Un plan
sans accroc !
Une pièce de Vincent FAYET
Personnages :
- Maître Henri Lenoir - avocat véreux et pas très courageux.
- Madame Maria Lenoir - femme de Maître Lenoir, oisive, et dépensière.
- Monsieur François Massac- homme d’affaires, riche et malhonnête.
- Madame Irène Massac- épouse de François Massac, jalouse et dragueuse.
- Emilie - assistante de Maître Lenoir, curieuse et intéressée.
Maître Henri Lenoir est un avocat, plus intéressé par ses parties de golf que ses dossiers. Son réseau lui permet de bien défendre ses clients. Il a pris la succession de son beau-père, lui-même avocat.
Sa femme, Maria Lenoir, est dépensière et oisive.
François Massac est client et ami de Maître Lenoir. Il vient le voir pour ses problèmes avec le fisc. C’est un affairiste dans l’immobilier. Ses affaires sont souvent “borderline”.
Sa femme, Irène Massac, a des soupçons sur la fidélité de son mari. Elle ne serait pas contre le faire payer ses infidélités en le faisant plonger.
Irène Massac et Maria Lenoir sont elles aussi amies.
Emilie, l'assistance de Maître Lenoir, va essayer de tirer parti des turpitudes de M. Massac. Elle a toujours une oreille qui traîne et veut tirer son épingle du jeu.
Décor : Un bureau d’avocat, plutôt moderne. Décoration sur le thème du golf. Deux portes (ou passages) : une entrée et une sortie vers le secrétariat.
Mobilier : Un bureau avec 1 fauteuil et 2 chaises. Une desserte avec verres et bouteilles. Un tapis d'entraînement de golf avec 2 ou 3 clubs de golf…
Acte 1
Scène 1 : Maître Lenoir, Emilie, Maria Lenoir
Maître Lenoir : Emilie, sortez-moi le dossier Paretti, s'il vous plaît.
Emilie : Ah ce pourri de Paretti, c’est vraiment le dernier des truands !
Maître Lenoir : Emilie, je vous interdis de parler comme-ça de mes clients. Bon, j’avoue que ce n’est pas un saint, mais c’est un très bon client, enfin je veux dire un client très “bancable". Et je vous rappelle que ce sont nos clients qui font tourner le cabinet.
Emilie : Je comprends, Monsieur Lenoir, mais, j’ai une certaine éthique, moi, et ça me gêne que vous défendiez des gros salopards comme ce Paretti.
Maître Lenoir : Emilie, c’est encore moi qui vous paie, alors vos leçons de morale, vous les gardez pour vous. C’est bien compris ?
Emilie : Je suis désolée, Monsieur Lenoir. Je garderai mes réflexions pour moi.
Maître Lenoir : Bon ! Ce dossier Paretti, il arrive ou faut-il que j’aille le chercher moi-même ?
Emilie : Oui, oui, ça vient, ça vient…
Maître Lenoir : Voyons-voir… (en potassant le dossier) Cet idiot de Paretti s’est encore mis dans la pétrin jusqu’au cou. Dans quelles affaires est-il encore allé tremper ?
Emilie : Qu’est-ce que je vous disais ?
Maître Lenoir : Emilie !!!
Emilie : J’ai rien dit.
Maître Lenoir : (il prend son portable). Allô…Maître Fouillard ?...Maître Lenoir à l’appareil…Très bien, vous aussi ?...Ah quelle partie de golf dimanche dernier ! Vous avez été phénoménal...Si si, je vous assure…Et ce drive au départ du trou n°6, digne d’un Tiger Wood….Mais non je n’exagère pas, fantastique!...Non, non, ne soyez pas modeste. A charge de revanche ?...Super…Non, ce n’est pas pour ça que je vous appelle, je vous appelle à propos du dossier Paretti…Oui, nous sommes adversaires dans cette affaire…je sais, je sais…Mais l’année dernière, dans l’affaire Rolland, je vous ai arrangé le coup, rappelez-vous…donc cette fois, si vous pouviez me renvoyer l'ascenseur…mais non, ça restera entre nous… promis…Merci Maître Fouillard…Au plaisir, Maître Fouillard. (il raccroche)…Tu parles d’un golfeur ! (il mime en se moquant) Il tient son club de golf comme une poule qui tient une aiguille à tricoter et d’une souplesse dans son swing, le Fouillard ! On dirait qu’il s’est mis un manche à balai dans le…vous m’avez compris !
Emilie : Qu’est-ce que vous êtes moqueur, Monsieur Lenoir !
Maître Lenoir : Mais non, je vous jure. Je n’ai jamais joué au golf avec une bille pareille. Qu’est-ce qu’il ne faut pas raconter pour le flatter.
Emilie : Quel beau parleur vous faites !
Maître Lenoir : En attendant, 2 ou 3 caresses dans le sens du poil et voilà le travail, une affaire rondement menée.
Emilie : Un arrangement entre confrères ! Jouer les faux derch pour faire passer la pilule …. C’est pas joli, joli. Mais c’est le résultat qui compte. Ce n’est pas très honnête, ça Monsieur Lenoir !
Maître Lenoir : Honnête, honnête…gardez vos grands principes pour vous, Emilie.
Entrée de Maria Lenoir
Maria Lenoir : Bonjour chéri.
Emilie : (en aparté) Elle pourrait pas frapper, celle-là ? (à Maria Lenoir) : Et moi, je pue le gasoil ?
Maître Lenoir : EMILIE !
Maria Lenoir : Non, non, laisse chéri. (à Emilie) : Bonjour Emilie, je ne vous avais pas vue. C’est vrai que vous êtes tellement transparente…
Emilie : Ah c’est sûr, vous, on ne risque pas de vous voir à travers !
Maria Lenoir : (voulant en venir aux mains) Non mais je vais la… Henri, retiens-moi ou je lui crève les yeux. Et fais taire cette petite insolente.
Maître Lenoir : Ça suffit toutes les deux, vous n’allez pas recommencer à vous chamailler ! Emilie, retournez à votre travail et toi chérie, tu as besoin de quelque chose ?
Maria Lenoir : Tu peux me donner ta Carte Bleue ?
Maître Lenoir : Pourquoi ? Tu n’as pas la tienne ?
Maria Lenoir : J’ai dépassé le plafond autorisé de la semaine. Avec 1500 € par semaine, on ne fait plus rien. Je n’ai plus rien à me mettre, il faut que je m’achète deux trois trucs.
Maître Lenoir : Encore ? Tu as déjà fait les magasins hier, tu en es revenue plein les bras !
Maria Lenoir : Mais c’est pas la même chose ! Rappelle-toi que nous sommes invités à dîner samedi soir chez le sous-préfet et je ne sais pas quoi mettre. Je ne sais plus comment j’étais habillée lors du dernier dîner et je ne veux pas que la sous- préfète pense que je mets toujours la même toilette. J’ai un rang à tenir. Décidément, tu ne comprends rien à rien aux femmes.
Maître Lenoir : Oh si, je les comprends trop bien justement. T’as qu’à regarder dans ton dressing, il est plein !
Maria Lenoir : Oh ça va ! Fais pas ton radin. Je ne te dis rien quand tu te fais des restos hors de prix, des gueuletons après tes journées au golf.
Maître Lenoir : Mais ça n’a rien à voir ! Et d’une, ce sont des repas d’affaires, et de deux, c’est mon fric, c’est moi qui le gagne, j’en fais ce que je veux.
Emilie : (en aparté) Et tac, prends ça dans ta gueule !!!
Maître Lenoir : EMILIE !
Emilie : J’ai rien dit.
Maria Lenoir : Ton fric, ton fric ! Si je ne t’avais pas épousé et refilé le cabinet de papa, tu serais resté gratte-papier aux archives de la ville de Charleville-Mézières, alors …
Maître Lenoir : C’est bon, c’est bon. Tiens, là voilà ma Carte Bleue.
Maria Lenoir : Merci mon amour. (Elle s’en va).
Emilie : Ohhh, que c’est beau l’amour ! Vache !
Scène 2 : Maître Lenoir, Emilie, François Massac
Maître Lenoir s’entraîne au putting (golf). Sonnerie porte d’entrée.
Maître Lenoir : Allez ouvrir, Emilie.
Emilie : Bien Monsieur. (Elle revient) C’est Monsieur Massac.
Maître Lenoir : Et bien, faites-le entrer, vous n’allez pas le laisser à la porte. En plus, vous savez bien que François est un ami.
Emilie : Un ami et lui aussi, un sacré tru… (truand)
Maître Lenoir : EMILIE !
Emilie : J’ai rien dit…J’y vais.
Emilie fait rentrer François Massac, un dossier sous le bras. Elle ne cesse d’entrer et sortir, pour faire on ne sait quoi, toujours dans l’idée de laisser une oreille traîner…
Maître Lenoir : Salut François, comment vas-tu ?
François Massac : Salut Henri. Ca va mal, mal, mal ! Si je viens te voir ici, forcément c’est que ça va pas, ça va pas du tout.
Maître Lenoir : Bon ! Assieds-toi. Tu veux un verre ? Whisky, Cognac ?
François Massac : Ce que tu as de plus fort. Ton Whisky 12 ans d'âge. Tu m’en mets un double.
Maître Lenoir : Je vois, je vois. En effet, ça ne doit pas aller bien fort. Qu’est-ce qui t’arrive encore ?
François Massac : Le fisc, encore le fisc. Tu crois pas qu’on ne leur en donne pas suffisamment ? Ils sont “Monsieur Plus” ! Ils leur en faut toujours plus, c’est jamais assez. Mais dans quel pays vit-on ? Plus tu gagnes du pognon, plus il faut leur en donner !
Maître Lenoir : C’est un peu le principe, quand-même. Si tu gagnes de l’argent, c’est bien normal de payer des impôts.
François Massac : Non, mais là, ils exagèrent ! Ils te font la peau, ils te mettent sur la paille.
Maître Lenoir : Humm…tu exagères pas un peu ? Tu ne réussiras pas à me faire pleurer. Tu ne vas pas me dire qu’il ne t’en reste pas ?
François Massac : Ouais, d’accord. Mais enfin, quand-même ! Et toi, tu paies beaucoup d’impôts ? Combien tu leur donnes par an ?
Maître Lenoir : (embarrassé) Heu…un peu…j’ai plus le chiffre exact…mais je suis réglo, moi, tu me connais. Je paie ce que je dois.
François Massac : Réglo, réglo…justement, je te connais. (il hausse le ton) T’as surtout le bras long dans les administrations. Ne me dis pas le contraire, je ne te croirais pas.
Maître Lenoir : Chut, moins fort ! Emilie n’est pas loin, elle a toujours une oreille qui traîne. Et concernant mes “relations” avec les administrations comme tu dis, tu n’es pas le dernier à en profiter pour te faire sortir de tes embrouilles, à ce que je sache. Mais revenons-en à nos moutons. Que te demande le fisc ?
François Massac : Je t'ai déjà parlé de ma dernière opération immobilière, avenue du Maréchal Leclerc ?
Maître Lenoir : Oui, vaguement.
François Massac : Une affaire en or ! Sans doute mon projet le plus rentable. Au bas mot, l’affaire va me rapporter… (il s'aperçoit qu’Emilie est dans son dos à tendre l’oreille) On ne peut pas parler seul à seul ?
Maître Lenoir : Emilie, allez-donc m’archiver le dossier Rossetti.
Emilie : (faisant la grimace) J’ai compris, je vois que la confiance règne.
Maître Lenoir : Mais non, ça n’a rien à voir.
Emilie : Oui, oui…M. Massac a quelques cachoteries à raconter…
Maître Lenoir : Emilie ! Ça suffit ! Aux archives ! (il lui montre la porte)
Emilie : J’ai rien dit… J’y vais. (Elle sort)
François Massac : Quelle petite peste, ta secrétaire ! Ce serait moi, je l’aurais virée depuis longtemps.
Maître Lenoir : Assistante, pas secrétaire. Je reconnais, elle a du caractère, mais elle est diaboliquement efficace dans son travail. Elle réussit tout ce qu’elle entreprend. Rien ne lui échappe.
François Massac : Tu fais ce que tu veux, c’est tes affaires. Moi, je te dis que je l’aurais virée.
Maître Lenoir : Tu n’es pas venu pour gérer mes ressources humaines, il me semble. On peut revenir à nos affaires ?
François Massac : Moi ce que j’en dis. Oui, je disais, c’est une affaire à plus de 300 000 € ! Net !
Maître Lenoir : Ah oui, quand-même !
François Massac : Après ce coup-là, je lève le pied, question de refaire tomber la température, de me mettre au vert. Je peux me la couler douce pendant deux ou trois ans en profitant bien de la vie, enfin tu vois ce que je veux dire ?
Maître Lenoir : Je vois, je vois. Enfin, une fois que tu auras payé tes impôts.
François Massac : Justement. Tout ce fric, c’est moi qui l’ai gagné. Je ne suis pas du style “partageur”, si tu vois ce que je veux dire. Et c’est pour ça que je viens vers toi.
Maître Lenoir : Je vois, je vois. Je veux bien essayer de minimiser ce que tu dois au fisc, mais faudra “partager” un peu, comme tu dis. Il faut leur en donner un peu, leur donner du grain à moudre. Tu sais, ils détestent qu’on les prenne pour des lapins de trois semaines.
François Massac : Une bande de fainéants, je te dis. Tout ce qu’ils veulent, c’est te mettre à poil. Je les connais, moi, ces ronds de cuir planqués dans leur bureau. C’est des charognards, ils veulent te dépecer, te sucer le sang, te …
Maître Lenoir : T’as pas fini ton cinéma ? Et arrête de faire ta pleureuse, je te connais trop bien. 300 000 € c’est le net ! Et le “pas net” il est de combien ? Ce que tu as “oublié” de me dire ?
François Massac : Bon, bon. Oui, j’avoue. Mais ça n'a rien à voir, c’est pour l’argent de poche. Le mien et celui d’Irène. Tu connais les besoins d’Irène, je crois que tu as la même à la maison. Toujours fourrée dans les magasins, les instituts de beauté. Ahhh, les instituts de beauté : Foutaise ! Avec le pognon que ma femme leur donne, elle devrait être Miss France !
Maître Lenoir : Arrête de dire du mal d’Irène, c’est encore une belle femme.
François Massac : Voilà le mot qui fait mal : “encore” ! Encore une belle femme, mais pour combien de temps ? C’est ça la question. Et ce que je sais, c’est qu’avec les années, elle me coûte de plus en plus chère en soin de beauté avec un résultat de moins en moins… et crois-moi je m’y connais question ravalement de façade … je te rappelle qu'acheter des ruines, les retaper et les revendre comme des palaces, c’est mon job.
Maître Lenoir : (le coupant) Arrête ! Ta femme est magnifique. Bon, on peut revenir à nos affaires ? Tu as ton dossier avec toi ? Tes déclarations fiscales, tes bilans…enfin, tu connais la musique.
François Massac : Oui, tout est là (lui donnant un épais dossier).
Maître Lenoir : Emilie ! (il l’appelle)
Emilie : Oui Monsieur Lenoir.
Maître Lenoir : Tenez, faites-moi une synthèse du dossier de Monsieur Massac. Vous savez ce que vous avez à faire.
Emilie : Vous pouvez compter sur moi, je vais vous l’éplucher ce dossier, et dans les moindres détails… (Monsieur Massac fait la grimace). Le disséquer.
Maître Lenoir : Je vous fais confiance, Emilie, comme d’habitude. (Elle sort).
(À Monsieur Massac) Samedi soir, je dîne chez le sous-préfet et dans la liste des invités, il y a le Trésorier Principal des Finances Publiques. Je vais lui glisser deux mots à propos de ton dossier. Un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès.
François Massac : (l’embrassant sur le front) C’est pour ça que je t'aime, mon vieux Henri. Tu vois, on se comprend, tous les deux.
Maître Lenoir : Oui oui, on se comprend… (d’un air ironique) C’est surtout moi qui te comprends. Je ne veux pas te mettre dehors François, mais je dois filer au tribunal, j’ai une audience.
François Massac : J’ai à faire moi-aussi, je file.
Maître Lenoir : Emilie, je pars au tribunal. A plus tard.
(Ils sortent tous les deux).
Scène 3 : Emilie, Maria Lenoir, Irène Massac
Emilie : (elle s’installe dans le fauteuil de Me Lenoir, met les pieds sur le bureau et commence à potasser le dossier Massac).
Enfin seule. Ils sont enfin partis ces deux crapules. Je ne sais pas qui est plus crapule que l’autre. Plus ils en ont, plus ils en veulent, jamais rassasiés.
Et ce bandit de Massac, toujours à pleurnicher sur son sort. Il est plein aux as et il se plaint qu’il doit payer des impôts. Son métier ? Rouler les autres dans la farine, extorquer ! J’extorque, tu extorques, il extorque…On devrait lui faire réciter et écrire 100 fois, ça lui ferait les pieds.
Et mon Lenoir, il veut que je synthétise le dossier de Massac. Tu vas voir si je vais te le synthétiser ton dossier. Je vais te le synthétiser façon puzzle.
Ah ça oui, je vais l’éplucher ton dossier. Je veux tout savoir et je saurai tout, dans les moindres détails. Je veux savoir qui il a extorqué, qui il a roulé, qui il n’a pas payé.
Il va savoir comment je m’appelle cette crapule de Massac.
Entrée de Maria Lenoir.
Maria Lenoir : (elle entre discrètement) Non mais qu’est-ce qui vous prend ? Qu’est-ce que vous faites dans le fauteuil de mon mari ? Et où est mon mari ?
Emilie : Votre mari ? Il est parti au tribunal, il est en audience. Il travaille, lui. (Marmonnant dans sa barbe): pendant que Madame “décrasse” !
Maria Lenoir : Vous dites ?
Emilie : Rien ! Je disais … Toute cette paperasse.
Maria Lenoir : Je repose ma question : Qu’est-ce que vous faites dans le fauteuil de mon mari ? Vous n’avez rien à faire dans ce fauteuil !
Emilie : Ici ou ailleurs, qu’est-ce que ça change ? Et je dois avouer que le fauteuil de votre mari est plutôt confortable, ce qui améliore les conditions de travail. L’important, c’est que le travail se fasse, vous n’êtes pas d’accord ?
Maria Lenoir : Oui, oui, bien sûr. Mais enfin tout de même !
Emilie : Et vous, qu’est-ce que vous faites ici ? Je présume que vous n’êtes pas venue pour rédiger la prochaine plaidoirie de votre mari ou lui faire sa comptabilité ?
Maria Lenoir : Ne soyez pas insolente, s’il-vous-plait. Mon mari m’a donné sa carte bleue, et comme une idiote, j’ai oublié de lui demander le code secret. S'il est en audience au tribunal, je ne peux évidemment pas le déranger. (Beaucoup plus douce) A tout hasard, vous ne connaîtriez pas le code secret de sa carte bleue ?
Emilie : J’en sais beaucoup sur votre mari, mais le code de sa carte…Nous n’avons pas souvent l’occasion d’aller faire les courses ensemble chez Lidl.
Maria Lenoir : Dommage, dommage. Je demanderai à Irène de me faire l’avance, mon mari la remboursera.
Emilie : Irène ? Irène Massac ?
Maria Lenoir : Oui, ma meilleure amie, la femme de Monsieur François Massac, que vous devez connaître. Je sais qu’il vient souvent ici, mon mari le défend quand il a des petits ennuis avec la justice.
Emilie : Oh oui, je le connais bien.
Maria Lenoir : Nous avons décidé d’aller faire du shopping toutes les deux. D’ailleurs, je lui ai demandé de me rejoindre ici, elle devrait arriver d’une minute à l’autre. (elle consulte son portable).
Emilie : (Public) Madame Massac, encore une qui n’a pas inventé la machine à cintrer les bananes.
Maria Lenoir : Pardon ?
Emilie : Je disais…j'ai un petit creux, je mangerai bien une banane.
Maria Lenoir : Bon, qu’est-ce qu'elle fait ?
(Ça sonne)
Ah, c’est sûrement elle ! (elle va ouvrir).
Entrée d’Irène Massac
Maria Lenoir : Bonjour, ma chérie. Comment vas-tu ?
Irène Massac : (un peu essoufflée) Bonjour Maria. Ça va, ça va, mais je suis épuisée. Je suis garée à perpette. Impossible de trouver une place en bas pour se garer. J’ai fait trois fois le tour du quartier et rien, que dalle, pas une place. Non, mais je te jure !
Maria Lenoir : Pourtant, avec ta Mini, c’est facile, on se garerait dans une boîte à chaussures.
Irène Massac : Bien sûr, mais je ne suis pas venue avec la Mini. J’ai pris la grosse, le 4 x 4 Mercedes de François, un vrai bateau. Et je t’explique pas, elle est tellement longue que quand je regarde dans les rétros, je ne vois même pas le bout de la voiture. Je me gare à l’oreille.
Maria Lenoir : A l’oreille ?
Irène Massac : Ben oui, à l’oreille. Au bruit, quoi. Pour peu qu’on y aille franco, ça s’entend quand ça touche.
Maria Lenoir : Mais tu n’as pas peur de l'abîmer, la Mercedes et de te faire engueuler par François ?
Irène Massac : Avec l’accroche caravane derrière et le pare-buffle devant, ça craint rien.
Maria Lenoir : Mais pourquoi t’as pris la Mercedes ? Tu sais bien que dans le quartier, c’est compliqué de se garer.
Irène Massac: Tu m’as dit qu’on allait faire du shopping.
Maria Lenoir : Oui, mais je ne vois pas le rapport.
Irène Massac : T’as vu la taille du coffre de la Mini ? Comment veux-tu qu’on fasse rentrer toutes nos emplettes ? Trois paires de chaussures et le coffre est plein. J’ai opté pour la sécurité avec le 4 x 4.
Maria Lenoir : Oui tu as raison, on n’est jamais assez prudentes.
Irène Massac : (s’apercevant de la présence d’Emilie) Oh, bonjour Emilie, je ne vous avais pas vue. Je suis désolée.
Emilie : (en aparté) Décidément ! (à Madame Massac) Bonjour Madame Massac. Vous allez bien ?
Irène Massac : Bien, bien. Mieux que mon mari qui a dû passer voir Monsieur Lenoir. Vous l’avez sans doute vu. Il ne m’a rien dit, mais je l’ai senti très soucieux. Je ne sais pas ce qu’il a manigancé, mais il a encore dû se mettre dans de beaux draps.
Emilie : Oui, il est passé au cabinet aujourd’hui même. (d’un air faussement désintéressé) Je crois qu’ils ont abordé quelques petits détails à régler en effet.
Irène Massac : Tout cela m’inquiète. Je compte sur le professionnalisme de Maître Lenoir pour résoudre les problèmes de mon mari.
Emilie : Nous ferons notre maximum, comme à notre habitude, Madame Massac.
Irène Massac : J’en suis sûre. (à Maria Lenoir) Bon, on y va ?
Maria Lenoir : Oui, oui. Mais avant, il faut que je te demande une chose.
Irène Massac : Oui, ma chérie.
Maria Lenoir : Ça m’embête un peu, je suis un peu gênée.
Irène Massac : Tu sais bien que tu peux tout me demander, depuis le temps qu’on se connaît.
Maria Lenoir : Je sais, je sais…Comment dire…Tu ne pourrais pas m’avancer l’argent pour les courses, je… j’ai… (en bredouillant)
Irène Massac : (la coupant en explosant de rire) Vous êtes fauchés ?
Maria Lenoir : Mais non, ne dis pas de bêtises, c’est pas ça.
Irène Massac : Ouf, tu m’as fichu une de ces trouilles. Tu sais, l’argent, ça va, ça vient. (d’un coup très sérieuse) Dis-moi, entre nous, on ne se cache rien, tu le sais bien. Vous avez des problèmes d’argent ?
Maria Lenoir : (en s’énervant) Mais non, je te dis ! Nous n’avons pas de problème d’argent !
Irène Massac : Tu me rassures.
Maria Lenoir : J’ai juste un problème de Carte Bleue. J’ai dépassé le plafond de la mienne, j’ai demandé celle d’Henri et comme une cruche, j’ai oublié de lui demander son code secret. Je voulais juste te demander si tu pouvais payer pour moi. Henri te remboursera.
Irène Massac : Évidemment que je peux t’avancer. Enfin tu me connais, il n’y aura jamais de problème d'argent entre nous.
Maria Lenoir : Je savais que je pouvais compter sur toi, ma chérie.
Irène Massac : Entre toi et moi, ça ne sortira pas de ma poche, mais de celle de François, alors on peut se lâcher, si tu vois ce que je veux dire.
Maria Lenoir : Je vois très bien oui, alors ne perdons pas de temps. Allons-y.
Irène Massac : C’est parti…et je rabattrai les sièges arrière du 4 x 4 si ça ne rentre pas.
Maria Lenoir : (à Emilie) Nous y allons. Vous n’oublierez pas d'éteindre les lumières en partant. Au revoir.
Emilie : Oui oui, c’est ça… Toujours les mêmes qui bossent et toujours les mêmes qui s’amusent. (elle se met à réciter Molière)
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j'en suis fort aise
Eh bien ! dansez maintenant. »
RIDEAU
Acte 2
Scène 4 : Maître Lenoir, Emilie, François Massac
Maître Lenoir : Emilie ! (il l'appelle).
Emilie : Oui Monsieur Lenoir.
Maître Lenoir : (en pianotant sur son portable) Pouvons-nous prendre quelques minutes pour étudier le dossier de Monsieur Massac ?
Emilie : Oui bien sûr, je prends le dossier, j’arrive… (elle revient avec le dossier) Voilà son dossier, Monsieur Lenoir. J’ai fait un petit résumé de la situation.
Maître Lenoir : Merci Emilie (il parcourt le dossier, page à page) Bon, bon…Oh là là…Aïe Aïe Aïe…Ah quand même…Pfff…De mieux en mieux….Non, c’est pas possible !!!! (à Emilie) Non mais vous avez vu ça, Emilie ?
Emilie : Bien sûr que j’ai vu, vous m’avez demandé d’étudier son dossier. Je l’ai épluché, disséqué, comme toujours.
Maître Lenoir : Vous avez vu l’ampleur des dégâts ?
Emilie : Vous me prenez pour une cruche ? Je sais lire un dossier et l’analyser.
Maître Lenoir : Et quelles sont vos conclusions ?
Emilie : Mes conclusions ? Il est dans la merde.
Maître Lenoir : Ah ça j’ai vu, et jusqu’au cou. Comment peut-on le tirer de cette affaire, en limitant la casse ?
Emilie : Limiter la casse ? Déjà, si on lui évite la taule, ce sera bien. Il fraude, il dissimule, il cache, il détourne et faudrait limiter la casse ?
Maître Lenoir : Emilie, vous êtes dure. Quelques oublis, quelques erreurs involontaires, quelques…
Emilie : (le coupant) Arrêtez de vous foutre de ma gueule et de le défendre. Votre ami est un escroc.
Maître Lenoir : J’avoue qu’il aime bien flirter avec l'illégalité. Je suis son ami, mais je suis aussi son avocat et je n’ai pas à juger. Mon métier, c’est de le défendre. Et je le défendrai.
Emilie : A ce propos : vous deviez voir le Trésorier Principal, samedi dernier, au dîner chez le sous-préfet. Qu’est-ce que ça a donné ?
Maître Lenoir : M’en parlez-pas. Il n’était pas à prendre avec des pincettes, je me suis fait renvoyer dans mes 22.
Emilie : Ah bon et pourquoi donc ?
Maître Lenoir : Il venait d’apprendre qu’il avait été muté, ou plutôt placardisé. Sa hiérarchie l’a nommé à Roubaix-Tourcoing, charmante petite bourgade dans le « Ch’Nord », j’en sais quelque chose, je suis de Charleville-Mézières. Lui qui est originaire de Nice. Le choc va être brutal.
Emilie : Oh là là. La tuile ! Qu’est-ce qu’on lui reproche ?
Maître Lenoir : Au ministère des finances, on n’a pas trop apprécié les petites facilités accordées à quelques fortunés et gros contributeurs au budget de la nation, si vous voyez ce que je veux dire, surtout en ces temps d’austérité.
Emilie : Il y a une justice…(ça sonne) Je vais ouvrir.
Entrée de François Massac
François Massac : Bonjour Emilie, bonjour Henri. Ça roule ?
Maître Lenoir : Salut François. Qu’est-ce qui t’amène ?
François Massac : Je passais dans le quartier et…pour rien te cacher, j’étais inquiet, alors je me suis dit : il faut que je passe voir mon vieux pote Henri.
Maître Lenoir : Je comprends que tu sois inquiet, mais Emilie et moi, nous bossons dur sur ton dossier.
Emilie : (En aparté) ‘’nous’’ bossons ! Il est gonflé lui !
François Massac : Mais ce n'est pas pour moi que je suis inquiet Henri, c’est pour toi.
Maître Lenoir : Pour moi ?
François Massac : Bien oui, pour toi. Tu es mon ami Henri et te sachant en difficulté, je ne pouvais pas rester sans rien faire.
Emilie : Vous avez des difficultés, Monsieur Lenoir ?
Maître Lenoir : Des difficultés…heu…
François Massac : Monsieur Lenoir ne vous a rien dit ?
Maître Lenoir : (il ne comprend toujours pas, il bafouille) J’ai rien dit…
François Massac : Il ne faut pas garder ce genre de chose pour soi, il faut en parler Henri.
Maître Lenoir : Mais je ne comprends pas…Tu peux m’expliquer ?
François Massac : Tu sais que Maria et Irène sont allées, ensemble, faire les magasins ?
Maître Lenoir : Oui je sais, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
François Massac : Irène m’a tout avoué.
Maître Lenoir : Avoué quoi ?
François Massac : (à voix basse, un peu gêné) Que vous avez des problèmes d’argent.
Maître Lenoir : Des problèmes d’argent ?
François Massac : Irène m’a dit pour vos cartes bancaires bloquées et Maria lui a demandé si elle ne pouvait pas payer pour elle.
Maître Lenoir : Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
François Massac : Je suis vraiment désolé pour vous, je ne savais pas que tu avais des difficultés financières.
Maître Lenoir : Mais ça n’a rien à voir.
Emilie : Comment allez-vous faire pour me verser mes salaires, Monsieur Lenoir ?
Maître Lenoir : Mais je vous ai toujours payé, Emilie !
François Massac : Je peux te dépanner si tu veux. Combien il te faudrait ?
Maître Lenoir : Mais je n’ai besoin de rien.
François Massac : Je comprends, ce sont des choses qui ne sont pas faciles à avouer.
Maître Lenoir : Tu veux bien me lâcher la grappe, je te dis que je n’ai besoin de rien du tout.
François Massac : 5 000, 10 000, 15 000 euros ? Allez, dis-moi ! (il commence à sortir son carnet de chèque)
Maître Lenoir :Mais il est fou. Garde ton fric, je te dis que je n’en veux pas de ton argent.
François Massac : Comme tu voudras…Tu sais où me trouver au cas où.
Emilie : Vous êtes sûr, Monsieur Lenoir, parce que pour ma paie…
Maître Lenoir : (en colère) Emilie, vous n’allez pas vous y mettre aussi ! (à François Massac) Non seulement tu vas garder ton argent, mais je crois que tu vas en avoir bien besoin.
François Massac : Qu’est-ce que tu veux dire ?
Maître Lenoir : Avec Emilie, nous avons étudié ton dossier et, force est de constater que…ça va être compliqué. (il prend le dossier en main).
Emilie : Très compliqué.
François Massac : (à Emilie) Je ne vous ai rien demandé à vous.
Maître Lenoir : Calme-toi François.
François Massac : Mais de quoi elle se mêle, aussi !
Maître Lenoir : Elle se mêle que c’est mon assistante et qu’elle a peut-être des solutions.
Emilie : Pour vous éviter d’aller en prison.
François Massac : QUOI ?
Maître Lenoir : François, ton dossier est compliqué et je crois que tu ne te rends pas bien compte de l’ampleur du problème.
François Massac : (il commence à paniquer) Quel problème ? Quelques arrondis dans les déclarations, peut-être quelques négligences dans les règlements, tout au plus quelques omissions dans les versements, mais rien de plus. Vous êtes sûrs d’avoir bien regardé ? (il prend son dossier des mains de Maître Lenoir et y cherche des infos pour se rassurer).
Maître Lenoir : François, en un mot comme en cent : tu es dans la merde.
Emilie : Otez-moi d’un doute, Monsieur Massac : TVA, Taxe foncière, Impôt sur le revenu, ce sont des mots qui vous parlent, au moins ?
François Massac : Oui, bien sûr, comme à tout le monde.
Emilie : Et oui, comme à tout le monde qui paie ses impôts.
François Massac : Qu’est-ce que vous voulez dire ? Bien sûr que je paie…un peu.
Emilie : Et voilà ! Un peu ! C’est tout le problème, Monsieur Massac. Ce n’est pas un peu qu’il faut payer, mais tout ce que l’on doit. Et avec ce que vous avez gagné, ça fait beaucoup.
François Massac : Au vu de ce que j’ai gagné, ça veut dire quoi ? Je ne suis pas Ronaldo ou Mbappé non plus.
Emilie : Non, mais vous avez gagné beaucoup d’argent sur votre dernière opération immobilière, ne le niez pas, c’est dans le dossier.
François Massac : (se vantant) Oui d’accord, j’avoue, je suis assez content de moi sur cette opération. (se reprenant) Mais enfin, on ne va pas tout leur donner. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Emilie : Payer !
François Massac : AH NON…enfin, je veux dire…oui, un peu, le strict minimum.
Maître Lenoir : Tu n’y échapperas pas, François.
François Massac : Mais j’y pense, tu ne devais pas voir le Trésorier Principal à ton dîner chez le sous-préfet ? Tu lui as bien parlé de mon dossier, j’espère ? Il va bien nous arranger le coup ?
Maître Lenoir : À vrai dire, il vaut mieux l’éviter en ce moment.
François Massac : Mais tu m’avais promis !
Maître Lenoir : Je t’avais promis, je t’avais promis…Je t’avais dit que j’allais lui en parler, mais pour tout te dire, le moment n’est pas très propice.
François Massac : Comment ça le moment n’est pas propice ? C’est bien ton ami ?
Maître Lenoir : Ce n’est pas mon ami, c’est une relation. Il a quelques petites faiblesses à se faire pardonner auprès de sa hiérarchie. Pour le moment, il serait plutôt en mode “tatillon”, en mode “j’approfondis les dossiers, je cherche la petite bête” si tu vois ce que je veux dire.
Emilie : Donc, piste à écarter.
François Massac : Je croyais que je pouvais compter sur toi.
Maître Lenoir : Ne me demande pas l’impossible, François. On va travailler sur ton dossier, promis.
François Massac : (le suppliant, à genoux devant lui) Henri, sors-moi de là !
Maître Lenoir : On fera notre possible, François.
Emilie : (un peu ironique) Tout notre possible.
François Massac: Je compte sur toi, sur vous aussi Emilie. (il regarde sa montre) Il faut que j’y aille. Au revoir... (il sort)
Maître Lenoir : Bon courage François, à bientôt ! (à Emilie) Bon, Emilie, je vous laisse travailler, vous avez du pain sur la planche, vous savez ce que vous avez à faire. J’ai rendez-vous à l’extérieur chez…
Emilie : Vous allez faire une partie de golf !
Maître Lenoir : Décidément, je ne peux rien vous cacher. (il sort)
Scène 5 : Emilie, Maria Lenoir, Irène Massac
Emilie : (Seule) Je vais y travailler sur son dossier, mais pas de la façon qu’ils imaginent. Cet escroc de Massac est plein aux as. Il n’est pas partageur, qu’il dit. Et bien on va voir s'il n'est pas partageur. (elle se replonge dans le dossier)
Entrée de Maria Lenoir.
Maria Lenoir : Bonjour Emilie
Emilie : Bonjour Madame Lenoir. Je n’ai pas entendu la sonnette !
Maria Lenoir : Vous n’avez pas entendu la sonnette parce que je n’ai pas sonné. Je vous rappelle que je suis ici un peu chez moi, non ?
Emilie : Oui, oui, bien sûr, mais ça n’empêche pas de prévenir de votre arrivée. Bon, n’en parlons-plus.
Maria Lenoir : Bien. Mon mari n’est pas là ?
Emilie : Il est parti faire un golf… heu, je veux dire, il avait un rendez-vous avec son client…Rodolphe…
Maria Lenoir : Ne vous enfoncez pas, Emilie. Vous faites très bien votre travail d’assistante en protégeant votre patron. Mais je le connais mieux que vous. Je sais très bien où il passe ses après-midis quand il n’est pas au bureau.
Emilie : Mais…
Maria Lenoir : N’en parlons plus comme vous dites.
Emilie : Puis-je vous aider ? Vous avez besoin de quelque chose ?
Maria Lenoir : Laissez Emilie, juste quelques photocopies à faire, je peux me débrouiller toute seule.
Emilie : Aucun problème, vous connaissez la maison. (elle lui montre la porte donnant au secrétariat).
Maria Lenoir : Merci Emilie (elle sort).
Ça sonne - Emilie va ouvrir, entrée d’Irène Massac.
Emilie : Bonjour Madame Massac.
Irène Massac : Bonjour Emilie.
Emilie : En quoi puis-je vous aider, Madame Massac ?
Irène Massac : J’aurais voulu voir Monsieur Lenoir, mais visiblement, il n’est pas là.
Emilie : Il aurait été judicieux de prendre rendez-vous, Madame Massac. Mais je peux prendre un message…
Irène Massac : Bien sûr, bien sûr. Mais ce que j’ai à demander à Monsieur Lenoir est, disons, un peu…personnel.
Emilie : Je comprends. Comme vous voudrez.
Irène Massac : Oh à vous, je peux bien vous le dire, j’ai confiance en vous. Ça concerne mon mari.
Emilie : Oui, pour ses problèmes avec le fisc ?
Irène Massac : Ah non ! Pour ça, qu’il se débrouille tout seul, moi, je n’ai rien à voir avec ça.
Emilie : D’accord, d’accord, mais alors…
Irène Massac : Ça concerne…ça concerne…ses problèmes d'infidélité.
Emilie : Ah je vois, oui.
Irène Massac : Je n’ai pas de preuves, malheureusement, mais beaucoup de soupçons, vous comprenez ?
Emilie : Oui je comprends, mais qu’est-ce qui vous fait penser cela ?
Irène Massac : Emilie, vous êtes une femme, ce sont des choses qui se sentent, qui se devinent, l’intuition féminine, n’est-ce pas ?
Emilie : Si vous le dites. Mais je préfère que vous voyez cela avec Monsieur Lenoir, il vous conseillera. Moi, ce n’est pas trop ma spécialité. Mon truc, c’est plutôt le droit des affaires, vous voyez, ce genre de choses, les problèmes de couple c’est trop tordu.
Irène Massac : Oui, bien sûr, je vous embête avec mes histoires de tromperie, c’est tellement commun. (Après quelques instants) Il est fidèle ?
Emilie : Qui ?
Entrée de Maria Lenoir, de façon très discrète, sans qu’Irène Massac et Emilie s’en aperçoivent.
Irène Massac : Monsieur Lenoir.
Emilie : Ecoutez, c’est assez délicat de répondre à votre question. Premièrement, ça ne me regarde pas et deuxièmement, même si je savais quelque chose, vous pensez bien que je ne vous dirais rien.
Irène Massac : Il est bel homme, vous ne trouvez pas ?
Emilie : Qui ?
Irène Massac : Mais toujours le même, Monsieur Lenoir.
Emilie : (gênée) Si vous le dites.
Irène Massac : Le pauvre, je ne sais pas s’il est heureux avec sa femme. Gentille, question de ça, mais quelle cruche cette Maria. Je l’aime bien, mais elle est lourde, elle est lourde !
Emilie : Ce n’est pas très gentil de dire ça, Madame Massac.
IrèneMassac : Ce n’est pas la question, c’est juste qu'elle n’a pas inventé l’eau tiède.
Emilie : Je disais justement l’autre jour… (Maria Lenoir s’avance avec colère vers Irène Massac, Emilie la voit) (Fort) Ah Madame Lenoir, vous avez terminé vos photocopies ?
Maria Lenoir : (à Irène Massac) Non ! Y’a un bourrage papier dans la photocopieuse…y’a pas que dans la photocopieuse qu’il va y avoir du bourrage ! Tu vas voir ce que je vais en faire de mes photocopies, je vais te les faire bouffer !
(Emilie essaie de s’interposer)
Irène Massac : Mais c’est pas ce que tu crois ma chérie.
Maria Lenoir : Tu sais ce qu'elle croit la cruche pleine d’eau tiède ?
Irène Massac : Je suis désolée, Maria, ce n’est pas ce que je voulais dire.
Emilie : Oui c’est vrai, ce n’est pas ce qu’elle voulait dire…
Maria Lenoir : Oh vous, la secrétaire, taisez-vous !
Emilie : Très bien, très bien, je ne dis plus rien.
Maria Lenoir : Voilà, c’est ça. Et toi, Irène, va-t-en, je ne veux plus te voir.
Irène Massac : Maria…
Maria Lenoir : Dégages !
Irène Massac : C’est bon, c’est bon, je m’en vais, on se rappelle…(elle sort, en oubliant son sac à main).
Maria Lenoir : Bon débarras… (en sanglotant) Je la pensais ma meilleure amie. Qu’est-ce que je suis bête !
Elle retourne à ses photocopies.
Emilie : (moqueuse) Crêpage de chignon en direct ! Toujours pareil les bonnes femmes : par devant c’est : ‘’ma chérie’’, les confidences…. et par derrière ça taille ! Plus le mari a du pognon et plus elles sont chipies entre elles …. Forcément, si elles bossaient 8 heures par jour elles n’auraient pas le temps pour ce genre de futilité.
Maria Lenoir : (elle revient). Elle est partie cette langue de vipère ?
Emilie : Oui, elle n’a pas demandé son reste.
Maria Lenoir : Pourquoi ces questions sur mon mari ?
Emilie : Je pense qu’elle veut se rassurer. Elle croit que son mari est infidèle, elle se sent trahie et voudrait savoir si Maître Lenoir, lui aussi …. Enfin, vous voyez ?
Maria Lenoir : Non je ne vois pas ! De toute façon, je n’ai aucun doute sur Henri.
Si Henri n’est pas au travail ni à la maison … c’est qu’il est au golf, il y passe tout son temps. Son drive ! Ah, son drive ! Qu’est-ce qu’il me saoule avec son drive ! Les seules approches qu’il peut faire sont sur un green.
Emilie : C’est beau cette confiance entre vous.
Maria Lenoir : Par contre, on ne peut pas en dire autant de François Massac. Ses approches à lui sont plus vicieuses. Il n’y a bien que cette bécasse d’Irène qui ne voit pas la taille des cornes qu’elle porte. Je me demande comment elle passe encore par les portes ?
Ça sonne, Emilie va ouvrir.
Irène Massac : (entre discrètement, à Emilie) J’ai oublié mon sac à main et je voulais le récupérer discrètement et en évitant Maria mais ….
Emilie : (en profite pour s'éclipser) Le voici …. Mesdames je vous laisse, j’ai du travail … Vos maris comptent sur moi …. Je ne reviendrai que si le sang coule sous ma porte.
Irène veut repartir mais Maria l’interpelle.
Maria Lenoir : Irène. Je te prie de m’excuser ma chérie, mes mots ont dépassé ma pensée.
Irène Massac : C’est de ma faute. Moi aussi, je voulais m’excuser. Je n’aurais jamais dû dire cela. Je me suis laissé emporter par mes émotions. Je suis inquiète, je crains que François me trompe…tu connais les hommes.
Maria Lenoir : Je te pardonne, tu es mon amie. Je comprends tes craintes concernant François, d’ailleurs…
Irène Massac : D’ailleurs ? Tu sais quelque chose ?
Maria Lenoir : Non…non…je disais…Tous les hommes ne sont pas infidèles, mais je reconnais que François est plutôt dragueur.
Irène Massac : Voilà, c’est ça, il est dragueur. Mais est-ce qu’il passe à l’acte, je n’en ai pas la preuve. Tu peux comprendre que cela me turlupine.
Maria Lenoir : Que cela te quoi ? (ne comprenant pas l’expression).
Irène Massac : Turlu…enfin que ça m’inquiète, quoi.
Maria Lenoir : Ah je comprends.
Irène Massac : Mais toi, concernant Henri. Tu n’as pas de doute sur sa fidélité ?
Maria Lenoir : Henri ? Oh non. Il n’a pas ce défaut. Mais si ça peut te rassurer, il en a plein d’autres : Il n’est pas très courageux, voire carrément fainéant. Il passe son temps et son argent au golf, dans les restos. S’il n’y avait pas Emilie pour faire tourner le cabinet, il y a longtemps qu’on aurait mis la clé sous la porte.
Irène Massac : Pourquoi tu ne t’en débarrasses pas ?
Maria Lenoir : Disons que…il a quand-même une qualité…
Irène Massac : Laquelle ?
Maria Lenoir : Heu…dans l’intimité…
Irène Massac : Ah oui ? Explique-moi…
Maria Lenoir : Bon ça va, tu m’as compris.
Irène Massac : Ah oui, tu veux dire que, au lit… (très intéressée)
Maria Lenoir : C’est bon ! Stop ! Tu veux pas que je te fasse un dessin, non plus ?
Irène Massac : D’accord, d’accord. Et donc…
Maria Lenoir : Bon, on peut changer de sujet, là ?
Irène Massac : Mais c’est toi qui a abordé ce sujet.
Maria Lenoir : J’ai dit ça parce que... Mais c’est toi qui veux tout savoir, tu me tires les vers du nez. (elles commencent à monter le ton).
Irène Massac : Pas du tout. C’est toi qui me parles de vos ébats au plumard.
Maria Lenoir : Non, mais ça va pas la tête ? C’est pas de ma faute si t’es jalouse et que tu es cocue.
Irène Massac : QUOI ? Tu sais des choses et tu ne me dis rien ? Espèce de… (elle veut en venir aux mains).
Maria Lenoir : (Elle appelle Emilie au secours) Emilie, Emilie ! Au secours ! elle m’agresse…
Irène Massac : Je vais te…
Emilie entre en trombe.
Emilie : Ça suffit, vous n’allez pas recommencer, toutes les deux.
Irène Massac : C’est elle qui a commencé !
Maria Lenoir : Non, c’est elle, elle a voulu me frapper.
Emilie : STOP ! On croirait des gamines dans une cour d’école. C’est pas moi, c’est elle ! Vous avez quel âge ? Vous n’avez pas honte ? Pas une pour rattraper l’autre !
Irène Massac: J’en ai assez entendu, je ne veux plus te voir, je m’en vais. Mon sac?
Maria Lenoir : Tiens-le voilà ton sac ! (elle le lui jette à la figure).
Irène Massac : Vous voyez, Emilie, vous voyez bien que c’est elle qui me cherche.
Emilie : Il vaut mieux que vous partiez, Madame Massac.
Irène Massac : C’est ça. Je ne te salue pas. (elle sort).
Maria Lenoir : Bon débarras.
Emilie : Vous êtes incorrigibles, toutes les 2.
Maria Lenoir : Mais c’est elle, qui….
Emilie : STOP ! J’en ai assez entendu. Je retourne à mes dossiers. (Elle part dans son bureau).
Maria Lenoir : Mais c’est fou ça. A les écouter, c’est toujours de ma faute. Moi aussi, je m’en vais. (Elle sort à son tour).
RIDEAU
Acte III
Scène 6 : Emilie, Henri Lenoir, Irène Massac, François Massac
Maître Lenoir est à son bureau, Emilie en face en train d’étudier un dossier.
Maître Lenoir : (au téléphone) Je suis débordé en ce moment, un boulot monstre, des dossiers compliqués…Ah toi aussi ? … Et puis aujourd’hui, on ne peut plus compter sur le personnel…Bien sûr, avec les 35 heures, moins ils en font, moins ils veulent en faire…
Emilie : Non mais il est gonflé lui ! Vous voulez que je me mette en grève ? Si je n’en fais pas assez, vous me le dites.
Maître Lenoir : (à Emilie) Non, non, ce n’est pas ce que j’ai dit… (au téléphone) oui, non, je disais à mon assistante justement…
Emilie : Qu’est-ce que vous disiez à votre assistante ?
Maître Lenoir : (très embêté) …je disais….
Emilie : Faites bien attention à ce que vous dites, sinon…grève reconductible…
Maître Lenoir : (au téléphone) je disais…il y a quand-même des exceptions, par exemple mon assistante, une perle ! .... Enfin, il faut bien faire avec…Oui j’ai vu, il fait un temps magnifique…Pour cet après-midi ? … Je regarde mon agenda …. (très embêté devant Emilie) …disons 13H30 ? ... C’est noté, nous en profiterons pour reparler de ce dossier…Au revoir (il raccroche).
Emilie : (en se moquant et en répétant) C’est noté, nous en profiterons pour reparler de ce dossier…Quel menteur vous faites !
Maître Lenoir : Mais….
Emilie : Pas à moi Monsieur Lenoir ! Vous êtes débordé, un boulot monstre, mais vous passez vos après-midis au golf. Oh après tout, ce sont vos affaires, vous faites bien ce que vous voulez. Tant que vous me payez…
Maître Lenoir : Emilie, je me passe de vos états d’âme. Allez au travail.
Emilie : Mais j’y suis, Monsieur Lenoir, j’y suis.
Maître Lenoir : Bien, vous pouvez me donner vos conclusions sur le dossier Massac ?
Emilie : Je vais chercher le dossier et j’arrive. (elle revient et lui tend un dossier) Voilà, Monsieur Lenoir.
Maître Lenoir : Alors ? (il feuillette rapidement le dossier)
Emilie : Ça va être coton, je vous l’avais dit. J’ai compté, recompté. J’ai beau tourner les choses dans tous les sens, je ne vois pas comment il pourra passer à travers les mailles du filet.
Maître Lenoir : Et ça veut dire combien ?
Emilie : Au bas mot, je dirais…150
Maître Lenoir : 150 euros ?
Emilie : 1000
Maître Lenoir : 1000 euros ?
Emilie : 150 000 ! 150 000 euros. Vous êtes bouché ou quoi ?
Maître Lenoir : Ah oui, quand-même !
Emilie : Et avec le risque de passer par la case “prison”.
Maître Lenoir : Oh là là ! Comment je vais lui annoncer ça ? Il va m’incendier !
Emilie : Arrêtez votre compassion à 2 balles, Monsieur Lenoir. A l’insu de mon plein gré, j’ai entendu votre conversation, l’autre jour. Combien lui a rapporté sa dernière opération immobilière ?
Maître Lenoir : (faisant l’ignorant) Je ne sais plus… je ne me souviens plus exactement…
Emilie : Arrêtez votre char, Monsieur Lenoir. 300 000, net ! Je rajoute combien pour le “pas très net” ?
Maître Lenoir : Oui, bon. Ce ne sont pas nos affaires après tout. Il nous a missionné pour ces problèmes avec le fisc, et seulement le fisc. Pour le reste… (avec l’accent de Thierry Roland) Cela ne nous regarde pas.
Emilie : Oui, il s’en met plein les fouilles, mais, non, mon cher Jean-Michel, cela ne nous regarde pas.
Maître Lenoir : Bien, je vous laisse finaliser tout ça, Emilie. Je compte sur vous, comme d’habitude.
Emilie : (en chantant) Comme d’habitude, toute la journée, je vais jouer à faire semblant, comme d’habitude…
Maître Lenoir : Allez, ne perdez pas de temps, au travail. A part ça, j’ai des rendez-vous ce matin ?
Emilie : Oui, Madame Massac justement, (elle regarde sa montre) elle devrait arriver d'un instant à l’autre d’ailleurs.
Maître Lenoir : Irène ? Qu’est-ce qu’elle me veut ? Enfin je veux dire, de quoi a-t-elle besoin ?
Emilie : (en mentant) Aucune idée. Elle ne m’a rien dit du tout.
(Ça sonne) Ah, c’est sûrement elle.
Emilie va ouvrir, entrée d’Irène Massac.
Maître Lenoir : (allant à son encontre) Bonjour Irène, comment vas-tu ?
Irène Massac : Bonjour Henri. Ça va, ça va.
Maître Lenoir : Bien, et comment va François ?
Irène Massac : François ? Je m’en fous comme de l’an quarante.
Maître Lenoir : Irène, tu es dure avec François. C’est compliqué pour lui en ce moment.
Irène Massac : Je m’en fous je te dis. Henri, ce n’est pas pour lui que je viens te voir, c’est pour moi. En fait, non, je ne vais pas très bien.
Maître Lenoir : Zut ! Vas-y raconte, qu’est-ce qui t’arrive ?
Irène Massac : Justement, c’est François : il me trompe, j’en suis sûre. Je suis à bout. Je ne le supporte plus. Tout le monde sait pour ses infidélités. Je passe pour qui, moi ?
Maître Lenoir : Pour une cocue…Pardon…Ce sont des “on dit”, ma chère Irène. Tu as des preuves de ce que tu avances ? Il parle beaucoup, il gesticule beaucoup, mais est-ce qu’il passe à l’acte ?
Irène Massac : Je le sais, j’en suis sûre. Ce sont des choses que les femmes ressentent. Vous les hommes, vous ne voyez jamais rien.
Maître Lenoir : L’intuition féminine, c’est ça ? On a quand-même des yeux pour voir.
Irène Massac : Exactement. C’est pour ça que je viens vers toi. Je voudrais que tu m’aides à y voir plus clair. A découvrir la vérité.
Maître Lenoir : Je ne suis pas détective privé. Je suis avocat et mon job n’est pas de le pister, tu comprends ?
Irène Massac : Henri, aide-moi, s’il-te-plait.
Maître Lenoir : Il me faut des preuves, tu comprends. Sans preuve devant la justice, c’est difficile, tu le sais bien ?
Irène Massac : (d’un air désolé) Je me doutais bien que tu ne pourrais pas faire grand-chose pour moi. (voulant se faire consoler) Henri, je ne sais plus à qui m’adresser.
Maître Lenoir : Je connais bien un détective privé, mais…
Irène Massac : (le coupant) Maria a de la chance d’avoir un mari comme toi, intelligent, fidèle, honnête, sportif…
Maître Lenoir : Oui, heu… tu me gênes…faut pas exagérer quand-même.
Irène Massac : Non, je n’exagère pas. Très sportif. Tu fais toujours du golf ?
Maître Lenoir : Un peu.
Irène Massac : On m’a dit que tu es un vrai champion.
Maître Lenoir : (faussement modeste) Je me débrouille, je reconnais que j’ai un swing plutôt efficace. (debout, en mimant le geste).
Irène Massac : Ah oui. Que c’est beau !
Maître Lenoir : (très flatté, il répète le geste) J’avoue que l’on me fait beaucoup de compliments sur mon swing.
Irène Massac : Encore… (elle regarde de profil) Quel style !
Maître Lenoir : Je l’ai beaucoup travaillé. J’en suis assez satisfait, pour tout te dire.
Irène Massac : (Très enthousiaste) Tu pourrais m’apprendre à jouer au golf ? J’ai follement envie d’apprendre à jouer au golf.
Maître Lenoir : Heu…oui…à l’occasion…
Irène Massac : Non, là, tout de suite. (elle insiste lourdement) Allez Henri, apprends-moi. Regarde, il y a tout ce qu’il faut ici. (elle montre le club de golf et le tapis)
Maître Lenoir : Écoute, ça me gêne, je ne sais pas si je saurai t’apprendre, c’est délicat ici.
Irène Massac : Essaie, j’ai tellement envie…
Maître Lenoir : Bon d’accord. Je vais essayer. Ce sera juste une initiation…
Irène Massac : Super, super (très excitée) Alors comment je dois faire ?
Maître Lenoir lui tend le club, lui montre comment le prendre en main, se place derrière elle et pose ses mains sur ses bras. La position est assez suggestive, ils commencent un mouvement de balancier de droite à gauche et vice-versa.
Maître Lenoir : Voilà, tu prends le club comme ça, tu te penches légèrement en avant…voilà, comme ça…et tu fais un mouvement de balancier.
Irène Massac : Oui, oui je vois très bien…C’est bien comme ça ? (elle est de plus en plus excitée).
Maître Lenoir : Oui, oui, c’est très bien… (il commence à se prendre au jeu lui aussi)
Irène Massac : J’ai plein de sensations, Henri, je sens que ça vient.
Maître Lenoir : Heu moi aussi je sens que ça vient …. Oh oui, c’est bien, Irène, c’est bien…
Irène Massac : Oh oui, j’y arrive bien, hein, Henri ?
Ça sonne, Henri Lenoir et Irène Massac n’entendent pas, trop occupés à “jouer au golf”. Emilie va ouvrir, elle passe derrière eux d’un air très moqueur. Entrée de François Massac, très inquiet.
François Massac : (très surpris) Mais qu’est-ce que vous faites ? Irène, qu’est-ce que tu fais ?
Maître Lenoir : Ah, François, je…je ne t’avais pas vu…tu vas bien, François ?
Irène Massac : Oh mon chéri, je, je…
François Massac : Mais qu’est-ce qui vous prend à tous les deux ?
Maître Lenoir : Je…je…faisais une petite…initialisation.
Irène Massac : Oui, il me faisait une petite ini-ni-ni (elle bégaie)
Emilie : (se délectant de la situation) Oui, ils faisaient une petite initiation.
François Massac : Vous allez arrêter de me prendre pour un idiot ?
Maître Lenoir : Mais ce n’est pas ce que tu crois, François.
Irène Massac : Ah non, ce n’est pas ce que tu crois, François.
François Massac : Arrêtez de vous enfoncer. Et toi, Irène, qu’est-ce que tu fais ici ?
Irène Massac : Qu’est-ce que je fais ici ? (A elle-même) Qu’est-ce que je fais, là, moi ?...Ah oui, ça me revient, d’un coup.
François Massac : Tu retrouves enfin la mémoire.
Irène Massac : Je me suis embrouillée avec Maria, et comme j’étais dans le quartier, je me suis dit : ”tiens, je vais passer chez Henri, peut-être que Maria y sera et qu’on fera la paix”.
Maître Lenoir : Et malheureusement, elle n’est pas là.
Emilie : Comme vous voyez, elle n’est pas là.
François Massac : Oh vous la secrétaire !
Emilie : Non mais ça ne va pas recommencer. Je serais vous, je la mettrais en sourdine.
François Massac : Ça veut dire quoi, ça ?
Maître Lenoir : Non, non, ça ne veut rien dire du tout.
Irène Massac : Bon, je crois que je vais y aller, moi. Au revoir.
François Massac : Oui, c’est ça, vas-y. On reparle de tout ça à la maison.
Maître Lenoir : Bon, calme-toi François. Assieds-toi. Tu veux un verre ? Whisky douze ans d’âge, un double ? Comme d’habitude ?
Emilie : (elle se remet à chanter) Comme d’habitude…
Maître Lenoir : Non, mais j’y crois ! C’est pas bientôt fini, Emilie ?
François Massac : Volontiers. (Henri Lenoir lui verse un whisky)
Maître Lenoir : Qu’est-ce qui te prend aussi de débouler dans mon bureau, sans me prévenir ?
François Massac : (il sort de sa veste une feuille A4 avec inscription type lettre anonyme) Regarde ce que je viens de recevoir, ce matin au courrier.
Maître Lenoir : On dirait une lettre anonyme ! (il lit à voix haute) “François Massac, la prison vous attend ! ”. T’es en train de me faire une blague, François ?
François Massac : Regarde-moi bien. J’ai une gueule à faire une blague ?
Maître Lenoir : Je ne comprends pas.
François Massac : Moi non plus, je ne comprends pas. Qu’est-ce que ça veut dire ?
Maître Lenoir : Comment veux-tu que je le sache ? C’est pas signé, c’est anonyme.
François Massac : Merci, j’ai vu, je ne suis pas con, non plus.
Maître Lenoir : C’est peut-être quelqu’un qui veut te faire une farce.
François Massac : Une farce ? On n’est pas le premier avril que je sache. Et je trouverai la farce d’un goût très douteux.
Maître Lenoir : Bon, on va aller à la police pour faire la lumière sur tout ça.
François Massac : À la police ? Mais t’es complètement con ou quoi ? Tu crois pas que je n’ai pas assez d'emmerdes comme ça ? Et l’autre qui veut aller à la police. Non mais je rêve.
Maître Lenoir : Faut savoir. Tu veux qu’on fasse quelque chose ou pas ?
François Massac : Bien sûr qu’il faut faire quelque chose, mais la police…si on peut éviter, si tu vois ce que je veux dire.
Maître Lenoir : Malheureusement, je vois trop bien. Mais on ne peut pas rester sans rien faire, tu es d’accord ?
François Massac : Je sais pas, je sais plus. (le suppliant) Aide-moi Henri.
Emilie : Décidément, vous êtes un sauveur, Henri. Saint Henri, priez pour nous. (elle se signe).
Maître Lenoir : Laisse-moi réfléchir, François, on va trouver une solution, je te promets. En attendant, rentre chez toi, je te tiens au courant.
François Massac : Et pour mes problèmes avec le fisc, vous avez pu avancer ?
Maître Lenoir : C’est en bonne voie, ne t’inquiète pas.
François Massac : Au moins une bonne nouvelle. C’est déjà ça.
Maître Lenoir : Allez, rentre chez toi. (il le raccompagne à la sortie) Salut François.
François Massac : Salut Henri, je savais que je pouvais compter sur toi. (il sort).
Emilie : Toujours aussi franc du collier, Monsieur Lenoir. Une bonne nouvelle ! Quand il va apprendre la nouvelle, je ne suis pas sûre qu’il va la trouver si bonne que ça.
Maître Lenoir : Je reconnais, je ne lui ai pas vraiment dit la vérité. Mais vu le contexte, je ne voudrais pas qu'il me fasse, en plus, une crise cardiaque dans mon cabinet. Je vais prendre l’air, j’en ai bien besoin, avant que ce soit moi qui fasse une crise cardiaque. (il sort).
Emilie : (en aparté) Il n’a pas fini d’en apprendre des bonnes nouvelles, notre très cher François. (très contente d’elle) J’adore quand un plan se déroule sans accroc.
Scène 7 : Emilie, Maria Lenoir, François Massac
Emilie : (Seule au bureau, elle tapote sur sa calculatrice et note sur ses fiches) 21 000 € + 14 000 ici + 12 500 là…. ce qui fait…si j’additionne tout ça, ça fait….Humm, pas mal, pas mal du tout. (se réjouissant).
Ça sonne, entrée de Maria Lenoir.
Maria Lenoir : Bonjour Emilie.
Emilie : Bonjour Madame Lenoir.
Maria Lenoir : Comment allez-vous, Emilie ? Vous êtes seule ?
Emilie : Comme vous voyez.
Maria Lenoir : Tant mieux. Je voulais qu’on parle toutes les deux. Je voulais m’excuser…Je suis piquante de temps en temps, mais dans le fond, vous savez que je vous aime bien. J’ai bien compris que vous êtes essentielle dans le cabinet, que tout repose sur vous, sur vos compétences.
Emilie : (elle vient s’asseoir à côté de Maria Lenoir) C’est gentil de me dire tout ça. Madame Lenoir. Je vous en remercie. On se crêpe le chignon de temps en temps, mais ce n’est pas méchant. Et puis, de vous à moi, on peut tout se dire, on aime bien ça, nous les femmes. N’est-ce pas ?
Maria Lenoir : Oh que oui. C’est notre carburant.
Emilie : Des femmes qui ne se disputent pas, ça n’existe pas.
Maria Lenoir : Comme vous avez raison. Vous savez quoi ? C’est la jalousie qui est à l’origine de tout. Les femmes sont toujours jalouses : jalouses de leur mari, jalouses de leur belle-mère, jalouses de leurs collègues de travail.
Emilie : C’est vrai, c’est la nature humaine qui est faite ainsi. Mais c’est ce qui nous fait avancer, nous les femmes.
Maria Lenoir : Bien sûr. Les hommes se croient plus forts, plus intelligents. Mais derrière un homme puissant, il y a toujours une femme qui travaille dans l’ombre.
Emilie : Qui le soutient, qui l’encourage, qui le pousse à aller de l’avant.
Maria Lenoir : Tandis que derrière une femme puissante, il y a qui ?
Emilie : Personne ! Ou alors le gigolo de service, parce qu’il faut bien que Madame s’amuse.
Maria Lenoir : C’est bien la démonstration que ce sont les femmes qui font tourner le monde. Nous sommes les chevilles ouvrières de notre société. (comme un slogan) Sans nous, pas de progrès !
Emilie : (s'adressant au public) Mesdames, vous n’êtes pas d’accord ?
Maria Lenoir : Qui s’occupe de l’éducation des enfants ? Qui s’occupe de les emmener chez le médecin ?
Emilie : Voilà, c’est nous.
Maria Lenoir : Alors, ils nous rendent bien quelques menus services, il faut bien l’admettre. Personnellement, j’ai le vertige sur un escabeau, c’est toujours Henri qui change les ampoules.
Emilie : Moi, je refuse de descendre les poubelles, c’est toujours Monsieur Lenoir qui le fait.
Maria Lenoir : Vous avez réussi à lui faire descendre les poubelles ici ? A la maison, je n’y suis jamais arrivée, c’est toujours moi qui m’y colle. Vous m’indiquerez votre méthode, Emilie.
Emilie : Pas de problème, Madame Lenoir. Solidarité féminine.
Maria Lenoir : Vous avez raison de le souligner ma chère Emilie. La solidarité ! C'est une chose trop oubliée à mon goût si vous voulez mon avis. Et nous nous devons d'être unies dans la tourmente !
Emilie : D'autant qu'à mon humble avis, le pire est encore à venir…
Maria Lenoir : (étonnée) Ah bon ? Mais qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Emilie : Une très forte intuition féminine… Un dossier compliqué pour ne rien vous cacher…
Maria Lenoir : Je suis sûre qu’avec mon mari, il n’y a aucune catastrophe dont vous ne sauriez venir à bout…
Emilie : (public) Même si lui aussi en est une depuis des lustres… (à Mme Lenoir ensuite, affichant un sourire faux) ... Vous avez raison, à deux, nous sommes plus forts !
Au même moment, François Massac fait irruption dans le cabinet d'avocat.
Emilie : (à elle-même) Et revoilà la catastrophe en chef… (se tournant ensuite vers lui) Bonjour Monsieur Massac. Je vous signale que le cabinet dispose d’une sonnette au cas où vous ne l’auriez pas remarqué ! Que puis-je faire pour vous ?
François Massac :Vous, rien ! J’aimerais parler à Henri s’il vous plaît.
Emilie : Henri… Vous voulez dire… euh… Maître Lenoir ?
François Massac : Non non, Henri Salvador, je meurs d’envie qu’il me chante une chanson douce !!! Bah évidemment, à Maître Lenoir.
Emilie : Malheureusement pour vous, il n’est pas disponible pour le moment… Je peux prendre un message ?
François Massac : Comment ça, il n'est pas ici ?
Emilie : Malheureusement non, je viens de vous le dire.
François Massac : Bon, il est encore au golf, c’est bien ça ? Il revient quand ?
Émilie : (d’un air malicieux) Il est bien parti au golf. Une partie de la plus haute importance selon lui. Par contre, je ne peux pas vous dire quand il sera de retour.
François Massac : Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour gagner une affaire ou s’attirer les faveurs de ses clients, celui-là. Je le reconnais bien là !
Emilie : Ah non non, pas du tout. Il fait une partie avec le procureur, si ma mémoire est bonne.
François Massac : (devenant tout blanc d’un seul coup) Avec le procureur ? Mais dans quel but ?
Emilie : Pour faire un point sur les dossiers en cours, je suppose.
François Massac : Quels dossiers ?
Emilie : Mais qu’est-ce que j’en sais, moi ?
François Massac : Attendez, vous êtes bien son assistante ? Vous n’allez pas me faire croire que vous n’avez aucune idée des dossiers sur lesquels ils vont débriefer ?
Emilie : (toute fière d'elle) Et quand bien même ? Vous savez bien que je suis tenue au secret professionnel. Je n’ai aucunement le droit de parler avec un client du cabinet des affaires en cours…
François Massac : C’est pour mon affaire, c’est ça, hein ? Il n’a pas pu s’appuyer sur le soutien du sous-préfet alors il essaye de taper plus haut ?
Emilie : Et bien vous lui poserez la question directement, ce sera plus simple et plus direct.
François Massac : Et c’est pendant une partie de golf que Maître Lenoir négocie mon dossier ?
Emilie : Encore une fois, je ne peux rien vous dire.
François Massac : (se grattant le cou, comme pris de démangeaisons sous le stress) Il négocie mon dossier sur un terrain de golf ? Entre deux swings et trois puttings ! Mais pourquoi pas dans son bureau ? Ou celui du procureur ? Ou dans n’importe quel autre bureau, il y en a plein de bureaux ! Mais pas au golf !!! Non mais pourquoi pas au bar en prenant l’apéro… ? Le golf, mais c’est surréaliste !
Maria Lenoir : Calme-toi François. Tu connais Henri, il a toujours défendu ses clients du mieux qu’il peut. Tout va bien se passer, je reconnais que la démarche ne manque pas d’originalité… Mais prends le problème sous un angle différent. Il a peut-être juste voulu détendre le procureur pour le mettre dans de bonnes dispositions !
François Massac : (comme apaisé) Ah mais oui, tu as raison. Là, je le reconnais bien. C’est la méthode Lenoir et elle est toujours efficace.
Maria Lenoir : Mais oui voilà tout ! Tu n’as aucune crainte à avoir. (lui tendant un verre d’eau) ... Tiens, un peu d’eau te fera le plus grand bien.
François Massac : Qu’est-ce que je m’en veux d’avoir pu douter. Sacré Henri !
Il commence à boire son verre d’eau.
Maria Lenoir : Te voilà plus serein à présent, c'est bien !
Emilie : (spontanément) Lui aussi il l'était avant de partir. Je me souviens même l'avoir entendu dire au téléphone, avec un dossier entre les mains, “préparez-vous Monsieur le Procureur, ça va swinguer ! “
François Massac en recrache son verre d’eau.
Emilie : Qu’est-ce qui vous arrive, Monsieur Massac ? Une petite inquiétude ?
François Massac : Oui…enfin, non…je...je…
Emilie : Monsieur Massac, vous ne m'avez toujours pas dit quel était le but de votre visite.
François Massac : (il sort une nouvelle lettre anonyme) J’en ai reçu une deuxième…
Emilie : Une deuxième lettre du fisc ?
François Massac : Mais non ! Une deuxième lettre anonyme ! (il la montre à Emilie).
Emilie : (Emilie la prend et la lit à haute voix) “François Massac, si tu veux éviter la prison, il va falloir payer ! ”.
François Massac : (très inquiet) Mais qu’est-ce que ça veut dire tout ça ?
Emilie : (d’un ton ironique).Ça veut dire que si vous ne voulez pas aller en prison, il va falloir payer. C’est marqué dessus.
François Massac : Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, là-dedans. Arrêtez de prendre ça à la légère.
Emilie : Je ne fais que lire ce qu’il y a d’écrit, Monsieur Massac, ni plus, ni moins.
Maria Lenoir : (curieuse) C’est quoi cette lettre ? (elle prend la lettre et la lit) C’est curieux, en plus, c’est pas signé !
François Massac : Mais qu’est-ce qu’elle est conne, celle-là ! On te dit que c’est une lettre anonyme. A-no-nyme, tu sais ce que ça veut dire ?
Maria Lenoir : Non mais tu vas me parler autrement ? C’est pas de ma faute si tu as l’art de te foutre dans les emmerdes.
François Massac : Mais de quoi je me mêle ? Occupe-toi de tes fesses et laisse gérer ça par les grandes personnes.
Maria Lenoir : Non mais j’y crois pas. Toi et ta bonne femme, vous êtes aussi con l’un que l’autre.
François Massac : Tu sais ce qu’elle te dit ma bonne femme ?
Emilie : (en les séparant) Ça va pas recommencer tous les deux ! Quand c’est pas l’un, c’est l’autre. Ils se disent les meilleurs amis du monde et dès qu’ils se voient, ils ne peuvent pas s’empêcher de s’engueuler.
François Massac : Tout ça ne me dit pas ce que je dois faire.
Emilie : C’est assez délicat, en effet. J’informe Monsieur Lenoir dès son retour et il vous appellera. Comptez sur lui. En attendant, inutile de rester là, rentrez chez vous. J’ai du travail, moi.
François Massac : J’y vais, mais dites-lui bien que c’est urgent !
Emilie : Je sais ce que j’ai à faire, Monsieur Massac. Vous ne me faites pas confiance ?
Monsieur Massac sort en bougonnant.
Emilie : Au revoir, Monsieur Massac. (à Maria Lenoir) Je ne veux pas vous donner d’ordre, Madame Lenoir, mais j’ai beaucoup de travail, alors…
Maria Lenoir : Oui bien sûr, je comprends. Je vais vous laisser travailler dans le calme, ça vous changera. A bientôt Emilie. (Elle sort à son tour).
Emilie : Au revoir, Madame Lenoir. (une fois seule) Et bien, là aussi, ça swingue !
(très contente d’elle, elle retourne s'asseoir dans le fauteuil de Monsieur Lenoir) J’adore quand un plan se déroule sans accroc.
Scène 8 : Emilie, Maître Lenoir, Irène Massac
Emilie s’affaire dans ses dossiers, entrée de Maître Lenoir
Emilie : Ah, vous voilà, Monsieur Lenoir. Alors, cette partie de golf ?
Maître Lenoir : Je vous ne cache pas que j’ai connu des parties plus agréables, même si je dois avouer, modestement, que mon swing était plutôt bien réglé.
Emilie : Un problème de météo, peut-être ?
Maître Lenoir : Au contraire, grand soleil, température clémente, vent calme : des conditions de jeu idéales. Non, c’était mon adversaire : le procureur. J’ai essayé de l’amadouer en le laissant gagner, mais pas moyen. Il était incapable d’envoyer la balle à plus de 20 mètres. Et le putting, une catastrophe : la balle était à ça du trou, ça (il fait le geste), il trouvait moyen de la mettre à côté.
Emilie : Ah oui, quand même ! Il avait peut-être oublié ses lunettes ?
Maître Lenoir : Non, je ne crois pas. Quand t’es maladroit, t’es maladroit ! Comment voulez-vous perdre contre quelqu’un qui est plus nul que nul, je vous le demande ?
Emilie : Moi, le golf, vous savez, avec le travail que vous me donnez, j’ai pas trop le temps. Mais pour Monsieur Massac, il a décidé quoi ?
Maître Lenoir : Je vous dis que je n’ai pas réussi à le faire gagner, du coup, ça l’a mis en colère, oui parce que Monsieur le Procureur n’aime pas perdre. Il est parti en m’insultant, en disant que les avocats étaient tous des pourris et des vendus.
Emilie : Un éclair de lucidité !
Maître Lenoir : Pardon ?
Emilie : Non, je disais, quelle imbécilité ! Et donc, le dossier de Monsieur Massac ?
Maître Lenoir : C’est mort, archi mort. En plus, il hurlait que je voulais le corrompre. J’étais à deux doigts de l’assommer à coup de club de golf. (il prend un club de golf et mime d’assommer quelqu’un). Pour sûr, ma carrière en aurait pris un coup.
Emilie : Heureusement que vous avez su vous maîtriser, Monsieur Lenoir, sinon, vous seriez allé tenir compagnie à Monsieur Massac en prison.
Maître Lenoir : Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter, maintenant, à François ?
Emilie : La vérité, tout simplement.
Maître Lenoir : Mais dire la vérité, je sais pas faire, moi. Je passe mon temps à leur raconter des salades, à ces cons de clients.
Emilie : En parlant de cons, Monsieur Massac sort d’ici. Et vous savez quoi ? Il a reçu une deuxième lettre anonyme.
Maître Lenoir : Non, c’est pas vrai !
Emilie : Si je vous le dis.
Maître Lenoir : Et qu’est-ce qu’elle disait ?
Emilie : De mémoire, il faut qu’il paie s’il ne veut pas aller en prison. Un truc de ce genre.
Maître Lenoir : (anéanti) C’est la merde, c’est la merde, c’est la merde.
Emilie : Et donc il compte sur vous pour l’en sortir de la merde, comme vous dites.
Maître Lenoir : Mais qu’est-ce que j’y peux, moi ? C’est pas du droit, ça ! On ne nous apprend pas ça dans les facs de droit.
Emilie : Ah non, je vous confirme, c’est pas du tout droit, c’est plutôt très très tordu.
Maître Lenoir : Il ne veut pas aller à la police, cet idiot et les lettres ne sont pas signées. A qui je peux bien m’adresser ?
Emilie : (ironique) Au procureur ?
Maître Lenoir : Ne vous foutez pas de ma gueule, Emilie, je ne suis pas d’humeur.
Emilie : C’est une blague, Monsieur Lenoir, c’est juste pour détendre l’atmosphère.
Maître Lenoir : (ça ne le fait pas rire) Atmosphère, atmosphère, j’ai une gueule d’atmosphère ?
Emilie : Oh, si on ne peut plus rigoler !
Le portable de Monsieur Lenoir sonne.
Maître Lenoir : Allo…Irène ? ...Bien sûr, ça va (d’un coup très gêné) ...oui je suis à mon cabinet, pourquoi ? ... un cours de golf ? mais quand ? …maintenant ? …mais je peux pas, j’ai du travail, des dossiers à traiter en urgence…mais t’es où ? ...Comment ça, surprise ?...
Ça sonne, Emilie va ouvrir. Entrée d’Irène Massac, en tenue de sport.
Irène Massac : Surprise, surprise !
Maître Lenoir : Mais qu’est-ce que tu fous là ?
Irène Massac : Quoi, t’es pas content de me voir ?
Maître Lenoir : C’est pas la question, mais…
Irène Massac : Allez, détends-toi. Je te sens très stressé. Quelque chose qui ne va pas ?
Maître Lenoir : (désabusé) Ah non, tout va bien, tout baigne. Tout se passe merveilleusement bien.
Emilie : (en mimant la brasse) On nage dans le bonheur.
Irène Massac : Tant mieux, je suis très contente pour vous.
Maître Lenoir : C’est gentil, mais je ne comprends toujours pas le sens de ta visite ?
Irène Massac : Tu n’avais pas fini mon initiation au golf, on avait été dérangé. Notre première leçon a été interrompue et j’ai très envie de passer à la seconde leçon.
Maître Lenoir : Je…je…d’accord…mais enfin…c’est compliqué…Je te l’ai dit au téléphone, j’ai beaucoup de travail en ce moment. (à Emilie) Emilie, il y a du courrier à faire partir, vous ne voulez pas faire un saut à la Poste ?
Emilie : J’ai compris, je vois que je dérange.
Maître Lenoir : Mais pas du tout, pas du tout ! c’est juste que…
Emilie : Ne vous fatiguez pas, j’y vais, j’y vais. Une bonne assistante se doit d’être très obéissante et très…compréhensive. (elle prend quelques lettres sur le bureau et sort).
Maître Lenoir : Merci Emilie.
Irène Massac : Je vois bien que ça ne va pas bien, n’essaie pas de me cacher la vérité. Vous êtes sur les dents, tous les deux, ça se voit comme un nez au milieu de la figure.
Maître Lenoir : C’est vrai. Des dossiers compliqués à gérer, des administrations tatillonnes, des clients exigeants. Nous n’avons pas un métier facile, tu sais.
Irène Massac : C’est le dossier de François qui vous fait souci, je le sais bien. Mais c’est bien fait pour lui, je ne vais pas le plaindre. A force de fricoter avec des affairistes peu recommandables, à force de ne jamais vouloir payer ce qu’il doit, il fallait bien s’attendre à ce que ça lui retombe dessus.
Maître Lenoir : C’est vrai qu’il est très souvent à la limite de l’illégalité, mais je suis son avocat, je n’ai pas à juger son comportement. Mon rôle est de le défendre, c’est ce que j’essaie de faire du mieux que je peux.
Irène Massac : Je reconnais là toute la conscience professionnelle qui te caractérise, Henri. C’est tout à ton honneur. Je sais que tu es l’homme de la situation pour François.
Maître Lenoir : C’est gentil de me dire ça, Irène, tu me flattes.
Irène Massac : C’est juste la vérité. N’empêche que François est un salaud et ça, tu ne me l'ôteras pas de l’idée. Et je te rappelle le but de ma dernière visite : François est un coureur de jupon et ça aussi je ne le supporte plus.
Maître Lenoir : Ça aussi je le sais, mais je te l’ai déjà dit, Irène, il me faut des preuves, des faits. Sans ça, je ne peux rien faire. Que veux-tu que je dise devant un juge : (en mode plaidoirie) “Ma cliente soupçonne son mari d'adultère, mais je n’ai pas de preuves à vous apporter, Monsieur le Juge. Je vous demande tout de même de condamner son mari parce que ma cliente ne le supporte plus”. Tu vois le tableau ? Je passerais pour qui, moi ?
Irène Massac : Tu as raison, Henri. Il me faut des preuves. Je vais chercher, je suis sûre que je vais en trouver.
Maître Lenoir : De toute façon, il n’en est plus à une emmerde près.
Irène Massac : Pourquoi tu dis ça ? Il a d’autres casseroles aux fesses ?
Maître Lenoir : Non, non. Je disais ça comme ça, rien d’important.
Irène Massac : Mon pauvre Henri, je te sens si démoralisé. J'aimerais tant pouvoir t’aider. Qu’est-ce que je peux faire pour te remonter le moral ?
Maître Lenoir : Tu es gentille, mais pas grand-chose, j’en ai peur.
Irène Massac : (elle passe derrière lui et commence à lui masser le haut des épaules, Henri est assis) (petite musique, genre ambiance salon de bien-être, spa) Je te sens tout contracté, tout tendu. Laisse-moi te masser. Je suis sûre que ça te fera du bien.
Maître Lenoir : Tu as raison, c’est très décontractant. Oh oui, ça fait du bien.
Irène Massac : Oui, je sens que ça se décontracte. Ça se détend…
Maître Lenoir : Oh oui, qu’est-ce que ça fait du bien ! Je sens que c’est contracté plus bas, tu peux descendre un peu plus bas ?
Irène Massac : (elle masse maintenant sur la poitrine) Hummm ces pectoraux, je les sens très contractés, très puissants, très virils.
Maître Lenoir : Tes mains, Irène, humm tes mains, qu’est-ce qu'elles me font du bien !
Irène Massac : Elles te font du bien mes mains ?
Maître Lenoir : Humm, tu as des mains expertes. A la fois douces et fermes.
Irène Massac : Ce corps d'athlète, ce corps d'Apollon…
Maître Lenoir : Ce corps d'Apollon qui n’attend que d’être découvert.
Irène Massac : Ce corps d'Apollon qui n’attend que d’être massé.
Maître Lenoir : (Il se lève, prend Irène Massac par la taille et la conduit vers le secrétariat) Viens, mon Irène, découvrir les plaisirs charnels.
Irène Massac : Je te suis, je suis à toi…mon Apollon.
Ils sortent par la porte du secrétariat, on voit des vêtements et sous-vêtements voler en direction de la scène, on entend leurs ébats amoureux.
RIDEAU
Acte IV
Scène 9 : Emilie, François Massac, Maître Lenoir
Emilie est seule au cabinet, affairée, comme toujours sur ses dossiers.
Ça sonne, ça frappe de façon très insistante, elle va ouvrir, entrée de François Massac.
Emilie : Ça va, ça va, j'arrive !
François Massac : (complètement excité) Vous voyez, cette fois, j’ai sonné, hein, j’ai sonné cette fois, “Ding Dong, Ding Dong” ça va comme ça ? “Ding Dong”.
Emilie : D’abord Bonjour Monsieur Massac. Et ensuite, qu’est-ce qui vous prend ? Ça va pas bien de faire un tintamarre pareil ? Ce n'est pas la peine de vous énerver sur la sonnette, elle ne vous a rien fait cette sonnette.
François Massac : Vous allez pas recommencer à me faire la morale. Quand je sonne pas, ça va pas, quand je sonne, ça va pas non plus. Faut savoir !
Emilie : Oh mais dites donc, va falloir penser à baisser d’un ton. Vous n’allez pas me la faire comme ça.
François Massac : Alors comment il faut que je la fasse avec vous ? Je sonne, je sonne pas, je sonne, je sonne pas ? C'est quoi votre truc à vous ? Et je baisse d’un ton si je veux, c’est clair ?
Emilie : Non mais vous êtes complètement à la masse ce matin, va falloir penser à vous faire soigner.
François Massac : Pourquoi, vous êtes toubib, maintenant ?
Emilie : Non, je ne suis pas toubib, mais j’ai bien l’impression que vous avez fondu une durite. Ou alors, vous avez pris des substances illicites, c’est ça ? Marijuana, Cocaïne, LSD, Crack ?
François Massac : Non mais je vais me la faire, je vais me la faire. C’est pas possible.
Emilie : (en montrant les poings, façon boxe) Et bien venez, allez, venez, je vous attends. Qu’est-ce qu’il a ? Il se dégonfle, le gros macho ?
François Massac : Si je ne me retenais pas, je vous flanquerais bien une bonne correction. (il commence à se calmer)
Emilie : Allez-y, venez me la mettre la bonne correction ! J’attends que ça ! Allez Allez !
François Massac : Bon, ça va. Je m’excuse.
Emilie : On dit : ”Je vous prie de m’excuser”.
François Massac : Non, mais elle me cherche, c’est pas vrai ! Je vous prie de m’excuser. Ça va comme ça, c’est bon ? J’avoue que je me suis un peu emporté.
Emilie : Ça y est, quand-même, il se dégonfle enfin, comme une baudruche.
François Massac : N’en rajoutez pas vous aussi, je ne suis pas d’humeur aujourd’hui.
Emilie : Bon, si vous me disiez pourquoi vous êtes là.
François Massac : Je suis venu voir Henri, ça ne vous aura pas échappé. Et de toute évidence, il n’est pas là.
Emilie : Bien vu !
François Massac : Encore au golf, c’est ça ?
Emilie : Raté ! Il récupère juste de sa soirée d’hier soir qui, disons-le, a été, pour le moins, animée.
François Massac : Animée ?
Emilie : Vu l’état de mon bureau ce matin, je dirais même plus…mouvementée.
François Massac : Rien de grave, j’espère.
Emilie : Ça dépend pour qui.
François Massac : Je comprends rien à ce que vous dites.
Emilie : (en montrant un soutien-gorge, manifestement pas de la taille d’Emilie, visiblement oublié sur le bureau) D’ailleurs, il en reste quelques stigmates !
François Massac : Mais qu’est-ce que vous faites avec votre soutien-gorge ?
Emilie : Vu la taille de la pièce à conviction, je plaide non coupable, votre honneur.
François Massac : Je ne comprends toujours rien.
Emilie : Laissez tomber, Monsieur Massac, ce serait mauvais pour votre santé.
François Massac : Savez-vous au moins quand il va se pointer ?
Ça sonne. Entrée de Maître Lenoir.
Emilie : Tiens, quand on parle du loup…
Maître Lenoir : (un peu embrumé) Bonjour tout le monde. Je vois que vous avez été plus matinaux que moi ce matin.
François Massac : On t’attendait.
Maître Lenoir : Désolé. (il baille) J’ai planché sur un gros dossier jusqu’à tard hier soir.
Emilie : Oui, oui. Bien emballé le dossier ?
Maître Lenoir : Pardon ?
Emilie : Je voulais dire…vous avez réussi à le ficeler ce dossier ?
Maître Lenoir : (toujours pas très réveillé) Oui…enfin non…il faut que j’y retravaille. Je dois remettre la pâte à la main…Non, non, la main à la pâte…Qu’est-ce que je dis…Je dois finaliser quelques détails, enfin vous m’avez compris…
François Massac : Non mais ça va pas, Henri ? T’as bu ? T’es saoul comme une bourrique ?
Emilie : Barrique !
François Massac : Quoi, barrique ?
Emilie : On dit “Saoul comme une barrique”, ba-rrique, pas bourrique.
François Massac : Barrique, bourrique, on s’en fout, c’est pas le problème.
Emilie : Moi, ce que j’en dis…
Maître Lenoir : Mais c’est sans importance. (à François Massac) Et toi, François, qu’est-ce qui t’amène ?
François Massac : Et de trois !
Maître Lenoir : Trois quoi ?
François Massac : Une troisième lettre anonyme.
Maître Lenoir : C’est pas possible !
François Massac : Ben si c’est possible, sinon je serai pas là. Tiens regarde. (il lui tend la lettre).
Maître Lenoir : (il lit la lettre) “200 000 euros. Le prix de la liberté, en petites coupures”. Nom de dieu ! 200 000 ! C’est beaucoup !
François Massac : (en répétant) L’autre “c’est beaucoup !” C’est pas beaucoup, c’est énorme, gigantesque, monstrueux, vertigineux !
Maître Lenoir : Comment tu vas faire pour payer ?
François Massac : Oh oh ! Tu te réveilles là? Comment je vais faire pour payer ! Mais je ne veux pas payer, moi ! Je-ne-veux-pas-payer. C’est clair, Non !
Maître Lenoir : Et puis payer à qui ? Tu as reçu des consignes ?
François Massac : Rien, que dalle ! On se fout de ma gueule, voilà ! Quelqu’un qui veut me rendre fou, qui veut me faire tourner en barrique.
Emilie : Bourrique.
François Massac : Quoi bourrique ? Faut savoir !
Emilie : On dit “Tourner en bourrique”, bou-rrique, pas barrique. Et “saoul comme une barrique”, pas bourrique !
François Massac : Barrique, bourrique, barrique…Qu’est-ce que j’en sais, moi ? Vous avez pas fini de m’emmerder, à la fin ? Vous voulez m’achever, c'est ça ?
Emilie : Moi, ce que j’en dis…
Maître Lenoir : Calme-toi, François. Il faudrait savoir qui écrit tout ça et pourquoi !
François Massac : Je te savais un peu con, Henri, mais là tu te surpasses. Si c’est anonyme, c’est qu’ils veulent pas que ça se sache, et pourquoi ? eh ben pour me soutirer du fric. C’est si difficile à comprendre ?
Maître Lenoir : Oh oh, on se calme ! J’essaye d’analyser la situation, en posant les tenants et les aboutissants.
François Massac : Alors pose-les tes aboutissants et vite, s’il te plait.
Emilie : Au courrier, il y avait une drôle d’enveloppe ce matin, avec aucune indication marquée dessus. J’ai trouvé ça bizarre.
Maître Lenoir : Plus tard, Emilie, plus tard. Ne nous embrouillez pas avec des détails sans importance.
Emilie : Comme vous voudrez, je dis ça, je dis rien.
François Massac : Attendez ! Elle ressemble à quoi cette enveloppe ?
Emilie : A une enveloppe, comme toutes les enveloppes. Non mais laissez tomber, Monsieur Lenoir a raison, c’est un détail sans importance.
François Massac : Non, non, non. C’est peut-être pas un détail. C’est quoi cette enveloppe ?
Emilie : Je vais vous la chercher, elle est avec le reste du courrier. (elle va dans son bureau, en revient avec une enveloppe craft et le tend à Maître Lenoir) Là voilà.
François Massac : C’est la même enveloppe !
Maître Lenoir : Elles sont toutes pareilles les enveloppes, ça veut rien dire !
François Massac : Je te dis que c’est la même, le papier, la taille, je la reconnais.
Maître Lenoir : Nom de dieu, arrête de me foutre la trouille, je te dis qu’une enveloppe, c’est une enveloppe ! Il n'y a pas de discussions !
François Massac : Ouvre-là, qu’est-ce que tu attends ! (Monsieur Lenoir la retourne et la retourne encore, il ne veut pas l’ouvrir) Tu vas l’ouvrir, oui ou non ?
Maître Lenoir : Ça va, ça va, c’est bon, je l’ouvre ! (il l’ouvre, c’est bien une lettre anonyme, il en tombe à la renverse) Oh putain ! Mais c’est quoi ce bordel ?
François Massac : Ah ! Tu vois ce que ça fait ? Ça fait bizarre, hein ?
Maître Lenoir : Emilie, qu’est-ce qu’il y a de marqué sur cette foutue lettre ?
Emilie : (elle prend la lettre et la lit) “Vous porterez les 200 000 euros de François Massac dans la consigne 38B de la gare de Lyon, la clé est dans l’enveloppe. Aujourd’hui, avant midi. Sinon, vous rejoindrez François Massac en prison”. (en regardant dans l’enveloppe) Ah oui, il y a une clé !
Maître Lenoir : Oh Bon Dieu ! (il manque de s’évanouir).
Emilie : Eh oh ! Monsieur Lenoir, ça va ? Remettez-vous, rien de grave, c’est que de l’argent…et en plus, c’est pas le vôtre.
François Massac : Que de l’argent ! Non, mais j’y crois pas ! 200 000 ! 200 000 euros, et les miens en plus. Si c’est pas grave, vous n’avez qu’à les donner, vous !
Maître Lenoir : Qu’est-ce qu’on va faire ? Mais qu’est-ce qu’on va faire ?
François Massac : Et bien maintenant, va bien falloir la trouver la solution, Monsieur L’Avocat.
Maître Lenoir : J’y suis pour rien dans tes magouilles. Et voilà que ça me retombe dessus. T’as qu’à t’en démmerder de tes 200 000 euros. Moi, je ne veux rien à voir avec tout ça. Ce sont tes affaires, pas les miennes.
François Massac : Mes affaires, justement, je te paie pour les défendre. Et vu comme ça se passe, je trouve que je te paie beaucoup trop cher. Alors maintenant, tu te mets au boulot et tu nous sors de cette merde !
Maître Lenoir : Bon, bon. Ne nous énervons pas. Réfléchissons, dans le calme. Il doit bien avoir une solution.
Ils se mettent à réfléchir pendant plusieurs secondes en tournant en rond.
Maître Lenoir : BINGO : j’ai la solution.
François Massac : Ah enfin, c’est pas trop tôt. Allez crache maintenant.
Maître Lenoir : Tu vas chercher les 200 000 euros, tu me les rapportes, je les dépose à la consigne et on est peinard.
François Massac : Ok je vois, mais après ?
Maître Lenoir : Quoi après ?
François Massac : Ben après, pour les récupérer mes 200 000 euros.
Maître Lenoir : On ne fait rien du tout. Pour moi, ils sont morts, ils sont perdus. Je ne vois pas d’autres issues. A moins que tu préfères aller voir la police ?
François Massac : Mais t’es complètement barjo. Faut te faire interner mon pauvre vieux ! Je te demande de trouver une solution pour les récupérer, pas pour faire le livreur.
Maître Lenoir : Ah tu m’emmerdes à la fin avec tes 200 000 euros. (en l’imitant) “mes 200 000 euros, mes 200 000 euros !”. Moi, j’ai pas envie d’aller en taule pour tes beaux yeux. Tu chantes sur les toits que t’as gagné 300 000 euros avec ta dernière affaire. T’en prends 200 000 pour payer la rançon, il t’en reste encore 100 000 pour payer ce que te réclame le fisc. Bon, ça te fait une opération blanche, tu t’en tires plutôt bien.
François Massac : Je m’en tire plutôt bien ? Je me fais plumer et je m’en tire plutôt bien ? Non, mais tu rigoles ou quoi ?
Maître Lenoir :T’as une meilleure solution ? Je t’écoute... Alors ? …Ta solution miracle ?
François Massac : Non, malheureusement, je n’en vois pas d'autres.
Maître Lenoir : Bon, ne perdons pas de temps ! Il faut que je dépose le fric avant midi à la consigne. Tu files chez toi, tu me récupères ces foutus 200 000 euros en espèce…
François Massac :(en le coupant) Et je les trouve où ces espèces ? T’es marrant, toi !
Maître Lenoir : Arrête ton cirque, François, tu vas pas me la faire à moi. Tu vas les prendre dans ton coffre et tu rappliques. Et je sais qu’il en restera.
Emilie : Pour le fisc…
François Massac : Oh vous, fermez-là !
Maître Lenoir : On a déjà perdu trop de temps. Vas-y, dépêche-toi. Je t’attends. (il le pousse vers la sortie).
Emilie : (Face public) J’adore quand un plan se déroule sans accroc.
Scène 10 : Emilie, Maître Lenoir, Irène Massac, Maria Lenoir, François Massac.
Maître Lenoir : Quelle histoire ! Me voilà trempé dans une affaire de rançon, moi, Maître Lenoir, avocat ! Si jamais ça venait à se savoir, ma carrière serait foutue !
Emilie : Je vous le dis depuis le début, Monsieur Lenoir : à force de fricoter avec des escrocs, on se met dans la merde jusqu’au cou !
Le téléphone de Maître Lenoir sonne.
Maître Lenoir : Allo…Irène ? ...oui, ça va. En fait, non ça va pas…ce serait trop long à t'expliquer… (il fait signe à Emilie de sortir, mais elle tend l’oreille pour entendre la conversation) Tu veux venir me consoler ? … Mais quand ça ? … Dans 10 minutes ? … Si, bien sûr, ça me fait plaisir, mais … Ok, à tout de suite. (il laisse son téléphone sur le bureau, bien en évidence) (à Emilie) : Emilie, vous pouvez m’apporter un café ?
Emilie : Pardon ? Je crois que je n’ai pas bien entendu.
Maître Lenoir : Je veux dire…il reste du café ?
Emilie : Bien sûr qu’il en reste, vous savez où se trouve la cafetière ? Et vous savez où se trouvent les tasses ?
Maître Lenoir : J’ai compris, j’y vais…les bonnes habitudes se perdent.
Emilie : Et juste à côté, il y a l’évier. Donc après le café : vaisselle !
Sortie de Monsieur Lenoir en faisant la grimace.
Emilie : (Elle voit le téléphone de Monsieur Lenoir, le prend et commence à rédiger un SMS) Tiens, le téléphone de Monsieur Lenoir. J’adore envoyer des mots doux…Voyons voir…Maria, Maria…Ah voilà, Maria Lenoir…message...”Ma chérie, il faut que je te voie de toute urgence au cabinet, je t’attends dans 10 minutes. Ton mari adoré”…Un peu d’hypocrisie, ça ne mange pas de pain. Et hop, envoyé !!! Ça y est, c’est parti.
Ah, précaution d’usage : toujours effacer les messages compromettants. Combien de couples n’ont pas survécu à ce genre d’inadvertance…Voilà, message supprimé.
Ça sonne, Emilie va ouvrir. Entrée d’Irène Massac.
Irène Massac : Bonjour Emilie.
Emilie : Bonjour Madame Massac (faisant l’innocente) Quel bon vent vous amène ?
Irène Massac : J’étais dans le quartier, je voulais en profiter pour passer un bonjour amical à Monsieur Lenoir. Il n’est pas ici ?
Emilie : Si, bien sûr, il fait la vaisselle.
Irène Massac : Pardon ?
Emilie : Il s’occupe de sa clientèle…Je vais le chercher…
Elle sort chercher Monsieur Lenoir. Entrée de Monsieur Lenoir
Maître Lenoir : Bonjour ma ché…Irène.
Irène Massac : Bonjour mon Apollon. Content de me voir ?
Maître Lenoir : Oui, bien sûr…disons que le lieu et le moment ne sont pas très bien choisis.
Irène Massac : Je sais bien que tu es très tourmenté en ce moment. Je voulais prendre des nouvelles de toi, voir comment tu vas.
Maître Lenoir : Disons que l’ambiance est un peu tendue en ce moment.
Irène Massac : Justement, tu sais que je suis très douée pour décontracter les muscles, détendre les corps. Laisse-moi te faire un petit massage.
Maître Lenoir : Nous ne sommes pas seuls ici, tu le sais bien. Emilie est juste à côté…
Irène Massac : Mais on ne fait de mal à personne, je te propose juste un petit massage sur la nuque.
Maître Lenoir : J’avoue que ça me ferait du bien, tes mains me font un bien fou.
Irène Massac : (elle se met à lui masser la nuque) Là, voilà, détends-toi, relaxe.
Maître Lenoir : Humm, tes mains sont décidément irrésistibles…
Irène Massac : Mon Apollon, j’ai envie que tu m’embrasses (elle s'assoit sur ses genoux) Embrasse-moi….
Entrée en trombe de Maria Lenoir qui les surprend dans une position sans équivoque.
Maria Lenoir : Henri, Irène, mais, mais…mais qu’est-ce que vous faites ?
Irène Massac se lève d’un bond.
Maître Lenoir : (bredouillant) Nous… nous… je… je vais t’expliquer, ce n’est pas ce que tu crois…
Irène Massac : Oui…enfin non, c’était juste une…
Maria Lenoir : Mais vous êtes des monstres, vous êtes ignobles. Me tromper ici, dans le cabinet de papa, vous êtes dégoûtants.
Maître Lenoir : Ma chérie, il y a une explication à tout ça. Laisse-moi t’expliquer…
Maria Lenoir : Il n’y a rien à expliquer, tu es un minable, un salopard, un moins que rien.
Irène Massac : Ne t’énerves pas Maria, ce n’était qu’une pulsion sans conséquence.
Maria Lenoir : Une pulsion ? Une goujaterie, oui. Irène, comment as-tu pu me faire une chose pareille ? Moi qui avais confiance en toi, ma confidente, mon amie. Tu n’es qu’une traînée.
Irène Massac : Maria, je te demande pardon. Pardon, pardon…
Maria Lenoir : Sors de chez moi, je ne veux plus te voir, dehors ! (Elle la pousse sans ménagement vers la sortie).
Maria Lenoir : Et toi, Henri Lenoir, tu vas me le payer, cher, très très cher !
Maître Lenoir : Moi aussi, je te demande pardon, c’est juste un malentendu.
Maria Lenoir : Un malentendu ? Et en plus, tu te fous de moi ? Tu vas le regretter, crois-moi, tu vas le regretter ! (elle sort).
Maître Lenoir : C’est la merde, c’est la merde !
Entrée d’Emilie.
Emilie : Il m’a semblé entendre du grabuge. Rien de grave, Monsieur Lenoir ?
Maître Lenoir : Du grabuge ? Un tremblement de terre ! Un séisme, magnitude 25 !
Emilie : Ça n’existe pas un séisme de magnitude 25, Monsieur Lenoir.
Maître Lenoir : En amour, bien sûr que si, ça existe !
Entrée en trombe de François Massac, très excité, avec un sac de sport à la main.
Emilie : La sonnette, Monsieur Massac !
François Massac : Vous là, ça ne va pas recommencer ? Je l’étrangle, je lui tords le cou ou je l'assomme ?
Maître Lenoir : Calme-toi, François, calme-toi !
François Massac : Mais je suis calme, je suis extrêmement calme, tu vois, doux comme un agneau. (il fait des gestes d’énervement, a du mal à se contenir).
Maître Lenoir : Bon, t’as le pognon ?
François Massac : (en montrant le sac) C’est quoi ça, à ton avis ? Mon slip de bain, un tuba et une paire de palmes ?
Maître Lenoir : OK, OK, très bien. Donne-moi ce sac, j’ai pas une minute à perdre.
François Massac : (il va pour lui donner, mais le retient) Je peux pas, je peux pas.
Maître Lenoir : Fais-pas le gamin. Donne-moi ce sac et qu’on en parle plus.
François Massac : (en pleur) J’ai l’impression qu’on m’ampute les 2 mains, qu’on m’arrache le cœur. C’est horrible.
Maître Lenoir : Arrête ton cinéma, tu vas t’en remettre, j’en suis sûr. Ce qui est certain, c’est que c’est moins douloureux que la prison.
François Massac : Attends ! Et si on en enlève un petit peu, ils ne vont se rendre compte de rien. (il commence à ouvrir le sac). Juste un petit peu…
Maître Lenoir : (il prend le sac de force) Ne fais pas le radin, tu n’es pas à 10 000 balles près. Cette fois, j’y vais. Maintenant, rentre chez toi, je te tiens au courant.
Ils sortent tous les deux en même temps.
Emilie : (Face public) J’adore quand un plan se déroule sans accroc.
RIDEAU
Épilogue
Maître Lenoir, Maria Lenoir, François Massac, Irène Massac, Emilie.
Maître Lenoir : (au téléphone, à son bureau) Oui, je tenais à vous remercier pour votre attitude dans cette affaire…bien sûr, Maître Fouillard…mon client vous envoie ses remerciements…à bientôt, Maître Fouillard (il raccroche).
Maria Lenoir : (qui vient de rentrer, une lettre à la main et a entendu la fin de la conversation) Toujours en train de magouiller, c’est plus fort que toi !
Maître Lenoir : Pourquoi tu dis ça ? Ça fait partie de mon job, voilà tout.
Maria Lenoir : Tiens, en parlant de job, prend connaissance de ça ! (elle lui tend la lettre).
Maître Lenoir : (il commence à lire) “À Monsieur Lenoir…blablabla…blablabla…en tant qu’associée majoritaire, j’ai décidé de racheter toutes les parts du cabinet de conseil Lenoir…en conséquence, Monsieur Lenoir ne fait plus parti du cabinet Lenoir…cette décision prend effet ce jour avec application immédiate…signé Maria Lenoir”. Mais qu’est-ce que ça veut dire ?
Maria Lenoir : T’es avocat ou pas ? Tu comprends le français ! Ça veut dire que tu es viré ! C’est si difficile à comprendre ?
Maître Lenoir : Mais enfin Maria, c’est…c’est pas possible ! Tu ne peux pas me faire ça ?
Maria Lenoir : Et pourquoi donc ? Rappelle-toi que j’ai toujours été majoritaire dans ce cabinet. Donc je fais ce que je veux et quand je veux. En l'occurrence, là, c’est tout de suite.
Maître Lenoir : Mais qu’est-ce que je vais devenir et qui va faire tourner le cabinet ?
Maria Lenoir : Ce que tu vas devenir ? Mais ce n’est plus mon problème mon pauvre chéri ! Je sais par contre que tu auras tout ton temps pour jouer au golf. Quant au cabinet, je fais confiance à Emilie qui sera à la hauteur, j’en suis sûre.
Ça sonne, entrée de François Massac, avec un document à la main.
François Massac : Henri, je viens de recevoir le commandement à payer du fisc. J’en ai pour 150 000 euros ! Tu m’avais dit que ça allait s’arranger, c’était en bonne voie !
Maître Lenoir : Ben oui, ça s’est arrangé. Tu vois, tu échappes à la taule !
François Massac : Mais je suis ruiné, Henri ! 300 000 - 200 000, ça fait 100 000 et 100 000 - 150 000, ça fait moins 50 000 euros. Je suis à poil, Henri, je suis à poil !
Maria Lenoir : J’ai bien peur qu’Henri ne puisse plus rien pour toi.
François Massac : T’as gueule, toi, on t’a pas sonné !
Maria Lenoir : (très moqueuse) Oh, Monsieur est en colère. Je t’annonce que Henri ne fait plus partie du cabinet. Je te conseille donc de chercher un autre avocat.
François Massac : Henri ! Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est une blague ? Ah j’ai compris, vous voulez me faire marcher, c’est ça ? Oh les petits farceurs !
Maître Lenoir : Malheureusement non ! Je viens de me faire virer, comme un malpropre. François, cette fois-ci, on est bien dans la merde et jusqu’au cou, je te le confirme.
François Massac : J’y crois pas, j’y crois pas….
Entrée d’Irène Massac.
Irène Massac : Bonjour tout le monde.
François Massac : Irène ? Qu'est-ce que tu viens foutre ici ?
Irène Massac : Je t’en pose des questions ? Mêle-toi de ce qui te regarde. Quoique ça va peut-être t’intéresser. (à Monsieur Lenoir) Henri, je viens t’annoncer que j’ai pris ma décision. J’ai décidé de demander le divorce.
François Massac : Le divorce ? Mais tu ne vas pas t'y mettre toi aussi. Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon dieu ? Vous voulez tous ma mort, c’est ça ? C’est pas possible autrement !
Irène Massac : Mais si, c’est possible ! Et j’aurais dû le demander depuis bien longtemps déjà. Henri, je voudrais que tu sois mon avocat.
Maria Lenoir : Impossible ! Henri ne fait plus partie du personnel de ce cabinet.
Irène Massac : Quoi ? C’est quoi, cette blague ? Henri ? Henri, mais dis quelque chose !
Maître Lenoir : Irène a raison, je ne fais plus partie de ce cabinet. Tu vas devoir t’adresser à quelqu’un d'autre pour défendre tes droits.
Irène Massac : Je ne comprends pas. Qu’est-ce qui se passe ici ?
Maria Lenoir : Il se passe qu’il est l’heure de faire un grand ménage. J’ai mis mon mari et accessoirement ton amant dehors. Et ton mari, accessoirement fauché et cocu, va suivre le même chemin.
François Massac : Pardon ? J’ai du mal comprendre. Cocu ? Irène ? Tu peux m’expliquer ? J’ai l’impression d’avoir raté un épisode !
Maria Lenoir : Tu as bien entendu, François ! Et je vais t’expliquer l’épisode que tu as raté : ton épouse, Irène, a couché, avec mon mari, ton avocat et ton meilleur ami. Si ça peut te rassurer, ça compte pour une seule fois, dans les trois cas, c’était le même : Henri Lenoir !
François Massac : Henri ? Non mais tu ne m’as pas fait ça ? Mais je vais te casser la gueule, je vais t’étrangler, je vais te tuer… (il attrape Henri Lenoir et commence à l’étrangler, les deux femmes essayent de l’en empêcher).
Maria Lenoir : Ça suffit tous les deux, vous irez vous expliquer ailleurs. Maintenant : Dehors ! Allez « Exécution », dehors, du balai, dehors ! DEHORS !
Maria Lenoir, aidée d’Irène Massac, les chasse sans ménagement et les fait sortir.
Maria Lenoir : Bon débarras ! On respire mieux d’un coup, tu ne trouves pas ?
Irène Massac : Oui, c’est vrai en effet. Maria, je suis désolée pour ce qui s’est passé, je ne savais plus où j’en étais. François m’a fait perdre la tête : le fric et les femmes, il n’y avait plus que ça qui l’intéressait. Un vénal et un obsédé ! C’en était devenu insupportable.
Maria Lenoir : Je te comprends, Irène, et je te pardonne. N’en parlons plus. Allez, viens-là, ma chérie. (elles s’embrassent)
Entrée d’Emilie, avec le sac de sport qui a servi à transporter la rançon.
Emilie : Bonjour les filles. Tout va bien ici ?
Maria Lenoir : Tout va très très bien. Ça n'a jamais été aussi bien, n’est-ce pas Irène ?
Irène Massac : Oh que oui. Ça va parfaitement bien !
Emilie : Tant mieux ! Je viens de croiser vos maris à l’instant, on ne peut pas en dire autant pour eux, ils s’engueulaient comme du poisson pourri.
Maria Lenoir : Comme c’est bizarre !
Irène Massac : Oui, tiens, comme c’est bizarre !
Maria Lenoir : Emilie, j'ai une chose à vous annoncer : je vous nomme directrice de ce cabinet. Je suis sûre que vous avez toutes les compétences pour le faire prospérer.
Emilie : Merci Madame Lenoir. Et moi aussi, j’ai quelque chose à vous annoncer. Je vous offre un mois de vacances, tous frais payés, aux Seychelles. (elle sort une liasse de billets de banque et trois billets d’avion du sac).
Elles se prennent par le cou toutes les trois.
Maria Lenoir et Irène Massac : Et merci qui ? Merci Emilie !
Emilie : J’adore quand un plan se déroule sans accroc !
FIN