faut prévenir l’AFP (elle chuchote à l’oreille de Rom qui rigole ; puis) Rom, pourquoi tu emportes ce dico ?!
ROMAIN ayant pris sur une étagère un dictionnaire
Pour vérifier si ça existe vraiment « Placébère » et « Prépubo »
Romain sort côté cour, vers la cuisine.
FRANÇOIS
Alors lui, faut se le faire (réalisant sa gaffe) Oh pardon c’est ton quotidien… Tu lui disais quoi en messe basse ?
CORINNE
Que tu allais passer à confesse. On se dit tout ? Sans mentir ?
FRANÇOIS
Sans mentir ??? C’est à dire que je manque d’entrainement… et puis toutes les vérités sont-elles bonnes à dire ?!
CORINNE
À dire, non… à entendre, oui. François, le mensonge, c’est bon pour les jeunes, t’as plus l’âge… Pourquoi y aller par quatre chemins ?! C’est épuisant. La vérité, y’a pas mieux comme raccourci.
FRANÇOIS
Oui mais enfin quand c’est trop abrupt, c’est casse gueule. Bon, comme tu veux, à toi l’honneur.
CORINNE
Extraordinaire ! En 40 ans de mariage, c’est la première fois que tu me laisses passer devant toi…
FRANÇOIS
Eh voilà, ça commence à dézinguer !!!
CORINNE
Allez, j’attaque bille en tête… « Tu m’aimes ? »
FRANÇOIS décontenancé
Enfin Corinne, sois lucide, si je t’aimais encore, je ne serais jamais parti.
CORINNE telle une présentatrice de jeu télé
Excellente réponse ! (effet lumière + son) « Parmi ces quatre propositions, laquelle correspond à ce que tu ressens pour moi ? Petit a, pulsion irréversible… petit b, dégoût incompréhensible… petit c, remord inextinguible… petit d, tendresse incompressible » 15 secondes
FRANÇOIS
Qu’est-ce qui te prend ? On n’est pas dans un jeu télé ?
CORINNE
C’est quand même plus original qu’une scène de ménage classique, non ? La routine tue les couples, faisons-lui la peau. Fin des 14-15 ‘’ Réponse ?
FRANÇOIS
Petit d… la tendresse bien sûr… une tendresse… mais alors imprévisible…
CORINNE
Incompressible, pas imprévisible. Un demi-point (grave) (effet lumière + son) Plus difficile. François - je peux t’appeler par ton prénom ? - on se concentre « Sans le crash de ton avion tu ne serais jamais revenu ici » Vrai ou Faux ?
FRANÇOIS mal à l’aise, après quelques borborygmes
…. y’a un peu de ça.
CORINNE
On répond par vrai ou faux…
FRANÇOIS
Alors c’est pas faux.
CORINNE d’une joie factice
Après un tel suspense, une pause… et on se retrouve après la pub !!!
FRANÇOIS
Corinne, arrête maintenant ce petit jeu ridicule…
CORINNE troublée
Ce petit jeu comme tu dis me permet de garder le sourire. C’est dur tu sais, d’entendre la confirmation de ce qu’on a toujours refusé d’admettre.
FRANÇOIS
Parce que… non ! Tu serais encore amoureuse … ?!
CORINNE
Comme au premier jour.
FRANÇOIS
Mais comment tu fais ?!
CORINNE
Non, c’est faux. Pas comme au premier jour… comme à la première nuit.
FRANÇOIS
Ah oui, oh la coquine ! Faut dire que ce soir-là, je n’avais eu pas ma langue dans ma poche. Mais alors c’est nickel, on va pouvoir envoyer valdinguer le simplet…
CORINNE coupant net, présentatrice enjouée
Et nous retrouvons François qui joue, je vous le rappelle, pour gagner sa réinsertion familiale. Accroche toi bonhomme car voici le ni oui ni non.
FRANÇOIS
Oh non !
CORINNE
Perdu ! Mais ce n’était pas commencé. Ton avion provenait de la Réunion. C’est là-bas que tu vis ?
FRANÇOIS après un mini temps pour éviter de se faire piéger
Que j’ai vécu… pendant six ans, mais maintenant terminé.
CORINNE
Et comment t’as réussi à disparaître sans laisser la moindre trace ?
FRANÇOIS
Une agence anglaise spécialisée… (accent anglais) « Evaporation »
CORINNE
« Evaporation » ?!
FRANÇOIS
Si tu veux changer de vie, ils te garantissent sur facture que tu ne seras jamais retrouvé. Leur slogan « Avec nous, dans le futur votre passé ne sera plus présent »
CORINNE
Donc si moi aussi, un jour, je voulais m’évaporer…
FRANÇOIS
Impossible, ils ne s’occupent que des hommes.
CORINNE
Mais pourquoi ?
FRANÇOIS
Les femmes feraient tout louper, elles ont horreur de passer inaperçues.
CORINNE
Donc un coup de foudre ! Pour une femelle ou un mâle ?
FRANÇOIS
Enfin Corinne, tu me connais, je suis un hétéro pur sucre pur fruit…
CORINNE
Oh tu sais… à Londres, y’en a plus d’un qui sont devenus gay les jours de grand brouillard... Je peux connaître le prénom de l’heureuse élue ?
FRANÇOIS
Léontine.
CORINNE
Oh la pauvre… et si ça se trouve c’est de naissance. Une bombasse ? La trentaine ? Le démon de midi ?
FRANÇOIS avec la gestuelle d’une poitrine généreuse
Pas une bombe mais deux obus… la cinquantaine, le démon de 23 h 12.
CORINNE
La cinquantaine ? Tu vieillis !
FRANÇOIS
Ça compense avec toi qui es allée pécho en maternelle…
CORINNE
Donc cette femme te rend chaud bouillant et pffft… »Evaporation » !!! Et où tu l’as rencontrée ?
FRANÇOIS
Là, tu vas rire…
CORINNE
Me connaissant, c’est peu probable.
FRANÇOIS
Comme tu le sais, nos matelas sont archi pourris.
CORINNE
Quel rapport avec tes deux obus ?
FRANÇOIS
Il y a six ans, pour notre anniversaire de mariage j’ai voulu te faire la surprise de renouveler notre literie. Je me suis donc rendu dans un magasin cossu, la vendeuse s’est montrée hyper accueillante…
CORINNE
Oh là, je vois le coup venir…
FRANÇOIS
Et comme j’hésitais entre plusieurs modèles…
CORINNE
Plusieurs modèles de vendeuses ?!
FRANÇOIS
Elle m’a proposé de les tester. À la fermeture du magasin, elle a été prise d’une pulsion, elle m’a fait rire et « Homme qui rit, tout entier dans son lit » !!!
CORINNE
Et multi soupirs sur matelas multi spires ! Et pourquoi je ne les ai pas reçus ces matelas ? Je les avais pourtant bien mérités… pour notre anniversaire de mariage…
FRANÇOIS
C’est à dire que la patronne du magasin, qui était également sa compagne…
CORINNE
Ah parce que Léontine est bisexuelle ?
FRANÇOIS
Comme ses matelas… une face été, une face hiver.
CORINNE
Donc sa compagne qui se prénomme ?
FRANÇOIS
Roberte…
CORINNE
… y’en a qui cumulent ! Donc Roberte te surprend avec Léontine, et alors ?
FRANÇOIS
Alors j’ai renoncé à mon achat, Roberte me supprimait mes 25 % de remise
CORINNE
Mesquine, la Roberte. Je me suis toujours demandé pourquoi tu sautais sur tout ce qui bouge ?
FRANÇOIS
Mais parce que tu ne bougeais plus. Nous deux, c’était comme ma carte de crédit
CORINNE
C’est à dire ?
FRANÇOIS
Sans contact.
CORINNE
Monsieur l’ancien expert-comptable… pour refaire sa vie, faut de gros moyens. En six ans, ton compte en banque : encéphalogramme plat. Sous ses matelas, ta Léontine avait planqué des bas de laine ?
FRANÇOIS
Là encore ça va t’énerver mais bon… Au loto, tu te souviens qu’invariablement je cochais ton jour et mois de naissance, ton tour de tête, ton tour de taille, ta pointure et le 18
CORINNE
Le 18 ?
FRANÇOIS
Le nombre de kilos que t’avais pris depuis le mariage.
CORINNE
Et tu as gagné avec mes numéros fétiches ???
FRANÇOIS faisant non du doigt
Avec les siens. Toute son identité sur une deuxième grille. Avec toi, en quarante ans de mariage, pas une seule fois remboursé ! Faut le faire, j’aurais pu porter plainte ! Alors qu’avec elle, au premier tirage, le pactole… C’était Léontine que le sort me désignait. Et hop, avion pour la Réunion.
CORINNE
Pourquoi la Réunion ?
FRANÇOIS
Pour le nom.
CORINNE
Il a dit non !!! Éliminé.
FRANÇOIS
Pour le nom, n-o-m, le nom de l’île ! La réunion… de nos deux épidermes. Et alors là-bas… pendant six ans, la grande vie, et puis, hélas…
CORINNE
Hélas le pactole « Evaporation » ! Donc plus d’argent et retour en métropole en avion. En avion ? Mais j’y pense, tu es le seul rescapé… c’est à dire qu’elle… (Réalisant, joyeuse) Ooooh ! (Enchainant dramatique) Ooooh ! … mais alors ;quelle horreur, et moi qui, indélicate, toutes mes condoléances !!!
FRANÇOIS très ému
Merci, ça me touche beaucoup… Mais elle n’était pas dans l’avion.
CORINNE rupture de ton
Merde, loupée !... Donc ta Léontine est toujours à la Réunion ?
FRANÇOIS de plus en plus ému
Elle y est restée.
CORINNE
Et elle te manque ? Tu aimerais encore la serrer fort dans tes bras ?
FRANÇOIS au bord des larmes
Terriblement … Elle y est restée… dans un accident mortel !!!
CORINNE
Oh non !... Trop bonne affreuse nouvelle… Et moi qui commençais à l’apprécier… Bon tant pis si je me répète, toutes mes condoléances.
FRANÇOIS
Merci, ça me touche encore plus que la première fois.
CORINNE
Et comment elle est morte ? (François agite sa main latéralement pour refuser de répondre) En faisant coucou ?!... Un coup d’essuie-glace ? Ça, c’est pas fréquent.
Entrée de Victoire, en tenue hyper sexy, décolleté…
VICTOIRE
Tout se passe bien ? Papa tu pleures ?! Oh trop chou, il regrette tout le mal qu’il nous a fait…
FRANÇOIS pleurant sans la regarder
Nooooon !
CORINNE dans une rage victorieuse
Il a dit « Non » é-LI-MI-Né ! (François redouble de sanglots)
FRANÇOIS cessant net de pleurer en découvrant sa fille
Victoire, où tu vas comme ça ?
VICTOIRE
Passer mon examen…
FRANÇOIS
Un examen de quoi ? D’architecture, pas de gynécologie. Va te rhabiller.
VICTOIRE désirant l’appui de Corinne
Maman, dis quelque chose…
CORINNE en extase
Que ça fait du bien une autorité masculine chez soi !... Va te rhabiller.
VICTOIRE
Mais enfin…
CORINNE et FRANÇOIS ensemble, avec véhémence
VA TE RHABILLER ! Victoire sort. Rires de Corinne et François
FRANÇOIS tendre, complice
Ma Corinne, je te retrouve. Pour un peu, je te redemanderais ta main…
CORINNE tout sourire
Et tu la prendrais en pleine gueule !!!
FRANÇOIS
Après ce magnifique geste d’amour, à ton tour de passer sur le grill. À propos de grill… (à la cantonade) hé master chef, j’ai faim !!!.. Tu l’as déniché où ce… Ratatouille ?
CORINNE
Un peu de respect pour « STP » ! Il s’était pointé à mon premier vernissage.
FRANÇOIS
Il y a six ans tes toiles représentaient des bidets, tu avais osé les montrer ?
CORINNE
Au centre Pompidou, Duchamp a bien exposé un urinoir…
FRANÇOIS
Oui mais enfin des bidets, une espèce en voie de disparition…
CORINNE
Justement, ça aurait dû passionner les hygiénistes. Bref, bidets… gros bide. Ensuite, en souvenir de ma grossesse difficile, j’ai peint des fœtus.
FRANÇOIS
Bidets - fœtus… ta source d’inspiration s’était élevée de vingt centimètres.
CORINNE
Faut toujours que tu me rabaisses…
FRANÇOIS
Non mais enfin qui peut acheter des fœtus ? À part des cannibales pour un apéro… Et t’avais eu du client pour tes fœtus ?
CORINNE
Un seul. Rom.
FRANÇOIS
Forcément, il se reconnaissait.
CORINNE
Il m’a émue car il m’a réglé en espèces. Il avait un côté petit oiseau tombé du nid…
FRANÇOIS
Tombé ? Catapulté par ses parents, oui… il devait déparer la couvée…
CORINNE
On a gardé le contact et un soir il m’a proposé de venir cuisiner chez moi.
FRANÇOIS
Ben voyons ! Avec son air de chien errant qui cherche à renifler une truffe
CORINNE
Trois heures pour trouver l’appart malgré son GPS. Mais alors après… il m’a régalée !!! Botte de radis, botte de carottes, botte d’asperges…
FRANÇOIS
Oui j’ai compris, il t’a proposé la botte…
CORINNE
Et alors entre la poire au cumin et le munster à la vanille… on était pompettes et juste au moment où il allait… le petit Jésus dans la crèche… y’a une voix qui est sortie de son pantalon « Vous êtes- z- arrivé à destination »
FRANÇOIS
Il avait oublié de couper son GPS ! Oh le con !
CORINNE
Déboussolé, il s’est reculé… et la voix robotique d’ajouter « Faites demi-tour immédiatement » Je riais tellement, ça lui a coupé la chique.
FRANÇOIS
Google Map, je t’aime !!!
CORINNE
Tu connais la toile de Gustave Courbet « L’origine du monde » ?
FRANÇOIS
La femme toute nue, avec ses le haut de ses cuisses… Évidemment que je connais, n’oublie pas que je suis un homme d’ouverture…
CORINNE
Eh bien ce soir-là, en détaillant Rom dans le plus simple appareil, Eureka ! « L’origine du monde » version masculine, avec lui comme modèle.
FRANÇOIS
Non ! Tu as peint son zgeg ?!
CORINNE
A l’huile, à l’eau, au fusain, le petit oiseau de toutes les couleurs. Et depuis dans une galerie du Marais, ça se vend comme des petits pains.
FRANÇOIS
Bonjour la gueule des petits pains ! Tu gagnes ta vie avec sa bistouquette ?! Décidément, l’argent n’a pas d’odeur
CORINNE prenant un tableau de dos, donc invisible pour le public
Et voilà le travail.
FRANÇOIS époustouflé face à ce que lui montre Corinne
Non ! C’est lui, ça ? Ah c’est énorme. Là y’a du lourd. Aucuns effets spéciaux ? Il ne s’agit pas d’une illusion d’optique ?
CORINNE
Grandeur nature, c’est à l’échelle.
FRANÇOIS
Pour une échelle, quel barreau. Je connaissais les toiles impressionnistes, pas les toiles impressionnantes (montrant les murs) T’as bien fait de les retourner…
CORINNE
J’en écoule trois par jour
FRANÇOIS
Trois par jour ? Mais alors tu peins toujours la même chose…
CORINNE
Oui, à un poil près. Ma seule difficulté, c’est que sans modèle, je n’y arrive pas.
FRANÇOIS
Donc lui, toute la journée, il est condamné à… « burnes out » ?! Tout s’explique ! Dis donc c’est super réaliste, là, t’as même peint une mouche.
CORINNE
Mais non, c’est son grain de beauté.
FRANÇOIS
Vraiment minuscule sa beauté. Et moi alors, en 40 ans de mariage, pourquoi tu ne m’as jamais peint ?
CORINNE
Je ne fais pas les natures mortes.
FRANÇOIS
T’es dure.
CORINNE reposant le tableau à l’envers là où elle l’avait pris
Tu ne l’étais plus.
FRANÇOIS
Et tu vends ça combien ?
CORINNE
Mille euros…
FRANÇOIS
Mille euros ? Quand je pense que pour gagner à l’euro-millions faut minimum cinq boules alors que toi avec deux boules… Et tu lui refiles un pécule ?
CORINNE
Mieux que ça. Mais c’est moi qui détiens les cordons de sa bourse.
FRANÇOIS
Formule bien choisie ! Donc il a de quoi se reloger, car c’est impossible qu’ici on cohabite…
CORINNE
Là aussi, mot bien choisi ! Et entre vous deux, je vais devoir choisir.
FRANÇOIS
Quoi ? Entre moi et lui, tu hésites ?!
CORINNE
Pour info, tu ne m’aimes plus.
FRANÇOIS
Pas si peu que ça… ça peut repartir à la hausse…
CORINNE
Non, un cigare qu’on rallume est toujours plus amer. Suis-je prête à repartir pour un mauvais tour ? That is the question, Mister Evaporation.
Arrive Rom, un tablier sur pyjama, avec un plateau
ROMAIN
Je n’en reviens pas. Ça existe pour de vrai prépubo et placébère !
FRANÇOIS
Revoilà le monstre de la foire du trône.
ROMAIN installant une nappe sur la table, pour le petit déjeuner
Pourquoi tu me regardes avec ces yeux- là ?
FRANÇOIS
Parce que je n’en ai pas d’autres. Ça va ?Pas trop lourd à véhiculer tout ça?
CORINNE
Lui, il m’apporte mon petit déj… alors que toi, en 40 ans…
ROMAIN déposant son plateau
Smoothie aux algues et graines de chia, pudding à l’ail et clou de girofle… pancakes dégluténisés au soja et topinambours… et sorbet à la bave d’escargot.
FRANÇOIS
Pas étonnant qu’il ait fait faillite…
ROMAIN soulevant une cloche d’une assiette
Et voilà pour toi, estomac basique.
FRANÇOIS
C’est quoi ce truc congelé ?!
CORINNE posant le plat à la fin de la réplique
Le matin du jour où tu t’es « évaporé », tu m’avais demandé pour le diner, de ta belle voix posée, un lapin. Ça, pour le poser, tu me l’as bien posé le lapin ! Je l’ai congelé en me jurant qu’à ton retour… je te le ferai bouffer.
FRANÇOIS
Un lapin d’il y a six ans ?! Sans cesse décongelé et recongelé ?! J’hésite… Je vais me changer dans votre chambre… Monsieur Rocco !
Il sort fond cour
ROMAIN à Corinne
Pourquoi il m’appelle Rocco ?
CORINNE
Laisse tomber, ce serait comme toi… trop long !
Arrive Victoire, en bonne sœur avec cornettes
VICTOIRE
Et comme ça papa, j’ai ta bénédiction ? (Ne le voyant plus) Il est parti ?!
CORINNE
Victoire, ce n’est pas sérieux, dans deux heures tu passes ton examen !
VICTOIRE
Maman, ce soir c’est la première de notre troupe amateure et je devais retoucher mon costume de scène. Je ne suis pas crédible en bonne sœur ?
CORINNE
Si. Mais je te préfèrerais crédible en architecte !
VICTOIRE
T’inquiète, je vais cartonner sur tous les tableaux. Quelle journée de dingues ! Ce soir, fais un effort, viens nous applaudir, on coupera les portables…
CORINNE
Oui mais pas les projecteurs. Et puis « Le dialogue des Carmélites » deux heures et demie ? Elles sont trop bavardes ! C’aurait été le dialogue des Bénédictines je ne dis pas car elles au moins, elles ont fait vœu de silence… (Sonnerie porte d’entrée, douleur) Aaaah !!!
VICTOIRE allant vers la porte, en bonne sœur, à la cantonade
Mais arrêtez ! Vous persécutez maman…
Apparait Léon, valise à roulettes, lunettes noires.
LÉON
Une bonne sœur en cornettes ?! La dernière que j’ai vue c’était dans « la grande vadrouille » J’ai dû me tromper de porte
VICTOIRE désagréable
Vous savez lire ?
LÉON
Ben oui quand même, depuis le temps…
VICTOIRE désignant un post it sur la porte d’entrée
Sur la porte, j’ai inscrit Sonnette en panne
LÉON
… Et vous, vous savez écrire ?
VICTOIRE imitant Léon
Ben oui quand même, depuis le temps…
LÉON désignant le post it
« Pane » avec un seul « n » ! Même si c’est une mini panne… En tout cas avec moi, elle fonctionne. Alléluia ma sœur, j’ai fait un miracle !!! Et je peux même vous faire un bis ! (il refait sonner la porte)
CORINNE
AAAAAH il me troue la cervelle !!!!
VICTOIRE
Mais vous êtes dément, vous ne voyez pas qu’elle souffre, ma mère ?
LÉON
Ah parce que cette dame… c’est la mère supérieure ??? Je ne pouvais pas deviner, elle est en civil (à Corinne) Ma mère, je ne vous fais pas de baisemain car on ne baise que les femmes mariées. Vous souffrez de quoi ?
CORINNE
De vous !!!!
LÉON
Peu hospitalière la mère sup !
FRANÇOIS off, à la cantonade, côté cour
C’EST L’HOPITAL DU KREMLIN BICÊTRE ???
CORINNE, VICTOIRE, ROMAIN à la cantonade
Non !!!
LÉON
Oh… très belle voix, bien timbrée… à qui elle appartient ?
VICTOIRE
À un timbré ! Mon père.
LÉON
Votre père ? Il est là aussi le curé ?
VICTOIRE
Mais mon père n’est pas curé…
LÉON
Ah c’est un évêque ? (à la cantonade, vers la voix) Mes respects monseigneur !
FRANÇOIS off
C’EST SÛR QUE CE N’EST PAS L’HÔPITAL ?
CORINNE, VICTOIRE, ROMAIN à la cantonade
OUI !!!
LÉON
Ça y’est, j’ai compris… vous me prenez pour le médecin de l’hôpital qui doit venir abréger les souffrances de la mère sup.
CORINNE
Pitié, je souffre le martyr… votre portable est allumé ?
LÉON tendant son phone près du visage de Corinne
Vous êtes hors forfait ? Tenez prenez le mien, il est comme moi… Illimité !
CORINNE s’éloignant de Léon
Il émet des ondes. Mais éloignez ce type, c’est le DIABLE !
LÉON
Se faire traiter de diable dans un couvent, ce n’est pas à ça qu’on « s’attend » (riant) Satan ! Faut les trouver ces conneries ! C’est un métier.
VICTOIRE
Monsieur, je vais vous prier de sortir…
LÉON
Se faire prier dans un couvent, c’est un peu ton sur ton…
VICTOIRE
Mais cessez de délirer. Ici, ça ressemble à un couvent ?
LÉON
Je dois dire qu’au 4ème étage d’un immeuble Haussmannien, c’est assez innovant cette formule de… couvent bourgeois… Qui a fait vœu de richesse. Et puis alors, quelle équipe : la sœur, la mère, le père (montrant Romain) et l’enfant de chœur.
CORINNE
Je n’en peux plus, je titube…
LÉON
Ma mère, c’est pas bon d’abuser du vin de messe !
VICTOIRE
Monsieur, depuis ce ce matin on est déjà tous bien perchés, mais alors là… avant de vous expulser, qu’est-ce qui vous a poussé à venir chez nous ?
LÉON
Un mot que j’ai trouvé dans ma boite aux lettres…
CORINNE
Dégagez vers la porte ! Encore … Encore !!! (il va pour sortir) Une question : à part d’emmerder les gens, vous faites quoi dans la vie ?
LÉON stupéfait
Non mais le plus ahurissant ici, c’est que personne ne m’a reconnu ! (il enlève ses lunettes noires) Bon, et comme ça, ça y’est ?!
VICTOIRE
Bien sûr ! Mister Bean !
CORINNE
Non, Mister Has Been !
LÉON
C’est un gag, vous me faites marcher…
CORINNE
Oui vers la porte !... Et pourquoi il se tait l’enfant de chœur ?
ROMAIN pétri d’admiration pour Léon
Parce qu’il savoure ! C’est Léon ! Vous ne réalisez même pas la chance qu’on a ! À domicile, une méga star rien que pour nous !
LÉON
Ah ! Enfin quelqu’un de civilisé.
ROMAIN
C’est Léon, le cultissime Léon. Je suis tellement fan. J’en reviens pas, toi ici
LÉON
Il me tutoie, ça j’aime moins (conciliant) Cela dit, comme maintenant les religieux tutoient Dieu… à la limite je peux m’aligner sur Dieu.
CORINNE et VICTOIRE ahuries
Une méga star ?!
LÉON
95 % des Français me vénèrent… et il y en a encore 5 % qui m’ignorent… Ça me sidère… On n’a vu que moi à la télé.
ROMAIN
Ouiiiiii !!!
VICTOIRE
On ne la regarde plus depuis des années…
LÉON
On ne voit que moi dans la presse people…
ROMAIN
Ouiiii !!!
CORINNE ironique
La presse people ! Je ne comprends pas comment le malheur des riches peut faire le bonheur des pauvres…
ROMAIN
C’est notre meilleur imitateur, le plus insolent. La bête noire des politiciens. Son nom de famille c’est « Camé « D’où son nom de scène « Caméléon »
CORINNE et VICTOIRE
Camé-léon !!!
LÉON
Eh oui… on peut me poser sur n’importe quelle personnalité… Immédiatement je prends sa voix, ses mimiques et sa couleur politique.
(mini imitation)
ROMAIN
Et comment tu les casses ! Mais parfois tu tapes fort… tu me fais peur…
LÉON
Je suis obligé. En tant qu’influenceur je dois en permanence surprendre mes huit millions de followers.
ROMAIN
Ça veut dire quoi « Flo-lovers » ?
VICTOIRE rectifiant
Followers ! Il est suivi par huit millions de personnes…
ROMAIN
Mais ils ne vont jamais pouvoir tous tenir dans l’ascenseur…
CORINNE à Léon désignant Romain
Et voilà ! Ça, c’est le quotient intellectuel de vos 95 %
ROMAIN
Léon, stp… un autographe avec son petit bisou ?!
CORINNE s’énervant
Non, c’est terminé, il n’approche plus personne !!!
ROMAIN
T’es jalouse mamour ?
LÉON
MAMOUR ?! L’enfant de chœur avec la mère sup ? « Sex in the couvent » ? Alors ça, c’est 500 000 vues sur Instagram » (à la cantonade) L’évêque, il pourrait venir pour un selfie ?
VICTOIRE pétant un plomb
Cette fois, j’explose ! Mon père n’a jamais été un vrai père, ma mère n’a jamais été supérieure, lui c’est loin d’être un enfant de chœur et moi je ne suis pas votre sœur. Sous ma robe je suis nue et je vais me marier. Pigé ?
LÉON de plus en plus exalté
L’extase suprême… je suis tombé sur un nid de défroqués !!!
CORINNE
Sortez et ne sonnez plus jamais !!!
LÉON
Sonner ? Mais c’était mon premier numéro de cabaret à la Main au panier ! (air Si j’avais un marteau) « Si j'avais une cloche /Je sonnerais le jour / Je sonnerais la nuit/ J'y mettrais tout mon cœur / Pour le travail à l'aube/ Et le soir pour la soupe/ J'appellerais mon père/ Ma mère, mes frères et mes sœurs/ Oh oh, ce serait le bonheur » Et je sortais de scène en hurlant mon groupe sanguin… « À PLUS !!!!!! «
Il sort. Victoire va fermer la porte.
CORINNE
Moi si j’avais un marteau, je lui taperais sur la tête comme un clou !
ROMAIN encore abasourdi
Je n’en reviens pas ! Léon ici ( à la française) en live !!!
VICTOIRE le corrigeant à l’anglaise
En » lyve » pas en (à la française) live…
ROMAIN
Donc la tapenade, ça se fait avec des « olyves » ?
CORINNE
Rom, par moments – qui sont de plus en plus nombreux - tu me désespères (Victoire décroche le téléphone fixe) À qui tu téléphones ?
VICTOIRE allant décrocher le téléphone fixe
À Sam, pour qu’il m’emmène à mon exam avec ma maquette. Aucune tonalité ? Oh non Rom, t’as retiré la prise… (Victoire rebranche le téléphone)
ROMAIN
Pourquoi j’aurais fait ça ? Mamour supporte très bien les téléphones fixes. Alors tu te régales avec mon petit déj ?!
CORINNE
Je suis végane et tu me mets de la viande ?!
ROMAIN
De la viande ? Mais où ça ?
CORINNE
Là, dans la marmelade… y’a un moucheron !
VICTOIRE au téléphone fixe
Messagerie ! Sam mon bichon, avant de quitter ta pharmacie, avale un antidouleur car tu vas rencontrer ton futur beau-père (elle raccroche) Alors maman, papa t’a dit où il était passé pendant six ans ?
Apparait François dans un costume ridicule des années 80
FRANÇOIS
Il était passé dans sa penderie… où il n’y a plus que ses vêtements d’avant mariage. Ils sont où les autres ?
CORINNE
« Évaporation »… dans le coffre de ta voiture, j’ai fait un blot ! Je n’ai gardé que les vêtements de l’époque où tu étais fou amoureux de moi. Tu vois, ça remonte à… chaque fois que t’avais envie de moi, tu me chantais « Pose tes deux pieds en canard, c’est la chenille qui se prépare… »
FRANÇOIS
Oui mais la chenille s’est transformée en papillon qui s’est envolé. Avec qui vous parliez, là ?
VICTOIRE
Un camé… drogué de lui-même…
FRANÇOIS la découvrant seulement maintenant en bonne sœur
Ah bien voilà, ça c’est la tenue idéale pour un examen. Personne n’oserait saquer une bonne sœur, ce serait sacrilège. Bon, je vais me chercher des viennoiseries. Tu me ferais valser un petit billet ?
VICTOIRE sortant rapidement milieu côté cour
C’est ballot, mon budget est parti en taxi.
FRANÇOIS vers Corinne
Chérie, un petit billet ?
CORINNE sortant elle aussi rapidement fond cour
Rom, on va attaquer la première toile du jour.
ROMAIN allant pour sortir avec le plateau du petit déjeuner
Pas de problème mamour, je suis GONFLÉ À BLOC…
FRANÇOIS
Pour faire le vide… plus efficace que le yoga, demander de l’argent (sonnerie téléphone) Il fonctionne ? J’avais enlevé la prise !!! (Romain va pour répondre) Ne décrochez pas, c’est ou l’hôpital ou les flics.
VICTOIRE off
RÉPONDEZ, ÇA DOIT ÊTRE MON BICHON !
ROMAIN
Allô ?... Qui ? François Gaudo ?
FRANÇOIS à mi-voix à Romain
Je ne suis pas là…
ROMAIN au téléphone
Il n’est pas là… si, il vient de me dire qu’il n’est pas là… je vous le passe, il vous le confirmera lui-même… c’est de la part ?... Non c’est toi ?! C’est moi… ben moi l’enfant de chœur… Comment t’as eu mon numéro ?
FRANÇOIS
C’est qui ?
ROMAIN tendant l’appareil
Léon ! Il te réclame ! Oh la chance !
FRANÇOIS au téléphone, très heureux
Monsieur Caméléon… j’espérais tellement que vous m’appeliez… oui c’est le numéro que je vous avais indiqué sur mon petit mot… mais si, j’ai marqué à gauche en sortant de l’ascenseur ?… Vous êtes où exactement ?
On cogne à la porte. Romain ouvre, réapparaît LÉON
LÉON portable à l’oreille
J’ai fait des progrès, je n’ai pas sonné…
FRANÇOIS transfiguré, sous le choc émotif
Léontine version masculine ! Ce mimétisme, c’est de la folie !!!
LÉON parlant dans son portable.
Tout à l’heure je pensais m’être trompé d’appart, aussi je suis parti en impro… le délire d’une icône du music-hall ! ( il rit )
FRANÇOIS de plus en plus médusé
Le même rire !!! J’en tremble…
ROMAIN
Comment vous vous connaissez ?!
CORINNE off, douloureuse
MAIS D’OÙ ELLES VIENNENT, TOUTES CES MAUVAISES ONDES ?
ROMAIN extirpant une boite en polystyrène, autoritaire
Léon, ton portable dans cette boite isotherme.
LÉON
Mais c’est fait pour garder les glaces au frais…
ROMAIN enfournant avec autorité le portable de Léon dans la boite
Et maintenir les mauvaises ondes au chaud. Et hop, sur le lapin !
FRANÇOIS à Romain qui a refermé le couvercle de la boite
Rom, pour une fois, un bon point.
ROMAIN
Je suis comme ça, j’ai des talents cachés.
FRANÇOIS
Cachés cachés… certains sont bien visibles !
CORINNE off
MERCI, FINIES LES SOUFFRANCES !!!
LÉON
Une question : ici, faut pas chercher à tout comprendre ?
FRANÇOIS toujours dans son costume hideux
Je vous le conseille... faut se laisser emporter… et advienne que pourra.
LÉON
Oh mais dites-moi… vous êtes le miraculé !!! Encore plus V.I.P. que moi
FRANÇOIS
N’exagérez pas, personne ne peut rivaliser avec le célébrissime Caméléon
LÉON
Un caméléon… il se pose sur votre costume, il crève d’une diarrhée ! Vous êtes mannequin chez Emmaüs ?
FRANÇOIS toujours subjugué
Le même humour corrosif, j’adore !!!
LÉON sortant une feuille de sa poche
Ce mot dans ma boite aux lettres, c’était donc vous ?
FRANÇOIS
Il était tôt, je n’ai pas osé sonner, en plus j’étais en pyjama dans le taxi…
LÉON
En pyjama ? C’est donc si urgent ? (Lisant) « J’ai une révélation capitale au sujet de Léontine. Signé François Gaudo » Donc vous connaissez ma sœur ? Léontine ne vous a pas dit que depuis sept ans on était fâchés à mort ?
FRANÇOIS
Eh oui, à mort… je n’ai jamais su pourquoi… Pourquoi ?
LÉON
Que ma sœur soit bisexuelle, c’est son truc. Mais qu’elle emballe ma copine dont j’étais dingue, ça non ! Déjà enfant, elle me piquait tous mes jouets.
FRANÇOIS
C’était qui cette copine ?
LÉON
Une femme qui n’aimait que les femmes… et j’avais été le premier à l’avoir convertie. Un exploit. Moi j’aime les femmes viriles, dures en affaires… alors elle, fallait voir comment elle le dirigeait son magasin de matelas…
FRANÇOIS
ROBERTE !
LÉON
Vous la connaissez ?!
FRANÇOIS
Pas du tout, j’ai dit ça au pif… j’ai une de ces chances…
LÉON
Et deux mois après Léontine a largué Roberte. Ce n’est pas révoltant ?!
FRANÇOIS
Et vous n’avez jamais su pour qui Léontine avait quitté Roberte ?
LÉON
Un vieux connard.
FRANÇOIS
Vous le connaissez ?
LÉON
Non, mais si je l’avais en face de moi… Si je comprends bien Léontine vous a demandé de nous réconcilier ? Vous n’avez rien de mieux à faire ?
FRANÇOIS dans le dos de Léon qui se mire dans un miroir
Non, je suis tellement ému de vous rencontrer (extasié) Oh là là, la même carrure, vous aussi la natation ?.. Je peux toucher vos oreilles ? Oh les mêmes lobes… incroyable vous êtes deux gouttes d’eau…
LÉON
Normal, on est des jumeaux monozygotes.
FRANÇOIS
« Monozygotes » ?
LÉON
Neuf mois dans le même œuf.
FRANÇOIS désignant le costume jaune de Léon
Et vous avez gardé le jaune !!!
LÉON
Œuf que maman a pondu, tenez-vous bien, un dimanche de Pâques… et en plus à Longjumeau. Quel à propos ma mamoune ! Quand elle me tenait par les pieds, la tête à l’envers, elle ne m’appelait plus « Léon » mais « Noël »
FRANÇOIS
Plus je vous entends, plus je la vois… Je suis terriblement troublé…
LÉON
Ho, attention, ne tombez jamais amoureux d’elle : c’est une vénéneuse. Bon elle veut quoi ? Qu’on ne reste pas fâchés éternellement ?
FRANÇOIS
Éternellement ?! Je vais tout vous dire, vaut mieux vous asseoir… Vous prenez quelque chose ?
LÉON
Oui… du poids. Mais je ne serais pas contre un petit déjeuner…
ROMAIN
Léon, si tu veux, sous ton téléphone, il nous reste du lapin.
LÉON
Du lapin ? À jeun ?!
ROMAIN
Non, pas d’Agen, il vient de garenne.
LÉON
Un gus comme lui, c’est très pratique. Ça vous permet de différencier
l’humour professionnel de l’humour amateur. Groupie, vous auriez un café ?
ROMAIN
Un café ? Mais Léon ça fait des mois que je ne vis que pour ça. J’ai un master de café… sauf que là, bérézina… on n’a plus de courant…
LÉON
La sonnette en panne, pourtant elle fonctionne…
FRANÇOIS
Mais bien sûr ! Sur le palier y’a une prise, on a du jus pour le café…
ROMAIN emportant sur le palier la machine à café, capsule + tasse
On est sauvés ! Oh mon Léon, je vais te faire péter ta capsule…
Romain disparaît
LÉON
Il veut me faire péter ma capsule ? Alors lui, je vais l’appeler M’Bappé…
FRANÇOIS
Pourquoi ?
LÉON
Il va droit au but. Bon alors c’est quoi cette « révélation capitale » ?
FRANÇOIS … (gagnant du temps, avisant la valise de Léon)
Vous partez en voyage !?
LÉON
Perspicace le vintage ! Oh j’y pense, mon avion… ils en sont où ? … (il ouvre la boite isotherme pour reprendre son portable
CORINNE OFF, cri de douleur
AAAAAAHHHH
LÉON scrutant son écran alors que le cri continue
Aucun message, ils se foutent de moi… (il remet le téléphone dans la boite et ferme le couvercle ; fin du cri) Ça alors… (il rouvre la boite, cri de Corinne, il referme la boite, fin du cri. Jeu de scène à répéter plusieurs fois, en accélérant ouvertures et fermetures. François excédé lui confisque la boite) Ah oui, ici faut pas chercher à comprendre…
FRANÇOIS
Vous partez loin ?
LÉON
Broadway, une toute petite salle pour commencer, 3500 places « The marvellous Caméléon Show » Déjà complet pour trois mois… les francophones m’attendent comme le Messie.
FRANÇOIS
Un show d’imitations ?
LÉON
L’histoire de l’Humanité à ma sauce : du premier homme, Adam… jusqu’au dernier, Stéphane Bern. 38 tableaux, 26 danseuses et musiciens.
FRANÇOIS
Et dire que si Adam avait été homosexuel… y’aurait eu personne sur la Terre, on aurait eu de la place pour se garer. Vous partez pour longtemps ?
LÉON
Longtemps ? Définitivement. J’ai demandé l’asile aux États Unis.
FRANÇOIS
L’asile politique ?!
LÉON
Non, l’asile comique. De Gaulle, ce petit rigolo, s’était réfugié à Londres… petit joueur ! Moi je vais plus loin que le général, New York… où je vais fonder le R.P.L.E., Résistance Pour la Liberté d’expression… avec une émission de radio » Les français parlent… à ceux qui le comprennent »
FRANÇOIS
Je me souviens qu’on vous avait accusé de racisme anti blanc… pour avoir déclaré que vous préfériez l’humour noir !
LÉON
Et l’année suivante, l’inverse ! Racisme anti noir pour avoir dit qu’en musique une blanche égale deux noires.
FRANÇOIS allant vers porte d’entrée
Il en est où avec votre café noir ?
LÉON
Je suis à bout, tout est tabou ! Dès que je l’ouvre, insultes sur les réseaux sociaux, tous les jours je reçois des menaces de mort.
FRANÇOIS
Avec des vraies balles dans les enveloppes ?
LÉON
Je pourrais ouvrir une cartoucherie. Ça a débuté après avoir imité (Sarkozy) « J’ai la tête de Sylvester Stallone sur le corps de Gemini Cricket. Dans le show biz y’a grand corps malade, moi c’est petit corps agité. Toute cette énergie de perdue, on devrait me recycler en éolienne » Trois cartouches ! Une par vanne.
FRANÇOIS
Ce ne serait quand même pas Nicolas qui les aurait postées ?
LÉON
Impossible… pour lui, la fente de la boite aux lettres est beaucoup trop haute. Les politiciens font semblant que ça ne les atteint pas mais plus d’un me tient responsable de ses échecs électoraux. Non, les plus menaçants ce sont les seconds couteaux… qui veulent être canifs à la place du canif.
FRANÇOIS
D’où l’expression « ils tueraient pour un bon mot »
LÉON
Et l’autre, après l’avoir imité (Hollande) « Comme j’ai le nom d’un plat pays, c’était normal que je mette le pays à plat » Sur un passage piétons, j’ai été renversé par un scooter !
FRANÇOIS
On n’a pas su qui c’était ?
LÉON
Non, on n’a retrouvé qu’un croissant.
FRANÇOIS
J’ignorais que c’était aussi dangereux de faire rire les honnêtes gens.
LÉON
Mais oui, car les honnêtes gens ne rient que si l’on balance sur les malhonnêtes … donc obligé de dénoncer. Vous avez vu avec votre taxi où j’habitais en banlieue ? J’étais black listé à la mairie Paris.
FRANÇOIS
Pourquoi ?
LÉON
Pour avoir dit que c’étaient les bobos qui avaient voté pour Anne Hidalgo… car seul un bobo pouvait voter pour une plaie…
FRANÇOIS sous le charme
Les mêmes fossettes que Léontine, vous êtes craquant monsieur !
LÉON
Bon, parfois l’ivresse du bon mot me fait dépasser les bornes (Macron) « Mes chers compatriotes, en épouzant ma maitrezze de Français, ze zuis pazzé de la grammaire à la grand-mère » C’est vache… surtout que c’est charmant une cougar… comme l’écureuil de la caisse d’épargne, ça vous grignote les noisettes
FRANÇOIS
Alors là, vous méritez vraiment d’être déchu de la nationalité française.
LÉON
Je me suis mis à dos l’Angleterre entière après avoir dit que les robes de la reine d’Angleterre avaient été rachetées par Roselyne Bachelot. Et que la royauté anglaise n’était plus ce qu’elle était. La Reine mère roulait en Rolls, le prince Harry en est réduit à une Mégane…
FRANÇOIS
Ce serait cocasse qu’on extrade un comique pour une vanne provocatrice.
LÉON
Outre atlantique je vais cracher mon venin en toute impunité. Joe Biden… (imiter un vieux chancelant, qui se casse la figure) il ne sait même plus comment il s’appelle… on éternue à côté de lui, ça le fait tomber, son idole c’est Jean Jacques Debout… et Donald Trump…je vais me les payer, les deux petits vieux du Muppets show !!!
FRANÇOIS
D’après Stormy Daniels, une call girl, le fantasme de Trump serait qu’on fasse ses besoins sur lui… ce qui expliquerait le jaune paillasse de ses cheveux. Comme quoi ça pousse bien sur le fumier…
ROMAIN passant sa tête par la porte d’entrée
Je suis maudit, y’a aucun courant dans toutes les prises du palier… je descends trois à trois au quatrième… non… quatre à quatre au troisième. Il re-disparait
LÉON à François
Je devais décoller à midi, j’étais en route pour Charles de Gaulle et sms « Vol retardé à 15 h » Du coup, votre mot m’ayant intrigué, au lieu de glander j’ai détourné mon taxi pour ici. Jusqu’à maintenant, je ne regrette pas !
FRANÇOIS
C’est maintenant que ça va être très difficile.
LÉON repassant côté jardin
Mais j’angoisse, je risque d’arriver à New York 5 minutes avant la générale. Même si on a répété par visio-conférences… Vous qui êtes un expert, comment je pourrais augmenter mon capital chance ?
FRANÇOIS
Voyons déjà vos lignes de la main… (Prenant la main de Léon ; émoi sensuel) oh le même grain de peau que votre sœur, j’en ai les poils qui se hérissent…
LEON
Hé, ho… vous me chatouillez, là ! Alors ?
FRANÇOIS
C’est très net… là, votre ligne de cœur s’interrompt parce que vous allez apprendre très très prochainement une nouvelle qui va vous briser le cœur.
LEON
Alors là, vous êtes très fort ! Ma petite Caroline chérie m’a largué cette nuit alors qu’on devait s’envoler tous les deux ce matin. Je suis destroy… mais the show must go on. Et ma ligne de chance ?
FRANÇOIS se repenchant sur la main
Ah ben là on voit très nettement que dans votre banlieue, vous aviez un très très beau jardin.
LEON
Incroyable ! Comment vous avez vu ça dans ma main ?!
FRANÇOIS
Vous avez des ampoules… le jardinage. Y’a des lieux qui portent chance. Moi voyez, je suis né dans une petite commune, on dirait un gag mais elle existe vraiment, Saint Amand sur Fion.
LÉON
Là on est vraiment dans le trou du cul du monde … Remarquez, mieux vaut ça que d’être né à Époisses.
FRANÇOIS
J’avais quoi ? Trois mois… toute ma famille était réunie autour d’une plâtrée de spaghettis et en me changeant, ma mère m’a laissé tomber tout nu dans le plat.
LÉON
À trois mois, vous aviez déjà le cul bordé de nouilles !!! Là, personne ne peut lutter. Et les porte bonheurs c’est efficace ? Une patte de lapin ?
FRANÇOIS
Surtout pas ! J’ai connu un chanteur d’opéra qui avait toujours une patte de lapin dans la poche de son pantalon, un chien de chasse l’a reniflé, il s’est jeté sur lui, et de baryton il est devenu castrat. Non, le porte bonheur le plus traditionnel, c’est quand même le trèfle à quatre feuilles
LÉON
Surtout pas ! J’ai connu un père de famille des plus virils, ancien légionnaire, six enfants, trois chèvres… eh bien au bois de Boulogne, il a vu un trèfle à quatre feuilles… il s’est penché pour le ramasser…
FRANÇOIS
Et alors ?
LÉON
Depuis il parle brésilien. Retour de Romain avec un café pour LÉON
ROMAIN surexcité
Et un expresso, un ! Léon, les voisins t’ont vu passer, ils te réclament tous un autographe (en emportant le bocal de capsules) et à moi, ils me réclament tous un café ! Je me sens enfin à nouveau utile pour la société. Mais pourquoi je suis resté cloîtré ici aussi longtemps ?! (il sort par la porte d’entrée, à la cantonade) DEMANDEZ CAPSULES… QUI QU’EN VEUT ?!
LÉON seul avec François, autoritaire
Cette fois, on en finit avec Léontine ! Elle est où ?
FRANÇOIS
À la Réunion.
LÉON
Mais qu’est-ce qu’elle fout là-bas ?!
FRANÇOIS
Elle repose- elle se repose. Après six ans de vie commune, elle m’a largué par SMS.
LÉON
Oh non !!!
FRANÇOIS
Eh si… comme vous, je me suis fait larguer.
LÉON
Non, j’ai dit « oh non » parce que… c’est vous le vieux connard !
FRANÇOIS
Et pourtant je ne fais pas mon âge
LÉON
Mais quelle garce, une rupture, ça se fait de vive voix… pas par sms.
FRANÇOIS
D’autant plus que j’étais dans la chambre et elle dans la salle de bains.
LÉON
Elle vous a largué pour une femme ?
FRANÇOIS
J’aurais préféré, ç’aurait été moins vexant. Non, pour un voyou local, un proxénète tatoué. Léontine, pourquoi tu m’as trompé ? Et en plus avec un tatoué ! (Le secouant) Mais réponds-moi enfin !
LÉON
Hé doucement, je n’y suis pour rien… je ne suis pas ma sœur …
FRANÇOIS
Oh pardon, vous êtes tellement son double, j’en arrive à vous confondre… Dix minutes plus tard, elle était sur notre petite plage d’amour. Caché derrière un cocotier je l’ai vue se jeter à l’eau… et là, subitement elle a poussé un cri, mais un cri, je l’entends encore.
LÉON
Une méduse ?
FRANÇOIS
Un bouledogue !!!
LÉON
Un bouledogue ?!
FRANÇOIS
Un requin bouledogue. Oui comme les bouledogues ça bave beaucoup mais dans l’eau ça ne se voit pas. Elle a levé ses bras au ciel… j’ai couru vers la mer et… engloutie ! D’abord des grosses bulles, puis des bulles moyennes, des petites bulles, des mini bulles… et pis pus de bulles. Et alors à la surface du rouge, du rouge, votre sœur n’était plus qu’une traînée.
LÉON
Elle est morte comme elle a vécu !!!... Même si elle le méritait c’est quand même vache comme punition… et – par curiosité morbide – ma jumelle… il en a bouffé beaucoup le requin ?
FRANÇOIS très ému
Tout ce qui était en dessous du bassin… un connaisseur, c’est ce qu’elle avait de meilleur !
LÉON lui aussi très ému
Et ç’a eu lieu quand ?
FRANÇOIS
Euh… pas vendredi dernier, jour du poisson, mais le précédent.
LÉON sursautant
Attendez, le précédent ? Mais à quelle heure ?
FRANÇOIS
Il était treize heures, heure locale, donc ici pour vous deux heures en moins
LÉON
Onze heures ? L’autre vendredi, à onze heures du mat, j’ai appelé le Samu. Comme si des mâchoires me transperçaient du bassin jusqu’aux pieds.
FRANÇOIS
C’est classique chez les jumeaux… Mimétisme corporel.
LÉON
Vous avez raison, quand elle mouillait ses cheveux, c’était moi qui frisais. Mais le plus impressionnant, ç’a été quand elle a perdu sa virginité. Ouille ouille ouille… je ne vous dis pas comme je l’ai ressenti...
FRANÇOIS
Non non ne le dites pas ! Mais un petit détail quand même …
LÉON
En pleine messe ça surprend ! J’ai failli m’étouffer en avalant de travers l’hostie ! Et on en a fait quoi de ce qui restait de ma sœur ?
FRANÇOIS
Oh maintenant vous pouvez dire demi-sœur. Déjà qu’elle avait été ma moitié. On l’a enterrée, après l’avoir égouttée. Un cercueil avec seulement deux poignées. J’en tenais une, et l’autre - pas pu l’en empêcher – le proxénète.
LÉON
Quel destin ! À cause d’un requin, finir soutenue par un maquereau…
FRANÇOIS
Sur sa tombe j’ai fait graver « Toute ma vie j’ai été comestible ! » Oh ce que j’ai faim… La seule bonne nouvelle, c’est que le requin assassin a été arrêté.
LÉON
Comment on a été certain que c’était le sien ?
FRANÇOIS
Dans son ventre, on a retrouvé son maillot de bains. Intact ! La qualité du tissus ! Faut dire qu’il m’avait coûté un bras …
LÉON
C’est rien… elle, ça lui a coûté deux jambes…
FRANÇOIS
Léon, même de très loin, avec Léontine on suivait votre carrière de très près … aussi en son nom je me permets de vous offrir…
LÉON
Un souvenir de la Réunion ?!
FRANÇOIS
Le meilleur porte bonheur au monde ! Sans lequel j’aurai péri dans mon crash aérien. (il ouvre sa chemise sur un collier de grosses dents de requin)
LÉON
Des dents de requin !!!
FRANÇOIS
Celles qui ont bouffé votre sœur !!!
LÉON
Oh non, quelle horreur !!! Vous les avez fait monter en collier ?!
FRANÇOIS en ôtant son collier du cou
Elles vous reviennent de droit.
LÉON dans tous ses états, détaillant les dents
Rien que de penser que ma sœur est passée entre ces dents…
FRANÇOIS agitant le collier pour le passer autour du cou de LÉON
La toute dernière chose qu’elle a vue de son vivant… grr grr grrr
LÉON bouleversé
C’est atroce, elles bougent encore…
FRANÇOIS
Vous pourrez dire que vous avez pris ses jambes à votre cou.
LÉON
Quand je pense que Léontine était là…
FRANÇOIS
Mais elle est toujours là. Je la sens si fort … qui transperce votre enveloppe masculine. Vous êtes « elle » Mon amour, tu me manques tellement…
LÉON
Mais qu’est-ce qui vous prend ?
FRANÇOIS
Monsieur monozygote, je vous en supplie, aidez-moi à faire mon deuil.
LÉON
En faisant quoi ?
FRANÇOIS
En me laissant la rejoindre à travers vous. Fermez les yeux, que je puisse la déguster en toute sérénité.
LÉON
Mais je n’ai pas envie de déguster ! Je ne suis pas gay !!!
FRANÇOIS
Mais moi non plus je ne suis pas gay… et c’est ça qui est beau !!! Léontine, me revoilà !!! (il l’embrasse de force, le téléphone sonne )
Retour de Victoire en tenue civilisée
VICTOIRE allant vers le téléphone
On demande une future architecte ? Voilà voilà ! (Découvrant les deux hommes, décrochant) Allô ?... Une seconde mon bichon (à la cantonade) Maman viens vite, ce serait dommage que tu loupes ça ! (Au téléphone) Quoi mon bichon ?... C’est ça, mon examen est dans une heure … Ça bouchonne ? Eh bien ici ça fusionne (elle raccroche)
Entrée de Corinne hyper élégante. Contraste avec le pyjama.
CORINNE
Qu’est ce qui… ? (les voyant enlacés) Ah ben voilà autre chose ! Il est revenu le caméléon ! Mais cette fois il a sorti sa langue ! (Désignant le téléphone) Appelle les pompiers, qu’ils viennent leur jeter un seau d’eau…
Léon et François se séparent ; François semble extasié
LÉON reprenant son souffle
Eh bé, qu’est-ce que vous l’aimiez !!! (Voyant les femmes ; mondain) Ah mesdames, vous revoilà ?! M’en veuillez pas pour tout à l’heure, je délirais…
CORINNE
Parce que là, tout est normal ?!
LÉON
Ah parce que vous croyez qu’entre lui et moi ?! Ce n’est pas du tout ce que vous croyez.
FRANÇOIS
Trésor je ne suis nullement attiré par les hommes, monsieur m’est témoin.
CORINNE
Mais un tel culot, faut l’exposer au musée de l’Homme…
VICTOIRE
Y’a plus de place, y’a déjà sa mauvaise foi.
FRANÇOIS
Ce n’était pas lui que j’embrassais…
LÉON
Je confirme, ce n’était pas moi qu’il embrassait.
FRANÇOIS aux deux femmes
Je reviens de l’au-delà où j’ai échangé un baiser d’outre-tombe.
CORINNE
Il n’irait pas faire un petit tour en psychiatrie le Chateaubriand ?!
FRANÇOIS
Je n’embrassais pas Léon mais Léontine, sa sœur jumelle qui a disparu.
VICTOIRE
Maman, en archi, on appelle ça un assemblage charpente. En disparaissant Léontine s’est refaçonnée en Léon.
FRANÇOIS
Tout à fait car désormais, Léontine et Léon ne font plus qu’une.
LEON
Sans vouloir chipoter, c’est à peu près ça…
CORINNE
Tout à l’heure tu m’as dit que Léontine était morte en faisant (refaisant le geste de François) coucou… en fait elle faisait adieu à son état initial ?!
FRANÇOIS regardant Léon
On peut résumer ça comme ça… car la malheureuse, on lui a arraché d’un coup tout le bas du corps.
CORINNE à Léon
Madame, euh monsieur, ça n’a pas été trop douloureux ?
LÉON
De quoi ?
CORINNE
Qu’on vous change tout le bas du corps en y rajoutant… un petit plus ?
LÉON
Pardon ???
VICTOIRE
C’est clair. Papa vous a connu quand vous étiez une femme…
CORINNE
Et maintenant il veut continuer comme si vous l’étiez toujours.
FRANÇOIS
Mais vous êtes complètement barges !!! Léontine, c’est sa sœur.
VICTOIRE
Ben voyons, moi aussi tout à l’heure j’étais sa sœur.
LÉON
Écoutez-moi, c’est très simple, Léontine et moi, on était dans le même œuf.
CORINNE
Et c’est une poule géante qui vous a couvés ! Un œuf ! Comme si ça on allait le gober. François, tu m’as dit que Léontine était morte. Elle va mieux ?
FRANÇOIS
Mais jamais de la vie, elle est vraiment morte.
LÉON touchant son collier autour de son cou
À CAUSE DE CES DENTS.
CORINNE horrifiée
Elle est morte à cause de ses dents ?! Mais c’était qui son dentiste ?!
FRANÇOIS
Un requin !!!
CORINNE
En plus c’était un escroc ?! … Mais comment elle a pu y rester ?
LÉON
Il lui a tout arraché d’un coup !
VICTOIRE
Oh le boucher !
CORINNE
Et l’autre sauvage, là… avec les dents de sa sœur autour du cou, comme un trophée… je me sens faiblir, je ne sens plus mes jambes…
FRANÇOIS
Elle ne sent plus ses jambes !!!
LÉON retombant dans les bras l’un de l’autre
Comme Léontine !!!
FRANÇOIS
Trop d’émotion, trop faim… je descends à la boulangerie…
LÉON
S’il y en a, prenez-moi une religieuse.
CORINNE
Ah non, ne recommencez pas avec la religieuse !
FRANÇOIS à Léon
Léontine, tu n’aurais pas un petit billet ? Ici c’est des crevards.
LÉON sortant une liasse de 200 e de sa poche, à contre cœur
C’est que… je n’ai que des deux cents…
FRANÇOIS lui happant un billet
Ça suffira...
LÉON s’étouffant
Oh ben j’espère, c’est énorme…
FRANÇOIS
Non mais je rêve ! Après tout ce que je t’ai fait gagner au loto, tu oses mégoter ? Ce que tu peux être radine, my love… Seule sa fausse poitrine était généreuse… Quand elle serrais ses deux seins l’un contre l’autre, ça faisait une réunion tupperware.
Il sort en laissant ouverte la porte d’entrée
CORINNE
« My love » ?! Un hétéro pur sucre pur fruit ?! Vous l’avez drogué ?
LÉON d’une seule traite, montrant son collier
Ces dents sont celles du bouledogue qui a bouffé ma jumelle qui l’avait largué pour un maquereau tatoué du coup sur moi il fait un transfert post traumatique dû à son crash aéronautique. C’est clair !
VICTOIRE et CORINNE faisant semblant de comprendre
Aaaah ! (Puis) on n’a rien pigé !
LÉON
Oh là, mon transfert pour New York ! (Ouvrant la boite isotherme)
CORINNE douloureuse à nouveau
New York ?! J’ai mal, ça recommence… ! Vous partez pour New York ?
LÉON refermant la boite
Vol confirmé en fin d’aprèm, je n’arriverai jamais à temps…
CORINNE ne grimaçant plus
Plus aucune douleur… Génial son système !
LÉON
Rendez-moi service, ma veste de scène est un peu décousue… je pensais le faire recoudre à New York mais là, vu le retard de mon avion…
VICTOIRE
Une retouche ? C’est ma spécialité. 200 €
LÉON
200 euros ?!
VICTOIRE prenant le billet
Tarif étudiant. Ça compensera le taxi de ce matin. J’adore retoucher.
CORINNE
Léon, faut que je comprenne la folie de mon mari… Léontine, c’était réellement votre sœur jumelle ?!
LÉON
Jusqu’à 12 ans, mon père était incapable de nous différencier. Et comme il buvait comme un trou, il voyait double… donc pour lui on était quatre. Et à la fin des repas il nous forçait à chanter (air de Michel Legrand) « Nous sommes quatre sœurs jumelles, nées sous le signe des gémeaux »
VICTOIRE
Les demoiselles de Rochefort ? Je l’ai joué l’année dernière ! … (chantant à son tour) « Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do »
LÉON et VICTOIRE chantant ensemble avec une petite chorégraphie
« Toutes quatre demoiselles /Ayant eu des amants très tôt/ Mi fa sol la mi ré, ré mi fa sol sol sol ré do… « Victoire indique à LÉON sa chambre
VICTOIRE tout en chantant à la Michel Legrand
Dans ma chambre… « Enfilez la tenue à repriser j’arrive… »
LÉON idem à la Michel Legrand
« J’y vais je vous attends, je suis sur le qui-vive »
Il disparaît avec sa valise
CORINNE chantant sa première phrase à la Legrand
« Ton père n’a même pas remarqué que je m’étais changée » Je lui suis devenue transparente. Tu serais ma mère, tu me conseillerais quoi ?
VICTOIRE très maternelle
Maman, je n’ai pas encore l’âge d’être ta mère. T’es une grande fille. Bon, ce serait quoi ton bonheur idéal ?
CORINNE
Qu’avec ton père, tous les trois on ne se quitte plus… comme avant.
VICTOIRE
Mais tu sais bien que je vais me marier…
CORINNE
Hélas ! Après le 19 août, je vais me retrouver bien seule.
VICTOIRE
Prends un chien !
CORINNE
Je préfère encore garder Rom… lui au moins il est déjà propre.
Retour de Romain, avec la machine à café sans capsules.
ROMAIN croyant Léon présent
Léon, ils t’attendent pour les autographes…
CORINNE
Tu n’étais pas dans la cuisine ? Tu as osé t’aventurer à l’extérieur ?!
ROMAIN
Corinne, je revis. Il est où mon Léon ?
VICTOIRE vers sa chambre
Dans ma chambre… je vais le recoudre.
ROMAIN
Le recoudre ? Oh non, il s’est blessé ? Victoire sort côté cour
CORINNE installant son chevalet, toile vierge, palette, pinceaux
En piste le modèle, on est en retard sur notre cadence quotidienne. La machine à café c’était pour… ?
ROMAIN installant un paravent à la hauteur du chevalet
Pour faire péter aux voisins un feu d’artifice de capsules de toutes les couleurs. « Oh le beau ristretto... oh le bel Arpeggio… oh le beau Volluto… »
CORINNE
Tu ne vas pas me faire le bouquet final ?!… Allez, le paravent pour te protéger des courants d’air… (Romain passe derrière le paravent, sur le haut du paravent apparait son pyjama, donc on l’imagine nu) Une telle électricité dans l’air, c’est sûrement la pleine lune (regardant derrière le paravent) Ah oui c’est bien ça… Tu prends la pause… Et tu SOURIS !
ROMAIN derrière le paravent
Mais ce n’est pas mon visage que tu peins…
CORINNE
Oui mais quand tu souris, le reste n’est pas fripé !!! Eh ben voilà… là, j’ai une peau de bébé. (Sonnerie téléphone fixe) Allô... François Gaudo, oui c’est mon mari, pourquoi ? … La boulangerie en face, je vois très bien… (à Romain) Souris !!! (au phone) Un malaise ? Mais appelez les pompiers... Un malaise avec son billet de banque ?... Vous ne prenez pas les 200 ?! Mais alors pourquoi on les imprime si à chaque fois, on nous regarde comme si on était des faussaires ?! J’envoie quelqu’un (elle raccroche) Victoire !
VICTOIRE off, à la cantonade
ENCORE UN POINT ET J’AI FINI !!!
CORINNE
Ce n’est pas vrai, obligée d’affronter les champs électromagnétiques…
ROMAIN de derrière le paravent
J’y vais si tu veux … Dehors ça ne m’angoisse plus du tout.
CORINNE
Toi, tu gardes la pause ! (À la cantonade) Victoire, je prends ta carte de crédit, et ton casque (mettant un casque de moto ) Ça me protégera toujours un peu … (en passant elle prend le pyjama sur le paravent)
ROMAIN
Pourquoi tu me piques mon pyjama ?!
CORINNE
Pour te garder au chaud. J’aurais dû vivre au Moyen Age… Avec une cuirasse intégrale j’aurais été blindée contre les mauvaises ondes…
ROMAIN toujours derrière le paravent
Mais quand t’es coincé dans une cuirasse, comment tu fais quand t’es inondé par une gastro foudroyante ?
CORINNE
Tu dérouilles ! Et après tu rouilles ! Elle sort
ROMAIN derrière le paravent, à la cantonade vers la porte d’entrée
La porte, ça caille ! !!!
VICTOIRE arrivant côté cour
Dans le miroir du salon, vous aurez une meilleure vue d’ensemble …
Retour de LÉON dans une veste très show Broadway…
LÉON s’admirant dans le miroir côté jardin, et même il s’embrasse.
Oh cette classe… je me surprendrai toujours ! Comment peut-on me résister ?!… Texte qui amène (essai micro + medley) Medley de Léon, applaudi par Victoire, puis Romain, toujours derrière le paravent, réapparaît et chantonne le dernier couplet de Léon, à l’insu de Victoire et Léon.
VICTOIRE n’ayant pas vu Romain chanter et récupérant le micro
Bizarre, y’a de l’écho ! Bon je vous laisse, mon bichon ne devrait plus tarder
LÉON
Soyez gentille de déposer mon micro dans ma valise… Quelle chance vous avez d’avoir encore un bichon (Elle sort côté cour) Oh puis tant pis, je l‘appelle. (il ouvre la boite isotherme où se trouve son phone ; surpris de ne plus entendre Corinne crier) Tiens ça ne crie plus (il compose un numéro, et va marcher en téléphonant. À chaque instant, on croit que Romain va être démasqué… mais Rom déplace son paravent pour ne pas être vu par Léon) Ma Caroline chérie … non, ne raccroche pas !!! J’ai toujours ton billet… comme mon avion a été retardé, tu peux encore me rejoindre à l’aéroport… Je sais bien que tu l’as dans la peau mais tu n’as aucun avenir avec lui… Allô Caro ? Elle a raccroché (il replace le portable dans la boite) Pourri ce porte bonheur (Tout à coup il réalise le paravent mouvant) Y’a quelqu’un derrière ce paravent ?!
le paravent termine son chemin devant la table du petit dej
ROMAIN off derrière le paravent
Oui, un romain !!!
LÉON allant au paravent
Montrez-vous enfin !
Romain se montre, drapé à la romaine avec la nappe du petit déjeuner
ROMAIN saluant tel un légionnaire
Ave imperator Léonus ! Ridiculi te salutant !
LÉON
Mais c’est quoi cette tenue ?!
ROMAIN
Nappus cachus radius cubitus…
LÉON
Il pète un câble… le minus !
ROMAIN
Erare humanum est : mens sana in corpore sano…
LÉON
Vous avez bu ?
ROMAIN
In vino veritas… carpe diem…
LÉON
Un démon l’enfant de chœur…
ROMAIN
Vade retro satanas… in saecula in saecolorum, amen!
Il sort vers sa chambre
LÉON
C’est ici que j’aurais dû demander l’asile ! (sonnerie téléphone fixe/
Retour de Victoire, avec manteau et maquette
VICTOIRE
Ça, c’est sûrement mon bichon… (décroche) Oui ?... Dans trois minutes ? Ok mon amour (raccroche) Bon voyage monsieur Camé Léon.
LÉON
J’envie votre bonheur, moi ma Caroline chérie vient de me larguer …
VICTOIRE
Oh c’est ballot ! Vous étiez ensemble depuis longtemps ?
LÉON
Le fameux cap des trois ans. J’espérais le cap de Bonne Espérance, et ç’a été le cap « Cornes » Elle me cocufiait depuis un an avec son patron.
VICTOIRE
Le patron et son employée, grand classique. Mais que fait la CGT ?!
LÉON
Il lui avait annoncé qu’il allait se marier, je me disais « elle va me revenir » -penses-tu - il lui a jurée qu’une fois marié, il la fricoterait deux fois plus.
VICTOIRE
Y’a vraiment des chiens verdâtres… La pauvre mariée, je la plains.
LÉON
Il paraît que c’est une pimbêche. Tant pis, je vais faire une croix sur Caro. D’ailleurs là où elle bosse il y a une grosse croix.
VICTOIRE
Elle bosse dans une église ? Ben non, impossible… elle, avec le bedeau… Une bijouterie ?
LÉON
Une grosse croix verte qui clignote…
VICTOIRE
Ah une pharmacie ? C’est amusant, mon bichon aussi est pharmacien. Son patron, quel âge ?
LÉON
L’âge du Christ. Mais là, c’est lui qui me crucifie
VICTOIRE commençant à douter
33 ans ? Comme le mien… vous connaissez la date du mariage ?
LÉON
Et comment ! Il a eu le culot d’inviter ma Caroline à sa réception. Il me semble que c’est… (il cherche dans sa mémoire)
VICTOIRE sur les nerfs
Mais dites-le !!!
LÉON
Le 19 août !
VICTOIRE dans tous ses états
Ce serait trop horrible… et ce pharmacien, vous connaissez son nom ?
LÉON
Bien sûr, il est écrit en gros sur sa devanture
VICTOIRE
Alors dites-le !
LÉON
Ah non, ça, ça me gêne… n’insistez pas !
VICTOIRE à bout de nerfs
SON NOM DE FAMILLE ???
LÉON
Démange (Victoire s’effondre) SAM... SAM DÉMANGE !
VICTOIRE
Je suis en plein cauchemar…
LÉON
Vous le connaissez ?!
VICTOIRE
Je croyais le connaître !!!
LÉON
Ouf, j’avais peur d’avoir gaffé (klaxon italien depuis la rue)
VICTOIRE
Il klaxonne ??? (à la cantonade vers la rue) Et c’est seulement maintenant qu’il m’avertit !!! Merci monsieur, vous me rendez un immense service !
LÉON désignant la maquette qu’elle prend avec elle
Tant mieux !... Mais dites-moi, vous n’êtes pas trop vieille pour jouer à la maison Barbie ?
VICTOIRE
Ta gueule !!!
Elle sort folle furieuse par la porte d’entrée
LÉON seul un court instant
Je sais bien qu’ici faut pas chercher à comprendre, mais là quand même y’a un nid de psychopathes. De dos Corinne, avec son casque, dans l’entrée.
CORINNE à la cantonade vers l’extérieur, avec le pyjama de Romain
Victoire, je te préviens, en bas ton homme est d’une humeur de chien… Et merde pour ton exam !
VICTOIRE Off
Toi aussi, ta gueule !
CORINNE voyant Léon en veste dorée et déposant casque et pyjama
Telle mère, telle fille ! De mieux en mieux… là c’est plus un caméléon, c’est un staphylocoque doré.
FRANÇOIS entrant de dos, vers l’extérieur, à la cantonade
Désolé, je viens juste de tomber du ciel, je n’ai pas encore de photos à dédicacer (voyant LÉON) Ma chérie !
CORINNE
Oui ?
FRANÇOIS tenant un sac de viennoiseries, une brioche à la main
Non, je m’adresse à ma chérie d’outre-tombe… Quelle tenue sublime, elle te va comme un gant…
CORINNE craquant
Et la mienne, elle me va comme une moufle ? François, je n’en peux plus, c’en est trop.
LÉON
Votre femme a raison, faut arrêter avec ma sœur !!!
FRANÇOIS à Léon
Léontine, tu les entends râler les deux autres ? Ton frère je le vouvoie… mais nous deux, my Love, on se tutoie. Tu veux un peu de ma brioche ? Mais tu ne la partages pas avec Léon, c’est que pour toi. Bonne nouvelle, je t’accompagne à New York
CORINNE
Quoi ? Mais faut l’interner !!!
LÉON
Monsieur, je peux donner mon avis ?!
FRANÇOIS
Monsieur Léon, je ne laisserai pas disparaître votre sœur une deuxième fois. En plus, en tant que fiscaliste, je vous aiderai à en planquer un max
LÉON
Moins d’impôts ? Ah ça, ça m’intéresse ! (côté jardin son « LÉON- autographes »)
FRANÇOIS
Allez satisfaire vos fans ! Oh Léontine, ce déhanchement… j’ai tellement envie de toi (très sensuel) Ce soir, on attendra que ton frère soit endormi avant de passer à l’acte.
Effarement de Léon qui sort porte d’entrée
CORINNE se mettant en position de méditation
Quand on a atteint le summum… faut immédiatement redescendre au minimum (Off côté jardin, son clameurs de joie des admirateurs de LÉON)
Quand je pense qu’il y a six ans tu es parti sans laisser un mot…
FRANÇOIS
Ah pardon, je t’en avais laissé un. Même qu’il finissait par « Nous nous sommes tant aimés »
CORINNE
Alors pourquoi je ne l’avais pas trouvé ?
FRANÇOIS
Parce qu’au dernier moment j’avais eu un doute. Et je l’avais déchiré.
CORINNE
T’avais quand même hésité à m’abandonner.
FRANÇOIS
Un doute sur l’orthographe, « nous nous sommes tant aimés… aimés » é/s ou é ? Je n’allais pas terminer quarante ans de mariage sur une faute.
CORINNE
C’est vrai que cette faute-là aurait été beaucoup plus grave. François, ta pulsion pour New York, ce n’est pas sérieux ?
FRANÇOIS
Tu veux venir avec nous ? Je vais demander à Léontine la permission...
CORINNE
Stop ! Stop ! Redescends parmi nous !!! Tu viendras au mariage de Victoire ?
FRANÇOIS
Abandonner mon enfant le jour le plus pénible de sa vie ? Jamais. Tu sais, plus j’y pense et plus je me dis qu’en t’épousant, là encore j’ai eu une chance insolente !
CORINNE
Eh oui… je t’ai foutu une paix royale… sans être monarchiste.
FRANÇOIS
Mais c’est pour ça que nous nous sommes tant aimés… « É « ?
CORINNE
« É-s » ! Passé décomposé.
Retour de Léon, avec un vase antique rapiécé
LÉON joyeusement excité
Tous vos voisins font partie de mes followers … y’en a même un fan qui m’a offert ce vase de Soisson… cassé par Clovis en 486… et recollé par son fils en 487 (montrant un fer à cheval) Et ça, vous avez ce que c’est ? Le stérilet de Jeanne d’Arc !... Encore sous garantie ! (jingle portable) Alerte SMS (il ouvre la boite)
CORINNE se remettant à souffrir
Ah non, pitié… allez, allez…
LÉON allant vers la chambre de Victoire, avec son téléphone et vase
Mais quelle bande d’incapables ! Mon avion a rattrapé son retard, il décolle à l’heure prévue… Archi nul votre porte bonheur. Et en plus, maintenant mon portable sent le lapin !
FRANÇOIS
Léontine, je pars avec toi !!!
Il sort rapidement vers la chambre de Victoire côté cour Retour Victoire par la porte d’entrée, avec sa maquette en miettes-
VICTOIRE dans tous ses états
Sam a tout détruit : maquette et mariage !!! Il me cocufie depuis un an !!!
FRANÇOIS et CORINNE ensemble
Quoi ?!!!
FRANÇOIS conciliant
Attends, attends…, un homme qui trompe sa femme… à la limite, ça peut se comprendre…
CORINNE
C’est plus long à digérer qu’un cassoulet mais on y arrive…
FRANÇOIS hors de lui
Mais un homme qui détruit ma fille et sa maquette, je descends lui détruire sa gueule.
VICTOIRE
Mais iI est déjà loin. Papa et maman, sans maquette, mon examen est foutu.
FRANÇOIS
Mais pas du tout. Tu vas la leur montrer telle quelle… et tu leur diras que… ton architecture, c’est comme la nouvelle cuisine, déstructurée… et pour le voisinage, rien de mieux qu’un immeuble aplati pour dégager l’horizon…
VICTOIRE subitement radieuse
Mais oui, le premier immeuble « Tremblement de terre- risque zéro : il ne peut pas être détruit puisqu’il l’est déjà « Papa, très bon concept, en définitive, t’as bien de revenir… Dites-moi merde ! (elle sort porte jardin)
FRANÇOIS et CORINNE à la cantonade
Merde !!!
LÉON revient avec sa valise, portable à l’oreille, veste de scène…
CORINNE douloureuse
Aaah, votre portable !!!
LÉON au téléphone
Dans trois minutes ? Ok je descends. (à Corinne à propos de son phone) Je l’éteins (il éteint son phone) J’appelais un VTC…
FRANÇOIS
Un VTC… Uber ?
LÉON à la Michel Serrault dans la Cage aux Folles
Pas « Hubert », « Renato»… des voitures roses. Avec à l’intérieur des petits morceaux de biscooooottes….
FRANÇOIS
Léon, je pars avec vous à New York, là-bas je vais vous mijoter un paradis fiscal.
LÉON
À une condition : Léontine N’EXISTE PLUS.
FRANÇOIS après un petit temps
Bonn ça, on en reparlera ! Non le problème c’est comment payer mon billet d’avion (montrant le billet qu’il avait pris Léon) je n’ai qu’un billet de 200.
LÉON récupérant son billet de 200
Ça suffira. (Enlevant son collier de dents de requin) La mère sup, pour vous remercier de votre accueil, je vous offre mon porte bonheur
CORINNE heureuse, mettant le collier autour de son cou
Les dents qui ont bouffé ma rivale ? Oh c’est trop, vous me gâtez !!!
LÉON
Vous avez quoi comme bagages ?
FRANÇOIS
Une licence de maths.
LÉON
Alors on y va.
FRANÇOIS prenant congé de Corinne
Mon trésor, on se retrouvera peut-être dans six ans !
LÉON
Et n’oubliez pas votre passeport.
FRANÇOIS s’arrête net comme foudroyé
Mon passeport !!! J’avais complètement zappé, tous mes papiers ont brûlé dans ce maudit avion !!!
LÉON
Mais ce n’est pas vrai, j’ai horreur de gâcher. Ce billet open, à qui je vais bien pouvoir le donner ?!
Surgit Romain habillé en scout, avec sac à dos d’où dépasse un petit drapeau américain, gourde accrochée, passeport à la main
ROMAIN
À MOI !!! J’ai mon passeport ! Le rêve américain ! La Nasa ! Devenir cosmonaute… et terminer dans une capsule !
FRANÇOIS
Léontine, ne pars pas avec lui… déjà qu’il m’a piqué ma femme…
ROMAIN
Mamour, tu me rends ma liberté ?
CORINNE
Plutôt cent fois qu’une.
LÉON,
Non mais c’est dingue. Est-ce qu’ici, une fois, je pourrais donner mon avis ? Certes, vous êtes distrayant MBappé, mais c’est trop peu pour me convaincre.
ROMAIN prenant une toile accrochée de dos et lui mettant sous le nez
Et ça pour te convaincre… c’est trop peu ?!
LÉON voyant la toile, changeant de physionomie
Pas possible, c’est toi, ça ???!!!
ROMAIN fier
Et encore là, la croissance n’était pas terminée… quand on me voit comme ça, on ne dirait pas ! Sans vêtements, ça change tout…
LÉON admirant la toile
Ça, c’est un argument de taille. En plus le premier tableau de ma revue, c’est Adam entièrement nu… or celui qu’on a engagé… on a du mal à croire que l’humanité entière est sortie d’un si petit tuyau…
ROMAIN
Engage-moi ! À Broadway, ils vont être scotchés !
LÉON désignant les autres toiles
Alors toutes ces toiles à l’envers, ce sont aussi des… ? Y’a de quoi repeupler la France. Je vais vous faire une de ces pubs auprès de mes followers… Romain, c’est parti mon kiki ! Le kiki de tous les kikis ! Vous deux, bon courage pour la suite (au public) Quant à vous chers voisins tous réunis pour me dire adieu… je vous certifie qu’en votre compagnie, je me suis follement amusé !!! Bye bye ladys and gentlemen et en route pour (il chante, effet son) “New York… New York” Il sort
FRANÇOIS voyant Romain partir avec le tableau
Rom, mais de quel droit vous embarquez ce tableau ?!
CORINNE désignant le public
Je pense que nos amis sont impatients de l’admirer…
FRANÇOIS
Mais t’es folle, ça va complexer tous les mâles…
CORINNE
Rom, retourne ! (il montre un superbe fœtus) Eh oui, un fœtus. La toile qu’il m’avait achetée.
ROMAIN
Comme je le disais, la croissance n’était pas terminée ! Sans vêtements ça change tout. Arriver sur scène en fœtus, à Broadway ils vont être scotchés…
FRANÇOIS
Rom, c’est quoi votre truc pour séduire autant les femmes ?
ROMAIN
Je m’habille toujours en scout pour leur indiquer que « toujours prêt !!!
Il sort en imitant Léon « New York New York”
CORINNE réinstallant son matériel de peintre
Allez, maintenant hop, derrière le paravent
FRANÇOIS
Pardon ?
CORINNE allant placer le paravent centre scène avec une chaise derrière
Tu espérais te tourner les pouces ? Déshabille-toi ou je ne te nourris pas !
FRANÇOIS passant derrière le paravent
Je croyais que j’étais une nature morte…
CORINNE
On fait avec ce qu’on peut ! Relève ta chemise et baisse ton pantalon (François va derrière le paravent, sa tête dépasse. Elle prend une toile vierge) Au boulot… (Elle va pour l’installer sur son chevalet, au dernier moment elle renonce pour l’échanger avec une toile beaucoup plus petite) Celle-là ça correspond mieux… « une miniature »…
FRANÇOIS
Je ne suis pas si ridicule que ça… !!!
CORINNE
Ne bouge plus sinon la toile sera floue…
Arrive par la porte d’entrée Victoire avec sa maquette déstructurée
VICTOIRE joyeuse
Coup de fil de l’école, grève surprise des enseignants, examen repoussé ! (Détournant son regard) Papa, mais t’es à poil ?!
FRANÇOIS
Je ne suis quand même pas le premier homme que tu vois tout nu…
VICTOIRE
De ton âge ? Si !
CORINNE continuant à peindre ; le public ne voit pas ce qu’elle peint
Mais heureusement !... Tu ne trouves pas que comme ta maquette, ton père est déstructuré ? (Elles éclatent de rire)
FRANÇOIS disparaissant derrière le paravent
J’en ai marre, j’arrête !!!
CORINNE
Victoire, appelle l’hôpital du Kremlin Bicêtre qu’ils viennent le capturer… (on voit réapparaître la tête de François, reprenant la pause)
VICTOIRE
T’as récupéré les dents de requin ?! C’était quoi déjà ton bonheur idéal ?
CORINNE toujours en train de peindre
Qu’on reprenne tous les trois la vie comme avant. Rivale bouffée, mari rescapé, boulet évacué, toiles promotionnées, fille récupérée… super performant ce porte bonheur !
VICTOIRE
Bon, je vais répéter mon dialogue des Carmélites, car après la trahison du pharmacien, ce soir j’entre au couvent ! Elle sort en chantant un negro spiritual.
CORINNE se levant pour montrer sa toile à François
Et voilà, j’ai fini !
FRANÇOIS
Déjà ? Je sais, y’avait pas grand chose à peindre (il tient de dos la toile) C’est moi, ça ? Mais c’est encore plus fort que l’origine du monde de Courbet…
CORINNE
Je n’ai fait que reproduire ce pour quoi tu t’es toujours pris ( François montre la toile face public : un nombril en gros plan « Le nombril du monde » !!!
FRANÇOIS
Si tous ceux qui se prennent pour le nombril du monde nous achètent une toile… on n’a plus aucune question à se poser sur notre avenir !
CORINNE
Si, une seule… à laquelle je n’ai jamais su répondre « Chez toi, qu’est-ce qui peut continuer à me séduire autant ?! »
FRANÇOIS Un culot monstre !!! Et c’est la FIN !!!
Musique finale